Opinion individuelle de M. Dillard

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053-19710621-ADV-01-06-EN
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OPINION INDIVIDUELLE DE M. DILLARD

[Traduction]

Dans la présenteopinion, je me propose de formuler certaines obser-

vations générales à l'appui de la clause 1 du dispositif de I'avis,compte
tenu de la façon dont j'interprète les faits et dont je comprends la juris-
prudence de la Cour. Je ferai aussi certaines observations au sujet de
l'effetdela clause2 du dispositif. Pour commencer,je traiterai brièvement
de diverses questions préliminaires et j'exposerai lesraisons pour les-
quelles je ne puis partager les vues de la majoritéde la Cour en ce qui
concerne la désignation d'unjuge ad hoc.
11n'est peut-être pas inutile depréciser dèsl'abord que, selon moi,
I'avisde la Cour (ci-aprèsdénommé((l'avis »)n'a pas un certain nombre
d'objets:

1) Cen'estpas parce que lesarticles 24 et 25 de la Charte sont invoqués
dans l'avis que celui-ci doit êtreinterprété comme reconnaissant aux
Nations Unies de larges pouvoirs d'un caractère législatif ou quasi
législatif. L'avisconcerne une situation très particulière,je dirai même
unique, relativeàunterritoire ayant un statut international,dont I'adminis-
tration met enjeu la fonction de surveillance desNations Unies.

2) L'avis ne cherchepas non plus à justifier la((révocatio)du mandat
par une analyse des motifsqui ont inspiréla politique d'apartheid dans le
territoire ou des objectifs et effetsde son application. Malgréle volumi-
neux dossier qui s'est accumulé àce sujet en l'espacede vingt et un ans,
un tribunal n'a jamais statué sur ce point et une décision judiciaire
n'était pas demandée à ce propos au cours de la présente procédure,
comme cela aurait pu êtrele cas si on l'avait assimilée à une procédure
contentieuse, ainsi que le proposait l'Afrique du Sud. La Cour n'aurait
pas correctement exercéses fonctions judiciaires si elle avait tenté de
trancher la question des violations commises à ce titre sans tirer au clair
tous les faits pertinents. Les passages de l'avis (par. 129-131)qui font

allusion aux ((loiset décretsappliquéspar l'Afrique du Sud en Namibie,
qui sont de notoriété publique 1répondent à la demande introduite par
l'Afrique du Sud en vue de fournir des preuves supplémentaires surles
faits. Comme il est indiquédans I'avis(par. 104),la révocationdumandat
étaitfondéesur d'autres motifs.
3) Limitée, commeelle l'est, au plan des relations intergouvernemen-
tales, la clause 2 du dispositif ne prend pas en considération les transac-
tions privéesni l'activitédirecte des institutions spécialisées. Priseà la lettre, la résolution284 du Conseil de sécuriténe semble pas
inviter la Courà examiner la validité desa résolution276, ni de la résolu-
tion 2145 de l'Assembléegénérale, mais seulement à indiquer les (con-

séquencesjuridiques ))qui en découlent. La Cour n'a pas cru pouvoir
limiter ainsi le champ de son enquête.Voici quels sont, pour moi, les
motifs de cette décision.
On peut difficilement demander à un tribunal de se prononcer sur des
conséquencesjuridiques si les résolutions dont découlent ces dernières
renferment elles-mêmes desconclusions juridiques affectant ces consé-
quences. Relever cela ne signifie aucunement que la Cour conteste
l'application des principes de San Francisco relatifsà l'interprétation de
la Charte. Les résolutions des organes des Nations Unies méritent la
plus grande déférence. Il n'ya évidemmentrien dans la Charte qui oblige

ces organes à demander un avis consultatif ou qui donne à la Cour
(comme c'est lecas dans de nombreuses juridictions nationales) un droit
de contrôle, dont l'exercicepourrait êtredéclenchépar ceux qui sejuge-
raient injustement lésés.
Mais quand ces organes jugent bon de demander un avis consultatif,
ils doivent s'attendreà ce que la Cour agisse strictement en conformité
de sa fonction judiciaire. Celle-ci lui interdit de faire sienne, sans autre
examen, une conclusionjuridique qui conditionne par elle-même lanature
et la portée des conséquencesjuridiques qui en procèdent. La situation

serait différentesi les résolutions invitant la Cour à donner son avis
étaientjuridiquement neutres, comme ce fut le cas pour les trois précé-
dentes demandes d'avis consultatifs concernant le mandat.
La conclusion énoncéeci-dessus peut êtreétayéepar toute une série
d'autres considérations queje me contenterai, pour être bref,de signaler
sans les analyser. Primo, elle est compatible avec la jurisprudence de la
Cour elle-même,comme le montre notamment l'avis relatif à Certaines
dépenses desNations Unies (C.Z.J. Recueil 1962, p. 156, 157, 216,217);
secundo,les débatsqui ont précédé l'adoption de la résolution284 (1970)
du Conseil de sécuritérévèlent qu'il s'esttrouvé seulement cinq Etats

pour estimer que la Cour ne devrait pas mettre en question la validitédes
résolutions pertinentes, tandis que dix Etats exprimaient soit une opinion
contraire, soit des doutes d'ordre constitutionnel, ou encore, s'abste-
naient d'avancer une opinion quelconque sur la question ; tertio, le repré-
sentant du Secrétaire général abattu en retraite à ce sujet pendant la
procédure orale et a renoncé à défendreune position rigide sur ce point
(audience du 8 mars 1971); quarto, sur le plan purement pratique, si la
Cour s'étaitabstenue de procéder à une telle enquêteetsiun raisonnement
dissident fortement charpenté avait fait peser de sérieuxdoutes sur la
validité des résolutions, cela aurait rendu l'avis consultatif beaucoup

moins probant; enfin, il n'est peut-être pas outrecuidant d'émettre
l'opinion que, sur le plan politique, il n'est pas dans l'intérêtg terme
de l'Organisation des Nations Unies de paraître peu désireusede laisser NAMIBIE (S.-O.AFRICAIN) (OP.IND. DILLARD) 152

apprécierla validité juridique de ses résolutions quand elle demande à
un tribunal de trancher des questions qui en dépendent l.

Par son ordonnance du 29janvier 1971,la Cour a rejetéla requêtepar
laquelle le Gouvernement sud-africain demandait à être autoriséà
désignerun juge ad hoc. De mêmeque M. Onyeama, je ne puis souscrire
à la décisionde la Cour, et je crois devoir expliquer ici pourquoi. Dans
notre déclaration commune,jointe à l'ordonnance, nous disions:

((Touten n'estimant pas que la Rkpublique sud-africaine ait établi
son droit de désignerun juge ad hoc en vertu de l'article 83du
Règlement de la Cour, nous sommes convaincus que le pouvoir
discrétionnaire conféréàla Cour envertu de l'article 68de son Statut

lui permet d'approuver une telle désignation et qu'il aurait été
approprié d'exercer ce pouvoir discrétionnaire vu l'intérêtparti-
culier de la République sud-africainedans la question dont la Cour
est saisie))

Si la Cour décide qu'il s'agitd'une ((questionjuridique actuellement
pendante entre deux ou plusieurs Etats » au sens de l'article 83de son
Règlement, qu'il convient de rapprocher de l'article 82, force lui est
d'appliquer l'article 31 de son Statut, qui reconnaîtà 1'Etat qui en fait
la requêteledroitde nommer un juge adhoc.L'article en question assimile
la procédureconsultative à une affaire contentieuse. La décision relative
à l'existenced'une question juridique actuellement pendante entre deux.

ou plusieurs Etats a une incidence directe sur le point de savoir s'ils'agit,
oui OU non, d'un ((différend» au sens de l'article 32 de la Charte des
Nations Unies. Je n'ai pas voulu préjugerla solution de ce problème dès
le début denotre examen. Il semblait toutefois évidentque les intérêse
l'Afrique du Sud étaientvitalement affectés.
L'article 68 du Statut autorise la Cour, dans l'exercicede ses attribu-
tions consultatives, s'inspirerdes dispositions du Statut qui s'appliquent

en matière contentieuse «dans la mesure où elle les reconnaîtra applica-
bles x.
La latitude donnée par cet article ne concerne pas uniquement la
forme sons laquelle une question est posée à la Cour. Au contraire, la
Cour elle-mêmea déclaré quetout dépenddes circonstances particulières
à chaque espèceet qu'elle possède àcet égardun large pouvoir d'appré-
ciation (G.I.J. Recueil 1950, p. 72 et C.I.J. Recueil 1951, p. 19).
La Cour a donc ledroitde nommer unjuge ad hocmêmesans invoquer

l'article 83 de son Règlement.11m'a sembléque, s'iln'étaitpas indispen-

l Bien entendu, ces considérations sont entièrement subordonnées à la considé-
ration principale,i concerne l'intégritéde la fonction judiciaire.

140 NAMIBIE (S.-O.AFRICAIN) (OP. IND. DILLARD) 153

sable d'exercer cepouvoir pour que la Cour soit régulièrement composée,
il eût tout de mêmeétéopportun de le faire en l'espèce '.
Les intérêts del'Afrique du Sud étantenjeu d'une façon aussi critique,
la nomination d'un juge ad hocaurait permis àla Cour d'êtreassurée que

ces intérêtsauraient étéexaminés avecla participation de quelqu'un qui
les connaîtrait à fond. De plus, si l'avis de la Cour devait se révéler
défavorable aux intérêtdse l'Afrique du Sud,la présenced'unjuge adizoc,
mêmedissident, aurait renforcéplutôt qu'affaibli le caractère probant de
l'avis.
Quoi qu'on puisse penser en généralde l'institution desjuges ad hoc -
et les avis diffèrentà ce sujet- il me semble que l'un des motifs qui la
justifient,à savoir le fait qu'il importe non seulement que justice soit
faite mais aussi qu'on le sache, aurait permis à la Cour d'user de son

pouvoir discrétionnaire tout en évitant les difficultés théoriques et
pratiques qu'aurait soulevéesune assimilation plus complète à la procé-
dure contentieuse.

L'Afrique du Sud a contesté la validité formelle des résolutions du
Conseil de sécuritépour toute une sériede motifs qui sont mentionnés
dans l'avis. Il me suffira d'apporter quelques arguments supplémentaires
pour appuyer celui-ci.

Dès l'origine, l'Afrique du Sud a soutenu que les mots «dans lequel
sont comprises les voix de tous les membres permanents »,qui figurent à
l'article 27, paragraphe 3, de la Charte, ôtent toute validitéaux décisions
prises lorsqu'un ou plusieurs membres permanents s'abstiennent volon-
tairement de voter. La résolution 276 (1970) a étéadoptée malgréles
abstentions de la France et du Royaume-Un; (S/PV. 1529 (1970), par.
184)et la résolution284 (1970)a étéadoptéemalgréles abstentions de-la
Pologne, du Royaume-Uni et de l'URSS (S/PV. 1550(1970),par. 160).
Cette thèse se fonde sur une analyse historique et sur la théorieselon

laquelle le libelléde l'article7, paragraphe 3, serait tellement limpide et
dépourvu d'ambiguïté qu'il n'admettrait aucune interprétation, par la
pratique ultérieureou autrement.
Or, cet argumentfait apparaître la faiblesse de l'application mécanique
de la méthodetextuelle, jointe à la règlede l'interprétation selon le sens
naturel et ordinaire des mots. Si la disposition qui nous intéresseavait
étérédigéecomme suit: «dans lequel sont comprises les voix des cinq
membrespermanents, qui doiventêtre présentset exprimer leur vote ...»la
thèseprécitée aurait peut-êtreété justifiée.En l'absence d'une stipulation

l Ayant examinéavec soin l'ordonnance rendue le 31 octobre 1935en l'affaire de
la Compatibilité de certains décrets-lois dantzikois avec la constitution de la Ville
libre(C.P.J.I. sérieAIB no65, ann. 1, p. 69-71),je ne suis pas convaincu de sa perti-
nence, étantdonné quele problème enjeu étaittotalement différentet que le Statut
et le Règlement alors en vigueur n'étaientpas les mêmesqu'aujourd'hui. NAM~B~E (S.-o.AFRICAIN) (OP. IND. DILLARD) 154

aussi précise,le comportement ultérieur desparties constitue manifeste-
ment un moyen légitimed'attribuer à cet article un sensqui soit conforme
à l'attente des parties, et notamment des membres permanents.
Que leur interprétation de cet article ne coïncide pas avec celle de

l'Afriquedu Sud, c'est ceque démontre àsuffisancela pratique constante
du Conseil de sécurité. Les+documentset les autorités invoquéspar les
représentantsdu Secrétaire généradle l'organisation des Nations Unies
et des Etats-Unis au cours de la présente instance (audiencesdu 8 février
et du 9 mars 1971)sont concluants sur ce point l.

Un problème plus fondamental et plus difficile à résoudre que le
précédent esc telui qui concerne l'existence,ou l'inexistence,d'un (diffé-
rend » au sensdes articles 27et 32dela Charte. Il a été affirméqu'en vertu
du premier de ces articles leprincipe de l'abstention obligatoire aurait dû

s'appliquer et qu'en vertu du second l'Afrique du Sud aurait dû être
conviée àparticiper aux discussionsrelatives au prétendudifférend.Jeme
bornerai à examiner ce dernier point.
Aucune signification unique et absolue ne saurait être attribuée au
terme et au concept de ((différend 1)Cette notion doit êtreconsidérée
compte tenu du contexte et du but 'del'article 32.Comme l'indiquent les

discussions du Conseil de sécurité,il s'agissaitde mettre les deux parties
sur un pied d'égalitéou de quasi-égalité,qu'elles fussent membres du
Conseil ou non, ou même qu'ellesfussent Membres des Nations Unies
ou non. (Voir Goodrich, Hambro et Simons, Charter of the UnitedNa-
tions,3"éd.,p. 254.)Sil'on considèreque le différendoppose l'Afriquedu
Sud aux cent quatorze Etats Membres qui ont votépour la résolution

2145de l'A4semblée généralei,lest difficilede voir comment on pourrait
atteindre ce but dans la pratique.
La thèsede l'Afriquedu Sud repose en grande partie surl'arrêtde 1962
qui considérait,aux fins d'établir la compétence de la Cour, qu'il y avait
un ((différend » entre l'Afrique du Sud et les Etats demandeurs. Il faut
rappeler toutefois que cette affirmation se situait dans le contexte de

l'article7 du mandat qui concerne (tout différend, quel qu'il soit » et

l L'explication sommaire ci-dessus ne doit pas donner l'impression que seule la
constatation préalable d'une ([ambigu)lpeut légitimerun examen de la pratique
ultérieurecomme moyen de déterminerla signification d'un texte. Comme on l'a dit,
le mot ((ambigu»lui-même n'estpas sans ambiguïté. Bien des chosesdépendront de
la nature de la question à interpréter (documznt constitutionnel, traitémultilatéral,
traitébilatéral,type de contrat, etc.), du caractère des normes applicables (s'agit-il
d'un principe expriméen termes vagues ou d'une règle précise?)et de ce que l'on
peut attendre compte tenu du contexte global et des intérêts sociauxen cause.
Comme nous l'a rappelé M. le juge Holmes, dans l'affaiTowne c. Eisne r1918,
245 U.S., p. 425), «un mot n'est pas un cristal transparent et immuable. C'est l'en-
veloppe d'une penséeorganique, et sa tonalité et son contenu dépendent des cir-
constances et du moment ou il est employ)).toutes les ((dispositions ))du mandat. II est dit dans l'arrêtde 1962que
((lestermes employéssont larges, clairs et précis: ils ne donnent lieu à
aucune ambiguïtéet n'autorisent aucune exception )(C.I.J. Recueil1962,

p. 343). Cette assertion a néanmoinsété vigoureusement contestée dans
l'opinion dissidente commune de MM. Spender et Fitzmaurice (ibid.,
p. 547-548).
L'article 32 ne vise pas un ((différend ))opposant essentiellement les
Nations Unies en tant qu'organisation et l'un de leurs Etats Membres,
mais plutôt le cas où le Conseil de sécurité sertde tribune neutre utilisée
par deux ou plusieurs de ses membres pour exprimer leurs divergences.

L'article 32 évoquedavantage l'image d'un parent arbitrant une contrG-
verseentre deux ou plusieurs membres de la famille, que celled'un partici-
pant à cette controverse. Telle semble avoir étéla conception des juges
dissidents en 1962. Etant admis que les citations hors de contexte sont
dangereuses, ce qu'ils ont dit paraît néanmoinspertinent:

((On sait du reste que les présentes affaires trouvent tout leur
fons et origo dans les activités de l'Assemblée desNations Unies
relatives au territoire sous Mandat et au Mandataire et qu'elles en
découlentdirectement.Quiconque étudielecompterendu destravaux

de l'Assemblée ou des divers comités ou sous-comités de l'As-
sembléequi se sont occupés de la question, et notamment les
résolutions de l'Assemblée touchant le Sud-Ouest africain qui
ont directement entraîné l'ouverture de la présente procédure
devant la Cour, ne peut douter un instant que le vrai dzfférend
touchant leSud-Ouest africain n'existe qu'entre Z'Etatdéfendeuret
l'Assembléedes Nations Unies ...))(Loc. cit.) (Les italiques sont de

nous.)
Evidemment, il n'est pas douteux qu'il y ait dans unsens un différend
pendant entre l'Afrique du Sud et les autres Etats. C'est d'ailleurs ce

que révèlel'attitude de nombreux Etats devant l'adhésionde l'Afrique du
Sud à la convention de 1'UIT(audience du 27janvier 1971).Les intérêts
de l'Afrique du Sud sont certainement affectéset il serait sûrement possi-
ble de définir lemot ((différend ))de manière qu'il s'applique à la contro-
verse actuelle. Mais, comme il a étédit plus haut, il faut considérerle
contexte et le but. C'est ainsi que la définition,aux termes soigneusement

pesés, donnée par sir Gerald Fitzmaurice en l'affaire du Cameroun
septentrional, dans un contexte d'ineffectivité, estbien différentede celle
qu'appelle l'article32(voir C.I.J. Recueil1963,p. 110).
II appartient au Conseil de déciderd'abord s'il existe un ((différend »
plutôt qu'une ((situation D.L'argument selon lequel les termes de l'article
32 seraient impératifs ne tient pas suffisamment compte des problèmes

qu'implique cette décisionpréalable. Le Conseilde sécuritéet les Etats
Membres ne sont jamais partis de l'idéeque la question de la Namibie
constituait autre chose qu'une ((situation 1)De plus, l'Afrique du Sud,
quoique parfaitement au courant dela nature des discussions envisagées,n'a à aucun moment exprimé le désir d'y participer. Sicette considération
ne répond pas précisément à l'argument tirédu caractère impératifde
l'article 32,elle indique clairement que l'Afrique du Sud ne s'estimait pas
sérieusement léséedu fait qu'elle n'avait pas étéconviée.
Enfin, il ne fautpas oublier que la plupart des demandes d'avis consul-

tatif trouvent leur origine dansgne controverse entre Etats.
On peut donc conclure que sur ce plan la compétencede la Cour n'est
pas ébranlée.
* * *
L'article 65 du Statut confèreà !a Cour un ample pouvoir discrétion-

naire qui lui permet de refuser de rendre un avis consultatif.n'y a donc
aucune incompatibilité logique à considérer que, s'il n'y avait pas de
différendau sens de l'article 32, tel qu'il est appliqué,il peut néanmoins
exister des élémentsde controverse et des questions de fait suffisamment
complexes pour que la Cour soit justifiée à refuser, pour des motifs
d'opportunité, dedonner suite àla demande d'avis. La jurisprudence de
la Cour, telle qu'elle ressort notamment des avisrelatifs auxugements du
Tribunaladministratif del'OIT sur requêtes contrle'Unesco(C.I.J. Recueil
1956,p. 86)et àCertainesdépensesdes Nations Unies(C.I.J. Recueil 1962,
p. 155), semble indiquer que la Cour s'abstient d'exercer son pouvoir

discrétionnaire, à moins qu'il n'y ait des ((raisons décisiv»sde le faire.
Les raisons en l'espècene sont pas suffisamment décisives.
L'Afrique du Sud fait grand cas de l'affaire du Statut de la Carélie
orientale (1923, C.P.J.I. sérieB no 5). Il semble inutile d'alourdir le
présentexposéen reprenant l'analyse déjà faitepar maints auteurs de la
question de savoir si l'affairede l'Interprétation destraités depaix conclus
avec la Bulgarie, la Hongrie et la Roumanie a affaibli l'autorité de la
décision relative au Statut de la Carélie orientaleet en examinant la
relation doctrinale qui existe entre chacun de ces avis et celui qui a été
rendu dans l'affaire de l'Interprétationde l'article 3, paragraphe 2, du
traitédeLausanne (affairede Mossoul) l.Onpourrait dire que la différence

la plus simple qu'on puisse établirentre l'affaire du Statut de la Carélie
orientaleet la présenteespèce résidedans le fait que, dans la première, le
prononcé d'un avis aurait abouti, sous une forme déguisée, à conférer à
la Cour compétenceobligatoire à l'égardd'un Etat non membre de la
Sociétédes Nations - pour ne rien dire de la difficultépratique qu'il y
aurait eu à aborder l'examen de faits controversésen l'absence de l'une
des parties. Dans l'affaire actuelle, si l'Afrique du Sud a soulevédes
objections, elle a néanmoins plaidé sa cause avec énergie et coopéré
pleinement avec la Cour.

Pour une analyse de l'affaire du Statut de la Carélie orientale,voir les exposés
complets deM. Cohen (Etats-Unis) et de M. Fitzmaurice (qui n'était pas encore sir
paix (C.I.J. Mémoires,p. 272-276, 303-312).aire de l'Interprétation des traitésde Pour en venir aux questions de fond, je tenterai maintenant d'expliquer,
en me plaçant dans une perspective large, les raisons pour lesquelles
j'approuve la clause 1 du dispositif de l'avis.
Je me rends compte que, quand on essaie de pénétrerle sens, la portée
juridique, et les espoirs éventuellement suscitéspar des déclarations et

événements passéso,n s'expose à de grandes difficultésd'interprétation.
Cesdifficultéssont multipliéeslorsque les obligations assumées à l'origine
souffrentdes perturbations causéespar de jévénementsimprévus - ici la
deuxièmeguerre mondiale, la dissolution de la Sociétédes Nations et la
naissance des Nations Unies.
Des généralisationstrop absolues ne remplacent pas un raisonnement

analytique serré;je me risquerai néanmoins à dire que, lorsqu'un enga-
gement à long terme, de quelque nature que ce soit, se trouve ainsi
perturbé, il faut alors, pour arriver à une interprétation raisonnable du
sens de cet engagement et des obligations qu'il entraîne, s'appuyer moins
sur l'analyse textuelle que sur l'examen des objectifs et des buts de cet
engagement, replacédans son contexte global l. Cette généralisationest

amplement confirméepar ((lesprincipes générauxde droit reconnus par
les nations ~ivilisées1)tels qu'ils se manifestent dans l'application aux
engagements à long terme des doctrines de l'impossibilité d'executionet
de la frustration des intentions des parties.
La définitionjuridique exacte de l'acte de mandat constitue un difficile
exerciced'analyse, comme le montre abondamuent lajurisprudence de la
Cour. Cet acte comporte à tout le moins un double aspect. D'une part,

il présente «le caractère d'un traitéou d'une convention »(C.I.J. Recueil
1962, p. 330) et, comme tel, ouvre une possibilité d'abrogation pour
cause de violation substantielle, comme l'affirme l'avis et comme les
conseils de divers Etats l'ont plaidé.
D'autre part, il instaure aussi un statut, c'est-à-dire qu'ilconstitue« un
acte d'un type spécial,de nature composite, instituant un régimeinter-

national nouveau » (ibid., p. 331).
11ne présentaitévidemmentpas lecaractèred'un engagementpersonnel

raison quand, en l'affaire concernantdmissibilité de l'audition depétitionnairespar
le Comitédu Sud-Ouest africain,il commentait ainsi l'avis de 1950:

«A première vue, l'avis, dans la mesure où il a reconnu que les Nations Unies
doivent êtresubstituées la Société desNations comme organe de surveillance,
a apporté une modification par rapportà la lettre du Pacte. En fait, l'avis s'est
soumis. Telle est la véritablefonction de l'interprétation..J. Recueil 1956,
p. 56.)

II faut comprendre cette observation en tenant compte dela nature des instruments
en question et du contexte général. (Voirid., p. 44 et 48.) NAMIBIE (S.-O.AFRICAIN) (OP. IND. DILLARD) 158

de prestation de service, pour la persistance duquel l'identitéde l'une
des parties peut être un élémentessentiel l.
Mêmesous l'angle plus étroit d'un engagement à long terme de droit
interne, tel qu'un bail ou un trust(auxquels il a été fait allusionau cours
de la procédure), il ne faut pas forcément conclure qu'un événement
imprévu,par exemple une gperre ou un changement intervenu dans la
direction d'une institution, entraînerait la disparition des obligations

essentielles de l'instrument. La question serait alors de savoir si celui-ci
a pris fin ou s'il peut demeurer en vigueur sans imposer aux parties un
fardeau excessif,non seulement compte tenu de la lettre de l'accord mais
aussi, et c'est plusimportant, de son objet et de son but. Considérédans
une perspective large, l'avisconsultatif de 1950a énonceque l'Afrique du
Sud n'aurait pas eu à supporter un fardeau excessif sielle avait acceptéla

surveillance de l'Assembléegénéraledes Nations Unies.
Cette conclusion se trouve renforcéepar les analogies (à manier tou-
jours avec prudence) qu'on peut tirer des principes de droit généralement
reconnus applicables aux cessions ou transferts de titres, à l'échelon
national, par opposition à des principes analogues àceux de la novation,
laquelle, pour l'Afrique du Sud, serait en fait ce dont il s'agit en l'espèce.

Chaque fois qu'une entreprise est liquidéeet que l'on essaiede transférer
ses droits et obligations à un cessionnaire le problème essentiel n'est pas
celui du consentement du débiteur des obligations (comme dans le cas
d'une novation) mais celui qui consiste à déterminer quel est l'effetde la
cession sur lesdites obligations. Je répèteque l'avisconsultatif de 1950a
déclaréen fait que le transfert aux Nations Unies n'imposait aucun far-
deau excessif à l'Afrique du Sud. Les précédentsjustifiantl'idéeque c'est

là le point essentielà considérerne se comptent plus 2. La jurisprudence
protègeainsil'intérêt dlea société àl'intégritéetà laduréedesengagements
à longterme, sans pour autant perdre de vue l'intérêt dc eelui qui s'oblige.
D'ailleurs, si le mandat étaitdevenu caduc, comme l'Afrique du Sud
l'a soutenu en 1950et continue à le soutenir, il est difficilede croire que
dans ce cas l'annexion eût étéune solution juridique. Comme l'a déclaré

la Cour, dans un passage maintes fois cité de sonopinion de 1950(p. 133)
et repris avec approbation dans l'arrêtde 1962(p. 333):
((L'autoritéque le Gouvernement de l'Union exerce sur le terri-

l Voir notamment l'analyse de M. Jessup, dans son opinion dissidente de 1966
(C.Z.J. Recueil 1966, p. 353 et suiv.). Mêmesi cela n'a étéqu'en passant, l'Afrique du
Sud, dans son exposé écrit(chap. VII, par. 52-53) a paru présenter les choses sous
faire l'objet d'aucun transfert.on de service, conclure personnel, et ne pouvant
En Angleterre, les principaux sont: The British Waggon Co., etc. Lea and
Co.,5 Q.B.D. 149 (1880) et Tollhurst c. AssociatedPortland Cernent Co. (1903) A.C.
(H.L.) 414. Dans chacune de ces affaires, le débiteur de l'obligation prétendait que
la cession avait mis fin au contrat. Le tribunal a repousséchaque fois cette thèse, au
motif que la cession n'imposait au débiteur aucune charge excessive. Des décisions
analogues sont intervenues aux Etats-Unis. Voir Meyer c. Washington Times Co. 76 F
(2d)988(1935).11en ressort que le problèmecentraln'est pas ce1consentement n. toire est fondéesur le Mandat. Si le Mandat avait cesséd'exister,
comme le prétend le Gouvernement de l'Union, l'autorité decelle-ci
aurait également cesséd'exister. Rien ne permet de conserver les
droits dérivésdu Mandat tout en répudiant les obligations qui
en découlent. 1)

Au cours de la présente procédure, l'Afrique du Sud a pourtant
soutenu que (Le Gouvernement sud-africain est d'avis qu'aucune dispo-
sitionjuridique ne l'empêched'annexer le Sud-Ouest africain 1)(audience
du 15 mars 1971).
En 1950 la Cour a dit non seulement que l'acceptation de la surveil-

lance de l'Assembléegénéraledes Nations Unies n'imposerait pas de
charge supplémentaire à l'Afrique du Sud, mais qu'elleouvrait à l'Afrique
du Sud une solution moins radicale que celle qu'elle-mêmeproposait -
et une solution qui lui étaitd'ailleurs très favorable.
Je fais allusion à la conclusion à laquelle la Cour étaitarrivée (malgré

six opinions dissidentes y compris l'opinion logiquement convaincante de
M. De Visscher),selon laquelle ((laCharte n'impose pas à l'Union l'obli-
gation de placer le Sud-Ouest africain sous le régime detutelle ».De plus,
la Cour a déclaréqu'elle ne saurait déduire de diverses considérations
générales uneobligationjuridique, pour les Etatsmandataires, denégocier
de tels accords. (C.I.J. Recueil 1950, p. 140.)

Elle avait précédemmentaffirméque :
((Le degréde surveillance à exercer par l'Assembléegénéralene
saurait ...dépasser celui qui a été appliquésous le Régime des
Mandats et devrait être conforme,autant que possible, à laprocédure
suivie en la matière par le Conseil de la Société desNations. 1)(Ibid.,

p. 138.)
Le dilemme qui se pose ici n'a peut-être pas été suffisamment souligné
au cours de la présente procédure.
Je songe aux négociations qui ont suivi la dissolution de la Sociétédes

Nations. Bien que l'Afrique du Sud n'eût aucune obligation d'accepter le
régime de tutelle ou de négocier un accord de tutelle spécifique, elle
avait assurément le devoir, en sa qualité deMembre des Nations Unies,
d'entamer de bonne foi et mêmesur une base raisonnable, des négocia-
tions avec les Nations Unies en vue d'arriver à une solution viable dans
le cadre du régime detutelle ou en dehors de celui-ci. Ce devoir découlait

de l'ensemble desobligations qui lui incombaient aux termes du Pacte, du
mandat et de la Charte des Nations Unies, vu les objectifs et les buts du
mandat et les dispositions de l'article 2, paragraphe 2, de la Charte l.

'Dans l'opinion individuellequ'il a expriméedans l'affaire de la Procédurede vote
applicable aux questions touchant les rapports et pétitions relatifs aauTerritoire du
Sud-Ouest africain (C.I.J. Recueil 1955, p. 88) M. Klaestad a considéréqu'en tant
que Membre des Nations Unies l'Afrique du Sud avaitIle devoir d'examiner de
bonne foi )une recommandation adoptée par l'Assembléegénérale,mais il concluait
qu'un devoir de cette nature, quelque sérieuxqu'il soit, n'impliquait pas uneri-
table obligationjuridiqueil. Je ne puis faire mienne cette conclusion. Le pouvoir NAMIBIE (S.-O. AFRICAIN) (OP. IND. DILLARD) 160

Il est évidentqu'aucune négociation ne saurait aboutir si les parties
sont en désaccordtotal sur son point de départ. Le dossier montre que

l'Assemblée générale et ses diverses commissions partaient du principe
que l'Assembléeétait dotée de pouvoirs de surveillance suffisants. Cette
opinion était confirméepar la jurisprudence générale dela Cour, non
seulement telle qu'elle s'exprimedans l'avis de 1950, mais aussi par ce

qu'impliquent ses avis de 1955et de 1956et son arrêtde 1962 '.En bref,
l'attitude del'Assemblée à l'égarddesnégociationsreposaitsur une analyse
de ses pouvoirs de surïeillance, qui non seulement était honnêtemais
aussi avait un caractère raisonnable.

Le Gouvernement sud-africain, quant à lui, a paru admettre la légiti-
mité decepoint de départ en 1946et 1947,mais son attitude a changé par
la suite.
Prenant comme prémissede son raisonnement que les avis consultatifs

de la Cour n'ont pas force obligatoire (ce qui est vrai) et que l'arrêtde
1962 ne portait que sür une question préliminaire (ce qui l'est aussi),
l'Afrique du Sud semble avoir considéré quetoute négociation devait

partir de l'idéeque l'Assemblée générale np eossédait aucune espèce de
pouvoir de surveillance. Il est bien évidentque des négociations fondées
sur des prémisses aussicontradictoires devaient constituer, au mieux, une
manièresolennelle de perdre son temps et, au pire, un dialogue de sourds.

discrétionnaire et les possibilités de discussion qu'admet le systèmen'impliquent pas
le droit de s'arroger une liberté d'action illimitée, qui reviendraitsortir en fait du
système (voir C.I.J. Recueil 1955, p. 120). L'arrêtrendu dans les affaires du Plateau
continental de /a mer du Nord ne suppose-t-il pas que les trois gouvernements inté-
ressés étaient juridiquement tenus de négocier de bonne foi selon les directives
indiquées dans l'arrêt(C.I.J. Recueil 1969, p. 47)?
'Il convient de rappeler que l'arrêt de1962 représente le dernier état de la juris-
prudence sur deux points: a) l'obligation de se soumettre à une surveillanceinterna-
tionale a survécu àla Sociétédes Nations; b) <exclure les obligation liéesau Mandat
reviendrait à exclure l'essence mêmedu Mandat il(C.I.J. Recueil 1962, p. 333, 334).
Je m'associe sans réserve à l'interprétation que M. Jessup a donnée de I'arrêtde
1966dans son opinion dissidentesoigneusement motivée et renforcée par une analyse
historique d'ensemble, quand il a dit:

<(Nidans ses trois avis consultatifs. rendus respectivement en 1950, 1955 et
1956, ni dans son arrêtdu 21 décembre 1962, la Cour ne s'est jamais écartéeae
sa conclusion selon laquelle le Mandat a survécu a la dissolution de la Société
des Nations et selon laquelle le Sud-Ouest africain demeure un territoire soumis
au Mandat. 1)(C.I.J. Recueil 1966, p. 327.)

Et plus loin, àpropos des effets de I'arrêtde 1966:
11En outre la Cour n'a pas décidé ...que les obligations incombant anté-
rieurement au Mandataire et consistant à faire rapport et à rendre compte ont
pris fin lors de la-dissolution de la Société des Nations.(Ibid., p. 331.)

Je ne vois pas non plus en quoi il serait illogique d'identifier surveillance interna-
tionale et surveillance par lesations Unies, vu ce à quoi l'on pouvait raisonnable-
ment s'attendre à la dissolution de la Société des Nations et le choix qui s'offrait
alors. Les problèmes de logique, y compris celui des hypothèses empiriques que
suppose le choix de prémisses, débordent le cadre de la présente opinion. A mon sens, vu lesobligations qui 1~iincombaient aux termes du Pacte,
du mandat et de la Charte (telles qu'elles sont analysées dans l'avis),
l'Afrique du Sud n'étaitpas juridiquement fondée à prétendre négocier
sur cette base, pas plus, nous l'avons déjà dit,qu'elle n'était juridique-
ment fondée à déclarer: ciLe Gouvernement sud-africain est d'avis
qu'aucune disposition juridique ne l'empêched'annexer le Sud-Ouest

africain1).
Dire que les avis consultatifs de la Cour n'ont pas, techniquement
parlant, force obligatoire, est une chose. Affirmer qu'ils n'affectentpas le
statut juridique du mandat et lespouvoirs de surveillance de i7Assemblée
en est une autre, toute différente.
, L'histoire des nombreux et vains efforts déployépour amener 17~frjque
du Sud à négociersous l'égide desNations Unies, y compris même les
solutions qui ont été proposées à la place de la mise sous tutelle, est
retracée brièvement dans l'avis et il est inutile d'y revenir ici.Il suffit
de rappeler, sans mettre en cause la bonne foi de l'Afrique du Sud, que

sa persistance à vouloir négocier à partir d'une position qui rejetait le
point de départraisonnable de l'Assembléegénérale a renforcé chez celle-
ci la conviction que l'Afrique du Sud avait en fait répudiéle mandat,
d'autant que la fonction de surveillance et l'envoi de rapports consti-
tuaient sans conteste des éléments essentieldu système.
A vrai dire, les efforts persistants et répétés deNs ations Unies pour
négocier avecl'Afrique du Sud ne traduisaient pas simplement l'action
politique de l'Assemblée. Ilsreprésentaient, dans la conception que se
faisait la communauté internationale des obligations de l'Afrique du Sud
et des responsabilités des Nations Unies, le sentiment d'une continuité.
Ce sont sans aucun doute des considêrations decet ordre qui ont incité

lord Caradon (Royaume-Uni) à déclarer, dans une intervention d'une
importance spécialeet dont les termesétaient soigneusement pesés:

(Pendantplus de quinze ans, nous avons attendu que le Gouverne-
ment sud-africain respecte ses obligations, qui sont claires; il ne l'a
pas fait.Il a nié celles-là,mme il a nié l'existencede toutes les
autres qu'il a contractéesen vertu du Mandat. Il a contesté l'obliga-
tion essentielle de responsabilité internationale.
Qu'allons-nous faire devant son refus? Les multiples tentatives
faites par l'Assembléegénéralp eour convaincrele Gouvernement sud-

africain d'adopterune attitude de coopération se sonttoutes soldées
par deséchecs. Non seulement le Gouvernement sud-africain a refusé
de se soumettre au contrôle des Nations Unies, mais, malgré Ies
déclarations réitéréesde la Cour internationale, il persiste à nier
que le Mandat soit toujours en vigueur.
Que devons-nous conclure de l'intransigeance de l'Afrique du
Siid? Par ce qu'il a dit, autant que par ce qu'il afait, le Gouverne-
ment sud-afiichin a bien montréqu'ilétaitabsolument résolu à nier
età répudierdes obligations essentielles auxquelles il est pourtant

149 NAMIBIE(S.-O. AFRICAIN) (OP. IND. DILLARD) 162

tenu par le Mandat. En répudiantces obligations que la Cour inter-
nationale a si nettement affirmées,l'Afriquedu Suda, enfait, perdu
toute qualité pouradministrer le Mandat. '1)

Si cette question particulière soulevéepar les négociationsn'a pas été
analyséeen profondeur, cela n'infirme pas à mon avis la conclusion ex-
primée à la clause 1du dispositif, étantdonnéque fondamentalement les

faits ne sont pas contestés 2.
Les raisons qui militent en faveur de la conclusion exprimée à la clause
1 du dispositif sont, me semble-t-il, confirméespar des faits de caractère
historique,juridique et logique, sans compter ceux qui sont indiquésdans

l'avis. Lesdocuments retraçant l'histoire du système des mandats sont
des plus complets et ont fait l'objet d'une analyse approfondie dans les
trois avis consultatifs précédents ainsique dans les deux arrêtsrendus au
cours de la longue controverse relative à l'administration du mandat par
l'Afrique du Sud. Beaucoup dépend de la façon dont on interprète ces

documents et événements.Ma propre interprétation me porte à croire
que lepouvoirjuridique de ((révoquer »le mandat pour cause de violation
substantielle était inhérentau système; que la règlede l'unanimitéappli-
quéeau Conseil de la Sociétédes Nations n'étaitpas absolue; qu'il ne
faut attacher aucune signification au fait que la proposition ((chinoise )a

étérepoussée, et qu'une interprétation restrictive de l'article 80 de la
Charte des Nations Unies n'est pas fondée.Ces questions sont traitées
dans I'aviset il serait oiseux d'épiloguerencore à ce sujet 3.

*
* *

l Nations Unies, Documents officielsde l'Assemblée générale1,44Seséance plénière,
19 octobre 1966,point 65 de l'ordre du jour, p. 5. Il convient d'ajouter que la décla-
ration citéen'apporte son appui qu'à la notion de violation. Lorddon a contesté
la sagesse de la révocation du mandat qui était alors proposée et a mis en doute
certains de ses aspects juridiques. On se rappellera que la résolution 2145 (XX!) de
l'Assembléegénéralea étéadoptée par 114 voix contre 2 avec 3 abstentions. Le
Botswana et le Lesotho étaient absexts, l'Afrique du Sud et le Portugal ont voté
contre et la France, le Malawi et le Royaume-Uni se sont abstenus.
La déclaration faite parM. Lauterpacht onze ans avant l'adoption de la réso-
lution 2145 (XXI) de l'Assemblée générale revê utn caractère presque prophétique.
Dans un passage maintes fois cité de son opinion individuelle en l'affaire de la
concerne les territoires sous tutellles territoires assimilés:naire exercéen ce qui

1Ainsi, I'Etat mandataire quipersiste à ne pas tenir compte de l'avis de
l'organisation solennellement exprimé et réitérée,t plus particulièrement dans
le cas où l'expression de cet avis se rapproche de l'unanimité, peut finir par
dépasser la limite imperceptible entre l'impropriété et l'illégalité,entre la
discrétion et i'arbitraire, entre l'exercice de la facultéjuridique de ne pas tenir
compte de la recommandation et l'abus de cette faculté, etil s'est ainsi exposé
aux conséquences-qui en découlent légitimement sous forme d'une sanction
juridique.»(C.I.J. Recueil 1955, p. 120.)
La publication de la Société desNations intitulée Le système des mandats:
Origine, principes et application, dont le chapitre III est reproduit (en anglais) dans La conclusion suivant laquelle l'Assembléegénéraled , ans sa résolution
2145 (XXI), a valablement mis fin au mandat peut se justifier de deux
fac,ns. ,t comme les deux démonstrations ~rocèdentde raisonnements
différents, je vaisindiquer rapidement la portéede chacun.

Selon la première conception, s'il faut admettre que dans l'ensemble
1'~ssemblé~ généralene peut que formuler des recommandations, il est
pourtant clair que dans certains domaines limités ellepossèdeun pouvoir
de décision.Comme la Cour l'a dit dans l'affaire relative à Certaines

dépensesdes Nations Unies :
((Ainsi, tandis que c'est le Conseil de sécurité qui possèdele droit

exclusif d'ordonner une action coercitive, les fonctions et pouvoirs
de l'Assemblée générale seloln a Charte ne sont pas limités à la
discussion, à l'examen, à l'étudeet à la recommandation; ses at-
tributions ne sont pas simplement de caractère exhortatif. » (C.I.J.

Recueil 1962,p. 163.)
La révocation du mandat se situe dans l'un de ces domaines limités.

Il s'agit d'un domaine sui generis. L'exercicede ce pouvoir ne s'accom-
pagnait nullement d'un empiètement sur le domaine de la souveraineté
nationale puisqu'il visait un territoire et un régime dotés d'un statut
international. Le pouvoir était conféré à l'Assembléegénérale indépen-
damment de la Charte tant en raison du problème unique en son genre

que créaitle mandat que du pouvoir attribuépar l'article 80 de la Charte,
qui établissait unecontinuité entre la Société desNations et l'Organisa-
tion des Nations Unies dans le cas des mandats.
L'exercicede ce pouvoir n'est pas sans précédents,témoinles décisions

adoptéespar l'Assembléegénéraleen vertu de l'annexe XI du traité de
paix avec l'Italie et à propos du mandat pour la Palestine, et I'on pour-
rait citer d'autres exemples.

C.I.J. Mémoires, Admissibilité de l'auditionde pétitionnaires par le Comitédu Sud-
Ouest africain,p. 28-35, montre que I'on entendait que le contrôle de la Commission
des mandats fût «Jn contrôle effectif et série...et non pas un contrôle purement
théorique ou fictif2).
Evidemment personne, en 1920, n'snvisageait qu'un mandataire pût commettre
une violation substantielle et il aurait étésurprenant de prévoir expressément la
révocation )]pour une éventualité qui étaitpasséesous silence. C'est d'ailleurs vrai
de laplupart des ergagements à long terme. Il semble biencependant que la Commis-
sion des mandats et d'éminents juristes considéraient que le droit de révocation
p. 230). Aux diverses autorités favorables àcettemanière de voir qui ont étécitéespar
le représentant des Etats-Unis et qui comprenaient l'Instide droit international et
son rapporteur, le professeur Rolin (exposé écrit des Etats-Unis d'Amérique,
deuxièmepartie, section V), il convient d'ajouter l'important témoignage de Bonfils-
Fauchille qui, après un examen approfondi, déclare à la page 887 de son Traité
de droit internotionalpublic,, 1925:

(un mandat international est susceptible d'être révoqué lorsquele mandataire
se rend coupable d'un manquement grave à ses obligations, et c'est le Conseil
qui...prendra à cet égard une décision )).

151 NAMIBIE(S.-O. AFRICAIN) (OP. IND. DILLARD) 164

La conclusion qui précède n'estpas non plus forcément incompatible
avec les conséquencesde l'avis sur la Procédurede vote applicableaux
questions touchantles rapports et pétitions relatifsau Territoire du Sud-

Ouestafricain (C.I.J.Recueil1955,p. 67). 11s'agissaitalorsde déterminer
quelle procédure de vote devait êtreutiliséedans l'exerciced'une surveil-
lancenormale. La Cour a déclaréque ((l'Assemblée généralee,n adoptant
une méthodepour prendre des décisions à l'égard desrapports annuels
et pétitions relatifs au Sud-Ouest africain, doit se fonder exclusivement
sur la Charte ))(ibid., p. 76). En 1955,la Cour ne se préoccupait pas du
cas extrêmede la violation substantielle, qui sort du cadre de l'exécution
normale d'un mandat et qui, par définition, estcontraire à l'exercice
licite des pouvoirs discrétionnaires de1'Etatmandataire.

Lorsqu'elle a décidépar un vote que l'Afrique du Sud avait en fait
dénoncéle mandat, l'Assemblée générale exerçait up nouvoir héritédu
Conseil de la Société desNations dans le cadre strict de son propre
règlement intérieur. Et, comme on l'a vu plus haut, ce pouvoir n'était
pas seulement celui de formuler des recommandations au titre de l'article
10de la Charte puisque l'Assemblées'occupait d'une violation substan-
tielle sortant du cadre normal de l'exécutiond'un mandat.
Dans cette conception, les pouvoirs spéciaux dérivés du mandat re-
vêtentplus d'importance quelespouvoirs généraux conféré psr la Charte,

notamment ceux que les articles 24et 25attribuent au Conseil de sécurité.

L'autre conception place l'accent sur les obligations contractées en
vertu de la Charte. Dans cette optique, la résolution 2145 (XXI) de
l'Assemblée généralé etait cobligatoire», en ce sens qu'elle enregistrait
la volonté collective de tous ceux qui, en votant pour la résolution, se
prononçaient pour la cessation du mandat, mais on tient àsouligner que
les pouvoirs de l'Assemblée générale à l'égard desEtats non consen-

tants )relèventde la catégorie des recommandations. Agissant en vertu
de son autorité de surveillance et conformément à sa procédure de vote,
l'Assembléepouvait mettre fin au mandat mais elle ne pouvait pas im-
poser à l'Afrique du Sud l'obligation de se retirer ni engager les Etats
Membres à coopérer à la réalisationdu retrait.
C'est pour cette raison que l'Assemblées'est adresséeau Conseil de
sécurité.Si le Conseil, dans sa résolution 276, et comme il l'avait fait
dans les résolutions 264 et 269 qui l'avaient précédéea, fait sienne la
résolution 2145 de l'Assemblée généralei,l ne l'a pas ((validée ))puis-

qu'elleétaitdéjà valide.La résolution 276du Conseil a servià transformer
une recommandation en une décision obligatoire pour les Etats qui
n'avaient pas donnéleur consentement.
La Cour fonde principalement son raisonnement sur la théorie qui
vient d'êtreesquissée. J'étaisen faveur de l'autre conception mais, que
ce soit suivant l'une ou l'autre il a valablement étémis fin au mandat, NAMIBIE (S.-O.AFRICAIN) (OP. IND. DILLARD) 165

ce qui justifie la conclusion énoncée à la clause 1 du dispositif de l'avis.
Compte tenu de l'objet, du but et de l'histoire du système desmandats

et compte tenu aussi des problèmes exceptionnelsque ce systèmeposait,
cette conclusion me paraît fondée.

J'en viens maintenant àla clause 2 du dispositif,à propos de laquelle
je nie bornerai à présenter quelques observations qui constituent surtout
des invitations à la prudence.

La clause en question sefonde sur les décisionsde l'Assembléegénérale-
et du Conseil de sécurité,qu'appuient les dispositions de l'article 25 de
la Charte. Mais il traduit aussi, pour une part, les principes généraux
de droit international nésde l'obligation qui incombe aux Etats de refuser
toute reconnaissance officielleà un gouvernement qui occupe illégalement
un territoire.
La résolution2145 de l'Assemblée générale p,lus certaines résolutions
postérieuresdu Conseil de sécurité,que couronne la résolution 276 du

Conseil, règlent, enmêmetemps que l'avisde la Cour, le problème de la
(légalité1).
Il ne faut pas confondre les ((conséquencesjuridiques » découlant de
cette constatation avec les mesures d'exécution précises prévues àl'article
41 de la Charte. En effet, non seulement le Conseil de sécuritén'a pas
invoquéles dispositions du chapitre VI1de la Charte, mais il s'estmême
très soigneusement abstenu de le faire.
On sait fort bien que le Conseil de sécurité n'sljamais établilanature

et la portée exactes des obligations qui incombent aux Etats Membres
des Nations Unies en vertu de l'article 25 de la Charte (Répertoirede la
pratique suiviepar les organes des Nations Unies, 1956,p. 41-56; 1959,
p. 271-280; 1964, p. 295-304 [texte anglais seulement dans ce derilier
cas]).
Au paragraphe 113 de l'avis, la Cbur déclareque, pour elle, l'article 25
de la Charte ne se limite pas aux décisicns corcernant des mesures

coercitives» mais s'applique aux « décisions du Conseil de sécurité ))
adoptées conformément à la Charte. Au paragraphe 114, invitant à la
prudence, la Cour précise qu'il convientde déterminer dans chaque cas
si les pouvoirs découlant de l'article 25 ont étéexercésen fait, ((compte
tenu des termes de la résolution à interpréter, desdébatsqui ont précédé
son adoption, des dispositions de la Charte invoquéeset en généralde
tous les élémentsqui pourraient aider à préciser les conséquencesjuri-
diques de la résolutiondu Conseil de sécurité ».

Il faut noter que !a résolution 276 du Consei: de sécuritén'est pas
orientée vers l'action concrète. Elle envisage surtout une obligation
négative,celle de s'abstenir, et non une obligation positive d'adopter des
mesures concrètes. C'est ainsi qu'au paragraphe 5 du dispositif il est
demandé à tous les Etats «de s'abstenirde toutes relations avec le Gou- NAMIBIE (S.-O.AFRICAIN (OP.INDD . ILLARD) 166

vernement sud-africain qui sont incompatibles avec le paragraphe 2 du

dispositif ))(les italiques sont de nous), lequel déclarait que la présence
continue des autorités sud-africaines en Namibie est illéeale " )).
Comme on l'a vu plus haut, la clause 2 du dispositif de l'avis paraît

se fonder, pour une bonne part au moins, sur les principes de la non-
reconnaissance en droit international, et elle est ainsi en harmonie avec
la résolution 276 du Conseil de sécurité.Mais, pour éviter tout malen-
tendu, la plus grande prudence s'impose.

Je me réfèreici au fait qu'il convient, à la clause 2 du dispositif, d'inter-
rét terles termes (tous actes ))11toutes relations ))et 1aui constitueraient
;ne aide ou une assistance 11s'ansperdre de vue la résérvefondamentale
qui les accompagne, à savoir les mots (qui impliqueraient la reconnais-

sance de la légalité)) de la présence de l'Afrique du Sud en Namibie (les
italiques sont de nous). C'est cela qui, je le répète, fait entrer en jeu la
doctrine de la non-reconnaissance.
Or, il importe de se pénétrerdu fait que cette doctrine n'est pas rigide

au point d'interdire en toutes circonstances toutes relations intergouver-
nementales. Même lorsqu'il en est fait application à des gouvernements
et des Etats non reconnus mais qui administrent en fait le territoire
considéré, ladoctrine permet une certaine souplesse d'application à

certains échelons, là où des relations n'impliquent pas nécessairement
que la légitimitésoit reconnue.
Dans certaines circonstances, il est essentiel de maintenir des relations

limitées, comme le droit international coutumier, néde la pratique des
Etats, en témoigne abondamment. Voir à ce sujet Hackworth, Digest O/
International Law, volume 1,pages 327-364 (1940); Whiteman, Digest of
International Law, volume 2, pages 524-604 (1963); Oppenheim, Inter-

national Law, pages 146-148 (Se éd., 1955). Comme l'a dit Lauterpacht:
(1normalement, rien dans l'attitude de non-reconnaissance ne fait

nécessairement obstacle à certaines relations tant aue I'Etat visé
n'insiste pas pour que soient pleinement et formellement reconnus
les résultats del'acte illicit» (Recognition in International Law (1947),

p. 432 [trahrction du Greffe] (les italiques sont de nous)).

Si cette limitation joue, s'agissant de gouvernements et d'Etats non
reconnus, à plus forte raison jouera-t-elle dalis une situation complexe
dans laquelle un gouvernement comme celui de l'Afrique du Sud est

requis d'évacuer un territoire qu'il administre depuis longtemps. II est
clair qu'interviennent alors des considérations d'ordre pratique et huma-
nitaire tenant à l'interdépendance économique des deux territoires et à
l'imbrication de leurs appareils administratifs.

Les exemples ne manquent pas pour étayer cette thèse. Si la famine,
ou une épidémiede choléra, devait éclater en Namibie avant que I'Orga-
nisation des Nations Unies en ait effectivement pris le contrôle, une
certaine coopération intergouvernementale entre l'Afrique du Sud etd'autres Etatspourrait fort bien devenir nécessaire.De même,si un avion

officiel devait faire un atterrissage forcé (comme cela s'est produit en
Albanie alors que ce pays n'était pas reconnu par les Etats-Unis), il
faudrait bien que certaines relations directes s'établissententre les repré-
sentants officielsdes deux Etats intéressés. Nullereconnaissance implicite
ne découle depareilles relations (Whiteman, Digest of International Law,
p. 530 (1963)). Il est inutile d'invoquer ici d'autres exemples s'appliquant
à toute une gamme de relations.

Il convient de formuler la même mise engarde en ce qui concerne la
première partie de la clause 2 du dispositif.
On notera que la disposition selon laquelle les Etats Membres des
Nations Unies ont l'obligation de reconnaître l'illégalitéde la présence
de l'Afrique du Sud en Namibie et «le défaut de validité des mesures
prises par elle au nom de la Namibie ou en ce qui la concerne 1est moins
généraleque la résolution 276 (1970) du Conseil de sécuritéqui vise

« toutesles mesures ».
Cette formulation est conforme au raisonnement présenté par la
Cour aux paragraphes 122et 125.
A mon avis, cependant, cela n'épuisepas la question. Lesconséquences
juridiques de la constatation de l'illégalitde l'occupation de la Namibie
ne comportent pas forcémentune application automatique d'une doctrine
de la nullité.
Lauterpacht a écrit lque la maxime ex injuriajus non oritur n'est pas

stricte au point d'ôter à des tiers agissant de bonne foi toute possibilité
d'acquérirdes droits. S'il enallait autrement, l'intérêt généralà la sécurité
des transactions en souffrirait beaucoup trop et l'on gêneraitles efforts
visant à réduireles difficultéset frictions inutiles au lieu de soutenir ces
efforts.
C'est ce qu'a reconnu en fait le représentant du Secrétairegénéral des
Nations Unies quand, répondant à une question posée par un juge, il a

déclaréque le Secrétairegénéral «n'a pas penséexposer une théorie de
(la nullitéabsolue » (audience du 8.mars 1971).
II n'est pas possible de spécifierd'avance quels actes peuvent êtreou
ne pas êtrecompatibles avec la présenceillégalede l'Afrique du Sud en
Namibie, puisque cela dépendde nombreux facteurs, ycompris non seule-
ment l'intérêtde cocontractants ayant agi de bonne foi mais aussi le
bien-êtreprésentet futur des habitants de la Namibie.

Jeconclurai sur une autre note. Ii est assurémentvrai qu'avant queI'As-
sembléegénéraleeût mis fin au mandat, iln'avait jamais étéjudiciaire-
ment établique la chose fût possible en droit. Il est non moins exact que

Lauterpacht,Recognitionin InternationLaw (1947),p.420.
155 l'Assemblée généraled ,ans l'exercice de ses pouvoirs de surveillance,
n'a pas posément et rationnellement analysé l'étendue despouvoirs qui
lui ont été attribuéspar application de la formule de San Francisco (ce
que relèveleprofesseur Katz, avec son acuité habituelle,dans son ouvrage

Relerance of International Adjudication (1968, p. 69-123)). Le fait est
gênantmais on ne peut guèreen tirer de conclusion.
Le droit et ce qui est permis en droit, c'est peut-êtrebien ce qu'un
tribunal décide.mais ce n'est Das seulement cela. Le droit est consram-
ment ((en marche IImêmesans décisionjudiciaire d'aucune sorte. Ré-
pondant à une question que lui avait poséeun juge au cours de la procé-
dure orale (audience du 9 mars 19711,le conseil des Etats-Unis d'Amé-
rique a déclaréce qui suit, dans une réponse écrite parvenueau Greffe

le 18mars 1971 :
I(Que, dans le systèmejuridique international, contrairement à ce
qui se passe en droit interne, la partie léséene puisse pas toujours
porter une affaire impliquant une violation substantielle devant un

tribunal international, sauf lorsque les deux parties en cause ont
acceptéla juridiction obligatoire d'un tel tribunal, c'est là un pro-
blèmequi concerne I'efficacitédu droit international et des institu-
tions internationales en généralet pas particulièrement la doctrine
relativeà la violation substantielle. ))

La faiblesse de l'ordre juridique international tient en partie à ce que
le système n'impose pasl'obligation de soumettre les questionsjuridiques
au règlement judiciaire. Cela ne veut pas dire que les décisions desEtats,
interprétant de bonne foi ce que permet ou exige le droit international,
sortent de tout cadre juridique, et cela mêmesi un autre Etat élèveune
objection et en l'absence de règlementjudiciaire.
La résolution 2145 de l'Assemblée générale est une décisio politique

d'une très grande portée pratique. Elle ne représente cependant pas
l'exercice arbitraire d'un pouvoir politique en dehors de toute référence
au droit. Que l'Assembléegénéraleait étéhabilitée à surveiller l'ad-
ministration du mandat est un fait qui a étéconfirmépar lajurisprudence
de la Cour et, comme ilressort de I'avis,les pouvoirs de surveillance com-
portaient en dernière analyse celui de mettre fin au mandat en cas de
violation substantielle.
Les problèmes juridiques que posait la présenteprocédure n'étaientni

simples ni faciles à résoudre. En réalité,ils n'ont pu êtrerésolusqu'après
des audiences et délibérationsqui se sont prolongées bien des mois. Il
convient de dire ici que par leurs vastes connaissances et par leur habileté
consomméedans l'examende cesproblèmes lesreprésentants de l'Afrique
du Sud se sont montrésdignes des plus hautes traditions de la profession
juridique.
Il y a lieu d'espére- et mêmede compter fermement - que l'Afrique
du Sud, qui est une grande nation, respectera le prononcéjudiciaire de la
Cour et l'opinion presque unanime des Nations Unies suivant laquelle NAMIBIE (S.-O. AFRICAIN) (OP. IND. DILLARD) 169

l'administration sud-africaine en Namibie doit prendre fin. Il faut espérer
aussi que, dans les moments délicatset difficiles que l'avenir réserve,et
en particulier pendant la période detransition, un esprit de bonne volonté
réciproque pourra, le moment venu, se substituerà l'esprit d'incompré-
hension.

(SignéH )ardy C. DILLARD.

Bilingual Content

SEPARATE OPINION OF JUDGE DILLARD

In this opinion 1 shall make certain general observations in support

of operative clause 1 of the Opinion based on my reading of the facts
and my understanding of the jurisprudence of the Court. 1 shall also
make some observations concerning the thrust of operative clause 2 as
will appear near the end of this opinion. At the beginning I shall allude
brieflyto a number of preliminary matters and my reason for disagreeing
with the majority of the Court on the issue of the appointment of ajudge
ad hoc.
At the outset it may be well to stress that, in my view, the Opinion of
the Court (hereafter referred to as the Opinion) does not purport to do
the following:

(1) By invoking Articles 24 and 25 of the Charter it does not purport
to carry the implication that, in its view, the United Nations is endowed
with broad powers of a legislative or quasi-legislative character. The
Opinion is addressed to a very specificand unique situation concerning a
territory with an internationalstatus, the administration of whichengaged
the supervisory authority of the United Nations.
(2) It does not purport to validate the "revocation" of the Mandate
on an analysis of the motives inspiring or the purposes and effects at-
tending the application of policies of apartheid in the Territory. Despite
the voluminous record accumulated over a period of 21 years this issue
has never been judicially determined and was not the object of adjudica-
tion inthese proceedings asit might have been had the proceedings been
assimilated to a contentious case in accordance with South Africa's
proposal. It would not have been compatiblewith itsjudicial function to
have determined the issue of breach on these grounds in the absence of
a full exposure of al1 relevant facts. The references in the Opinion
(paras. 129-131)to the "laws and decrees applied by South Africa in
Namibia, which are a matter of public record" was in response to South
Africa's request to supply further factual evidence. The revocation was
rested on other grounds as the Opinion discloses (para. 104).

(3) By confining its scope to intergovernmental relations, operative
clause 2 does not concern itself with private dealings or the activities
directly performed by specialized agencies.
* *

138 OPINION INDIVIDUELLE DE M. DILLARD

[Traduction]

Dans la présenteopinion, je me propose de formuler certaines obser-

vations générales à l'appui de la clause 1 du dispositif de I'avis,compte
tenu de la façon dont j'interprète les faits et dont je comprends la juris-
prudence de la Cour. Je ferai aussi certaines observations au sujet de
l'effetdela clause2 du dispositif. Pour commencer,je traiterai brièvement
de diverses questions préliminaires et j'exposerai lesraisons pour les-
quelles je ne puis partager les vues de la majoritéde la Cour en ce qui
concerne la désignation d'unjuge ad hoc.
11n'est peut-être pas inutile depréciser dèsl'abord que, selon moi,
I'avisde la Cour (ci-aprèsdénommé((l'avis »)n'a pas un certain nombre
d'objets:

1) Cen'estpas parce que lesarticles 24 et 25 de la Charte sont invoqués
dans l'avis que celui-ci doit êtreinterprété comme reconnaissant aux
Nations Unies de larges pouvoirs d'un caractère législatif ou quasi
législatif. L'avisconcerne une situation très particulière,je dirai même
unique, relativeàunterritoire ayant un statut international,dont I'adminis-
tration met enjeu la fonction de surveillance desNations Unies.

2) L'avis ne cherchepas non plus à justifier la((révocatio)du mandat
par une analyse des motifsqui ont inspiréla politique d'apartheid dans le
territoire ou des objectifs et effetsde son application. Malgréle volumi-
neux dossier qui s'est accumulé àce sujet en l'espacede vingt et un ans,
un tribunal n'a jamais statué sur ce point et une décision judiciaire
n'était pas demandée à ce propos au cours de la présente procédure,
comme cela aurait pu êtrele cas si on l'avait assimilée à une procédure
contentieuse, ainsi que le proposait l'Afrique du Sud. La Cour n'aurait
pas correctement exercéses fonctions judiciaires si elle avait tenté de
trancher la question des violations commises à ce titre sans tirer au clair
tous les faits pertinents. Les passages de l'avis (par. 129-131)qui font

allusion aux ((loiset décretsappliquéspar l'Afrique du Sud en Namibie,
qui sont de notoriété publique 1répondent à la demande introduite par
l'Afrique du Sud en vue de fournir des preuves supplémentaires surles
faits. Comme il est indiquédans I'avis(par. 104),la révocationdumandat
étaitfondéesur d'autres motifs.
3) Limitée, commeelle l'est, au plan des relations intergouvernemen-
tales, la clause 2 du dispositif ne prend pas en considération les transac-
tions privéesni l'activitédirecte des institutions spécialisées. 151 NAMIBIA (s.w. AFRICA()SEP. OP. DILLARD)

Read literally, Securityouncil resolution 284 does not appear to ask
the Court to call into question the validity of resolution 276 or General
Assembly resolution 2145 but only to indicate the "legal consequences"
flowing from them. The Court has not felt justified in attaching this
limited scope to its enquiry. My own assessment of the reasons follows:

A court can hardly be expectedto pronounce upon legal consequences
unlessthe resolutions from which the legal consequencesflowwere them-

selves free of legal conclusions affectingthe consequences. To say this,
in no sense implies that the Court is questioning the application of the
San Francisco formula with respect to the interpretation of the Charter.
Furthermore, the greatest deferencemust be givento resolutions adopted
by the organs of the United Nations. There is, of course, nothing in the
Charter which compels these organs to ask for an advisory opinion or
which gives this Court (as in many domestic arenas) a power of review
to be triggered by those who may feel their interests unlawfully invaded.

But when these organs do see fit to ask for an advisory opinion, they
must expectthe Court to act in strict accordance with itsjudicial function.
This function precludes it from accepting, without any enquiry whatever,
a legal conclusion which itself conditions the nature and scope of the

legal consequences flowingfrom it. It would be otherwise if the resolu-
tions requesting an opinion wer,:legally neutral as in the three previous
requests for advisory opinions bearing on the Mandate.

The conclusion reached above can be fortified by a number of other
considerations which, in the interests of brevity, 1 will merely mention
without discussion. First, it is compatible with the Court's own juris-
prudence as revealed, especially in the Certain Expenses case (I.C.J.
Reports 1962,pp. 156, 157, 216,217); second, the debates preceding the
adoption of Security Council resolution 284 disclose that the view that
the Court should not call into question the validity of the relevant
resolutions was held by only fiveStates, while ten either expressed a con-
trary view or voiced constitutional doubts or refrained from expressing

any view on the matter; third, the representative of the Secretary-
General in the course of argumeiit retreated from a dogmatic stance in
the matter (C.R. 71/18, p. 21); fourth, as a sheer practical matter, had
the Court refrained from such an enquiry and had a strongly reasoned
dissent cast grave doubt on the validity of the resolutions, then the
probative value of the Advisory Opinion would have been weakened
and, finally, it may not be presunptuous to suggest that as a political
matter it isnot in the long-range interest of the United Nations to appear Priseà la lettre, la résolution284 du Conseil de sécuriténe semble pas
inviter la Courà examiner la validité desa résolution276, ni de la résolu-
tion 2145 de l'Assembléegénérale, mais seulement à indiquer les (con-

séquencesjuridiques ))qui en découlent. La Cour n'a pas cru pouvoir
limiter ainsi le champ de son enquête.Voici quels sont, pour moi, les
motifs de cette décision.
On peut difficilement demander à un tribunal de se prononcer sur des
conséquencesjuridiques si les résolutions dont découlent ces dernières
renferment elles-mêmes desconclusions juridiques affectant ces consé-
quences. Relever cela ne signifie aucunement que la Cour conteste
l'application des principes de San Francisco relatifsà l'interprétation de
la Charte. Les résolutions des organes des Nations Unies méritent la
plus grande déférence. Il n'ya évidemmentrien dans la Charte qui oblige

ces organes à demander un avis consultatif ou qui donne à la Cour
(comme c'est lecas dans de nombreuses juridictions nationales) un droit
de contrôle, dont l'exercicepourrait êtredéclenchépar ceux qui sejuge-
raient injustement lésés.
Mais quand ces organes jugent bon de demander un avis consultatif,
ils doivent s'attendreà ce que la Cour agisse strictement en conformité
de sa fonction judiciaire. Celle-ci lui interdit de faire sienne, sans autre
examen, une conclusionjuridique qui conditionne par elle-même lanature
et la portée des conséquencesjuridiques qui en procèdent. La situation

serait différentesi les résolutions invitant la Cour à donner son avis
étaientjuridiquement neutres, comme ce fut le cas pour les trois précé-
dentes demandes d'avis consultatifs concernant le mandat.
La conclusion énoncéeci-dessus peut êtreétayéepar toute une série
d'autres considérations queje me contenterai, pour être bref,de signaler
sans les analyser. Primo, elle est compatible avec la jurisprudence de la
Cour elle-même,comme le montre notamment l'avis relatif à Certaines
dépenses desNations Unies (C.Z.J. Recueil 1962, p. 156, 157, 216,217);
secundo,les débatsqui ont précédé l'adoption de la résolution284 (1970)
du Conseil de sécuritérévèlent qu'il s'esttrouvé seulement cinq Etats

pour estimer que la Cour ne devrait pas mettre en question la validitédes
résolutions pertinentes, tandis que dix Etats exprimaient soit une opinion
contraire, soit des doutes d'ordre constitutionnel, ou encore, s'abste-
naient d'avancer une opinion quelconque sur la question ; tertio, le repré-
sentant du Secrétaire général abattu en retraite à ce sujet pendant la
procédure orale et a renoncé à défendreune position rigide sur ce point
(audience du 8 mars 1971); quarto, sur le plan purement pratique, si la
Cour s'étaitabstenue de procéder à une telle enquêteetsiun raisonnement
dissident fortement charpenté avait fait peser de sérieuxdoutes sur la
validité des résolutions, cela aurait rendu l'avis consultatif beaucoup

moins probant; enfin, il n'est peut-être pas outrecuidant d'émettre
l'opinion que, sur le plan politique, il n'est pas dans l'intérêtg terme
de l'Organisation des Nations Unies de paraître peu désireusede laisser 152 NAMIBIA (s.w.AFRICA) (SEP. OP. DILLARD)
to be reluctant to have its resolutions stand the test of legal validity when
it calls upon a court to determine issuesto which this validityis related'.

Byits Order of 29January 1971the Court denied the application of the
South African Government for the appointment of ajudge adhoc. Since
Judge Onyeama and 1disagree with the decision of the Court 1feel it is
incumbent upon me to state my reasons for doing so. In Ourjoint dissent
we declared:

"While we do not think that under Article 83 of the Rules of
Court the Republic of South Africa has established the right to
designate a judge ad hoc, we are satisfied that the discretionary
power vested in the Court under Article 68 of its Statute permits it
to approve such designation and that it would have beenappropriate
to have exercised this discretionary power in view of the special
interest of the Republic of South Africa in the question before the
Court."

If the Court decides that there is a "legal question actually pending
brtween two or more States" within the meaning of Article 83 of its
Rules, read in conjunction with Article 82, then it has no choice but to
apply Article 31 of the Statute of the Court which gives the applicant
State a right to appoint a judge ad hoc. It assimilates the advisory pro-
ceedings into one comparable to a contentious case. The determination
that there is a legal question actually gending between two or more
States has a distinct bearing on whether there is a "dispute" within the

meaning of Article 32 of the Charter of the United Nations. Coming at
the very threshold of Ourenquiry 1was unwilling to prejudge this issue.
At the same time it seemed clear that the interests of South Africa were
vitally affected.
Article 68 of the Statute empowers the Court in the exercise of its
advisory functions to be guided by the provisions of the Statute which
apply in contentious cases "to the extent to which it recognizes them to
be applicable".
The latitude provided by this Article is not circumscribed by the way
questions are put to the Court. On the contrary the Court has itself
declared that it depends on the circumstances of each case and that the
Court possessesa large amount of discretion in the matter (I.C.J. Reports
1950p ,. 72 and I.C.J. Reports 1951p ,. 19).

The Court thus has the power to appoint ajudge adhoceven if Article
83 of itsRules is not invoked. It seemed to me the exercise of the power

l These reasons are, of course, completely subordinate to the principal one
touching the integrity of the judicial function. NAMIBIE (S.-O.AFRICAIN) (OP.IND. DILLARD) 152

apprécierla validité juridique de ses résolutions quand elle demande à
un tribunal de trancher des questions qui en dépendent l.

Par son ordonnance du 29janvier 1971,la Cour a rejetéla requêtepar
laquelle le Gouvernement sud-africain demandait à être autoriséà
désignerun juge ad hoc. De mêmeque M. Onyeama, je ne puis souscrire
à la décisionde la Cour, et je crois devoir expliquer ici pourquoi. Dans
notre déclaration commune,jointe à l'ordonnance, nous disions:

((Touten n'estimant pas que la Rkpublique sud-africaine ait établi
son droit de désignerun juge ad hoc en vertu de l'article 83du
Règlement de la Cour, nous sommes convaincus que le pouvoir
discrétionnaire conféréàla Cour envertu de l'article 68de son Statut

lui permet d'approuver une telle désignation et qu'il aurait été
approprié d'exercer ce pouvoir discrétionnaire vu l'intérêtparti-
culier de la République sud-africainedans la question dont la Cour
est saisie))

Si la Cour décide qu'il s'agitd'une ((questionjuridique actuellement
pendante entre deux ou plusieurs Etats » au sens de l'article 83de son
Règlement, qu'il convient de rapprocher de l'article 82, force lui est
d'appliquer l'article 31 de son Statut, qui reconnaîtà 1'Etat qui en fait
la requêteledroitde nommer un juge adhoc.L'article en question assimile
la procédureconsultative à une affaire contentieuse. La décision relative
à l'existenced'une question juridique actuellement pendante entre deux.

ou plusieurs Etats a une incidence directe sur le point de savoir s'ils'agit,
oui OU non, d'un ((différend» au sens de l'article 32 de la Charte des
Nations Unies. Je n'ai pas voulu préjugerla solution de ce problème dès
le début denotre examen. Il semblait toutefois évidentque les intérêse
l'Afrique du Sud étaientvitalement affectés.
L'article 68 du Statut autorise la Cour, dans l'exercicede ses attribu-
tions consultatives, s'inspirerdes dispositions du Statut qui s'appliquent

en matière contentieuse «dans la mesure où elle les reconnaîtra applica-
bles x.
La latitude donnée par cet article ne concerne pas uniquement la
forme sons laquelle une question est posée à la Cour. Au contraire, la
Cour elle-mêmea déclaré quetout dépenddes circonstances particulières
à chaque espèceet qu'elle possède àcet égardun large pouvoir d'appré-
ciation (G.I.J. Recueil 1950, p. 72 et C.I.J. Recueil 1951, p. 19).
La Cour a donc ledroitde nommer unjuge ad hocmêmesans invoquer

l'article 83 de son Règlement.11m'a sembléque, s'iln'étaitpas indispen-

l Bien entendu, ces considérations sont entièrement subordonnées à la considé-
ration principale,i concerne l'intégritéde la fonction judiciaire.

140while not essential to the legitimacy of the composition of the Court
would have been appropriate '.
Since the interests of South Africa were so critically involved the ap-
pointment of a judge ad hoc would have assured the Court that those
interests would have been viewed through the perspective of one thor-
oughly familiar with them. Furthermore should the Opinion of the Court
have been unfavourable to the interests of South Africa, the presence on
the Court of a judge ad hoc, even in a dissenting capacity, would have
added rather than detracted from the probative value of the Opinion.
Whatever may be thought in general about the institution of a judge
ad hoc, as to which opinions Vary,it seemed to me that one of itsjustifi-
cations, namely that it is important not only that justice bedone but that
it appears to have been done, would havejustified the use of the Court's

discretionary power without attracting the theoretical and practical
difficultiesinvited by assimilating the proceeding to a larger extent into
one comparable to a contentious case.

South Africa has challenged the forma1 validity of Security Council
resolutions on a number of grounds mentioned in the Opinion. It is only
necessary to support the Opinion with a few additional arguments.

At the outset, South Africa contended that the words "including the
concurring votes of the permanent members" in Article 27 (3) preclude
the taking of valid decisions if one or more of the permanent members

voluntarily abstain from voting. Resolution 276 (1970) was adopted
despite the abstentions of France and the United Kingdom (S/PV. 1529
(1970), para. 184); and resolution 284 (1970)was adopted despite the
abstentions of Poland, the United Kingdom and USSR (S/PV. 1550
(1970),para. 160).
The contention is rested on an analysis of legislativehistory and on the
theory that the language of Article 27 (3) is so clear and unambiguous
that no interpretative process, whether by subsequent conduct or other-
wise, is permissible.
The contention reveals the weakness of an indiscriminate application
of the textual approach when coupled with the plain and ordinary
meaning canon of interpretation. Had the critical clause read: "allJive
permanent members, whomustbepresent and voting ...", the contention

might have been justified. In the absence of such a precise prescription
the subsequent conduct of the parties is clearly a legitimate method of

lative Decrees caseP.C.Z.JnS.ries AIB, No. 65, Annex 1, pp. 69-71, has not con--
vinced me that it was controlling in light of the wholly different question at issue in
that case and the different character of theatute and Rules which were then
operative. NAMIBIE (S.-O.AFRICAIN) (OP. IND. DILLARD) 153

sable d'exercer cepouvoir pour que la Cour soit régulièrement composée,
il eût tout de mêmeétéopportun de le faire en l'espèce '.
Les intérêts del'Afrique du Sud étantenjeu d'une façon aussi critique,
la nomination d'un juge ad hocaurait permis àla Cour d'êtreassurée que

ces intérêtsauraient étéexaminés avecla participation de quelqu'un qui
les connaîtrait à fond. De plus, si l'avis de la Cour devait se révéler
défavorable aux intérêtdse l'Afrique du Sud,la présenced'unjuge adizoc,
mêmedissident, aurait renforcéplutôt qu'affaibli le caractère probant de
l'avis.
Quoi qu'on puisse penser en généralde l'institution desjuges ad hoc -
et les avis diffèrentà ce sujet- il me semble que l'un des motifs qui la
justifient,à savoir le fait qu'il importe non seulement que justice soit
faite mais aussi qu'on le sache, aurait permis à la Cour d'user de son

pouvoir discrétionnaire tout en évitant les difficultés théoriques et
pratiques qu'aurait soulevéesune assimilation plus complète à la procé-
dure contentieuse.

L'Afrique du Sud a contesté la validité formelle des résolutions du
Conseil de sécuritépour toute une sériede motifs qui sont mentionnés
dans l'avis. Il me suffira d'apporter quelques arguments supplémentaires
pour appuyer celui-ci.

Dès l'origine, l'Afrique du Sud a soutenu que les mots «dans lequel
sont comprises les voix de tous les membres permanents »,qui figurent à
l'article 27, paragraphe 3, de la Charte, ôtent toute validitéaux décisions
prises lorsqu'un ou plusieurs membres permanents s'abstiennent volon-
tairement de voter. La résolution 276 (1970) a étéadoptée malgréles
abstentions de la France et du Royaume-Un; (S/PV. 1529 (1970), par.
184)et la résolution284 (1970)a étéadoptéemalgréles abstentions de-la
Pologne, du Royaume-Uni et de l'URSS (S/PV. 1550(1970),par. 160).
Cette thèse se fonde sur une analyse historique et sur la théorieselon

laquelle le libelléde l'article7, paragraphe 3, serait tellement limpide et
dépourvu d'ambiguïté qu'il n'admettrait aucune interprétation, par la
pratique ultérieureou autrement.
Or, cet argumentfait apparaître la faiblesse de l'application mécanique
de la méthodetextuelle, jointe à la règlede l'interprétation selon le sens
naturel et ordinaire des mots. Si la disposition qui nous intéresseavait
étérédigéecomme suit: «dans lequel sont comprises les voix des cinq
membrespermanents, qui doiventêtre présentset exprimer leur vote ...»la
thèseprécitée aurait peut-êtreété justifiée.En l'absence d'une stipulation

l Ayant examinéavec soin l'ordonnance rendue le 31 octobre 1935en l'affaire de
la Compatibilité de certains décrets-lois dantzikois avec la constitution de la Ville
libre(C.P.J.I. sérieAIB no65, ann. 1, p. 69-71),je ne suis pas convaincu de sa perti-
nence, étantdonné quele problème enjeu étaittotalement différentet que le Statut
et le Règlement alors en vigueur n'étaientpas les mêmesqu'aujourd'hui.giving meaning to the Article in accordance with the expectations of the
parties, including, in particular, the permanent members.

That their interpretation does not coincide with that of South Africa
isabundantly revealed by the undeviating practice ofthe Security Council.
The records and authorities marshalled by the representatives of the
Secretary-General and the United States in the present proceedings
(C.R. 7111,pp. 36-41 and C.R. 71/19, pp. 8-11). are conclusive on this
point '.

More fundamental and difficult than the previous issue is that con-
cerning the existence vel non of a "dispute" within the meaning of
Article 27 and Article 32. It is contended that under the former the
principle of compulsory abstention should have applied and under the

latter that South Africa should have been invited to participate in the
discussions relating to the alleged dispute. 1confine myself to the latter.

No single, absolute meaning can be attached to the word or concept
of a "dispute". It must be consideîed in context and with reference to the
purpose intended to be served by Article 32. That purpose, as indicated
by Security Council discussions, was to place the parties on the same

footing or a more nearly equal footing whether they weremembers of the
Council oreven ofthe UnitedNations (seeGoodrich, Hambroand Simons,
Charter of the United Nations, 3rd ed., at p. 254). If the dispute is con-
sidered to be between South Africa and the 114 member States voting
for General Assembly resolution 2145 (XXI) it is difficultto see how this
particular purpose could be accommodated in a practicably feasible
manner.

The contention of South Africa leans heavily on the 1962 Judgment
which, for purposes of establishing jurisdiction, did hold that there iYas
a "dispute" between South Africa and the applicant States. It must be
recalled, however, that this holding was in the context of Article 7 of the
Mandate which referred to "any dispute whatever" and to al1the "provi-

The brief statement above is not intended to convey the impression that a
finding of "ambiguity" is a precondition for recourse to subsequent conduct as a
"ambiguous" is itself not free from ambiguity.h depends on the nature of the
subject-matter to be interpreted, i.e., constitutional document, multilateral treaty,
bilateral treaty, type of contract, etc.depends also on the character of the
applicable norms,Le., whether a vaguely worded standard or a precise rule and
much depends on the expectations aroused in light of the entire context and the
social interests involved. word," Justice Holmes has reminded us, "is not a
crystal, transparent and unchanged, it is the skin of a living thought and may
greatly in color and content according to the circumstances and the time in which
it is usedTowne v.Eisne (r918)245U.S. at p. 425. NAM~B~E (S.-o.AFRICAIN) (OP. IND. DILLARD) 154

aussi précise,le comportement ultérieur desparties constitue manifeste-
ment un moyen légitimed'attribuer à cet article un sensqui soit conforme
à l'attente des parties, et notamment des membres permanents.
Que leur interprétation de cet article ne coïncide pas avec celle de

l'Afriquedu Sud, c'est ceque démontre àsuffisancela pratique constante
du Conseil de sécurité. Les+documentset les autorités invoquéspar les
représentantsdu Secrétaire généradle l'organisation des Nations Unies
et des Etats-Unis au cours de la présente instance (audiencesdu 8 février
et du 9 mars 1971)sont concluants sur ce point l.

Un problème plus fondamental et plus difficile à résoudre que le
précédent esc telui qui concerne l'existence,ou l'inexistence,d'un (diffé-
rend » au sensdes articles 27et 32dela Charte. Il a été affirméqu'en vertu
du premier de ces articles leprincipe de l'abstention obligatoire aurait dû

s'appliquer et qu'en vertu du second l'Afrique du Sud aurait dû être
conviée àparticiper aux discussionsrelatives au prétendudifférend.Jeme
bornerai à examiner ce dernier point.
Aucune signification unique et absolue ne saurait être attribuée au
terme et au concept de ((différend 1)Cette notion doit êtreconsidérée
compte tenu du contexte et du but 'del'article 32.Comme l'indiquent les

discussions du Conseil de sécurité,il s'agissaitde mettre les deux parties
sur un pied d'égalitéou de quasi-égalité,qu'elles fussent membres du
Conseil ou non, ou même qu'ellesfussent Membres des Nations Unies
ou non. (Voir Goodrich, Hambro et Simons, Charter of the UnitedNa-
tions,3"éd.,p. 254.)Sil'on considèreque le différendoppose l'Afriquedu
Sud aux cent quatorze Etats Membres qui ont votépour la résolution

2145de l'A4semblée généralei,lest difficilede voir comment on pourrait
atteindre ce but dans la pratique.
La thèsede l'Afriquedu Sud repose en grande partie surl'arrêtde 1962
qui considérait,aux fins d'établir la compétence de la Cour, qu'il y avait
un ((différend » entre l'Afrique du Sud et les Etats demandeurs. Il faut
rappeler toutefois que cette affirmation se situait dans le contexte de

l'article7 du mandat qui concerne (tout différend, quel qu'il soit » et

l L'explication sommaire ci-dessus ne doit pas donner l'impression que seule la
constatation préalable d'une ([ambigu)lpeut légitimerun examen de la pratique
ultérieurecomme moyen de déterminerla signification d'un texte. Comme on l'a dit,
le mot ((ambigu»lui-même n'estpas sans ambiguïté. Bien des chosesdépendront de
la nature de la question à interpréter (documznt constitutionnel, traitémultilatéral,
traitébilatéral,type de contrat, etc.), du caractère des normes applicables (s'agit-il
d'un principe expriméen termes vagues ou d'une règle précise?)et de ce que l'on
peut attendre compte tenu du contexte global et des intérêts sociauxen cause.
Comme nous l'a rappelé M. le juge Holmes, dans l'affaiTowne c. Eisne r1918,
245 U.S., p. 425), «un mot n'est pas un cristal transparent et immuable. C'est l'en-
veloppe d'une penséeorganique, et sa tonalité et son contenu dépendent des cir-
constances et du moment ou il est employ)). 155 NAMIBIP (s.w. AFRICA) (SEP. OP. DILLARD)

sions" of the Mandate. The language employed was said to be "broad,
clear and precise; it givesise to no ambiguity and it permits of no excep-
tion" (I.C.J. Reports 1962, p. 343). Even so, the point was vigorously
opposed in the joint dissenting opinion of Judges Sir Percy Spender and
Sir Gerald Fitzmaurice (ibid., pp. 547-548).
Article 32does not contemplate a "dispute" which is predominantly
between the United Nations as an organized body and one of its com-
ponent Members but ratber one in which the Security Council is acting
as a neutral forum for airing a controversy between two or more of its
members. The Article 32 image is rather that of a parent providing the
means for settling a controversy between two or more members of the
family than that of a parent embroiled in a controversy with one of

them. This seems to have been the notion of the dissenters in 1962.
Granted that quotations out of context are dangerous, their description
appears relevant to the present proceedings:
"lt is common knowledge that the present case finds its whole
fons et origoin, and springs directly from,the activities of the United
Nations Assemblv relative to the mandated Territorv and the Man-

datory. No one &ho studies the record of the pr&eedings in the
Assembly, and of the various Assembly Committees and Sub-
Committees which have been concerned with the matter, and especi-
ally the Assembly resolutions on South West Africa which directly
led upto the institution of the present proceedings before the Court,
can doubt for a moment that the real dispute overSouth West Africa
isbetweentheRespondentState and the UnitedNations Assembly ..."
(loc. cit.) (Emphasis added.)

Of course it is not doubted that in a sense there is a dispute between
South kfrica and the other States. This is revealed in the attitude of
numerous States with respect to South Africa's accession to the ITU
Convention (C.R. (H.C.) 7111,pp. 20-28). South Africa's interests are
definitelyaffected and itis no doubt possible to so frame a definition of a
dispute as to have the present controversyfa11under it. But, as previously
suggested, regard must be had to context and purpose. Thus Judge
Sir Gerald Fitzmaurice's carefully framed definition in the Northern
Cameroonscase in a context of "mootness" is quite different from that
associated with Article 32. (SeeI.C.J. Reports 1963,p. 110.)

It is for the Council to make the preliminary determination that there
is a "dispute" ratherthan a "situation". The argument that the terms of
Article 32 are mandatory seems insufficient to cover the problems in-
volved in this preliminary determination. At no time did the Security
Council or any member State proceed on the assumption that the
Namibian question was anything but a "situation". Furthermore, South
Africa with full knowledge of the nature of the proposed discussions attoutes les ((dispositions ))du mandat. II est dit dans l'arrêtde 1962que
((lestermes employéssont larges, clairs et précis: ils ne donnent lieu à
aucune ambiguïtéet n'autorisent aucune exception )(C.I.J. Recueil1962,

p. 343). Cette assertion a néanmoinsété vigoureusement contestée dans
l'opinion dissidente commune de MM. Spender et Fitzmaurice (ibid.,
p. 547-548).
L'article 32 ne vise pas un ((différend ))opposant essentiellement les
Nations Unies en tant qu'organisation et l'un de leurs Etats Membres,
mais plutôt le cas où le Conseil de sécurité sertde tribune neutre utilisée
par deux ou plusieurs de ses membres pour exprimer leurs divergences.

L'article 32 évoquedavantage l'image d'un parent arbitrant une contrG-
verseentre deux ou plusieurs membres de la famille, que celled'un partici-
pant à cette controverse. Telle semble avoir étéla conception des juges
dissidents en 1962. Etant admis que les citations hors de contexte sont
dangereuses, ce qu'ils ont dit paraît néanmoinspertinent:

((On sait du reste que les présentes affaires trouvent tout leur
fons et origo dans les activités de l'Assemblée desNations Unies
relatives au territoire sous Mandat et au Mandataire et qu'elles en
découlentdirectement.Quiconque étudielecompterendu destravaux

de l'Assemblée ou des divers comités ou sous-comités de l'As-
sembléequi se sont occupés de la question, et notamment les
résolutions de l'Assemblée touchant le Sud-Ouest africain qui
ont directement entraîné l'ouverture de la présente procédure
devant la Cour, ne peut douter un instant que le vrai dzfférend
touchant leSud-Ouest africain n'existe qu'entre Z'Etatdéfendeuret
l'Assembléedes Nations Unies ...))(Loc. cit.) (Les italiques sont de

nous.)
Evidemment, il n'est pas douteux qu'il y ait dans unsens un différend
pendant entre l'Afrique du Sud et les autres Etats. C'est d'ailleurs ce

que révèlel'attitude de nombreux Etats devant l'adhésionde l'Afrique du
Sud à la convention de 1'UIT(audience du 27janvier 1971).Les intérêts
de l'Afrique du Sud sont certainement affectéset il serait sûrement possi-
ble de définir lemot ((différend ))de manière qu'il s'applique à la contro-
verse actuelle. Mais, comme il a étédit plus haut, il faut considérerle
contexte et le but. C'est ainsi que la définition,aux termes soigneusement

pesés, donnée par sir Gerald Fitzmaurice en l'affaire du Cameroun
septentrional, dans un contexte d'ineffectivité, estbien différentede celle
qu'appelle l'article32(voir C.I.J. Recueil1963,p. 110).
II appartient au Conseil de déciderd'abord s'il existe un ((différend »
plutôt qu'une ((situation D.L'argument selon lequel les termes de l'article
32 seraient impératifs ne tient pas suffisamment compte des problèmes

qu'implique cette décisionpréalable. Le Conseilde sécuritéet les Etats
Membres ne sont jamais partis de l'idéeque la question de la Namibie
constituait autre chose qu'une ((situation 1)De plus, l'Afrique du Sud,
quoique parfaitement au courant dela nature des discussions envisagées,no time sought to be included in the discussions. Whilethis fact does not
precisely answer the "mandatory" point, it clearly indicates that South
Africa did not deem itself substantially prejudiced by virtue of a failure
to be invited.
Finally, it may be recalled that most requests for an advisory opinion
are stimulated by some kind of controversy in which States are involved.
The conclusion follows that on this ground the Court's jurisdiction is
not impaired.
* * *

Article 65 of the Court's Statute confers on it ample discretion to
refuse to render an advisory opinion. There is no logical inconsistency,
therefore, in holding that while there was no dispute within the ihended
meaning and application of Article 32 there may yet be such elements of
controversy and complicated factual issues as to warrant the Court in
refusing on the ground of propriety from responding to the request for
an opinion. The jurisprudence of the Court, especiallyas revealed in the
AdministrativeTribunalcase (I.C.J. Reports 1956, p. 86) and the Certain
Expensescase(I.C.J. Reports 1962,p. 155)suggeststhat this discretionary

power will not be exercised unless there are "compelling reasons" for
doing so. The reasons in this instance are not sufficiently compelling.

South Africa leans heavily on the Eastern Careliacase (1923, P.C.I.J.,
Series B, No. 5). It appears unnecessary to burden this statement with
an analysis, so much discussed by commentators, as to whether the
Peace Treatiescase has weakened the persuasive authority of the Eastern
Carelia case and the doctrinal relationship of each to the Mosul case l.
It may be suggested that the simplest point of distinction between the
Eastern Careliacase aiid the present case liesin the fact that to render the
opinionin theformer would have constituted a disguisedform of compul-
soryjurisdiction overa non-member ofthe League ofNations quite apart

from the practical difficultiesto be encountered in attempting todealwith
controverted facts in the absence of one of the parties. In the present case,
while South Africa registered objections, shewas yet a vigorous advocate
and offered the Court optimum.co-operation.

comprehensivestatementsof Mr.Cohen(USA) and thethen Mr.Fitzmaurice(UK)to the
in argumentsin thePeace Treatiecase (I.C.J. Pleadings, pp. 272-276, 303-312).n'a à aucun moment exprimé le désir d'y participer. Sicette considération
ne répond pas précisément à l'argument tirédu caractère impératifde
l'article 32,elle indique clairement que l'Afrique du Sud ne s'estimait pas
sérieusement léséedu fait qu'elle n'avait pas étéconviée.
Enfin, il ne fautpas oublier que la plupart des demandes d'avis consul-

tatif trouvent leur origine dansgne controverse entre Etats.
On peut donc conclure que sur ce plan la compétencede la Cour n'est
pas ébranlée.
* * *
L'article 65 du Statut confèreà !a Cour un ample pouvoir discrétion-

naire qui lui permet de refuser de rendre un avis consultatif.n'y a donc
aucune incompatibilité logique à considérer que, s'il n'y avait pas de
différendau sens de l'article 32, tel qu'il est appliqué,il peut néanmoins
exister des élémentsde controverse et des questions de fait suffisamment
complexes pour que la Cour soit justifiée à refuser, pour des motifs
d'opportunité, dedonner suite àla demande d'avis. La jurisprudence de
la Cour, telle qu'elle ressort notamment des avisrelatifs auxugements du
Tribunaladministratif del'OIT sur requêtes contrle'Unesco(C.I.J. Recueil
1956,p. 86)et àCertainesdépensesdes Nations Unies(C.I.J. Recueil 1962,
p. 155), semble indiquer que la Cour s'abstient d'exercer son pouvoir

discrétionnaire, à moins qu'il n'y ait des ((raisons décisiv»sde le faire.
Les raisons en l'espècene sont pas suffisamment décisives.
L'Afrique du Sud fait grand cas de l'affaire du Statut de la Carélie
orientale (1923, C.P.J.I. sérieB no 5). Il semble inutile d'alourdir le
présentexposéen reprenant l'analyse déjà faitepar maints auteurs de la
question de savoir si l'affairede l'Interprétation destraités depaix conclus
avec la Bulgarie, la Hongrie et la Roumanie a affaibli l'autorité de la
décision relative au Statut de la Carélie orientaleet en examinant la
relation doctrinale qui existe entre chacun de ces avis et celui qui a été
rendu dans l'affaire de l'Interprétationde l'article 3, paragraphe 2, du
traitédeLausanne (affairede Mossoul) l.Onpourrait dire que la différence

la plus simple qu'on puisse établirentre l'affaire du Statut de la Carélie
orientaleet la présenteespèce résidedans le fait que, dans la première, le
prononcé d'un avis aurait abouti, sous une forme déguisée, à conférer à
la Cour compétenceobligatoire à l'égardd'un Etat non membre de la
Sociétédes Nations - pour ne rien dire de la difficultépratique qu'il y
aurait eu à aborder l'examen de faits controversésen l'absence de l'une
des parties. Dans l'affaire actuelle, si l'Afrique du Sud a soulevédes
objections, elle a néanmoins plaidé sa cause avec énergie et coopéré
pleinement avec la Cour.

Pour une analyse de l'affaire du Statut de la Carélie orientale,voir les exposés
complets deM. Cohen (Etats-Unis) et de M. Fitzmaurice (qui n'était pas encore sir
paix (C.I.J. Mémoires,p. 272-276, 303-312).aire de l'Interprétation des traitésde Turning to matters of substance, 1shall attempt to put my support of
operative clause 1 into a broad perspective.

It is appreciated that attempts to recapture the legal meaning and
significance of expectations aroused by events and statements made in
the past invite peculiar difficultiesof interpretation and construction.The

difficulties are compounded when obligations originally assumed are
disrupted by the happening of unexpected events-in this instance the
Second World War, the dissolution of the League and the birth of the
United Nations.
While sweeping generalizations are no substitute for close analytical
reasoning, 1yet venture to say that whenever a long-term engagement, of
whatever nature, is so interrupted, emphasis in attempting a reasonable
interpretation and construction of its meaning and the obligations it
imposes shifts from a textual analysis to one which stresses the object
and purpose of the engagement in light of the total context in which the

engagement was located '.This generalization can be amply supported
by recourse to "the general principles of law recognized by civilized
nations" as revealed in the application of doctrines of impossibility and
frustration to long-term engagements.

The exact legal characterization of the mandate instrument defieseasy
analysis as the jurisprudence of this Court abundantly discloses. At the
minimum, it bore a double aspect. Ontheone hand it"had thecharacter of
a treaty or convention" (Z.C. Jeports 1962, p. 330), and, as such, it
could attract the potentiality of termination for material breach as the

Opinion asserts and counsel for various States argued.

On the other hand it also had a status aspect, that is, it was "a special
type of instrument composite in nature and instituting a novel interna-
tional régime" (ibid p.,31).
Clearly it is not cast in the image of a persona1 service type of enga-

Judge Lauterpacht in theetitioners case, when in dealing with the 1950 Opinion, by
he declared:

"On the face of it, the Opinion, inasmuch as it held that the United Nations
a change as compared with theetter of the Covenant. Actually, the Opinionignified
did no more than give effect to the main purpose of the legal instruments
before it. Thathetrue function of interpretation." (Z.C.J. Reports 1956,p. 56.)

This is to be read in light of the nature of the instruments involved and the total
context. Seebid., pp. 44,48. Pour en venir aux questions de fond, je tenterai maintenant d'expliquer,
en me plaçant dans une perspective large, les raisons pour lesquelles
j'approuve la clause 1 du dispositif de l'avis.
Je me rends compte que, quand on essaie de pénétrerle sens, la portée
juridique, et les espoirs éventuellement suscitéspar des déclarations et

événements passéso,n s'expose à de grandes difficultésd'interprétation.
Cesdifficultéssont multipliéeslorsque les obligations assumées à l'origine
souffrentdes perturbations causéespar de jévénementsimprévus - ici la
deuxièmeguerre mondiale, la dissolution de la Sociétédes Nations et la
naissance des Nations Unies.
Des généralisationstrop absolues ne remplacent pas un raisonnement

analytique serré;je me risquerai néanmoins à dire que, lorsqu'un enga-
gement à long terme, de quelque nature que ce soit, se trouve ainsi
perturbé, il faut alors, pour arriver à une interprétation raisonnable du
sens de cet engagement et des obligations qu'il entraîne, s'appuyer moins
sur l'analyse textuelle que sur l'examen des objectifs et des buts de cet
engagement, replacédans son contexte global l. Cette généralisationest

amplement confirméepar ((lesprincipes générauxde droit reconnus par
les nations ~ivilisées1)tels qu'ils se manifestent dans l'application aux
engagements à long terme des doctrines de l'impossibilité d'executionet
de la frustration des intentions des parties.
La définitionjuridique exacte de l'acte de mandat constitue un difficile
exerciced'analyse, comme le montre abondamuent lajurisprudence de la
Cour. Cet acte comporte à tout le moins un double aspect. D'une part,

il présente «le caractère d'un traitéou d'une convention »(C.I.J. Recueil
1962, p. 330) et, comme tel, ouvre une possibilité d'abrogation pour
cause de violation substantielle, comme l'affirme l'avis et comme les
conseils de divers Etats l'ont plaidé.
D'autre part, il instaure aussi un statut, c'est-à-dire qu'ilconstitue« un
acte d'un type spécial,de nature composite, instituant un régimeinter-

national nouveau » (ibid., p. 331).
11ne présentaitévidemmentpas lecaractèred'un engagementpersonnel

raison quand, en l'affaire concernantdmissibilité de l'audition depétitionnairespar
le Comitédu Sud-Ouest africain,il commentait ainsi l'avis de 1950:

«A première vue, l'avis, dans la mesure où il a reconnu que les Nations Unies
doivent êtresubstituées la Société desNations comme organe de surveillance,
a apporté une modification par rapportà la lettre du Pacte. En fait, l'avis s'est
soumis. Telle est la véritablefonction de l'interprétation..J. Recueil 1956,
p. 56.)

II faut comprendre cette observation en tenant compte dela nature des instruments
en question et du contexte général. (Voirid., p. 44 et 48.)158 NAMIBIA (s.w. AFRICA (SEP. OP. DILLARD)

gement in which the continued existence of one of the parties may be
essential to continued performance l.
Even if viewed through the restricted prism of a long-term engagement
in the national arena, such as a lease or trust (to which allusions were
made in the proceedings), the conclusion would not necessarily follow
that the happening of an unexpected event such as a war or a change in

institutional management would entai1 a collapse of the basic duties
embraced in the engagement. The issue would be whether the engage-
ment was terminated or could continue without imposing an undue
burden on the parties in light not merely of the terms of the engagement
but, more importantly, of its object and purpose. Viewed in large per-
spective the 1950Advisory Opinion decided that no undue burctenwould
be imposed on South Africa by submitting to the supervisory authority

of the United Nations General Assembly.
This conclusion is reinforced by analogies (always to be indulged with
caution) drawn from generally recognized principles of law in national
domains governing "assignments" as opposed to principles analogous to
a novation which South Africa, in effect, considers to be operative.
Whenever there is a liquidation of an enterprise and an attempted transfer
of its rights and obligations to an assignee the cardinal issue does not
centre on the consentof the obligor (as in a novation) but in a determina-

tion of the impact of the transfer on the obligations of the obligor. The
1950Advisory Opinion, to repeat, held, in effect,that this transfer would
impose no undue burden on South Africa. Cases are legion which support
the view that this is the proper focus of enquiry 2.At the jurisprudential
level this preserves the social interests in the integrity and durability of
long-term engagements while still protecting the interests of the obligor.

Indeed had the Mandate lapsed, as South Africa contended in 1950and
continued to maintain, it is difficult to believe that a legal alternative
would have been the power to annex. As the Court stated in a much-
quoted passage in the 1950Dpinion, at page 133 and repeated with ap-
proval in the 1962Judgment at page 333:

"The authority which the Union Government exercises over the

' See, in particular, Judge Jessup's analysis in his dissenting opinion in 1966
(Z.C.J. Reports 1966, p. 353 et seq.). Although it did so only incidentally South
Africa projected the image of a persona1 servicetract and its non-assignability
in its written staternent, Vol. II, p. 155.
The leading cases in England are: TheBritish Waggon Co., etc. v. Leu and Co.,
5 Q.B.D. 149 (1880) and Tollhurst v rsociated Portland Cernent Co. (1903) A.C.
(H.L.) 414. In each case the obligor claimed that the transferterrninated thecontract.
In each case the contention was deniedbecause no undue burden was imposed.
Sirnilar results have beeii rezched in the United States. See Meyer v. Washington
Times Co.76 F (2d) 988 (1935). The point is that "consent" is not the central issue. NAMIBIE (S.-O.AFRICAIN) (OP. IND. DILLARD) 158

de prestation de service, pour la persistance duquel l'identitéde l'une
des parties peut être un élémentessentiel l.
Mêmesous l'angle plus étroit d'un engagement à long terme de droit
interne, tel qu'un bail ou un trust(auxquels il a été fait allusionau cours
de la procédure), il ne faut pas forcément conclure qu'un événement
imprévu,par exemple une gperre ou un changement intervenu dans la
direction d'une institution, entraînerait la disparition des obligations

essentielles de l'instrument. La question serait alors de savoir si celui-ci
a pris fin ou s'il peut demeurer en vigueur sans imposer aux parties un
fardeau excessif,non seulement compte tenu de la lettre de l'accord mais
aussi, et c'est plusimportant, de son objet et de son but. Considérédans
une perspective large, l'avisconsultatif de 1950a énonceque l'Afrique du
Sud n'aurait pas eu à supporter un fardeau excessif sielle avait acceptéla

surveillance de l'Assembléegénéraledes Nations Unies.
Cette conclusion se trouve renforcéepar les analogies (à manier tou-
jours avec prudence) qu'on peut tirer des principes de droit généralement
reconnus applicables aux cessions ou transferts de titres, à l'échelon
national, par opposition à des principes analogues àceux de la novation,
laquelle, pour l'Afrique du Sud, serait en fait ce dont il s'agit en l'espèce.

Chaque fois qu'une entreprise est liquidéeet que l'on essaiede transférer
ses droits et obligations à un cessionnaire le problème essentiel n'est pas
celui du consentement du débiteur des obligations (comme dans le cas
d'une novation) mais celui qui consiste à déterminer quel est l'effetde la
cession sur lesdites obligations. Je répèteque l'avisconsultatif de 1950a
déclaréen fait que le transfert aux Nations Unies n'imposait aucun far-
deau excessif à l'Afrique du Sud. Les précédentsjustifiantl'idéeque c'est

là le point essentielà considérerne se comptent plus 2. La jurisprudence
protègeainsil'intérêt dlea société àl'intégritéetà laduréedesengagements
à longterme, sans pour autant perdre de vue l'intérêt dc eelui qui s'oblige.
D'ailleurs, si le mandat étaitdevenu caduc, comme l'Afrique du Sud
l'a soutenu en 1950et continue à le soutenir, il est difficilede croire que
dans ce cas l'annexion eût étéune solution juridique. Comme l'a déclaré

la Cour, dans un passage maintes fois cité de sonopinion de 1950(p. 133)
et repris avec approbation dans l'arrêtde 1962(p. 333):
((L'autoritéque le Gouvernement de l'Union exerce sur le terri-

l Voir notamment l'analyse de M. Jessup, dans son opinion dissidente de 1966
(C.Z.J. Recueil 1966, p. 353 et suiv.). Mêmesi cela n'a étéqu'en passant, l'Afrique du
Sud, dans son exposé écrit(chap. VII, par. 52-53) a paru présenter les choses sous
faire l'objet d'aucun transfert.on de service, conclure personnel, et ne pouvant
En Angleterre, les principaux sont: The British Waggon Co., etc. Lea and
Co.,5 Q.B.D. 149 (1880) et Tollhurst c. AssociatedPortland Cernent Co. (1903) A.C.
(H.L.) 414. Dans chacune de ces affaires, le débiteur de l'obligation prétendait que
la cession avait mis fin au contrat. Le tribunal a repousséchaque fois cette thèse, au
motif que la cession n'imposait au débiteur aucune charge excessive. Des décisions
analogues sont intervenues aux Etats-Unis. Voir Meyer c. Washington Times Co. 76 F
(2d)988(1935).11en ressort que le problèmecentraln'est pas ce1consentement n.159 NAMIBIA (s.w. AFRICA()SEP. OP. DILLARD)

Territory is based on the Mandate. If the Mandate lapsed, as the
Union Governinent contends, the latter's authority would equally
have lapsed. To retain the rights derived from the Mandate and to
deny the obligations thereunder could not be justified."

Yet in the present proceedings South Africa contended that: "... it is
the view of the South +AfricanGovernment that no legal provision
prevents its annexing South West A.frican(C.R. 71/21, p. 59).

The Court in 1950not only said that submitting to the United Nations
General Assembly imposed no greater burden on South Africa, it also
offered South Africa a milder alternative than the one she proposed and
one which was highly qualified inher favour.

1 refer to the conclusion (despite six dissents including the logically
persuasive opinion of Jiidge De Visscher) that "the Charter does not
impose on the Union an obligation to place South-West Africa under the
Trusteeship System". Furthermore, the Court stated that it could not
deduce from the various general considerations any legal obligation for
mandatory States to negotiate such agreements. (I.C.J. Reports 1950,
p. 140.)
It had previously indicated that :
"The degree of supervision to be exercised by the General Assem-

bly should not.. ..exceed that which applied under the Mandates
System, and should conform as far as possible to the procedure
followed iri this respect by the Council of the League of Nations."
(Ibid., p. 138.)
The dilemma this posed was perhaps insufficientlyaired in the present
proceedings.
The dilemma is focussed on the negotiating process consequent upon
the dissolution of the League of Nations. Although South Africa was

under no duty to submit to the trusteeship system or to negotiate a
specifictrusteeship agreement, yet, as a Member of the United Nations,
she was surely under a duty to negotiate in good faithand even, reason-
ably, witk the United Nations concerning a viable alternative either
within the trusteeship system or outside it. The source of this duty derived
from her combined obligations under the Covenant,the Mandate and the
United Nations Charter in light of the object and purpose of the Mandate
and the requirenients of Article 2 (2) of the Charter l.

' Judge Klaestad in his separate opinion in theVoting Procedure case (Z.C.J.
Reports 1955, p. 88) stated that as a Member of the United Nations South Africa
"is in duty bound toconsider in good faith" a recommendation by the General
Assembly, but concluded that however serious it may be it does not involve a "true
legai obligation". 1cannot agreewith this conclusion. The use of discretion and free-
an attitude of uninhibited freedom of action whichwould be tantamount to operating toire est fondéesur le Mandat. Si le Mandat avait cesséd'exister,
comme le prétend le Gouvernement de l'Union, l'autorité decelle-ci
aurait également cesséd'exister. Rien ne permet de conserver les
droits dérivésdu Mandat tout en répudiant les obligations qui
en découlent. 1)

Au cours de la présente procédure, l'Afrique du Sud a pourtant
soutenu que (Le Gouvernement sud-africain est d'avis qu'aucune dispo-
sitionjuridique ne l'empêched'annexer le Sud-Ouest africain 1)(audience
du 15 mars 1971).
En 1950 la Cour a dit non seulement que l'acceptation de la surveil-

lance de l'Assembléegénéraledes Nations Unies n'imposerait pas de
charge supplémentaire à l'Afrique du Sud, mais qu'elleouvrait à l'Afrique
du Sud une solution moins radicale que celle qu'elle-mêmeproposait -
et une solution qui lui étaitd'ailleurs très favorable.
Je fais allusion à la conclusion à laquelle la Cour étaitarrivée (malgré

six opinions dissidentes y compris l'opinion logiquement convaincante de
M. De Visscher),selon laquelle ((laCharte n'impose pas à l'Union l'obli-
gation de placer le Sud-Ouest africain sous le régime detutelle ».De plus,
la Cour a déclaréqu'elle ne saurait déduire de diverses considérations
générales uneobligationjuridique, pour les Etatsmandataires, denégocier
de tels accords. (C.I.J. Recueil 1950, p. 140.)

Elle avait précédemmentaffirméque :
((Le degréde surveillance à exercer par l'Assembléegénéralene
saurait ...dépasser celui qui a été appliquésous le Régime des
Mandats et devrait être conforme,autant que possible, à laprocédure
suivie en la matière par le Conseil de la Société desNations. 1)(Ibid.,

p. 138.)
Le dilemme qui se pose ici n'a peut-être pas été suffisamment souligné
au cours de la présente procédure.
Je songe aux négociations qui ont suivi la dissolution de la Sociétédes

Nations. Bien que l'Afrique du Sud n'eût aucune obligation d'accepter le
régime de tutelle ou de négocier un accord de tutelle spécifique, elle
avait assurément le devoir, en sa qualité deMembre des Nations Unies,
d'entamer de bonne foi et mêmesur une base raisonnable, des négocia-
tions avec les Nations Unies en vue d'arriver à une solution viable dans
le cadre du régime detutelle ou en dehors de celui-ci. Ce devoir découlait

de l'ensemble desobligations qui lui incombaient aux termes du Pacte, du
mandat et de la Charte des Nations Unies, vu les objectifs et les buts du
mandat et les dispositions de l'article 2, paragraphe 2, de la Charte l.

'Dans l'opinion individuellequ'il a expriméedans l'affaire de la Procédurede vote
applicable aux questions touchant les rapports et pétitions relatifs aauTerritoire du
Sud-Ouest africain (C.I.J. Recueil 1955, p. 88) M. Klaestad a considéréqu'en tant
que Membre des Nations Unies l'Afrique du Sud avaitIle devoir d'examiner de
bonne foi )une recommandation adoptée par l'Assembléegénérale,mais il concluait
qu'un devoir de cette nature, quelque sérieuxqu'il soit, n'impliquait pas uneri-
table obligationjuridiqueil. Je ne puis faire mienne cette conclusion. Le pouvoir 160 NAMIBIA(s.w. AFRICA) (SEP. OP. DILLARD)
Ttis apparent that no negotiating process can be successf~ilif the parties

are at odds as to the fundamental basis on which the process rests. The
records reveal that the basis chosen by the General Assembly and its
various Committees was that it had been sufficiently endowed with
supervisory authority. It was fortified in this conclusion by the broad
doctrinal jurisprudence of this Court not only byvirtue of the 1950Opin-

ion but by the implications flowingfrom those in 1955and 1956and the
Judgment in 1962 '.Tnshort, its negotiating posture was not only based
on a good faith assessrneritof its supervisory authority but a reasonable
one as well.
While the attitude of South Africa appeared to agree with the legiti-
macy of this assumption in the period 1946-1947,its attitude changed

thereafter.
Basing itself on the premise that advisory opinions of this Court are
not binding (which is true) and that the Judgment of 1962was only on a
preliminary issue (which is also true), it appeared to take as a beginning
premise for negotiating that the General Assembly had no power of

supervision whatever. Quite obviously negotiations based on those
conflicting premises qualify, at best, as an empty time-consuming pageant
and at worst as a mere dialogue of the deaf.

outside the system. (See I.C.J. Reports 1955, p. 120.) Surely the implication of the
North Sea Continental Shelf cases was that the three Governments were under a
legal duty to negotiate in good faith along the lines indicated in the Judgnient.
(1.C.J. Reports 1969, p. 47.)

lIt is worth recaliing that the 1962 Judgment represents the latest authoritative
doctrinal statement of thedual d oint that the obligation to submit to international
supervision survived the dissolbtion of the ~ea~;e and that "... to exclude the-
obligations connected with the Mandate would be to exclude the very essence of
the Mandate". (I.C.J. Reports 1962, pp. 333,334.)
1 associate myself entirely with the interpretation placed on the 1966 Judgment
by Judge Jessup when he said, in his carefully reasoned dissenting opinion fortified
by a comprehensive analysis of historical data, that
"In the course of three Advisory Opinions rendered in 1950, 1955 and 1956,
and in its Judgment of 21 December 1962, the Court never deviated from its
conclusion that the Mandate survived the dissolution of the League of Nations
and that South West Africa is still a territory subject to the Mandate." (I.C.J.
Reports 1966, p. 327.)
And later, in discussing the implication of the Judgment in 1966:

"Further, the Court has not decided ...that the Mandatory's former obli-
gations to report, to account and to submit to supervision had lapsed upon
the dissolution of the League of Nations."bid., p. 331.)
Nor-can 1 see that to identify international supervision with supervision by the
UnitedNations involves a logical nonsequitur in light of the expectations reasonably
aroused upon the dissolution of the League and the available alternatives. Logical
problems, including empiric assumptions latent in the choice of premises are beyond
the reach of this opinion.

148 NAMIBIE (S.-O. AFRICAIN) (OP. IND. DILLARD) 160

Il est évidentqu'aucune négociation ne saurait aboutir si les parties
sont en désaccordtotal sur son point de départ. Le dossier montre que

l'Assemblée générale et ses diverses commissions partaient du principe
que l'Assembléeétait dotée de pouvoirs de surveillance suffisants. Cette
opinion était confirméepar la jurisprudence générale dela Cour, non
seulement telle qu'elle s'exprimedans l'avis de 1950, mais aussi par ce

qu'impliquent ses avis de 1955et de 1956et son arrêtde 1962 '.En bref,
l'attitude del'Assemblée à l'égarddesnégociationsreposaitsur une analyse
de ses pouvoirs de surïeillance, qui non seulement était honnêtemais
aussi avait un caractère raisonnable.

Le Gouvernement sud-africain, quant à lui, a paru admettre la légiti-
mité decepoint de départ en 1946et 1947,mais son attitude a changé par
la suite.
Prenant comme prémissede son raisonnement que les avis consultatifs

de la Cour n'ont pas force obligatoire (ce qui est vrai) et que l'arrêtde
1962 ne portait que sür une question préliminaire (ce qui l'est aussi),
l'Afrique du Sud semble avoir considéré quetoute négociation devait

partir de l'idéeque l'Assemblée générale np eossédait aucune espèce de
pouvoir de surveillance. Il est bien évidentque des négociations fondées
sur des prémisses aussicontradictoires devaient constituer, au mieux, une
manièresolennelle de perdre son temps et, au pire, un dialogue de sourds.

discrétionnaire et les possibilités de discussion qu'admet le systèmen'impliquent pas
le droit de s'arroger une liberté d'action illimitée, qui reviendraitsortir en fait du
système (voir C.I.J. Recueil 1955, p. 120). L'arrêtrendu dans les affaires du Plateau
continental de /a mer du Nord ne suppose-t-il pas que les trois gouvernements inté-
ressés étaient juridiquement tenus de négocier de bonne foi selon les directives
indiquées dans l'arrêt(C.I.J. Recueil 1969, p. 47)?
'Il convient de rappeler que l'arrêt de1962 représente le dernier état de la juris-
prudence sur deux points: a) l'obligation de se soumettre à une surveillanceinterna-
tionale a survécu àla Sociétédes Nations; b) <exclure les obligation liéesau Mandat
reviendrait à exclure l'essence mêmedu Mandat il(C.I.J. Recueil 1962, p. 333, 334).
Je m'associe sans réserve à l'interprétation que M. Jessup a donnée de I'arrêtde
1966dans son opinion dissidentesoigneusement motivée et renforcée par une analyse
historique d'ensemble, quand il a dit:

<(Nidans ses trois avis consultatifs. rendus respectivement en 1950, 1955 et
1956, ni dans son arrêtdu 21 décembre 1962, la Cour ne s'est jamais écartéeae
sa conclusion selon laquelle le Mandat a survécu a la dissolution de la Société
des Nations et selon laquelle le Sud-Ouest africain demeure un territoire soumis
au Mandat. 1)(C.I.J. Recueil 1966, p. 327.)

Et plus loin, àpropos des effets de I'arrêtde 1966:
11En outre la Cour n'a pas décidé ...que les obligations incombant anté-
rieurement au Mandataire et consistant à faire rapport et à rendre compte ont
pris fin lors de la-dissolution de la Société des Nations.(Ibid., p. 331.)

Je ne vois pas non plus en quoi il serait illogique d'identifier surveillance interna-
tionale et surveillance par lesations Unies, vu ce à quoi l'on pouvait raisonnable-
ment s'attendre à la dissolution de la Société des Nations et le choix qui s'offrait
alors. Les problèmes de logique, y compris celui des hypothèses empiriques que
suppose le choix de prémisses, débordent le cadre de la présente opinion. 161 NAMIBIA (s.w.AFRICA) (SEP.OP. DILLARD)

In my submission, South Africa, in light of her obligations under the
Covenant, Mandate and Charter (as analysed in the Opinion) was not
legally entitled to assume that negotiating posture any more than, to
repeat, she was legally entitled to claim that "...it is the view of the
South African Government that no legal provision prevents its annexing
South West Africa" (C.R. 71/21, p. 59).

To assert that the advisory opinions of this Court are not technically
binding is one thing. To assert that they have no bearing on the legal
status of the Mandate and the General Assembly's supervisory power is
quite another thing.
An analysis of the many abortive efforts to induce South Africa to
negotiate under the aegis of the United Nations, even including alter-

natives to submitting to the trusteeship systern, are indicated briefly in
the Opinion and need no rehearsal in this staternent. Sufficeitto suggest
that, without impugning the good faith of South Africa, its reiterated
insistence on negotiating from a position that denied the reasonable basis
on which the General Assernbiy'snegotiating posture rested added weight
to the General Assembly's determination that South Africa had, in facî,
disavowed the Mandate and especially so since supervision and report-
ing were admittedly essentiai features of the entire system.
Indeed the insistent and reiterated efforts of the United Nations eo
negotiate with South Africa represented something more than the expres-
sion of General Assembly politiral action. It represented a sense of
continuity in the international community's concept of South Africa's
obligations and the responsibilities incumbent on the United Nations.

No doubt considerations of this kind led Lord Caradon (United King-
dom), in an address of special significance and in carefully rneasured
terms, to declare :

"For over fifteen years we have waited for the South African
Government to comply with its clear obligations. It has failed to do
so.Tthas denied this obligation as it has denied the existence of al1
other obligations incumbent upon it by virtue of the Mandate. It
has opposed the essential requirement of international responsibility.
What are we to do in the face of this refusai? Repeated attenzpts
by the GeneralAssembly topersuade South Africa tu adopt a policy
of CO-operation have been unsucceSsful.A.nd not only has the South
African Government refused to submit to United Nations super-

vision but it continues to deny, despite the repeated pronounce-
ments of the International Court, that the Mandate is still in force.

What conclusions should we draw from this history of South
African intransigence? By word and by action the South African
Government has clearly demonstratedits und~viatingdeterminationto
deny andrepudiate essential obligations, incumbent upon it under the A mon sens, vu lesobligations qui 1~iincombaient aux termes du Pacte,
du mandat et de la Charte (telles qu'elles sont analysées dans l'avis),
l'Afrique du Sud n'étaitpas juridiquement fondée à prétendre négocier
sur cette base, pas plus, nous l'avons déjà dit,qu'elle n'était juridique-
ment fondée à déclarer: ciLe Gouvernement sud-africain est d'avis
qu'aucune disposition juridique ne l'empêched'annexer le Sud-Ouest

africain1).
Dire que les avis consultatifs de la Cour n'ont pas, techniquement
parlant, force obligatoire, est une chose. Affirmer qu'ils n'affectentpas le
statut juridique du mandat et lespouvoirs de surveillance de i7Assemblée
en est une autre, toute différente.
, L'histoire des nombreux et vains efforts déployépour amener 17~frjque
du Sud à négociersous l'égide desNations Unies, y compris même les
solutions qui ont été proposées à la place de la mise sous tutelle, est
retracée brièvement dans l'avis et il est inutile d'y revenir ici.Il suffit
de rappeler, sans mettre en cause la bonne foi de l'Afrique du Sud, que

sa persistance à vouloir négocier à partir d'une position qui rejetait le
point de départraisonnable de l'Assembléegénérale a renforcé chez celle-
ci la conviction que l'Afrique du Sud avait en fait répudiéle mandat,
d'autant que la fonction de surveillance et l'envoi de rapports consti-
tuaient sans conteste des éléments essentieldu système.
A vrai dire, les efforts persistants et répétés deNs ations Unies pour
négocier avecl'Afrique du Sud ne traduisaient pas simplement l'action
politique de l'Assemblée. Ilsreprésentaient, dans la conception que se
faisait la communauté internationale des obligations de l'Afrique du Sud
et des responsabilités des Nations Unies, le sentiment d'une continuité.
Ce sont sans aucun doute des considêrations decet ordre qui ont incité

lord Caradon (Royaume-Uni) à déclarer, dans une intervention d'une
importance spécialeet dont les termesétaient soigneusement pesés:

(Pendantplus de quinze ans, nous avons attendu que le Gouverne-
ment sud-africain respecte ses obligations, qui sont claires; il ne l'a
pas fait.Il a nié celles-là,mme il a nié l'existencede toutes les
autres qu'il a contractéesen vertu du Mandat. Il a contesté l'obliga-
tion essentielle de responsabilité internationale.
Qu'allons-nous faire devant son refus? Les multiples tentatives
faites par l'Assembléegénéralp eour convaincrele Gouvernement sud-

africain d'adopterune attitude de coopération se sonttoutes soldées
par deséchecs. Non seulement le Gouvernement sud-africain a refusé
de se soumettre au contrôle des Nations Unies, mais, malgré Ies
déclarations réitéréesde la Cour internationale, il persiste à nier
que le Mandat soit toujours en vigueur.
Que devons-nous conclure de l'intransigeance de l'Afrique du
Siid? Par ce qu'il a dit, autant que par ce qu'il afait, le Gouverne-
ment sud-afiichin a bien montréqu'ilétaitabsolument résolu à nier
età répudierdes obligations essentielles auxquelles il est pourtant

149 Mandate. Byrepudiating those obligations, so clearly affirmed by the
international Court, ithasineflect,forfeited ifs title to administerthe
Mandute l."

The fact that this specific negotiating issue was not analysed in depth
is not, however, sufficientin my opinion to weaken the conclusion reached

in operative clause 1 since the facts are not basically controverted 2.

The reasons supporting the conclusion reached in operative clause 1
can, in my opinion, be fortified by data of an historiral, legal and logical
character in addition to that supplied in the Opinion.The records tracing

the history of the mandates systern are comprehensive and have been the
subject of elaborate analysis in the three previous Advisory Opinions and
the two Judgments rendered throughout the long history of the contro-
versy over South Africa's administration of the Mandate. Much depends

on the way these records and events are viewed. My own reading leads
me to believethat the legal power to "revoke" the Mandate for a material
breach was inherent in the systern; that the unanimity rule in the League
Council was not absolute; that no significance can be attached to the
rejection of the so-called Chinese proposal and that a restrictive inter-

pretation of Article 80 of the United Nations Charter is not justified.
These matters are covered in the Opinion and it would be tedious to
elaborate upon them 3.

lUnited Nations General Assembly, 1448th Plenary Meeting, 19 October 1966,
Agenda Item 65, pp. 4, 5. It should be addedthat the statementsabove only support
the notion of breach. Lord Caradon questioned the wisdom and certain legal
aspects of the then proposed termination of the Mandate. It will be recalled that
General Assembly resolution 2145 (XXI) was carried by a vote of 114 to 2 with 3
abstentions. Botswana and Lesotho were absent. Portugal and South Africa dissented
and the United Kingdom, France-and Malawi abstained.

There is something almost prophetic in the pronouncement made by Judge
Lauterpacht 11 years before General Assembly resolution 2145 (XXI) was adopted.
In a much-quoted passage in his separate opinion in the Votieg Procedure case, he
suggested, in dealing with the discretionary power exercised under the trusteeship
system and assimilated territories:

"Thus an Administering State whichconsistently sets itselfabove the solemnly
tion as that judgment approximates to unanimity, mayfind that ithas overstepped
the imperceptible line between impropriety and illegality, between discretion
and arbitrariness, between the exercise of the legal right to disregard the
recommendation and the abuse of that right, and that it has exposed itself to
consequences legitimately following as a legal sanction." (Z.C.J. Reports 1955,
p. 120.)

Evidence that the supervisory role of the Mandates Commission was intended
to be an "effective and genuine, not a purely theoretical or formal, supervision" is NAMIBIE(S.-O. AFRICAIN) (OP. IND. DILLARD) 162

tenu par le Mandat. En répudiantces obligations que la Cour inter-
nationale a si nettement affirmées,l'Afriquedu Suda, enfait, perdu
toute qualité pouradministrer le Mandat. '1)

Si cette question particulière soulevéepar les négociationsn'a pas été
analyséeen profondeur, cela n'infirme pas à mon avis la conclusion ex-
primée à la clause 1du dispositif, étantdonnéque fondamentalement les

faits ne sont pas contestés 2.
Les raisons qui militent en faveur de la conclusion exprimée à la clause
1 du dispositif sont, me semble-t-il, confirméespar des faits de caractère
historique,juridique et logique, sans compter ceux qui sont indiquésdans

l'avis. Lesdocuments retraçant l'histoire du système des mandats sont
des plus complets et ont fait l'objet d'une analyse approfondie dans les
trois avis consultatifs précédents ainsique dans les deux arrêtsrendus au
cours de la longue controverse relative à l'administration du mandat par
l'Afrique du Sud. Beaucoup dépend de la façon dont on interprète ces

documents et événements.Ma propre interprétation me porte à croire
que lepouvoirjuridique de ((révoquer »le mandat pour cause de violation
substantielle était inhérentau système; que la règlede l'unanimitéappli-
quéeau Conseil de la Sociétédes Nations n'étaitpas absolue; qu'il ne
faut attacher aucune signification au fait que la proposition ((chinoise )a

étérepoussée, et qu'une interprétation restrictive de l'article 80 de la
Charte des Nations Unies n'est pas fondée.Ces questions sont traitées
dans I'aviset il serait oiseux d'épiloguerencore à ce sujet 3.

*
* *

l Nations Unies, Documents officielsde l'Assemblée générale1,44Seséance plénière,
19 octobre 1966,point 65 de l'ordre du jour, p. 5. Il convient d'ajouter que la décla-
ration citéen'apporte son appui qu'à la notion de violation. Lorddon a contesté
la sagesse de la révocation du mandat qui était alors proposée et a mis en doute
certains de ses aspects juridiques. On se rappellera que la résolution 2145 (XX!) de
l'Assembléegénéralea étéadoptée par 114 voix contre 2 avec 3 abstentions. Le
Botswana et le Lesotho étaient absexts, l'Afrique du Sud et le Portugal ont voté
contre et la France, le Malawi et le Royaume-Uni se sont abstenus.
La déclaration faite parM. Lauterpacht onze ans avant l'adoption de la réso-
lution 2145 (XXI) de l'Assemblée générale revê utn caractère presque prophétique.
Dans un passage maintes fois cité de son opinion individuelle en l'affaire de la
concerne les territoires sous tutellles territoires assimilés:naire exercéen ce qui

1Ainsi, I'Etat mandataire quipersiste à ne pas tenir compte de l'avis de
l'organisation solennellement exprimé et réitérée,t plus particulièrement dans
le cas où l'expression de cet avis se rapproche de l'unanimité, peut finir par
dépasser la limite imperceptible entre l'impropriété et l'illégalité,entre la
discrétion et i'arbitraire, entre l'exercice de la facultéjuridique de ne pas tenir
compte de la recommandation et l'abus de cette faculté, etil s'est ainsi exposé
aux conséquences-qui en découlent légitimement sous forme d'une sanction
juridique.»(C.I.J. Recueil 1955, p. 120.)
La publication de la Société desNations intitulée Le système des mandats:
Origine, principes et application, dont le chapitre III est reproduit (en anglais) dans 163 NAMIBIA (s.w. AFRICA (SEP. OP. DILLARD)

The conclusion that the General Assembly in resolution 2145 (XXI)
validly terminated the Mandate may be supported by two separate
approaches and since they are grounded on different processes of reason-
ing I shall briefly indicate the scope of each.

The first approach asserts that, conceding that the powers exercised by
the General Assembly are grosso modo of a recommendatory character
only, it is yet clear that in certain limited areas it has decisioc-making
power. As stated in the CertainExpensescase:

"Thus while it is the Security Council which, exclusively, may
order coercive action, the functions and powers conferred by the
Charter on the General Assembly are not confined to discussion,
consideration, the initiation of studies, andthe making of recommen-
dations ;they arenot merely hortatory ." (I.C.J. Reports 1962,p. 163.)

The termination of the Mandate reposes in one of those lirnited areas.
It is an area that is suigeneris.And the exercise of the power involved no
invasion of national sovereignty since it was focussed on a territory and a

régimewith an international status. The power was conferred on the
General Assembly aliundethe Charterthroughthe unique situation posed
by the Mandate coupled with authority granted under Article 80 of the
Charter, which constituted a bridge between the League of Nations and
the United Nations in so far asmandates were concerned.

Precedents exist for the exercise of such power as the decisions taken

under Annex XI of the Peace Treaty with Italy and General Assembly
action with respect to the Palestine Mandate attest, and other examples
could be cited.

revealed in the League of Nations publication, The Mandates System; Origin,
Prinçiples,Application quoted inextenso in Z.C.J.Pleadings, Admissibility of Hearings
ofPetitioners, pp. 28-35.

Clearly no-one contemplated in 1920 that a mandatory would commit a material
breach and it would have been unusual to have specifically provided for "revocation"
in light of that non-contemplated contingency. Indeed, this is true of most long-termi
engagements. There is, however, support for the propositiothat the right ofevo-
cation was considered to be inherent, in the view of the Mandates Commission and
leading jurists (Z.C.J. Pleadings, International Status of South- West Africu, 1950,
tative of the United States, which includethe views of the authoritative Institutesen-
of International Law and its rapporteur Professor Rolin (United States written
statement, Part II, Section), rnay be added the high authority of Bonfils-Fauchille,
Traitéde droit intepationa1 public, 1 (1925), which, after a thorough examination,
States at p. 887:
"...un mandat international est susceptible d'être révoqué lorsque le manda-
taire se rend coupable d'un manquement grave à ses obligations, et c'est le
Conseil qui. ..prendra àcet égardune décision". La conclusion suivant laquelle l'Assembléegénéraled , ans sa résolution
2145 (XXI), a valablement mis fin au mandat peut se justifier de deux
fac,ns. ,t comme les deux démonstrations ~rocèdentde raisonnements
différents, je vaisindiquer rapidement la portéede chacun.

Selon la première conception, s'il faut admettre que dans l'ensemble
1'~ssemblé~ généralene peut que formuler des recommandations, il est
pourtant clair que dans certains domaines limités ellepossèdeun pouvoir
de décision.Comme la Cour l'a dit dans l'affaire relative à Certaines

dépensesdes Nations Unies :
((Ainsi, tandis que c'est le Conseil de sécurité qui possèdele droit

exclusif d'ordonner une action coercitive, les fonctions et pouvoirs
de l'Assemblée générale seloln a Charte ne sont pas limités à la
discussion, à l'examen, à l'étudeet à la recommandation; ses at-
tributions ne sont pas simplement de caractère exhortatif. » (C.I.J.

Recueil 1962,p. 163.)
La révocation du mandat se situe dans l'un de ces domaines limités.

Il s'agit d'un domaine sui generis. L'exercicede ce pouvoir ne s'accom-
pagnait nullement d'un empiètement sur le domaine de la souveraineté
nationale puisqu'il visait un territoire et un régime dotés d'un statut
international. Le pouvoir était conféré à l'Assembléegénérale indépen-
damment de la Charte tant en raison du problème unique en son genre

que créaitle mandat que du pouvoir attribuépar l'article 80 de la Charte,
qui établissait unecontinuité entre la Société desNations et l'Organisa-
tion des Nations Unies dans le cas des mandats.
L'exercicede ce pouvoir n'est pas sans précédents,témoinles décisions

adoptéespar l'Assembléegénéraleen vertu de l'annexe XI du traité de
paix avec l'Italie et à propos du mandat pour la Palestine, et I'on pour-
rait citer d'autres exemples.

C.I.J. Mémoires, Admissibilité de l'auditionde pétitionnaires par le Comitédu Sud-
Ouest africain,p. 28-35, montre que I'on entendait que le contrôle de la Commission
des mandats fût «Jn contrôle effectif et série...et non pas un contrôle purement
théorique ou fictif2).
Evidemment personne, en 1920, n'snvisageait qu'un mandataire pût commettre
une violation substantielle et il aurait étésurprenant de prévoir expressément la
révocation )]pour une éventualité qui étaitpasséesous silence. C'est d'ailleurs vrai
de laplupart des ergagements à long terme. Il semble biencependant que la Commis-
sion des mandats et d'éminents juristes considéraient que le droit de révocation
p. 230). Aux diverses autorités favorables àcettemanière de voir qui ont étécitéespar
le représentant des Etats-Unis et qui comprenaient l'Instide droit international et
son rapporteur, le professeur Rolin (exposé écrit des Etats-Unis d'Amérique,
deuxièmepartie, section V), il convient d'ajouter l'important témoignage de Bonfils-
Fauchille qui, après un examen approfondi, déclare à la page 887 de son Traité
de droit internotionalpublic,, 1925:

(un mandat international est susceptible d'être révoqué lorsquele mandataire
se rend coupable d'un manquement grave à ses obligations, et c'est le Conseil
qui...prendra à cet égard une décision )).

151 NAMIBIE(S.-O. AFRICAIN) (OP. IND. DILLARD) 164

La conclusion qui précède n'estpas non plus forcément incompatible
avec les conséquencesde l'avis sur la Procédurede vote applicableaux
questions touchantles rapports et pétitions relatifsau Territoire du Sud-

Ouestafricain (C.I.J.Recueil1955,p. 67). 11s'agissaitalorsde déterminer
quelle procédure de vote devait êtreutiliséedans l'exerciced'une surveil-
lancenormale. La Cour a déclaréque ((l'Assemblée généralee,n adoptant
une méthodepour prendre des décisions à l'égard desrapports annuels
et pétitions relatifs au Sud-Ouest africain, doit se fonder exclusivement
sur la Charte ))(ibid., p. 76). En 1955,la Cour ne se préoccupait pas du
cas extrêmede la violation substantielle, qui sort du cadre de l'exécution
normale d'un mandat et qui, par définition, estcontraire à l'exercice
licite des pouvoirs discrétionnaires de1'Etatmandataire.

Lorsqu'elle a décidépar un vote que l'Afrique du Sud avait en fait
dénoncéle mandat, l'Assemblée générale exerçait up nouvoir héritédu
Conseil de la Société desNations dans le cadre strict de son propre
règlement intérieur. Et, comme on l'a vu plus haut, ce pouvoir n'était
pas seulement celui de formuler des recommandations au titre de l'article
10de la Charte puisque l'Assemblées'occupait d'une violation substan-
tielle sortant du cadre normal de l'exécutiond'un mandat.
Dans cette conception, les pouvoirs spéciaux dérivés du mandat re-
vêtentplus d'importance quelespouvoirs généraux conféré psr la Charte,

notamment ceux que les articles 24et 25attribuent au Conseil de sécurité.

L'autre conception place l'accent sur les obligations contractées en
vertu de la Charte. Dans cette optique, la résolution 2145 (XXI) de
l'Assemblée généralé etait cobligatoire», en ce sens qu'elle enregistrait
la volonté collective de tous ceux qui, en votant pour la résolution, se
prononçaient pour la cessation du mandat, mais on tient àsouligner que
les pouvoirs de l'Assemblée générale à l'égard desEtats non consen-

tants )relèventde la catégorie des recommandations. Agissant en vertu
de son autorité de surveillance et conformément à sa procédure de vote,
l'Assembléepouvait mettre fin au mandat mais elle ne pouvait pas im-
poser à l'Afrique du Sud l'obligation de se retirer ni engager les Etats
Membres à coopérer à la réalisationdu retrait.
C'est pour cette raison que l'Assemblées'est adresséeau Conseil de
sécurité.Si le Conseil, dans sa résolution 276, et comme il l'avait fait
dans les résolutions 264 et 269 qui l'avaient précédéea, fait sienne la
résolution 2145 de l'Assemblée généralei,l ne l'a pas ((validée ))puis-

qu'elleétaitdéjà valide.La résolution 276du Conseil a servià transformer
une recommandation en une décision obligatoire pour les Etats qui
n'avaient pas donnéleur consentement.
La Cour fonde principalement son raisonnement sur la théorie qui
vient d'êtreesquissée. J'étaisen faveur de l'autre conception mais, que
ce soit suivant l'une ou l'autre il a valablement étémis fin au mandat,operative clause 1. In light of the object, purpose and history of the
mandates system and the unique problems it posed, the conclusion is,
in my opinion, well founcied.

Turning to operative clause 2,1 shall confinemyselfto a fewcomments
mainly ofa cautionary nature.

Operative clause 2 of the Opinion is based on the pronouncements of
the General Assembly and the Security Council, reinforced by the pro-
visions of Article 25 of the Charter. In part, it is also a reflection of
general principles of international law arising from the obligations of
States to refuseofficialrecognition to a government illegallyin control of

a territory.
General Assembly resolution 2145 (XXI), coupled with subsequent
Security Council resolutions, culminating in Security Council resolution
276 (1970), together with the Opinion of this Court, have settled the
issue of "legality".
The "legal consequences" flowingfrom that determination must not be
confused with specific enforcement measures under Article 41 of the
Charter. Not only did the Security Council fail to invoke the provisions
of Chapter VI1of the Charter, it studiously avoided doing so.

It is well known,that the exact nature and scope of the obligations
incurred by Members of the United Nations under Article 25 of the
Charter have never been determined by the Security Council (Repertory
of United Nations Practice, 1955, pp. 37-51; 1958, pp. 257-265; 1964,
pp. 295-304).

Paragraph 113of the Opinion announces that, in the viewofthe Court,
Article 25 is not confined to "decisions in regard to enforcement action"
but applies to "the decisions of the Security Council" adopted in accor-
dance with the Charter. Paragraph 114sounds the caiitionary note that
the question of the exerciseof power under Article 25must be determined
in anyparticular instancebythe "terms ofthe resolutioa to beinterpreted,
the discussions leading to it, the Charter provisions invoked and, in
general, al1 circumstances that might assist in determining the legal
consequences ofthe resolution of the Security Council".

Itis to be observed that Security Council resoiution 276 (1970)is not
action oriented. It speaks principally of a negative duty of restraint, not a
positive duty of action. Thus operative paragraph 5 calls upoa al1States
"to refrainfxomany dealingswith the Governmrnt of South Africa which
are inconsistent with operative paragraph 2" (emphasis added). This NAMIBIE (S.-O.AFRICAIN) (OP. IND. DILLARD) 165

ce qui justifie la conclusion énoncée à la clause 1 du dispositif de l'avis.
Compte tenu de l'objet, du but et de l'histoire du système desmandats

et compte tenu aussi des problèmes exceptionnelsque ce systèmeposait,
cette conclusion me paraît fondée.

J'en viens maintenant àla clause 2 du dispositif,à propos de laquelle
je nie bornerai à présenter quelques observations qui constituent surtout
des invitations à la prudence.

La clause en question sefonde sur les décisionsde l'Assembléegénérale-
et du Conseil de sécurité,qu'appuient les dispositions de l'article 25 de
la Charte. Mais il traduit aussi, pour une part, les principes généraux
de droit international nésde l'obligation qui incombe aux Etats de refuser
toute reconnaissance officielleà un gouvernement qui occupe illégalement
un territoire.
La résolution2145 de l'Assemblée générale p,lus certaines résolutions
postérieuresdu Conseil de sécurité,que couronne la résolution 276 du

Conseil, règlent, enmêmetemps que l'avisde la Cour, le problème de la
(légalité1).
Il ne faut pas confondre les ((conséquencesjuridiques » découlant de
cette constatation avec les mesures d'exécution précises prévues àl'article
41 de la Charte. En effet, non seulement le Conseil de sécuritén'a pas
invoquéles dispositions du chapitre VI1de la Charte, mais il s'estmême
très soigneusement abstenu de le faire.
On sait fort bien que le Conseil de sécurité n'sljamais établilanature

et la portée exactes des obligations qui incombent aux Etats Membres
des Nations Unies en vertu de l'article 25 de la Charte (Répertoirede la
pratique suiviepar les organes des Nations Unies, 1956,p. 41-56; 1959,
p. 271-280; 1964, p. 295-304 [texte anglais seulement dans ce derilier
cas]).
Au paragraphe 113 de l'avis, la Cbur déclareque, pour elle, l'article 25
de la Charte ne se limite pas aux décisicns corcernant des mesures

coercitives» mais s'applique aux « décisions du Conseil de sécurité ))
adoptées conformément à la Charte. Au paragraphe 114, invitant à la
prudence, la Cour précise qu'il convientde déterminer dans chaque cas
si les pouvoirs découlant de l'article 25 ont étéexercésen fait, ((compte
tenu des termes de la résolution à interpréter, desdébatsqui ont précédé
son adoption, des dispositions de la Charte invoquéeset en généralde
tous les élémentsqui pourraient aider à préciser les conséquencesjuri-
diques de la résolutiondu Conseil de sécurité ».

Il faut noter que !a résolution 276 du Consei: de sécuritén'est pas
orientée vers l'action concrète. Elle envisage surtout une obligation
négative,celle de s'abstenir, et non une obligation positive d'adopter des
mesures concrètes. C'est ainsi qu'au paragraphe 5 du dispositif il est
demandé à tous les Etats «de s'abstenirde toutes relations avec le Gou-166 NAMIBIA (s.w. AFRICA (SEP.OP. DILLARD)

paragraph declares that "the continued presence of the South African
authorities in Namibia is illegal".

The Opinion of the Court in operative clause 2, as suggested earlier,
appears to be grounded at least in large part on principles of non-
recognition under international law, and isthus in harmony with Security
Council resolution 276. But a strong caveat is needed to avoid any mis-
understanding.
1refer to the fact that the references in operative clause 2 to "any acts"
and "any dealings" are to be read subject to the critically significant
qualifying phrase "implying recognitionof the legality" of South Africa's

presence in Namibia (emphasis added). This announces, to repeat, the
doctrine of non-recognition.

It is important to understand that this doctrine is not so rigid as to
preclude al1intergovernmental dealings under al1circumstances. Even as
applied to non-recognized governments and States, in which the admi-
nistrative control of the government over the territory is conceded, the
doctrine permits of flexibilityin application atsuch governmental levels
as do not implyrecognition of legitimacy.

Under particular circumstances a limited measure of intercourse is
essential as customary international law, derived from the practice of

States, abundantly reveals. (Hackworth, Digest of International Law,
Vol. 1,pp. 327-364(1940);Whiteman, Digest of InternationalLaw, Vol. 2,
pp. 524-604(1963); Oppenheim, InternationalLaw, pp. 146-148(8th ed.,
1955).)As Lauterpacht has stated :
"...in normal circumstances there is nothing in the attitude of non-
recognition whichnecessarilyconstitutes an obstacle in the way'ofa

measure ofintercourse so longas the State againstwhichit is directed
does not insist on full andforma1 recognition of the results of the
illegalact" (Recognitioninlnternational ~aw(1947),p. 432(emphasis
added)).
If this limitation applies in the context of non-recognized governments

and States, it surely applies even more to a complex situation in which
a government such as South Africa is required to withdraw from a terri-
tory over which it has long exercised administrative control. Considera-
tions of a practical and humanitarian nature are clearly involved in light
of the economic interdependence of the two areas and their interlocking
administrative structures.
Examplescan be easilysuggestedto support this view.Thus if a famine
or a cholera epidemic wereto break out in Namibia prior to the effective
exerciseof control by the United Nations a measure of intergovernmental
CO-operation between South Africa and other States might well be NAMIBIE (S.-O.AFRICAIN (OP.INDD . ILLARD) 166

vernement sud-africain qui sont incompatibles avec le paragraphe 2 du

dispositif ))(les italiques sont de nous), lequel déclarait que la présence
continue des autorités sud-africaines en Namibie est illéeale " )).
Comme on l'a vu plus haut, la clause 2 du dispositif de l'avis paraît

se fonder, pour une bonne part au moins, sur les principes de la non-
reconnaissance en droit international, et elle est ainsi en harmonie avec
la résolution 276 du Conseil de sécurité.Mais, pour éviter tout malen-
tendu, la plus grande prudence s'impose.

Je me réfèreici au fait qu'il convient, à la clause 2 du dispositif, d'inter-
rét terles termes (tous actes ))11toutes relations ))et 1aui constitueraient
;ne aide ou une assistance 11s'ansperdre de vue la résérvefondamentale
qui les accompagne, à savoir les mots (qui impliqueraient la reconnais-

sance de la légalité)) de la présence de l'Afrique du Sud en Namibie (les
italiques sont de nous). C'est cela qui, je le répète, fait entrer en jeu la
doctrine de la non-reconnaissance.
Or, il importe de se pénétrerdu fait que cette doctrine n'est pas rigide

au point d'interdire en toutes circonstances toutes relations intergouver-
nementales. Même lorsqu'il en est fait application à des gouvernements
et des Etats non reconnus mais qui administrent en fait le territoire
considéré, ladoctrine permet une certaine souplesse d'application à

certains échelons, là où des relations n'impliquent pas nécessairement
que la légitimitésoit reconnue.
Dans certaines circonstances, il est essentiel de maintenir des relations

limitées, comme le droit international coutumier, néde la pratique des
Etats, en témoigne abondamment. Voir à ce sujet Hackworth, Digest O/
International Law, volume 1,pages 327-364 (1940); Whiteman, Digest of
International Law, volume 2, pages 524-604 (1963); Oppenheim, Inter-

national Law, pages 146-148 (Se éd., 1955). Comme l'a dit Lauterpacht:
(1normalement, rien dans l'attitude de non-reconnaissance ne fait

nécessairement obstacle à certaines relations tant aue I'Etat visé
n'insiste pas pour que soient pleinement et formellement reconnus
les résultats del'acte illicit» (Recognition in International Law (1947),

p. 432 [trahrction du Greffe] (les italiques sont de nous)).

Si cette limitation joue, s'agissant de gouvernements et d'Etats non
reconnus, à plus forte raison jouera-t-elle dalis une situation complexe
dans laquelle un gouvernement comme celui de l'Afrique du Sud est

requis d'évacuer un territoire qu'il administre depuis longtemps. II est
clair qu'interviennent alors des considérations d'ordre pratique et huma-
nitaire tenant à l'interdépendance économique des deux territoires et à
l'imbrication de leurs appareils administratifs.

Les exemples ne manquent pas pour étayer cette thèse. Si la famine,
ou une épidémiede choléra, devait éclater en Namibie avant que I'Orga-
nisation des Nations Unies en ait effectivement pris le contrôle, une
certaine coopération intergouvernementale entre l'Afrique du Sud et167 NAMIBIA (s.w. AFRICA ()SEP.OP. DILLARD)

required. Likewise if an official plane were grounded (as happened in
Albania when it was not recognized by the United States) direct dealings
would be needed between the government officials of both States. No
implication of recognition flows from such dealing (Whiteman, Digest of
International Law, p. 530 (1963)). It is needless to add examples which
cover a wide spectrum of relations. A similar note of caution needs to be
sounded with respect to tHefirst part of operative clause 2.

It willbe observed that the statement that States Members ofthe United

Nations are under obligation to recognize the illegality of South Africa's
presence in Namibia and "the invalidity of its acts on behalf of or
concerningNamibia" isa lesscomprehensive formulation than the specific
language of Security Council resolution 276 (1970) which speaks of al1
acts.
This isconsistent with the reasoning of theCourt in paragraphs 122and
125.
But in my opinion the matter does not stop there. The legal conse-
quences flowingfrom a determination ofthe illegaloccupation of Namibia
do not necessarily entail the automatic application ofadoctrine of nullity.

As Lauterpacht has indicated the maxim ex injuriajus non oritur is
not so severe as to deny that any source of right whatever can accrue to

third persons acting in good faith '.Were it otherwise the general interest
in the security of transactions would be too greatly invaded and the cause
of minimizing needless hardship and friction would be hindered rather
than helped.
This was in fact conceded by the representative ofthe Secretary-General
when, in answer to a question put by a judge, he declared that the
Secretary-General "had not considered that he was enunciating a doctrine
of 'absolute nullity'" (C.R. 71/18, p. 20).
A detailed specification of the particular acts which may or may not be
compatible with South Africa's illegal presence in Namibia cannot be
determined in advance since they depend on numerous factors including
not only the interests of contractingparties who acted in good faith but
the irnrnediate and future welfare of the inhabitants of Namibia.

1shall conclude on another note. It is true, of course, that prior to the
termination of the Mandate by the General Assembly there had never
been a judicial determination that this was legally permissible. Further-

' Lauterpacht, Recognition in International Law (1947), p. 420.

155d'autres Etatspourrait fort bien devenir nécessaire.De même,si un avion

officiel devait faire un atterrissage forcé (comme cela s'est produit en
Albanie alors que ce pays n'était pas reconnu par les Etats-Unis), il
faudrait bien que certaines relations directes s'établissententre les repré-
sentants officielsdes deux Etats intéressés. Nullereconnaissance implicite
ne découle depareilles relations (Whiteman, Digest of International Law,
p. 530 (1963)). Il est inutile d'invoquer ici d'autres exemples s'appliquant
à toute une gamme de relations.

Il convient de formuler la même mise engarde en ce qui concerne la
première partie de la clause 2 du dispositif.
On notera que la disposition selon laquelle les Etats Membres des
Nations Unies ont l'obligation de reconnaître l'illégalitéde la présence
de l'Afrique du Sud en Namibie et «le défaut de validité des mesures
prises par elle au nom de la Namibie ou en ce qui la concerne 1est moins
généraleque la résolution 276 (1970) du Conseil de sécuritéqui vise

« toutesles mesures ».
Cette formulation est conforme au raisonnement présenté par la
Cour aux paragraphes 122et 125.
A mon avis, cependant, cela n'épuisepas la question. Lesconséquences
juridiques de la constatation de l'illégalitde l'occupation de la Namibie
ne comportent pas forcémentune application automatique d'une doctrine
de la nullité.
Lauterpacht a écrit lque la maxime ex injuriajus non oritur n'est pas

stricte au point d'ôter à des tiers agissant de bonne foi toute possibilité
d'acquérirdes droits. S'il enallait autrement, l'intérêt généralà la sécurité
des transactions en souffrirait beaucoup trop et l'on gêneraitles efforts
visant à réduireles difficultéset frictions inutiles au lieu de soutenir ces
efforts.
C'est ce qu'a reconnu en fait le représentant du Secrétairegénéral des
Nations Unies quand, répondant à une question posée par un juge, il a

déclaréque le Secrétairegénéral «n'a pas penséexposer une théorie de
(la nullitéabsolue » (audience du 8.mars 1971).
II n'est pas possible de spécifierd'avance quels actes peuvent êtreou
ne pas êtrecompatibles avec la présenceillégalede l'Afrique du Sud en
Namibie, puisque cela dépendde nombreux facteurs, ycompris non seule-
ment l'intérêtde cocontractants ayant agi de bonne foi mais aussi le
bien-êtreprésentet futur des habitants de la Namibie.

Jeconclurai sur une autre note. Ii est assurémentvrai qu'avant queI'As-
sembléegénéraleeût mis fin au mandat, iln'avait jamais étéjudiciaire-
ment établique la chose fût possible en droit. Il est non moins exact que

Lauterpacht,Recognitionin InternationLaw (1947),p.420.
155more. it is accurate to sav the General Assemblv in the exercise of its
supervisory powers did not calmly and rationally analyse the extent of
those powers under the grant of authority accorded by the San Francisco
formula (apoint made by Professor Katz in his characteristically thought-
ful book on the Relerlanceof International Adjudication (1968),pp. 69-123).
The point istroublesome but it is not conclusive.
Law and what is legally permitted may be determined by what a court
decides, but they are not only what a court decides. Law "goes on" every
day without adjudication of any kind. In answer to a question put by a
judge in the oral proceedings (C.R. 71/19, p. 23),Counsel for the United
States, in a written reply received in the Registry on 18 March 1971,
declared :

"The fact that in the international as opposed to a municipal legal
system theother party cannot be assured of bringing a case involving
material breach before an international tribunal except where both
parties have accepted the compulsoryjurisdiction of an international
tribunal is a problem relating to the efficacyof international law and
institutions generally and notespeciallyto the problem ofthe material
breach doctrine."

It ispart of the weakness of the international legal order that compul-
soryjurisdiction to decide legal issuesisnot part of the system. To Saythis
is not to Saythat decisions taken by States in conformity with their good
faith understanding of what international law either requires or permits
are outside a legal frame of reference even if another State objects and
despite the absence of adjudication.
General Assembly resolution 2145 (XXi) was a political decision with
far reaching practical implications. But it was not an arbitrary exercise of
political power outside a legal frame of reference. Its endowment of
supervisory power over the-Mandate had been confirmed by the juris-
prudence of this Court and the scope of that power, as indicated in the
opinion, included the power ultimately to terminate for material breach.

The legal issues involved in this proceeding were not simple or easily
resolved. Indeed they were resolved only after hearings and deliberations
extending over a period of many months. It should be added that the
great learning and consuminate skill brought to bear on the issuesbythe
representatives of South Africa were in the highest tradition of the legal
profession.

It may be hoped and expected that South Africa, as a great nation, will
respect the judicial pronouncement of this Court and the almost un-
animously held view in the United Nations that its administration of l'Assemblée généraled ,ans l'exercice de ses pouvoirs de surveillance,
n'a pas posément et rationnellement analysé l'étendue despouvoirs qui
lui ont été attribuéspar application de la formule de San Francisco (ce
que relèveleprofesseur Katz, avec son acuité habituelle,dans son ouvrage

Relerance of International Adjudication (1968, p. 69-123)). Le fait est
gênantmais on ne peut guèreen tirer de conclusion.
Le droit et ce qui est permis en droit, c'est peut-êtrebien ce qu'un
tribunal décide.mais ce n'est Das seulement cela. Le droit est consram-
ment ((en marche IImêmesans décisionjudiciaire d'aucune sorte. Ré-
pondant à une question que lui avait poséeun juge au cours de la procé-
dure orale (audience du 9 mars 19711,le conseil des Etats-Unis d'Amé-
rique a déclaréce qui suit, dans une réponse écrite parvenueau Greffe

le 18mars 1971 :
I(Que, dans le systèmejuridique international, contrairement à ce
qui se passe en droit interne, la partie léséene puisse pas toujours
porter une affaire impliquant une violation substantielle devant un

tribunal international, sauf lorsque les deux parties en cause ont
acceptéla juridiction obligatoire d'un tel tribunal, c'est là un pro-
blèmequi concerne I'efficacitédu droit international et des institu-
tions internationales en généralet pas particulièrement la doctrine
relativeà la violation substantielle. ))

La faiblesse de l'ordre juridique international tient en partie à ce que
le système n'impose pasl'obligation de soumettre les questionsjuridiques
au règlement judiciaire. Cela ne veut pas dire que les décisions desEtats,
interprétant de bonne foi ce que permet ou exige le droit international,
sortent de tout cadre juridique, et cela mêmesi un autre Etat élèveune
objection et en l'absence de règlementjudiciaire.
La résolution 2145 de l'Assemblée générale est une décisio politique

d'une très grande portée pratique. Elle ne représente cependant pas
l'exercice arbitraire d'un pouvoir politique en dehors de toute référence
au droit. Que l'Assembléegénéraleait étéhabilitée à surveiller l'ad-
ministration du mandat est un fait qui a étéconfirmépar lajurisprudence
de la Cour et, comme ilressort de I'avis,les pouvoirs de surveillance com-
portaient en dernière analyse celui de mettre fin au mandat en cas de
violation substantielle.
Les problèmes juridiques que posait la présenteprocédure n'étaientni

simples ni faciles à résoudre. En réalité,ils n'ont pu êtrerésolusqu'après
des audiences et délibérationsqui se sont prolongées bien des mois. Il
convient de dire ici que par leurs vastes connaissances et par leur habileté
consomméedans l'examende cesproblèmes lesreprésentants de l'Afrique
du Sud se sont montrésdignes des plus hautes traditions de la profession
juridique.
Il y a lieu d'espére- et mêmede compter fermement - que l'Afrique
du Sud, qui est une grande nation, respectera le prononcéjudiciaire de la
Cour et l'opinion presque unanime des Nations Unies suivant laquelle169 NAMIBIA (s.w. AFRICA) (SEP. OP. DILLARD)

Namibia must corne to an end. It may be hoped, also, that in the delicate
and difficult era that lies ahead, especially in the period of transition, a
spirit ofutual good will may, in time, displace one based on mutual

misunderstanding.

(Signed Hardy C. DILLARD. NAMIBIE (S.-O. AFRICAIN) (OP. IND. DILLARD) 169

l'administration sud-africaine en Namibie doit prendre fin. Il faut espérer
aussi que, dans les moments délicatset difficiles que l'avenir réserve,et
en particulier pendant la période detransition, un esprit de bonne volonté
réciproque pourra, le moment venu, se substituerà l'esprit d'incompré-
hension.

(SignéH )ardy C. DILLARD.

Document file FR
Document Long Title

Opinion individuelle de M. Dillard

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