Opinion individuelle de Sir Muhammad Zafrulla Khan (traduction)

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030-19561023-ADV-01-03-EN
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030-19561023-ADV-01-00-EN
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OPINION INDIVIDUELLE DE SIR lIIIHAM3IAD
ZAFRULLA KHAN
jT~nductio?z]

Je suis d'accord, d'une fa~on générale,avec le raisonnement de
ceux de mes collèguesqui estiment que la Cour ne devrait pas rendre
un avis en cette affaire. Je désirecependant énoncerbrièvement la
principale considération qui, à mon sens, aurait dû empêcher la
Cour de rendre irn avis.
La Cour est un organe judiciaire et, mêmedans l'exercice de sa
fonction consultative, elle doit se conformer aux exigences de son
caractère judiciaire.
Le caractère judiciaire de la fonction que la Cour est appelée à
remplir exige notamment que les deux parties directement affectées
par les procédures qui se déroulent devant elle soient; tous égards,

en position d'égalité,y compris au point de vue de l'exposéde leurs
vues et de leurs arguments devant la Cotir.
Dans le cas actuel, par le jeu du Statut et du Règlement de la
Cour, l'L7nescoest autorisée à présenter ses vues par écritet à déve-
lopper des conclusions orales devant la Cour. Les fonctionnaires
intéressés n'enont pas le droit.
On a tenté de surmonter cette difficultéen adoptant une procé-
dure par laquelle les observations des fonctionnaires ont étémises
à la disposition de la Cour par l'intermédiaire de l'Unesco et en
renonçant à la procédure orale. L'une et l'autre dc ces méthodes
prêtent à de sérieusesobjections et, en tout cas,leur adoption même
n'a pas placé lesparties dans une position d'égalitécomplète.
, Il est vrai qu'on n'a soulevé aucune objection à l'adoption de
cette procédure pour le compte des fonctionnaires intéressés, mais

cela ne dispense pas pour autant la Cour de la responsabilité de
s'assurer que les parties directement affectéespar le résultat de la
procédure devant elle sont placées en position d'égalité complète.
üne procédure d'après laquelle l'une des parties intéressées de façon
vitale aux résultats de la procédure ne Peut faire connaître ses vues
à la Cour que par la faveur de son adversaire et par l'intermédiaire
de celui-ci ne mériteguère d'êtredéfiniecomme une procédure judi-
ciaire. A mon avis, la Cour ne devrait pas favoriser l'adoption d'une
teIle procédure.
En se passant de la procédure orale, la Cour s'est privée d'un
moyen d'obtenir une aide utile dans l'exercice de l'une de ses fonc-
tions judiciaires. On n'a pas renoncéà la procédure orale parce que
la Cour a considéréque, par ce moyen, elle ne pouvait recevoir
aucune assistance, mais parce qu'il n'y avait pas de moyen de redres-

ser l'inégalitédes parties au point de vue de la procédure orale.
Bien que la Cour eût fait savoir qu'elle avait décidéde renoncer
à la procédure orale, tout Etat ou organisation internationale admisà comparaître devant la Cour pouvait, aux termes de l'article 66,
paragraphe 2,du Statut, solliciter de la Cour une audience orale. Si
pareille demande s'était présentée, laCour se serait trouvée en face
d'un dilemme. Il eût étédifficile de rejeter la demande. L'accorder
aurait signifiéque la Cour se serait parà mise dans l'impossibilité
de rendre un avis. Si la Cour peut rendre un avis dans l'affaire
actuelle, c'est qu'elle n'a reçu aucune demande d'audience orale.
Cela signifie que, dans des hypothèses comme le cas actuel, un seul
Etat ou une seule organisation internationale ayantecu notification
en vertu du paragraphe 2 de l'article66,peut exercer un veto sur
l'autorité de la Cour de rendre un avis. Selon mon humble opinion,
la Cour ne devrait pas répondre à une demande d'avis consultatif

dans un cas où il est nécessairede recourià de tels procédéset à de
tels artifices.

(Signé) ZAFRCLL KAHAN.

Bilingual Content

SEPARATE OPINION OF SIR MUHAMMAD
ZAFRULLA KHAN

1 am in general agreement with the reasoning of those of my
colleagues who hold the view that the Court should not deliver an
Opinion in this case. 1 desire, however, to set down briefly the
principal consideration which in my view should have prevented the
Court from proceeding to deliver an Opinion.
The Court is a judicial body and in the exercise eveil of its
advisory jurisdiction it inust fulfil the requirements of its judicial
character.
The judicial character of the function which the Court is called

upon to perform requires, inter alia, that both sides directly affected
by the proceedings before the Court should occupy a position of
equality in al1respects, including the submission of their views and
their arguments to the Court.
In the present case, under the Statute and the Rules of the Court,
Unesco is entitled to submit its views in writing,and to make oral
submissions to the Court. The officialsconcerned are debarred from
doing so.
This difficulty has been sought to be met by the adoption of a
procedure under which the observations of the officials were made
available to the Court through the intermediary of Unesco and by
dispensing with oral proceedings. Both these courses are open to
serious objection and, in any event, even their adoption did not put
the parties in a position of complete equality.
It is true that no objection was raised on behalf of the officials
concerned to the adoption of this procedure. This does not, however,
absolve the Court from its responsibility of ensuring that parties

directly affected by the result of the proceedings before the Court
should be placed in a position of complete equality. A procedure
under which one of the parties vitally concerned in the result of the
proceedings can sixbmit its views to the Court only by favour of and
through its opponent can scarcely be described as judicial. In my
opinion the Court should not countenance the adoption of such a
procedure.

By dispensing with oral proceedings the Court deprived itself of
a means of obtaining valuable assistance in the discharge of one of
its judicial functions. Oral proceedings were dispensed with not
because the Court considered thât it could not receive any assistance
through that means, but because the inequality of the parties in
respect of oral hearings could not be remedied in any manner.
Even though the Court intimated that it had decided to dispense
with oral hearings, it was open to any of the States or international OPINION INDIVIDUELLE DE SIR lIIIHAM3IAD
ZAFRULLA KHAN
jT~nductio?z]

Je suis d'accord, d'une fa~on générale,avec le raisonnement de
ceux de mes collèguesqui estiment que la Cour ne devrait pas rendre
un avis en cette affaire. Je désirecependant énoncerbrièvement la
principale considération qui, à mon sens, aurait dû empêcher la
Cour de rendre irn avis.
La Cour est un organe judiciaire et, mêmedans l'exercice de sa
fonction consultative, elle doit se conformer aux exigences de son
caractère judiciaire.
Le caractère judiciaire de la fonction que la Cour est appelée à
remplir exige notamment que les deux parties directement affectées
par les procédures qui se déroulent devant elle soient; tous égards,

en position d'égalité,y compris au point de vue de l'exposéde leurs
vues et de leurs arguments devant la Cotir.
Dans le cas actuel, par le jeu du Statut et du Règlement de la
Cour, l'L7nescoest autorisée à présenter ses vues par écritet à déve-
lopper des conclusions orales devant la Cour. Les fonctionnaires
intéressés n'enont pas le droit.
On a tenté de surmonter cette difficultéen adoptant une procé-
dure par laquelle les observations des fonctionnaires ont étémises
à la disposition de la Cour par l'intermédiaire de l'Unesco et en
renonçant à la procédure orale. L'une et l'autre dc ces méthodes
prêtent à de sérieusesobjections et, en tout cas,leur adoption même
n'a pas placé lesparties dans une position d'égalitécomplète.
, Il est vrai qu'on n'a soulevé aucune objection à l'adoption de
cette procédure pour le compte des fonctionnaires intéressés, mais

cela ne dispense pas pour autant la Cour de la responsabilité de
s'assurer que les parties directement affectéespar le résultat de la
procédure devant elle sont placées en position d'égalité complète.
üne procédure d'après laquelle l'une des parties intéressées de façon
vitale aux résultats de la procédure ne Peut faire connaître ses vues
à la Cour que par la faveur de son adversaire et par l'intermédiaire
de celui-ci ne mériteguère d'êtredéfiniecomme une procédure judi-
ciaire. A mon avis, la Cour ne devrait pas favoriser l'adoption d'une
teIle procédure.
En se passant de la procédure orale, la Cour s'est privée d'un
moyen d'obtenir une aide utile dans l'exercice de l'une de ses fonc-
tions judiciaires. On n'a pas renoncéà la procédure orale parce que
la Cour a considéréque, par ce moyen, elle ne pouvait recevoir
aucune assistance, mais parce qu'il n'y avait pas de moyen de redres-

ser l'inégalitédes parties au point de vue de la procédure orale.
Bien que la Cour eût fait savoir qu'elle avait décidéde renoncer
à la procédure orale, tout Etat ou organisation internationale admisII5 SEP. OPIS. OF SIR SI. ZAFRULLX KHAK (OPIK.23 X 56)

organizations entitled to appear before the Court, under paragraph 2
of Article 66 of the Statute, to request the Court for an oral hearing.
If such a request had been received, the Court would have been
confronted with a dilemma. It would have found it difficult to refuse
the request. To grant it would have meant that the Court would
thereby have disabled itself from delivering an Opinion. The Court

finds itself able to deliver an Opinion in this casecause no request
for an oral hearing has been received. This means that in cases like
the present, a single State or international organization to whom
notice is sent under paragraph 2 of Article 66 can exercise a veto
upon the Court's authority to deliver an Opinion. In my humble
view, the Court should not comply with a request for an Advisory
Opinion in a case which necessitates its having recourse to such pro-
cedures and devices.

(Signed) ZAFRULLA KHAN.à comparaître devant la Cour pouvait, aux termes de l'article 66,
paragraphe 2,du Statut, solliciter de la Cour une audience orale. Si
pareille demande s'était présentée, laCour se serait trouvée en face
d'un dilemme. Il eût étédifficile de rejeter la demande. L'accorder
aurait signifiéque la Cour se serait parà mise dans l'impossibilité
de rendre un avis. Si la Cour peut rendre un avis dans l'affaire
actuelle, c'est qu'elle n'a reçu aucune demande d'audience orale.
Cela signifie que, dans des hypothèses comme le cas actuel, un seul
Etat ou une seule organisation internationale ayantecu notification
en vertu du paragraphe 2 de l'article66,peut exercer un veto sur
l'autorité de la Cour de rendre un avis. Selon mon humble opinion,
la Cour ne devrait pas répondre à une demande d'avis consultatif

dans un cas où il est nécessairede recourià de tels procédéset à de
tels artifices.

(Signé) ZAFRCLL KAHAN.

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