Opinion dissidente de M. Morozov

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057-19730712-ADV-01-09-EN
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057-19730712-ADV-01-00-EN
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OPINION DISSIDENTE DE M. MOROZOV

[Traduction]

J'ai votécontre la ,décisionde donner suite à la demande d'avis con-
sultatif etj'ai aussi répondu par la négative la question 1et àla question
II visées dansle dispositif de l'avisde la Cour, dont je ne saurais en outre
am1.ed les motifs.
Cette attitude tient essentiellement aux raisons suivantes.
1. J'estime que la Cour est incompétente pour donner l'avisconsultatif
que le Comité desdemandes de réformation de jugements du Tribunal
administratif sollicite par requêteprésentée enapplication de l'article I1

du statut du Tribuna.1,ladite requêteétant la première de ce genre, et
étant formulée prèsde dix-huit ans après que l'Assemblée générala e
amendé le statut du 'Tribunal par sa résolution 957 (X) du 8 novembre
1955.
A ce sujet, je peux!seulementdire que, si la procédure instituée pourla
prétendue réformation des jugements du Tribunal était réellementjirdi-
ciaire, comme l'envisageait I'avis consultatif de la Cour du 13 juillet
1954, c'est l'organe de réformation et non la Cour internationale de
Justice qui serait enmesure de statuer valablement sur l'affaire qui con-

cerne le jugement no 158du Tribunal.
2. L'article 65, pariagraphe 1,du Statut de la Cour, dispose: «La Cour
peut donner un avis consultatif sur toute questionjuridique, à la demande
de tout organe ou institution qui aura étéautorisé par la Charte des
Nations Unies ou conformément a ses dispositions, à demander cet
avis ».
Il est incontestable que lStatut n'oblige pas la Cour à donner automa-
tiquement suite à toute espèce de demande d'avis consultatiJ La Cour ne

doit donner d'effet a une demande et rendre un avis qu'en stricte confor-
mitéavec les dispositions de la Charte et du Statut de la Cour et, notam-
ment. des articles34et 65du Statut et de l'article 96de la Charte.

La présente demande d'avis consultatif enfreint les principes de la
Charte et le Statut di: la Cour.
Il appartient a l'Assembléegénéraled'adopter telle résolution qu'elle
juge bon etje ne me propose pas d'engager la Courdans une revision de la
résolution957 (X), ca.ril ne s'agit nullementlà d'une,fonction de la Cour.

II n'en est pas moins vrai que la compéte~ceet lesfonctions de la Cour
doivent êtrerégies, nonpar telle ou telle résolution adoptépar I'Assemblée
généralem , ais par la Clzartedes Nations Unies et par le Statut de la Cour,
quifait partie intégrantede la Cliarte. 3. Contrairement à la conclusion de la majoritéde la Cour, la procé-
dure qu'on lui impose icin'est pasjudiciaire.
Selon moi, l'avisconsultatif utilise un certain nombre d'arguments peu
convaincants pour justifier la procédure que l'on présente comme une

procédure judiciaire normale de réformation desjugements du Tribunal
administratif des Nations Unies; et des élémentstrès importants n'ont
pas été pris Znconsid~tration.
Par exemple, l'avisretient comme argument principal que lesjugements
du Tribunal administratif des Nations Unies dans les affaires contentieu-
ses opposant des fonctionnaires des Nations Unies au Secrétairegénéral
peuvent êtreréforméspar la Cour internationale de Justice, non pas sous
une forme qui continuerait, au moins dans une certaine mesure, la pro-
cédurecontentieuse, niais sous la forme d'une procédure consultative.Ce
système insolitea étéimaginéil y a dix-huit ans et il est touà fait clair
qu'on pourrait y décelerune intention de cacher que des particuliers (des
fonctionnaires des Nations Unies) se sont vu attribuer le droit de former
recours contre un jugement et de devenir parties devant la Cour interna-
tionale de Justice, contrairement aux dispositions de l'article 34du Statut,
aux termes duquel ((seulsles Etats ont qualitépour se présenter devant la
Cour ».

Cependant, rien ne peut dissimuler que, par le biais il est vrai d'une
procédureprésentéecomme consultative, des particuliers peuvent devenir
parties à l'instance qui se dérouledevant la Cour. Ces personnes peuvent
engager la procédure d'appelcontre lejugement du Tribunal administra-
tif, elles ont le droit de présenterla Cour des exposéset des preuves de
toute nature ainsi que de prendre la parole devant la Cour si celle-ci
décidede tenir audience.
Les limitations de ce droit qui tiennentà l'intervention du Comité des
demandes de réformaitionet au caractère restrictif des motifs de contesta-
tion prévus(non-exercice de lajuridiction ou erreurfondamentaledans la
procédure)n'ychangent tien en principe. Elles ne font queporter atteinte
aux intérêts desfonctionnaires des Nations Unies; c'est un point sur
lequel je me propose de revenir.
Il est nécessaireici de rappeler que la question de la compétencede la
Cour internationale de Justice a étéréglée par la Conférence desNations
Unies sur l'organisation internationale en des termes très clairs, que

traduit l'article 34du Statut delaCour. Il est bien connu qu'à l'époquela
délégationdu Venezuela avait proposéde modifier le libellé del'article 34
afin que non seulement les Etats, mais aussi les particuliers, puissent
êtreautorisés à se puisenter devant la Cour quand, siégeanten instance
d'appel, elle connaîtrait de litiges jugéspar les tribunaux administratifs
dépendant des Nations Unies, pour autant que les statuts de ces tribu-
naux admettent cette procédure d'appel.
Cetteproposition aétérejetéepar la Conférence(ConférencedesNations
Uniessurl'organisation internationale, documents,vol. 13,p. 483).
4. Cependant, comment la situation s'est-elle présentée à la session de
1955 de l'Assemblée généraleq,uand la procédure de réformation desjugements du Tribunal administratif des Nations Uniesa été adoptée,con-
trairement à la décisionde la Conférence des Nations Unies sur l'orga-

nisation internationale?
Pour répondre à cette question, il y a lieu de prendre en considération
I'avisconsultatif rendu par la Cour le 13juillet 1954et les travaux prépa-
ratoires qui ont précé,déla revision de l'articleIIdu statut du Tribunal
administratif des Nations Unies.
En 1954,la Cour a.déclaré,en réponse à la question poséepar l'As-
semblée générale :

«Si l'Assemblée générale envisagead it'instituer, pour lesdifférends
à venir, des dispositions prévoyant la revision des jugements du
Tribunal, la Cotir estimeque l'Assemblée générale elle-mêm éet,ant
donné sacomposition et ses fonctions, ne pourrait guère agir comme
un organe judiciaire examinant les arguments des parties, appréciant

les preuves produites par elles, établissantles faits, et disant le droit
qui s'yapplique -- alors surtout que l'une des parties aux différends
est l'organisation des Nations Unies elle-même. »(EJet dejugements
du Tribunaladministratif des Nations Unies nccordant indemnité,avis
consultatifdu 13,juille1954,C.I.J. Recueil1954, p. 56.)

Or que s'est-il passé en1955?L'Assemblée généralaecréé,sur la base
prétendument de l'article 22 de la Charte, un organe subsidiaire, le
Comité des demandes de réformation de jugements du Tribunal ad-
ministratif, eta autoriséà demander des avis consultatifsà la Courdans
lesaffaires où le Comitéconstate que la demande dont il est saisi repose
sur des bases sérieuses, qu'elleémanede particuliers, du Secrétairegénéral
des Nations Unies ou d7Etats Membres. 11est bien certain que, pour

prendre une telle décision,le Comitédoit examiner au fond lejugement
du Tribunal administratif mis en cause.
Vu l'avis précitéde la Cour, il apparaît que l'Assembléegénéralea
crééun organe «subs,idiaire» autoriséà exercer une fonction que l'As-
semblée, selonI'avis dlla Cour, ne doit pas exercer elle-même.

Or l'article2 de la.Charte permet à l'Assemblée généraldee «créerles
organes subsidiaires qu'elle juge nécessairesl'exercicede sesfonctions))
(les italiques sont de nous).
Ainsi, d'aprèsl'opinion susvisée,exprimée parla Cour en 1954,et que
je partage pleinement, le Comitécrééen 1955ne saurait êtreconsidéré
comme un organe des Nations Unies au sens des articles 7 et 22 de la
Charte et il n'a donc aucun droit de demander des avis consultatifs à la
Couren application clel'article 96, paragraphe2, du mêmeinstrument.

Une preuve supplkmentaire de ce que ce ComitC ne pouvait pas con-
sulter la Cour est qu'à part l'Assemblée généraleet le Conseil de sécurité
les organes des Nations Unies ne peuvent êtreautorisés à demander unavis que «sur des que:stions juridiques qui se poseraient dans le cadre de

leur activité))(article 96, paragraphe 2, de la Charte). Or, le Comité, qui
n'est pas un organe permanent des Nations Unies, a sollicitéun avis con-
sultatif sur une question qui s'inscrit non pas dans le cadre de sa propre
activité,mais dans le cadre de l'activité d'unautre organe, le Tribunal ad-
ministratif des Nations Unies.
5. L'avis consultatiif donne à penser que l'activité enquestion pourrait

s'expliquer sur la base de l'article 101de la Charte.

Je voudrais rappel'er que selon cet article: «Le personnel est nommé
par le Secrétaire géné:rac lonformément aux règlesfixéespar l'Assemblée
générale)).Mais, corrime la Cour l'a déclaréen 1954, la Charte «n'a pas
conféréde fonctions judiciaires à l'Assembléegénérale))et, en créant le

Tribunal administratif, celle-ci «ne déléguait pas l'exercicede ses propres
fonctions)) (C.I.J. Recueil 1954, p. 61).
Ces observations de la Cour soulignent le caractère judiciaire de l'ac-
tivité du Tribunal administratif des Nations Unies et il y a lieu de les
interpréter en ce sen:; que toute procédure de réformation des décisions
judiciaires de ce Tribunal doit êtreelle-même,j~rdiciaire.

6. Dès le début, l'adoption de la procédure qui vient de recevoir la
caution d'une majorité des membres de la Cour a procédéde considéra-
tions tout à fait étrangères aux intérêts des fonctionnairesde l'Organisa-
tion des Nations Unies.
Le Secrétaire généirad le l'organisation des Nations Unies et le repré-
sentant du Comité du personnel des Nations Unies ont soulevé des ob-

jections contre la procédure de réformation proposée.
Les débats qui se sont déroulésà la Cinquième Commission et aux
séances plénièresde l'Assemblée générale en 1955 ont fait apparaître
d'importances divergences de vues concernant la Charte ainsi que le
Statut de la Cour.
A la Cinquième Commission, 30 des 57 délégations n'ontpas votéen

faveur des amendements proposés à l'article11 du statut du Tribunal. En
séance plénière,26 clélégationssur 59 n'ont pas approuvé ces amende-
ments.
11n'est peut-êtrepas inutile, à ce stade, de mentionner aussi certaines
desconséquences importantes de la procédure quela Cour a approuvée.
Comme je l'ai déjiifait observer, cette procédure n'est pas judiciaire.
En plus de la démonstration faite plus haut à ce sujet, j'aimerais souligner

ce qui suit.
L'article II, paragraphe 3, du statut du Tribunal administratif,autorise
le Secrétaire généralà donnereffet à I'avis de la Cour, ce qui signifie que
lorsque I'avis de la Cour est contraire au jugement duTribunal, si le
Secrétaire généralen reconnaît le bien-fondé, il peut en droit et en fait
tenir pour nul le jugement du Tribunal. bien que n'étantlui-rngnlcqu'une

des parties en cause.

7. L'avis consultai.if cite I'avis rendu par la Cour dans l'affaire con-cernant l'Unesco; leConseild'administration de l'OIT ayant étéautorisé
par la Conférenceinternationale dl1Travail à demander l'avisconsultatif
dela Cour à propos dejugements rendus par le Tribunal administratif de
l'OIT, on a voulu justifier par analogie la procédureacceptéepar la Cour

en la présente affaire. Or il convient de souligner que le Conseil d'ad-
ministration de l'OIT (tout comme les conseils d'administration de
certaines autres institutions spécialisées) estl'organe directeur deIT,
tandis que le Comitédes demandes de réformation n'est pas un organe
directeur de l'organisation des Nations Unies; de plus sa composition
n'est nullement comparable àcelle du Conseil d'administration de l'OIT.
Un autre point important est que le droit de demander la réformation
dejugements du Tribunal de l'OIT n'appartient pasà des particuliers oà
un Etat quelconque, mais au Conseil d'administration lui-même.
Je n'ai pas l'intention d'analyser dans tous leurs détails les autres
différencesqui existent entre les dispositions du statut du Tribunal ad-
ministratif del'OIT relativeà la réformation dejugements de ce tribunal
et celles qui concernent le Tribunal administratif des Nations Unies.l y
a iice sujet une divergence de vues bien connue; et si j'ai mentionnéles

principales différence:;importantesentre lesdeux statuts, c'étaitseulement
pour montrer qu'il n'ya pas lieu de faire étatd'une analogie quelconque,
comme dans le raisonnement quej'ai évoquéplus haut.

(Signé)Platon Mo~ozov.

Bilingual Content

DISSENTING OPINION OF JUDGE MOROZOV

1voted against the decision to comply with the request for an advisory
opinion and also in the negative on both Question 1 and Question II

in the operative part of the Advisory Opinion of the Court, and 1 am
unable to support the reasoning in the Opinion.
The basic grounds for my position are the following.
1. 1 believe that the Court has no conzpetenceto give the advisory
opinion which has been requested by the Committee on Applications for
Review of Administrative Tribunal Judgements in implementation of
Article 11of the Statute of the Tribunal, this being the first such request
almost 18 ywrs after the Statute was amended by General Assembly
resolution 957 (X) of 8 November 1955.

In this connection 1can only say that if the procedure established for
the so-called reviewof thejudgements of the Tribunal were reallyjudicial,
in accordance with the Court's Advisory Opinion of 13 July 1954, the
review body concerned, but not the International Court of Justice,would
be ina position to givea properjudgment on the specificcaseofJudgement
No. 158of the Tribunal.
2. Article 65, paragraph 1, of the Statute of the Court provides that
"The Court may give an advisory opinion on any legal question at the
request of whatever body may be authorized by or in accordance with

the Charter of the United Nations to make such a request".

It is indisputable that the Statute imposed no dury on rfle Court auto-
matically Io accept any kind of request for advisory opinion.The Court
should only give effect to a request for an advisory opinion, and deliver
such an opinion, strictly in accordance with the provisions of the Charter
andthe Statute of the Courtand in particular in accordance with Articles
34 and 65 of its Statute and Article 96 of the Charter.
The present request for advisory opinion contravenes the principles of
the Charter and the Statute of the Court.
It is for the General Assembly to adopt whatever resolutions it sees
fit, and 1do not intend to involve the Court in any revision of resolution
957 (X)adopted by the General Assembly; for this is in no waj.a,function
of the Court.
But at the same time the competenceof'tlle Court itself and itsjutzction
tnust be based, not upon this or that resolution adoptedby the Cerzeral
Assembly, but on the Charter of the United Nations and the Statutr (?/'the
Court, whichforms an integralpart of the Charter. OPINION DISSIDENTE DE M. MOROZOV

[Traduction]

J'ai votécontre la ,décisionde donner suite à la demande d'avis con-
sultatif etj'ai aussi répondu par la négative la question 1et àla question
II visées dansle dispositif de l'avisde la Cour, dont je ne saurais en outre
am1.ed les motifs.
Cette attitude tient essentiellement aux raisons suivantes.
1. J'estime que la Cour est incompétente pour donner l'avisconsultatif
que le Comité desdemandes de réformation de jugements du Tribunal
administratif sollicite par requêteprésentée enapplication de l'article I1

du statut du Tribuna.1,ladite requêteétant la première de ce genre, et
étant formulée prèsde dix-huit ans après que l'Assemblée générala e
amendé le statut du 'Tribunal par sa résolution 957 (X) du 8 novembre
1955.
A ce sujet, je peux!seulementdire que, si la procédure instituée pourla
prétendue réformation des jugements du Tribunal était réellementjirdi-
ciaire, comme l'envisageait I'avis consultatif de la Cour du 13 juillet
1954, c'est l'organe de réformation et non la Cour internationale de
Justice qui serait enmesure de statuer valablement sur l'affaire qui con-

cerne le jugement no 158du Tribunal.
2. L'article 65, pariagraphe 1,du Statut de la Cour, dispose: «La Cour
peut donner un avis consultatif sur toute questionjuridique, à la demande
de tout organe ou institution qui aura étéautorisé par la Charte des
Nations Unies ou conformément a ses dispositions, à demander cet
avis ».
Il est incontestable que lStatut n'oblige pas la Cour à donner automa-
tiquement suite à toute espèce de demande d'avis consultatiJ La Cour ne

doit donner d'effet a une demande et rendre un avis qu'en stricte confor-
mitéavec les dispositions de la Charte et du Statut de la Cour et, notam-
ment. des articles34et 65du Statut et de l'article 96de la Charte.

La présente demande d'avis consultatif enfreint les principes de la
Charte et le Statut di: la Cour.
Il appartient a l'Assembléegénéraled'adopter telle résolution qu'elle
juge bon etje ne me propose pas d'engager la Courdans une revision de la
résolution957 (X), ca.ril ne s'agit nullementlà d'une,fonction de la Cour.

II n'en est pas moins vrai que la compéte~ceet lesfonctions de la Cour
doivent êtrerégies, nonpar telle ou telle résolution adoptépar I'Assemblée
généralem , ais par la Clzartedes Nations Unies et par le Statut de la Cour,
quifait partie intégrantede la Cliarte.297 APPLICATION FOR REVlEW (DISS. OP. MOROZOV)

3. Contrary tothe conclusion ofthe majority of the Court, the procedure
which has now been imposed on the Court is not a judicial one.
To my mind, the Advisory Opinion makes use of a number of
unconvincing arguments in order to justify the procedure referred to
as a normal judicial procedure for review of United Nations Adminis-

trative Tribunal Judgements; and points of great importance have not
been taken into account.
For example, the main argument of the Opinion is that review of
United Nations Administrative Judgements incontentious cassesbetween
United Nations officialsand the Secretary-General could become subject
to review by the International Court of Justice, not in the form of a
continuation, at least to some extent, of thecontentious procedure but in
the form of advisory procedure. This unusual procedure was devised 18
years ago and it is quite clear that the above-mentioned procedurecould
be regarded as intended to conceal the fact that private persons (United
Nations officials) had been given the right to request the review of a
judgement, and to become parties before the International Court of
Justice, contrary to the provisions of Article 34 of the Court's Statute,
which lays down that "only States may be parties in cases before the

Court".
But nothing can cover up the fact that, albeit by means of so-called
advisory procedure, private persons become parties to the proceedings
before the Court. These persons can initiatethe procedure of appeal
against the judgement of the Administrative Tribunal, have a right to
present to the Court statements and evidence of any kind, and have a
right to make an oral statement before the Court if the Court decides to
hold oral proceedings.
Such limitations of these rights as result from the activity of the
Committee on!Applicationsandfromtherestrictedcharacter of the reasons
which may be the grounds of an appeal (failure to exercisejurisdiction or
fundamental error in the procedure) make no difference in principle, but
are merely directed against the interests of the United Nations officials;
this last pointwill be examined further below.

Now it is necessary torecall that the question of the competence of the
International Court of Justice was settled by the United Nations Confer-
ence on International Organization in very clear terms, whichare reflected
in Article 34 of the Statute of the Court. It is well known that one of the
delegations suggested at that time that Article 34 of the Statute be
redrafted to include provision that not only States butalso privatepersons
could be permitted to be parties before the Court in cases of review by it
of the judgments of administrative tribunals connected with the United
Nations when such a right of appeal was provided by the statutes of such
tribunals.
That suggestion was rejected by the Conference (United Nations
Conference on International Organization, Documents, Vol. 13,p. 482).
4. But what situationarose at the 1955sessionof theGeneral Assembly,
when the procedure for review of the judgements of the United Nations 3. Contrairement à la conclusion de la majoritéde la Cour, la procé-
dure qu'on lui impose icin'est pasjudiciaire.
Selon moi, l'avisconsultatif utilise un certain nombre d'arguments peu
convaincants pour justifier la procédure que l'on présente comme une

procédure judiciaire normale de réformation desjugements du Tribunal
administratif des Nations Unies; et des élémentstrès importants n'ont
pas été pris Znconsid~tration.
Par exemple, l'avisretient comme argument principal que lesjugements
du Tribunal administratif des Nations Unies dans les affaires contentieu-
ses opposant des fonctionnaires des Nations Unies au Secrétairegénéral
peuvent êtreréforméspar la Cour internationale de Justice, non pas sous
une forme qui continuerait, au moins dans une certaine mesure, la pro-
cédurecontentieuse, niais sous la forme d'une procédure consultative.Ce
système insolitea étéimaginéil y a dix-huit ans et il est touà fait clair
qu'on pourrait y décelerune intention de cacher que des particuliers (des
fonctionnaires des Nations Unies) se sont vu attribuer le droit de former
recours contre un jugement et de devenir parties devant la Cour interna-
tionale de Justice, contrairement aux dispositions de l'article 34du Statut,
aux termes duquel ((seulsles Etats ont qualitépour se présenter devant la
Cour ».

Cependant, rien ne peut dissimuler que, par le biais il est vrai d'une
procédureprésentéecomme consultative, des particuliers peuvent devenir
parties à l'instance qui se dérouledevant la Cour. Ces personnes peuvent
engager la procédure d'appelcontre lejugement du Tribunal administra-
tif, elles ont le droit de présenterla Cour des exposéset des preuves de
toute nature ainsi que de prendre la parole devant la Cour si celle-ci
décidede tenir audience.
Les limitations de ce droit qui tiennentà l'intervention du Comité des
demandes de réformaitionet au caractère restrictif des motifs de contesta-
tion prévus(non-exercice de lajuridiction ou erreurfondamentaledans la
procédure)n'ychangent tien en principe. Elles ne font queporter atteinte
aux intérêts desfonctionnaires des Nations Unies; c'est un point sur
lequel je me propose de revenir.
Il est nécessaireici de rappeler que la question de la compétencede la
Cour internationale de Justice a étéréglée par la Conférence desNations
Unies sur l'organisation internationale en des termes très clairs, que

traduit l'article 34du Statut delaCour. Il est bien connu qu'à l'époquela
délégationdu Venezuela avait proposéde modifier le libellé del'article 34
afin que non seulement les Etats, mais aussi les particuliers, puissent
êtreautorisés à se puisenter devant la Cour quand, siégeanten instance
d'appel, elle connaîtrait de litiges jugéspar les tribunaux administratifs
dépendant des Nations Unies, pour autant que les statuts de ces tribu-
naux admettent cette procédure d'appel.
Cetteproposition aétérejetéepar la Conférence(ConférencedesNations
Uniessurl'organisation internationale, documents,vol. 13,p. 483).
4. Cependant, comment la situation s'est-elle présentée à la session de
1955 de l'Assemblée généraleq,uand la procédure de réformation des298 APPLICATION FOR REVIEW (DISS. OP. MOROZOV)

Administrative Tribunal was adopted contrary to the decision of the
United Nations Conference on International Organization?

To answer this question itis necessary to turn our attention to the
Advisory Opinion of the Court of 13July 1954and the travaux prépara-
toires of the amendment of Article 11 of the Statute of the Administrative
Tribunal of the United Nations.
In 1954 the Court, in answer to the question put by the General
Assembly, stated that :

"Should the General Assembly contemplate, for dealing with
future disputes, the making of some provision for the review of the
awards of the Tribunal, the Court is of opinion that the General
Assembly itself, in view of its composition and functions, could
hardly act as a judicial organ-considering the arguments of the

parties, appraising the evidence produced by them, establishing the
facts and declaring the law applicable to them-al1 the more so as
one party to the disputes is the United Nations Organization itself."
(EfSect of Awards of Compensation Made by the United Nations
Administrative Tribunal, Advisory Opinion of 13 July 1954, I.C.J.
Reports 1954, at p. 56.)

But what did happen in 1955?The General Assembly created, allegedly
on the basis of Article 22 of the Charter, a subsidiary organ-the Com-
mittee on Applications for Review of Administrative Tribunal Judge-
ments, and authorized it to request advisory opinions of the Court in
cases in which the Committeefound a substantial basis for the application

made to it, including applications from private persons, from the United
Nations Secretary-General and from member States. It is quite clear that,
to take such a decision, the Committee should consider the merits of the
relevant judgement of the Administrative Tribunal.
In the light of the above-cited Opinion of the Court, the General
Assembly created a "subsidiary" organ authorized to implement a

function which the General Assembly should not, according tothe Opinion
of the Court, itself exercise.
But Article22 of theCharter permitsthe General Assembly to "establish
such subsidiary organs as it deems necessary for the performance of
its firnctions" (emphasis added).
Therefore according to the above-mentioned view expressed by the

Court in 1954, which 1share completely, the Committee created in 1955
cannot be considered as an organ of the United Nations within
the meaning of Articles 7 and 22 of the Charter and therefore this
Committee has no right to ask for advisory opinions of the Court in
accordance with Article 96, paragraph 2, of the Charter.
There is additional evidence that this Committee could not request
opinions of the Court, because any organ of the United Nations other

than the General Assembly and the Security Council may be authorizedjugements du Tribunal administratif des Nations Uniesa été adoptée,con-
trairement à la décisionde la Conférence des Nations Unies sur l'orga-

nisation internationale?
Pour répondre à cette question, il y a lieu de prendre en considération
I'avisconsultatif rendu par la Cour le 13juillet 1954et les travaux prépa-
ratoires qui ont précé,déla revision de l'articleIIdu statut du Tribunal
administratif des Nations Unies.
En 1954,la Cour a.déclaré,en réponse à la question poséepar l'As-
semblée générale :

«Si l'Assemblée générale envisagead it'instituer, pour lesdifférends
à venir, des dispositions prévoyant la revision des jugements du
Tribunal, la Cotir estimeque l'Assemblée générale elle-mêm éet,ant
donné sacomposition et ses fonctions, ne pourrait guère agir comme
un organe judiciaire examinant les arguments des parties, appréciant

les preuves produites par elles, établissantles faits, et disant le droit
qui s'yapplique -- alors surtout que l'une des parties aux différends
est l'organisation des Nations Unies elle-même. »(EJet dejugements
du Tribunaladministratif des Nations Unies nccordant indemnité,avis
consultatifdu 13,juille1954,C.I.J. Recueil1954, p. 56.)

Or que s'est-il passé en1955?L'Assemblée généralaecréé,sur la base
prétendument de l'article 22 de la Charte, un organe subsidiaire, le
Comité des demandes de réformation de jugements du Tribunal ad-
ministratif, eta autoriséà demander des avis consultatifsà la Courdans
lesaffaires où le Comitéconstate que la demande dont il est saisi repose
sur des bases sérieuses, qu'elleémanede particuliers, du Secrétairegénéral
des Nations Unies ou d7Etats Membres. 11est bien certain que, pour

prendre une telle décision,le Comitédoit examiner au fond lejugement
du Tribunal administratif mis en cause.
Vu l'avis précitéde la Cour, il apparaît que l'Assembléegénéralea
crééun organe «subs,idiaire» autoriséà exercer une fonction que l'As-
semblée, selonI'avis dlla Cour, ne doit pas exercer elle-même.

Or l'article2 de la.Charte permet à l'Assemblée généraldee «créerles
organes subsidiaires qu'elle juge nécessairesl'exercicede sesfonctions))
(les italiques sont de nous).
Ainsi, d'aprèsl'opinion susvisée,exprimée parla Cour en 1954,et que
je partage pleinement, le Comitécrééen 1955ne saurait êtreconsidéré
comme un organe des Nations Unies au sens des articles 7 et 22 de la
Charte et il n'a donc aucun droit de demander des avis consultatifs à la
Couren application clel'article 96, paragraphe2, du mêmeinstrument.

Une preuve supplkmentaire de ce que ce ComitC ne pouvait pas con-
sulter la Cour est qu'à part l'Assemblée généraleet le Conseil de sécurité
les organes des Nations Unies ne peuvent êtreautorisés à demander un to do so only "on legal questions arising within the scope of their
activities" (Art. 96,para., of the Charter). But the Committee (which is
not a permanent organ of the United Nations) has requested an advisory
opinion not in the scope of its own activities but in the scope of the
acrivities of another body-the United Nations Administrative Tribunal.

5. It is suggested in the present Advisory Opinion that the activity

mentioned above could be explained on the basis of Article 101 of the
Charter.
1 should like to recall that Article 101 provides: "The staff shall be
appointed by the Secretary-General under regulations established by
the General Assembly." But as the Court said in 1954, the Charter
"does not confer judicial functions on the General Assembly" and that
when it established the Administrative Tribunal it "was not delegating
performance of its own functions" (I.C.J.Reports 1954,p. 61).
These observations of the Court stressed the judicial nature of the
activity of the United Nations Administrative Tribunal, and can be
correctly interpreted in the sense that any procedure for reviewing the
judicial decisions of that Tribunal should be ajudicial one.
6. From the very outset the adoption of the procedure which has now
been approved bythe majority of the Court wasinspired byconsiderations
other than the interests of United Nations officials.

The Secretary-General, as well as the representative of the United

Nations Staff Committee, objected to the proposed review procedure.

The discussions in the Fifth Committee and the plenary meetings of
the General Assembly in 1955 showed very important divergences of
views, which touched upon the Charter and the Statute of the Court.

In the Fifth Committee 30out of the 57delegations did not support the
amendments to Article II of the Statute of the Tribunal. In the plenary
meetingsof theGeneral Assembly 26 out of 59delegations did not support
these amendments.
It may also be useful at this point to indicate some important conse-
quences of the procedure which the Court has approved.
As has already been observed, that procedure is not a judicial one.
In addition to the evidence of this mentioned above, 1 should like to
stress the following.
Paragraph 3 of Article 11of the Statute of the Administrative Tribunal
authorizes the Secretary-General to give effect to the opinion of the
Court. This means that if the opinion of the Court is contrary to the
judgement of the Tribunal, and the Secretary-General is in agreement

with the opinion, he can dejure and defacto nullify the judgement of the
Tribunal, despite the fact that the Secretary-General is only one of the
parties in the case.
7. Reference was made in the Advisory Opinion to the Opinion of theavis que «sur des que:stions juridiques qui se poseraient dans le cadre de

leur activité))(article 96, paragraphe 2, de la Charte). Or, le Comité, qui
n'est pas un organe permanent des Nations Unies, a sollicitéun avis con-
sultatif sur une question qui s'inscrit non pas dans le cadre de sa propre
activité,mais dans le cadre de l'activité d'unautre organe, le Tribunal ad-
ministratif des Nations Unies.
5. L'avis consultatiif donne à penser que l'activité enquestion pourrait

s'expliquer sur la base de l'article 101de la Charte.

Je voudrais rappel'er que selon cet article: «Le personnel est nommé
par le Secrétaire géné:rac lonformément aux règlesfixéespar l'Assemblée
générale)).Mais, corrime la Cour l'a déclaréen 1954, la Charte «n'a pas
conféréde fonctions judiciaires à l'Assembléegénérale))et, en créant le

Tribunal administratif, celle-ci «ne déléguait pas l'exercicede ses propres
fonctions)) (C.I.J. Recueil 1954, p. 61).
Ces observations de la Cour soulignent le caractère judiciaire de l'ac-
tivité du Tribunal administratif des Nations Unies et il y a lieu de les
interpréter en ce sen:; que toute procédure de réformation des décisions
judiciaires de ce Tribunal doit êtreelle-même,j~rdiciaire.

6. Dès le début, l'adoption de la procédure qui vient de recevoir la
caution d'une majorité des membres de la Cour a procédéde considéra-
tions tout à fait étrangères aux intérêts des fonctionnairesde l'Organisa-
tion des Nations Unies.
Le Secrétaire généirad le l'organisation des Nations Unies et le repré-
sentant du Comité du personnel des Nations Unies ont soulevé des ob-

jections contre la procédure de réformation proposée.
Les débats qui se sont déroulésà la Cinquième Commission et aux
séances plénièresde l'Assemblée générale en 1955 ont fait apparaître
d'importances divergences de vues concernant la Charte ainsi que le
Statut de la Cour.
A la Cinquième Commission, 30 des 57 délégations n'ontpas votéen

faveur des amendements proposés à l'article11 du statut du Tribunal. En
séance plénière,26 clélégationssur 59 n'ont pas approuvé ces amende-
ments.
11n'est peut-êtrepas inutile, à ce stade, de mentionner aussi certaines
desconséquences importantes de la procédure quela Cour a approuvée.
Comme je l'ai déjiifait observer, cette procédure n'est pas judiciaire.
En plus de la démonstration faite plus haut à ce sujet, j'aimerais souligner

ce qui suit.
L'article II, paragraphe 3, du statut du Tribunal administratif,autorise
le Secrétaire généralà donnereffet à I'avis de la Cour, ce qui signifie que
lorsque I'avis de la Cour est contraire au jugement duTribunal, si le
Secrétaire généralen reconnaît le bien-fondé, il peut en droit et en fait
tenir pour nul le jugement du Tribunal. bien que n'étantlui-rngnlcqu'une

des parties en cause.

7. L'avis consultai.if cite I'avis rendu par la Cour dans l'affaire con-Court in the Unesco case; and the fact that the Governing Body of the
IL0 has been authorized by the International Labour Conference to seek
the advisory opinion of the Court with regard to judgments delivered by

the IL0 Administrative Tribunal has been used as an analogy for the
procedure accepted by the Court in the present case. But it is necessary
to stress that the Governing Body of the IL0 (like the governing bodies
of some other specialized agencies) is the executive committee of the
ILO, whereas the Cornmittee on Applications it not an executive
committee of the United Nations, nor is itscomposition comparable with
that of the IL0 Governing Body.
A further important point is that the right to initiate the procedure for
review of the judgments of the IL0 Tribunal does not belong to private
persons orto any State, but to the Governing Body itself alone.
1do not intend to analyse al1the other ways in which the provisions
of the Statute of the IL0 Tribunal concerning the question of review of
judgments ofthe Tribunal differfrom those concerning the United Nations
Administrative Tribunal. There is a well-known divergence ofviewsupon
that matter; and I have mentioned the main differences only in order to
show that there is no room forany analogy of the kind mentioned above.

(Signed P)laton Mo~ozov.cernant l'Unesco; leConseild'administration de l'OIT ayant étéautorisé
par la Conférenceinternationale dl1Travail à demander l'avisconsultatif
dela Cour à propos dejugements rendus par le Tribunal administratif de
l'OIT, on a voulu justifier par analogie la procédureacceptéepar la Cour

en la présente affaire. Or il convient de souligner que le Conseil d'ad-
ministration de l'OIT (tout comme les conseils d'administration de
certaines autres institutions spécialisées) estl'organe directeur deIT,
tandis que le Comitédes demandes de réformation n'est pas un organe
directeur de l'organisation des Nations Unies; de plus sa composition
n'est nullement comparable àcelle du Conseil d'administration de l'OIT.
Un autre point important est que le droit de demander la réformation
dejugements du Tribunal de l'OIT n'appartient pasà des particuliers oà
un Etat quelconque, mais au Conseil d'administration lui-même.
Je n'ai pas l'intention d'analyser dans tous leurs détails les autres
différencesqui existent entre les dispositions du statut du Tribunal ad-
ministratif del'OIT relativeà la réformation dejugements de ce tribunal
et celles qui concernent le Tribunal administratif des Nations Unies.l y
a iice sujet une divergence de vues bien connue; et si j'ai mentionnéles

principales différence:;importantesentre lesdeux statuts, c'étaitseulement
pour montrer qu'il n'ya pas lieu de faire étatd'une analogie quelconque,
comme dans le raisonnement quej'ai évoquéplus haut.

(Signé)Platon Mo~ozov.

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Opinion dissidente de M. Morozov

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