Opinion dissidente de M. de Castro

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057-19730712-ADV-01-08-EN
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OPINION DISSIDENTE DE M. DE CASTRO

Je me vois à regret dans l'obligation de joindre àl'avisde la Cour une
opinion dissidente.
Je suis d'accord avecla majoritédes membres de la Cour sur la com-
pétencede la Cour pour donner cet avis et me permets d'indiquer mes
raisons à ce sujet.
Je ne suis pas d'accord avec les conclusionsde la majorité des membres
de la Cour sur le fond de l'affaireetje croisdevoir exposer lesraisons qui
étayent mon dissentiment.

A. Compétencede la Cour

1. La question préalablede la compétencede la Cour pour donner un
avis dans l'affairen'a pas étésoulevéepar les parties intéressées mais la
règledu forum prorogatumnejoue pas à l'égarddes avis consultatifs etla

Cour «n'en doit pas moins, conformément à son Statut et à sajurispru-
dence constante, examiner d'officela question de sa propre compétence))
(Compétenceen matièrede pêcheries(Royaume-Uni c. Islande), compé-
tence de laCour,arrêt, C.I.J.Recueil1973,p. 7)'.
2. La compétencede la Cour est baséesur l'article 11 du statut d;
Tribunal administratif des Nations Unies d'a~rèsleauel le Comité des
demandes de réformation de jugements du ~iibunal administratif peut
prier la Cour de donner un avis consultatif sur certaines questions. Cet
article11s'estinspiréde l'article XII du statut du Tribunal administratif
de l'organisation internationale du Travail, selon lequel la question de

la validitéde certaines décisionsrendues par leTribunal peut êtresoumise
par le Conseil exécutifde l'OIT, pour avis consultatif,à la Cour interna-
tionale de Justice.
Avant 1955,personne ne semble avoir soutenu que l'article XII n'était
pas juridiquement valable ou qu'il se trouvait d'une manière ou d'une

1 Commej'ai eu l'occasionde le dire,le caractèrevolontairede lajuridictionde la
Cour ne joue pas ece qui concerneles avis consultatifs(opinionindividuelle,C.Z.J.
Recueil1971, p. 174).Selon moi I'article68 du Statutne permetd'appliqueraux avis
ne doiventpasêtre inconciliaasvecla naturedesavis. réserveimplicite queces règles autre en contradiction avec les dispositions de la Charte des Nations

Unies ou du Statut de la Cour.
3. Les doutes sur la compétencede la Cour ont pris naissance avec le
projet d'amendements au statut du Tribunal administratif des Nations
Unies et l'établissementd'une voie de recours sous la forme d'un avisde
la Cour. Ce projet d'amendement a son origine dans la crise grave provo-
quée par des jugements que le Tribunal a rendus en 1953en faveur de
fonctionnaires de nationalité américaineaccusésde subversion. De là la
tournure politique des débats au Comité spécial chargé d'étudierla
question de la réformation des jugements du Tribunal administratif, à la
Cinquième Commission et à l'Assemblée générale. On n'en a pas moins,

dans cette polémique, invoqué des arguments juridiques relatifs à la
compétence dela Cour. Ils ne doivent pas êtrenégligés. Un des auteurs du
projet d'amendements a fait observer - et d'autres l'ont répétaprèslui
- qu'en fin de compte ce sera àla Cour de statuer sur sa propre compé-
tence pour donner un avis consultatif.
Il n'est donc pas étrange que des doutes aient persistésur la compé-
tence de la Cour, mêmeaprès la résolution957 (X) de l'Assemblée géné-
rale en date du 8 novembre 1955ajoutant les nouveaux articles 11et 12
au statut du Tribunal administratif des Nations Unies. IIconvient d'exa-
.miner les objections soulevéescontre la compétence de la Cour. Celles

queje connais ne me paraissent pas convaincantes.
4. Le système de l'article 11 du statut du Tribunal administratif des
Nations Unies (comme celui de l'article XI1 du statut du Tribunal ad-
ministratif de l'OIT) peut êtrecritiquéde legeferenda, comme étantune
((procédurehybride)) ou «un pseudo avis consultatif»l ;la procédure con-
sultative se présente comme faisant en quelque sorte fonction de recours
en cassation (àl'égardde l'organisation, du Tribunal administratif et du
Secrétaire général)dans une affaire entre l'organisation et un de ses
fonctionnaires. Mais cet artifice ne méritepas la qualification de fraude
la loi. C'est un développementlicite de la loià la manière de la common

lawoudu préteur à Rome; ilconsiste à utiliser des dispositions en vigueur
àde nouvelles fins. L'articlIl n'est pas contralegem.Aucune règlede la
Charte ou du Statut de la Cour n'interdit de donner l'avis2. Certes la
force qui sera conféréeà I'avisdépassela portéeattachée par la Charte et
le Statutà un avis consultatif mais cette force a sa source en dehors de la
Charte et du Statut. La suiteàdonner à l'avisde la Cour par le Secrétaire
généralou le Tribunal administratif ((n'affecte en rien le mode selon
lequel la Cour fonctionne: celui-ci reste fixépar son Statut et son Règle-
ment. Elle n'affecte ni le raisonnement par lequel la Cour formera son
opinion, ni le contenu de l'avis lui-même.Par conséquent, le fait que
l'avis de la Cour sera accepté commeayant force obligatoire ne fait pas

obstacle àce que suite soit donnée à la demande d'avis.))(Jugementsdu
1 MmeBastid yvoit «une adaptation exceptionnelle des règles généralementappli-
cablesà laCour» dans«Le Tribunaladministratifdes ationsUnies)),Conseild'Etat,
Etudes et documents, 1969, fasciculeno22, p. 20, note 1.
Surcette affirmation,voirparagraphes5et suivants.Tribunal administratif de l'OIT sur requêtes contrel'Unesco, avisconsul-
tatif, C.Z.J.Recueil1956,p. 84.)

La Cour rend un avis doté dela force limitéequi lui est propre. Celle
que des dispositions, accords, statuts ou règlementsdes Etats ou des

organisations peuvent accorder à l'avispre ou post facto ne diminue ni
n'élargitla compétencede la Cour.

5. La critique baséesur le caractère impératifde l'article 34 du Statut
ne porte pas.Il s'agit là d'unerèglelimitée aux affairescontentieuses, aux
différendsentre Etats, qui n'affecte pas les avisconsultatifs.

6. Un doute plus fondéest le suivant: est-il légitimeque le Comité des
demandes de réformation de jugements du Tribunal administratif des
Nations Unies prie la Cour de donner un avis consultatif (article Il du
statut du Tribunal)?
En faveur d'une réponsenégative,il est allégué que la Charte (article
96)et le Statut (article 65)ne donnent le droit de demander la Cour des
avis consultatifs qu'à des organes et institutions spécialisées déjà en

existence, ayant déjà unepersonnalitépropre (le texte airglais dit body)
et en aucun cas ne confèrent cette facultéà un comitécomposéd'Etats
Membres, instituédans le seul but de demander à la Cour des avis con-
sultatifs.
7. L'article 11du statut du Tribunal administratif des Nations Unies
dispose dans son paragraphe 4 qu'aux finsde l'articleII il est crun co-
mité,autorisé en vertu du paragraphe 2 de l'article 96de la Charte à
demander des avis consultatifs à la Cour. L'article 11a étadoptépar la
résolution 957 (X) de l'Assemblée généralO e.r une résolution ((émanant
d'un organe des Nations Unies régulièrementconstitué,prise conformé-
ment à son règlement et déclaréeadoptée par son président, doit être
présuméevalable)) (C.I.J. Recueil 1971,p. 22). La présomption de vali-
ditéquant aux pouvoirs conférésau comitépar l'article Il trouve un

appui solide dans la lettre comme dans les buts de la Charte des Nations
Unies et du Statut.

La qualitépour demander des avis est accordée àl'Assemblée générale,
au Conseil de sécuritéet à tous autres organes de l'Organisation et ins-
titutions spécialiséequi reçoivent, àun moment quelconque, une auto-
risationà cet effetde l'Assemblée généra(laerticle 96de la Charte). Il n'y
a pas de restrictions ratione temporis.Des organisations, organes ou ins-
titutionsà venir (article 65du Statut)pourront jouir du droit de deman-
der des avis à la Cour.
Les organes qui peuvent êtreautorisés à demander des avis ne sont pas
seulement les organes principaux des Nations Unies; ce sont aussi les
organismes secondaires ou instruments administratifs au moyen des-
quels les organisations peuvent exercer leurs droits, par exempleleon-seil d'administration de l'OIT ou le Conseil exécutifde l'Unesco. Il me
semble que 1'Asseinblée générale, qua i le pouvoir de demander des aviset
d'autoriser d'autres organes et institutions spécialisées à le faire, qui a
aussi le pouvoir de créerdes organes subsidiaires(article 22 de la Charte),
peut accorder à ces organes ou àun des élémentsde son administration le
droit de solliciter des avis consultatifsN Io q~lodplussit, semper itrest et

nlinils,D. 50, 17, 110)'.L'Assemblée généralpeeut exercer ses droits soit
par elle-même soit en lesattribuant à iin organe déterminé (poresr quis,
per uliirtll,qitodpotes,/acereper se ipsirtlien l'occurrence au Comitédes
demandes de réformation 2.
Malgréce qui précède,la validitéde la règlede l'article 11 conférant
au Coinitédes demandes de réformation le droit de solliciter des avis a
étémiseen doute, sansraison \'alable je pense. Le Comitéavraiment une

nature spéciale 3. Mais cela tient, pour cc qui nous importe ici, à ce qu'il
est un organe indépendant par rapport au système d'organisation judi-
ciaire des Nations Unies. L'article 11vise h l'intégrerdans ce systéme.Le
Comitéest un organe coinplénientüire du Tribunal administratif; il est
établiafin que la fonction judiciaire du Tribunal soit assuréeavec plus de
garanties. Les Nations Unies ont attribué des fonctions spécifiquesau
Tribunal et au Comité, en leur conférant le statut d'organes indépen-

dants. C'est ce que les Etats font pour leur part quand ilscréentune orga-
fikation judiciaire dotéed'organes indépendantset coordonnés 4.

Je ne crois pas non plus qu'on soitfondé à dénierau Comitéle droit de
demander à la Cour des avis consultatifs sur des questionsjuridiques qui
se poseraient dans le cadre de son activité(Charte, article 96, paragraphe

2) pour la raison qu'il n'a pas une activité d'organeou qu'il n'a pas une
activitéqui lui soit propre. Le Comitéa une activité, a savoir décidersi la
contestation opposée au jugement du Tribunal repose sur des bases
sérieuses,et, dans l'affirmative, prier la Cour de donner un avis consul-
tatif. Je ne vois pas de raison valable d'exiger que, pour êtreconsidéré
comme un organe au regard de l'article 96de la Charte, l'organe dont il
s'agit aitiine activité d'unecertaine étendue.Le Comitén'est pas un or-

gane étrangerau Tribunal administratif; c'estun organe complémentaire,
établiafin que le Tribunal administratif exerce sa fonction avec plus de

1 La Cour dit que l'Assembléegénéralea lepouvoir d'amender le statut du Tribunal
administratif ete prévoir desvoies derecours devant un autre organe)) (C.I.J. Recueil
1954, p. 56).
2 Il est crééafin de pouvoir demander des avis consultatifs.
3 Surla nature du Comité,comparer A.M. Del Vecchio,IlTriburuleamministrativo
delle Nazioni Unite, 1972,p. 172et suiv.
4 On a dit que l'organisation est ((représentéeparun de sesorganes», le Comité des
demandes de réformation (voir Dehaussy, «La procédure de réformation desjuge-
national, 1956, p. 476). L'expression est équivoque; plutôt que représentataon, il y
creation d'un organe pour mieux répondre aux besoins de YOrganisation des Nations
Unies.garanties. L'Assemblée généraaleattribuédesfonctions au Tribunal et au
Comitéenlesétablissantcommedesorganes coordonnés.

8. L'observation maintes fois formulée surla condition politique des
membres du Comitéet le fait qu'ils peuvent ne pas êtredes juristes ne
tient pas.11suffitde rappeler que la Charte donne en premier lieu ledroit
de demander des avis à l'Assemblée générale e atu Conseil de sécurité
dont le caractère politique n'est pas douteux.
Il faut remarquer aussi que i'expression ((condition politique» peut
êtreéquivoque.On dit d'un organe dont les membres sont nomméspar
des Etats qu'il a un caractère politique. Mais il n'est pas juste de le
qualifier ainsi lorsqu'il exerce des fonctions judiciaires. Il n'est pas
difficilede montrer par des exemples qu'il convientde distinguer entre

nomination et fonction; ainsi dans quelques Etats le ministèrepublic fait
le fiitragedesrecours en cassation et il le fait en tant qu'organejudiciaire.
Au moment de décidersiune suite sera ou non donnée àla demande d'un
fonctionnaire tendant à prier la Cour de rendre un avis consultatif, les
membres du Comiténe font pas Œuvre politique, ils font et ils doivent
faire Œuvrejudiciaire.

9. L'apaisement des différends politiques de l'année 1953 semblait
avoir fait oublier les objections la compétencede la Cour résultant de
l'article11du statutdu Tribunal administratif desNations Unies.

L'avis de la Cour relatif aux Jugements du Tribunaa l dministratif'de
l'OIT sur requêtescontre l'Unesco (C.I.J. Recueil 1956) a pu paraître
décisifdans le même sens. LaCour a eu àdécideren 1956une question
pratiquement identique à celle qui sepose en la présenteaffaire, celle de
sa compétenceen vertu de l'article XII du statut du Tribunal adminis-
tratif del'OIT. Dans l'avis précitde 1956,laCour ne voit d'obstacle à la
compétenceque lui confère l'article XII ni dans la Charte ni dans le
Statut de la Cour. La demande d'avis porte bien sur une question juri-
dique, poséedans le cadre de l'activitéde l'organisation. Le seul doute
naît de ce que «le caractèrejudiciaire» de la Cour impose le respect du
«principe de l'égalitéentre lesparties», qui découledes exigences d'une

bonne administration de la justice; mais, comme la Cour le dit, «ces
exigences n'ont pas été compromisesen l'espècepar le fait que les obser-
vations écrites formuléesau nom des fonctionnaires ont étéprésentées
par l'intermédiairede l'Unesco ...[et] bien qu'il n'y ait pas de procédure
orale, la Cour ...a reçu des informations adéquates))(C.Z.J. Recueil
1956,p. 86).

MM. Winiarski et Klaestad et sir Muhammad Zafrulla Khan, dans
leurs opinions individuelles, montrent leur prtoccupation de voir I'éga-
litédes parties assuréedevant lejuge, mais ils n'exprimentpas dedoutes
sur la compétencede la Cour. M. Hackworth, dans son opinion dissi-dente, commence par dire qu'il se rallie «à la conclusion de la Cour
qu'elle est compétentepour donner son avis consultatif en réponse à la
demande de l'organisation des Nations Unies pour l'éducation, la
science etla culture et que la Cour a le devoir de ce faire»bid.,p. 116).
M. Hackworth, comme MM. Badawiet Read, étaie son dissentimentsur
un raisonnement concernant l'incompétencedu Tribunal administratif de

l'OIT pourtraiter de la matièreenjeu dans l'affaire.
10. L'article11 du statut du Tribunal administratif des Nations Unies
a essayéde sauvegarder le principe de l'égalité dans le procèsen impo-
sant au Secrétaire général l'obligatiodne transmettreà la Cour l'opinion
de la personne qui a étl'objetdujugement. L'Assembléegénéraled ,e son
côté,recommande dans sa résolution957 (X) que «les Etats Membres et
le Secrétaire générasl'abstiennent de présenterdes exposésoraux à la
Cour internationale de Justice, à l'occasion d'une procédure engagée
conformémentau nouvel article 11 du statut du Tribunal administratif

des Nations Unies».
11. L'autoritéde l'avisde 1956intéressantl'Unescoet lajustesse de ses
motifs expliquent que des auteurs éminents,comme Rosenne et Mme
Bastid, n'expriment pas, quand ils étudient l'article 11 du statut du
Tribunal administratif des Nations Unies, le moindre doute sur le droit
du Comitédes demandes de réformationde demander des avis à la Cour
et surla compétencede laCour pour donner des avis; ilsne citent même
pas les objections à la compétence de la Cour examinées plushaut
(paragraphes 4-8)l.

Je ne vois pas non plus de motifs pour modifieà présentlecritèrede la
Cour.

B. Opportunité de donnerl'avis
12. La Cour peut donner un avis consultatif (article 65 du Statut); elle
peut donc ne pas le donner. Mais le refus de la Cour ne peut pas être

arbitraire; il doit êtrefondésur de bonnes et fortes raisons. La Cour n'a
pas refuséde donner un avis sollicitépar un organe autorisé à ce faire; il
n'y a qu'une exception qui remonte à la Cour permanente et vise le cas
très spécialdu Statut de la Carélie orientale (avis consultatif, 1923,
C.P.J.Z.sérieB no 5)2.
On a fait observer que la fonction attribuàelaCour par l'article 11du
statut du Tribunal administratif des Nations Unies n'est pas conforme à
la dignitéet au prestige de la Cour. On peut répondre à cela que la di-
gnité d'un organejudiciaire ne semesure pas à la conditiondesjusticiables
- Etats ou personnes privées -, ellerésultede sa contribution au main-

tien de lajustice.

MmeBastid,eloc.cit., p. 19-21;voir aussiDel Vecchio,loc. cit., p. 163-184.Dans The;
UnitedNations Administrative Tribunal,,p. 92,Koh seréféraeuxdiscussionsmais
sans contester la compéteee la Cour.Dehaussyne doutepas delacompétencede
la Cour,malgrésesréservede Iegeferenda, [oc.cit., p. 479.
2 Surcetavis, voirmon opinionindividuelledansC.Z.J.Recueil 1971,p. 171.

117 13. ((11est vrai que la Cour pourrait, de sa propre initiative, user du
pouvoir discrétionnaire que lui confère I'article 65, paragraphe 1, du
Statut et ne pas donner suiteà la demande d'avis consultatif. Lorsqu'elle
examine cette possibilité,la Cour ne doit pas perdre de vue qu'«en prin-
cipe la réponse à une demande d'avis ne doit pas êtrerefusée))(C.I.J.
Recueil 1951,p. 19).La Cour s'estdemandé, eu égard à sa pratique pas-
sée, sides raisons «décisives»justifieraient un tel refus. Elle n'a pu en

découvriraucune. Elle estime au surplus qu'en répondant à la requête
non seulement elle resterait ((fidèleaux exigencesde son caractère judi-
ciaire)) (C.I.J.Recueil 1960, p. 153), mais encore elle s'acquitterait de
ses fonctions d'«organe judiciaire principal des Nations Unies)) (Charte,
article92)))(C.I.J. Recueil 1971,p. 271.)
14. Dans l'affaire intéressantl'Unesco, la Cour,'après avoir examiné
le caractèreparticulier de la procédureprévue àI'articleXII du statut du
Tribunal administratif de l'OIT - qui est très proche de I'article II du
statut du Tribunal administratif des Nations Unies-a dit:

((11semble qu'il n'yait pas, dans ces conditions [respect du prin-
cipe de l'égalitentre les parties], de motif déterminantpour que la
Cour refuse de prêterson assistance à la solution d'un problème qui
se pose pour une institution spécialisée ds ations Uniesautorisée à
demander à la Cour un avisconsultatif. Malgréle caractèrepermissif

de l'article 65du Statut relatif aux avis consultatifs, il faudrait des
raisons décisivespour déterminer la Cour à opposer un refus qui
compromettrait le fonctionnement du régimeétablipar le statut du
Tribunal administratif en vue de la protection juridictionnelle des
fonctionnaires.»(C.I.J. Recueil 19.56,p. 86.)

15. On ne peut aussi considérerque la possibilitéde faire assurer un
certain contrôle des décisionsdu Tribunal administratif des Nations
Uniespar la Cour, possibilitéqu'offre l'article1du statutde ceTribunal,
fait ((contribuer la Cour au bon fonctionnement de l'Organisation»
(C.I.J. Recueil1972, p. 60),et lui permet ainsi d'accomplirsa tâche d'or-
gane des Nations Unies.

C. Application de I'article 11 du statut du Tribunal administratif
des Nations Unies

16. L'article 11du statut du Tribunal administratif des Nations Unies
confère compétence à la Cour pour donner son avis dans la présenteaf-
faire et marque ainsi les limitesde sa compétence.Aux finsde son applica-
tion par la Cour, il est utile de l'examiner ici.

17. Un Etat Membre, le Secrétairegénéralou la personne qui a été
l'objet d'unjugement rendu par le Tribunal administratif a la facultéde

et 173.s lemême sens, voirmon opinionindividuelledansC.I.J. Recueil1971,p. 170contester lejugement et de demander au Comitédes demandes de réfor-
mation de prier la Cour de donner un avis consultatif sur la question.
Chaque fois que la Cour est priéede donner un avis consultatif, le Secré-
taire généralou bien donne effet àI'avisdela Cour, ou bien prie le Tri-
bunal administratif de confirmer son jugement initial ou de rendre un
nouveau jugement, conformément à l'avisdelaCour.
La Cour n'est pas appelée à prononcer un nouveau jugement; elle ne
joue pas par elle-mêmele rôle d'une cour d'appel ou d'une cour de cassa-
tion. L'avis consultatiftantdemandé,laCour le donne afin de collaborer

d'une manière bien délimitée à la fonction judiciaire du Tribunal ad-
ministratif et de contribuer au meilleur fonctionnement de l'organisation.

18. L'article 11a établiun nombre limitéde causes permettant de con-
tester le jugement. 11y a donc un numerus clausus des questions sur les-
quelles on peut prier laCourdedonner un avis :on peut contester lejuge-
ment en alléguantque le Tribunal a outrepassésa juridiction ou sa com-
pétenceou n'a pas exercésajuridiction ou a commis une erreur de droit
concernant les dispositions de la Charte des Nations Unies ou a commis,
dans la procédure, uneerreur essentiellequi a provoquéun mal-jugé.

Il està remarquer que les motifs permettant de contester le jugement
sont des questions de droit, seules questions sur lesquelles la Cour peut
donner des avis (article 96 de la Charte et article 65 du Statut). La Cour
n'a pas compétencepour examiner tous les griefs avancéspar la personne
qui conteste le jugement. Elle n'a pas lepouvoir d'étudier à nouveau les
preuves produites au Tribunal administratif, et moins encore d'examiner
des faits ou élémentsde preuve qui n'ont pas été soumis àce Tribunal ou
n'ont pas étéconsidéréspar lui 1.La Cour se trouve donc dans I'impos-

sibilitéjuridique de tenir compte de la présentation donnée à l'affaire
dans la version corrigée de l'opinion de M. Mohamed Fasla. C'est cer-
tainement un exposétrès brillant mais la Cour ne peut pas le suivre; elle
ne peut pas sortir du cadre de sa compétence. Elle peut moins encore
tenir compte des présomptions, des rumeurs, des on-dit, des «peut-
être»,des ((sans doute» et des «semble-t-il)), dont l'exposéest semé.La
Cour ne saurait davantage prendre note des documents qui n'ont pas été
présentésau Tribunal adrninistratif. Enfin, la Cour ne peut rien dire des
réclamations de M. Fasla qui n'entrent pas dans le cadre de la demande
d'avis; elle ne peut pas outrepasser sa juridiction.

19. Dans l'affaire consultative de 1956 intéressant l'Unesco, il a été
question de la méthode à suivre pour interpréter les dispositions régis-

Un desleitmotive deladiscussionsurlarevisiondustatutduTribunaladministratif
est que la réformationne portera passurdes questionsde fait. La Cour auraà consi-
dérerles faits établisparle Tribunal. Elle nejoue pas le'une cour d'appel;son
r6le a ici une certaine analogie avec celui d'une cour de c,ril est limité aux
le Comité,et auxcauses de réformationadmisepsarl'articleII du statut du Tribunal.sant les fonctions du Tribunal administratif de I'OIT. On a invoquéle
caractère international du Tribunal pour aboutir à une interprétation
restrictive. La Cour a répondusur ce point:

«La Cour ne conteste pas que le Tribunal administratif soit un
tribunal international. Mais ce qui étaitsoumis à ce Tribunal n'était
pas un différendentre Etats. C'étaitun différendentre un fonction-
naire et l'Unesco. Les considérations qui ont pu êtreinvoquéesen
faveur d'une interprétation restrictive des dispositions gouvernant la
compétenced'un tribunal appelé à statuer entre Etats, et déduites de
la souverainetéde ceux-ci, ne se retrouvent pas quand il s'agitd'un
tribunal appelé à statuersur larequêted'un fonctionnairecontre une

organisation internationale. ))(C.I.J. Recueil 1956, p. 97.)

La Cour attire ainsi l'attention sur la manière dont il convient qu'elle
interprète les règlesinternes des organisations quand elle doit se pronon-

cer sur des questions juridiques pouvant se poser dans le cadre de leur
activité. Le droit applicable aux relations entre le fonctionnaire et l'ad-
ministration d'une organisation internationale a pu êtrequalifié d'inter-
national, mais cela afin d'expliquer l'incompétence destribunaux natio-
naux pour connaître de ces litiges. Ce ne sont pas de vrais différendsinter-
nationaux, ce sont des affaires à régler selonun droit interne - le droit
interne de l'organisation - qui doit être interprétécomme tel, conformé-
ment à l'objet et au but des règlesqu'ilprévoit1.

20. L'article XII du statut du Tribunal administratif de l'OIT donne

au Conseil exécutif,dans le cas de l'Unesco, le droit de soumettre la
question de la validitéde la décisiondu Tribunal, pour avis consultatif, a
laCour, au cas où il ((conteste une décisiondu Tribunal affirmant sa com-
pétence ou considère qu'une décision dudit Tribunal est viciéepar une
faute essentielle dans la procédure suivie».

La faculté accordéeau Conseil exécutifde contester les décisionsdu
Tribunal est très restreinte; on a pu arguer de la lettre de l'article XII
pour soutenir que cette facultéest limitéeaux cas d'excèsde pouvoir et

d'erreur dans l'application des règles sur les formalités procédurales,et
que l'article XII n'offre pas la possibilitéde contester une décisiondu
Tribunal pour mal-jugéau fond.
21. L'article 11 du statut du Tribunal administratif des Nations
Unies suppose un changement complet, copernicien)) peut-on dire, par
rapport àl'article XII du statut du Tribunal administratif de I'OIT.

Le motif politique expliquant que l'on ait proposé le nouvel article 11

1 Le Tribunal administratif tientcompte aussi du principe deI'ef(«must give
the maximum effectto these rules»), voir K[oc.cit., p. 84.
120a été d'offriraux Etats le moyen de contester lesjugements du Tribunal.
Mais dans les projets présentés comme dans les débatsdu Comitéspécial
de la Cinquième Commissionet de l'Assembléegénérale un nouvee lsprit
s'est imposé, plusample et plus juste.
Le droit de contester lejugement du Tribunal cesse d'êtreun privilège
de l'organe administratif supérieur; il est accordé certesaux Etats Mem-

bres et au Secrétaire généralm , ais il l'est ausài«la personne qui a été
l'objet d'unjugement rendu par leTribunal)). Les fonctionnaires obtien-
nent ainsi le droitde contester lesjugements.

Dans les débatsqui se sont déroulésaux Nations Unies, les représen-
tants de divers Etats ont tenu à montrer qu'un des buts de la réforme
devait être derenforcer le statut juridique du personnel, de tenir compte
de ses intérêtlségitimes,d'assurer aux fonctionnaires la sécurité deI'em-

ploi et de faire en sorte que les droits des fonctionnaires soient stricte-
ment respectés 1.
22. L'article 11 ne se borne pas non plus à permettre la réformation
d'un jugement en raison de vices formels; il considèreaussi l'erreur de
droit ((concernant les dispositions de la Charte des Nations Unies». Ces
mots ont été interprété csomme ne visant pas ((seulementl'interprétation
des dispositions de la Charte, mais aussi l'interprétationou l'application

des dispositions du statut du personnel édicté en application du chapitre
XV de la Charte)) (M. Evans, A/AC.78/SR. 10,p. 3); ils visent les ques-
tions mettant en jeu les articles 97, 100et 101de la Charte (M. Bender,
ibid.,p. 6); ils visent notamment ((lescas ou l'on sedemande s'ilfaut con-
firmer la façon dont le Secrétairegénéraa l jugé la conduited'un fonction-
naire du point de vue des normes de travail, de compétenceet d'intégrité
requises du personnel de l'organisation aux termes de l'article 101de la
Charte ..» (M. Merrow, Documents oficiels de l'Assembléegénérale,

dixième session,Cinquième Commission,494eséance, p.48-49,par. 20) 2.
23. Un changement important par rapport à l'article XII du statut du
Tribunal administratif de l'OIT est introduit dans le troisième motifde
contestation prévu par l'article 11 du statut du Tribunal administratif
des Nations Unies. Au lieu de«faute essentielledans la procéduresuivie)),
il est dit«ou a commis, dans la procédure, une erreur essentielle qui a
provoqué un mal-jugé». La mention faite du ((mal-jugé»résulte d'un
amendement proposé par l'Inde et accepté sansdébat 3. Ellea une grande

portée.Grâce à cette formule, la Cour a le moyen d'examiner,dans l'avis
qui lui est demandé,si la décisionprise sur le fond par le Tribunal ad-
ministratif estjuste.
-
1 En Cvitantaussi d'affaiblir l'autoritédu Tribunal administratif et de donner des
occasions de gênerle Secrétariat dans l'exercicees fonctions.

2 Voir aussi Del Vecchio, [ocit.p. 168et suiv.
3 «On a voulu écarterles demandes de réformationfondéessur des erreurs mineures
ou sans conséquences))(Documents officiels de I'Assembléegénéral, ixiPme sessio?~,
Cinquième Commission, 496' séance, p.59, par. 26). 24. L'interprétation de chacun des motifs de réformation énoncésa
l'article 11 doit se faire dans l'esprit qui imprègne cet article dans son
ensemble, de sa référenceaux dispositions de la Charte et au mal-jugé.
La Cour aura à considérer l'existence d'un mal-jugééventuel, et devra
vérifierà cet effet si lejugement respecte les buts et principes de I'Orga-

nisation des Nations Unies, les principes générauxde droit (article 38 du
Statut), et spécialement lesprincipes de droit administratif, de droit du
travail (relations entre l'organisation et les fonctionnaires) et de droit de
la procédure 1.
Lemembre de phrase «quiaprovoqué un mal-jugé»a une valeur en soi.
II n'y a pas de bonne raison de croire qu'il vise le défautde procédure
(error inprocedendo). On ne peut pas supposer que cette formule soit une

répétition inutile desmots ((erreur essentielle». Le mal-jugéconsidéréest
le mal-jugésur le fond (error injudicando), le résultat de l'erreur et non
pas l'erreur mêmecommise dans la procédure.

Je ne vois pas de raisons assez fortes pour empêcher d'interpréterce
membre de phrase dans le sens littéral,pour en restreindre la portée jus-

qu'à le rendre superflu. 11n'y a pas non plus de motifs pour attribuer un
tel propos à la délégation indienneet à la majoritéde l'Assembléequi a
votél'adoption de l'article 11.
La lecture des débatsqui ont eu lieu a la Cinquième Commission fait
plutôt penser que l'opinion a évolué enun sens favorable aux droits des
fonctionnaires, et pour une interprétation qui permette de tenir compte
des erreursde droit, bien que d'une manièretrèslimitée 2.Cettetendance

ne s'est finalement pas concrétiséemais on peut croire qu'elle a joué en
faveur de l'acceptation de la proposition indienne. Celle-ci permet de
donner satis faction dans une certaine mesure au désirexprimépar quel-
ques déléguéq sui souhaitaient que la Cour rende un avisconsultatif pour
résoudre un problème juridique d'une manière équitablepour tous les
intéressés.

II. QUESTION SOUMISES À L'AVIS DE LA COUR

A. Le Tribunal a-t-il omis d'exercer sa ,juridiction, ainsi que le soutient
M. Fasla?

25. Dans la demandepar laquelle il conteste devant le Comitélejuge-
ment rendu, le requérant soutient que le Tribunal n'a pas exercésa juri-

1 L'article38 du Statutvaut pour lesdifférends e tats. Dans son avis. la Cour
applique le droitinterne de l'organisation, qu'elle complète règles7dudroit
commun des Etats;le Tribunaladministratif«s'appuie souventsurdesnotions iuridi-
quesfondamentalesqui ontleurplacedanstoutsyitèrnede droit»(MmCBastid,oc.it.,
p.26).Surl'applicationdesprincipes générdedroitet del'équitv, irKoh, loc.cit.,
p. 82 et 83.
2 Le souci généraelst d'exclure que la contestation du jugement porte sur des
questions defait.diction, parce qu'il n'a pas examiné pleinement, c'est-à-dire un e une,
toutes ses plaintes. Le Comité des demandesde réformation a estiméque
la demande de M. Fasla repose sur des ((bases sérieuses)),onze de ses
membres ayant étéd'avis de prier la Cour de donner un avis consultatif
sur la question de l'exercicede sajuridiction par le Tribunal administratif
des Nations Unies.
26. Le sens donnépar l'article 11aux mots «n'a pas exercésajuridic-
tion» ne semble pas clair. S'agit-ildu sens vulgaire et cela veut-il dire que
le Tribunal a omis d'examineret destatuersur quelques-unes desplaintes
du requérant? Mais enun sens plus technique cette omission n'est con-
sidéréeque comme une erreur ou un vice de procédure. LeTribunal
n'exerce pas sa juridiction quand il se déclareincompétent, soitque la

question de l'incompétenceait étésoulevéepar l'un des plaideurs soit
qu'elleait étésoulevéed'office;en revanche, ilexercesajuridiction même
dans le cas où il commet une erreur dans la procédure enn'examinant
pas une des plaintes du requérant.

La distinction ne semble pas facile à faire en pratique. Dans les écri-
tures de M. Fasla, on tourne la difficultéen blâmant le Tribunal parce
qu'il «n'a pas exercésajuridiction et/ou a commis,dans laprocédure,une
erreur essentielle.
Il est vrai que les codes des Etats confondent quelquefois l'erreur de
procéduredans lejugement prononcé infrapet(i casd'unjugement dans
lequel lejuge ne décide pastous lespoints en litige) avec ledéfautd'exer-

cice du pouvoir conféréau juge; la raison de cette confusion est que, en
s'abstenant de trancher quelques-uns des points en litige, lejuge n'a pas
exercé sajuridiction en ce qui les concerne.

27. Il me semblecependant que l'article 11envisagelajuridiction dans
son sensstrict ou technique. L'opposition que l'on constate dans le mem-
bre de phrase «a outrepassé sajuridiction ou sa compétenceou n'a pas
exercésajuridiction)) 1joue en faveur de cette interprétation.A mon avis,
le Tribunal n'a pas nié qu'ilavait compétencepour juger l'affaireet il a
acceptéderecevoir et deconsidérerlesplaintes de M. Fasla.

C'estsous la rubrique de l'erreur essentielledans la procédurequ'ilfaut

examiner la question.
La distinction a une importance pratique. Dans le cas du non-exercice
de la juridiction, il ne saurait êtrequestion de mal-jugé;or celui-cicon-
ditionne la possibilitéde tenir compte de l'erreur dans la procédure.

1 Dans le texte recommandepar le Cornitespécialon ne frouve pas le passage
«ou n'apas exercé sjuridiction)).

123B. Le Tribunal a-t-il commis, dans la procédure,une erreur essentielle
qui a provoquéunmal-jugé?

28. L'erreuret le mal-jugé.La question ici posée est complexe.L'erreur
essentielledans la procédure est unmotif de réformationsielle provoque
un mal-jugé.Ellene constitue un tel motif que s'ilexisteun mal-jugé.

Il semblelogique de commencer par examiner s'ily a eu mal-jugé.Sice
n'est pas le cas,l'erreur dans la procédure,même la plus essentielle, ne

peut êtreretenue comme motif de réformation.
On doit tenir compte d'abord de ce que la référenceau mal-jugé pré-
sente le motif sous un autre aspect. Ce motif perd le caractère formaliste
propre au vice de procédureet prend un caractère de fond en harmonie
avec le respect dû aux dispositions de la Charte.

Il y a une interdépendance étroiteentre l'erreur et le mal-jugé.Mais il

n'est pas nécessaireque l'erreur soit cause du mal-jugé, si l'onentend la
causalitéd'une manièrepurement logique ou comme la relation de cause
à effet dans les obligations extra-contractuelles. Il suffit que le mal-jugé
soit provoqué, appelédu dehors (pro-vocare) ;il suffit que l'erreur soit
l'occasion du mal-jugé (letexte anglais dit: ((which has occasioned a
failure ofjustice»). Des deux éléments du motif, laconsidérationtenant à
lajustice dujugement a pris lerôle primordial.

Le mot «provoqué» n'est pas un terme technique. Il a étéchoisi pour
écarterl'obligation de prouver que l'erreur est la conditiosine quanondu
mal-jugé. Il donne ainsi au Comitédes demandes de réformation et en
conséquence à la Cour la possibilitéd'appliquer le statut conformément
au bon sens. L'erreur préalableau dommage subi par la victime est à
considérer comme ((circonstance favorisant généralement lemal-jugé»;
le lienà établirest l'existenced'une présomption raisonnableque l'erreur

favorise le mal-jugéouen est l'occasion 1.

29. Lesfaits à considérerP. our savoir s'ily a eu mal-jugé,il faut avant
tout relever lesfaits qui présententde l'importance en l'espèce.Commeil
est dit plus haut (paragraphe 18),la Cour nepeut pas sortir du cadrede sa
compétence;elle doit s'entenir aux faits examinés ettenus pour prouvés
dans lejugement no 158du Tribunal administratif 2.

30. M. Fasla est entréau service de l'ONU en vertu d'un contrat qui,
aprèsquelques prorogations, devaitexpirerle 3 1dbcembre 1969.

1 Paulnous ditet quioccasionernpraestat, damnurnfecisse videtur, D. 9,2,30, par.3.

2 La Cour n'a pas ;iétudier les allégatiose M. Fasla selon lesquellesil a été
persécutéet même châtiépours'être conduit loyalemeetnversl'ONU, en dénonçant
les maniganceset les abus d'un supérieurI.l y a peut-êtredes indices, maiit'a fan
pasété dûmentexposéet prouvédevantle Tribunaladministratif. Le chef de la division du personnel du PNUD a informéM. Fasla,
par une lettre du 22 mai 1969, que, comme le directeur de la gestion
administrative et du budget du PNUD le lui avait expliqué,«tous les
efforts possiblesseraientfaits pour,[lui]trouver un autre poste)).
Les possibilitésde trouver à un fonctionnaire un autre poste dans
I'Organisation, dans les institutions spécialisées,et mêmehors des
Nations Unies, dépendent desqualifications et notes du dossier adminis-

tratif et de la ficheanalytique individuellede l'intéressé.
Le dossier de M. Fasla était ((incompletet trompeur)) et sa fiche in-
dividuelle «incomplète» (pour reprendre les termes de la Commission
paritaire de recours), en raison de la négligenceet de la mauvaise volonté
de quelques fonctionnaires de l'organisation.
De l'avisdu Tribunal, la lettre du 22 mai 1969constitue «un engage-
ment formel du défendeurde s'employer à chercher un nouvel emploi au
requérant. Un tel engagement de faire «tous les efforts possibles))impli-
que évidemment l'obligationde procéderdans des conditions régulières

et de bonne foi)). Le Tribunal estime que cet engagement «n'a pas été
exécuté régulièrement)), puisque liensformations concernant les services
de M. Fasla comportaient de «graves lacunes)),n'étaientpas ((complètes
et impartiales)).
Le Tribunal dit que le rapport de septembre 1970,trèsdéfavorableau
requérant, ne peut s'expliquer «que par une violencedans lessentiments
et un défautdemaîtrise de soi qui témoignent,en l'espèce,d'un parti pris
de la part du premier notateur)); ce parti pris du premier notateur n'a été
en aucune manière redressépar le deuxièmenotateur, lequel s'est ap-

propriéles termes du premier et n'a pastenu compte des informations
favorables à M. Fasla ((provenant d'une personne autoriséeet chargée
d'uneenquêtesur la missionau Yémen)).

Le Tribunal administratif estime que le parti pris du premier notateur
n'a pas été redressé par le fonctionnaire supérieur ((comme il en avait
l'obligationauxtermes du Règlementdu personnel »,quel'organisation a
toléréqu'un rapport ((manifestement inspirépar le parti pris)) soit placé
dans le dossier du requérantet utilisédans la fiche individuelle revisée a

la suite de la recommandation de la Commission paritaire, que lerapport
périodique «est entachéde nullité))et que «le défendeurn'a pas exécuté
dans des conditions raisonnables l'obligation qu'ilavait assuméede pro-
céder à la recherche d'un poste pour le requérant 1)).

1 Ledéfendeurn'a pascontestélejugementdu Tribunal. Il accepte donc les faits que
celui-ci donne comme prouvés.
Pour bien comprendre les décisionsduTribunal, il faut tenir compte de ce que, dans
contrats de duréedéfinienesont pas l'équivalentdecontrats ordinaires de duréedéfinie
entre employeurs et employésprivés»C.I.J. Recueil 1956, p. 91) et aussi de ce qu'«il
peut y avoir des circonstances dans lesquelles le non-renouvellement d'un contrat de
duréedéfinieconstitue un motif valable de réclamation)), p. 92).Cette pratique se
reflètedans l'article du statut du personnel.
Dans le droit interne, les conventions doivent être((exdeutées foi)); elles 31. LeTribunal octroie une indemnité, auxlieu et place de l'exécution
de l'obligation que le défendeur avaitassuméede procéder à la recherche
d'un poste au requérant. Le Tribunal fixe,comme seule indemnité pour

tous les préjudicessubis par M. Fasla, une somme égaleau montant net
du traitementde basedu requérant pourune périodede sixmois.
32. Les demandesdurequérant.M. Fasla ademandé aussi la réparation
du préjudice subidu fait du parti pris dontil a victime,l'indemnisation
des souffrances d'ordre affectif et moralà lui infligées,la réparationdu
tort que lui a causéla divulgation par le défendeur, l'intérieuretà l'ex-
térieur del'ONU, de renseignements incompletset fallacieux, l'indemni-

sation des dommages à lui causéssur le plan de sa réputationet de son
avenir professionnels 1.
33. Le jugement du Tribunaladn~inistratif.Le requérant apu faire deux
griefs au jugement du Tribunal: ne pas avoir pris en considérationplu-
sieursde sesdemandes et ne pas avoir octroyéune indemnitésatisfaisante
pour lesdommages subis et que le Tribunal avait examinés.

34. Le Tribunal, dans l'exposédes faits, n'ignore pasla sériedes faits

nuisibles au requérantqui ont pour origine la négligenceet le parti pris
(conduite dolosive) de quelques fonctionnaires de l'Organisation, maisil
a omis ensuite de statuer sur plusieurs plaintes du requérantfondéesen
droit et ila oubliéque l'auteur d'un dommage a l'obligationde réparerles
torts qu'il a causés.

35. Selon le Tribunal, l'organisation a pris l'engagement formelde
s'employer à chercher un nouveau poste à M. Fasla et elle n'a pas pro-

cédé à cet effet «dans des conditions régulièreset de bonne foi». Le
Tribunal constate aussi qu'iln'est possiblede porter remèdeà cette situa-
tion que par l'octroi d'une indemnité,et il fixe cette indemnité à une
somme égaleau montant net du traitement de base du requérant pour
une périodede six mois.
L'indemnisation d'un dommage doit êtreen rapport avec les pertes et
les préjudicessubis; sinon il y a mal-jugé.
36. La lettre du 22mai 1969fait naître, selon le Tribunal, l'obligation

pour le défendeurde s'employer à chercher un nouveau poste au requé-
rant. La Commission paritaire de recours, dans son rapport du 3 juin
1970,fait la recommandation suivante: «Le PNUD devrait continuer de
chercher sérieusement à affecter le requérantà un poste correspondant à

((obligentnon seulement à ce qui y est exprimé, mais encoreà toutes les suites que
I'équitl',usageou la loi donnentà l'obligationd'aprèssanature))(articles1134et 1135
du code civil français).D'ou la légitimité des desla conduitede l'employeur
envers I'employ. n cas d'inexbution, i'obligationse résouten dommageset intérêts.
fonctionnaires.énérau'appliquent aux relations contractuelles deavec ses
1 Je ne mentionnepasici toutes les réclamatiM.sFasla mais seulementcelles
qui, à mon avis, peuventavoir fait l'objet,dans laprocédurerreuressentielle
ayant provoquéun mal-juge.ses aptitudes soit au PNUD soit dans une autre organisation interna-
tionale)). La même Commission estimeque «le dossier du requérant est
incomplet et trompeur, et que cela a gravement compromis ses chances
d'obtenir une prolongation de son contrat ou de faire accepter sa candi-
dature à un poste dans d'autres organisations)).
La Commission paritaire recommande le versement d'une somme
équivalantau traitement de M. Fasla pour une périodede six mois. Cette
recommandation s'explique parce que l'indemnitéétaitfixéeeu égard à la
périodede six mois qui s'étaitécoulée entre la fin du contrat du requérant
(31 décembre1969)et la date du rapport de la Commission (3juin 1970).
Pendant cette période,on avait à tenir compte des espoirs de M. Fasla de
voir accepter sa candidature dans une organisation internationale. Mais

lesrecommandations de la Commission ont elles-mêmesdonnéun nouvel
aliment aux espoirs de M. Fasla qui a pu les conserver légitimementjus-
qu'au jugement du 28 avril 1972.
37. Le Tribunal a constatéque le PNUD n'a pas complètement suivi la
recommandation l'invitant à corriger le dossier et la fiche analytique de
M. Fasla, si bien que cette fiche, si elle avait été diffusée(,(n'aurait pas
permis d'obtenir de meilleurs résultatsauprèsd'éventuelsemployeurs que
celle qui avait été établien 1969 1».
Le Tribunal arrive à la conclusion que le défendeur n'a pas exécuté
l'obligation qu'ilavait assuméede procéder à la recherche d'un poste pour
M. Fasla, et il constate aussi ((qu'iln'est pas possible de porter remèdà

cette situation par l'annulation de la décisioncontestéeou en ordonnant
I'exécutionde I'obligation contractéeen 1969)).
38. Il est constaté que, par la négligenceet la mauvaise volonté du
défendeur,et malgré sespromesses, M. Faslan'a pu obtenirun poste dans
l'organisation et a étémis dans I'impossibilitépratique d'obtenir un poste
ailleurs.
39. Le Tribunal a le pouvoir et le devoir de fixer le montant du pré-
judice subi, au cas où I'exécutionde l'obligation invoquéene serait pas
possible. Vu l'impossibilité d'exécuter leosbligations prises par l'organi-
sation envers M. Fasla (selon ce que leTribunal a déclaré)et l'existencede
trèsgraves préjudices, le Tribunal doit accorder une indemnitéadéquate.

Conformément aux principes de droit, l'existence de dommages dus à
une faute entraîne I'obligation de réparer. Au cas où la réparation en na-
ture n'est pas possible, soit que le débiteur ne puisse pas soit qu'il ne
veuille pas exécuter (nemopotest praecise cogi adfactum), il y a répara-
tion sous la forme d'un équivalent. Cette réparation doit couvrir le
damnumemergenset le lucrumcessans.Le montant doit êtretel qu'il place
lavictime dansla situation la plus proche possible de celle où ellese serait
trouvCes'iln'y avait pas eu faute du défendeuret cette responsabilitédoit

1 Le Tribunalaconsidéré commierréversibllea décisionpriseparl'administration
del'organisationde n'employeren aucuncas M. Fasla.jouer d'une manièreplus sévèreencore si le dommage est le résultat d'une
conduite dolosive.
Le Tribunal administratif des Nations Unies estime que la promesse
faite à M. Fasla dans la lettre du 22 mai 1969n'est pas tenue et qu'elle ne
peut plus l'être,et cela par la faute et la mauvaise volontédu défendeur.
L'expectative néed'une telle promesse est fortifiéepar le rapport de la

Commission paritaire de recours (3juin 1970)et elleest vivantejusqu'à la
date du jugement (28avril 1972).Le dommagesubi par M. Fasla consiste
donc en la perte de son traitement jusqu'à cette dernière date, après la-
quelle il devait chercher un poste hors de l'organisation. 11faut aussi con-
sidérer lespréjudiceset la perte du traitement pendant la périodedont il
avait besoin pour trouver un autre poste 1.
On doit noter que le Tribunal administratif a oublié d'examiner d'au-
tres plaintes relatives aux dommages subis par M. Fasla. II laisse de

côté,sans mot dire, les dommages et préjudicesrésultant de l'atteinte à
l'honneur professionnel de M. Fasla, qui ont leur source dans la nature
mensongère du dossier et de la fiche analytique non corrigés; c'est là une
faute grave dont l'organisation est responsable.
Il est vrai que, selon une règle anormale et inéquitable (odiosa sunt
restringenda) du statut du Tribunal administratif des Nations Unies,
l'indemnité à accorder ne peut être supérieureau montant du traitement
de base du requérant pour une périodede deux ans. Cependant, le Tri-

bunal peut, dans des cas exceptionnels, ordonner le versement d'une
indemnitéplus élevée (article 9, paragraphe 1).
Dans l'affaire portée devant la Cour, les préjudices causés à M. Fasla
ont un caractère exceptionnel par leur origine et leur étendue; il y a eu
inaccomplissement d'une promesse et de graves dommages àla carrièreet
à la réputation professionnelles de M. Fasla, dommages qui résultent
pour lui dela conduite fautive et dolosive de fonctionnaires de l'organisa-
tion.

Le Tribunal administratif semble donc avoir mal jugéen limitant l'in-
demnitéaccordéeau montant de six mois de traitement; il aurait dû la
fixerà ((ceque la Cour a, en d'autres circonstances,appelé lajuste mesure
de la réparation, le chiffre raisonnable de celle-ci» (C.I.J. Recueil 1956,
p. 100,citant C.I.J. Recueil1949,p. 249).

40. L'erreur dans la procédure.On reproche au Tribunal de ne pas
avoir examinétoutes les demandes du requérant, en particulier les de-

mandes de réparation concernant les préjudices causés à M. Fasla sur le

1 Pourfixerle montantdupréjudicsubi,leTribunaladministratif esNationsUnies
dit qu'ildoit rechercher«dans quellemesurela requérapouvait compterconserver
son emploi, eu égardaux termeset à la nature de son contrat, aux dispositionsdu
Statutet du Règlement dupersonnelet enfinaux faitsde la cauidoit apprécieles
chancesqu'alarequérante de gagnesravie aprèsla cessationdesonemploià I'Organi-'
sation des Nations Unies)) (affaire Eldridge,Jugements du Tribunaladministratif des
Nations Unies,jugement no 39, 1953,p. 184; passagecitédans Koh, foc. cit., p. 85,
note 134).291 DEMANDEDE RÉFORMATION(OP. DISS. DE CASTRO)

plan de l'aveniret de laréputation professionnels etlessouffrancesd'ordre
affectif et moral dont il a étévictime, préjudiceset souffrances dus à la
faute du défendeur.
On reproche aussi au Tribunalde ne pas avoir examinéces demandes,
de les avoir rejetéesglobalement et sans discrimination, sans les motiver,

quand il a dit rejeter «les autres demandes)).

41. Les erreursessentiellesdans la procédureL . e droit de la procédure
considère comme une erreur essentielle la non-conformité entre ce qui
fait l'objet de la requête etle jugement.
Un jugement peut êtreviciépar excès (ultra petita) ou par défaut
(infra aut minus petita). II l'est par défaut«s'il a été omisde prononcer
sur l'un des chefs de la demande1 ».Lejuge doit statuer d'aprèsleperitum

de la requête (sententia debet esse conformislibeili), et le jugement ne
doit négligeraucune des demandes présentéesdans les conclusions des
parties. Lejuge n'accomplit pas son devoir (judex decideredebet) quand
il omet de statuer sur une des causaepetendi de la requête(nonestjudex
minuspetita partium) .
En droit interne, ce défautest estiméd'une telle gravité qu'ilauvre le
recours de la requêtecivileet du pourvoi en cassation.11y a tout lieu de le
qualifier d'erreur essentielle dans la procédure.

42. L'erreur de procédureest essentielle aussi en ce qu'elleprovoque le
mal-jugé.
Le préjudicemoral doit êtreréparéselon lesprincipes générauxde droit
et cette réparation est la garantie des droits de l'homme. Sonimportance
juridique est bien connue. La Charte des Nations Uries commence en
proclamant sa foi dans «les droits fondamentaux de l'homme, dans la
dignitéet la valeur dela personne humaine)),doctrine développéedans la

Déclaration universelle des droits de l'homme, selon laquelle «nul ne
sera l'objet d'atteintes son honneur et à sa réputation)),et ((toute per-
sonne a droit à la protection de la loi contre de telles atteintes»*. La
protection due à la dignitéde la personne s'applique à I'honneur et la
réputation professionnelle. Or le Tribunal n'a pas examinél'atteinte à
I'honneur et à la renommée professionnelle de M. Fasla et ce défaut a
influencéle jugement dans son ensemble; il a complètement fausséla
manière dont toute l'affaire a été envisagée.

43. Le Tribunal considère les demandes de M. Fasla comme fondées
sur l'inaccomplissement de la promesse de l'administration de faire tout

1 C'estainsique l'article480 du code de procédurecivile françaisde 1806formule le
pas pour ne pas alourdirmon opinion, ont rédigéssurson modèle.Voir aussi uneindique
remarqueincidentefigurant dans.Z.JR ecueil 1950, p. 402.
2 Sur les droits fondamentaux de la personne humaine, voir C.Z.J.Recueil 1970,
p. 32. Le Tribunal administratifde la Société des Nations reconnaîat contrario le droit
à une indemnité pourpréjudicemoral:jugement no13,7 mars 1934.Lejugementno99
(affaire.A.) du Tribunal administratifdes Nations Unies décide le versement d'une
indemnitéenraison d'un préjudice mora(lvoireBastid, toc. rit., p. 27).son possible pour lui trouver un poste dans l'organisation. Mais procéder
ainsi, c'est mal envisagerl'affaire.
Ce n'est pas I'inaccomplissement de la promesse qui importe le plus.
Le nŒudde la question est lefaitque l'honneur professionnel de M. Fasla
a été atteint, enraison dela conduite fautive etlosive de certains fonc-

tionnaires, conduite dont l'Organisation assume la responsabilitéet qui a
entraînéle manquement à la promesse. Mais aussi et surtout l'atteinàe
l'honneur professionnel de M. Fasla estàl'origine des dommages écono-
miques et moraux qu'il a subis; elleaété l'obstacleinsurmontable qui a
empêché de lui procurer un postà l'organisation ou de lui en trouver un
hors de l'organisation.

Le Tribunal n'a pas considérédirectementla demande d'indemnisation
pour préjudice à l'honneur professionnel; c'est la seule manière d'expli-
quer qu'illimiteàsixmoisde traitement l'indemnité accordée.
44. Dans l'exposéécritdu défendeur présenté àla Cour, il est dit que
le Tribunal a tenu compte de la demande de M. Fasla en réparation du
tort causéà sa réputationetà son avenir professionnels parceque lejuge-

ment du Tribunal fait état de cette demande dans l'exposédes faits
(paragraphe 27).
L'argument du défendeur porte à faux. Le jugement n'est pas incri-
minéen raison d'un exposéincomplet des faits. Le reproche adresséau
Tribunal est qu'ila omis d'examineret de seprononcer dansson jugement
sur un des chefs dela demande, celui qui est le point central de l'affaire.
a commis ainsi, dans la procédure,une erreur essentielle qui a provoqué
un mal-jugé.
45. Dans son exposé à la Cour, le défendeur invoque le point 4 du
dispositif du jugement du Tribunal («les autres demandes sont rejetées)))
pour conclure que le Tribunal a exercé pleinement sa juridiction par
rapport aux demandesqui lui étaient soumises(paragraphe 30).
A mon avis (voir paragraphe 27 ci-dessus), le Tribunal a exercésa

juridiction, mais en commettant une erreurde procédure.Il n'a passtatué
sur chacun des chefs de demande et la formule très généralequ'il a
employée ne remédiepas à ce défaut.
46. Pour évitertout malentendu, j'ajoute en passant qu'il ne faut pas
confondre les défautsou erreurs qui, s'agissant d'un jugement, sont une
cause de nullité(nullitéabsolue ou ipsjure) et les fautes ou erreurs qui
ouvrent la voie à une contestation de la validitédu jugement devant un
tribunal ou une cour supérieure. Les jugements d'un tribunal ou d'une
cour de dernière instance ne peuvent êtrecontestésen raison de simples
fautes ou erreurs de procédure.
47. La décisiond'un tribunal n'est justifiéeque lorsqu'elle a un fon-
dement logique dans les motifs et conclusions qu'ellecontient.
Le défendeurallègueque la non-motivation d'un jugement n'estpas une
erreur de procédure pouvant entraîner la réformation parce que I'article
11du statut du Tribunal administratif ne la mentionne pas expressément,

et cela bien que, dans le document de travail présentépar le Secrétaire
130293 DEMANDE DE RÉFORMATION (OP.DISS. DE CASTRO)

général,on ait inclus «l'absence de motif» parmi les causes de contesta-
tion (voir paragraphe 102 de l'exposéécrit renvoyant au document des
Nations Unies A/2909, annexe II A, paragraphe 53). Il allègue aussi

qu'en tout cas ce n'est pasune faute de procédureassezgrave pour donner
lieu à un mal-jugé(paragraphe 104).

48. Ces arguments du défendeurne me semblent pas convaincants. Le
fait de ne pas citer l'absence de motif, dans l'énumérationdes causes
d'une éventuelle réformation, n'exclut pas que cette absence constitue
une erreur de procédure. L'article 11du statut du Tribunal administratif

des Nations Unies où figurent les mots «une erreur essentielle» dans la
procédure, vise toutes les erreurs essentielles dans la procédure, et le
caractère d'erreur essentielle que revêtla non-motivation dans la procé-
dure du Tribunal administratif est manifeste. L'article 10,paragraphe 3,
du statut qui dit: «Les jugements sont motivés))le confirme bien 1.

49. Les motifs, considérantsouattendus des arrêtsetjugements ne sont
pas de simples ornements. L'exigenceformuléepar les lois comme par le
statut du Tribunal administratif des Nations Unies de motiver lesjuge-
ments découlede la nature mêmede la fonction judiciaire. «Il est de
l'essence même desdécisionsjudiciairesd'êtremotivées 2))

50. L'article 52 de la Convention pour le règlement des différends

relatifs aux investissements entre Etats et ressortissants d'autres Etats
établitque chacune des parties peut demander l'annulation de la sentence
pour «défaut de motifs». L'exposéécrit présenté au nom du Secrétaire
généralinvoque cet article pour renforcer son argument selon lequel le
fait de ne pas avoir mentionné l'insuffisance de motifs à l'article 11du
statut signifie que cette insuffisance n'est pas une raison valable de con-
tester lejugement (paragraphe 40).

Il me semble que l'article 52 cité est plutôt une manifestation du
caractère généraldu principe d'après lequel il est de l'essence des juge-
ments d'êtremotivés. Le silencede l'article 11 du statut au sujet des
motifs tend à éviter uneredite; une telle mention est inutile car l'arti10e
du statut en fait une condition requise pour que lesjugements soient en
bonne et due forme.
51. On a toujours et partout reconnu l'importance de la motivation

des jugements. Francis Bacon déjà avait dit judices sententiae suae
ratione adducant (Aph. 38). Les plus anciens codes de procédureexigent

Voir aussi article 9, paragra1,infine. Le but de ces articles est d'«inciter le
Tribunalà veiller à la motivation de ses jugements et à la prudence de ses solutions))
(MmeBastid, loc. rit., p. 20); cela importe d'autant plus que. parmi les membres du
Tribunal administratif, «très peu ont eu une expériencede juge», p. 25).

Conclusions Letourneur (C.E. 27 janvier 1950). citation tirée de Juret, «Obser-
vations sur la motivation des décisionsjuridictionnelles international~e'tié-evue
rale de droit internarioiralpublic, 1960, p. 519.aussi que lesjugements soient motivés 1.La Cour considèrequela motiva-
tion est une condition propre aux jugements d'une cour de justice et aux
sentences des arbitresz. Et on a pu à bon droit conclure que «dire que la
motivation est de nos jours obligatoire parce qu'indispensable devient
banal 3».

52. Le juge ne décidepas en vertu d'un pouvoir discrétionnaire(ex
voluntate) mais selon la loi (ex ratione legis), ce qu'il montre bien en
motivant les arrêts.Les motifs sont la prémisse logiquedu jugement. Un
jugement sans motif ou insuffisamment motivéapparaît comme une
décisionarbitraire et non comme un vrai jugement 4.

Motiver lesjugements a un autre but: les motifs permettent aussi aux

parties de connaître les raisons des décisionsjudiciaireset de savoir ainsi
quelles possibilités ellesont de contester le jugement en appel ou en cas-
sation et, le cas échéant,la manièrede le faire.

La Cour permanente a dit: ((toutes les parties d'unjugement visant les
points en litige s'expliquent et se complètent l'une l'autre et doivent
êtreprises en considération, afin d'établirla portéeet le sens précisdu
dispositif))(C.P.J.I. sériB enoII, p. 30).

53. Dans l'affaire devant la Cour, le rejet en bloc et sans motifs par le
jugement du Tribunal administratif des plaintes du requérant - et des
plaintes d'importance fondamentale - est en soi une erreur dans la
procédure; mais cela fait ressortir aussi une autre erreur dans la procé-
dure, tenant à ce que le jugement a omis de se prononcer sur certains
chefs de la demande.
54. Le défendeurallèguedans son exposé(paragraphe 105)que, selon
la Cour, quelles que soient les fautes procéduralesque le Tribunal ait pu

commettre, il n'y a pas lieu de les examiner, alors surtout que les irré-
gularités alléguéesne constituent pas une ((atteinte fondamentale aux
exigences d'une bonne procédure))(Appel concernant lacompétence du
Conseilde I'OACI, C.I.J. Recueil1972,p. 69).
11faut observer que I'article 84 de la Convention de I'OACI, appliqué
par la Cour dans l'affaire précitée, nm e entionne pas les irrégularitésde
procédure,et qu'au contraire l'article 11 du statut du Tribunal adminis-
tratif, qu'il s'agitd'appliquer à présent, relèveexpressémentl'erreurdans

la procédure. La Cour, dans l'arrêtcité par le défendeur a dit: «les
irrégularités de procédure, à les supposer vérifiées,auront pour seul

1 Ainsi l'article141ducode de procédurcivile françaisde 1806 (reprenant laloi des
12-Cette motivation qui a un ((caractèreessentiellement judiciaire)) estrequise par
l'article56, paragraphe1, du Statut dela Cour (C.I.J. Recueil1954,p. 52); la sentence
doit être«fondéesur un raisonnement et des explicationssuffisants» (C.I.J. Recueil
1960, p. 216).
3 Juret,loc. rit., p. 568 etpassim.
Il en est autrementpour d'autres catégories de décisions, judici, minktra-
tives ou d'un jury.résultatqu'il [le Conseil] sera parveàula décision qui convient d'une
manièreerronée:il aura tout de mêmeabouti au bon résultat)) (ibid.,
p. 70).A mon avis, non seulement lejugement du Tribunal administratif
est viciépar une erreur essentielledans laprocédure et n'aboutit pas
bon résultat,mais encore cette erreur essentiellea provoquéun mal-jugé.

(SignéF ).DE CASTRO.

Bilingual Content

OPINION DISSIDENTE DE M. DE CASTRO

Je me vois à regret dans l'obligation de joindre àl'avisde la Cour une
opinion dissidente.
Je suis d'accord avecla majoritédes membres de la Cour sur la com-
pétencede la Cour pour donner cet avis et me permets d'indiquer mes
raisons à ce sujet.
Je ne suis pas d'accord avec les conclusionsde la majorité des membres
de la Cour sur le fond de l'affaireetje croisdevoir exposer lesraisons qui
étayent mon dissentiment.

A. Compétencede la Cour

1. La question préalablede la compétencede la Cour pour donner un
avis dans l'affairen'a pas étésoulevéepar les parties intéressées mais la
règledu forum prorogatumnejoue pas à l'égarddes avis consultatifs etla

Cour «n'en doit pas moins, conformément à son Statut et à sajurispru-
dence constante, examiner d'officela question de sa propre compétence))
(Compétenceen matièrede pêcheries(Royaume-Uni c. Islande), compé-
tence de laCour,arrêt, C.I.J.Recueil1973,p. 7)'.
2. La compétencede la Cour est baséesur l'article 11 du statut d;
Tribunal administratif des Nations Unies d'a~rèsleauel le Comité des
demandes de réformation de jugements du ~iibunal administratif peut
prier la Cour de donner un avis consultatif sur certaines questions. Cet
article11s'estinspiréde l'article XII du statut du Tribunal administratif
de l'organisation internationale du Travail, selon lequel la question de

la validitéde certaines décisionsrendues par leTribunal peut êtresoumise
par le Conseil exécutifde l'OIT, pour avis consultatif,à la Cour interna-
tionale de Justice.
Avant 1955,personne ne semble avoir soutenu que l'article XII n'était
pas juridiquement valable ou qu'il se trouvait d'une manière ou d'une

1 Commej'ai eu l'occasionde le dire,le caractèrevolontairede lajuridictionde la
Cour ne joue pas ece qui concerneles avis consultatifs(opinionindividuelle,C.Z.J.
Recueil1971, p. 174).Selon moi I'article68 du Statutne permetd'appliqueraux avis
ne doiventpasêtre inconciliaasvecla naturedesavis. réserveimplicite queces règles DISSENTING OPINION OF JUDGE DE CASTRO

[Translation]

To my regret, 1find that 1am obliged to append a dissenting opinion

to the Advisory Opinion of the Court.
1agree with the mstjorityof the Members of the Court on the question
of the Court's competence to givethe opinion, and 1propose to give my
reasons on this point.
1am not in agreement with the conclusions reached by the majority of
the Members of the Court on the substance of the case, and 1think that1
should set out the reasons which support my dissent.

A. Jurisdiction of the Court

1. The preliminary question of the Court's jurisdiction to give an
opinion in the case hiasnot been raised by the interested Parties, but no
forum prorogatuni riile can apply in regard to advisory opinions and
"Nevertheless the Court, in accordance with its Statute and its settled

jurisprudence, must e:xamineproprio motu the question of its own juris-
diction" (Fisheries Jirrisdiction (United Kingdomv. Iceland) Jurisdiction
of the Court, Judgment, I.C.J. Reports 1973,p. 7)l.
2. Thejurisdiction of the Court is based on Article 11of the Statute of
the United Nations Administrative Tribunal, according to which the
Committee on Applications for Review of Administrative Tribunal
Judgements may requiestthe Court to give an advisory opinion on certain
questions. This Article was based on Article XII of the Statute of the
IL0 Administrative 'Tribunal,under which the question of the validity of
certain decisions givi:nby the Tribunal can be submitted to the Courtfor

advisory opinion by the IL0 Executive Board.

Before 1955nobotly appears to have maintained that Article XII was
legally unsound or conflicted in some way or other with the provisions

1 As 1have occasion to observe, the consensual nature of the Court'sjurisdiction
does not operate wher'eadvisory opinions are concemed (separate opinion, I.C.J.
Reports 1971,p. 174).In my view,Article68 of the Statuteonly permitsapplicationto
tion that such rules mustnbeirreconcilablewith the natureof advisoryopinions.va- autre en contradiction avec les dispositions de la Charte des Nations

Unies ou du Statut de la Cour.
3. Les doutes sur la compétencede la Cour ont pris naissance avec le
projet d'amendements au statut du Tribunal administratif des Nations
Unies et l'établissementd'une voie de recours sous la forme d'un avisde
la Cour. Ce projet d'amendement a son origine dans la crise grave provo-
quée par des jugements que le Tribunal a rendus en 1953en faveur de
fonctionnaires de nationalité américaineaccusésde subversion. De là la
tournure politique des débats au Comité spécial chargé d'étudierla
question de la réformation des jugements du Tribunal administratif, à la
Cinquième Commission et à l'Assemblée générale. On n'en a pas moins,

dans cette polémique, invoqué des arguments juridiques relatifs à la
compétence dela Cour. Ils ne doivent pas êtrenégligés. Un des auteurs du
projet d'amendements a fait observer - et d'autres l'ont répétaprèslui
- qu'en fin de compte ce sera àla Cour de statuer sur sa propre compé-
tence pour donner un avis consultatif.
Il n'est donc pas étrange que des doutes aient persistésur la compé-
tence de la Cour, mêmeaprès la résolution957 (X) de l'Assemblée géné-
rale en date du 8 novembre 1955ajoutant les nouveaux articles 11et 12
au statut du Tribunal administratif des Nations Unies. IIconvient d'exa-
.miner les objections soulevéescontre la compétence de la Cour. Celles

queje connais ne me paraissent pas convaincantes.
4. Le système de l'article 11 du statut du Tribunal administratif des
Nations Unies (comme celui de l'article XI1 du statut du Tribunal ad-
ministratif de l'OIT) peut êtrecritiquéde legeferenda, comme étantune
((procédurehybride)) ou «un pseudo avis consultatif»l ;la procédure con-
sultative se présente comme faisant en quelque sorte fonction de recours
en cassation (àl'égardde l'organisation, du Tribunal administratif et du
Secrétaire général)dans une affaire entre l'organisation et un de ses
fonctionnaires. Mais cet artifice ne méritepas la qualification de fraude
la loi. C'est un développementlicite de la loià la manière de la common

lawoudu préteur à Rome; ilconsiste à utiliser des dispositions en vigueur
àde nouvelles fins. L'articlIl n'est pas contralegem.Aucune règlede la
Charte ou du Statut de la Cour n'interdit de donner l'avis2. Certes la
force qui sera conféréeà I'avisdépassela portéeattachée par la Charte et
le Statutà un avis consultatif mais cette force a sa source en dehors de la
Charte et du Statut. La suiteàdonner à l'avisde la Cour par le Secrétaire
généralou le Tribunal administratif ((n'affecte en rien le mode selon
lequel la Cour fonctionne: celui-ci reste fixépar son Statut et son Règle-
ment. Elle n'affecte ni le raisonnement par lequel la Cour formera son
opinion, ni le contenu de l'avis lui-même.Par conséquent, le fait que
l'avis de la Cour sera accepté commeayant force obligatoire ne fait pas

obstacle àce que suite soit donnée à la demande d'avis.))(Jugementsdu
1 MmeBastid yvoit «une adaptation exceptionnelle des règles généralementappli-
cablesà laCour» dans«Le Tribunaladministratifdes ationsUnies)),Conseild'Etat,
Etudes et documents, 1969, fasciculeno22, p. 20, note 1.
Surcette affirmation,voirparagraphes5et suivants.of the United Natioris Charter or of the Statute of theCourt.

3. Doubts with regard to the Court's jurisdiction arose when it was
proposed to amend the Statute of the United Nations Administrative
Tribunal so as to create a remedy by way of an advisory opinion to be
given by the Court. The proposal to this effect originated in the grave
crisis that arose out of certain judgements given by the Tribunal in 1953
in favour of staff members of United States nationality who had been
accused of subversion. This explains why the discussions in the Special
Committee on Review of Administrative Tribunal Judgements, the Fifth
Committee and the General Assembly had a political flavour. Some legal
arguments on the Court's jurisdiction were nevertheless relied on in this

controversy, and they should not be overlooked. One of the sponsors of
the proposed amentfments remarked-and his remark was repeated by
others-that in the last resort it would be for the Court toule on its own
competence to give an advisory opinion.
It is therefore not surprising that some doubts should have remained
with regard to the jurisdiction of the Court, even after the adoption of
General Assembly resolution 957 (X) of 8 November 1955 adding the
newArticles 11and 112 to the Statute ofthe United Nations Administrative
Tribunal. The objections raised against the Court's jurisdiction have to
be examined. 1 do not find those known to me convincing.
4. The mechanisrn set up by Article 11 of the Statute of the United
Nations Administrative Tribunal (like that provided for by Article XII

of the Statute of thi: IL0 Administrative Tribunal) is open to criticism
de legeferenda as a "hybrid procedure" or "pseudo-advisory opinion"1,
inasmuch as the advisory procedure is, so to speak, made to do duty as a
form of cassation (with regard to the Organization, the Administrative
Tribunal and the Secretary-General) in proceedings between the United
Nations and one of litsstaff members. But this artificedoes not deservethe
epithetfraus legis. It is a legitimate development of the law, on the lines
of the techniques of Common Law or the Roman praetor, whereby
existing provisions are employed for new ends. Article 11 is not contra
legem. There is no rule either in the Charter or in the Statute of the
Court which prohibits giving the advisory opinion2. It is true that the

force conferred upon the opinion will exceed the scope attached by the
Charter and the Statute to an advisory opinion, but the origin of that
force isoutside the Charter and Statute. Any action to be taken pursuant
to the Court's opinion by the Secretary-General or by the Administrative
Tribunal "in no wise affects the way in which the Court functions; that
continues to be determined by its Statute andits Rules. Nor does it affect
the reasoning by which the Court formsitsOpinion or the contents of the
Opinion itself. Accordingly, the fact that the Opinion of the Court is

1 Mrs. Bastidseesit as "anexceptional adaptationof therulesgenerallyapplicable
to the Court":Le Tribunal administrafesNations Unies,Conseild'Etat,Etudes et
do2uOn thisstatement,rreepara.5 et seqq.Tribunal administratif de l'OIT sur requêtes contrel'Unesco, avisconsul-
tatif, C.Z.J.Recueil1956,p. 84.)

La Cour rend un avis doté dela force limitéequi lui est propre. Celle
que des dispositions, accords, statuts ou règlementsdes Etats ou des

organisations peuvent accorder à l'avispre ou post facto ne diminue ni
n'élargitla compétencede la Cour.

5. La critique baséesur le caractère impératifde l'article 34 du Statut
ne porte pas.Il s'agit là d'unerèglelimitée aux affairescontentieuses, aux
différendsentre Etats, qui n'affecte pas les avisconsultatifs.

6. Un doute plus fondéest le suivant: est-il légitimeque le Comité des
demandes de réformation de jugements du Tribunal administratif des
Nations Unies prie la Cour de donner un avis consultatif (article Il du
statut du Tribunal)?
En faveur d'une réponsenégative,il est allégué que la Charte (article
96)et le Statut (article 65)ne donnent le droit de demander la Cour des
avis consultatifs qu'à des organes et institutions spécialisées déjà en

existence, ayant déjà unepersonnalitépropre (le texte airglais dit body)
et en aucun cas ne confèrent cette facultéà un comitécomposéd'Etats
Membres, instituédans le seul but de demander à la Cour des avis con-
sultatifs.
7. L'article 11du statut du Tribunal administratif des Nations Unies
dispose dans son paragraphe 4 qu'aux finsde l'articleII il est crun co-
mité,autorisé en vertu du paragraphe 2 de l'article 96de la Charte à
demander des avis consultatifs à la Cour. L'article 11a étadoptépar la
résolution 957 (X) de l'Assemblée généralO e.r une résolution ((émanant
d'un organe des Nations Unies régulièrementconstitué,prise conformé-
ment à son règlement et déclaréeadoptée par son président, doit être
présuméevalable)) (C.I.J. Recueil 1971,p. 22). La présomption de vali-
ditéquant aux pouvoirs conférésau comitépar l'article Il trouve un

appui solide dans la lettre comme dans les buts de la Charte des Nations
Unies et du Statut.

La qualitépour demander des avis est accordée àl'Assemblée générale,
au Conseil de sécuritéet à tous autres organes de l'Organisation et ins-
titutions spécialiséequi reçoivent, àun moment quelconque, une auto-
risationà cet effetde l'Assemblée généra(laerticle 96de la Charte). Il n'y
a pas de restrictions ratione temporis.Des organisations, organes ou ins-
titutionsà venir (article 65du Statut)pourront jouir du droit de deman-
der des avis à la Cour.
Les organes qui peuvent êtreautorisés à demander des avis ne sont pas
seulement les organes principaux des Nations Unies; ce sont aussi les
organismes secondaires ou instruments administratifs au moyen des-
quels les organisations peuvent exercer leurs droits, par exempleleon-accepted as binding provides no reason why the Request for an Opinion
should not be complied with." (Judgmentsof the Administrative Tribunal
of the IL0 upon C~~rrplaints Made against Unesco, Advisory Opinion,
I.C.J. Reports 1956,p. 84.)
The Court gives an advisory opinion endowed with the limited force
proper to it. Such force as provisions, agreements, statutes or rules
emanatingfrom States or organizations may bestow on the opinion ante
factum or expost facto neither diminishes nor enlarges thejurisdiction of
the Court.
5. The criticism derived from the imperative character of Article 34of
the Statute of the Court is misdirected. The rule contained in that text is

limited to contentiouiscases,disputes between States, and does not affect
advisory opinions.
6. There is more substance in the followingdoubt: can the Committee
on Applications for Review of Administrative Tribunal Judgements
legitimately request tlheCourt to givean advisory opinion (Art. 11of the
Statute of the Tribunial)?
Supporters of the negative contend that the Charter (Art. 96) and the
Statute of the Court (Art. 65) givethe right to request advisory opinions
csfthe Court solelyto organs and specialized agencies whichalready exist
and have a personaliity of their own (what Art. 65 calls "bodies") and
can in no circumstarices confer such a power on a committee which is
composed of member States and was instituted for the sole purpose of
requesting advisory opinions of the Court.
7. Paragraph 4 of' Article 11 of the Statute of the United Nations
Administrative Tribunal provides that, for the purpose of Article 11,
a committee isestablished and authorized under paragraph 2of Article 96
of the Charter to request advisory opinions of the Court. This Article 11
was adopted by General Assembly resolution 957 (X). Now a "resolution

of a properly constiti~tedorgan of the United Nations which is passed in
accordance with the organ's rules of procedure, and is declared by its
President to have been so passed, must be presumed to have been validly
adopted" (I.C.J. Reports 1971,p. 22). The presumption of validity sofar
as the powers conferred on the Committee by Article 11are concerned
is buttressed by both the letter and the purposes of the United Nations
Charter and the Statute of the Court.
Capacity to request advisory opinions has been given to the General
Assembly,the SecurityCouncil andto other organs ofthe UnitedNations
and specialized agencies whichmay at any time be so authorized by the
General Assembly (Charter, Art. 96). There are no restrictions ratione
temporis. Organizations, organs or bodies yet to come (Statute, Art. 65)
rnay enjoy the right to request advisory opinions of the Court.

The organs that can be authorized to request advisory opinions are
not only the principal organs of the United Nations but also the subsid-
iary organisms or administrative instruments by means of which organi-
zations may exercise their rights, for example the Governing Bodyseil d'administration de l'OIT ou le Conseil exécutifde l'Unesco. Il me
semble que 1'Asseinblée générale, qua i le pouvoir de demander des aviset
d'autoriser d'autres organes et institutions spécialisées à le faire, qui a
aussi le pouvoir de créerdes organes subsidiaires(article 22 de la Charte),
peut accorder à ces organes ou àun des élémentsde son administration le
droit de solliciter des avis consultatifsN Io q~lodplussit, semper itrest et

nlinils,D. 50, 17, 110)'.L'Assemblée généralpeeut exercer ses droits soit
par elle-même soit en lesattribuant à iin organe déterminé (poresr quis,
per uliirtll,qitodpotes,/acereper se ipsirtlien l'occurrence au Comitédes
demandes de réformation 2.
Malgréce qui précède,la validitéde la règlede l'article 11 conférant
au Coinitédes demandes de réformation le droit de solliciter des avis a
étémiseen doute, sansraison \'alable je pense. Le Comitéavraiment une

nature spéciale 3. Mais cela tient, pour cc qui nous importe ici, à ce qu'il
est un organe indépendant par rapport au système d'organisation judi-
ciaire des Nations Unies. L'article 11vise h l'intégrerdans ce systéme.Le
Comitéest un organe coinplénientüire du Tribunal administratif; il est
établiafin que la fonction judiciaire du Tribunal soit assuréeavec plus de
garanties. Les Nations Unies ont attribué des fonctions spécifiquesau
Tribunal et au Comité, en leur conférant le statut d'organes indépen-

dants. C'est ce que les Etats font pour leur part quand ilscréentune orga-
fikation judiciaire dotéed'organes indépendantset coordonnés 4.

Je ne crois pas non plus qu'on soitfondé à dénierau Comitéle droit de
demander à la Cour des avis consultatifs sur des questionsjuridiques qui
se poseraient dans le cadre de son activité(Charte, article 96, paragraphe

2) pour la raison qu'il n'a pas une activité d'organeou qu'il n'a pas une
activitéqui lui soit propre. Le Comitéa une activité, a savoir décidersi la
contestation opposée au jugement du Tribunal repose sur des bases
sérieuses,et, dans l'affirmative, prier la Cour de donner un avis consul-
tatif. Je ne vois pas de raison valable d'exiger que, pour êtreconsidéré
comme un organe au regard de l'article 96de la Charte, l'organe dont il
s'agit aitiine activité d'unecertaine étendue.Le Comitén'est pas un or-

gane étrangerau Tribunal administratif; c'estun organe complémentaire,
établiafin que le Tribunal administratif exerce sa fonction avec plus de

1 La Cour dit que l'Assembléegénéralea lepouvoir d'amender le statut du Tribunal
administratif ete prévoir desvoies derecours devant un autre organe)) (C.I.J. Recueil
1954, p. 56).
2 Il est crééafin de pouvoir demander des avis consultatifs.
3 Surla nature du Comité,comparer A.M. Del Vecchio,IlTriburuleamministrativo
delle Nazioni Unite, 1972,p. 172et suiv.
4 On a dit que l'organisation est ((représentéeparun de sesorganes», le Comité des
demandes de réformation (voir Dehaussy, «La procédure de réformation desjuge-
national, 1956, p. 476). L'expression est équivoque; plutôt que représentataon, il y
creation d'un organe pour mieux répondre aux besoins de YOrganisation des Nations
Unies.of the 1LOor the Ex'ecutiveBoard of Unesco. It appears to me that the
General Assembly,wlnichhas the power to request opinions and authorize
other organs and spe:cializedagencies to do so, and has also the power
of estabiishing subsidiary organs (Charter, Art. 22), can bestow on those
organs or on one of the elements of its administration the right to seek

advisory opinions (in eo quodplus sit, semper in est et minus, D. 50, 17,
110)l. The General .Assemblycan exercise its rights either itseif or by
conferring them upon a particular organ (potest quis, per alium, quod
potest facere per se ipsum)-in the present instance on the Committee on
Applications for Review 2.
Despite the foregoing, the validity of the provision in Article 11
conferring on the Committee on Applications for Review the right to

seek advisory opinioinshas been doubted but, as 1 think, without good
reason. The Cornmittee is really of a special nature 3.But, so far as we
are here concerned, ithisis because it is an organ whch is independent
by referenceto the system ofjudicial organization of the United Nations.
Article 11 is intended to effect its integration into that system. The
Committee is an organ which is supplementary to the Administrative
Tribunal; it was set up to provide additional guarantees of the judicial

function of the Trilbunal. The United Nations has conferred specific
functions on the Tribunal and on the Committee, by giving them the
status of independent organs. This is what States themselvcs do when
they create a judicial organization equipped with independent and co-
ordinated organs 4.
Nor do 1consider that one would bejustified in denying the Committee
the right to seek advisory opinions from the Court on legal questions

arising within the scope of its activities (Charter, Art. 96, para. 2) on the
ground that it does riot have the activities of an organ, or that it has no
activities of its own. The Committee does have activities, namely to
decidewhether the objection to the Tribunal's judgementhas a substantial
basis, and if so, to request the Court to givean advisory opinion. 1seeno
valid reason for requiring that, in order to be regarded as an organ
within the meaning of Article 96 of the Charter, the organ in question

should have activities of a particular magnitude. The Committee is not
an organ unrelated to the Administrative Tribunal; it is a supplementary
organ, established in order to afford additional guarantees that the

of theAdministrative Tribunal and "to provide for means of redress byanother organ"
(I.C.J. Reporfs 1954, p. 56).
2The Committee was set up in order to be able to request advisory opinions.
3 On the nature of the Committee, compare A. M. Del VecchiII Tribunaleammini
strativo delle Nazioni Unite, 1972,pp. 172ff.
4 It has been said that the organization is "represented by one of its organs", namely
the Committee on Applications for Review: see Dehaussy, "La procédure de réfor-
mation desjugements dciTribunal administratif des Nations Unies", Annuairefrançais
de droit international,6, p. 476. This expressionis ambiguous; it is more a question
of creation of an orgaci better toet the needs of the organization, than one of
representation.garanties. L'Assemblée généraaleattribuédesfonctions au Tribunal et au
Comitéenlesétablissantcommedesorganes coordonnés.

8. L'observation maintes fois formulée surla condition politique des
membres du Comitéet le fait qu'ils peuvent ne pas êtredes juristes ne
tient pas.11suffitde rappeler que la Charte donne en premier lieu ledroit
de demander des avis à l'Assemblée générale e atu Conseil de sécurité
dont le caractère politique n'est pas douteux.
Il faut remarquer aussi que i'expression ((condition politique» peut
êtreéquivoque.On dit d'un organe dont les membres sont nomméspar
des Etats qu'il a un caractère politique. Mais il n'est pas juste de le
qualifier ainsi lorsqu'il exerce des fonctions judiciaires. Il n'est pas
difficilede montrer par des exemples qu'il convientde distinguer entre

nomination et fonction; ainsi dans quelques Etats le ministèrepublic fait
le fiitragedesrecours en cassation et il le fait en tant qu'organejudiciaire.
Au moment de décidersiune suite sera ou non donnée àla demande d'un
fonctionnaire tendant à prier la Cour de rendre un avis consultatif, les
membres du Comiténe font pas Œuvre politique, ils font et ils doivent
faire Œuvrejudiciaire.

9. L'apaisement des différends politiques de l'année 1953 semblait
avoir fait oublier les objections la compétencede la Cour résultant de
l'article11du statutdu Tribunal administratif desNations Unies.

L'avis de la Cour relatif aux Jugements du Tribunaa l dministratif'de
l'OIT sur requêtescontre l'Unesco (C.I.J. Recueil 1956) a pu paraître
décisifdans le même sens. LaCour a eu àdécideren 1956une question
pratiquement identique à celle qui sepose en la présenteaffaire, celle de
sa compétenceen vertu de l'article XII du statut du Tribunal adminis-
tratif del'OIT. Dans l'avis précitde 1956,laCour ne voit d'obstacle à la
compétenceque lui confère l'article XII ni dans la Charte ni dans le
Statut de la Cour. La demande d'avis porte bien sur une question juri-
dique, poséedans le cadre de l'activitéde l'organisation. Le seul doute
naît de ce que «le caractèrejudiciaire» de la Cour impose le respect du
«principe de l'égalitéentre lesparties», qui découledes exigences d'une

bonne administration de la justice; mais, comme la Cour le dit, «ces
exigences n'ont pas été compromisesen l'espècepar le fait que les obser-
vations écrites formuléesau nom des fonctionnaires ont étéprésentées
par l'intermédiairede l'Unesco ...[et] bien qu'il n'y ait pas de procédure
orale, la Cour ...a reçu des informations adéquates))(C.Z.J. Recueil
1956,p. 86).

MM. Winiarski et Klaestad et sir Muhammad Zafrulla Khan, dans
leurs opinions individuelles, montrent leur prtoccupation de voir I'éga-
litédes parties assuréedevant lejuge, mais ils n'exprimentpas dedoutes
sur la compétencede la Cour. M. Hackworth, dans son opinion dissi-Administrative Tribunal will exercise its own function. The General
Assembly has conferred certain functions on the Tribunal and on the

Committee by setting them up as CO-ordinatedorgans.
8. The frequently heard objection as to the political nature of the
Committee's composition and the fact that its members do not necessarily
possess legal qua1ific:ationsdoes not hold water. One need only recall
that the Charter con.fersthe right to request opinions in the first place
on the General Assembly and the Security Council, Le., on bodies of an
undoubtedly political character.
It should also be observed that the expression "political nature"
may be ambiguous. One may Say of a body the members of which are
appointed by States ithat it has a political character. But it is not correct
so to describe it when it performs judicial functions. It is not difficult to
demonstrate by means of examples that a distinction must be made
between appointment and functions; thus in some States, the ministère
public carries out the screening of applications for cassation, and does so
as a judicial organ.\Yhen deciding whether or not effect will begiven to
an application by a staff member that an advisory opinion of the Court be
requested, the members of the Committee are not engaged in political

activity, but are and must be carrying out a judicial activity.
9. The objections made to the competence which the Court derives
from Article 11 of the Statute of the United Nations Administrative
Tribunal seem to have been forgotten once the political controversies of
1953had died down.
The Court's Adviisory Opinion on Judgments of the Administrative
Tribunalof the IL0 upon ComplaintsMade against Unesco(I.C.J. Reports
1956) would seem to have had a decisive effectin the same direction. In
1956the Court had to decide a question virtually identical with the one
arising in the present case, namely that of its jurisdiction by virtue of
Article XII of the Statute of the IL0 Administrative Tribunal. In the
1956Advisory Opinion referred to, the Courtdid not find that there were
in the Charter or in its own Statute any obstacles to the jurisdiction
conferred upon it by that Article XII. The request for advisory opinion
did indeed relate to a legal question that had arisen within the scope
of the activities of the Organization. The only doubt ,stemmed from

the necessity,owingto "the judicial character" ofthe Court,for observance
of the "principle of equality of the parties", which follows from the
requirements of good administration of justice; but, as the Court said,
"These requirementi; have not been impaired in the present case by the
circumstance that the written statement on behalf of the officials was
submitted through Unesco" and "although no oral proceedings were
held, the Court is iiatisfied that adequate information has been made
available to it"(Z.C.J. Reports 1956,p. 86).
Judges Winiarski., Klaestad and Sir Muhammad Zafrulla Khan, in
their separate opini'ons, showed their concern for the safeguard of the
equality of the parties before the Court, but they expressed no doubts as
to the competence of the Court. President Hackworth, in his dissentingdente, commence par dire qu'il se rallie «à la conclusion de la Cour
qu'elle est compétentepour donner son avis consultatif en réponse à la
demande de l'organisation des Nations Unies pour l'éducation, la
science etla culture et que la Cour a le devoir de ce faire»bid.,p. 116).
M. Hackworth, comme MM. Badawiet Read, étaie son dissentimentsur
un raisonnement concernant l'incompétencedu Tribunal administratif de

l'OIT pourtraiter de la matièreenjeu dans l'affaire.
10. L'article11 du statut du Tribunal administratif des Nations Unies
a essayéde sauvegarder le principe de l'égalité dans le procèsen impo-
sant au Secrétaire général l'obligatiodne transmettreà la Cour l'opinion
de la personne qui a étl'objetdujugement. L'Assembléegénéraled ,e son
côté,recommande dans sa résolution957 (X) que «les Etats Membres et
le Secrétaire générasl'abstiennent de présenterdes exposésoraux à la
Cour internationale de Justice, à l'occasion d'une procédure engagée
conformémentau nouvel article 11 du statut du Tribunal administratif

des Nations Unies».
11. L'autoritéde l'avisde 1956intéressantl'Unescoet lajustesse de ses
motifs expliquent que des auteurs éminents,comme Rosenne et Mme
Bastid, n'expriment pas, quand ils étudient l'article 11 du statut du
Tribunal administratif des Nations Unies, le moindre doute sur le droit
du Comitédes demandes de réformationde demander des avis à la Cour
et surla compétencede laCour pour donner des avis; ilsne citent même
pas les objections à la compétence de la Cour examinées plushaut
(paragraphes 4-8)l.

Je ne vois pas non plus de motifs pour modifieà présentlecritèrede la
Cour.

B. Opportunité de donnerl'avis
12. La Cour peut donner un avis consultatif (article 65 du Statut); elle
peut donc ne pas le donner. Mais le refus de la Cour ne peut pas être

arbitraire; il doit êtrefondésur de bonnes et fortes raisons. La Cour n'a
pas refuséde donner un avis sollicitépar un organe autorisé à ce faire; il
n'y a qu'une exception qui remonte à la Cour permanente et vise le cas
très spécialdu Statut de la Carélie orientale (avis consultatif, 1923,
C.P.J.Z.sérieB no 5)2.
On a fait observer que la fonction attribuàelaCour par l'article 11du
statut du Tribunal administratif des Nations Unies n'est pas conforme à
la dignitéet au prestige de la Cour. On peut répondre à cela que la di-
gnité d'un organejudiciaire ne semesure pas à la conditiondesjusticiables
- Etats ou personnes privées -, ellerésultede sa contribution au main-

tien de lajustice.

MmeBastid,eloc.cit., p. 19-21;voir aussiDel Vecchio,loc. cit., p. 163-184.Dans The;
UnitedNations Administrative Tribunal,,p. 92,Koh seréféraeuxdiscussionsmais
sans contester la compéteee la Cour.Dehaussyne doutepas delacompétencede
la Cour,malgrésesréservede Iegeferenda, [oc.cit., p. 479.
2 Surcetavis, voirmon opinionindividuelledansC.Z.J.Recueil 1971,p. 171.

117opinion, began by sa~yingthat he concurred "in the conclusion of the
Court that it is competent to give an Advisory Opinion in response to
the request fromthe United Nations Educational, Scientificand Cultural
Organization, and that it should do so" (1.C.J. Reports 1956, p. 116).
Like Vice-President Badawi and Judge Read, President Hackworth
grounded his dissent on an argument relating to the IL0 Administrative

Tribunal's lack of jurisdiction to deal with the subject-matter of the case.
10. Article 11 of the Statute of the United Nations Administrative
Tribunal endeavours to safeguard the principle of equality in the pro-
ceedings by placingth.eSecretary-General under an obligation to transmit
to the Court the vievrsof the person in respect of whom the judgement
was rendered. The General Assembly, for its part, recommended in
resolution 957 (X) ithat "Member States and the Secretary-General
should not make oral statements before the International Court of
Justice in any procee'dingsunder the new article 11of the Statute of the

Administrative Tribunal".
11. The authority c3fthe Advisory Opinion of 1956in the Unesco case
and the soundness of its reasoning explain why such distinguished
writers as Rosenne aind Mrs. Bastid do not, when they come to examine
Article 11of the Statute of the United Nations Administrative Tribunal,
express the slightest doubt as to the right of the Committee on Applica-
tions for Review to request advisory opinions of the Court or as to the
Court's competence to give such opinions; they do not even cite the
objections to the Coilrt'sjurisdiction discussed above (paras. 4-8) 1.

1 myself do not, in present circumstances, discern any reasons for
change in the criterion applied by the Court.

El. Advisability of Giving an Opinion
12. The Court rnay give an advisory opinion (Statute, Art. 65); there-
fore it may choose not to do so. But a refusal by the Court may not be

arbitrary; it must be based on sound and weighty reasons. TheCourt has
never refused to give an advisory opinion sought by an organ authorized
to request one, with the sole exception, going back to the Permanent
Court, of the Status of Eastern Carelia (Advisory Opinion, 1923, P.C.I.J.,
Series B, No. 5) 2,which was a very special case.
The view has beeii expressed that the function assigned to the Court
by Article 11 of the United Nations Administrative Tribunal is not
consonant with the dignity and standing of the Court. One may reply
that the dignity of a judicial organ is not to be measured by the prestige

of those subject to it:;jurisdiction-be theyStates or private persons-but
derives from its conitribution to the upholding of justice.

1 Rosenne, TheLawand Practice of the International Court, 19Vol. ilpp. 686-
in0The UnitedNations Administrative Tribunal.1966,p. 92, refersto theseexaminationsKoh,
of the question, but without disputingthe Court'sjurisdiction. Dehaussyhas no doubt
as to the Court's jurisdiction,despite his reservationsde legeferenda: foc. cit., p. 479.
2 As to this Advisory Opinion, see myseparateopinioninI.C.J. Reports 1971,p. 171. 13. ((11est vrai que la Cour pourrait, de sa propre initiative, user du
pouvoir discrétionnaire que lui confère I'article 65, paragraphe 1, du
Statut et ne pas donner suiteà la demande d'avis consultatif. Lorsqu'elle
examine cette possibilité,la Cour ne doit pas perdre de vue qu'«en prin-
cipe la réponse à une demande d'avis ne doit pas êtrerefusée))(C.I.J.
Recueil 1951,p. 19).La Cour s'estdemandé, eu égard à sa pratique pas-
sée, sides raisons «décisives»justifieraient un tel refus. Elle n'a pu en

découvriraucune. Elle estime au surplus qu'en répondant à la requête
non seulement elle resterait ((fidèleaux exigencesde son caractère judi-
ciaire)) (C.I.J.Recueil 1960, p. 153), mais encore elle s'acquitterait de
ses fonctions d'«organe judiciaire principal des Nations Unies)) (Charte,
article92)))(C.I.J. Recueil 1971,p. 271.)
14. Dans l'affaire intéressantl'Unesco, la Cour,'après avoir examiné
le caractèreparticulier de la procédureprévue àI'articleXII du statut du
Tribunal administratif de l'OIT - qui est très proche de I'article II du
statut du Tribunal administratif des Nations Unies-a dit:

((11semble qu'il n'yait pas, dans ces conditions [respect du prin-
cipe de l'égalitentre les parties], de motif déterminantpour que la
Cour refuse de prêterson assistance à la solution d'un problème qui
se pose pour une institution spécialisée ds ations Uniesautorisée à
demander à la Cour un avisconsultatif. Malgréle caractèrepermissif

de l'article 65du Statut relatif aux avis consultatifs, il faudrait des
raisons décisivespour déterminer la Cour à opposer un refus qui
compromettrait le fonctionnement du régimeétablipar le statut du
Tribunal administratif en vue de la protection juridictionnelle des
fonctionnaires.»(C.I.J. Recueil 19.56,p. 86.)

15. On ne peut aussi considérerque la possibilitéde faire assurer un
certain contrôle des décisionsdu Tribunal administratif des Nations
Uniespar la Cour, possibilitéqu'offre l'article1du statutde ceTribunal,
fait ((contribuer la Cour au bon fonctionnement de l'Organisation»
(C.I.J. Recueil1972, p. 60),et lui permet ainsi d'accomplirsa tâche d'or-
gane des Nations Unies.

C. Application de I'article 11 du statut du Tribunal administratif
des Nations Unies

16. L'article 11du statut du Tribunal administratif des Nations Unies
confère compétence à la Cour pour donner son avis dans la présenteaf-
faire et marque ainsi les limitesde sa compétence.Aux finsde son applica-
tion par la Cour, il est utile de l'examiner ici.

17. Un Etat Membre, le Secrétairegénéralou la personne qui a été
l'objet d'unjugement rendu par le Tribunal administratif a la facultéde

et 173.s lemême sens, voirmon opinionindividuelledansC.I.J. Recueil1971,p. 170 APPLICATION FOR REVIEW (DISS .P. DE CASTRO) 280

13. "The Court could, of course, acting on its own, exercise the
discretion vested in it by Article 65, paragraph 1, of the Statute and
decline to accede to the request for an advisory opinion. In considering
this possibility the Court must bear in mind that: 'A reply to a request
for an Opinion should not, in principle, be refused.' (I.C.J. Reports
1951,p. 19.)The Court has considered whether there are any 'compelling
reasons', as referrecl to in the past practice of the Court, which would
justify such a refusa.]. It has found no such reasons. Moreover, it feels

that by replying to t:herequest it would not only 'remain faithful to the
requirements of its judicial character' (I.C.J.Reports 1960, p. 153), but
also discharge its furictions as 'the principal judicial organ of the United
Nations' (Art. 92 of the Charter)." (I.C.J. Reports 1971, p. 27.1)
a14. In the Unesco case, the Court, after having examined the particular
nature of the procedure provided for in Article XII of the Statute of the
IL0 Administrative Tribunal-which is very similar to Article 11 of the
Statute of the Uniteti Nations Administrative Tribunal-stated:

"In view of this [respect for the principle of equality of the parties]
there would appear to be no compelling reason why the Court
should not lend its assistance in the solution of a problem confron-
ting a specia1ize:dagency of the United Nations authorized to ask
for an Advisory Opinion of the Court. Notwithstanding the per-
missivecharacter of Article 65of the Statute in the matter of advisory
opinions, only compelling reasons could cause the Court to adopt
in thismatter a inegativeattitude which would imperil the working of

the régime establlishedby the Statute of the Administrative Tribunal
for the judicial protection of officials." (I.C.J.ports 1956, p. 86.)
15. It might also be considered that the possibility of some supervision
of the decisions of the United Nations Administrative Tribunal by the
Court, which is affasded by Article 11 of the Statute of the Tribunal,

enlists "the support lofthe Court for the good functioningof the Organi-
zation" (I.C.J. Reports 1972, p. 60), and thus enables it to fulfil its task
as an organ of the United Nations.

C. Application ofArticle II of the Statute of the United Nations
AdministrativeTribunal

16. Article 11 of the Statute of the United Nations Administrative
Tribunal is the sourlre of the Court's jurisdiction to give an opinion in
the present case, ancl thus defines the extent of itsjurisdiction. It will be
as wellto consider this text here, for the purposes of its application by the

Court.
17. A member State, the Secretary-General, or the person in respect
of whom a judgement has been rendered by the Administrative Tribunal,

1 See,inthissenseqy separateopinioninI.C.J. Report1971 ,p. 170and173.

118contester lejugement et de demander au Comitédes demandes de réfor-
mation de prier la Cour de donner un avis consultatif sur la question.
Chaque fois que la Cour est priéede donner un avis consultatif, le Secré-
taire généralou bien donne effet àI'avisdela Cour, ou bien prie le Tri-
bunal administratif de confirmer son jugement initial ou de rendre un
nouveau jugement, conformément à l'avisdelaCour.
La Cour n'est pas appelée à prononcer un nouveau jugement; elle ne
joue pas par elle-mêmele rôle d'une cour d'appel ou d'une cour de cassa-
tion. L'avis consultatiftantdemandé,laCour le donne afin de collaborer

d'une manière bien délimitée à la fonction judiciaire du Tribunal ad-
ministratif et de contribuer au meilleur fonctionnement de l'organisation.

18. L'article 11a établiun nombre limitéde causes permettant de con-
tester le jugement. 11y a donc un numerus clausus des questions sur les-
quelles on peut prier laCourdedonner un avis :on peut contester lejuge-
ment en alléguantque le Tribunal a outrepassésa juridiction ou sa com-
pétenceou n'a pas exercésajuridiction ou a commis une erreur de droit
concernant les dispositions de la Charte des Nations Unies ou a commis,
dans la procédure, uneerreur essentiellequi a provoquéun mal-jugé.

Il està remarquer que les motifs permettant de contester le jugement
sont des questions de droit, seules questions sur lesquelles la Cour peut
donner des avis (article 96 de la Charte et article 65 du Statut). La Cour
n'a pas compétencepour examiner tous les griefs avancéspar la personne
qui conteste le jugement. Elle n'a pas lepouvoir d'étudier à nouveau les
preuves produites au Tribunal administratif, et moins encore d'examiner
des faits ou élémentsde preuve qui n'ont pas été soumis àce Tribunal ou
n'ont pas étéconsidéréspar lui 1.La Cour se trouve donc dans I'impos-

sibilitéjuridique de tenir compte de la présentation donnée à l'affaire
dans la version corrigée de l'opinion de M. Mohamed Fasla. C'est cer-
tainement un exposétrès brillant mais la Cour ne peut pas le suivre; elle
ne peut pas sortir du cadre de sa compétence. Elle peut moins encore
tenir compte des présomptions, des rumeurs, des on-dit, des «peut-
être»,des ((sans doute» et des «semble-t-il)), dont l'exposéest semé.La
Cour ne saurait davantage prendre note des documents qui n'ont pas été
présentésau Tribunal adrninistratif. Enfin, la Cour ne peut rien dire des
réclamations de M. Fasla qui n'entrent pas dans le cadre de la demande
d'avis; elle ne peut pas outrepasser sa juridiction.

19. Dans l'affaire consultative de 1956 intéressant l'Unesco, il a été
question de la méthode à suivre pour interpréter les dispositions régis-

Un desleitmotive deladiscussionsurlarevisiondustatutduTribunaladministratif
est que la réformationne portera passurdes questionsde fait. La Cour auraà consi-
dérerles faits établisparle Tribunal. Elle nejoue pas le'une cour d'appel;son
r6le a ici une certaine analogie avec celui d'une cour de c,ril est limité aux
le Comité,et auxcauses de réformationadmisepsarl'articleII du statut du Tribunal.has the power to object to the judgement and to ask the Cornmittee on
Applications for Review to request an advisory opinion of the Court on
the matter. In any case in which a request is made for an advisory opinion,
the Secretary-General shall either give effectto the opinion of the Court,
or request the Tribunal to confirm its original judgement or give a new
judgement in confor~nitywith the opinion of the Court.

The Court is not called upon to judge the case afresh; it does not itself
play the part either of a court of appeal or of a court of cassation. When
an advisory opinion is requested, the Court givesit in order to CO-operate,
within well-defined limits, in the judicial function of the Administrative
Tribunal, and to lerid its support for the proper functioning of the
Organization.
18. Article 11 lays down a limited number of grounds on which the
judgement may be challenged. There is thus a numerusclaususofquestions
on which the Court may be asked to give an opinion: the judgement may
be challenged on the:grounds that the Tribunal has exceeded its juris-

diction or competence, or has failed to exercisejurisdiction vested in it,
or has erred on a question of law relating to the provisions of the Charter
of the United Nations. or hascommitted a fundamental error in ~rocedure
which has occasioned a failure ofjustice.
It should be observed that the grounds on which the judgement may
be objected to are cluestions of law, the only questions on which the
Court may givean opinion (Charter, Art. 96; Statute, Art. 65).TheCourt
has no jurisdiction to consider al1 the complaints made by the person
who challenges the judgement. It has no power to re-examine the evidence

laid before the Administrative Tribunal, still less to consider facts or
evidence which were not laid before the Tribunal, or which were not
taken into account by it 1.Thus the Court islegally debarred from taking
into account the presentation of the case in the corrected statement of
the viewsof Mr. Moh.amed Fasla. This iscertainly a very brilliant account
of the matter, but the Court cannot follow it; it cannot step outside the
limits of its jurisdiction. Still lessan it take account of presumptions,
rumours, hearsay, of the multiplicity of "perhaps", "presumably", "it
would seem", to be found al1 over the statement. Nor can the Court
take note of docume:nts which were not laid before the Administrative

Tribunal. Finally, thr: Court can Saynothing about those of Mr. Fasla's
claims which do not. faIl within the scope of the request for advisory
opinion; it may not go beyond itsjurisdiction.
19. Inthe advisoryproceedingsin the Unesco casein 1956,the question
was raised of the proper method of interpreting the provisions governing

1One of the leitmotiofthe discussion on the revision of the Statute of the Adrnini-
strative Tribunal was that the review would not involve re-opening questions of fact.
The Court willhave to examinethe facts asestablished by the Tribunal. It does not play
the part of a court of appeal; itshas a certain analogy with that of a court of cas-
sation,since it is confine11to the grounds of objectionadvanced by the applicant which
have been regarded as si~bstantial by the Comrnittee, and to the grounds for review
perrnitted by Articleomtfhe Tribunal's Statute.sant les fonctions du Tribunal administratif de I'OIT. On a invoquéle
caractère international du Tribunal pour aboutir à une interprétation
restrictive. La Cour a répondusur ce point:

«La Cour ne conteste pas que le Tribunal administratif soit un
tribunal international. Mais ce qui étaitsoumis à ce Tribunal n'était
pas un différendentre Etats. C'étaitun différendentre un fonction-
naire et l'Unesco. Les considérations qui ont pu êtreinvoquéesen
faveur d'une interprétation restrictive des dispositions gouvernant la
compétenced'un tribunal appelé à statuer entre Etats, et déduites de
la souverainetéde ceux-ci, ne se retrouvent pas quand il s'agitd'un
tribunal appelé à statuersur larequêted'un fonctionnairecontre une

organisation internationale. ))(C.I.J. Recueil 1956, p. 97.)

La Cour attire ainsi l'attention sur la manière dont il convient qu'elle
interprète les règlesinternes des organisations quand elle doit se pronon-

cer sur des questions juridiques pouvant se poser dans le cadre de leur
activité. Le droit applicable aux relations entre le fonctionnaire et l'ad-
ministration d'une organisation internationale a pu êtrequalifié d'inter-
national, mais cela afin d'expliquer l'incompétence destribunaux natio-
naux pour connaître de ces litiges. Ce ne sont pas de vrais différendsinter-
nationaux, ce sont des affaires à régler selonun droit interne - le droit
interne de l'organisation - qui doit être interprétécomme tel, conformé-
ment à l'objet et au but des règlesqu'ilprévoit1.

20. L'article XII du statut du Tribunal administratif de l'OIT donne

au Conseil exécutif,dans le cas de l'Unesco, le droit de soumettre la
question de la validitéde la décisiondu Tribunal, pour avis consultatif, a
laCour, au cas où il ((conteste une décisiondu Tribunal affirmant sa com-
pétence ou considère qu'une décision dudit Tribunal est viciéepar une
faute essentielle dans la procédure suivie».

La faculté accordéeau Conseil exécutifde contester les décisionsdu
Tribunal est très restreinte; on a pu arguer de la lettre de l'article XII
pour soutenir que cette facultéest limitéeaux cas d'excèsde pouvoir et

d'erreur dans l'application des règles sur les formalités procédurales,et
que l'article XII n'offre pas la possibilitéde contester une décisiondu
Tribunal pour mal-jugéau fond.
21. L'article 11 du statut du Tribunal administratif des Nations
Unies suppose un changement complet, copernicien)) peut-on dire, par
rapport àl'article XII du statut du Tribunal administratif de I'OIT.

Le motif politique expliquant que l'on ait proposé le nouvel article 11

1 Le Tribunal administratif tientcompte aussi du principe deI'ef(«must give
the maximum effectto these rules»), voir K[oc.cit., p. 84.
120 APPLICPLTION FOR REVIEW (DISSO. P.DE CASTRO) 282

the functions of the IL0 Administrative Tribunal. The international

character of the Tribunal was relied on in support of a restrictive inter-
pretation of these provisions. The Court's answer on this point was as
follows :
"The Court does not deny that the Administrative Tribunal is an
international tribunal. However, the question submitted to the

Tribunal was not a dispute between States. It was a controversy
between Unesco and one of its officials. The arguments, deduced
from the sovereignty of States, which might have been invoked in
favour of a restrictive interpretation of provisions governing the
jurisdiction of aribunal adjudicating between States are not relevant
to a situation in which a tribunal is called upon to adjudicate upon
a complaint of an officia1against an international organization."
(I.C.J. Reports 1956,p. 97.)

The Court thus dlrew attention to the way in which the internal
regulations of organizations should be interpreted when a decision has
to be given on legal cluestionsarising within the scope of their activities.
The law applicable to the relationships between the staff member and the
administration in an international organization can be described as
international, but sollelyin order to explain the lack of jurisdiction of
municipal tribunals to deal with such disputes. They are not true inter-

national disputes, but cases to be determined on the basis of an internal
system of law-the internal law of the organization-which must be
interpreted as such, in conformity with the object and purpose of the
rules which it lays down 1.
20. Article XII of the Statute of the Administrative Tribunal of the
IL0 givesthe ExecutiveBoard (in the case of Unesco) the right to submit
the question of the validity of the Tribunal's decision to the International
Court of Justice for an advisory opinion inany casein whichit "challenges
a decision of the Tribunal confirming its jurisdiction, or considers that a
decision of theTribunal is vitiated by afundamental fault inthe procedure
followed".

The power grantecl to the Governing Body to challenge decisions of
the Tribunal is a very limited one; the terms of Article XII have been
relied on in support of the view that this power is confined to cases of
ultra viresand error in the application of forma1 procedural rules, and
that Article XII does not make it possible to challenge a decision of the
Tribunal on the grounds of a failure ofjustice on the merits.
21. Article 11 of ithe Statute of the United Nations Administrative
Tribunal presupposes a complete and, as it were, "Copernican" change,
as compared with Article XII of the Statute of the IL0 Administrative
Tribunal.
The political motive for the proposa1 of the new Article 11was that of

1 TheAdministrativeTribunalthustakesintoaccountthe principleoi effectivity-
"mustgivethe maximumeffectto theserules":seeKoh,loc.citp. 84.a été d'offriraux Etats le moyen de contester lesjugements du Tribunal.
Mais dans les projets présentés comme dans les débatsdu Comitéspécial
de la Cinquième Commissionet de l'Assembléegénérale un nouvee lsprit
s'est imposé, plusample et plus juste.
Le droit de contester lejugement du Tribunal cesse d'êtreun privilège
de l'organe administratif supérieur; il est accordé certesaux Etats Mem-

bres et au Secrétaire généralm , ais il l'est ausài«la personne qui a été
l'objet d'unjugement rendu par leTribunal)). Les fonctionnaires obtien-
nent ainsi le droitde contester lesjugements.

Dans les débatsqui se sont déroulésaux Nations Unies, les représen-
tants de divers Etats ont tenu à montrer qu'un des buts de la réforme
devait être derenforcer le statut juridique du personnel, de tenir compte
de ses intérêtlségitimes,d'assurer aux fonctionnaires la sécurité deI'em-

ploi et de faire en sorte que les droits des fonctionnaires soient stricte-
ment respectés 1.
22. L'article 11 ne se borne pas non plus à permettre la réformation
d'un jugement en raison de vices formels; il considèreaussi l'erreur de
droit ((concernant les dispositions de la Charte des Nations Unies». Ces
mots ont été interprété csomme ne visant pas ((seulementl'interprétation
des dispositions de la Charte, mais aussi l'interprétationou l'application

des dispositions du statut du personnel édicté en application du chapitre
XV de la Charte)) (M. Evans, A/AC.78/SR. 10,p. 3); ils visent les ques-
tions mettant en jeu les articles 97, 100et 101de la Charte (M. Bender,
ibid.,p. 6); ils visent notamment ((lescas ou l'on sedemande s'ilfaut con-
firmer la façon dont le Secrétairegénéraa l jugé la conduited'un fonction-
naire du point de vue des normes de travail, de compétenceet d'intégrité
requises du personnel de l'organisation aux termes de l'article 101de la
Charte ..» (M. Merrow, Documents oficiels de l'Assembléegénérale,

dixième session,Cinquième Commission,494eséance, p.48-49,par. 20) 2.
23. Un changement important par rapport à l'article XII du statut du
Tribunal administratif de l'OIT est introduit dans le troisième motifde
contestation prévu par l'article 11 du statut du Tribunal administratif
des Nations Unies. Au lieu de«faute essentielledans la procéduresuivie)),
il est dit«ou a commis, dans la procédure, une erreur essentielle qui a
provoqué un mal-jugé». La mention faite du ((mal-jugé»résulte d'un
amendement proposé par l'Inde et accepté sansdébat 3. Ellea une grande

portée.Grâce à cette formule, la Cour a le moyen d'examiner,dans l'avis
qui lui est demandé,si la décisionprise sur le fond par le Tribunal ad-
ministratif estjuste.
-
1 En Cvitantaussi d'affaiblir l'autoritédu Tribunal administratif et de donner des
occasions de gênerle Secrétariat dans l'exercicees fonctions.

2 Voir aussi Del Vecchio, [ocit.p. 168et suiv.
3 «On a voulu écarterles demandes de réformationfondéessur des erreurs mineures
ou sans conséquences))(Documents officiels de I'Assembléegénéral, ixiPme sessio?~,
Cinquième Commission, 496' séance, p.59, par. 26).affording States meains of challenging judgements of the Tribunal. But
inthedraft texts submitted, as in the discussionsinthe SpecialComrnittee,
the Fifth Committee and the General Assembly, a new spirit, broader
and more just, made itself felt.
The right to challenge the Tribunal's judgement ceased to be a privilege
of the highest administrative body; it was of course conferred upon
member States and upon the Secretary-General, but it was also conferred

upon "the person in irespectof whom a judgement has been rendered by
the Tribunal". Thus staff members obtained the right to challenge
judgements.
During the United Nations discussions, the representatives of various
States sought to show that one of the objects of the reform ought to be to
strengthen the legalsi1:uationof the staff,to take account oftheir legitimate
interests, toensure se:curityof employment for staff members, and strict
respect for their rights 1.

22. Nor is the scope of Article 11confined to revision of a judgement
for defects of form; it also contemplates error of law "relating to the
provisions of the Charter of the United Nations".
Thesewords have beeninterpreted ascovering"not onlyinterpretations
of the provisions of the Charter but also the interpretation or application
of staff regulations deriving from Chapter XV of the Charter" (Mr.
Evans, A/AC.78/SR.lO, p. 3); they cover questions under Articles 97,
100 and 101 of the Charter (Mr. Bender, ibid., p. 6); they cover, inter

alia, "such questions iiswhether the Secretary-General'sjudgment should
be upheld in regard i:othe conduct of the staff member and the United
Nations standards of'efficiency,competence, and integrity as prescribed
in accordance with Article 101of the Charter.. ."(Mr. Merrow, GA, OR,
10th Session, Fifth Committee, 494th Meeting, p. 44, para. 20) 2.

23. An important divergence from Article XII of the Statute of the
IL0 Administrative Tribunal was introduced in the third ground of

challenge laid down in Article 11 of the Statute of the United Nations
Administrative Tribunal. In place of a "fundamental fault in the procedure
followed" there is reference to the Tribunal having "committed a funda-
mental error in procedure which has occasioned a failure ofjustice". The
source of the mention of "failure of justice" was an amendment proposed
by India and accepted without discussion 3. The effect thereof is far-
reaching: the formula enables the Court, in the advisory opinion re-
quested, to examine the question whether the decision of the Adminis-
trative Tribunal on t:hemerits isjust.

1 Whilealso avoiding ,anythingwhich would weaken the authorityof the Admini-
strativeTribunal or afford opportunitsf hamperingthe Secretariaitn the exerciseof
its functions.
2 See also Del Vecchio, loc. cit., pp. 168 ff.
3 It was intended "to preclude reviewon account of trivial errorsin procedore
errorsthat werenot of a substantial nature"(GA, OR, 10th Session, 5th Cornmittee,
496th Meeting, para.26).
121 24. L'interprétation de chacun des motifs de réformation énoncésa
l'article 11 doit se faire dans l'esprit qui imprègne cet article dans son
ensemble, de sa référenceaux dispositions de la Charte et au mal-jugé.
La Cour aura à considérer l'existence d'un mal-jugééventuel, et devra
vérifierà cet effet si lejugement respecte les buts et principes de I'Orga-

nisation des Nations Unies, les principes générauxde droit (article 38 du
Statut), et spécialement lesprincipes de droit administratif, de droit du
travail (relations entre l'organisation et les fonctionnaires) et de droit de
la procédure 1.
Lemembre de phrase «quiaprovoqué un mal-jugé»a une valeur en soi.
II n'y a pas de bonne raison de croire qu'il vise le défautde procédure
(error inprocedendo). On ne peut pas supposer que cette formule soit une

répétition inutile desmots ((erreur essentielle». Le mal-jugéconsidéréest
le mal-jugésur le fond (error injudicando), le résultat de l'erreur et non
pas l'erreur mêmecommise dans la procédure.

Je ne vois pas de raisons assez fortes pour empêcher d'interpréterce
membre de phrase dans le sens littéral,pour en restreindre la portée jus-

qu'à le rendre superflu. 11n'y a pas non plus de motifs pour attribuer un
tel propos à la délégation indienneet à la majoritéde l'Assembléequi a
votél'adoption de l'article 11.
La lecture des débatsqui ont eu lieu a la Cinquième Commission fait
plutôt penser que l'opinion a évolué enun sens favorable aux droits des
fonctionnaires, et pour une interprétation qui permette de tenir compte
des erreursde droit, bien que d'une manièretrèslimitée 2.Cettetendance

ne s'est finalement pas concrétiséemais on peut croire qu'elle a joué en
faveur de l'acceptation de la proposition indienne. Celle-ci permet de
donner satis faction dans une certaine mesure au désirexprimépar quel-
ques déléguéq sui souhaitaient que la Cour rende un avisconsultatif pour
résoudre un problème juridique d'une manière équitablepour tous les
intéressés.

II. QUESTION SOUMISES À L'AVIS DE LA COUR

A. Le Tribunal a-t-il omis d'exercer sa ,juridiction, ainsi que le soutient
M. Fasla?

25. Dans la demandepar laquelle il conteste devant le Comitélejuge-
ment rendu, le requérant soutient que le Tribunal n'a pas exercésa juri-

1 L'article38 du Statutvaut pour lesdifférends e tats. Dans son avis. la Cour
applique le droitinterne de l'organisation, qu'elle complète règles7dudroit
commun des Etats;le Tribunaladministratif«s'appuie souventsurdesnotions iuridi-
quesfondamentalesqui ontleurplacedanstoutsyitèrnede droit»(MmCBastid,oc.it.,
p.26).Surl'applicationdesprincipes générdedroitet del'équitv, irKoh, loc.cit.,
p. 82 et 83.
2 Le souci généraelst d'exclure que la contestation du jugement porte sur des
questions defait. APPLICATIONFORREVIEW(DISS. OP. DE CASTRO) 284

24. Each of the grounds for revision laid down in Article 11 is to be
interpreted in the spirit with which the Article as a whole is imbued-the
spirit of its reference to the provisions of the Charter and to failure of
justice. The Court must consider whether or not there was failure of
justice, and for this purpose must ascertain whether the judgement

respects the purposes and principles of the United Nations, the general
principles of law (Art. 38 of the Statute), and in particular the principles
of administrative lavv, labour law (relations between the organization
and staff members), and procedural law 1.
Thephrase "which has occasioned a failure ofjustice" has independent
significance. There is no valid reason for considering that it refers to
defects in the procedlure (error in procedendo). It cannot be supposed
that the expression is an unnecessary repetition of the words "fundamen-

ta1error". The failure:ofjustice contemplated is a failure of justice on the
merits (error injudicnndo), the result of the error and not the error itself
committed in the procedure.
1am unable to perceive any reasons weightyenough for not interpreting
this phrase in its literalnse, or for narrowing down its scope to such
an extent as to rend.er it unnecessary. Nor are there any grounds for
attributing such an intention to the Indian delegation and to the majority
in the Assembly which voted for the adoption of Article 11.

Study of the discussions in the Fifth Committee rather leads to the
view that opinion moved in a direction favourable to the rights of staff
members, and towar~dsan interpretation which permits of errors of law
being taken into accciunt,though to a very limited extentz. This tendency
did not finally assume a concrete form, but one may consider that it
operated in favour of acceptance of the Indian proposal. That proposal
made it possible to satisfy to some extent the desire expressed by some

delegates that the Court should give an advisory opinion in order to
resolve a legal problem in a way which would be equitable for al1those
concerned

II. QUESTION SUSBMITTE TD THE COURT FOR ITS OPINION

A. Has theTribunalFailedto Exercise JurisdictionVested in it as
Contended by Mr. Fasla?

25. In his application to the Committee objecting to the Tribunal's
judgement, the applicant claims that the Tribunal failed to exercise its

the Court applies theinterna1Iawof the Organization,whichit supplementswith thepinion
rules of common law of States; the AdministrativeTribunal"often relieson funda-
mentallegalconcepts which havea place in any legal system" (Mrs. Bastid,loc. cit.,
p. 26. Onthe applicationsof the generalprincipIesof lawand equityseeKoh, /oc. cil.,
pp. 82and 83).
2 Thewncern generallyfeltwasto excludethepossibilityof objectionstojudgements
relatingto factual mattt:rs.diction, parce qu'il n'a pas examiné pleinement, c'est-à-dire un e une,
toutes ses plaintes. Le Comité des demandesde réformation a estiméque
la demande de M. Fasla repose sur des ((bases sérieuses)),onze de ses
membres ayant étéd'avis de prier la Cour de donner un avis consultatif
sur la question de l'exercicede sajuridiction par le Tribunal administratif
des Nations Unies.
26. Le sens donnépar l'article 11aux mots «n'a pas exercésajuridic-
tion» ne semble pas clair. S'agit-ildu sens vulgaire et cela veut-il dire que
le Tribunal a omis d'examineret destatuersur quelques-unes desplaintes
du requérant? Mais enun sens plus technique cette omission n'est con-
sidéréeque comme une erreur ou un vice de procédure. LeTribunal
n'exerce pas sa juridiction quand il se déclareincompétent, soitque la

question de l'incompétenceait étésoulevéepar l'un des plaideurs soit
qu'elleait étésoulevéed'office;en revanche, ilexercesajuridiction même
dans le cas où il commet une erreur dans la procédure enn'examinant
pas une des plaintes du requérant.

La distinction ne semble pas facile à faire en pratique. Dans les écri-
tures de M. Fasla, on tourne la difficultéen blâmant le Tribunal parce
qu'il «n'a pas exercésajuridiction et/ou a commis,dans laprocédure,une
erreur essentielle.
Il est vrai que les codes des Etats confondent quelquefois l'erreur de
procéduredans lejugement prononcé infrapet(i casd'unjugement dans
lequel lejuge ne décide pastous lespoints en litige) avec ledéfautd'exer-

cice du pouvoir conféréau juge; la raison de cette confusion est que, en
s'abstenant de trancher quelques-uns des points en litige, lejuge n'a pas
exercé sajuridiction en ce qui les concerne.

27. Il me semblecependant que l'article 11envisagelajuridiction dans
son sensstrict ou technique. L'opposition que l'on constate dans le mem-
bre de phrase «a outrepassé sajuridiction ou sa compétenceou n'a pas
exercésajuridiction)) 1joue en faveur de cette interprétation.A mon avis,
le Tribunal n'a pas nié qu'ilavait compétencepour juger l'affaireet il a
acceptéderecevoir et deconsidérerlesplaintes de M. Fasla.

C'estsous la rubrique de l'erreur essentielledans la procédurequ'ilfaut

examiner la question.
La distinction a une importance pratique. Dans le cas du non-exercice
de la juridiction, il ne saurait êtrequestion de mal-jugé;or celui-cicon-
ditionne la possibilitéde tenir compte de l'erreur dans la procédure.

1 Dans le texte recommandepar le Cornitespécialon ne frouve pas le passage
«ou n'apas exercé sjuridiction)).

123jurisdiction in that the Tribunal did not fully consider al1 his claims,
thatis to Sayitem by item. The Committee on Applications for Review
considered that there was "a substaiitial basis" for Mr. Fasla's appli-
cation, 11 of its members being in favour of asking the Court to give an
advisory opinion on the question of failure by the United Nations
Administrative Tribunal to exercisejurisdiction.
26. The intended mieaningin Article 11of the words "failed to exercise
jurisdiction vested in it" (n'a pas exercé sa juridiction) does not seem
clear. 1sit the everyday meaning of the words which is intended-does
it mean that the Tribunal failed to consider and pass upon one or more
of the applicant's claims?In a more technical sense, on the other hand,
such an omission may be regarded only asan error or defect inthe proce-
dure. The Tribunal tloes not exercise its jurisdiction (n'exerce pas sa
juridictiw onhen it declares that it has no competence, whether the

question of lack of competence is raised by one of the parties or by the
Tribunal proprio motu; on the other hand, it does exerciseits jurisdiction
even if it commits an error in the procedure by not examining one of the
applicant's claims.
The distinction does not seem to be an easy one to make in practice.
In the written statements of Mr. Fasla, the difficulty is got round by
accusing the Tribunal of having "failed to exercise its jurisdiction and/or
committed a fundamental error in procedure".
It is true that in the municipal codes of various States, no distinction
is sornetimes made b,etweenprocedural error in judgments given infra
petita (judgments in which the judge does not decide a11the points in
issue) and failure to exercisethe power conferred on the judge; the reason
for this is that by refraining from determining some of the points in
issue, the judge will not have exercised hisjurisdiction in respect of those

points.
27. It seerns to me however that Article 11 contemplates jurisdiction
in its strict or technical sense. The distinction made in the phrase "has
exceeded its jurisdiction or competence or ... has failed to exercise
jurisdiction vested in it" 1 militates in favour of this interpretation. In
my opinion, the Tribunal did not deny that it had jurisdiction to judge
the case, and it did not refuse to receive and consider the claims of Mr.
Fasla.
It isunder the heading of "fundamental error in procedure" that the
question must be examined.
The distinction is of practical importance. In a case in which juris-
diction was not exercised, there could be no question of the case being
wrongly decided (maljugé, rendered in Art. 11 as "failure of justice");
but an error in prolîedure can only be taken up if this condition is

fulfilled.

1 In the text recommlrndedby the Special Committee, the passage referring to
failure "to exercisejurisdiction vested in it" does not appear.B. Le Tribunal a-t-il commis, dans la procédure,une erreur essentielle
qui a provoquéunmal-jugé?

28. L'erreuret le mal-jugé.La question ici posée est complexe.L'erreur
essentielledans la procédure est unmotif de réformationsielle provoque
un mal-jugé.Ellene constitue un tel motif que s'ilexisteun mal-jugé.

Il semblelogique de commencer par examiner s'ily a eu mal-jugé.Sice
n'est pas le cas,l'erreur dans la procédure,même la plus essentielle, ne

peut êtreretenue comme motif de réformation.
On doit tenir compte d'abord de ce que la référenceau mal-jugé pré-
sente le motif sous un autre aspect. Ce motif perd le caractère formaliste
propre au vice de procédureet prend un caractère de fond en harmonie
avec le respect dû aux dispositions de la Charte.

Il y a une interdépendance étroiteentre l'erreur et le mal-jugé.Mais il

n'est pas nécessaireque l'erreur soit cause du mal-jugé, si l'onentend la
causalitéd'une manièrepurement logique ou comme la relation de cause
à effet dans les obligations extra-contractuelles. Il suffit que le mal-jugé
soit provoqué, appelédu dehors (pro-vocare) ;il suffit que l'erreur soit
l'occasion du mal-jugé (letexte anglais dit: ((which has occasioned a
failure ofjustice»). Des deux éléments du motif, laconsidérationtenant à
lajustice dujugement a pris lerôle primordial.

Le mot «provoqué» n'est pas un terme technique. Il a étéchoisi pour
écarterl'obligation de prouver que l'erreur est la conditiosine quanondu
mal-jugé. Il donne ainsi au Comitédes demandes de réformation et en
conséquence à la Cour la possibilitéd'appliquer le statut conformément
au bon sens. L'erreur préalableau dommage subi par la victime est à
considérer comme ((circonstance favorisant généralement lemal-jugé»;
le lienà établirest l'existenced'une présomption raisonnableque l'erreur

favorise le mal-jugéouen est l'occasion 1.

29. Lesfaits à considérerP. our savoir s'ily a eu mal-jugé,il faut avant
tout relever lesfaits qui présententde l'importance en l'espèce.Commeil
est dit plus haut (paragraphe 18),la Cour nepeut pas sortir du cadrede sa
compétence;elle doit s'entenir aux faits examinés ettenus pour prouvés
dans lejugement no 158du Tribunal administratif 2.

30. M. Fasla est entréau service de l'ONU en vertu d'un contrat qui,
aprèsquelques prorogations, devaitexpirerle 3 1dbcembre 1969.

1 Paulnous ditet quioccasionernpraestat, damnurnfecisse videtur, D. 9,2,30, par.3.

2 La Cour n'a pas ;iétudier les allégatiose M. Fasla selon lesquellesil a été
persécutéet même châtiépours'être conduit loyalemeetnversl'ONU, en dénonçant
les maniganceset les abus d'un supérieurI.l y a peut-êtredes indices, maiit'a fan
pasété dûmentexposéet prouvédevantle Tribunaladministratif. B. Hus the TribunalCommitted a FundamentalError inProcedure
whicliHus Occasioned aFailureof Justice?

28. Error andfai1ur.eofjustice. The question here raised is a complex
one. Fundamental error in procedure is a ground for revision if it has
occasioned a failure of justice. It is not such a ground unless there has

been a failure of justice.
It would seem logical to begin by considering whether there has been
a failure of justice. If there has been none, even the most fundamental
error in the procedure cannot be made a ground for revision.
It mustfirstof al1be borne in mind that the reference to failure ofjustice
gives a different aspect to this ground; it ceases to have the formalistic
nature appropriate to a defect in procedure, and acquiresa more substan-
tive nature, in harmony with the respect due to the provisions of the
Charter.
There is a close ini.erdependence between the error and the failure of

justice, but it is not necessary that the error should be the cause of the
failure of justice, if causality is understood in a purely logical way, or as
analogous to the relation of cause and effect in the law of tort. It is
sufficient that the faiilure of justice should have been occasioned by it
(French text: provoqué,that is to Say, called from outside (pro-vocare)).
Of the two elements involved in this ground, that relating to the justice
of the judgement is of primary importance.
The word "occasioned" is not a technical term. It was chosen to avoid
imposing an obligation to prove that the error was the conditiosine qua
non of the failure of'justice. It thus gives the Review Cornmittee, and

consequently the Court, the opportunity of applying the Statute in
accordance with common sense. The error preceding the injury suffered
by the victim is to b~eregarded as "a circumstance generally favouring
failure ofjustice"; thi:link to beestablished isthe existenceof a reasonable
presumption that the.error favours a failure of justice or is the occasion
thereof 1.
29. Thefacts to be considered.To ascertain whether there was a failure
ofjustice, one must first al1of ascertain which facts are of importance in
the case. As has been said above (para. la), the Court cannot go outside

the bounds of its conlpetence; it must confine itself to the facts examined
and accepted as proved in Judgement No. 158 of the Administrative
Tribunal 2.
30. Mr. Fasla entered the service of the United Nations under a
contract which, after severalprolongations, was to expire on 31December
1969.
1 Paultells"s that "el'qui occasionempraestat, damnumfecisse videtur",D.9, 2, 30,
para.3.
2 TheCourtdoesnot haveto examineMr.Fasla'sallegationsthathe was persecuted
andeven punishedfor having actedloyallytowardsthe United Nations, by reporting
the abuses andimproper practicesof a superior.There maybe some indicationthat
this was the case, but the matterwas not dulyargued and provedbefore theAdmin-
istrativeTribunal. Le chef de la division du personnel du PNUD a informéM. Fasla,
par une lettre du 22 mai 1969, que, comme le directeur de la gestion
administrative et du budget du PNUD le lui avait expliqué,«tous les
efforts possiblesseraientfaits pour,[lui]trouver un autre poste)).
Les possibilitésde trouver à un fonctionnaire un autre poste dans
I'Organisation, dans les institutions spécialisées,et mêmehors des
Nations Unies, dépendent desqualifications et notes du dossier adminis-

tratif et de la ficheanalytique individuellede l'intéressé.
Le dossier de M. Fasla était ((incompletet trompeur)) et sa fiche in-
dividuelle «incomplète» (pour reprendre les termes de la Commission
paritaire de recours), en raison de la négligenceet de la mauvaise volonté
de quelques fonctionnaires de l'organisation.
De l'avisdu Tribunal, la lettre du 22 mai 1969constitue «un engage-
ment formel du défendeurde s'employer à chercher un nouvel emploi au
requérant. Un tel engagement de faire «tous les efforts possibles))impli-
que évidemment l'obligationde procéderdans des conditions régulières

et de bonne foi)). Le Tribunal estime que cet engagement «n'a pas été
exécuté régulièrement)), puisque liensformations concernant les services
de M. Fasla comportaient de «graves lacunes)),n'étaientpas ((complètes
et impartiales)).
Le Tribunal dit que le rapport de septembre 1970,trèsdéfavorableau
requérant, ne peut s'expliquer «que par une violencedans lessentiments
et un défautdemaîtrise de soi qui témoignent,en l'espèce,d'un parti pris
de la part du premier notateur)); ce parti pris du premier notateur n'a été
en aucune manière redressépar le deuxièmenotateur, lequel s'est ap-

propriéles termes du premier et n'a pastenu compte des informations
favorables à M. Fasla ((provenant d'une personne autoriséeet chargée
d'uneenquêtesur la missionau Yémen)).

Le Tribunal administratif estime que le parti pris du premier notateur
n'a pas été redressé par le fonctionnaire supérieur ((comme il en avait
l'obligationauxtermes du Règlementdu personnel »,quel'organisation a
toléréqu'un rapport ((manifestement inspirépar le parti pris)) soit placé
dans le dossier du requérantet utilisédans la fiche individuelle revisée a

la suite de la recommandation de la Commission paritaire, que lerapport
périodique «est entachéde nullité))et que «le défendeurn'a pas exécuté
dans des conditions raisonnables l'obligation qu'ilavait assuméede pro-
céder à la recherche d'un poste pour le requérant 1)).

1 Ledéfendeurn'a pascontestélejugementdu Tribunal. Il accepte donc les faits que
celui-ci donne comme prouvés.
Pour bien comprendre les décisionsduTribunal, il faut tenir compte de ce que, dans
contrats de duréedéfinienesont pas l'équivalentdecontrats ordinaires de duréedéfinie
entre employeurs et employésprivés»C.I.J. Recueil 1956, p. 91) et aussi de ce qu'«il
peut y avoir des circonstances dans lesquelles le non-renouvellement d'un contrat de
duréedéfinieconstitue un motif valable de réclamation)), p. 92).Cette pratique se
reflètedans l'article du statut du personnel.
Dans le droit interne, les conventions doivent être((exdeutées foi)); elles The Chief of the UNDP Personnel Division informed Mr. Fasla, by
letter of 22 May 1969,that, as the Director of the Bureau of Adminis-
trative Management ;andBudget of UNDP had explained to him, "every
effort will be made to secure another assignment for you".
The chances of finding an official another assignment in the Organi-

zation, in the specializedagencies, and even outside the United Nations,
depend on the assess.mentsand notes made in the administrative file and
in the fact sheet of the person concerned.
Mr. Fasla's file w;is "incomplete and misleading" and his fact sheet
was "incomplete" (to adopt the words of the Joint Appeals Board),
because of the carelessness and ill-will of certain officialsofthe Organi-
zation.
In the Tribunal's opinion, the letter of 22 May 1969 constituted "a

formal commitment by the Respondent to try to find another assignment
for the Applicant. Silch a commitment to make 'every effort' obviously
implies an obligation.to act in a correct manner and in good faith". The
Tribunal considered that this commitment "was not correctly fulfilled",
since the informatiori concerning Mr. Fasla's service "had serious gaps",
and was not "comp1i:teand impartial".

The Tribunal held that the report of September 1970,which was very
unfavourable to the applicant, could "be due only to a violence of

feeling and iack of self-control which, in this case, revealed prejudice
on the part of the first Reporting Officer"; this prejudice shown by the
first Reporting Officerwas in no way corrected by the second Reporting
Officer, who adopted the terms of the first Officer,and did not take into
account information favourable to Mr. Fasla "from an authorized person
who had been requested to make an investigation of the mission in
Yemen".
The Administrative Tribunal concluded that the prejudice shown by
the first Reporting Officer was in no way corrected by the superior

Officer "as he was ol21igedto do under the Staff Rules", that the Organi-
zation allowed a report "manifestedly motivated byprejudice" to beplaced
in the applicant's file:,and used in the fact-sheet as revised in response to
the recommendation of theJoint Appeals Board, that the periodic report
"is invalid and that "the Respondent did not perform in a reasonable
manner the obligation which he had undertaken to seek an assignmenr
for the Applicant" 1.

1 The respondent hasnot contested the Tribunal'sjudgement;he thereforeaccepts
the facts statedthereinas proved.
In orderproperlyto understand thedecisionsof the Tribunal,onemustbearinmind
that, in the practiceof the United Nations and the specialized agencies,erm
contractsarenot like an1ordinary fixed-termcontractbetweena privateemployerand
a privateemployee"(1.C.J. Reports 1956, p. 91), and also that "therc maybe circum-
stancesin which thenoni-renewalof a fmed-termcontractprovidesa legitimateground
forcomplaint" (ibid.T)hispracticeis reflected inArticle4.4 of the StaffRegulations.
Inmunicipallaw,coni.ractsmust be "performed ingood faith"; they "bindnot only 31. LeTribunal octroie une indemnité, auxlieu et place de l'exécution
de l'obligation que le défendeur avaitassuméede procéder à la recherche
d'un poste au requérant. Le Tribunal fixe,comme seule indemnité pour

tous les préjudicessubis par M. Fasla, une somme égaleau montant net
du traitementde basedu requérant pourune périodede sixmois.
32. Les demandesdurequérant.M. Fasla ademandé aussi la réparation
du préjudice subidu fait du parti pris dontil a victime,l'indemnisation
des souffrances d'ordre affectif et moralà lui infligées,la réparationdu
tort que lui a causéla divulgation par le défendeur, l'intérieuretà l'ex-
térieur del'ONU, de renseignements incompletset fallacieux, l'indemni-

sation des dommages à lui causéssur le plan de sa réputationet de son
avenir professionnels 1.
33. Le jugement du Tribunaladn~inistratif.Le requérant apu faire deux
griefs au jugement du Tribunal: ne pas avoir pris en considérationplu-
sieursde sesdemandes et ne pas avoir octroyéune indemnitésatisfaisante
pour lesdommages subis et que le Tribunal avait examinés.

34. Le Tribunal, dans l'exposédes faits, n'ignore pasla sériedes faits

nuisibles au requérantqui ont pour origine la négligenceet le parti pris
(conduite dolosive) de quelques fonctionnaires de l'Organisation, maisil
a omis ensuite de statuer sur plusieurs plaintes du requérantfondéesen
droit et ila oubliéque l'auteur d'un dommage a l'obligationde réparerles
torts qu'il a causés.

35. Selon le Tribunal, l'organisation a pris l'engagement formelde
s'employer à chercher un nouveau poste à M. Fasla et elle n'a pas pro-

cédé à cet effet «dans des conditions régulièreset de bonne foi». Le
Tribunal constate aussi qu'iln'est possiblede porter remèdeà cette situa-
tion que par l'octroi d'une indemnité,et il fixe cette indemnité à une
somme égaleau montant net du traitement de base du requérant pour
une périodede six mois.
L'indemnisation d'un dommage doit êtreen rapport avec les pertes et
les préjudicessubis; sinon il y a mal-jugé.
36. La lettre du 22mai 1969fait naître, selon le Tribunal, l'obligation

pour le défendeurde s'employer à chercher un nouveau poste au requé-
rant. La Commission paritaire de recours, dans son rapport du 3 juin
1970,fait la recommandation suivante: «Le PNUD devrait continuer de
chercher sérieusement à affecter le requérantà un poste correspondant à

((obligentnon seulement à ce qui y est exprimé, mais encoreà toutes les suites que
I'équitl',usageou la loi donnentà l'obligationd'aprèssanature))(articles1134et 1135
du code civil français).D'ou la légitimité des desla conduitede l'employeur
envers I'employ. n cas d'inexbution, i'obligationse résouten dommageset intérêts.
fonctionnaires.énérau'appliquent aux relations contractuelles deavec ses
1 Je ne mentionnepasici toutes les réclamatiM.sFasla mais seulementcelles
qui, à mon avis, peuventavoir fait l'objet,dans laprocédurerreuressentielle
ayant provoquéun mal-juge. APPLICA.TION FOR REVIEW (DISS . P. DECASTRO) 288

31. The Tribunal awarded the applicant compensation in lieu of
execution of the obligation undertaken by the respondent to seek an
assignment for the applicant. The Tribunal fixedasthe solecompensation

for al1damage suffered by Mr. Fasla a sum equal to six months' net base
salary of the applicant.
32. The Appficant'.~claims M.r. Fasla has also sought compensation
for the injury sustained by him as a result of the prejudice displayed
against him, compensation for the emotional and moral sufferinginflicted
upon him, compensation for the damage inflicted on his professional
reputation and career prospects as a result of the circulation by the
Respondent, both wiithinand outside the United Nations, of incomplete

and misleading information concerning the applicant 1.
33. The Judgement of the Administrative Tribunal.The applicant was
able to criticize the 'Tribunal'sJudgement on two grounds: first that it
did not take into account several of his claims, and secondly that it did
not grant sufficient compensation for the heads of damage which the
Tribunal did examine.
34. In its statement of facts, the TribunaI did not fail to mention the
series of acts causing injury to the applicant originating from the negli-

gence and prejudice (dishonest conduct) of certain officialsof the Organi-
zation, but it subsequently failed to give a decision on several of the
applicant's complaints, which were well founded in law, and over-
looked the fact that he who causes injury is under an obligation to make
good the damage he has caused.
35. According to the Tribunal, the Organization undertook a forma1
commitment to try tc~find another assignment for Mr. Fasla, and did
not in fact do so "in a correct manner and in good faith". The Tribunal
also observed that it was only possible to remedy the situation by the

award of compensati,on, and it fixed the compensation at a sum equal
to six months' net base salary for the applicant.

Compensation for injury must be related to the damage and loss
suffered; otherwise there is a failure of justice.
36. The letter of 22 May 1969 gave rise, according to the Tribunal,
toan obligation forthe respondent to endeavour to find anewassignment
for the applicant. The Joint Appeals Board, in its report of 3 June 1970,

made the following recommendation: "UNDP should make further
serious efforts to place the appellant in a suitable post either within UNDP

to what is expressedtheirein,but also to al1consequences attachedto the obligation
accordingto its natureby equity, customor law"(Arts. 1134and 1135of the French
CivilCode). Hence theIegitimatenatureof the hopesborn of the employer's conduct
award of darnages.These general principlesapply to the contractual relationship
between theUnited Nationsandits staffmembers.
1 1do not mentionheireal1Mr.Fasla'sclairns,butmerelythosewhich,in my view,
could have been the subjectof a fundamentalerrorin procedure whichoccasioneda
failureofjustice.ses aptitudes soit au PNUD soit dans une autre organisation interna-
tionale)). La même Commission estimeque «le dossier du requérant est
incomplet et trompeur, et que cela a gravement compromis ses chances
d'obtenir une prolongation de son contrat ou de faire accepter sa candi-
dature à un poste dans d'autres organisations)).
La Commission paritaire recommande le versement d'une somme
équivalantau traitement de M. Fasla pour une périodede six mois. Cette
recommandation s'explique parce que l'indemnitéétaitfixéeeu égard à la
périodede six mois qui s'étaitécoulée entre la fin du contrat du requérant
(31 décembre1969)et la date du rapport de la Commission (3juin 1970).
Pendant cette période,on avait à tenir compte des espoirs de M. Fasla de
voir accepter sa candidature dans une organisation internationale. Mais

lesrecommandations de la Commission ont elles-mêmesdonnéun nouvel
aliment aux espoirs de M. Fasla qui a pu les conserver légitimementjus-
qu'au jugement du 28 avril 1972.
37. Le Tribunal a constatéque le PNUD n'a pas complètement suivi la
recommandation l'invitant à corriger le dossier et la fiche analytique de
M. Fasla, si bien que cette fiche, si elle avait été diffusée(,(n'aurait pas
permis d'obtenir de meilleurs résultatsauprèsd'éventuelsemployeurs que
celle qui avait été établien 1969 1».
Le Tribunal arrive à la conclusion que le défendeur n'a pas exécuté
l'obligation qu'ilavait assuméede procéder à la recherche d'un poste pour
M. Fasla, et il constate aussi ((qu'iln'est pas possible de porter remèdà

cette situation par l'annulation de la décisioncontestéeou en ordonnant
I'exécutionde I'obligation contractéeen 1969)).
38. Il est constaté que, par la négligenceet la mauvaise volonté du
défendeur,et malgré sespromesses, M. Faslan'a pu obtenirun poste dans
l'organisation et a étémis dans I'impossibilitépratique d'obtenir un poste
ailleurs.
39. Le Tribunal a le pouvoir et le devoir de fixer le montant du pré-
judice subi, au cas où I'exécutionde l'obligation invoquéene serait pas
possible. Vu l'impossibilité d'exécuter leosbligations prises par l'organi-
sation envers M. Fasla (selon ce que leTribunal a déclaré)et l'existencede
trèsgraves préjudices, le Tribunal doit accorder une indemnitéadéquate.

Conformément aux principes de droit, l'existence de dommages dus à
une faute entraîne I'obligation de réparer. Au cas où la réparation en na-
ture n'est pas possible, soit que le débiteur ne puisse pas soit qu'il ne
veuille pas exécuter (nemopotest praecise cogi adfactum), il y a répara-
tion sous la forme d'un équivalent. Cette réparation doit couvrir le
damnumemergenset le lucrumcessans.Le montant doit êtretel qu'il place
lavictime dansla situation la plus proche possible de celle où ellese serait
trouvCes'iln'y avait pas eu faute du défendeuret cette responsabilitédoit

1 Le Tribunalaconsidéré commierréversibllea décisionpriseparl'administration
del'organisationde n'employeren aucuncas M. Fasla. APPLICPLTIONFOR REVIEW (DISS. OP. DE CASTRO) 289

or with one of the other international organizations". The Board also
held that "the performance record of the appellant is incomplete and
misleading and that this seriously affected his candidacy for further
extension of his contract or for employment by other agencies".

The Joint Appeals Board recommended the payment of a sum equiva-
lent to six months' salary to Mr. Fasla. This recommendation is explained
by the fact that the compensation was assessed taking into account the

period of sixmonths which had elapsed between the end of the applicant's
contract (31 December 1969)and the date of the Board's report (3 June
1970). During that period, account had to be taken of Mr. Fasla's hopes
that he would be accepted for employment in an international organi-
zation. But the recommendations of the Board themselves further
nourished the hopes of Mr. Fasla, who could legitimately have continued
to cherish them until the Judgement of 28 April 1972.
37. The Tribunal inoted that UNDP did not fully comply with the
recommendation that it shouldcorrectthe fileand fact sheet of Mr. Fasla,
so that if the new fkct sheet had been circulated, "it would not have
elicited a more favourable response from prospective employers than the

fact sheet prepared in 1969 1".
The Tribunal concluded that the respondent had not fulfilled the
obligation which he hiadundertaken to seek an assignment for Mr. Fasla,
and also noted "that it is not possible to remedy the situation by re-
scinding the contested decision or by ordering performance of the
obligation contractecl in 1969".
38. It is noted thal:, as a result of negligence and ill-will on the part of
therespondent,anddespite his promises, Mr. Fasla was unable to obtain
an assignmentin the Organization, andit was made practically impossible
for him to obtain a -postelsewhere.
39. The Tribunal has the power and the duty, should the execution of
the obligation relied on not be possible, to assesstheextent ofthe damage

suffered. In view of the Tribunal's finding that it was not possible to
carry out the ob1igai:ionsundertaken by the Organization towards Mr.
Fasla, and the existi:nce of very serious damage, the Tribunal should
have granted adequa.te compensation.
Inaccordance with the principles of law,the existence of injury resulting
from a fault involves an obligation to compensate. Where specific relief
is not possible, becauisethe person responsible cannot or will not provide
it (nemopotest praecikecogiadfactum), there is to beequivalent compen-
sation. Such compeiisation must cover the damnum emergens and the
lucrum cessans. The amount must be such that the injured party is
restored as nearly as possible to the position in which he would have been

ifthere had been no :Faulton the part of therespondent, and this responsi-

-
1 The Tribunalregardledthe decisiontaken by the United Nations Administration,
not to employ Mr. Faslain anyvent,asnot capableofbeing reversed.jouer d'une manièreplus sévèreencore si le dommage est le résultat d'une
conduite dolosive.
Le Tribunal administratif des Nations Unies estime que la promesse
faite à M. Fasla dans la lettre du 22 mai 1969n'est pas tenue et qu'elle ne
peut plus l'être,et cela par la faute et la mauvaise volontédu défendeur.
L'expectative néed'une telle promesse est fortifiéepar le rapport de la

Commission paritaire de recours (3juin 1970)et elleest vivantejusqu'à la
date du jugement (28avril 1972).Le dommagesubi par M. Fasla consiste
donc en la perte de son traitement jusqu'à cette dernière date, après la-
quelle il devait chercher un poste hors de l'organisation. 11faut aussi con-
sidérer lespréjudiceset la perte du traitement pendant la périodedont il
avait besoin pour trouver un autre poste 1.
On doit noter que le Tribunal administratif a oublié d'examiner d'au-
tres plaintes relatives aux dommages subis par M. Fasla. II laisse de

côté,sans mot dire, les dommages et préjudicesrésultant de l'atteinte à
l'honneur professionnel de M. Fasla, qui ont leur source dans la nature
mensongère du dossier et de la fiche analytique non corrigés; c'est là une
faute grave dont l'organisation est responsable.
Il est vrai que, selon une règle anormale et inéquitable (odiosa sunt
restringenda) du statut du Tribunal administratif des Nations Unies,
l'indemnité à accorder ne peut être supérieureau montant du traitement
de base du requérant pour une périodede deux ans. Cependant, le Tri-

bunal peut, dans des cas exceptionnels, ordonner le versement d'une
indemnitéplus élevée (article 9, paragraphe 1).
Dans l'affaire portée devant la Cour, les préjudices causés à M. Fasla
ont un caractère exceptionnel par leur origine et leur étendue; il y a eu
inaccomplissement d'une promesse et de graves dommages àla carrièreet
à la réputation professionnelles de M. Fasla, dommages qui résultent
pour lui dela conduite fautive et dolosive de fonctionnaires de l'organisa-
tion.

Le Tribunal administratif semble donc avoir mal jugéen limitant l'in-
demnitéaccordéeau montant de six mois de traitement; il aurait dû la
fixerà ((ceque la Cour a, en d'autres circonstances,appelé lajuste mesure
de la réparation, le chiffre raisonnable de celle-ci» (C.I.J. Recueil 1956,
p. 100,citant C.I.J. Recueil1949,p. 249).

40. L'erreur dans la procédure.On reproche au Tribunal de ne pas
avoir examinétoutes les demandes du requérant, en particulier les de-

mandes de réparation concernant les préjudices causés à M. Fasla sur le

1 Pourfixerle montantdupréjudicsubi,leTribunaladministratif esNationsUnies
dit qu'ildoit rechercher«dans quellemesurela requérapouvait compterconserver
son emploi, eu égardaux termeset à la nature de son contrat, aux dispositionsdu
Statutet du Règlement dupersonnelet enfinaux faitsde la cauidoit apprécieles
chancesqu'alarequérante de gagnesravie aprèsla cessationdesonemploià I'Organi-'
sation des Nations Unies)) (affaire Eldridge,Jugements du Tribunaladministratif des
Nations Unies,jugement no 39, 1953,p. 184; passagecitédans Koh, foc. cit., p. 85,
note 134). APPLICATION FOR REVIEW (DISS .P. DE CASTRO) 290

bility must be heavittr still if the injury results from dishonest conduct.

The United Nations Administrative Tribunal considered that the
promise made to Mr. Fasla in the letter of 22 May 1969was not kept, and
that it could no longer be performed, through fault and ill-will on the
part of the respondent. The expectation created by such a promise was

strengthened by the report of the Joint Appeals Board (3 June 1970)and
remained alive up to the date of the judgement (28 April 1972). The
injury suffered by Mr. Fasla thus consists of the loss of his salary up to
this latter date, afteir which he had to look for a position outside the
Organization. One miustalso take into account the damage and the loss
of salary during the period he needed to find another post 1.
It should be obsi:rved that the Administrative Tribunal failed to
examine other complaints concerning injury suffered by Mr. Fasla. It

left on one side, without comment, the injury and damage resulting from
the injury to Mr. Fasla's professional reputation, deriving from the
misleading nature of the uncorrected file and fact sheet; this is a serious
fault, for which the Organization is responsible.
Itis true that, by virtue of an abnormal and inequitable rule (odiosa
sunt restringenda) in the Statute of the United Nations Administrative
Tribunal, compensation cannot exceed the equivalent of two years' net
base salary of the applicant. The Tribunal may, however, in exceptional
cases, order the payment of a higher indemnity (ibid., Art. 9, para. 1).

In the case which kiasbeen brought before the Court, the injury caused
to Mr. Fasla is of an exceptional nature as to its origin and to its extent;
there was failure to carry out a promise, and serious damage to Mr.
Fasla's professional reputation and career, damage resulting from the
dishonest and improper conduct of officiaisof the Organization.

The Administrative Tribunal therefore appears to have committed

a failure of justice by limiting the compensation granted to six months'
salary; it should have fixed "what the Court, in other circumstances,
has described as the true measure of compensation and the reasonable
figure of such comlpensation" .(I.C.J. Reports 1956, p. 100, quoting
I.C.J. Reports 1949, p. 249).
40. Errorinthepnocedure.Complaint has been made that theTribunal
did not consider al1the applicant's claims, and in particular the ciaims for
compensation concerning damage caused to Mr. Fasla with regard to

1 In orderto determinetheextentof theinjurysuffered,the United NationsAdmin-
istrative Tribunal has staidthat it must "considerto what extent the applicant has
expectationof continuetlemployi:ient, taking into account theterms andnatureof
the contract,the StaffRules and Kegulations andthe facts pertainingto the situation
and mustevaluatetheapplicant'schancesof earningalivelihoodafterseparationfrom
the UnitedNations"(Eldridgecase, UNAT JudgementNo. 39,p. 184; quoted in Koh,
loc.cit.p. 85, note 134).291 DEMANDEDE RÉFORMATION(OP. DISS. DE CASTRO)

plan de l'aveniret de laréputation professionnels etlessouffrancesd'ordre
affectif et moral dont il a étévictime, préjudiceset souffrances dus à la
faute du défendeur.
On reproche aussi au Tribunalde ne pas avoir examinéces demandes,
de les avoir rejetéesglobalement et sans discrimination, sans les motiver,

quand il a dit rejeter «les autres demandes)).

41. Les erreursessentiellesdans la procédureL . e droit de la procédure
considère comme une erreur essentielle la non-conformité entre ce qui
fait l'objet de la requête etle jugement.
Un jugement peut êtreviciépar excès (ultra petita) ou par défaut
(infra aut minus petita). II l'est par défaut«s'il a été omisde prononcer
sur l'un des chefs de la demande1 ».Lejuge doit statuer d'aprèsleperitum

de la requête (sententia debet esse conformislibeili), et le jugement ne
doit négligeraucune des demandes présentéesdans les conclusions des
parties. Lejuge n'accomplit pas son devoir (judex decideredebet) quand
il omet de statuer sur une des causaepetendi de la requête(nonestjudex
minuspetita partium) .
En droit interne, ce défautest estiméd'une telle gravité qu'ilauvre le
recours de la requêtecivileet du pourvoi en cassation.11y a tout lieu de le
qualifier d'erreur essentielle dans la procédure.

42. L'erreur de procédureest essentielle aussi en ce qu'elleprovoque le
mal-jugé.
Le préjudicemoral doit êtreréparéselon lesprincipes générauxde droit
et cette réparation est la garantie des droits de l'homme. Sonimportance
juridique est bien connue. La Charte des Nations Uries commence en
proclamant sa foi dans «les droits fondamentaux de l'homme, dans la
dignitéet la valeur dela personne humaine)),doctrine développéedans la

Déclaration universelle des droits de l'homme, selon laquelle «nul ne
sera l'objet d'atteintes son honneur et à sa réputation)),et ((toute per-
sonne a droit à la protection de la loi contre de telles atteintes»*. La
protection due à la dignitéde la personne s'applique à I'honneur et la
réputation professionnelle. Or le Tribunal n'a pas examinél'atteinte à
I'honneur et à la renommée professionnelle de M. Fasla et ce défaut a
influencéle jugement dans son ensemble; il a complètement fausséla
manière dont toute l'affaire a été envisagée.

43. Le Tribunal considère les demandes de M. Fasla comme fondées
sur l'inaccomplissement de la promesse de l'administration de faire tout

1 C'estainsique l'article480 du code de procédurecivile françaisde 1806formule le
pas pour ne pas alourdirmon opinion, ont rédigéssurson modèle.Voir aussi uneindique
remarqueincidentefigurant dans.Z.JR ecueil 1950, p. 402.
2 Sur les droits fondamentaux de la personne humaine, voir C.Z.J.Recueil 1970,
p. 32. Le Tribunal administratifde la Société des Nations reconnaîat contrario le droit
à une indemnité pourpréjudicemoral:jugement no13,7 mars 1934.Lejugementno99
(affaire.A.) du Tribunal administratifdes Nations Unies décide le versement d'une
indemnitéenraison d'un préjudice mora(lvoireBastid, toc. rit., p. 27). APPLICATION FOR REVIEW (DISSO. P.DE CASTRO) 291

his career prospects and professional reputation, and for his emotional

and moral suffering, each due to the fault of the respondent.

It is also complained that the Tribunal did not consider these claims,
and dismissed them en bloc and without discrimination between them,
and without giving reasons, when the Tribunal stated that "the other
requests are rejected"'.
41. Fundamentalerrors in the procedure. In procedural law, lack of
correlation between thiejudgment andthe subject-matter ofthe application
is regarded as a funda.menta1error.
A judgment may bt: invalid through going too far (ultrapetita) or not
going far enough (iqfra aut minuspetita). It fails to go far enough "if

no decision has been given on one of the heads of claimi". The Court
must render a decisioriaccording to thepetitum in theapplication (senten-
tia debetesse conformislibelli), andthe judgment should not leaveout any
of the claims made in the party's submissions. Ajudge does not fulfil his
judicial duty (judex decideredebet) if he faiis to give a decision on one of
the causaepetendi of t.heapplication (non estjudex minuspetita partium) .
In municipal law, this failure is considered so serious that the remedies
of requêtecivile and pourvoi en cassation are available in respect of it.
It is fullyjustifiable describe it as a fundamental error in the procedure.
42. An error in procedure is fundamental also if it occasions a failure
ofjustice.

Moral damage should be compensated according to the general
principles of law, an.d such compensation is the guarantee of human
rights. Its importance in law is well known. The United Nations Charter
begins with an affirmation of faith in "fundamental human rights, in the
dignity and worth of the human person", a doctrine which istaken further
in the Universal De:claration of Human Rights, according to which
"No-one shall be subjected to...attacksupon his honourand reputation"
and "Everyone has the right to the protection of the law against such ...
attacksH*.The protection due to the dignity of the human person applies
to honourand profes!;ionalreputation. But the Tribunal did not look into
the injury to the professional honour and reputation of Mr. Fasla, and
this defect influenced the whole of its Judgement; it completely distorted

the way in which the whole case was envisaged.
43. The Tribunal considered Mr. Fasla's claims as based upon the
non-fulfilment of the: promise by the administration to do everything

1 This is how Article480 of the FrenchCode of Civil Procedureadopted in 1806
will not quote in ordernot to overburden thisopinion,weremodelled upSeetalso 1
an observationin Z.C.J.Reports 1950, p. 402.
2 On thefundamentalrightsof thehumanperson,seeZ.C.J.Reports 1970,p. 32.The
AdministrativeTribunalof the Leagueof Nations recognizeda contrario the rightto
compensation for moraldamage:JudgementNo. 13, 7 March 1934. In Judgement
No. 99 (M.A. case),the United Nations AdministrativeTribunal decided to award
compensation formoraltiamage(seeMrs. Bastid,/oc. rit., p. 27).son possible pour lui trouver un poste dans l'organisation. Mais procéder
ainsi, c'est mal envisagerl'affaire.
Ce n'est pas I'inaccomplissement de la promesse qui importe le plus.
Le nŒudde la question est lefaitque l'honneur professionnel de M. Fasla
a été atteint, enraison dela conduite fautive etlosive de certains fonc-

tionnaires, conduite dont l'Organisation assume la responsabilitéet qui a
entraînéle manquement à la promesse. Mais aussi et surtout l'atteinàe
l'honneur professionnel de M. Fasla estàl'origine des dommages écono-
miques et moraux qu'il a subis; elleaété l'obstacleinsurmontable qui a
empêché de lui procurer un postà l'organisation ou de lui en trouver un
hors de l'organisation.

Le Tribunal n'a pas considérédirectementla demande d'indemnisation
pour préjudice à l'honneur professionnel; c'est la seule manière d'expli-
quer qu'illimiteàsixmoisde traitement l'indemnité accordée.
44. Dans l'exposéécritdu défendeur présenté àla Cour, il est dit que
le Tribunal a tenu compte de la demande de M. Fasla en réparation du
tort causéà sa réputationetà son avenir professionnels parceque lejuge-

ment du Tribunal fait état de cette demande dans l'exposédes faits
(paragraphe 27).
L'argument du défendeur porte à faux. Le jugement n'est pas incri-
minéen raison d'un exposéincomplet des faits. Le reproche adresséau
Tribunal est qu'ila omis d'examineret de seprononcer dansson jugement
sur un des chefs dela demande, celui qui est le point central de l'affaire.
a commis ainsi, dans la procédure,une erreur essentielle qui a provoqué
un mal-jugé.
45. Dans son exposé à la Cour, le défendeur invoque le point 4 du
dispositif du jugement du Tribunal («les autres demandes sont rejetées)))
pour conclure que le Tribunal a exercé pleinement sa juridiction par
rapport aux demandesqui lui étaient soumises(paragraphe 30).
A mon avis (voir paragraphe 27 ci-dessus), le Tribunal a exercésa

juridiction, mais en commettant une erreurde procédure.Il n'a passtatué
sur chacun des chefs de demande et la formule très généralequ'il a
employée ne remédiepas à ce défaut.
46. Pour évitertout malentendu, j'ajoute en passant qu'il ne faut pas
confondre les défautsou erreurs qui, s'agissant d'un jugement, sont une
cause de nullité(nullitéabsolue ou ipsjure) et les fautes ou erreurs qui
ouvrent la voie à une contestation de la validitédu jugement devant un
tribunal ou une cour supérieure. Les jugements d'un tribunal ou d'une
cour de dernière instance ne peuvent êtrecontestésen raison de simples
fautes ou erreurs de procédure.
47. La décisiond'un tribunal n'est justifiéeque lorsqu'elle a un fon-
dement logique dans les motifs et conclusions qu'ellecontient.
Le défendeurallègueque la non-motivation d'un jugement n'estpas une
erreur de procédure pouvant entraîner la réformation parce que I'article
11du statut du Tribunal administratif ne la mentionne pas expressément,

et cela bien que, dans le document de travail présentépar le Secrétaire
130within its power to find him an assignment in the Organization. But

this is to take thewro'ngview of the matter.
lt is not the non-f~ilfilmentof the promises which is of major impor-
tance. The heart of the matter is the fact that there was damage to Mr.
Fasla's professional honour as a result of the improper and dishonest
conduct of certain oficials, for which the Organization must bear the
responsibility, and wlhichbrought about the breach of the promise. But
in addition and above al], the injury to Mr. Fasla's professional honour
was the origin of the financial and moral damage which he suffered;
it was the unsurmouritable obstacle which prevented him from obtaining
an assignment with the Organization, or finding one outside the Organi-
zation.
The Tribunal did not directly consider the claim for compensation for
injury to professional honour; this is the only possible explanation for its
limiting the compensation granted to six months' salary.
44. In the respondent's written statement to the Court, it is stated
that the Administrati.ve Tribunal took account of Mr. Fasla's claim for

damages in respect of his professional reputation and career prospects, as
it included that clairn in itsecitals of the facts (para. 27).

The respondent's argument is misconceived. The Judgement is not
being criticized for giving an incomplete statement of the facts. The
criticism made of the Tribunal is that it failed to consider and pronounce
in its Judeement UDCI~ one of the heads of claim. the one which is the
central pGnt of thécase. Thus it committed a fundamental error in the
procedure which has occasioned a failure of justice.
45. In his statemerit to the Court, theespondent relies on paragraph 4
of the operative clause of the Tribunal's Judgement ("the other requests
are rejected") to support the conclusion that the Tribunal fully exercised
itsjurisdiction in respect of the claimspresented to it (para. 30).
In my opinion (see.para. 27 above), the Tribunal did exercise its juris-
diction, but in doing so committed an error in procedure. It did not give
a decision on each of the heads of claim, and-the very general form of
words which it used ,didnot repair this defect.
46. To avoid any misunderstanding, 1 would add in passing that a

distinction must be made between defects or errors in a judgment which
render it void (absoliitely void, or voidipsjoure), and errors or mistakes
which render it voidable, so that it may be challenged before a higher
court or tribunal. Judgments of a court or tribunal of final resort, in
respect of which there is no higher tribunal, cannot be challenged on the
basis of mere mistakjesor errors in procedure.
47. The decision of a tribunal is ody justified if it is logically based
on the grounds and conclusions which are set out in it.
The respondent claims that non-motivation of a judgment is not a
procedural error which can give rise to revision, because Article 11
of the Statute of the Administrative Tribunal does not expressly mention
this ground, despite the fact that in the working paper submitted by the293 DEMANDE DE RÉFORMATION (OP.DISS. DE CASTRO)

général,on ait inclus «l'absence de motif» parmi les causes de contesta-
tion (voir paragraphe 102 de l'exposéécrit renvoyant au document des
Nations Unies A/2909, annexe II A, paragraphe 53). Il allègue aussi

qu'en tout cas ce n'est pasune faute de procédureassezgrave pour donner
lieu à un mal-jugé(paragraphe 104).

48. Ces arguments du défendeurne me semblent pas convaincants. Le
fait de ne pas citer l'absence de motif, dans l'énumérationdes causes
d'une éventuelle réformation, n'exclut pas que cette absence constitue
une erreur de procédure. L'article 11du statut du Tribunal administratif

des Nations Unies où figurent les mots «une erreur essentielle» dans la
procédure, vise toutes les erreurs essentielles dans la procédure, et le
caractère d'erreur essentielle que revêtla non-motivation dans la procé-
dure du Tribunal administratif est manifeste. L'article 10,paragraphe 3,
du statut qui dit: «Les jugements sont motivés))le confirme bien 1.

49. Les motifs, considérantsouattendus des arrêtsetjugements ne sont
pas de simples ornements. L'exigenceformuléepar les lois comme par le
statut du Tribunal administratif des Nations Unies de motiver lesjuge-
ments découlede la nature mêmede la fonction judiciaire. «Il est de
l'essence même desdécisionsjudiciairesd'êtremotivées 2))

50. L'article 52 de la Convention pour le règlement des différends

relatifs aux investissements entre Etats et ressortissants d'autres Etats
établitque chacune des parties peut demander l'annulation de la sentence
pour «défaut de motifs». L'exposéécrit présenté au nom du Secrétaire
généralinvoque cet article pour renforcer son argument selon lequel le
fait de ne pas avoir mentionné l'insuffisance de motifs à l'article 11du
statut signifie que cette insuffisance n'est pas une raison valable de con-
tester lejugement (paragraphe 40).

Il me semble que l'article 52 cité est plutôt une manifestation du
caractère généraldu principe d'après lequel il est de l'essence des juge-
ments d'êtremotivés. Le silencede l'article 11 du statut au sujet des
motifs tend à éviter uneredite; une telle mention est inutile car l'arti10e
du statut en fait une condition requise pour que lesjugements soient en
bonne et due forme.
51. On a toujours et partout reconnu l'importance de la motivation

des jugements. Francis Bacon déjà avait dit judices sententiae suae
ratione adducant (Aph. 38). Les plus anciens codes de procédureexigent

Voir aussi article 9, paragra1,infine. Le but de ces articles est d'«inciter le
Tribunalà veiller à la motivation de ses jugements et à la prudence de ses solutions))
(MmeBastid, loc. rit., p. 20); cela importe d'autant plus que. parmi les membres du
Tribunal administratif, «très peu ont eu une expériencede juge», p. 25).

Conclusions Letourneur (C.E. 27 janvier 1950). citation tirée de Juret, «Obser-
vations sur la motivation des décisionsjuridictionnelles international~e'tié-evue
rale de droit internarioiralpublic, 1960, p. 519. APPLICA'TIONFOR REVIEW(DISS. OP. DE CASTRO) 293

Secretary-General "làilure to state the reasons for the award" was
included among possible grounds for challenge (see para. 102 of the
written statement, referring to United Nations document A/2909, Annex
II.A, para. 53). He also claims that in any event this would not be a

procedural fault of siifficientgravity to occasion a failure ofjustice (para.
104).
48. 1 do not find these arguments of the respondent convincing. The
fact that failure to s1.atereasons is not mentioned in the list of grounds
for possible revision does not exclude the possibility of this failure being
an error in the procedure. Article 11 of the Statute of the United Nations
Administrative Tribunal, which uses the words "a fundamental error"
in the procedure, is [directedto al1fundamental errors in the procedure,

and it is obvious that failure to give reasons in the procedure of the
Administrative Tribunal is a fundamental error. Article 10,paragraph 3,
of the Statute, which provides that "judgements shall state the reasons
on which thev are biised". confirms this 1.
49. The g&unds, recitals and introductory clauses in judgments and
decisions are not there for ornament. The requirement, to be found as
well in legislation as in the Statute of the United Nations Administrative

Tribunal, to give reasons for judgments is a consequence of the very
nature of the judicial function. "lt is of the very essence of judicial
decisions that they st.atetheir reasons 2."
50. Article 52 of the Convention on the Settlement of Investment
Disputes between States and Nationals of Other States provides that
either party may reqilest annulment of the award on the ground "that the
award has fàiled to istatethe reasons on which it is based". The written
statement filed on behalf of the Secretarv-General relies on this Article

to buttress the argument that the fact tha;failure to state full reasons was
not mentioned in Article 11of the Statute im~liesthat such failure is not a
valid reason for challenging the Judgement ipara. 40).
In my view, Article 52 is rather to be read as a manifestation of the
generality of the pririciple that it is of the very essence of judgments that
they state their reasons. The silence of Article 11 of the Statute on the
subject of reasons vvasto avoid repetition; any such mention was un-

necessary, since Article 10of the Statute lays this down as a condition for
the judgements to bi: in proper form.
51. The importan~reof giving reasons for a judgment has been recog-
nized universally and at al1 times. Francis Bacon said that'judices
sententiaesuae ratiorieadducant (Aph. 38).The earliestcodes of procedure

1 See also Art. 9, para. 1,fine.The purpose of these Articles is "to prompt the
Tribunal to take care over the reasoning in its judgementsand the wisdom of its
decisions", Mrs. Bastidtoc. cirp. 20; this is al1the more important because of the
ibid.p. 25.the Administrative Tribunal"very few have any judicial experience",
2 Submissionsof M. !Letourneur(Conseil d'Etat, 27 January 1950)quoted by Juret,
"Observations sur la motivation des décisions juridictionnelles internationales",
R.G.D.I.P. 1960,p.519.aussi que lesjugements soient motivés 1.La Cour considèrequela motiva-
tion est une condition propre aux jugements d'une cour de justice et aux
sentences des arbitresz. Et on a pu à bon droit conclure que «dire que la
motivation est de nos jours obligatoire parce qu'indispensable devient
banal 3».

52. Le juge ne décidepas en vertu d'un pouvoir discrétionnaire(ex
voluntate) mais selon la loi (ex ratione legis), ce qu'il montre bien en
motivant les arrêts.Les motifs sont la prémisse logiquedu jugement. Un
jugement sans motif ou insuffisamment motivéapparaît comme une
décisionarbitraire et non comme un vrai jugement 4.

Motiver lesjugements a un autre but: les motifs permettent aussi aux

parties de connaître les raisons des décisionsjudiciaireset de savoir ainsi
quelles possibilités ellesont de contester le jugement en appel ou en cas-
sation et, le cas échéant,la manièrede le faire.

La Cour permanente a dit: ((toutes les parties d'unjugement visant les
points en litige s'expliquent et se complètent l'une l'autre et doivent
êtreprises en considération, afin d'établirla portéeet le sens précisdu
dispositif))(C.P.J.I. sériB enoII, p. 30).

53. Dans l'affaire devant la Cour, le rejet en bloc et sans motifs par le
jugement du Tribunal administratif des plaintes du requérant - et des
plaintes d'importance fondamentale - est en soi une erreur dans la
procédure; mais cela fait ressortir aussi une autre erreur dans la procé-
dure, tenant à ce que le jugement a omis de se prononcer sur certains
chefs de la demande.
54. Le défendeurallèguedans son exposé(paragraphe 105)que, selon
la Cour, quelles que soient les fautes procéduralesque le Tribunal ait pu

commettre, il n'y a pas lieu de les examiner, alors surtout que les irré-
gularités alléguéesne constituent pas une ((atteinte fondamentale aux
exigences d'une bonne procédure))(Appel concernant lacompétence du
Conseilde I'OACI, C.I.J. Recueil1972,p. 69).
11faut observer que I'article 84 de la Convention de I'OACI, appliqué
par la Cour dans l'affaire précitée, nm e entionne pas les irrégularitésde
procédure,et qu'au contraire l'article 11 du statut du Tribunal adminis-
tratif, qu'il s'agitd'appliquer à présent, relèveexpressémentl'erreurdans

la procédure. La Cour, dans l'arrêtcité par le défendeur a dit: «les
irrégularités de procédure, à les supposer vérifiées,auront pour seul

1 Ainsi l'article141ducode de procédurcivile françaisde 1806 (reprenant laloi des
12-Cette motivation qui a un ((caractèreessentiellement judiciaire)) estrequise par
l'article56, paragraphe1, du Statut dela Cour (C.I.J. Recueil1954,p. 52); la sentence
doit être«fondéesur un raisonnement et des explicationssuffisants» (C.I.J. Recueil
1960, p. 216).
3 Juret,loc. rit., p. 568 etpassim.
Il en est autrementpour d'autres catégories de décisions, judici, minktra-
tives ou d'un jury.also require reasons to be given for judgments 1.The Court has held that
giving reasons is a condition appropriate to the judgments of a court
of justice and to awa.rdsof arbitrators2; and the conclusion has rightly
been drawn that "it has become a truism to say that a statement of
reasons is nowadays obligatory because it is indispensable 3".
52. A judge does not give his decisions by virtue of a discretionary

power (ex voluntate) but according to the law (ex ratione legis), and he
demonstrates this by giving reasons for his judgments. The reasons are
the logical premise of thejudgment. A judgment without reasons or with
insufficient reasons has the appearance of an arbitrary decision and not
of a true judgment 4.
Giving reasons for judgments has another purpose: the reasons also
permit the parties to know the grounds for judicial decisions, and thus
to know what possibiilitiesare open to them of challenging the judgment

on appeal or by way of cassation, and, in appropriate cases, how to go
about it.
The Permanent Court stated that "al1 the parts of a judgment con-
cerning the points in1dispute explain and complete each other and are
to be taken into account in order to determine the precise meaning and
scope of the operative portion" (P.C.J.J., Series B, No. II, p. 30).
53. In the case before the Court, the dismissal of the applicant's
claims-and claims of fundamental importance-en bloc and without

reasons by the Judgement of the Administrative Tribunal was itself an
error in the procedure; but it also brings out another error in the proce-
dure, inasmuch as the Judgement failed to give a decision on certain
heads of claim.
54. The respondeilt claims in his written statement (para. 105)that,
according to the Court, whatever procedural mistakes the Tribunal may
have committed, thei-eis no need to examine them, particularly inasmuch
as the irregularities .allegeddid not "prejudice in any fundamental way

the requirements of ajust procedure" (Appeal Relating to the Jurisdiction
of the ICAO Council, I.C.J. Reports 1972, p. 69).
Itshould be observed that Article 84 of the ICAO Convention, which
was applied by the Court in the casejust mentioned, makes no mention of
procedural irregularities, and that on the other hand Article II of the
Statute of the Admnnistrative Tribunal, which now falls to be applied,
expressly refers to error in the procedure. In the Judgment which the
respondent has citecl, the Court said: "If there were in fact procedural

1 ForexampleArticle 141of the FrenchCodeof CivilProcedureof 1806(re-enacting
on2tThis statementof reasons, whichisof "anessentiallyjudicialcharacter"isrequired
byArt. 56, para.1,of the:Statuteof theCourt(I.C.J. Reports 1954,p.2); anarbitrator's
award should contain ",amplereasoning and explanationsin support" (I.C.J. Reports
1960, p. 216).
3 Jitret/oc.rit., p. 568 andpassim.
4 This is not the case for other categories of decisions, judicial, administrativeor
jury decisions.résultatqu'il [le Conseil] sera parveàula décision qui convient d'une
manièreerronée:il aura tout de mêmeabouti au bon résultat)) (ibid.,
p. 70).A mon avis, non seulement lejugement du Tribunal administratif
est viciépar une erreur essentielledans laprocédure et n'aboutit pas
bon résultat,mais encore cette erreur essentiellea provoquéun mal-jugé.

(SignéF ).DE CASTRO. APPLICATIONFORREVIEW(DISS. OP. DE CASTRO) 295

irregularities, the position would be that the Council would have reached
the right conclusion icithe wrong way.Neverthelessit would havereached

the right conclusion"'ibid ..,70). In my opinion, not only was the
Judgement of the Aclministrative Tribunal vitiated by a fundamental
error in the procedure, and did not produce the right conclusion, but in
addition that fundamentalerror occasioned a failure of justice.

(Signed F).DE CASTRO.

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Document Long Title

Opinion dissidente de M. de Castro

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