Opinion dissidente de M. Badawi

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030-19561023-ADV-01-05-EN
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030-19561023-ADV-01-00-EN
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OPINION DISSIDEXTE DE M. BADAIVI

Je regrette de ne pouvoir me rallier à l'avis de la Cour recon-
naissant la compétence du Tribunal administratif de l'organisation
internationale du Travail dans les quatre affaires de
Je partage les conclusions du Président Hackworth et de mon
collègue Judge Read pour les motifs qui suivent:

La demande d'avis poséeà la Cour se compose de trois questioils.

La première s'exprime en termes de compétence, et la troisième
en termes de validité. L'une et l'autre reproduisent les mots qui
figurent dans l'article XII du Statut du Tribunal. L'une et l'autre
représentent un mêmeordre d'idées considéré de côtés différents:
côtécause et côtéeffet. Le lien entre les deux est donc indissoluble.
En fait, ces deux questions n'en constituent qu'une.

La question II est poséedans le cas où la réponse à la question1
serait dans l'affirmative. Il est donc prématuré de l'examiner
avant d'avoir répondu à la question 1, soit pour y donner une
réponse, soit pour déclarer qu'elle ne se pose pas.

Le Tribunal administratif de l'organisation internationale du
Travail s'est déclarécompétent pour connaître des requêtes des
quatre fonctionnaires de l'cnesco. Pour examiner ces quatre
jugements qui, sauf les particularitésde chaque cas, sont uniformes,

il suffit de prendre le jugementno 17 dans l'affaire Duberg comme
exemple.
Il est évident que pour permettre au Conseil exécutif de l'ynesco
de contester la décision du Tribunal ad~ninistratif affirmant sa
compétence et de demander l'avis prévupar l'article XII du Statut
dudit Tribunal, les motifs sur lesqu~ls le Tribunal fonde sa com-
pétence doivent, indépendamment du fond, suffire à eux seuls
pour établir la base légale précisede cette compétence. Il serait,
en effet, inconcevable que le Tribunal puisse se déclarer compétent
sur la base de motifs non susceptibles d'appréciation légale.

Iliais il arrive parfois que la compétence ne peut s'établir que
par des motifs qui se rattachent au fond. Dans ce cas, le tribunal
joint l'exception d'incompétence au fond pour les examiner en-
semble et conclure d'abord sur la compétence et ensuite sur le
fond. Cette décision de jonction contribue à une meilleure oi-don-

50nance du jugement et à une plus grande clarté. Elle permet aussi
d'é~iter des répétitions qu'on ne peut éluder si l'on séparait la
compétence du fond, au point de vue de la motivation.

Toutefois, la jonction de l'exception au fond ne serait possible
que si le tribunal saisi est une juridiction d'un seul degré ou si,
étant de première instance, ses jugements sont susceptibles d'appel,
c'est-à-dire une revision du jugement tout entier. Dans ce dernier
cas, sa décision, en ce qui concerne tant la compétence que le
fond, sera examinée par la juridiction supérieure.

liais dans le cas de l'article XII di1 Statut du Tribunal admi-
nistratif, la décision de celui-ci n'est soumise à l'examen de la
Cour qu'en ce qui concerne la compétence seule ; celle-ci n'a
aucun contrôle sur le fond, le jugement duquel est définitif et
sans appel.

Or, pour exercer son contrôle sur la compétence du Tribunal,
la Cour doit nécessairement baser son opinion sur l'interprétation
et l'application par le Tribunal des dispositions de son Statut.

1,orsclue l'exception d'incompétence est jointe au foiicl, la Cour
cherchera cette interprétation et application dans l'ensemble des

inotifs. Mais lorsqiie le tribunal traite des deux questions : compé-
tence et fond, séparément, la Cour limitera son examcn aux motifs
sur lescluels le tribunal auraitfond6 sa compétencc.

Si, toutefois, le tribunal, sans ordonner la jonction de l'exception
au fond, n'observe pas la distinction nécessaire entre les deux ques-
tions et se contente d'une simple division, en deux sections, en en
mêlant les motifs, la Cour se doit, cil cas d'insuffisance de démons-
tration de la question de compétencc dansla section y relative. cher-
cher le complément clans l'autre section. Bien que mêlés à l'examen
du fond, Ics motifs d'ordre légal complétant cette démonstration
appartiennent en propre àla compétence et sont, partant, soumis au

contrôle de la Cour.

En l'espèce, aucune jonction n'a étédécidéepar le Sribunal mais,
sans la décider, le Tribunal a, en fait, mêlé lesmotifs clesdeux ques-
tions : compétence et fond. La partie du jugement réservée à la
compétence ne contient - en dehorsd'observations non pertinentes
et d'une simple mention de la note du 6 juillet1954 - qu'un récit
de la requêtesuivi d'une affirmation de la compétence du Tribunal.
La partie du jugement qui traite du fond révèleplus clairement la
penshe du Tribunal sur la compétence. Cette manière d'agir du Tribunal administratif ressort clairement
de l'examen du jugement dans ses deux parties successives.

Mais avant d'aborder cet examen, il convient d'établir la ligne de
démarcation entre la compétence et le fond. Distinguer l'un de
l'autre est fondamental pour l'exercice de la fonction de contrôle
de la Cour.
Pour déterminer la compétence du tribunal, il n'est nul besoin
pour le requérant de justifier son droit (c'est le fond), mais il est
indispensable de définirla base de son actionpour savoir si elle entre
dans le cadre de l'activité du tribunal ou, en d'autres termes, si le

tribunal est ou non compétent d'en connaître.

Or, suivant les termes de l'article II, paragraphe j, du Statut du
Tribunal administratif de l'Organisation internationale du Travail,
le Tribunal connaît des requêtes invoquant l'inobservation, soit
quant au fond, soit quant à la forme des stipulations du contrat
d'engagement des fonctionnaires ou des dispositions du Statut du
personnel (de l'Unesco).
L'expression ((soit quant au fond, soit quant à la forme » (in
sz~bstanceor in form) ne se réfèrepas ici à la réalitéprofonde des

stipulations par opposition à leur forme extérieure. Cette opposition
serait, du reste, singulière dans un texte législatif. Elle se réfère
simplement à la notion bien connue des ((règlesde fond 1)par oppo-
sition aux ((règlesde forme ou deprocédure )(en anglais: substantive,
or adjectival or procedural). Cet accouplement des deux catégories
de règlesa pour objet de les mettre sur un pied d'égalitédans le sens
que l'inobservation des unes ou des autres donnera lieu à une action
judiciaire et que le Tribunal a pour mission de les sauvegarder et
de protéger les fonctionnaires contre leur inobservation.

D'après le paragraphe 6 (a et b) du mêmearticle, qui détermine
ceux qui ont accès au Tribunal, le fonctionnaire invoque l'inobser-
vation des stipulations du contrat ou du Statut en vue de réclamer
un droit.
Il faut donc que le fonctionnaire nomme le droit qu'il réclame, de
mêmequ'il doit invoquer la stipulation dont l'inobservation a donné
lieu audit droit, pour que le Tribunal puisse retenir sa compétence
après avoir vérifiél'un et l'autre, sans toutefois entrer dans l'exa-
men des faits justificatifs (le fond), au point de vue de leur exacti-
tude, véritéou réalité,et sans porter un jugement sur l'interpréta-

tion ou l'application alléguéepar le fonctionnaire.

11 n'y a pas là une exigence excessive, mais la requête ainsi
que la décision du Tribunal doivent, de toute évidence, révéler
la nature du droit réclamépar le fonctionnaire et préciser les
stipulations dont l'interprétation ou l'application permettrait de
servir de fondement audit droit, et la valeur plausible ou possible
de celles-ci.

j7 126 OPIK. DISS. DU VICE-PRÉS. B-%D.%WI (AVIS 23 X 56)
Le droit réclamépar les quatre fonctionnaires est incontestable-

ment le renouvellement de leurs contrats. Mais quelle est la stipula-
tion qui leur assure ce droit et qui n'aurait pas étéobservée par
le Directeur général?
On a estimé que le mot (invoquant D,qui figure à l'articlII du
Statut du Tribunal, n'équivaut pas à l'expression (fondé sur ))et
qu'il a une signification plus large ou plus souple. Si cette précision
cherche à écarter la nécessitépour le requérant de justifier le
bien-fondé du droit qu'il réclame, ladistinction serait parfaitement
exacte et nul ne peut disconvenir que la question de la compétence
se distingue nettement du fond.

Mais si cette opposition des termes tend à permettre au requérant
- qui est tenu d'invoquer - de se référerd'une manière générale
aux stipulations du contrat et du Statut sans désigner les stipu-
lations précises dont l'inobservation a donné lieu à son action,
pareille interprétation ne tiendrait pas compte de certaines néces-
sités de rédaction de textes législatifs qui souvent emploient le
pluriel pour désigner le singulier.

Aux fins d'une plus grande précision, on a cru pouvoir inter-
préter cette disposition relative à ((l'invocation de l'inobservation
...des stipulations du contrat ... et des dispositions du Statut
du personnel 1dans le sens qu'il suffit qu'ily ait un lien juridique
(sans préciser ni son nom ni sa nature) entre le renouvellement
et le contrat initial, entre le non-renouvellement et la situation
juridique du requérant au moment où le renouvellement est
refusé, pour que le Tribunal soit compétent.
Certes, le renouvellement diffère de la nomination pour la
première fois. Il suffit à cet égard de noter qu'un contrat d'enga-

gement de durée définie est susceptible d'êtretransformé, après
cinq ans, en un contrat de durée indéterminée,et qu'un contrat
à durée définie qui n'aura pas étéainsi transformé ne sera pas
renouvelé au-delà de cinq ans.
Rien que cette différenceautorise de reconnaître au renouvelle-
ment un statut différent de celui de la nomination, mais cette
différence ne permet pas - de toute évidence et nonobstant
toutes les ressources possibles de la dialectique juridique - de
donner au fonctionnaire un titre ou un droit au renouvellement
à l'échéancede chaque contrat à duréedéfinie. Chaque renouvelle-

ment équivaut à une nouvelle nomination, sans préjudice du fait
qu'un ensemble de renouvellements permettrait la transformation
du contrat à durée définie en un contrat à durée indéterminée,
au cas où le Directeur général,dans la plénitude de sa discrétion,
entend conserver le fonctionnaire dans le service.
C'est un argument de la mêmenature que de dire que le contrat
à durée définie ne cesse pas à l'échéancede produire des effets
légaux. Outre que c'est une pétition de principe, puisqu'il s'agit

53 précisément de connaître, nonobstant les termes de la disposition
104.6 d), la port& de ces effets légaux et leur source, cet argument
n'apporte aucurie notion définie d'un droit, alors qu'il s'agit
d'invoquer un droit dans le sens propre du mot.
En vérité, il n'y a aucune différence réelle entre les termes
(invoquant 11et « fondé sur 1)Dans les deux cas, une stipulatiox1

précisedevrait êtrecitéeavec l'indication du droit qui résulterait de
son inobservation ainsi que du ((rapport sérieux et non factice 11
entre ledit droit et la stipulation invocluée.

Comment, du reste, la Cour peut-elle contrôler l'existence ou la
non-exist~nce d'un lien juridique ou des effets légaux qui n'ont pas

étéinvoqués par les requérants ni retenus par le Tribunal comme
base de sa compétence? Il est, en tout cas, certain que si l'on
admettait cette interprétation, il en résulterait qu'il n'y aurait
presque aucun cas d'incompétence et le contrôle de la Cour institue
par l'article XII serait en fait ixnpossible ou inutile.

Examinons maintenaxlt les motifs du jugement sur la compétence,
qui font l'objet de sept alinéas.
Le premier alinéa établit une distinction entre les engagements en

stage et ceux à durée définie. Le Tribunal a peut-être voulu signi-
fier que les premiers peuvent êtrerésolus à tout moment ad nzltufîi,
alors que les autres ne peuvent pas l'être. Outre qu'il n'y a pas
d'engagement en stage comme contrat autonome, mais une
période de stage dans la première année d'un contrat à durée
définie, ce motif n'est pas pertinent et constitue une simple affir-

mation, par voie d'implication.
Le deuxième alinéa cite la disposition 104.6 d) du Règlement du
personnel de l'Unesco, qui prévoit que:
(un engagement de duréedéfiriieprend fin i I'échCancefixée,sans
préavisiii indemnité, à moins que le reno~ivellementn'en ait été

offert à l'intéresséct accepté par lui trois mois avant l'échéance
dans le cas d'un engagement initial de duréedéfinied'un an, et sis
mois av'int 1'bcliPancedans lcs autres cas l))
et déclare que ce texte ne vise que la durée de l'engagement et
n'empêchenullement que le Tribunal administratif soit saisi d'une

requête tendant à l'examen de la validité de la décision positi-i~
ou négative prise en vue de son renouvellement.

12etexte en vigueiir ail niornent oii le Directeur g6néral a pris sa dccision est le
suivant :
(iCn engagement de durée définie prend fink l'échéance fixée,à ~noiiih
qu'un noui-el engagement n'ait 6téofferà l'intéressé et accepté par lui trois
mois avant I'échGancesi.l'intéressé est en fonctions depuis moins d'un an ou
six irrois avant cette date s'il est en fonction? clepuis plus d'u)lan. Tout d'abord, il est inexact que la disposition ne vise que la
durée puisqu'elle détermine la situation légaleentre l'Unesco et le
fonctionnaire. Ensuite, une requête tendant à l'examen de la
validité d'une décisionpositive de renouvellement est inconcevable.
En effet, n'ont accès au Tribunal que les fonctionnaires et leurs

ayants droit, et on ne comprend pas qu'un fonctionnaire puisse
attaquer la validité d'une décisionde renouveler son contrat, alors
que ce renouvellement ne peut s'accomplir qu'avec son acceptation.

Il demeure toutefois que le Tribunal déclare que la disposition
104.6 d) n'empêchepas (nonobstant ses termes catégoriques) de
saisir le Tribunal de la validité d'une décision de non-renou-

vellement .
L'Unesco s'est évertuée à expliquer que le non-renouvellement
n'est pas une décision, en invoquant les termes de la disposition
104.6d) du Règlement du personnel etlanature durapport juridique
entre l'Unesco et le fonctionnaire. Mais. sans s'attarder à l'examen
de cet aspect de la question, on peut bien constater, à la fin de juin
1954, que le contrat de Duberg expirant le 31 décembre 1954 ne
sera pas renouvelé, puisque aucune offre de renouvellement ne lui

a étéfaite avant cette date, vu que l'offre devait êtrefaite six mois
avant l'expiration du contrat. Providentiellement, il y a eu la note
circulaire du 6 juillet suivie, le 13 août, par une lettre du Directeur
général à Duberg, lui annonçant que son contrat ne sera pas renou-
velé. Il n'y a donc pas de difficulté à admettre qu'il y ait eu une
décision de non-renouvellement.

En fait, la déclaration du Tribunal que la disposition 104.6 d)
n'empêchepas de saisir le Tribunal de la validité d'une décisionde
non-renouvellement, signifie que le Tribunal s'apprête à dire que,
nonobstant ladite disposition, il existe, dans une mesure quelconque,
soit un droit du fonctionnaire au renouvellement, soit une obli-
gation à la charge du Directeur général de ce chef.
L'alinéasuivant semble donner corps à cette idée. Cetalinéacite

la note circulaire, du 6 juillet 1954, qui est qualifiéed'~une mesure
d'ensemble ))et, dans l'alinéasuivant, d'c une mesure générale ))à
laquelle le requérant aurait fait l'objet d'une exception.

Dans le quatrième alinéa,le Tribunal résumela requêtedeDuberg
en ces termes: « Le Directeur généralne pouvait agir légitimement

ainsi àson égard ense fondant sur l'unique motif invoquécontre lui
pour admettre qu'il ne possède pas la qualité d'intégritéreconnue à
ses collègues dont l'engagement a étérenouvelé, sans d'ailleurs que
lui soient contestées les qualités de travail et de compétence. ))129 OPIX. DISS. DC VICE-PRÉS B.ADAU7I (AVIS 23 X 56)

(Dans cette requête,le demandeur soutient qu'«il avait - dans
les conditions clairement déterminées par l'Administration - un
droit acquis aztrenouvellementde son contratet qu'il ne s'agissait pas
de seules espérances ». Il se prévaut de la note circulaire du 6 juillet
1954 et traite longuement des faits relatifs à sa carrière ainsi que

de la portée de l'intégrité, motif invoqué par le Directeur général
pour ne pas renouveler son contrat.)
Les alinéassuivants du jugement (relatifs àla compétence) n'ajou-
tent rien à la motivation précédente : l'alinéa5 rapporte les conclu-
sions du requérant; l'alinéa 6 dit qu'il s'agit doncd'un litige portant
sur l'interprétation et l'application du Statut et du Règlement du
personnel de l'Unesco, et l'alinéa7 déclarequ'en vertu del'article II,

paragraphe 1 l,le Tribunal est compétent pour s'en saisir.

En dehors de la référence à la note du 6 juillet 1954, ces sept
alinéas, qui constituent toute la motivation sur' la question de
compétence, ne précisent d'aucune manière le fondement de
cette compétence.
Le seul et unique motif sur lequel le Tribunal fonde sa compétence

serait donc la note du 6 juillet.
En mettant dans ses considérants sur la compétence l'accent sur
la note du 6 juillet et en la qualifiant de ((mesure générale )),le Tri-
bunal semble l'ajouter aux sources des droits des fonctionnaires
(contrat, Statut, Règlement). Cette note serait-elle, en vérité, une
nouvelle source de ces droits, dans la mesure où elle aurait modifié
le Statut et le Règlement?

L7nevive controverse s'est engagée sur la portée de cette note.
Pour les uns, elle est simplement (a declaration of policy »,une
déclaration d'un caractère d'opportunité évidente, qui ne change
et ne peut changer la nature des rapports établis par le contrat, le
Statut et le Règlement.
Le Directeur généralse trouvait pris dans un dilemme,

ou bien de transformer les contrats à durée définie en contrats
à durée indéterminéesans égardaux exigences du programme,
ou bien de ne pas renouveler ces contrats.

Devant demander des directives à la Conférencequi allait se tenir
en novembre 1954, le Directeur général aestimé qu'en attendant un
règlement de la question sur des bases solides, tendant 2ccréerun
cadre permanent, il entend opérer un renouvellement général pour
un an, dans les conditions qu'il a indiquées. Cette annonce n'im-
plique d'aucune manière que les règlesnormales ne seront pas obser-
vées,à savoir: la nécessitéd'une offre et d'une acceptation, ou qu'il

a renoncé à ses droits, puisque la renonciation à un droit ne se pré-
sume pas.

La citation du Tribunal est erronée, car ce paraconcerne l'organisation
internationale du Travaialors que c'est le paragra5hqui concerne l'Unesco.
.6 130 OPIN. DISS. DU VICE-PRÉS. BADAWI (AVIS 23 X 56)

Pour les partisans de ce point de vue, il serait difficiled'expliquer
comment une déclaration survenue après la date prescrite pour faire
l'offrede renouvellement - comme c'est le cas en ce qui concerne
les quatre requérants - puisse créerde nouveaux droits. Pour eux,

la disposition 104.6d) demeure par conséquent en vigueur et devrait
produire son effet. En l'absence d'une offre et d'une acceptation, le
contrat vient à échéancele 31 décembre 1954, sans préavis et sans
indemnité. Suivant cette interprétation, il n'existerait aucun droit
au renouvellement et, faute d'inobservation d'aucune stipulation,
le Tribunal serait incompétent de connaître de la requête.

Ce n'est évidemment pas l'opinion du Tribunal qui reconnaît à
cette note le caractère de mesure générale oude disposition régle-
mentaire modifiant provisoirement le régimealors en vigueur, et qui
estime que les fonctionnaires seraient justifiés d'en bénéficier.

Toutefois, le Tribunal n'a pu retenir que la note a crééun droit

au renouvellement du contrat ou une obligation à la charge du
Directeur général de le renouveler, comme l'a prétendu le deman-
deur dans sa requête. Le Tribunal s'est contenté de déclarer que
(le fonctionnaire qui réunit toutes les qualités requises est fondéà
entretenir un espoir légitimede se voir offrir un nouvel engagement
dans les fonctions qu'il occupait ».

Mais, est-ce que décevoirun espoir légitime constitue une inobser-
vation du contrat ou des dispositions du Statut? Ce serait donner
aux espoirs légitimes une consistance juridique qu'aucun principe
de droit n'autorise.

Quoi qu'il en soit, faut-il que la Cour opte pour l'une des deux
thèses en conflit - soit ((declaration of policy », et dans ce cas,
déclarer le Tribunal incompétent pour avoir mal définila situation
juridique, soit (mesure générale ))et, dans ce cas, admettre la com-
pétence du Tribunal?

En réalité,ce choix n'aurait pas résolu la question de compé-
tence, car, même considérée commeune mesure générale,la note
n'a pu, à elle seule, servir de base au jugement du Tribunal
affirmant sa compétence.
En effet, la note n'a pas envisagé l'offre d'engagement des
fonctionnaires de la catégorie organique d'une manière absolue.
Cette offre a étéencadrée dans des conditions de nécessitéet

de possession de qualités requises qui seraient nécessairement
déterminées par le Directeur général.
Dans ces circonstances, l'inobservation des stipulations du
contrat et du Statut n'aurait pu se réaliser sile non-renouvellement
était fondé sur la nécessitéou sur l'absence d'une des qualités
requises, et il n'existerait dans ce cas ni un droit ni un espoir
légitime pour le fonctionnaire de voir renouveler son contrat.

57 La note, qui soumet le renouvellement à des conditions de
nécessitéet de possession des qualités requises, ne suffirait donc
pas à servir de justification de compétence pour une action qui

tirerait sa base d'un droit du fonctionnaire, pour peu que l'on
admette que l'appréciation de ces conditions est laissée à la
discrétion du Directeur général.
Mais le Tribunal ne semble pas l'admettre pour ce qui concerne
la condition de l'intégrité.Apparemment, il n'a pas de difficulté
pour l'admettre pour les autres conditions l. Toute la sectiori

consacrée à l'examen du fond ne traite que du pouvoir discrétion-
naire du Directeur généralet, dès le début de cette section, le
Tribunal déclare que (si le poztvoir est conféré au Directcz~rgénéral
de yzepas renouveler un engagenzefztde duréedéfinie et cela sans
Ttretem à préavis oz2 itldepnnité,c'estézjidemnzens tous la condition
implicite que ce poilvoir ?zes'exerce que pozir le bien çervice et

l'intértt de 1'1iistitz~tiII.
Le Tribunal, postulant que l'exercice de ce pouvoir, dans les
conditions implicites qu'il a précisées,devrait être soumis à son
contrôle judiciaire, procède à l'examen des faits et à la définition
de la condition de l'intégritéet conclut ((que la décision de non-
renouvellement non seulement doit êtreannulée en l'espèce, mais

encore est à la fois constitutive d'un détournement de pouvoir
et d'un abus de droit entraînant l'obligation de réparer le préjudice
qui est la conséquence 1)2.

Comme la Cour doit exercer son contrôle sur tous les motifs

sur lesquels se fonde la compétence du Tribiinal et qu'elle doit
les chercher partout où il; se trouvent,la Cour ne peut que souligner
ce motif comme étant le motif principal sur lequel le Tribunal
s'est basépour se déclarer compétent et pour juger le fond. Dans
le chapitre consacré à la compétence, le Tribunal a déclaréqu'c(il
s'agit d'un litige portant sur l'interprétation et l'application du

Statut et du Règlement de l'Unesco I),mais il n'a pas précisé
la stipulation en question, se réservant, apparemment, de le faire
au cours de l'examen du fond.

Toutefois, cette distinctn'a pas été justih6c par le Tribunal, nonobstant
que dans iinc organisatiopolitique internationaltelle que l'cnezco, la notion.
(l'intégrité devrait avoir, en dehors de sa signifiétyn~olo~iqiie, une signifi-
cation relativet plus large.
Cette rédactioimplique une dualité de motifs, Inais la lecture attenduve
jugement ne révèle aucun autre motifue le détourneinent de pouvoir, qui est la
conclusion naturelle desiiclitions implicites postet longuement développées-
par If:Tribunal. L'allusion à la note du 6 juillet, dans ce chapitre, n'a été qu'une
préparation à ces conditions implicites dans la mesure que cette
note constitue le document de référencecontenant les conditions
auxquelles le Directeur général asoumis l'offre généralde renou-
vellement pour un an. Le Tribunal n'a fait de cette note aucun
autre usage, ni n'en a tiré aucune autre conclusion.

Or, on constatera tout d'abord que le Tribunal ne cherche pas
pour base de son jugement un droit propre au fonctionnaire dérivant
de son contrat ou du Statut du personnel, mais des conditions
qui se rattachent au droit du Directeur généralou à son pouvoir
discrétionnaire et qui, si elles ne se réalisent pas, créeraient un fait
illicite (détournement de pouvoir) faisant naître, au profit du

fonctionnaire, un droit à réparation (soit en nature soit en argent).
On constatera ensuite que ces (conditions implicites )n'ont rien
de commun avec la bonne foi qui est à la base de tout contrat et
qui, partant, est une condition implicite de son exécution. En effet,
l'analyse par le Tribunal du bien du service et de l'intérêtde
l'Institution révèle une appréciation par ledit Tribunal de ce
bien et de cet intérêt,qui diffère de celle du Directeur général mais
qui ne va pas jusqu'à mettre en question sa bonne foi.
On constatera, en dernier lieu, que les (conditions implicites »

ne sauraient être considérées commedes stipulations dont l'inob-
servation constitue le fondement de la compétence du Tribunal.
Ces stipulations ne peuvent évidemment êtreque des stipulations
expresses et positives. Ce caractère ressort nettement de la précision
introduite par l'incidente (soit quant au fond soit quant à la
forme N.
Mais si ces conditions implicites ne sont pas les stipulations
prévues par l'article II du Statut du Tribunal, pourraient-elles bien
être l'interprétation ou l'application de ces stipulations? Certes,

l'interprétation est de l'essence de l'administration de la justice,
mais l'interprétation judiciaire suppose un texte à interpréter.
D'autre part, l'interprétation comporte des normes susceptibles
de contrôle.
Quelle serait, dans les cas soumis au jugement du Tribunal, la
stipulation que le Tribunal aurait interprétée ou appliquée et
quelles seraient les normes qu'il aurait adoptées?
Le Tribunal proclame les conditions implicites par voie de simple
affirmationsans expliquer le paradoxe d'un pouvoir discrétionnaire
soumis à un contrôle juridictionnel. La conclusion à laquelle le

Tribunal aboutit, à savoir que le non-renouvellement constitue
un détournement de pouvoir, révèlequ'il s'estime compétent pour
connaître du détournement de pouvoir. Mais cette attribution ne
saurait êtreprésuméecomme inhérente à la justice administrative. Si le Conseil d'État français a pu l'exercer, après une laborieuse
évolution et grâce à une jurisprudence prétorienne, les tribunaux
administratifs établis dans les différents pays ne l'exercent qu'en
vertu de dispositions expresses.
En ce qui concerne le Conseil d'État français, le détournement de
pouvoir a étéune théorie de formation historique due au rôle qu'a

joué ce Conseil dansla vie française, à sa structure, à ses fonctions
et surtout aux extensions successives de sa compétence, dues à son
pouvoir de faire un véritable case Law 1.Mêmeen France, cette
attribution subit un déclin d'une manière générale.
Un auteur, le professeur Jean de Soto, dans une étude intitulée
((Recours pour excès de pouvoir et interventionnisme économique »
et publiée dans le Recueil ((Conseil dJEtat, Etudes et Documents n,
1952, no 6, pages 77-78, cherche à l'expliquer:

(...Comment expliquer cette désaffection pour le détourne-
ment de pouvoir ? Peut-être parune certaine lassitude, car un tel
contrôle peut paraître décevant ... Surtout, sans doute, le juge
administratif a-t-il pensé qu'en déterminant lui-mêmeet d'une
manièreprécisele but spécialvers lequel devaient, pour chacun de
leurs actes, statuer les autorités professionnelles et économiques,il
statuait sur une matière.qui lui est étrangère et qu'il risquait un
peu de son prestige auprès des administrés à affirmer officiellement
ce but ; ajoutons que ce but n'étaitpas toujours facile à déceleret
que l'expériencemanque encore pour avoir des vues sûres. 1)

Quoi qu'il en soit, lorsque, par suite du rayonnement de l'institu-
tion française du Conseil dJEtat, certainspays ont voulu créer chez
eux des Conseils sur son modèle. ils ont cru devoir cristalliser la
jurisprudence que ce Conseil avait développéeau cours d'un siècleet
demi, pour doter leurs nouveaux Conseils d'une juridiction à la fois
large et précise et pour éviter les incohérences et les incertitudes
d'une formation jurisprudentielle, par ailleurs douteuse, ainsi que
pour éviter des résistances éventuelles de l'administration ou des

conflits avec elle.

A titre d'exemple de ces textes qu'en Europe on retrouve dans
beaucoup de pays, je me contenterai de citer l'article22 de la loi
grecque du 22 décembre 1928; les articlesII et23 de la loi turque du
26 décembre 1938; l'article9 de la loi belge du 23 décembre 1946;
l'article33 du traité instituantla Communauté européenne du Char-
bon et de l'Acier du 18 avril1951 (cf. l'articl3 de la loi égyptjenne
no 9 de 1949 revisant la loi nI 12de 1946 instituant leConseil d'Etat).

(Voir annexe.) Ces dispositions, reconnaissant la doctrine du détour-
Cf. article du Président Josse dans le Livre jubilaConseil d'Étatpour
commémorer son 15onle anniversaire1949.Voir aussi article du professeur Pierre
Lampué, publié dans la Revue internationale des Sciences administratives, 1954.
P. 383.
60134 OPIN. DISS. DU VICE-PRÉS. BADAWI (AVIS 23 X 56)

nement de pouvoir, confient au Conseild'État ou à la Cour de ladite
Communauté ce contrôle juridictionnel.

Si ces diverses lois ont cru nécessairede prévoir formellement le
détournement de pouvoir comme élément de compétence et non
comme une règle de fond, c'est que pareil recours ne va pas de soi
et ne résulte pas nécessairement du pouvoir générald'annulation
qui est conféréaux Conseils d'Etat. Ce recours porte, en effet, sur
l'exercicedu pouvoir discrétionnairede l'administration et comporte,

indépendamment de tout contrôle juridictionnel sur l'interprétation
et l'application des dispositions législatives ou réglementaires, une
recherche pousséesur le but de ces dispositions et la manière dont
ce but a étédétourné,ainsi qu'une recherche sur les motifs de ce
détournement.

En effet, de deux choses l'une: ou bien sans la prévision de la
compétence spéciale de détournement ou abus de pouvoir, ces
Conseils d'Etat peuvent exercer cette compétence spécialeen vertu
de leur pouvoir générald'annulation pour violation de la loi, et on

peut alors se demander pourquoi leurs lois organiques ont trouvé
nécessairede prévoircette compétence spéciale,ou bien cette préci-
sion étaitnécessaireet sans elleles Conseilsne pourraient pas exercer
cette attribution. C'est cette dernière conclusion qui s'impose.

La gravité de cette immixtion dans les affaires administratives et
la substitution de vues des jugesà cellesdes administrateurs respon-
sables s'opposent évidemment à ce que cette attribution soit présu-
méedans la notion normale de l'interprétation et de l'application
des lois et règlements. Aussi, en dehors du cas du Conseil d'Etat

français qui, au cours de sa jurisprudence de plus de 150 ans, a
élaborétant de théoriesqui constituent les assises du droit non écrit
qui est le droit administratif, une disposition formelle a toujours été
jugée nécessaire.

Or, la compétence destribunaux administratifs des organisations
internationales n'a rien de comparable à celle des diverses juridic-
tions nationales qui possèdent un système de Conseil d'Etat. Nul ne
conteste que la compétencedu Tribunal, telle que l'article II de son
Statut l'a établie, est une compétence d'attribution et qu'elle se
limite à l'inobservation des stipulations du contrat d'engagement

et du Statut du personnel. C'est mêmecette limitation qui est la
raison d'êtredu recours àl'avis de la Cour prévupar l'articleXII du
Statut du Tribunal. Pouyrait-on, toutefois, considérer que n'étant pas un tribunal
entre Etats, pour lequel l'interprétation restrictive découledu prin-
cipe de la souveraineté des Etats, la compétence du Tribunal de
l'organisation internationaledu Travaildevrait êtreinterprétée lar-
gement surla base de la Charte et destendances modernes d'entourer
le statut des fonctionnaires de certaines garanties, ou devrait être
interprétée de manière à donner effet à la sécuritéde la fonction
internationale ?

Il est évident que la constitution de ce Tribunal, même avec une

compétence limitée(d'attribution), répond à ces tendances. Il s'agi-
rait alors de déterminer le point où cetteinterprétation large devrait
s'arrêterpour ne pas aboutir au changement du caractère du Tri-
bunal, d'un tribunal à compétence d'attribution à un tribunal de
pleine juridiction administrative avec des pouvoirs d'annulation
pour détournement de pouvoir. Cette interprétation extensive ou
effective n'aboutit donc à aucune conclusion précise.

Cette interprétation extensive ou effective se recommande d'au-
tant moins en l'espèceque la compétence du Tribunal administratif
de l'organisation internationale du Travail relativement au person-
nel de l'Unesco résulte d'un accord entrecette Organisation et l'Or-
ganisation internationale du Travail, qui autoriserait la première à

compter sur les limites précises dela compétence telle qu'elle a été
définie à l'article II, paragraphe5, du Statut du Tribunal.

Au demeurant, on ne conçoit pas qu'à une juridiction, qui débute
sans tradition et qui n'a pour mission que d'assurer le respect des
contrats et du statut d'un (civis lervic)een formation, il puisse être
octroyé des pouvoirs aussi larges que la notion de détournement de
pouvoir peut comporter, relativement à des chefs d'administration
(Secrétaire généralou Directeur général)soumis au contrôle hiérar-
chique des organes supérieurs (en l'expèce leConseil exécutif et la
Conférence générale de l'Unesco)et agissant sur les instructions ou
avec l'adhésion de ces organes.

Il est vrai que sous la Sociétédes Nations, M. Albert Thomas
suggérait d'instituer un tribunal administratif sur le modèle du
Conseil d'Etat français. Mais de la suggestion à la mise en Œuvre,
la question a passépar des commissions qui ne procédaient nulle-
ment de cette conception. On ne saurait donc se prévaloir de la
jurisprudence administrative ou du droit administratif dans les
différents pays pour attribuer aux tribunaux administratifs des
organisations internationales les mêmes pouvoirs qu'aux juri-
dictions nationales. Le fait que le Tribunal a étédénomméTribunal administratif
ne lui confère pas automatiquement les attributions des Conseils
d'État dans les divers pays. Le Tribunal est administratif parce
qu'il n'a d'autres attributions que celles qui concernent l'ad-
ministration et les fonctionnaires. De sa nature intrinsèque, il
n'est rien d'autre qu'un organe judiciaire avec des attributions
limitées qu'il a à exercer de la mêmemanière que tout autre

tribunal judiciaire, c'est-à-dire qu'il aà interpréter et à appliquer
les dispositions du contrat d'engagement et du Statutdu personnel.
C'est le Tribunal lui-mêmequi le dit dans le sixième alinéa de
la partie de son jugement qui traite de la compétence.
Tout autre est le contrôle juridictionnel de l'exercice discré-
tionnaire des pouvoirs de l'administration, qui est une notion
spécifiqueet ne peut appartenir qu'à un ordre de juridiction qui
est liéeà l'administration de la manière dont sont liés les Conseils
d'État dans les divers pays qui ont adopté cette institution.

En effet, la dualité de leurs fonctions comme corps consultatif
et comme juridiction d'annulation, suivant .l'expression de
MM. Puget et Maleville, dans une étude sur la crevision des

décisionsadministratives sur recours des administrés D, entreprise
par l'Institut international des Sciences administratives, pour le
compte des Nations Unies (1g53), ccopère une conciliation peut-
être illogique mais hemeuse entre les nécessitéscontradictoires
de maintenir le juge administratif à l'écartdu pouvoir de décider
dans le déroulement de la marche des services et de le faire baigner
constamment dans les réalités de l'Œuvreadministrative ... Cette
dualité est garante d'un contact permanent avec la vie, favorise
la flexibilité et le progrès. L'administration et les administrés y
trouvent leur compte. ))

Non seulement la dualité des fonctions du Conseil d'État est
à la base de l'extension de sa compétence et de son contrôle

pénétrant sur les actes de l'administration, mais est aussi à la
base de cette extension et de ce contrôle, la dualité de juridiction
judiciaire et administrative: la première limitée à l'interprétation
et à l'application de textes préexistants, la seconde élaborant le
droit administratif, en grande partie droit non écrit, surtout au
point de vue de ses principes généraux.
Or, le cas du Tribunal administratif de llOrganis?tion interna-
tionale du Travail est tout autre qu'un Conseil dJEtat. C'est un
tribunal exclusivement judiciaire, bien qu'administratif de nom.
Nous ne sommes donc en présence d'aucune dualité de fonction
ou de juridiction.
La différenceentre le Tribunal et un Conseil d'État est fonda-
mentale et il ne peut en être autrement, tant en ce qui concerne

l'atmosphère dans laquelle le Tribunal exerce sa juridiction qu'en 137 OPIN. DISS. DU VICE-PRÉS .ADAWI (AVIS 23 X 56)

ce qui concerne les conditions complexes de fonctionnement des
organisations internationales.
Pour justifier les pouvoirs extraordinaires dont les tribunaux
administratifs internationaux se déclarent être les dépositaires,
l'un des défenseurs de ce système, le professeur Georges Langrod,
parlant du Tanu (Tribunal administratif des Nations Unies), dit:
«Le Tanu, organisme judiciaire nouveau-né, àcompétencerestreinte
et sans traditions directes sur le terrain inter-gouvernemental
devrait non seulement imposer son autorité en face de tentatives
réitérées demettre en doute l'autorité de la chose jugée de ses

arrêts, c'est-à-dire entreprendre une mission d'ordre ccpédago-
gique », mais encore - en face de la pauvreté quant au fond et
de la fluctuation incessante quant à la forme du droit interne
des Nations Unies - dégager, presque ab nihilo, un véritable
droit jurisprudentiel à l'instar du prêteur romain. » (Rivista di
Diritto Internazionale, 1954, p. 245.) L'auteur de cette citation
n'indique pas les dispositions légales ou l'autorité qui légitiment
un pouvoir des tribunaux administratifs aussi étendu et aussi
prétorien. Cette conception des pouvoirs des tribunaux adminis-

tratifs est évidemment sans aucun fondement. L'état actuel du
droit administratif international ne lui donne aucune sanction
ou confirmation.
* * *
D'autres arguments ont étéinvoqués pour justifier la compétence

du Tribunal administratif de l'organisation internationale du
Travail pour exercer un contrôle juridictionnel sur les pouvoirs
discrétionnaires du Directeur général, tels que la statisque des
contrats à duréedéfinie, les circonstances spéciales de ces contrats,
la pratique générale(mais nullement absolue) de les renouveler l,
la nécessitéd'assurer la stabilité ou la sécurité dela fonction inter-
nationale. Ce sont des considérations d'ordre extra-légal, je dirai
mêmed'ordre politique. Les organisations internationales ont un
intérêtindiscutable à réglerces questions par des mesures générales

et ont des moyens plus efficaces pour les traiter que ne peuvent
les tribunaux administratifs à I'occasion de l'examen de cas indivi-
duels.
* * *

En faveur de la compétence du Tribunal de l'Organisation inter-
nationale du Travail, la jurisprudence des autrestribunaux adminis-
tratifs a étéparfois invoquée, notamment:
l N'ont étéexaminées parla Cour, ni débattues devant le Tribunal administratif,
la portée précise de cette pratique ou les données de fait qui s'y rattachent,
Ia part qui reviedans sa formationà l'examen dans chaque cas individuel des
conditions dnécessitéet de possession des qualités requises (travail, compétence
et intégrité). En tout cas, s'il est toujours recomdans l'interprétatden
textes dene pas s'en tenàrla seule lettre et de prendre en considération l'esprit
de ces textes, on ne saurait assimiler la soi-disant àrl'esprit des disposi-
tions du Statutdu personnel.
64138 OPIN. DISS. DU VICE-PRÉS. BADAWI (AVIS 23 x 56)

I.Howrani v. Secrétaire général des Nations Unies, jugement
no 4 - 14 septembre 1951.
2. Robinson v. Secrétaire généraldes Nations Unies, jugement
no 15 - II avril 1952.

3. Kergall v.European Coal and Steel Community, du 18 juillet
1955-
Sans entrer dans un examen détailléde ces jugements, il y a lieu
de noter qu'aucun de ces jugements n'a adopté aussi ouvertement
que les quatre jugements en question la doctrine de détournement
de pouvoir.

D'ailleurs, ni le Statut de'ces tribunaux, ni le Statut du per-
sonnel de ces organisationsne sont identiques au Statut du Tribunal
administratif de l'organisation internationale du Travail ou au
Statut du personnel de l'Unesco.
D'autre part, le Statut de la Communauté du Charbon et de
l'Acier donne expressément à la Cour de cette Communauté le
pouvoir d'annulation pour détournement de pouvoir dans certains
cas (art.33) (v. annexe).
Enfin, il'est difficile de comprendre comment la jurisprudence
de tribunaux du mêmeordre que le Tribunal administratif, dont
lesjugements sont soumis au contrôle de la Couret quin'avaient pas
étésanctionnés par cette Cour, puisse constituer une justification
de ces jugements.

Il importe encore de rappeler, au sujet de ces arguments ou des
arguments similaires rappelésaudébut de la présente opinion, qu'ils
n'ont pas étéinvoquéspar le Tribunal administratif lui-même,lequel
s'est placésur un terrain entièrement différent, celuinon d'un droit
du fonctionnaire, mais d'un fait illicite se rattachant l'exercice du
pouvoir du Directeur général: le détournement de pouvoir.

La mission de la Cour étant de donner un avis sur la contestation
d'une décision concrète du Tribunal affirmant sa compétence,
l'avis devrait naturellement porter sur les motifs pour lesquels le
Tribunal a retenu sa compétence.'En général,sa mission ne devrait
pas êtred'examiner et de juger proprio motu cette compétence.

Cette limitation s'impose, surtout dans le cas où le Tribunal
adopte un élément de compétence,tel que le détournement de

pouvoir, qui ne lui a pas étéattribué, en guise de motif de fond. OPIY. DISS. DU VICE-PRÉS. BADAWI (4~1s 23 X 56)
139
Son jugement sur le fond a donc étéinfluencépar cette attribu-
tion arbitraire de compétence. Il en est résulté une confusion
inextricable entre compétence et fond.
La Cour a déclaré à plusieurs reprises qu'elle n'a pas à donner

d'avis sur le fond des affaires dont les jugements lui sont soumis,
mais elle a cherché en mêmetemps des bases pour la compétence du
Tribunal, autres que celles retenues par celui-ci.

Or, en reconnaissant cette compétence, sur des bases différentes,
l'avis de la Cour ne peut manquer de revêtir le jugement du Tribu-
nal sur le fond d'une sanction que la Cour n'a nullement eu
l'intention d'accorder.
En effet, en admettant mêmeque le Tribunal ait fondésa compé-
tence sur la base de la pratique en matière de contratà duréedéfinie,
de la place spéciale qu'elle occupe dans les organisations interna-

tionales, de la note du6 juillet1954 ,l n'aurait pu, sans l'aide de la
doctrine de détournement de pouvoir, que rejeter la demande des
fonctionnaires. Ni la pratique, ni le lien juridique entre le renouvel-
lement et le contrat initial ou les effets légauxque le contratdurée
définie ne cesse de produire à l'échéance,ni l'examen du contrat
d'engagement, ou du Statut, ou du Règlement du personnel,
ou de la note du 6 juillet, n'auraient pu fournir au Tribunal la base
d'un droit résultantd'une inobservationde stipulations du contrat ou
du Statut.

Le Tribunal semble avoir fait ce tour lui-même, maisil n'a pu en

tirerqu'ccun espoir légitimepour le fonctionnaire qui réunit toutes
les qualités requises de se voirofirir un nouvel engagement dans les
fonctions qu'il occupait D.
Seul le détournement de pouvoir - compétence spécialequ'il ne
possédait pas - a pu lui fournir les bases de son jugement.

Dans les conditions où fonctionnent les organisations interna-

tionales, des erreurs sont possibles. Mais ces erreurs, quelque graves
qu'elles puissent être,ne sauraient justifier une extension de juridic-
tion des tribunaux administratifs internationaux contraire à leur
Statut, aux conditions de leur fonctionnement ainsi qu'à celles des
organisations internationales.
La période de formation par laquelle l'administration interna-
tionale passe en ce moment ne manquera pas d'arriver à un terme.
C'est alors que l'adoption des règlesapplicables dans les juridictions
administratives nationales pourra êtrepossible et réalisable. Parmi
ces règles, le détournement de pouvoir pourrait devenir une partie
du droit de l'avenir. C'est ce que souhaiterait le professeF. Chiesa,

dans un rapport présentéau IXmeCongrèsinternational des Sciences OPIN. DISS. DU VICE-PRÉS. BADAWI (AVIS 23 X 56)
140
administratives, 1953, et publié dans la Revue internationale des
Sciences administratives, 1954, no 1, page 67:

((De plus, tous les tribunaux administratifs devraient êtreinves-
tis d'une compétence générale de légitimité relative à tous les
actes administratifs accomplis par l'organisation des Nations Unies
et les autres Organisations internationales, afin d'éliminer du
domaine du droit toutes les mesures viciéespar incompétence, abus
de pouvoir ou violation des statuts et autres règlements, ainsi que
d'une compétence de mérite (d'appréciation) afin d'accorder aux
tribunaux la possibilité de procéder à l'examen du fond du litige
et du droit qu'il met en cause. »
Sommairs ((In the present situation, it is not yet justifiable to think of an
anglais établi administrative jurisdiction, on an international level, in terms of its
laRatte definition as it is given in national legal texts. Most of the inter-
elle-même. national administrative jurisdictions now in existence are confined
in their competence to litigations pertaining to international
officialdom,whereas it should be permissible to refer to a judge the
question of whether or no an organ of an international organisation
has exceeded its powers or has misused its competence within its
powers. »

Mais jusqu'alors, c'est au législateur international et non au Tri-
bunal administratif qu'appartient le droit ou incombe le devoir de
choisir la doctrine du droit public (détournement de pouvoir) ou du
droit privé (abus de droit) qu'il a plu au Tribunal administratif de

cumuler dans un des attendus de son jugement.

Pour toutes ces considérations, j'estime, en ce qui concerne la
question 1, que le Tribunal administratif de l'Organisation interna-
tionale du Travail était incompétent parce que le fondement essen-
tiel, sur la base duquel il s'est déclaré compétent, est ce qu'il a
appelé les (conditions implicites ))du pouvoir du Directeur général,

postulat destiné à lui permettre de connaître des actes réservés à sa
discrétion, en vue de les soumettre à un contrôle juridictionnel et
d'annuler ces actes administratifs discrétionnaires pour détourne-
ment de pouvoir. Cette compétence ne lui a pas étéaccordée par
l'article II de son Statut.
La question II ne se pose pas.
La réponse à la question III est que le jugement, fondé sur une
base inexistante, est entaché de nullité.

(Signé) BADAWI. A~ztzexe
Grèce
Loi du 22 décembre 1928.
Article 22.
.........................

(Le Conseil siège en séance plénière :
n) lorsqu'il examine les recours en annulation des actes administratifs
pour excès de pouvoir ou pour violation d'une loi. 1)
Turquie
Loi du 26 décembre 1938.
Article II.

(Les fonctions du Conseil d'État consistent :
.........................
d) à instruire et à solutionner les procès et les recours en matière
contentieuse administrative. »

.-lrticle 23.
(Sont examinés souverainement et résolusde façon définitive par les
Sections du contentieux les cas et particularités ci-après :
A. Les instances forméespar ceux qui se croient lésésdu chef des
actes et des décisionsd'ordre administratif relativement à des

questions restant en dehors de la compétence des tribunaux
judiciaires ;
........................
C. Les demandes d'annulation formées par ceux qui se croient
êtrelésés du chef des actes et des décisionsd'ordre administratif,
qui seraient en opposition avec les dispositions des lois et des
règlements en ce qui concerne leur but et leur fond, et au point
de vue de la procédure et de la compétence ; 1)

Belgique
Loi du 23 décembre 1946.
Clzapitre II. - Des arrêts.
((9. La section d'administration statue par voie d'arrêts sur les
recours en annulation pour violation des formes soit substan-
tielles, soit prescritesà peine de nullité, excès ou détournement
de pouvoir, forméscontre les actes et règlements des diverses

autorités administratives ou contre des décisionscontentieuses
administratives. »

Egypte
Loi sur le Conseil d'État de 1946, modifiée en 1949.
-4rticle 3.

(1La Cour du contentieux administratif est seule compétente pour
statuer sur les questions ci-après et a, en ce qui les concerne, pleine
juridiction.
........................
O. Les recours forméspar les particuliers ou par les organismes en
anniilation de décisions administratives définitives.
Les recours mentionnés aux numéros 3, 4, 5, 6 doivent être
fondéssur l'incompétence ou sur un vice de forme, ou sur une
violation ou une fausse application ou interprétation des lois
ou règlements, ou sur un détournement de pouvoir. »142 OPIN. DISS. DU VICE-PRÉS. BADAWI (AVIS 23 X 56)

Traitéinstituant la Communauté européennedu Charbon et de l'Acier, du
18 az~ri1951
Article 33.
((La Cour est compétente pour se prononcer sur les recours en annu-
lation pour incompétence, violation des formes substantielles, vio-
lation du Traité ou de toute règlede droit relative son application,

ou détournement de pouvoir, forméscontre les décisionset recom-
mandations de la Haute Autorité par un des Etats membres ou par
le Conseil. Toutefois, l'examen de la Cour ne peut porter sur l'appré-
ciation de la situation découlant des faits ou circonstances écono-
miques au vu de laquelle sont intervenues lesdites décisions ou
recommandations, sauf s'il est fait grief à la Haute Autorité d'avoir
commis un détournement de pouvoir ou d'avoir méconnu d'une
manière patente les dispositions du Traité ou toute règle de droit
relative à son application.
Les entreprises ou les associations visées à l'articl48 peuvent
former, dans les mêmes conditions, un recours contre les décisions
et recommandations individuelles les concernant ou contre les
décisionset recommandations générales qu'elles estiment entachées
de détournement de pouvoir à leur égard.
Les recours prévus ailx deux premiers alinéas du présent article

doivent êtreformés dans le délai d'un mois à compter, suivant le
cas, de la notification ou de la publication de la décision ou recom-
mandation. 1)

Bilingual Content

OPINION DISSIDEXTE DE M. BADAIVI

Je regrette de ne pouvoir me rallier à l'avis de la Cour recon-
naissant la compétence du Tribunal administratif de l'organisation
internationale du Travail dans les quatre affaires de
Je partage les conclusions du Président Hackworth et de mon
collègue Judge Read pour les motifs qui suivent:

La demande d'avis poséeà la Cour se compose de trois questioils.

La première s'exprime en termes de compétence, et la troisième
en termes de validité. L'une et l'autre reproduisent les mots qui
figurent dans l'article XII du Statut du Tribunal. L'une et l'autre
représentent un mêmeordre d'idées considéré de côtés différents:
côtécause et côtéeffet. Le lien entre les deux est donc indissoluble.
En fait, ces deux questions n'en constituent qu'une.

La question II est poséedans le cas où la réponse à la question1
serait dans l'affirmative. Il est donc prématuré de l'examiner
avant d'avoir répondu à la question 1, soit pour y donner une
réponse, soit pour déclarer qu'elle ne se pose pas.

Le Tribunal administratif de l'organisation internationale du
Travail s'est déclarécompétent pour connaître des requêtes des
quatre fonctionnaires de l'cnesco. Pour examiner ces quatre
jugements qui, sauf les particularitésde chaque cas, sont uniformes,

il suffit de prendre le jugementno 17 dans l'affaire Duberg comme
exemple.
Il est évident que pour permettre au Conseil exécutif de l'ynesco
de contester la décision du Tribunal ad~ninistratif affirmant sa
compétence et de demander l'avis prévupar l'article XII du Statut
dudit Tribunal, les motifs sur lesqu~ls le Tribunal fonde sa com-
pétence doivent, indépendamment du fond, suffire à eux seuls
pour établir la base légale précisede cette compétence. Il serait,
en effet, inconcevable que le Tribunal puisse se déclarer compétent
sur la base de motifs non susceptibles d'appréciation légale.

Iliais il arrive parfois que la compétence ne peut s'établir que
par des motifs qui se rattachent au fond. Dans ce cas, le tribunal
joint l'exception d'incompétence au fond pour les examiner en-
semble et conclure d'abord sur la compétence et ensuite sur le
fond. Cette décision de jonction contribue à une meilleure oi-don-

50 DISSENTING OPISION OF VICE-PRESIDEST BA1>A\TTI
[Trn~zslafio~~]

1 regret that 1 ain unable to concur in the Opiilion of the
Court upholding the jurisdiction of the Administrative Tribunal
of the International Labour Organisation in the foiir cases
coilcerning Unesco. 1agree with the conclusions reached by Presi-
dent Hackn-ortl-i and Judge Read for the following rcasons :

The Request for .ldvisory Opinion submitted to the Court
consists of three questions.
The first question is expressed in ternls of jurisdiction, and
the third in terins of validity. Both these questions use the wording
of L\rticle XII of the Tribunal's Statute. Both represeilt the same
order of ideas considered from different angles ; from the angle
of cause and the angle of effect. The link betmeen the two questions
is therefore indissoliible. The two questions in fact constitute

but one.
Question II is put in the event of the reply to Question 1 being
in the affirmative. It would therefore be premature to examine it
before answering Question 1, for the purpose of giving an answer
to it or of stating that it does not arise.

The Administrative Tribunal of the International Labour
Organisation has held that it had jnrisdiction to hear the com-
plaints of four Unesco officiais. In order to examine these four
judgments which, apart from the particular facts of each case,
are identical, itwill suffice to take Judgment So. 17 in the Duberg
case as an example.
It is obvious that to enable the Esecutive Board of Cnesco
to challenge the decision of the Administrative Tribunal confirming
its jilrisdictionand to request the advisorj- opinion provided
for in Article XII of the Statute of the Tribunal, the grounds
on which the Tribunal bases its jurisdiction must, independently
of the merits, be in themselves sufficient to establisii the precise
leçal basis of its jurisdiction. It would indeed be inconceivable
that the Tribunal should be able to declare itself competent on
the bacis of reasons not subject to legal evaluation.

Hon.ever, it is sometimes the case that jurisdiction can only
be estabfished by reasons which arc bound up with the merits.
In such a cax, a conrt orders the joinder of the objection to the
jiirirciiction alid of rl-ie merits and deals with them together,
giving its decision first cn the issue of jurisdiction and then on
50nance du jugement et à une plus grande clarté. Elle permet aussi
d'é~iter des répétitions qu'on ne peut éluder si l'on séparait la
compétence du fond, au point de vue de la motivation.

Toutefois, la jonction de l'exception au fond ne serait possible
que si le tribunal saisi est une juridiction d'un seul degré ou si,
étant de première instance, ses jugements sont susceptibles d'appel,
c'est-à-dire une revision du jugement tout entier. Dans ce dernier
cas, sa décision, en ce qui concerne tant la compétence que le
fond, sera examinée par la juridiction supérieure.

liais dans le cas de l'article XII di1 Statut du Tribunal admi-
nistratif, la décision de celui-ci n'est soumise à l'examen de la
Cour qu'en ce qui concerne la compétence seule ; celle-ci n'a
aucun contrôle sur le fond, le jugement duquel est définitif et
sans appel.

Or, pour exercer son contrôle sur la compétence du Tribunal,
la Cour doit nécessairement baser son opinion sur l'interprétation
et l'application par le Tribunal des dispositions de son Statut.

1,orsclue l'exception d'incompétence est jointe au foiicl, la Cour
cherchera cette interprétation et application dans l'ensemble des

inotifs. Mais lorsqiie le tribunal traite des deux questions : compé-
tence et fond, séparément, la Cour limitera son examcn aux motifs
sur lescluels le tribunal auraitfond6 sa compétencc.

Si, toutefois, le tribunal, sans ordonner la jonction de l'exception
au fond, n'observe pas la distinction nécessaire entre les deux ques-
tions et se contente d'une simple division, en deux sections, en en
mêlant les motifs, la Cour se doit, cil cas d'insuffisance de démons-
tration de la question de compétencc dansla section y relative. cher-
cher le complément clans l'autre section. Bien que mêlés à l'examen
du fond, Ics motifs d'ordre légal complétant cette démonstration
appartiennent en propre àla compétence et sont, partant, soumis au

contrôle de la Cour.

En l'espèce, aucune jonction n'a étédécidéepar le Sribunal mais,
sans la décider, le Tribunal a, en fait, mêlé lesmotifs clesdeux ques-
tions : compétence et fond. La partie du jugement réservée à la
compétence ne contient - en dehorsd'observations non pertinentes
et d'une simple mention de la note du 6 juillet1954 - qu'un récit
de la requêtesuivi d'une affirmation de la compétence du Tribunal.
La partie du jugement qui traite du fond révèleplus clairement la
penshe du Tribunal sur la compétence. DISS. OPIS. OF VICE-PRES. BADAWI (OPIS. 23 X 56)
124
the merits. Such joinder facilitates a better ordering of the judg-
ment and is conducive to greater clarity. It also makes possible
the avoidance of repetitioris which are inevitable in the statement
of the reasoning of the decision if the issue of jurisdiction and
the merits are separately dealt with.
A joinder of objection and merits, however, would only be

possible if the tribunal dealing with the case has no superior
court above it or, if it is a court of first instance, if its judgments
are subject to appeal, that is to say if the whole judgment is
subject to review. In the latter case, its decision, both as
regards jurisdiction and merits, will be subject to review by the
higher court.
But in the case of Article XII of the Statute of the Adminis-
trative Tribunal, the Tribunal's decision is subject to exarnination
by the Court only with regard to the question of jurisdiction;
the Court has no power of review with regard to the merits, the
Tribunal's judgments, so far as the!? are concemed, being final
and without appeal.
In order, however, to exercise its power of control over the
jurisdiction of the Tribunal, the Court must necessarily base its

Opinion on the Tribunal's interpretation and application of the
provisions of its Statute.
Where an objection to the jurisdiction is joined to the merits,
the Court will seek this interpretation and application in the
reasoning as a whole. But where the tribunal deals with the two
questions, that of jurisdiction and that relating to the merits,
separately, the Court will confine its examination to the reasoning
on which the tribunal has based its finding that it has jurisdiction.
If, however, the tribunal, while not ordenng the joinder of the
objection and of the merits, fails to observe the necessary distinc-
tion between the two questions and is satisfied with a mere division,
in two sections in which the reasons are mingled, the Court is
bound, if the section relating to jurisdictiondoes not contain ade-

quate reasoning, to seek further in the other section.Although mixed
up with the examination of the merits, the legal reasoning supple-
menting that specifically referable to jurisdiction itself properly
pertains to the issue of jurisdiction and is, therefore, subject to
review by the Court.
In the present case, no joinder was ordered by the Tribunal, but
the Tribunal, while not deciding on that course, has in fact mixed up
the grounds relating to the two questions, jurisdiction and merits.
That part of the Judgment devoted to jurisdiction contains-apart
from certain observations which are not relevant and a mere refer-
ence to tlie Rfemorandum of July 6th, 1954-nothing but a recital
of the complaint, followed by an assertion of the competence of the
Tribunal. The part of the Judgment which deals with the merits

gives a clearer indication of the Tribunal's ideas with regard to
jurisdiction.
51 Cette manière d'agir du Tribunal administratif ressort clairement
de l'examen du jugement dans ses deux parties successives.

Mais avant d'aborder cet examen, il convient d'établir la ligne de
démarcation entre la compétence et le fond. Distinguer l'un de
l'autre est fondamental pour l'exercice de la fonction de contrôle
de la Cour.
Pour déterminer la compétence du tribunal, il n'est nul besoin
pour le requérant de justifier son droit (c'est le fond), mais il est
indispensable de définirla base de son actionpour savoir si elle entre
dans le cadre de l'activité du tribunal ou, en d'autres termes, si le

tribunal est ou non compétent d'en connaître.

Or, suivant les termes de l'article II, paragraphe j, du Statut du
Tribunal administratif de l'Organisation internationale du Travail,
le Tribunal connaît des requêtes invoquant l'inobservation, soit
quant au fond, soit quant à la forme des stipulations du contrat
d'engagement des fonctionnaires ou des dispositions du Statut du
personnel (de l'Unesco).
L'expression ((soit quant au fond, soit quant à la forme » (in
sz~bstanceor in form) ne se réfèrepas ici à la réalitéprofonde des

stipulations par opposition à leur forme extérieure. Cette opposition
serait, du reste, singulière dans un texte législatif. Elle se réfère
simplement à la notion bien connue des ((règlesde fond 1)par oppo-
sition aux ((règlesde forme ou deprocédure )(en anglais: substantive,
or adjectival or procedural). Cet accouplement des deux catégories
de règlesa pour objet de les mettre sur un pied d'égalitédans le sens
que l'inobservation des unes ou des autres donnera lieu à une action
judiciaire et que le Tribunal a pour mission de les sauvegarder et
de protéger les fonctionnaires contre leur inobservation.

D'après le paragraphe 6 (a et b) du mêmearticle, qui détermine
ceux qui ont accès au Tribunal, le fonctionnaire invoque l'inobser-
vation des stipulations du contrat ou du Statut en vue de réclamer
un droit.
Il faut donc que le fonctionnaire nomme le droit qu'il réclame, de
mêmequ'il doit invoquer la stipulation dont l'inobservation a donné
lieu audit droit, pour que le Tribunal puisse retenir sa compétence
après avoir vérifiél'un et l'autre, sans toutefois entrer dans l'exa-
men des faits justificatifs (le fond), au point de vue de leur exacti-
tude, véritéou réalité,et sans porter un jugement sur l'interpréta-

tion ou l'application alléguéepar le fonctionnaire.

11 n'y a pas là une exigence excessive, mais la requête ainsi
que la décision du Tribunal doivent, de toute évidence, révéler
la nature du droit réclamépar le fonctionnaire et préciser les
stipulations dont l'interprétation ou l'application permettrait de
servir de fondement audit droit, et la valeur plausible ou possible
de celles-ci.

j7 DISS. OPIN. OF VICE-PRES. BAD,%\VI (OPIS. 23 S j6)
125
This method of operation on the part of the Administrative
Tribunal is clearly revealed by an examination of the two siicceeding
parts of the Judgment.
But before undertaking this examination, it is desirable to
establish the border line between jurisdiction and merits. The

distinction between the two is fundamental for the exercise b\7 the
Court of its pou7er of review.
In order to determine the jurisdiction of the tribunal, it is
unnecessary for the claimant to prove his right (that pertains tothe
merits), but it is essential to define the basis of his action in order
to ascertain ~vhether it falls within the sphere of activity of the
tribunal or, in other words, whether the tribunal is or is not
competent to hear it.
But, according to the words of Article II, paragraph 5, of the
Statute of the Administrative Tribunal of the International Labour
Organisation, the Tribunal is competent to hear complaints alleging
non-observance, in substance or in form, of the terms of appoint-
ment of officials and of provisions of the Staff Regulations (of

Cnesco).
The expression "in substance or in form" (soit q~rnjztazt fond,
soit quant à la forme) does not here refer tothe underlying meaning
of the terms and provisions, as opposed to their liberal meaning.
Such a contrast, indeed, would be odd in a legislative text. It is
merely a reference to the well-known concept of "substantive rules"
as contrasted with "adjectival or procedural rules" (règles de fond,
règlesde forme 02.de pvocédure).This coupling of the two categories
of rules is designed toput them on a footing of equality, in the sense
that non-observance of either will give rise to judicial proceedings
and that it is the duty of the Tribunal to safeguard and protect
officials against their non-observance.
According to paragraph 6 (a) and (b) of the saine article, which
lays down to whom the Tribunal shall be open, an officiai alleges

non-observance of the terms of appointment or of the Staff Regula-
tions for the purpose of asserting a riglzt.
It is therefore necessary for the officia1to state the right which
he is claiming and to invoke the term non-observance of which has
given rise to that right, to enable the Tribunal to find that it has
jurisdiction after it has checked each of these, m-ithout, however,
going into the facts relied upon to prove the case (the merits),
from the point of view of their correctness, truth or reality, and
without forming a judgment on the interpretation or application
put forward by the official.
This does not constitute an excessive requireineilt, but the
coinplaint and the Tribunal's decision must, clearly, indicate the
nature of the right claimed by the officia1 and state the terms

and provisions the interpretation or application of which might
serve as a basis for that right and the probable, or possible, weight
of tliese. 126 OPIK. DISS. DU VICE-PRÉS. B-%D.%WI (AVIS 23 X 56)
Le droit réclamépar les quatre fonctionnaires est incontestable-

ment le renouvellement de leurs contrats. Mais quelle est la stipula-
tion qui leur assure ce droit et qui n'aurait pas étéobservée par
le Directeur général?
On a estimé que le mot (invoquant D,qui figure à l'articlII du
Statut du Tribunal, n'équivaut pas à l'expression (fondé sur ))et
qu'il a une signification plus large ou plus souple. Si cette précision
cherche à écarter la nécessitépour le requérant de justifier le
bien-fondé du droit qu'il réclame, ladistinction serait parfaitement
exacte et nul ne peut disconvenir que la question de la compétence
se distingue nettement du fond.

Mais si cette opposition des termes tend à permettre au requérant
- qui est tenu d'invoquer - de se référerd'une manière générale
aux stipulations du contrat et du Statut sans désigner les stipu-
lations précises dont l'inobservation a donné lieu à son action,
pareille interprétation ne tiendrait pas compte de certaines néces-
sités de rédaction de textes législatifs qui souvent emploient le
pluriel pour désigner le singulier.

Aux fins d'une plus grande précision, on a cru pouvoir inter-
préter cette disposition relative à ((l'invocation de l'inobservation
...des stipulations du contrat ... et des dispositions du Statut
du personnel 1dans le sens qu'il suffit qu'ily ait un lien juridique
(sans préciser ni son nom ni sa nature) entre le renouvellement
et le contrat initial, entre le non-renouvellement et la situation
juridique du requérant au moment où le renouvellement est
refusé, pour que le Tribunal soit compétent.
Certes, le renouvellement diffère de la nomination pour la
première fois. Il suffit à cet égard de noter qu'un contrat d'enga-

gement de durée définie est susceptible d'êtretransformé, après
cinq ans, en un contrat de durée indéterminée,et qu'un contrat
à durée définie qui n'aura pas étéainsi transformé ne sera pas
renouvelé au-delà de cinq ans.
Rien que cette différenceautorise de reconnaître au renouvelle-
ment un statut différent de celui de la nomination, mais cette
différence ne permet pas - de toute évidence et nonobstant
toutes les ressources possibles de la dialectique juridique - de
donner au fonctionnaire un titre ou un droit au renouvellement
à l'échéancede chaque contrat à duréedéfinie. Chaque renouvelle-

ment équivaut à une nouvelle nomination, sans préjudice du fait
qu'un ensemble de renouvellements permettrait la transformation
du contrat à durée définie en un contrat à durée indéterminée,
au cas où le Directeur général,dans la plénitude de sa discrétion,
entend conserver le fonctionnaire dans le service.
C'est un argument de la mêmenature que de dire que le contrat
à durée définie ne cesse pas à l'échéancede produire des effets
légaux. Outre que c'est une pétition de principe, puisqu'il s'agit

53 The right claiined by the four officials is nndoubtedly the rcnc.\\-aI
of their contracts. But nhat is the term or pro~~isioilcntitling thein
to that right which has not been observed by the Director-General?

It has been thought that the word "alleging", hi ch is used iii
.Article II of the Statute of the Tribunal, is not the same as the
expression "based on" and that it has a wider and inore flexible
meaning. If the purpose of this observation is to show that it is
unnecessary for the complainant to prove that the right which I-ie
claims is well-founded, the distinction is quite correct, and no one

ivould disagree that the question of juriscliction is clearly different
froin that of the merits.
But if this distinction between the words has as its purpose to
cnable the complainant-who has to allege-to refer generally to
the terms of appointment and the Staff Regulations, without indi-
cating the precise terms and provisions the non-observance of which
has given rise to his complaint, such an interpretation would fail
to take into account certain necessities inherent in the drafting of
legislative texts which commonly use the plural to include the
singular.
For the purposes of greater precisions, it \lias thought possible to
interpret the provision relating to the "allegation of ilon-observ-
ance ...of the terms of appointinent ...and of provisions in the
Staff Regulations" as meailing that it was enough that there should
be a legal relationship (without indicating either its ilame or its
nature) between renewal and the original contract, between non-
renewal and the legal position of the complainant at the time when
renewal was refused, for the Tribunal to have jurisdiction.

So doubt renewal is something different from an original appoint-
inent. In this connexion it is sufficient to observe that a fixed-term
appointment may be transformed after five years into an indeter-
minate appointment, and that a fixed-term appointment not so
transformed may not be renewed beyond a maximum period of
five years.
This difference itself rnakes it posiible to Say that renewal is
different in character from original appointment, but this difference
does not make it possible--quite obviously and in spite of al1 the
possible resources of legal dialectic-to give the officia1 any title
or right to renewal on the expiry of each fixed-term appointment.
Every renewal amounts to a new appointment, without prejudice
to the fact that a number of renewals would permit of the transfor-
mation of a fixed-term appointment into an indeterminate appoint-
ment if the Director-General, in his entire discretion, should wish
to retain the services of the official.

This is an argumeilt similar iil character to the statement that
a fixed-term appointment does not cease, 011its expiry, to produce
Icgal effects. -\part from the fact that it begs the question, which précisément de connaître, nonobstant les termes de la disposition
104.6 d), la port& de ces effets légaux et leur source, cet argument
n'apporte aucurie notion définie d'un droit, alors qu'il s'agit
d'invoquer un droit dans le sens propre du mot.
En vérité, il n'y a aucune différence réelle entre les termes
(invoquant 11et « fondé sur 1)Dans les deux cas, une stipulatiox1

précisedevrait êtrecitéeavec l'indication du droit qui résulterait de
son inobservation ainsi que du ((rapport sérieux et non factice 11
entre ledit droit et la stipulation invocluée.

Comment, du reste, la Cour peut-elle contrôler l'existence ou la
non-exist~nce d'un lien juridique ou des effets légaux qui n'ont pas

étéinvoqués par les requérants ni retenus par le Tribunal comme
base de sa compétence? Il est, en tout cas, certain que si l'on
admettait cette interprétation, il en résulterait qu'il n'y aurait
presque aucun cas d'incompétence et le contrôle de la Cour institue
par l'article XII serait en fait ixnpossible ou inutile.

Examinons maintenaxlt les motifs du jugement sur la compétence,
qui font l'objet de sept alinéas.
Le premier alinéa établit une distinction entre les engagements en

stage et ceux à durée définie. Le Tribunal a peut-être voulu signi-
fier que les premiers peuvent êtrerésolus à tout moment ad nzltufîi,
alors que les autres ne peuvent pas l'être. Outre qu'il n'y a pas
d'engagement en stage comme contrat autonome, mais une
période de stage dans la première année d'un contrat à durée
définie, ce motif n'est pas pertinent et constitue une simple affir-

mation, par voie d'implication.
Le deuxième alinéa cite la disposition 104.6 d) du Règlement du
personnel de l'Unesco, qui prévoit que:
(un engagement de duréedéfiriieprend fin i I'échCancefixée,sans
préavisiii indemnité, à moins que le reno~ivellementn'en ait été

offert à l'intéresséct accepté par lui trois mois avant l'échéance
dans le cas d'un engagement initial de duréedéfinied'un an, et sis
mois av'int 1'bcliPancedans lcs autres cas l))
et déclare que ce texte ne vise que la durée de l'engagement et
n'empêchenullement que le Tribunal administratif soit saisi d'une

requête tendant à l'examen de la validité de la décision positi-i~
ou négative prise en vue de son renouvellement.

12etexte en vigueiir ail niornent oii le Directeur g6néral a pris sa dccision est le
suivant :
(iCn engagement de durée définie prend fink l'échéance fixée,à ~noiiih
qu'un noui-el engagement n'ait 6téofferà l'intéressé et accepté par lui trois
mois avant I'échGancesi.l'intéressé est en fonctions depuis moins d'un an ou
six irrois avant cette date s'il est en fonction? clepuis plus d'u)lan. is precisely that of ascertaining, in spite of the terms of Rule
104.6 (d), the extent of these legal effects and their source, this
argument fails to reveal any definite concept of a right, although
what has to be alleged is a right in the true sense of the word.
In fact, there is no real difference between the words "alleging"

and "based on". In each case, a precise term or provision ought to
be cited, together with an indication of the right which it is claimed
would enure from its non-observance and of the "substantial and
not merely artificial connexion" between that right and the pro-
vision iiivoked.
How, moreover, is it possible for the Court to check the existence
or non-existence of a legal relationship or of legal effects which have
not been relied upon by the complainants or found to exist by the
Tribunal as a basis for its jurisdiction? In any event, it is certain

that if this interpretation should be accepted the result would
be that there would be practically no case in which the Tribunal
lacked juric-diction, and review by the Court, provided for in
Article XII, would in fact be impossible or useless.

Let us now consider the reasons given in the Judgment on com-
petence, which are the subject of seven paragraphs.

The first paragraph draws a distinction between probationary
and fixed-term appointments. The Tribunal perhaps wished to
indicate that the former may be terminated at any moment ad
nutum, kvhereas this is not the case of the latter. Apart from the
fact that there is no such thing as a probationary appointment as
an autonomous contract, but merely a probationary period in the
first year of a fixed-term contract, this reason is irrelevant and
constitutes a mere assertion by implication.
The second paragraph quotes Unesco Staff Rule 104.6 (d), which
provides that :

"A fixed-term appointment shall expire, without notice or
indemnity, upon completion of the fixed term unless a renewal is
offered and accepted three months before the expiry date in the
case of an initial fixed-term appointment of one year, and six
months before the espiry date in other cases l"
and states that this text only dealswith the duration of the appoint-
ment and in no way bars the Tribunal from being seised of a com-

plaint requesting the examination of the validity of the positive
or negative decision taken regarding the renewal of the appointment.
l The text in force at thetime when the Director-Generaltoodecision reads
as follo~v:

unless a nea appointmenteis offered and accepted three monthbefore therm
expiry dateif the staff member has served for less than one year or sis months
before the espirydate, if he has served for more than one year." Tout d'abord, il est inexact que la disposition ne vise que la
durée puisqu'elle détermine la situation légaleentre l'Unesco et le
fonctionnaire. Ensuite, une requête tendant à l'examen de la
validité d'une décisionpositive de renouvellement est inconcevable.
En effet, n'ont accès au Tribunal que les fonctionnaires et leurs

ayants droit, et on ne comprend pas qu'un fonctionnaire puisse
attaquer la validité d'une décisionde renouveler son contrat, alors
que ce renouvellement ne peut s'accomplir qu'avec son acceptation.

Il demeure toutefois que le Tribunal déclare que la disposition
104.6 d) n'empêchepas (nonobstant ses termes catégoriques) de
saisir le Tribunal de la validité d'une décision de non-renou-

vellement .
L'Unesco s'est évertuée à expliquer que le non-renouvellement
n'est pas une décision, en invoquant les termes de la disposition
104.6d) du Règlement du personnel etlanature durapport juridique
entre l'Unesco et le fonctionnaire. Mais. sans s'attarder à l'examen
de cet aspect de la question, on peut bien constater, à la fin de juin
1954, que le contrat de Duberg expirant le 31 décembre 1954 ne
sera pas renouvelé, puisque aucune offre de renouvellement ne lui

a étéfaite avant cette date, vu que l'offre devait êtrefaite six mois
avant l'expiration du contrat. Providentiellement, il y a eu la note
circulaire du 6 juillet suivie, le 13 août, par une lettre du Directeur
général à Duberg, lui annonçant que son contrat ne sera pas renou-
velé. Il n'y a donc pas de difficulté à admettre qu'il y ait eu une
décision de non-renouvellement.

En fait, la déclaration du Tribunal que la disposition 104.6 d)
n'empêchepas de saisir le Tribunal de la validité d'une décisionde
non-renouvellement, signifie que le Tribunal s'apprête à dire que,
nonobstant ladite disposition, il existe, dans une mesure quelconque,
soit un droit du fonctionnaire au renouvellement, soit une obli-
gation à la charge du Directeur général de ce chef.
L'alinéasuivant semble donner corps à cette idée. Cetalinéacite

la note circulaire, du 6 juillet 1954, qui est qualifiéed'~une mesure
d'ensemble ))et, dans l'alinéasuivant, d'c une mesure générale ))à
laquelle le requérant aurait fait l'objet d'une exception.

Dans le quatrième alinéa,le Tribunal résumela requêtedeDuberg
en ces termes: « Le Directeur généralne pouvait agir légitimement

ainsi àson égard ense fondant sur l'unique motif invoquécontre lui
pour admettre qu'il ne possède pas la qualité d'intégritéreconnue à
ses collègues dont l'engagement a étérenouvelé, sans d'ailleurs que
lui soient contestées les qualités de travail et de compétence. )) To begin with, it is incorrect that the provision deals only with
the duration of the appointment, since it determines the legal
situation as between Unesco and the officials. Again, a complaint
requesting the examination of the validity of a positive decision
regarding renewal is inconceivable. The Tribunal is in fact only
open to officials andthose claiming through them, and it is difficult
to see how an officia1could attack the validity of a decision to
renew his contract, since there can be no renewal in the absence
of an acceptance by him.
The Tribunal, nevertheless, States that Rule 104.6 (d) in no way
bars it (notwithstanding its categorical terms) from considering the

validity of a decision of non-renewal.

Unesco has been at pains to explain that non-renewal does not
constitute a decision, and it has relied for this purpose on the
terms of Staff Rule 104.6 (d) and on the nature of the legal rela-
tionship between Unesco and the official. But rith ho utpausing to
dwell on an examination of this aspect of the question, it is to be
observed that at the end of June 1954 it could be known that
Duberg's contract, which was due to expire on December 31st,
1954, would not be renewed because no offer of renewal had been
made to him by that date, the offer being one which had to be
made six months before the expiry of his contract. Providentially,
there was the Administrative Memorandum of July 6th, which was

followed, on August 13th, by a letter from the Director-General to
Duberg informing him that his contract would not be renewed.
There is therefore no difficulty in admitting that there was a
decision not to renew.
In fact, the Tribunal's declaration that Rule 104.6 (d) was not
a bar to its adjudication on the validity of a decision not to renew
showed that it was preparing to Say that, in spite of that provision,
there existed, within certain limits, either a right of the officia1
to renewal, or an obligation upon the Director-General in this
respect.

The following paragraph appears to lend substance to this idea.
That paragraph cites the Administrative Memorandum of July 6th,
1954, which is referred to as "a general measure" (une mesure
d'ensemble) and in the next paragraph as "a general measure"
(une nes surgeénéralet)o which the complainant was made an excep-
tion.
In the fourth paragraph, the Tribunal summarizes Duberg's
complaint in these words: "The Director-General could not
legitimately thus make an exception of him on the sole ground which
he invoked against him as justification for the view that he did not
possess the quality of integrity recognized in those of his colleagues
whose contractshad been renewed, and in the absence of any contes-
tation of his qualities of cornpetence and efficiency."

55129 OPIX. DISS. DC VICE-PRÉS B.ADAU7I (AVIS 23 X 56)

(Dans cette requête,le demandeur soutient qu'«il avait - dans
les conditions clairement déterminées par l'Administration - un
droit acquis aztrenouvellementde son contratet qu'il ne s'agissait pas
de seules espérances ». Il se prévaut de la note circulaire du 6 juillet
1954 et traite longuement des faits relatifs à sa carrière ainsi que

de la portée de l'intégrité, motif invoqué par le Directeur général
pour ne pas renouveler son contrat.)
Les alinéassuivants du jugement (relatifs àla compétence) n'ajou-
tent rien à la motivation précédente : l'alinéa5 rapporte les conclu-
sions du requérant; l'alinéa 6 dit qu'il s'agit doncd'un litige portant
sur l'interprétation et l'application du Statut et du Règlement du
personnel de l'Unesco, et l'alinéa7 déclarequ'en vertu del'article II,

paragraphe 1 l,le Tribunal est compétent pour s'en saisir.

En dehors de la référence à la note du 6 juillet 1954, ces sept
alinéas, qui constituent toute la motivation sur' la question de
compétence, ne précisent d'aucune manière le fondement de
cette compétence.
Le seul et unique motif sur lequel le Tribunal fonde sa compétence

serait donc la note du 6 juillet.
En mettant dans ses considérants sur la compétence l'accent sur
la note du 6 juillet et en la qualifiant de ((mesure générale )),le Tri-
bunal semble l'ajouter aux sources des droits des fonctionnaires
(contrat, Statut, Règlement). Cette note serait-elle, en vérité, une
nouvelle source de ces droits, dans la mesure où elle aurait modifié
le Statut et le Règlement?

L7nevive controverse s'est engagée sur la portée de cette note.
Pour les uns, elle est simplement (a declaration of policy »,une
déclaration d'un caractère d'opportunité évidente, qui ne change
et ne peut changer la nature des rapports établis par le contrat, le
Statut et le Règlement.
Le Directeur généralse trouvait pris dans un dilemme,

ou bien de transformer les contrats à durée définie en contrats
à durée indéterminéesans égardaux exigences du programme,
ou bien de ne pas renouveler ces contrats.

Devant demander des directives à la Conférencequi allait se tenir
en novembre 1954, le Directeur général aestimé qu'en attendant un
règlement de la question sur des bases solides, tendant 2ccréerun
cadre permanent, il entend opérer un renouvellement général pour
un an, dans les conditions qu'il a indiquées. Cette annonce n'im-
plique d'aucune manière que les règlesnormales ne seront pas obser-
vées,à savoir: la nécessitéd'une offre et d'une acceptation, ou qu'il

a renoncé à ses droits, puisque la renonciation à un droit ne se pré-
sume pas.

La citation du Tribunal est erronée, car ce paraconcerne l'organisation
internationale du Travaialors que c'est le paragra5hqui concerne l'Unesco.
.6 (In his complaint the complainant maintained that "he had-in
circumstances clearly determined by the Administration-an
acquz'redright to the renewal of his contract and that this assurance
was more than a mere hope". He relied on the Administrative
Memorandum of July 6th, 1954, and dealt at length with the facts

relating to his career and with the concept of integrity, the reason
invoked by the Director-General for not renewing his contract.)
The following paragraphs of the Judgment (relating to jurisdic-
tion) add nothing to the reasoning already given: paragraph 5
states the submissions of the complainant; paragraph 6 says that
the question is thus a dispute concerning the interpretation and
application of the Staff Regulations and Rules of Unesco, and
paragraph 7 states that, by virtue of Article II, paragraph I l,
the Tribunal is competent to hear it.
Apart from the reference to the Memorandum of July 6th, 1954,
these seven paragraphs, which constitute the whole of the reasoning

on the question of jurisdiction, fail completely to state the basis
of that jurisdiction.
The one and only ground on which the Tribunal founds its juris-
diction therefore appears to be the Memorandum of July 6th.
By placing the emphasis on the Memorandum of July 6th, in its
reasoning on the question of jurisdiction, and by its description of
it as a "general measure", the Tribunal seems to be adding it to the
sources of the officials' rights (contract and Staff Regulations and
Rules). Did this Memorandum really constitute a new source of such
rights, to the extent to which it modified the Staff Regulations and
Rules ?
A lively controversy has been engendered as to the scope of the

Memorandum. In the view of some, it was merely a declaration
of policy, an obviously expedient statement which did not and
could not alter the character of relationships created bythecontracts
and the Staff Regulations and Rules.
The Director-General found himself in a dilemina:
he either had to transform fixed-term contracts into indetermin-
ate appointments without regard to programme requirements,
or else not to renew such contracts.

Since he had to seek directives from the Conference, which was to
meet in November 1954, the Director-General proposed, pending a
settlement of the question on a solid foundation involving the estab-
lishlnent of a permanent cadre, to grant a general one-year renewal
in the circumstances which he indicated. This announcement in no
way implied that the normal rules would not be observed, namely,
the necessity for an offer and an acceptance, or that he had aban-

doned his rights, since surrender of a right cannot be presumed.

1 TIie Tribunal's reference is incorrect, since this paragraph relates to the Inter-
nationalLabour Organisatiowhereas it isparagrap5 mhich applies to Cnesco.

.56 130 OPIN. DISS. DU VICE-PRÉS. BADAWI (AVIS 23 X 56)

Pour les partisans de ce point de vue, il serait difficiled'expliquer
comment une déclaration survenue après la date prescrite pour faire
l'offrede renouvellement - comme c'est le cas en ce qui concerne
les quatre requérants - puisse créerde nouveaux droits. Pour eux,

la disposition 104.6d) demeure par conséquent en vigueur et devrait
produire son effet. En l'absence d'une offre et d'une acceptation, le
contrat vient à échéancele 31 décembre 1954, sans préavis et sans
indemnité. Suivant cette interprétation, il n'existerait aucun droit
au renouvellement et, faute d'inobservation d'aucune stipulation,
le Tribunal serait incompétent de connaître de la requête.

Ce n'est évidemment pas l'opinion du Tribunal qui reconnaît à
cette note le caractère de mesure générale oude disposition régle-
mentaire modifiant provisoirement le régimealors en vigueur, et qui
estime que les fonctionnaires seraient justifiés d'en bénéficier.

Toutefois, le Tribunal n'a pu retenir que la note a crééun droit

au renouvellement du contrat ou une obligation à la charge du
Directeur général de le renouveler, comme l'a prétendu le deman-
deur dans sa requête. Le Tribunal s'est contenté de déclarer que
(le fonctionnaire qui réunit toutes les qualités requises est fondéà
entretenir un espoir légitimede se voir offrir un nouvel engagement
dans les fonctions qu'il occupait ».

Mais, est-ce que décevoirun espoir légitime constitue une inobser-
vation du contrat ou des dispositions du Statut? Ce serait donner
aux espoirs légitimes une consistance juridique qu'aucun principe
de droit n'autorise.

Quoi qu'il en soit, faut-il que la Cour opte pour l'une des deux
thèses en conflit - soit ((declaration of policy », et dans ce cas,
déclarer le Tribunal incompétent pour avoir mal définila situation
juridique, soit (mesure générale ))et, dans ce cas, admettre la com-
pétence du Tribunal?

En réalité,ce choix n'aurait pas résolu la question de compé-
tence, car, même considérée commeune mesure générale,la note
n'a pu, à elle seule, servir de base au jugement du Tribunal
affirmant sa compétence.
En effet, la note n'a pas envisagé l'offre d'engagement des
fonctionnaires de la catégorie organique d'une manière absolue.
Cette offre a étéencadrée dans des conditions de nécessitéet

de possession de qualités requises qui seraient nécessairement
déterminées par le Directeur général.
Dans ces circonstances, l'inobservation des stipulations du
contrat et du Statut n'aurait pu se réaliser sile non-renouvellement
était fondé sur la nécessitéou sur l'absence d'une des qualités
requises, et il n'existerait dans ce cas ni un droit ni un espoir
légitime pour le fonctionnaire de voir renouveler son contrat.

57 For those holding this .i.iew, it is difficult to understand hon-
a declaration made afterthe date prescribed for an offer of renewal-
as in the case of the four complainants-can give rise to riew rights.
In theirview, Rule 104.6 (d), even in its revised form, consequently
remains in force and should be applied. Failing an offer and an
acceptance, the appointment expired on December 31st, 1954,
without notice or indemnity. According to this interpretation,
there v7asno right to renewal and, in the absence of non-observ-
ance of any term or provision, the Tribunal \vas incompetent to
hear the complaint.

This obvio~zsly was not the opinion of the Tribunal, which
regarckd the Mernorandum as having the character of a general
measure or of a regulation provisionally modifying the régime
then in force and which considered that the officiais were entitled
to the benefit thereof.
The Tribunal, however, was unable to hold that the Memo-
randum gave right to a renewal of the appointment or to an
obligation on the part of the Director-General to renew it, as
claimed by the applicant in his complaint. The Tribunal contented
itself with stating that "anofficia1who combines al1the necessary
qualities has a legitimate exfiectancy (esfioir légitime) of being
offered a ne\i7 appointment in the position which lie occupied".

But does the disappointment of a legitimate expectancy or
hope constitute non-observance of the terms of appointment or
of the provisions of the Staff Regulations? So to hold would
be to attribute to legitimate expectancies a legal substance not
xvarranted by any legal principle.
How-ever that may be, is it necessary for the Court to choose
between these two conflicting views-a "declaration of policy"
on the one hand, which xvouldinvolve a finding that the Tribunal
lacked jurisdiction on the ground that it had incorrectly defined
the legal position, or "a general measure" on the other hand,
which xvouldinvolve a finding that the Tribunal had jurisdiction?

Such a choice would not in fact resolve the problem of juris-
diction, for, even regarded as a general measure, the Memorandum
could not by itself serve as a basis for the Tribunal's Judgment
confirming its jurisdiction.
The Memorandum indeed did not envisage an offer of renewal
to al1 professional staff members in an absolute manner. The
offer was made subject to conditions covering the need for their
services and the achievement of the required standards which
necessarily were to be determined by the Director-General.
In these circumstances, there could not be any non-observance
of the terms of appointment or of the provisions of the Staff
Regulations if non-renewal \vas based on the absence of any need
for the services of the officia1 or on the failure to achieve the

required standards, and in such a case there could be neither
57 La note, qui soumet le renouvellement à des conditions de
nécessitéet de possession des qualités requises, ne suffirait donc
pas à servir de justification de compétence pour une action qui

tirerait sa base d'un droit du fonctionnaire, pour peu que l'on
admette que l'appréciation de ces conditions est laissée à la
discrétion du Directeur général.
Mais le Tribunal ne semble pas l'admettre pour ce qui concerne
la condition de l'intégrité.Apparemment, il n'a pas de difficulté
pour l'admettre pour les autres conditions l. Toute la sectiori

consacrée à l'examen du fond ne traite que du pouvoir discrétion-
naire du Directeur généralet, dès le début de cette section, le
Tribunal déclare que (si le poztvoir est conféré au Directcz~rgénéral
de yzepas renouveler un engagenzefztde duréedéfinie et cela sans
Ttretem à préavis oz2 itldepnnité,c'estézjidemnzens tous la condition
implicite que ce poilvoir ?zes'exerce que pozir le bien çervice et

l'intértt de 1'1iistitz~tiII.
Le Tribunal, postulant que l'exercice de ce pouvoir, dans les
conditions implicites qu'il a précisées,devrait être soumis à son
contrôle judiciaire, procède à l'examen des faits et à la définition
de la condition de l'intégritéet conclut ((que la décision de non-
renouvellement non seulement doit êtreannulée en l'espèce, mais

encore est à la fois constitutive d'un détournement de pouvoir
et d'un abus de droit entraînant l'obligation de réparer le préjudice
qui est la conséquence 1)2.

Comme la Cour doit exercer son contrôle sur tous les motifs

sur lesquels se fonde la compétence du Tribiinal et qu'elle doit
les chercher partout où il; se trouvent,la Cour ne peut que souligner
ce motif comme étant le motif principal sur lequel le Tribunal
s'est basépour se déclarer compétent et pour juger le fond. Dans
le chapitre consacré à la compétence, le Tribunal a déclaréqu'c(il
s'agit d'un litige portant sur l'interprétation et l'application du

Statut et du Règlement de l'Unesco I),mais il n'a pas précisé
la stipulation en question, se réservant, apparemment, de le faire
au cours de l'examen du fond.

Toutefois, cette distinctn'a pas été justih6c par le Tribunal, nonobstant
que dans iinc organisatiopolitique internationaltelle que l'cnezco, la notion.
(l'intégrité devrait avoir, en dehors de sa signifiétyn~olo~iqiie, une signifi-
cation relativet plus large.
Cette rédactioimplique une dualité de motifs, Inais la lecture attenduve
jugement ne révèle aucun autre motifue le détourneinent de pouvoir, qui est la
conclusion naturelle desiiclitions implicites postet longuement développées-
par If:Tribunal. any right nor any legitimate expectancy or hope on the part of
the officia1 that his contract would be renewed.
The Memorandum, which made renewal subject to these con-
ditions of need for the services and of achievement of the required
standards, cannot justify an assumption of jurisdiction in pro-
ceedings based upon some right of an official, providing it be
granted that judgment of the satisfaction of the conditions is

within the discretion of the Director-General.
But the Tribunal does not appear to admit this so far as the
condition of integrity is concerned. It appears not to have had
any difficulty about admitting it so far as the other conditions
are concerned l. The whole section devoted to an examination
of the merits deals only with the discretionary power of the
Director-General and at the outset the Tribunal states that "if

the Director-General is granted authority not to renezu a fixed-term
appointment and so to do without notice or indemnity, this is clearly
subject to the irjzplied condition that this authority mztst be exercised
only for the goodof the serviceand in the interest-of the Organization.".
The Tribunal, postulating that the exercise of this power,
subject to the implicit conditions which it has indicated, should
be subjected to its judicial control, proceeds to an examination
of the facts and to a definition of the condition of integrity, and

it concludes "that the decision not to renew the appointment
is one which should not only be rescinded in the present case,
but also constitutes a wrongful exercise of powers and an abuse
of rights which consequently involves the obligation to make
good the prejudice resulting therefrom" 2.

Çince the Court must review al1 the grounds on which the

jurisdiction of the Tribunal is founded, and since it must seek
them wherever they may be found, the Court must stress this
ground as being the principal ground on which the Tribunal
relied in declaring that it had jurisdiction and in dealing with
the merits. In the portion of the Judgment devoted to the question
of jurisdiction, the Tribunal stated that "the question is a dispute
concerning the interpretation and application of the Staff Regula-
tions and Rules of Unesco", but it did not indicate the provision

involved, apparently leaving this to the examination of the merits.

l This distinction wnot, homever, justified by the Tribunal, in spite of the fact
that in an internationalpoliticalorganizationsuch as Unesco the concept of
meaning.yshould have, apart from its etymological meanina relative and wider
The wording here used implies the existenceof two grounds,but a careful
reading of the Judgment reveals no ground other than that of détournement de
pozlÿoiï \vhich is the naturconclusion following fromthe implied conditions
postulatedand gone into at length by the Tribiinal. L'allusion à la note du 6 juillet, dans ce chapitre, n'a été qu'une
préparation à ces conditions implicites dans la mesure que cette
note constitue le document de référencecontenant les conditions
auxquelles le Directeur général asoumis l'offre généralde renou-
vellement pour un an. Le Tribunal n'a fait de cette note aucun
autre usage, ni n'en a tiré aucune autre conclusion.

Or, on constatera tout d'abord que le Tribunal ne cherche pas
pour base de son jugement un droit propre au fonctionnaire dérivant
de son contrat ou du Statut du personnel, mais des conditions
qui se rattachent au droit du Directeur généralou à son pouvoir
discrétionnaire et qui, si elles ne se réalisent pas, créeraient un fait
illicite (détournement de pouvoir) faisant naître, au profit du

fonctionnaire, un droit à réparation (soit en nature soit en argent).
On constatera ensuite que ces (conditions implicites )n'ont rien
de commun avec la bonne foi qui est à la base de tout contrat et
qui, partant, est une condition implicite de son exécution. En effet,
l'analyse par le Tribunal du bien du service et de l'intérêtde
l'Institution révèle une appréciation par ledit Tribunal de ce
bien et de cet intérêt,qui diffère de celle du Directeur général mais
qui ne va pas jusqu'à mettre en question sa bonne foi.
On constatera, en dernier lieu, que les (conditions implicites »

ne sauraient être considérées commedes stipulations dont l'inob-
servation constitue le fondement de la compétence du Tribunal.
Ces stipulations ne peuvent évidemment êtreque des stipulations
expresses et positives. Ce caractère ressort nettement de la précision
introduite par l'incidente (soit quant au fond soit quant à la
forme N.
Mais si ces conditions implicites ne sont pas les stipulations
prévues par l'article II du Statut du Tribunal, pourraient-elles bien
être l'interprétation ou l'application de ces stipulations? Certes,

l'interprétation est de l'essence de l'administration de la justice,
mais l'interprétation judiciaire suppose un texte à interpréter.
D'autre part, l'interprétation comporte des normes susceptibles
de contrôle.
Quelle serait, dans les cas soumis au jugement du Tribunal, la
stipulation que le Tribunal aurait interprétée ou appliquée et
quelles seraient les normes qu'il aurait adoptées?
Le Tribunal proclame les conditions implicites par voie de simple
affirmationsans expliquer le paradoxe d'un pouvoir discrétionnaire
soumis à un contrôle juridictionnel. La conclusion à laquelle le

Tribunal aboutit, à savoir que le non-renouvellement constitue
un détournement de pouvoir, révèlequ'il s'estime compétent pour
connaître du détournement de pouvoir. Mais cette attribution ne
saurait êtreprésuméecomme inhérente à la justice administrative. The reference in this part of the Judgment to the Memorandum
of July 6th was merely paving the way for these implied conditions
inasmuch as the Memorandum constitutes the document to which
reference must be made and which contains the conditions to
which the Director-General made his general offer of one-year
renewals subject. The Tribunal did not rely on the Memorandum
in any other way, nor did it draw any other conclusion from it.

It will, however, be observed at the outset that the Tribunal did
not seek to base its Judgment on any right enjoyed by the officia1
himself, by virtue of his contract or of the Staff Regulations, but
-on conditions relating to the Director-General's right or to his
discretionary power which, if not satisfied, would give rise to a
wrongfui act (détournementde pouvoir) involving a right of the

officia1to be compensated (by money or otherwise).
It may next be observed that these "implied conditions" have
nothing to do with good faith, which is the basis of any contract
.and, accordingly, an implied condition inherent in its performance.
In fact, the Tribunal's analysis of the good of the service ,and the
interest of the Organization reveals an appreciation by the Tribunal
of these criteria which differs from that of the Director-General but
which does not go so far as to question his good faith.
Finally, it may be observed that "implied conditions" cannot be
regarded as provisions non-observance of which would constitute a
basis for the jurisdiction of the Tribunal. Such provisions clearly
cannot be anything but express and positive provisions. That this
is so appears clearly from the use in the article of the words "in
substance or in form".
But if these implied conditions do not constitute the terms and
provisions referred to in Article II of the Statute of the Tribunal,
is it possible that they might constitute the interpretation or

application of such terms and provisions? Interpretation is
undoubtedly of the essence of the administration of justice, but
judicbl interpretation presupposes the existence of a text to be
interpreted. Moreover, interpretation is subject to certain rules
which are susceptible of control.
What is the term or provision which the Tribunal, in the cases
submitted to it for judgment, has interpreted or applied and what
are the rules which it followed?
The Tribunal proclaims the existence of implied conditions by
way of a mere assertion, and it fails to explain the paradox of a
discretionary power subject to judicial control. The conclusion
reached by the Tribunal that non-renewal constitutes a détourne-
ment de pouvoir, shows that it regarded itself as having jurisdiction
to deal with a détournementdepouvoir. But such a power cannot be
presumed to be inherent in administrative justice. Though the

59 Si le Conseil d'État français a pu l'exercer, après une laborieuse
évolution et grâce à une jurisprudence prétorienne, les tribunaux
administratifs établis dans les différents pays ne l'exercent qu'en
vertu de dispositions expresses.
En ce qui concerne le Conseil d'État français, le détournement de
pouvoir a étéune théorie de formation historique due au rôle qu'a

joué ce Conseil dansla vie française, à sa structure, à ses fonctions
et surtout aux extensions successives de sa compétence, dues à son
pouvoir de faire un véritable case Law 1.Mêmeen France, cette
attribution subit un déclin d'une manière générale.
Un auteur, le professeur Jean de Soto, dans une étude intitulée
((Recours pour excès de pouvoir et interventionnisme économique »
et publiée dans le Recueil ((Conseil dJEtat, Etudes et Documents n,
1952, no 6, pages 77-78, cherche à l'expliquer:

(...Comment expliquer cette désaffection pour le détourne-
ment de pouvoir ? Peut-être parune certaine lassitude, car un tel
contrôle peut paraître décevant ... Surtout, sans doute, le juge
administratif a-t-il pensé qu'en déterminant lui-mêmeet d'une
manièreprécisele but spécialvers lequel devaient, pour chacun de
leurs actes, statuer les autorités professionnelles et économiques,il
statuait sur une matière.qui lui est étrangère et qu'il risquait un
peu de son prestige auprès des administrés à affirmer officiellement
ce but ; ajoutons que ce but n'étaitpas toujours facile à déceleret
que l'expériencemanque encore pour avoir des vues sûres. 1)

Quoi qu'il en soit, lorsque, par suite du rayonnement de l'institu-
tion française du Conseil dJEtat, certainspays ont voulu créer chez
eux des Conseils sur son modèle. ils ont cru devoir cristalliser la
jurisprudence que ce Conseil avait développéeau cours d'un siècleet
demi, pour doter leurs nouveaux Conseils d'une juridiction à la fois
large et précise et pour éviter les incohérences et les incertitudes
d'une formation jurisprudentielle, par ailleurs douteuse, ainsi que
pour éviter des résistances éventuelles de l'administration ou des

conflits avec elle.

A titre d'exemple de ces textes qu'en Europe on retrouve dans
beaucoup de pays, je me contenterai de citer l'article22 de la loi
grecque du 22 décembre 1928; les articlesII et23 de la loi turque du
26 décembre 1938; l'article9 de la loi belge du 23 décembre 1946;
l'article33 du traité instituantla Communauté européenne du Char-
bon et de l'Acier du 18 avril1951 (cf. l'articl3 de la loi égyptjenne
no 9 de 1949 revisant la loi nI 12de 1946 instituant leConseil d'Etat).

(Voir annexe.) Ces dispositions, reconnaissant la doctrine du détour-
Cf. article du Président Josse dans le Livre jubilaConseil d'Étatpour
commémorer son 15onle anniversaire1949.Voir aussi article du professeur Pierre
Lampué, publié dans la Revue internationale des Sciences administratives, 1954.
P. 383.
60 DISS. OPIN. OF VICE-PRES. BADAWI (OPIX.23 s 56)
133
French Conseild'État may have exercised it after a lengthy evolu-
tion and as a result of a series of decisions which may be described
as praetorian, the administrative tribunals established in various

countries only exercise it by virtue of express provisions.
So far as the French Conseil d'Etat is concerned, the concept of
détournementde pouvoiris a theory of historical growth due to the
rôle which the Conseilhas played in French life, to its structure, to
its functions and, above all, to the successive extensions of its
competence due toits power to build up a veritable case law 1.Even
in France, resort to the theory is in general less frequent.
A writer, Professor Jean de Soto, in an article entitled "Recours

pour excèsde pouvoir et int$rvent+nnisme économique",published in
the Collection "Conseil d'Etat, Etudes et Documents", 1952, NO. 6,
pages 77-78, seeks to explain this fact:
"..What is the explanation for this disaffectioil with regard to
détournemend te pouvoiv? Perhaps a certain disillusionment, for a
form of control of this sort may seem deceptive ...Above all, no
doubt, administrative tribunals have thought that by themselves
precisely determining the special purpose which professional and
economic authorities should have in mind in forming their decisions
in respect of their every act, they were adjudicating upon matters
outside their ken and that their officialassertions with regard to the
ultimate purpose might endanger their prestige in the eyes of the
public ;it should be added that it was not always easy to ascertain
this ultimate purpose and that the necessary experience \vas often
lacking for the forming of any sure opinion."

However that may be, when, as a result of the development of

the French institution of the Conseild'Etat,certain countries desired
to establish Councilson the French model, they deemed it necessary
to crystallize the case law which had been developed by the Conseil
d'Etat over a century and a half, by conferring on their new Coun-
cils a jurisdiction which was at once wide and well-defined, in order
to avoid the incoherence and uncertainty involved in the building
up of a case law, the direction of which was in any event unsure, and
in order to avoid any resistance on the part of the Administration

or any conflicts with it.
By way of examples of such texts, which are to be found in many
countries in Europe, 1 shall content myself with citing Article 22
of the Greek Law of December zznd, 1928; Articles II and 23 of the
Turkish Law of December 26th, 1938; Article 9 of the Belgian Law
of December 23rd, 1946; Article 33 of the Treaty establishing the
European Coal and Steel Community of April 18th, 1951 (cf.
Article 3 of the Egyptian Law No. 9 of,1949, amendingLaw No. 112

of 1946 which brought the Conseil d'Etat into being). (See Annex.)
Cf. an articlby President Josse, in the Livre jubilaire dzt Conseil d'État pour
cotrzmémorersonI50me anniversair1949. See also an articlby Professor Pierre
Lampué, published in the Revue internatiotzale des Sciences adnziizist1954.es,
P. 383.

60134 OPIN. DISS. DU VICE-PRÉS. BADAWI (AVIS 23 X 56)

nement de pouvoir, confient au Conseild'État ou à la Cour de ladite
Communauté ce contrôle juridictionnel.

Si ces diverses lois ont cru nécessairede prévoir formellement le
détournement de pouvoir comme élément de compétence et non
comme une règle de fond, c'est que pareil recours ne va pas de soi
et ne résulte pas nécessairement du pouvoir générald'annulation
qui est conféréaux Conseils d'Etat. Ce recours porte, en effet, sur
l'exercicedu pouvoir discrétionnairede l'administration et comporte,

indépendamment de tout contrôle juridictionnel sur l'interprétation
et l'application des dispositions législatives ou réglementaires, une
recherche pousséesur le but de ces dispositions et la manière dont
ce but a étédétourné,ainsi qu'une recherche sur les motifs de ce
détournement.

En effet, de deux choses l'une: ou bien sans la prévision de la
compétence spéciale de détournement ou abus de pouvoir, ces
Conseils d'Etat peuvent exercer cette compétence spécialeen vertu
de leur pouvoir générald'annulation pour violation de la loi, et on

peut alors se demander pourquoi leurs lois organiques ont trouvé
nécessairede prévoircette compétence spéciale,ou bien cette préci-
sion étaitnécessaireet sans elleles Conseilsne pourraient pas exercer
cette attribution. C'est cette dernière conclusion qui s'impose.

La gravité de cette immixtion dans les affaires administratives et
la substitution de vues des jugesà cellesdes administrateurs respon-
sables s'opposent évidemment à ce que cette attribution soit présu-
méedans la notion normale de l'interprétation et de l'application
des lois et règlements. Aussi, en dehors du cas du Conseil d'Etat

français qui, au cours de sa jurisprudence de plus de 150 ans, a
élaborétant de théoriesqui constituent les assises du droit non écrit
qui est le droit administratif, une disposition formelle a toujours été
jugée nécessaire.

Or, la compétence destribunaux administratifs des organisations
internationales n'a rien de comparable à celle des diverses juridic-
tions nationales qui possèdent un système de Conseil d'Etat. Nul ne
conteste que la compétencedu Tribunal, telle que l'article II de son
Statut l'a établie, est une compétence d'attribution et qu'elle se
limite à l'inobservation des stipulations du contrat d'engagement

et du Statut du personnel. C'est mêmecette limitation qui est la
raison d'êtredu recours àl'avis de la Cour prévupar l'articleXII du
Statut du Tribunal.These provisions which recognize the doctrine of détoz~rnenzen dte
pouvoir entrust the necessary judicial control to the Conszil dJEtal
or to the Court of the Community.
Ifthese various laws have considered it necessary to malceexpress
provision for détournementdr pouvniv as an element of jurisdiction
and not as a substantive rule, that is because such a ground of
appeal cannot be regarded as automatic and because it is not a
necessary consequence of the general power of annulment conferred
on Conseilsd'Etat. This form of appeal in fact relates to the exercise
of the discretionary power of the Administration, and it involves,
independently of judicial control over the interpretation and

application of legislative provisions and regulations, a searching
enquiry into the purpose of such provisions and into the way in
which that purpose has been circumvented or disregarded, as well
as an enquiry into the reason for the misuse of the power.
There are indeed two possibilities: either in the absence of a
provision conferring special cornpetence in respect of détournement
or abus de pouvoir, these Conseilsd'Etat may exercise such a special
competence by virtue of their general power of annulment for
breach of the law, in which case it may be asked why, in framing
the Statutes establishing the Conseils, it was considered necessary
to make provision for such special competence, or such provision
was necessary and without it the Conseils could not exercise the
power in question. It is the second of these alternatives which
clearly must be accepted.
The seriousness of such interference in administrative matters
and of the substitution of the views of courts for those of respons-
ible administrators clearly militates against the presumption that

such a power can be deemed to be included within the normal
concept of the interpretation and application of laws and regyla-
tions. Accordingly, apart from the case of the French Conseild'Etat,
which in the course of the development of its case law over a period
of more than 150 years has elaborated so many theories which
constitute the foundations of that unwritten law, administrative
law, an express provision has always beeri considered necessary.
But the jurisdiction of the administrative tribunals of inter-
national organizations is in no way comparable to that of the
various national judicial systems which include a body of the
Conseil d'Etat type. No one will dispute that the jurisdiction of the
Tribunal, as defined by Article II of its Statute, is a limited juris-
diction and that it is restricted to questions of non-observance of
terms of appointment and of the Staff Regulations. It is this very
restriction which provides the raison d'êtrefor the procedure for
requesting an advisory opinion of the Court, which is provided for

by Article XII of the Statute of the Tribunal. Pouyrait-on, toutefois, considérer que n'étant pas un tribunal
entre Etats, pour lequel l'interprétation restrictive découledu prin-
cipe de la souveraineté des Etats, la compétence du Tribunal de
l'organisation internationaledu Travaildevrait êtreinterprétée lar-
gement surla base de la Charte et destendances modernes d'entourer
le statut des fonctionnaires de certaines garanties, ou devrait être
interprétée de manière à donner effet à la sécuritéde la fonction
internationale ?

Il est évident que la constitution de ce Tribunal, même avec une

compétence limitée(d'attribution), répond à ces tendances. Il s'agi-
rait alors de déterminer le point où cetteinterprétation large devrait
s'arrêterpour ne pas aboutir au changement du caractère du Tri-
bunal, d'un tribunal à compétence d'attribution à un tribunal de
pleine juridiction administrative avec des pouvoirs d'annulation
pour détournement de pouvoir. Cette interprétation extensive ou
effective n'aboutit donc à aucune conclusion précise.

Cette interprétation extensive ou effective se recommande d'au-
tant moins en l'espèceque la compétence du Tribunal administratif
de l'organisation internationale du Travail relativement au person-
nel de l'Unesco résulte d'un accord entrecette Organisation et l'Or-
ganisation internationale du Travail, qui autoriserait la première à

compter sur les limites précises dela compétence telle qu'elle a été
définie à l'article II, paragraphe5, du Statut du Tribunal.

Au demeurant, on ne conçoit pas qu'à une juridiction, qui débute
sans tradition et qui n'a pour mission que d'assurer le respect des
contrats et du statut d'un (civis lervic)een formation, il puisse être
octroyé des pouvoirs aussi larges que la notion de détournement de
pouvoir peut comporter, relativement à des chefs d'administration
(Secrétaire généralou Directeur général)soumis au contrôle hiérar-
chique des organes supérieurs (en l'expèce leConseil exécutif et la
Conférence générale de l'Unesco)et agissant sur les instructions ou
avec l'adhésion de ces organes.

Il est vrai que sous la Sociétédes Nations, M. Albert Thomas
suggérait d'instituer un tribunal administratif sur le modèle du
Conseil d'Etat français. Mais de la suggestion à la mise en Œuvre,
la question a passépar des commissions qui ne procédaient nulle-
ment de cette conception. On ne saurait donc se prévaloir de la
jurisprudence administrative ou du droit administratif dans les
différents pays pour attribuer aux tribunaux administratifs des
organisations internationales les mêmes pouvoirs qu'aux juri-
dictions nationales. Might it nevertheless be considered that since it is not a tribunal
deciding as between States, in which case a restrictive interpreta-
tion will be necessary as a result of the principle of the sovereignty

of States, the jurisdiction of the Tribunal of the International
Labour Organisation should be liberally interpreted on the basis
of the Charter and of the modern tendencies to provide certain
guarantees for the status of officials, or that it should be interpreted
in such a way as to provide security for the international civil
service ?
It is clear that the constitution of the Tribunal, even with its
limited competence (compétenced'attribution) reflects these tenden-
cies. It would then be necessary to determine at what point such a
liberal interpretation should cease in order not to bring about a
change in the character of the Tribunal, altering it from a tribunal
with a limited competence to one having full administrative juris-
diction including powers of annulment in cases of détournement
de pouvoir,Such a liberal or extensive interpretation would not thus
lead to any precise conclusion.
Such a liberal or extensive interpretation is the less acceptable
in the present case in that the jurisdiction of the Administrative
Tribunal of the International Labour Organisation, so far as the

staff of Unesco are concerned, is the result of an agreement between
the latter Organization and the International Labour Organisation
under which the former is entitled to rely on the precise limits to
the jurisdiction as defined in Article II, paragraph 5, of the Tribu-
nal's Statute.
Moreover, it is difficult to conceive that, in the case of a tribunal
starting out without any traditions and whose only function is to
ensure respect for the contracts and the status of a civil service in
the process of formation, it can have been the intention to grant it
powers as wide as those which may be involved by the concept of
détournementde pouvoir in relation to administrative heads (the
Secretary-General or Director-General), subject to the hierarchical
control of higher bodies (in this case, the Executive Board and the
General Conference of Unesco) and acting on the instructions or
with the agreement of those bodies.
It is true that in the days of the League of Nations M. Albert
Thomas suggested the establishment of an administrative tribunal

on the mode1of the French Conseild'État. But after this suggestion,
and before its implementation, the question passed through a
number of cornmittees which did not proceed on the basis of this
idea. It is not therefore possible to place reliance on administrative
decisions or on the administrative law of the various countries in an
effort to attribute to the administrative tribunals of international
organizations the same powers as are enjoyed by national legal
systems.
62 Le fait que le Tribunal a étédénomméTribunal administratif
ne lui confère pas automatiquement les attributions des Conseils
d'État dans les divers pays. Le Tribunal est administratif parce
qu'il n'a d'autres attributions que celles qui concernent l'ad-
ministration et les fonctionnaires. De sa nature intrinsèque, il
n'est rien d'autre qu'un organe judiciaire avec des attributions
limitées qu'il a à exercer de la mêmemanière que tout autre

tribunal judiciaire, c'est-à-dire qu'il aà interpréter et à appliquer
les dispositions du contrat d'engagement et du Statutdu personnel.
C'est le Tribunal lui-mêmequi le dit dans le sixième alinéa de
la partie de son jugement qui traite de la compétence.
Tout autre est le contrôle juridictionnel de l'exercice discré-
tionnaire des pouvoirs de l'administration, qui est une notion
spécifiqueet ne peut appartenir qu'à un ordre de juridiction qui
est liéeà l'administration de la manière dont sont liés les Conseils
d'État dans les divers pays qui ont adopté cette institution.

En effet, la dualité de leurs fonctions comme corps consultatif
et comme juridiction d'annulation, suivant .l'expression de
MM. Puget et Maleville, dans une étude sur la crevision des

décisionsadministratives sur recours des administrés D, entreprise
par l'Institut international des Sciences administratives, pour le
compte des Nations Unies (1g53), ccopère une conciliation peut-
être illogique mais hemeuse entre les nécessitéscontradictoires
de maintenir le juge administratif à l'écartdu pouvoir de décider
dans le déroulement de la marche des services et de le faire baigner
constamment dans les réalités de l'Œuvreadministrative ... Cette
dualité est garante d'un contact permanent avec la vie, favorise
la flexibilité et le progrès. L'administration et les administrés y
trouvent leur compte. ))

Non seulement la dualité des fonctions du Conseil d'État est
à la base de l'extension de sa compétence et de son contrôle

pénétrant sur les actes de l'administration, mais est aussi à la
base de cette extension et de ce contrôle, la dualité de juridiction
judiciaire et administrative: la première limitée à l'interprétation
et à l'application de textes préexistants, la seconde élaborant le
droit administratif, en grande partie droit non écrit, surtout au
point de vue de ses principes généraux.
Or, le cas du Tribunal administratif de llOrganis?tion interna-
tionale du Travail est tout autre qu'un Conseil dJEtat. C'est un
tribunal exclusivement judiciaire, bien qu'administratif de nom.
Nous ne sommes donc en présence d'aucune dualité de fonction
ou de juridiction.
La différenceentre le Tribunal et un Conseil d'État est fonda-
mentale et il ne peut en être autrement, tant en ce qui concerne

l'atmosphère dans laquelle le Tribunal exerce sa juridiction qu'en DISS. OPIN. OF VICE-PRES. BADAWI (OPIN. 23 X 56) 136
The fact that the Tribunal was called an administrative tribunal
does not automatically confer upon it the powers of Conseilsd'Etat
in various countries. The Tribunal is "administrative" because it

has no powers beyond those which relate to the administration
and the officials. By reason of this intrinsic character, it is nothing
more than a judicial organ with limited powers which it must
exercise in the same way as any other judicial tribunal, that is to
Say,it must interpret and apply the terms of appointment of officials
and the provisions of the Staff Regulations. The Tribunal itself
said soin the sixth paragraph ofthe section of the Judgment devoted
to competence.
An entirely different matter is the judicial control of the discre-
tionary exercise of the powers of the Administration; this is a
quite special matter which can only appertain to a type of court
which bears the same relationship to the Administration as do the
Conseils d'Etat in the various countries which have adopted that
institution.

In fact, the duality of their functions as an advisory body and
as a court having jurisdiction to annul decisions, in the words of
MM. Puget and Maleville, in a study on the "Revision des décisions
administratives sur recours des administrés", undertaken by the
Institut international des Sciences administratives for the United
Nations (1g53), "effects a conciliation which is perhaps illogical
but certainly felicitous between the contradictory necessities of
keeping the administrative judge apart from the power to decide
issues in the continua1 activity and operation of departments and
of allowing him to plunge constantly into the realities of adminis-
trative tasks...This duality ensures that he is at al1times in close
contact with living realities, and it is favourable to flexibility and
progress. Itis to the benefit both of those who administer and those
who are administered."

There is not only this duality of the functions of the Conseil
dJEtat as a basis for the extension of its competence and of its
control penetrating to the acts of the Administration, but as a basis
for this extension and control there is also the duality of a judicial
jurisdiction and an administrative jurisdiction: the former limited
to the interpretation and application of existing texts, the latter
developing administrative law, to a great extent unwritten law,
particularly from the point of view of its general principles.
The case of the Administrative Tribunal of the International
Labour Organisation is, however, something quite different from a
Conseil d'État. It is an exclusively judicial tribunal, although
administrative in name. There is not here, therefore, any duality
of function or of jurisdiction.
The difference between the Tribunal and a Conseil d'État is

fundamental, and it cannot be otherwise both as regards the
atmosphere in which the Tribunal exercises its jurisdiction and as 137 OPIN. DISS. DU VICE-PRÉS .ADAWI (AVIS 23 X 56)

ce qui concerne les conditions complexes de fonctionnement des
organisations internationales.
Pour justifier les pouvoirs extraordinaires dont les tribunaux
administratifs internationaux se déclarent être les dépositaires,
l'un des défenseurs de ce système, le professeur Georges Langrod,
parlant du Tanu (Tribunal administratif des Nations Unies), dit:
«Le Tanu, organisme judiciaire nouveau-né, àcompétencerestreinte
et sans traditions directes sur le terrain inter-gouvernemental
devrait non seulement imposer son autorité en face de tentatives
réitérées demettre en doute l'autorité de la chose jugée de ses

arrêts, c'est-à-dire entreprendre une mission d'ordre ccpédago-
gique », mais encore - en face de la pauvreté quant au fond et
de la fluctuation incessante quant à la forme du droit interne
des Nations Unies - dégager, presque ab nihilo, un véritable
droit jurisprudentiel à l'instar du prêteur romain. » (Rivista di
Diritto Internazionale, 1954, p. 245.) L'auteur de cette citation
n'indique pas les dispositions légales ou l'autorité qui légitiment
un pouvoir des tribunaux administratifs aussi étendu et aussi
prétorien. Cette conception des pouvoirs des tribunaux adminis-

tratifs est évidemment sans aucun fondement. L'état actuel du
droit administratif international ne lui donne aucune sanction
ou confirmation.
* * *
D'autres arguments ont étéinvoqués pour justifier la compétence

du Tribunal administratif de l'organisation internationale du
Travail pour exercer un contrôle juridictionnel sur les pouvoirs
discrétionnaires du Directeur général, tels que la statisque des
contrats à duréedéfinie, les circonstances spéciales de ces contrats,
la pratique générale(mais nullement absolue) de les renouveler l,
la nécessitéd'assurer la stabilité ou la sécurité dela fonction inter-
nationale. Ce sont des considérations d'ordre extra-légal, je dirai
mêmed'ordre politique. Les organisations internationales ont un
intérêtindiscutable à réglerces questions par des mesures générales

et ont des moyens plus efficaces pour les traiter que ne peuvent
les tribunaux administratifs à I'occasion de l'examen de cas indivi-
duels.
* * *

En faveur de la compétence du Tribunal de l'Organisation inter-
nationale du Travail, la jurisprudence des autrestribunaux adminis-
tratifs a étéparfois invoquée, notamment:
l N'ont étéexaminées parla Cour, ni débattues devant le Tribunal administratif,
la portée précise de cette pratique ou les données de fait qui s'y rattachent,
Ia part qui reviedans sa formationà l'examen dans chaque cas individuel des
conditions dnécessitéet de possession des qualités requises (travail, compétence
et intégrité). En tout cas, s'il est toujours recomdans l'interprétatden
textes dene pas s'en tenàrla seule lettre et de prendre en considération l'esprit
de ces textes, on ne saurait assimiler la soi-disant àrl'esprit des disposi-
tions du Statutdu personnel.
64regards the complex conditions of the functioning of international
organizations.
As justification for the extraordinary powers which international
administrative tnbunals claim to possess, one of the defenders of
the system, Professor Georges Langrod, speaking of the Adminis-
trative Tribunal of the United Nations, said: "The Administrative
Tribunal, that newborn judicial body, with limited jurisdiction and
without direct traditions on the inter-governmental plane, should
not only impose its authority in the face of repeated attempts to
cast doubt on the character of res judicata of its judgments, that is,
undertake a mission of a 'pedagogical' order, but it should go

farther-in view of the meagreness, so far as substance is concerned,
and of the endless fluctuation, so far as the form of the internal
Zawof the United Nations is concerned-and bring about, almost
ab nihilo, a real body of case law, as did the Roman praetor."
(Rivista di Diritto Internazionade, 1954, p. 245.) The author of
these words fails to indicate the legal provisions or the authority
which would justify such an extended and praetorian power of
administrative tribunals. This conception of the powers of adminis-
trative tribunals is obviously without any foundation. The present
state of international administrative law provides no sanction or
authority therefor.
*
* *
Other arguments have been invoked in order to justify the
competence of the Administrative Tribunal of the International
Labour Organisation to exercise a judicial control over the dis-
cretionary powers of the Director-General, such as the statistics
of fixed-term appointments, the special features of such appoint-

ments, the general (but by no means absolute) practice that
they are renewed l,the necessity of ensuring stability and security
within the international civil service. These are extra-legal, 1
might even Saypolitical, considerations. International organizations
have an undoubted interest in settling these questions by general
measures and have more effective means of dealing with them
than administrative tribunals, dealing with individual cases, can
possibly have.
* * *

In support of the jurisdiction of the Administrative Tribunal
of the International Labour Organisation, decisions of other
administrative tribunals have been cited, in particular:

Tribunaleof the precise scopof this practicor of the facts relevant thereto,e
namely, the part played in the formation of the practice by the examination in each
individualcase of the need for the services of the officia1 and his having achieved
the necessarystandards(of efficiency, competenand integrity). Iany event,
while it is always desirable in interprtexts not to have regard onlto the
letter of the provision butbear in mind the spirit of the texts, this so-called
practice cannot be assimilated to the spirit of the provisions of the Staff Regulations.138 OPIN. DISS. DU VICE-PRÉS. BADAWI (AVIS 23 x 56)

I.Howrani v. Secrétaire général des Nations Unies, jugement
no 4 - 14 septembre 1951.
2. Robinson v. Secrétaire généraldes Nations Unies, jugement
no 15 - II avril 1952.

3. Kergall v.European Coal and Steel Community, du 18 juillet
1955-
Sans entrer dans un examen détailléde ces jugements, il y a lieu
de noter qu'aucun de ces jugements n'a adopté aussi ouvertement
que les quatre jugements en question la doctrine de détournement
de pouvoir.

D'ailleurs, ni le Statut de'ces tribunaux, ni le Statut du per-
sonnel de ces organisationsne sont identiques au Statut du Tribunal
administratif de l'organisation internationale du Travail ou au
Statut du personnel de l'Unesco.
D'autre part, le Statut de la Communauté du Charbon et de
l'Acier donne expressément à la Cour de cette Communauté le
pouvoir d'annulation pour détournement de pouvoir dans certains
cas (art.33) (v. annexe).
Enfin, il'est difficile de comprendre comment la jurisprudence
de tribunaux du mêmeordre que le Tribunal administratif, dont
lesjugements sont soumis au contrôle de la Couret quin'avaient pas
étésanctionnés par cette Cour, puisse constituer une justification
de ces jugements.

Il importe encore de rappeler, au sujet de ces arguments ou des
arguments similaires rappelésaudébut de la présente opinion, qu'ils
n'ont pas étéinvoquéspar le Tribunal administratif lui-même,lequel
s'est placésur un terrain entièrement différent, celuinon d'un droit
du fonctionnaire, mais d'un fait illicite se rattachant l'exercice du
pouvoir du Directeur général: le détournement de pouvoir.

La mission de la Cour étant de donner un avis sur la contestation
d'une décision concrète du Tribunal affirmant sa compétence,
l'avis devrait naturellement porter sur les motifs pour lesquels le
Tribunal a retenu sa compétence.'En général,sa mission ne devrait
pas êtred'examiner et de juger proprio motu cette compétence.

Cette limitation s'impose, surtout dans le cas où le Tribunal
adopte un élément de compétence,tel que le détournement de

pouvoir, qui ne lui a pas étéattribué, en guise de motif de fond. 1. Howrani v. Secretary-General of the United Nations, Judg-
ment No. 4-September 14th, 1951.
2. Robinson v. Secretary-General of the United Nations, Judg-
ment No. 15-April fi th,1952.

3. Kergall v. European Coal and Steel Community-July 18th, '
1955.

Without examining these judgments in detail, it may be pointed
out that none of these judgments adopted the doctrine of détour-
nement de pouvoir as openly as the four judgments now in
question.
~Moreover, neither the Statutes of these Tribunals nor the Staff
Regulations of these Organizations are identical with the Statute
of the Administrative Tribunal of the International Labour
Organisation and the Staff Regulations of Unesco.
Furthermore, the instrument establishing the European Coal
and Steel Community expressly confers on the Court of the
Community the power of annulment on the ground of détournement
de pouvoir in certain cases (Art. 33) (see Annex).
Finally, itis difficult to see how the decisions of tribunals of
the same standing as the Administrative Tribunal, whose judgments

are subject to review by the Court, decisions never sanctioned by
this Court, can serve as authorities justifying the present
judgments.

It is necessary to remember in connexion with these arguments
and similar arguments referred to at the beginning of the present
Opinion that they were not relied on by the Administrative
Tribunal itself, which placed itself on an altogether different
ground, that not of a right of the officia1but of a wrongful act
relating to the exercise of the Director-General's power-détour-
nement de pouvoir.

Since the task of the Court is to give an Opinion on the challenge
raised against a concrete decision of the Tribunal confirming its
cornpetence, the Opinion should naturally relate to the grounds on
which the Tribunal held that it had jurisdiction. In general, the
Court's rôle should not be to examine the Tribunal's jurisdiction
and to adjudicate upon it proprio motu.
This limitation is necessary particularly in a case where the
Tribunal adopted an element of jurisdiction such as détournement
de fiouvoir, which has not been conferred upon it, in the guise of a
ground for its finding on the merits.

55 OPIY. DISS. DU VICE-PRÉS. BADAWI (4~1s 23 X 56)
139
Son jugement sur le fond a donc étéinfluencépar cette attribu-
tion arbitraire de compétence. Il en est résulté une confusion
inextricable entre compétence et fond.
La Cour a déclaré à plusieurs reprises qu'elle n'a pas à donner

d'avis sur le fond des affaires dont les jugements lui sont soumis,
mais elle a cherché en mêmetemps des bases pour la compétence du
Tribunal, autres que celles retenues par celui-ci.

Or, en reconnaissant cette compétence, sur des bases différentes,
l'avis de la Cour ne peut manquer de revêtir le jugement du Tribu-
nal sur le fond d'une sanction que la Cour n'a nullement eu
l'intention d'accorder.
En effet, en admettant mêmeque le Tribunal ait fondésa compé-
tence sur la base de la pratique en matière de contratà duréedéfinie,
de la place spéciale qu'elle occupe dans les organisations interna-

tionales, de la note du6 juillet1954 ,l n'aurait pu, sans l'aide de la
doctrine de détournement de pouvoir, que rejeter la demande des
fonctionnaires. Ni la pratique, ni le lien juridique entre le renouvel-
lement et le contrat initial ou les effets légauxque le contratdurée
définie ne cesse de produire à l'échéance,ni l'examen du contrat
d'engagement, ou du Statut, ou du Règlement du personnel,
ou de la note du 6 juillet, n'auraient pu fournir au Tribunal la base
d'un droit résultantd'une inobservationde stipulations du contrat ou
du Statut.

Le Tribunal semble avoir fait ce tour lui-même, maisil n'a pu en

tirerqu'ccun espoir légitimepour le fonctionnaire qui réunit toutes
les qualités requises de se voirofirir un nouvel engagement dans les
fonctions qu'il occupait D.
Seul le détournement de pouvoir - compétence spécialequ'il ne
possédait pas - a pu lui fournir les bases de son jugement.

Dans les conditions où fonctionnent les organisations interna-

tionales, des erreurs sont possibles. Mais ces erreurs, quelque graves
qu'elles puissent être,ne sauraient justifier une extension de juridic-
tion des tribunaux administratifs internationaux contraire à leur
Statut, aux conditions de leur fonctionnement ainsi qu'à celles des
organisations internationales.
La période de formation par laquelle l'administration interna-
tionale passe en ce moment ne manquera pas d'arriver à un terme.
C'est alors que l'adoption des règlesapplicables dans les juridictions
administratives nationales pourra êtrepossible et réalisable. Parmi
ces règles, le détournement de pouvoir pourrait devenir une partie
du droit de l'avenir. C'est ce que souhaiterait le professeF. Chiesa,

dans un rapport présentéau IXmeCongrèsinternational des Sciences The Tribunal's judgment on the merits has thus been influenced
by this arbitrary arrogation of jurisdiction. The result is an inextri-
cable confusion betn-een jurisdiction and merits.
The Court has several times stated that it is not called upon to
give an Opinion on the merits of the case the judgments of which
have been submitted to it, but it has at the same time sought bases
for the jurisdiction of the Tribunal other than those relied upon by
the Tribunal itself.
In upholding the jurisdiction of the Tribunal, honever, on differ-
ent grounds, the Opinion of the Court cannot fail to clothe the
Tribunal's judgment on the merits with an authoriti- in no n-ay
intended by the Court.
In fact, even if the Tribunal had founded its jurisdiction on the

practice with regard to fised-term appointments, on the special
position which that practice occupies in international organizations,
on the Memorandum of July 6th, I9j4, it could not, without the
assistance of détozrrizenzendte poiraoir, have done otherwise than
dismiss the complaints of the officials. Seither the practice, the
legal relationship between renewal and the original contract or the
legal effects\\,hich a fixed-term appointment continues to produce
after its expiry, nor an examination of the terms of appointment or
of the Staff Regulations or of the Rules or of the ~lemorandum of
July 6th, would have provided the Tribunal with a basis for n riglzt
restllting from non-obsercauceof the terms of appointment or of the
provisions of the Staff Regulations.
The Tribunal seems to have examined al1these possibilities itself.
But al1 it could deduce was "that an officia1who combines al1 the
necessary qualities has a legitimate expectancy (espoir légititize)of
being offered a nen- appointment in the position which he occupied".
A déto1lrne~ized net pollroir alone-a special competence which it

did not possess-was able to provide the Tribunal n-ith the bases
for its Judgment.

In the conditions in n-hich international organizations operate,
mistakes are possible. But these mistakes, however serious they
may be, cannot justify an esterision of the jurisdiction of inter-
national administrative tribunals n-hich is contrary to their Stat-
utes, to the conditions in which they operate and to the conditions
in which international organizations operate.
The formative period through \\-hich international administra-
tion is at present passing \vil1in due course come to an end. It is
then that it n-il1be possible and practicable to adopt rules which
are applicable to national administrative courts. Among such rules,
that relating to dStoirnietwe)if epozrvoirmight become a part of the
law of the future. That it ni11 is the hope expressed by Professor

F. Chiesa, in a report to the Sinth International Congress of Admin-
66 OPIN. DISS. DU VICE-PRÉS. BADAWI (AVIS 23 X 56)
140
administratives, 1953, et publié dans la Revue internationale des
Sciences administratives, 1954, no 1, page 67:

((De plus, tous les tribunaux administratifs devraient êtreinves-
tis d'une compétence générale de légitimité relative à tous les
actes administratifs accomplis par l'organisation des Nations Unies
et les autres Organisations internationales, afin d'éliminer du
domaine du droit toutes les mesures viciéespar incompétence, abus
de pouvoir ou violation des statuts et autres règlements, ainsi que
d'une compétence de mérite (d'appréciation) afin d'accorder aux
tribunaux la possibilité de procéder à l'examen du fond du litige
et du droit qu'il met en cause. »
Sommairs ((In the present situation, it is not yet justifiable to think of an
anglais établi administrative jurisdiction, on an international level, in terms of its
laRatte definition as it is given in national legal texts. Most of the inter-
elle-même. national administrative jurisdictions now in existence are confined
in their competence to litigations pertaining to international
officialdom,whereas it should be permissible to refer to a judge the
question of whether or no an organ of an international organisation
has exceeded its powers or has misused its competence within its
powers. »

Mais jusqu'alors, c'est au législateur international et non au Tri-
bunal administratif qu'appartient le droit ou incombe le devoir de
choisir la doctrine du droit public (détournement de pouvoir) ou du
droit privé (abus de droit) qu'il a plu au Tribunal administratif de

cumuler dans un des attendus de son jugement.

Pour toutes ces considérations, j'estime, en ce qui concerne la
question 1, que le Tribunal administratif de l'Organisation interna-
tionale du Travail était incompétent parce que le fondement essen-
tiel, sur la base duquel il s'est déclaré compétent, est ce qu'il a
appelé les (conditions implicites ))du pouvoir du Directeur général,

postulat destiné à lui permettre de connaître des actes réservés à sa
discrétion, en vue de les soumettre à un contrôle juridictionnel et
d'annuler ces actes administratifs discrétionnaires pour détourne-
ment de pouvoir. Cette compétence ne lui a pas étéaccordée par
l'article II de son Statut.
La question II ne se pose pas.
La réponse à la question III est que le jugement, fondé sur une
base inexistante, est entaché de nullité.

(Signé) BADAWI.istrative Sciences, 1953, which is published in the Revue inter-
nationale desSciencesadministratives, 1954, no 1, page 67 :

"Moreovez, al1administrative tribunals should be given a general
jurisdiction to control the validity of al1 administrative measures
in order to eliminate from the field of law al1measures vitiated by
lack of competence, abus depouvoir or breach of the regulations or
rules, as well as a jurisdiction of appraisal, a jurisdiction on the
merits, to enable the tribunals to proceed to a consideration of the
substance of the case and the law involved."

"In the present situation, it is not yet justifiable to think of anSummar.1~O/
administrative jurisdiction, on an international level, in termç of ithe artzcle
national administrative jurisdictions now in existence are confinedr-PnPnnzlTsh
in their competence to litigations pertaining to international Rn'Ue
officialdom,whereas it should be permissible to refer to a judge the
question of whether or no an organ of an international organisation
has exceeded its powers or has misused its competence within its
powers."

But until then it is to the international legislator and not to the
administrativetribunal that the right orthe duty pertains to choose
the public law doctrine (détournementde pouvoir) or the private
law doctrine (abw dedroit) which the Administrative Tribunal saw
fit to include together in one of the recitals of its Judgment.

For al1 these reasons, 1 am of opinion, so far as Question 1 is
concemed, that the Administrative Tribunal of the International
Labour Organisation was not competent, because the essentialbasis
on which it held itself competent is what it called the "implied
conditions" of the Director-General's power, a postulate designed
to enable it to deal with acts reserved forhis discretion, in order to
submit them to judicial review and to rescind these discretionary
administrative acts on the ground of a détournementde pouvoir.
Such a competence was not conferred upon it by Article II of its
Statute.
Question II does not arise.
The reply to Question III is that the Judgment, based on a
foundation which does not exist, are nullities.

(Signed) BADAWI. A~ztzexe
Grèce
Loi du 22 décembre 1928.
Article 22.
.........................

(Le Conseil siège en séance plénière :
n) lorsqu'il examine les recours en annulation des actes administratifs
pour excès de pouvoir ou pour violation d'une loi. 1)
Turquie
Loi du 26 décembre 1938.
Article II.

(Les fonctions du Conseil d'État consistent :
.........................
d) à instruire et à solutionner les procès et les recours en matière
contentieuse administrative. »

.-lrticle 23.
(Sont examinés souverainement et résolusde façon définitive par les
Sections du contentieux les cas et particularités ci-après :
A. Les instances forméespar ceux qui se croient lésésdu chef des
actes et des décisionsd'ordre administratif relativement à des

questions restant en dehors de la compétence des tribunaux
judiciaires ;
........................
C. Les demandes d'annulation formées par ceux qui se croient
êtrelésés du chef des actes et des décisionsd'ordre administratif,
qui seraient en opposition avec les dispositions des lois et des
règlements en ce qui concerne leur but et leur fond, et au point
de vue de la procédure et de la compétence ; 1)

Belgique
Loi du 23 décembre 1946.
Clzapitre II. - Des arrêts.
((9. La section d'administration statue par voie d'arrêts sur les
recours en annulation pour violation des formes soit substan-
tielles, soit prescritesà peine de nullité, excès ou détournement
de pouvoir, forméscontre les actes et règlements des diverses

autorités administratives ou contre des décisionscontentieuses
administratives. »

Egypte
Loi sur le Conseil d'État de 1946, modifiée en 1949.
-4rticle 3.

(1La Cour du contentieux administratif est seule compétente pour
statuer sur les questions ci-après et a, en ce qui les concerne, pleine
juridiction.
........................
O. Les recours forméspar les particuliers ou par les organismes en
anniilation de décisions administratives définitives.
Les recours mentionnés aux numéros 3, 4, 5, 6 doivent être
fondéssur l'incompétence ou sur un vice de forme, ou sur une
violation ou une fausse application ou interprétation des lois
ou règlements, ou sur un détournement de pouvoir. » Annex
Greece
Law of December zznd, 1928.
Article 22.
.........................
"The full Council shall sit :

(a) when considering applications for rescission of administrative
measures on the ground of excts de pouvoi~,or for breach of a law."
Turkey
Law of December 26th, 1938.
-4rticle II.
"The functions of the Conseil d'État include :

(d) dealing with and deciding applications and appeals in contentious
administrative matters."
Article 23.
"The Sections du contentieux shall finally and definitively consider
the followina-matters :
A. Proceedings brought by those claiming to have suffered injury as
a 1-esultof acts and decisions of an administrative character
relating to questions outside the jurisdiction ofjudicial tribunals ;

...................... ./.
C. Proceedings for annulment brought by those claiming to have
sufferedinjury asaresult ofactsand decisionsof anadministrative

character alleged to be in conflict with the provisions of laws and
regulations, so far as their purpose and their siibstance are con-
cerned, and from the point ofview ofprocedure and jurisdiction;"
Helgium
Law of December 23rd, 1936.
Clzapter II.- Judgments.
"9. The Administrative Section shall adjudicate by means of judg-
ments on claims for annulment 011 the ground of a defect of
procedurewhich isofasubstantial characterorwhere the sanction
for departure therefrom is annulment, on the ground of excèsor
détournementdepouvoir, alleged against the acts orregulations of
the various administrative authorities or against contentious
administrative decisions."

Egypt
Law of 1946 on the Conseil d'État, as amended in 1949.
d rticle 3.
"The Contentious Administrative Court isalone competent to adjiidi-
cate upon the followingquestions and possesses nnlimited jurisdiction
over these questions.
.......................
6. Appeals lodged by private perçons or corporate bodies for the
rescission of final administrative decisions.
The appeaEsreferred to under 3, 4, 5, 6must be based on lack
of jurisdiction, on a forma1 defect or on a breach or erroneous
application or interpretation of laws or regulations, or on a
détournemsrrtde pouvoir."

68142 OPIN. DISS. DU VICE-PRÉS. BADAWI (AVIS 23 X 56)

Traitéinstituant la Communauté européennedu Charbon et de l'Acier, du
18 az~ri1951
Article 33.
((La Cour est compétente pour se prononcer sur les recours en annu-
lation pour incompétence, violation des formes substantielles, vio-
lation du Traité ou de toute règlede droit relative son application,

ou détournement de pouvoir, forméscontre les décisionset recom-
mandations de la Haute Autorité par un des Etats membres ou par
le Conseil. Toutefois, l'examen de la Cour ne peut porter sur l'appré-
ciation de la situation découlant des faits ou circonstances écono-
miques au vu de laquelle sont intervenues lesdites décisions ou
recommandations, sauf s'il est fait grief à la Haute Autorité d'avoir
commis un détournement de pouvoir ou d'avoir méconnu d'une
manière patente les dispositions du Traité ou toute règle de droit
relative à son application.
Les entreprises ou les associations visées à l'articl48 peuvent
former, dans les mêmes conditions, un recours contre les décisions
et recommandations individuelles les concernant ou contre les
décisionset recommandations générales qu'elles estiment entachées
de détournement de pouvoir à leur égard.
Les recours prévus ailx deux premiers alinéas du présent article

doivent êtreformés dans le délai d'un mois à compter, suivant le
cas, de la notification ou de la publication de la décision ou recom-
mandation. 1)Treaty establishing the Europea~zCoaland Steel Community, of A pril 18th,
1951
Article33.
"The Court shall have jurisdiction over appeals by a member State or
by the Council for the annulment of decisions and recommendations
of the High Authority on the grounds of lack of legal competence,
major violations of procedure, violation of the Treaty or of any rule
of law relating to its application, or abuse of power. However, the
Court may not review the High Authority's evaluation of the situa-
tion, based on economic facts and circumstances, which led to such
decisions or recommendations, except where the High Authority is
rtlleged to have abused its powers or to have clearly misinterpreted

the provisions of the Treaty or of a rule of law relating to its
application.

The enterprises, or the associations referred to in Article 48,
shall have the right of appeal on the same groundsagainst individual
decisions and recommendations affecting them, or against general
decisions and recornmendations which they deem to involve an
abuse of power affecting them.
The appeals provided for in the first two paragraphs of the present
article must be lodged within one month from the date of noti-
fication of publication, as the case may be, of the decision or
recomniendation."

Document file FR
Document Long Title

Opinion dissidente de M. Badawi

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