Opinion individuelle de M. Klaestad (traduction)

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030-19561023-ADV-01-02-EN
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030-19561023-ADV-01-00-EN
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A mon avis, la Cour n'aurait pas dû donner l'avis qui lui est
demandé et ce pour les raisons suivantes :
1. La présente demande d'avis consultatif, qui est introduite
en vertu de l'article XII du Statut du Tribunal administratif de
l'Organisation internationale du Travail,porte surquatre jugements

que ce Tribunal a rendus dans des affaires contentieuses portées
devant lui contre l'Unesco par quatre anciens fonctionnaires de
cette Organisation. L'Unesco, sous forme d'une demande d'avis
consultatif, conteste la validité des jugements, en alléguant que
le Tribunal n'était pas compétent ou qu'il a dépassésa compétence.
La méthode judiciaire normale pour contester des jugements
rendus par le Tribunal administratif, dans des affaires conteil-
tieuses entre une organisation internationale et des personnes
privées, consisterait en une revision en procédure contentieuse.
Toutefois, comme l'article 34 du Statut de la Cour permet aux
Etats seulement, et non aux organisations internationales ou
aux personnes privées, de comparaître devant la Cour en qualité

de parties à une procédure contentieuse, la possibilité d'une telle
revision par la Cour serait exclue. Dans ces conditions, l'article XII
du Statut du Tribunal administratif de l'Organisation inter-
nationale du Travail a pour objet de prévoir une autre méthode
pour soumettre à la Cour la question de la validité des jugements
du Tribunal administratif, à savoir la voie d'une demande d'avis
consultatif portant sur des questions relatives à la compétencc
du Tribunal ou xà une faute essentielle dans la procédure suivie ».
Ainsi, les quatre affaires auxquelles ont trait les questions posées
à la Cour et qui, par leur nature même,étaient des affaires conten-
tieuses portéesdevant le Tribunal administratif ont, par l'opération
de l'article XII du Statut de ce Tribunal, été transformées en
affaires de caractère consultatif devant la Cour, avec cette modi-

fication apportée B la procédure consultative usuelle, que l'avis
donné par la Cour en vertu de l'article XII, paragraphe 2, a
force obligatoire. Cette transformation d'une procédure conten-
tieuse devant le Tribuiial administratif en une procédure consul-
tative devant la Cour entraîne, au point de vue de la procédure,
des conséquences sérieuses.
II ressort des,dispositions de l'article66 du Statut de la Coür
que, seuls, les Etats et les organisations internationales ont accès
à la Cour en procédure consultative. Les personnes privées n'ont
pas le droit de participer à la procédure engagée clevant la Cour.
Conformément à cet article, la Cour ne peut recevoir d'exposés
écrits ou oraux que d'États ou d'organisations internationales.

36 OPIS. ISDIV. DE AI. KLAXSTAD (AVIS 23 x 56) II0

Le droit n'a nas étéaccordé aiix Dersonnes rivées de soumettre
à la Cour des exposés écrits, ni de comparaître oü de çe fair?
représenter à l'audience pour y prononcer des exposés oraux
relatifs aux questions posées à la Cour à fiil d'avis consultatif.
Les dispositions de l'article66 n'ont pas doniléaux quatre anciens
fonctionnaires de l'Enesco l'occasion de défendre leurs intérêts ;
et cependant, ils sont directement intéressés à la matière dont la
Cour traite et ils seront directement affectés pal- son avis.

L'article XII, paragraphe 2, du Statut du Tribunal administratif
n'en dispose pas moins que l'avis de la Cour aura force obligatoire.
fin de porter remède à cette situation évidemment inacceptable,
l'Unesco a proposé que les observations et renseignements que les
quatre anciens fonctionnaires désireraient éventuellement sou-
mettre à la Cour fussent transmis à l'Organisation qui, sans en
examiner le contenu. les transmettrait à la Cour dans les délais
fixés. Cette proposithn a étéacceptée par le conseil des quatre
anciens fonctionnaires, qui s'y est conformé. Xlais un expédient
de cette nature n'assure pas l'égalitéde statut nécessaire, en
droit et en fait, entre l'Organisation, d'une part, et des personnes
privées intéressées,de l'autre, étant donné que les personnes
privées auraient forcément à dépendre de l'organisation - leur
adversaire dans les différends soumis au Tribu~lal administratif

- pour la présentation à la Cour de leur point de vue.
La auestion relative aux débats oraux urésente des difficultés
encore'pl~~sgrandes. Comme l'article 66 di Statut ne permet pas
à des personnes privées de comparaître devant la Cour ou d'être
représentées à l'audience, la Cour, si elle avait tenu des audiences,
eût dû envisager la possibilité que l'vnesco s'y présente et défende
son point de vue en l'absence des quatre anciens fonctionnaires
ou de leur représentant, ceux-ci n'étant pas autorisés à y par-
ticiper. Pour prévenir une telle éventualité et pour assurer dans
toute la mesure possible l'égaliténécessaire entre l'Organisation
et les personnes privées iiitéressées,la Cour s'est trouvée obligée
de renoncer aux audiences dans la présente procédure consul-
tative, encore que l'article 66 prévoit que la Cour peut tenir des

débats oraux et nonobstant le fait que jusqu'ici, dans toutes les
affaires consultatives, considéréespar cette Cour, des audiences
ont étéordonnéescomme une partie normale et utile, sinon indispen-
sable, de la procédure.

II. L'articleXII du Statut du Tribunal administratif de l'Or-
ganisation internationale du Travail, en vertu duquel la demande
d'avis a été introduite, dispose que, dans tous les cas où le Conseil
exécutif d'une, organisation internationale, qui a fait la déclaration
prévue à l'article II, paragraphe j, conteste une décisi011du
Tribunal affirmant sa compétence ou considère qu'une décision
du Tribunal est viciéepar une faute essentielle dans la procédure
suivie, la q~iestion de la validité de la décision sera soumise par OPIN. IXDIV. DE M. KLAESTAD (AVIS 23 x 56) III

le Conseil exécutif intéressé,pour avis consultatif, à la Cour
internationale de Justice. Bien que les décisions du Tribunal
administratif portent sur des différends entre une organisation
internationale et des personnes privées, seule l'organisation
possède le droit de contester de cette manière la validité des
décisions. Les autres parties aux différends, les personnes privées,
ne disposent pas du droit correspondant de contester la validité
d'une décision. La raison de cette inégalité manifeste peut être
partiellement due au Statut de la Cour, qui ne permet pas à des
personnes privées d'introduire une requête pour avis consultatif.

Les dispositions de l'articleXII ont donc créé une inégalité mani-
feste entre les parties à un différendsur lequel le Tribunal adminis-
tratif a prononcé. Cet article a introduit une procédure de revision
qui manque à observer les principes fondamentaux d'égalitéde la
justice et d'impartialité de la procédure. Ce manque d'égalitéet
d'impartialité s'aggrave du fait que le droit de contester la validité
d'une décisiondu Tribunal administratif, tout en étant accordé à
l'organisation internationale, est refusé à la partie la plus faible.

III. Étant donnéla situation judiciaire anormale ainsi crééepar
ces diverses règles de procédure, on peut se demander si la Cour
devrait répondre aux questions qui lui ont étéposées.
L'article65 du Statut prévoit que la Cour ((peut donner )) (dans
le texte anglais : «may give»)un avis consultatif sur toute question
juridique. C'est ainsi que,la Cour, dans son avis consultatif de 1950,
relatif à l'Interprétationde certains traitésde paix (première phase),
s'est expriméecomme il suit :

oL'article65du Statut est permissif.Il donne àla Cour le pouvoir
d'appréciersi les circonstancesenl'espècesont telles qu'ellesdoivent
la déterminer à ne pas répondre à une demande d'avis. ))

Dans l'affaire consultative relative au Statut de la Carélie orientale,
la Cour permanente de Justice internationale a en fait refusé, en
1923, de donner un avis. Avant cela, en mars 1922, la Cour perma-
nente avait examiné la question de savbir si elle avait le droit de
refuser de répondre à une demande d'avis. Dans une note, le juge
Mooreavait exprimél'opinion que l'article 14 du Pacte de la Société
des Nations ne pouvait êtreconsidéré commeimposant à la Cour
l'obligation de donner des avis consultatifs sans condition et sur

demande. La Cour s'était associée à cette manière de voir (Publica-
tions de la Cour, SérieD, no 2, pages 161 et 383-398).

A cette époque, la disposition afférente aux avis consultatifs se
trouvait à l'article14 du Pacte de la Sociétédes Nations. Le texte
anglaisdisposait comme il suit :« The Courtmay alsogivean advisory
opinion upon any dispztte or question referredto it by the Council or
by the AssembJy. » Le texte français était ainsi libellé : «Elle [la

38 OPIN. INDIV. DE M. KLAESTAD (AVIS 23 X 56) II2

Cour] donnera aussi des avis consultatifs sur tout différend ou tout
point dont la saisira le Conseil ou l'Assemblée. »Dans le Statut de
la Cour internationale de Justice, à l'article 65, le mot (donnera »

a étéchangéen (peut donner n,ce qui exprime clairement, dans le
texte français également, le caractère permissif de la disposition.

Par conséquent, selon moi, la Cour est fondée à refuser de donner
l'avis consultatif qui lui est demandé quand elle estime que des
raisons décisives l'amènent à ce refus.

Il7.Eu égardà ces diverses considérations, j'incline à penser que
la Cour ne devrait pas, en répondant aux questions qui lui ont été
posées, sanctionner implicitement une procédure de revision qui

place dans un état d'inégalité manifesteles parties aux différends
auxquels ont trait les questions posées et qui, contrairement aux
dispositions de l'article 66 du Statut, créeun obstacle à l'examen
par la Cour, en audience publique, des demandes d'avis. Ces consi-
dérations paraissent spécialement pertinentes dans l'affaire consul-
tative actuelle, vu l'articXII, paragraphe 2,du Statutdu Tribunal
administratif, qui dispose que l'avis de la Cour aura force obliga-
toire, assimilant ainsi plus étroitement que d'habitude l'affaire
consultative présente à une affaire contentieuse.

Donner un avis consultatif dans le cas actuel sur la base de cette
procédure de revision défectueuse, ne serait guère compatible avec
les devoirs de la Cour en matière judiciaire. Désireuse de coopérer
dans toute la mesure du possible avec un autre organe des Nations
Unies dans l'accomplissement de devoirs internationaux, la Cour
s'est écartéede sa procédure usuelle, en renonçant à tenir audience
et en acceptant des personnes privées intéressées,qui n'ont pas
accès à elle, des exposésécritstransmis àla Cour par l'organisation.

Quoi que l'on puisse penser d'une telle dérogation à une procédure
judiciaire normale, la Cour ne peut en aucun cas ni méconnaître le
principe fondamental de l'égalité desparties - égalité en droit
comme en fait -, qui est expressément confirmé par l'article 35,
paragraphe 2,du Statut de la Cour, ni transiger avec ce principe.
La Cour ne devrait pas non plus, en répondant aux questions qui
lui sont posées,paraître acquiescer à une procédure de revision qui,
en accordant à une seule des parties aux jugements du Tribunal
administratif le droit de contester ces jugements, manque àobserver

des principes généralement reconnus.
Pour ces motifs, j'estime que la Cour aurait dû se prévaloir du
droit que lui confère l'article65 du Statut de s'abstenir de donner
l'avis consultatif qui lui est demandé.
Cependant, je ne vais pas jusqu'à dire qu'en l'espèce, la compé-
tence pour donner un avis consultatif fait défaut à la Cour. Du
moment que l'avis, conformément à l'article 96 de la Charte des
Nations Unies et à l'article 65 du Statut de la Cour, est demandé

39par un organe dûment autorisé des Nations Unies sur des questions
juridiques se posant dans le cadre de son activité, et puisque les
Questions 1 etIII - mais guère les Questions II a) et b)- rentrent
dans les termes et le domaine de l'article XII du Statut du Tribunal
administratif de l'organisation internationale du Travail, la compé-
tence de la Cour pour donner un avis semble établie. Mais selon
moi, la Cour aurait dû s'abstenir d'exercer sa compétence, comme
elle l'a fait, pour des raisons différentes, dans l'affaire de l'Or moné-
taire. Néanmoins, puisque la Cour en a décidéautrement, jJai voté
sur les questions qui lui ont étéposées,acceptant les réponses don-
néesdans le dispositif de l'avis.

(Sigtié)Helge KLAESTAD.

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SEPARATE OPINION OF JUDGE KLAESTAD

In iny sriew, the Court should not have given the requested
Opinion for the following reasons :

1. This Request for an Advisory Opinion, which is presented
under Article XII of the Statute of the Administrative Tribunal
of the InternationalLabour Organisation, relates to four judgments
rendered by that Tribunal in contentious cases brought before
the Tribunal against Unesco by four of its former officials. Unesco
challenges the validity of the judgments, by means of a Request
for an Advisory Opinion, on the alleged ground that the Tribunal
lacked juriçdiction or has exceeded its jurisdiction.
The normal judicial method of challenging judgments rendered
by the Administrative Tribunal in contentious cases between an
international organization and individuals would be by means
of a review in contentious procedure. As, however, Article 34 of
the Statutc of this Court allows neither internationalorganizations
nor individuals, but only States, to appear before the Court as

parties to contentious cases, the possibility of such a review by
this Court would be excluded. In such circumstances Article XII
of the Statute of the Administrative Tribunal of the International
Labour Organisation is intended to provide another means of
submitting to this Court the question of the validity of judgments
rendered by that Administrative Tribunal, namely, by way of a
Request for an Advisory Opiilioil on questions relating either to
the jurisdiction of the Tribunal or to "a fundamental fault in
the procedure follou7ed".
The four cases to which the Questions put to the Court relate,
and which by their very nature were contentious cases before
the Administrative Tribunal, have thus, by the operation of
Article XII of the Statute of that Tribunal, been transformed into
cases of an advisory character before this Court, though with
the modification of the usual advisory procedure that the opinion
gix-en by the Court by virtue of Article XII, paragraph 2, shall
be binding. This transformation from a contentious procedure

before the Administrative Tribunal into an advisory procedure
before this Court entails procedural consequences of a serious
nature.
It follows from the provisions of Article 66 of the Statute of
the Court that only States and international organizations have
access to the Court in advisory cases. Individuals have no right
to participate in the proceedings before the Court. In accordance
with that Article, the Court may receive urritten or oral statements
only from States or international organizationç. Individuals have

36 A mon avis, la Cour n'aurait pas dû donner l'avis qui lui est
demandé et ce pour les raisons suivantes :
1. La présente demande d'avis consultatif, qui est introduite
en vertu de l'article XII du Statut du Tribunal administratif de
l'Organisation internationale du Travail,porte surquatre jugements

que ce Tribunal a rendus dans des affaires contentieuses portées
devant lui contre l'Unesco par quatre anciens fonctionnaires de
cette Organisation. L'Unesco, sous forme d'une demande d'avis
consultatif, conteste la validité des jugements, en alléguant que
le Tribunal n'était pas compétent ou qu'il a dépassésa compétence.
La méthode judiciaire normale pour contester des jugements
rendus par le Tribunal administratif, dans des affaires conteil-
tieuses entre une organisation internationale et des personnes
privées, consisterait en une revision en procédure contentieuse.
Toutefois, comme l'article 34 du Statut de la Cour permet aux
Etats seulement, et non aux organisations internationales ou
aux personnes privées, de comparaître devant la Cour en qualité

de parties à une procédure contentieuse, la possibilité d'une telle
revision par la Cour serait exclue. Dans ces conditions, l'article XII
du Statut du Tribunal administratif de l'Organisation inter-
nationale du Travail a pour objet de prévoir une autre méthode
pour soumettre à la Cour la question de la validité des jugements
du Tribunal administratif, à savoir la voie d'une demande d'avis
consultatif portant sur des questions relatives à la compétencc
du Tribunal ou xà une faute essentielle dans la procédure suivie ».
Ainsi, les quatre affaires auxquelles ont trait les questions posées
à la Cour et qui, par leur nature même,étaient des affaires conten-
tieuses portéesdevant le Tribunal administratif ont, par l'opération
de l'article XII du Statut de ce Tribunal, été transformées en
affaires de caractère consultatif devant la Cour, avec cette modi-

fication apportée B la procédure consultative usuelle, que l'avis
donné par la Cour en vertu de l'article XII, paragraphe 2, a
force obligatoire. Cette transformation d'une procédure conten-
tieuse devant le Tribuiial administratif en une procédure consul-
tative devant la Cour entraîne, au point de vue de la procédure,
des conséquences sérieuses.
II ressort des,dispositions de l'article66 du Statut de la Coür
que, seuls, les Etats et les organisations internationales ont accès
à la Cour en procédure consultative. Les personnes privées n'ont
pas le droit de participer à la procédure engagée clevant la Cour.
Conformément à cet article, la Cour ne peut recevoir d'exposés
écrits ou oraux que d'États ou d'organisations internationales.

36not been accorded any right to submit written statements to the
Court or to appear or be represented at public sittings in order

to submit oral statements relating to the Questions put to the
Court for an Advisory Opinion. Though the four former officials
of Unesco are directly interested in the matter now before the
Court and will be directly affected by its Opinion, they have
not, by the provisions of Article 66, been given an opportunity
to defend their interests. Nevertheless, Article XII, paragraph 2,
of the Statute of the Administrative Tribunal provides that the
opinion given by the Court shall be binding.
With a view to providing a remedy for this obviously unac-
ceptable situation, Cnesco has suggested that the observations
and information which the four former officials may wish to lay
before the Court sllould be transmitted to the Organization ~vhicli,
without any check of their contents, thereafter will send these
observations and this information to the Court within the fixed
time-limits. This suggestion has been accepted and complied with
by Counsel for the four former officials. An expedient of this

kind does not, however, ensure the necessary equality of status,
in fact and in law, between the Organization on the one side
and the individuals concerned on the other, inasmuch as the
individuals would have to be dependent on the Organization-
their opponent in the disputes before the Administrative Tribunal
-for the presentation of their views to the Court.
The question of oral hearings presents even more serious diffi-
culties. As Article 66 of the Statute does not allow individuals
to appear or be represented at oral heariilgs, the Court would,
if it fixeduch hearings, have to envisage the poçsibility of Unesco
appearing at the hearings and defending its view in the absence
of the four former officials or their representative who are not
entitled to participate. In order to prevent such an eventuality
and to ensure, as far as possible, the necessary equality between
the Organization and the individuals concerned, the Court was
compelled to dispense with oral hearings in the present advisory
case, though Article 66 presumes that oral llearings may be fixed

by the Court, and in spite of the fact that such hearings have
hitherto been fixed in al1advisory cases which have been considered
by this Court, as being a normal and useful, ifsnot an indispensable,
part of its proceedings.

II. Article XII of the Statute of the Administrative Tribunal
of the International Labour Organisation, under which the Request
is presented, provides that in any case in which theExecutive
Board of an international organization, which has made the
declaration specified in Article II, paragraph 5, challenges a
decision of the Tribunal confirming its jurisdiction, or considers
that a decision is vitiated by a fundamental fault in the procedure
followed, the question of the validity of the decision shall be

37 OPIS. ISDIV. DE AI. KLAXSTAD (AVIS 23 x 56) II0

Le droit n'a nas étéaccordé aiix Dersonnes rivées de soumettre
à la Cour des exposés écrits, ni de comparaître oü de çe fair?
représenter à l'audience pour y prononcer des exposés oraux
relatifs aux questions posées à la Cour à fiil d'avis consultatif.
Les dispositions de l'article66 n'ont pas doniléaux quatre anciens
fonctionnaires de l'Enesco l'occasion de défendre leurs intérêts ;
et cependant, ils sont directement intéressés à la matière dont la
Cour traite et ils seront directement affectés pal- son avis.

L'article XII, paragraphe 2, du Statut du Tribunal administratif
n'en dispose pas moins que l'avis de la Cour aura force obligatoire.
fin de porter remède à cette situation évidemment inacceptable,
l'Unesco a proposé que les observations et renseignements que les
quatre anciens fonctionnaires désireraient éventuellement sou-
mettre à la Cour fussent transmis à l'Organisation qui, sans en
examiner le contenu. les transmettrait à la Cour dans les délais
fixés. Cette proposithn a étéacceptée par le conseil des quatre
anciens fonctionnaires, qui s'y est conformé. Xlais un expédient
de cette nature n'assure pas l'égalitéde statut nécessaire, en
droit et en fait, entre l'Organisation, d'une part, et des personnes
privées intéressées,de l'autre, étant donné que les personnes
privées auraient forcément à dépendre de l'organisation - leur
adversaire dans les différends soumis au Tribu~lal administratif

- pour la présentation à la Cour de leur point de vue.
La auestion relative aux débats oraux urésente des difficultés
encore'pl~~sgrandes. Comme l'article 66 di Statut ne permet pas
à des personnes privées de comparaître devant la Cour ou d'être
représentées à l'audience, la Cour, si elle avait tenu des audiences,
eût dû envisager la possibilité que l'vnesco s'y présente et défende
son point de vue en l'absence des quatre anciens fonctionnaires
ou de leur représentant, ceux-ci n'étant pas autorisés à y par-
ticiper. Pour prévenir une telle éventualité et pour assurer dans
toute la mesure possible l'égaliténécessaire entre l'Organisation
et les personnes privées iiitéressées,la Cour s'est trouvée obligée
de renoncer aux audiences dans la présente procédure consul-
tative, encore que l'article 66 prévoit que la Cour peut tenir des

débats oraux et nonobstant le fait que jusqu'ici, dans toutes les
affaires consultatives, considéréespar cette Cour, des audiences
ont étéordonnéescomme une partie normale et utile, sinon indispen-
sable, de la procédure.

II. L'articleXII du Statut du Tribunal administratif de l'Or-
ganisation internationale du Travail, en vertu duquel la demande
d'avis a été introduite, dispose que, dans tous les cas où le Conseil
exécutif d'une, organisation internationale, qui a fait la déclaration
prévue à l'article II, paragraphe j, conteste une décisi011du
Tribunal affirmant sa compétence ou considère qu'une décision
du Tribunal est viciéepar une faute essentielle dans la procédure
suivie, la q~iestion de la validité de la décision sera soumise par III SEPARATE OPIX. OF JUDGE KLAEST-4D (OPIK. 23 X 56)

submitted by the Executive Board concerned, for an Advisory
Opinion, to this Court. Though the decisions of the Administrative
Tribunal are rendered in disputes between the international
organization and individuals, only the organization is 'accorded
the right to challenge the validity of the decisions in this manner.
The other parties to the disputes, the individuals, have no cor-
responding right to challenge the validity of the decisions. The
reason for this manifest inequality may partly be due to the
Statute of this Court, which does not entitle individuals to present
a request for an Advisory Opinion.
The provisions of Article XII have thus established a mailifest
inequality between the parties to a dispute decided by the Adminis-

trative Tribunal. The Article has introduced a review procedure
which fails to observe fundamental principles of equality of justice
and impartiality of procedure. This lack of equality and impar-
tiality is aggrasiated by the fact that the right to challenge the
validity of a decision rendered by the Administrative Tribunal,
while granted to the international organization, is denied to the
weaker party.

III. In view of the abnormal judicial situation thus created
by these various procedural rules, it may be asked whether the
Court ought to answer the Questions put to it.
Article 65 of the Statute provides that the Court "nzay give"
(in the French text :"_eut donner") an advisory opinion on an?

legal question. Accordingly, in its Advisory Opinion of 1950
concerning the Ivzterpretntionof certain Pence Treaties (first phase),
the Court stated :
"Article 65 of the Statute is permissive. It gives the Court the
power to examine whether the circumstancesof the caseare ofsuch
a character as should lead it to decline to answer the Request."

In the advisory case concerning the Status of Easterlz Carelia,
the Permanent Court of International Justice in 1923 actually
declined to give an Opinion. The Permanent Court had previously,
in March 1922, discussed the question whether it had the right
to refuse to give a requested Advisory Opinion. Judge fiIoore
had presented a memorandum in which he expressed the view
that Article 14 of the Covenant of the League of Nations could

not be regarded as imposing on the Court an obligation to render
Advisory Opinions unconditionally and on request. The Court
concurred in that view (Publications of the Court, Series D,
No. 2, pages 161 and 383-398).
At that time the rule relating to advisory opinions was inserted
in the Covenant of the League of Nations, Article 14. The English
text provided : "The Court may also give an advisory opinion
upon any dispute or question referred to it by the Council or by
the Assembly." In the French text it was said : "Elle [la Cour]

38 OPIN. IXDIV. DE M. KLAESTAD (AVIS 23 x 56) III

le Conseil exécutif intéressé,pour avis consultatif, à la Cour
internationale de Justice. Bien que les décisions du Tribunal
administratif portent sur des différends entre une organisation
internationale et des personnes privées, seule l'organisation
possède le droit de contester de cette manière la validité des
décisions. Les autres parties aux différends, les personnes privées,
ne disposent pas du droit correspondant de contester la validité
d'une décision. La raison de cette inégalité manifeste peut être
partiellement due au Statut de la Cour, qui ne permet pas à des
personnes privées d'introduire une requête pour avis consultatif.

Les dispositions de l'articleXII ont donc créé une inégalité mani-
feste entre les parties à un différendsur lequel le Tribunal adminis-
tratif a prononcé. Cet article a introduit une procédure de revision
qui manque à observer les principes fondamentaux d'égalitéde la
justice et d'impartialité de la procédure. Ce manque d'égalitéet
d'impartialité s'aggrave du fait que le droit de contester la validité
d'une décisiondu Tribunal administratif, tout en étant accordé à
l'organisation internationale, est refusé à la partie la plus faible.

III. Étant donnéla situation judiciaire anormale ainsi crééepar
ces diverses règles de procédure, on peut se demander si la Cour
devrait répondre aux questions qui lui ont étéposées.
L'article65 du Statut prévoit que la Cour ((peut donner )) (dans
le texte anglais : «may give»)un avis consultatif sur toute question
juridique. C'est ainsi que,la Cour, dans son avis consultatif de 1950,
relatif à l'Interprétationde certains traitésde paix (première phase),
s'est expriméecomme il suit :

oL'article65du Statut est permissif.Il donne àla Cour le pouvoir
d'appréciersi les circonstancesenl'espècesont telles qu'ellesdoivent
la déterminer à ne pas répondre à une demande d'avis. ))

Dans l'affaire consultative relative au Statut de la Carélie orientale,
la Cour permanente de Justice internationale a en fait refusé, en
1923, de donner un avis. Avant cela, en mars 1922, la Cour perma-
nente avait examiné la question de savbir si elle avait le droit de
refuser de répondre à une demande d'avis. Dans une note, le juge
Mooreavait exprimél'opinion que l'article 14 du Pacte de la Société
des Nations ne pouvait êtreconsidéré commeimposant à la Cour
l'obligation de donner des avis consultatifs sans condition et sur

demande. La Cour s'était associée à cette manière de voir (Publica-
tions de la Cour, SérieD, no 2, pages 161 et 383-398).

A cette époque, la disposition afférente aux avis consultatifs se
trouvait à l'article14 du Pacte de la Sociétédes Nations. Le texte
anglaisdisposait comme il suit :« The Courtmay alsogivean advisory
opinion upon any dispztte or question referredto it by the Council or
by the AssembJy. » Le texte français était ainsi libellé : «Elle [la

38II2 SEPARATE OPIN. OF JUDGE KLAESTAD (OPIK. 23 X 56)

donnera aussi des avis consultatifs sur tout différend ou tout
point, dont la saisira le Conseil ou l'Assemblée." The Statute
of the International Court of Justice changed in Article 65 the
word "do?z~.zera"to "petit donner", thereby giving also in the
French text a clear expression of the permissive character of
the provision.
The Court is therefore, in my view, entitled to decline to give
a requested Advisory Opinion when it finds that decisive reasons
lead it to do so.

II7. Having regard to these various considerations, 1 am inclined

to think that the Court should not, by answering the Questions
put to it, implicitly give its sanction to a review procedure which
places the parties to the disputes to .cvhichthe Questions relate
on a footing of manifest inequality, and which, contrary to the
provisions of Article 66 of the Statute, creates an obstacle to
the Court's consideration at oral hearings of requests for an
Opinion. These considerations appear to be particularly relevant
in the present advisory case in view of Article XII, paragraph 2,
of the Statute of the Administrative Tribunal, which provides
that the Opinion given by the Court shall be binding, thiis

assimilating the present advisory case more closely than usual
to a contentious case.
To give an Advisory Opinion in the present case on the basis
of this defective review procedure would hardly be compatible
with the judicial duties of the Court. Being desirous to CO-operate,
as far as possible, with another organ of the United Nations in
the discharge of international duties, the Court has departed
from its usual procedure by dispensing with oral hearings and
by receiving from the individuals concerned, who have no access
to the Court, written statements transmitted to the Court by
the Organization. Whatever may be thought of such a departure

from a normal judicial procedure, the Court cannot in any case
disregard or compromise with the fundamental principle of the
equality of parties-equality in law as well as in fact-a principle
which is expressly confirmed by Article 35, paragraph 2, of the
Statute of the Court. Nor should the Court, by answering the
Questions put to it, appear to acquiesce in a review procedure
which fails to observe generally recognized principles by according
only to one of the parties to the judgments of the Administrative
Tribunal the right to challenge these judgments.
For these reasons, 1 consider that the Court should have availed

itself of its right under Article 65 of the Statute to refrain from
giving the requested Opinion.
On the other hand, 1 do not go so far as to Say that the Court
lacks jurisdiction to give an Advisory Opinion in the present
case. Inasmuch as the Opinion, in accordance with Article 96
of the Charter of the United Nations and Article 65 of the Statiite OPIN. INDIV. DE M. KLAESTAD (AVIS 23 X 56) II2

Cour] donnera aussi des avis consultatifs sur tout différend ou tout
point dont la saisira le Conseil ou l'Assemblée. »Dans le Statut de
la Cour internationale de Justice, à l'article 65, le mot (donnera »

a étéchangéen (peut donner n,ce qui exprime clairement, dans le
texte français également, le caractère permissif de la disposition.

Par conséquent, selon moi, la Cour est fondée à refuser de donner
l'avis consultatif qui lui est demandé quand elle estime que des
raisons décisives l'amènent à ce refus.

Il7.Eu égardà ces diverses considérations, j'incline à penser que
la Cour ne devrait pas, en répondant aux questions qui lui ont été
posées, sanctionner implicitement une procédure de revision qui

place dans un état d'inégalité manifesteles parties aux différends
auxquels ont trait les questions posées et qui, contrairement aux
dispositions de l'article 66 du Statut, créeun obstacle à l'examen
par la Cour, en audience publique, des demandes d'avis. Ces consi-
dérations paraissent spécialement pertinentes dans l'affaire consul-
tative actuelle, vu l'articXII, paragraphe 2,du Statutdu Tribunal
administratif, qui dispose que l'avis de la Cour aura force obliga-
toire, assimilant ainsi plus étroitement que d'habitude l'affaire
consultative présente à une affaire contentieuse.

Donner un avis consultatif dans le cas actuel sur la base de cette
procédure de revision défectueuse, ne serait guère compatible avec
les devoirs de la Cour en matière judiciaire. Désireuse de coopérer
dans toute la mesure du possible avec un autre organe des Nations
Unies dans l'accomplissement de devoirs internationaux, la Cour
s'est écartéede sa procédure usuelle, en renonçant à tenir audience
et en acceptant des personnes privées intéressées,qui n'ont pas
accès à elle, des exposésécritstransmis àla Cour par l'organisation.

Quoi que l'on puisse penser d'une telle dérogation à une procédure
judiciaire normale, la Cour ne peut en aucun cas ni méconnaître le
principe fondamental de l'égalité desparties - égalité en droit
comme en fait -, qui est expressément confirmé par l'article 35,
paragraphe 2,du Statut de la Cour, ni transiger avec ce principe.
La Cour ne devrait pas non plus, en répondant aux questions qui
lui sont posées,paraître acquiescer à une procédure de revision qui,
en accordant à une seule des parties aux jugements du Tribunal
administratif le droit de contester ces jugements, manque àobserver

des principes généralement reconnus.
Pour ces motifs, j'estime que la Cour aurait dû se prévaloir du
droit que lui confère l'article65 du Statut de s'abstenir de donner
l'avis consultatif qui lui est demandé.
Cependant, je ne vais pas jusqu'à dire qu'en l'espèce, la compé-
tence pour donner un avis consultatif fait défaut à la Cour. Du
moment que l'avis, conformément à l'article 96 de la Charte des
Nations Unies et à l'article 65 du Statut de la Cour, est demandé

39II3 SEPARATE OPIN. OF JUDGE KLAESTAD (OPIK. 23 X 56)

of the Court, is requested by a duly authorized organ of the
United Nations on legal questions arising within the scope of its
activities, and since Questions 1 and III-but hardly Questions II
(a) and (b)-fa11 within the terms and scope of Article XII of
the Statute of the Administrative Tribunal of the International

Labour Organisation, the jurisdiction of the Court to give an
Opinion appears to be established. But in my view the Court
should have refrained from exercising its jurisdiction, as it did,
for different reasons, in theonetary Gold Case. Since, however,
the Court has decided othenvise, 1 have voted with regard to
the Questions put to it, accepting the Answers given in the
Operative Part of the Opinion.

(Signed) Helge KL-&ESTAD.par un organe dûment autorisé des Nations Unies sur des questions
juridiques se posant dans le cadre de son activité, et puisque les
Questions 1 etIII - mais guère les Questions II a) et b)- rentrent
dans les termes et le domaine de l'article XII du Statut du Tribunal
administratif de l'organisation internationale du Travail, la compé-
tence de la Cour pour donner un avis semble établie. Mais selon
moi, la Cour aurait dû s'abstenir d'exercer sa compétence, comme
elle l'a fait, pour des raisons différentes, dans l'affaire de l'Or moné-
taire. Néanmoins, puisque la Cour en a décidéautrement, jJai voté
sur les questions qui lui ont étéposées,acceptant les réponses don-
néesdans le dispositif de l'avis.

(Sigtié)Helge KLAESTAD.

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Opinion individuelle de M. Klaestad (traduction)

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