Opinion dissidente de M. Badawi Pacha

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004-19490411-ADV-01-04-EN
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OPINION DISSIDENTE DE BADAWI PACHA

La Cour, après avoir définiou préciséles sens des termes (agent ))
et « réclamation internationale D,procède à établir la personnalité
internationale de l'O. N. U. et, avant d'aborder l'examen des cas
concrets envisagés dans la demande d'avis, arrive à la conclusion
qu'à ce titre, et abstraction faite de l'objet de la réclamation,
1'0. N. U. a qualité pour présenter les réclamations internationales
que nécessiterait l'exercice de ses fonctions.

On ne peut évidemment contester cette conclusion. En effet,
longtemps avant l'Organisation des Xations Unies, des personnes
internationales ont existé, et, tout récemment encore, de muitiples
institutions ont été crééesavant et après l'organisation des Nations
Unies qui ont cette personnalité. La Charte de l'organisation inter-
nationale du Commerce (International Trade Orgawization) (la
dernière en date) prévoit même expressémentqu'elle possède la
personnalité juridique internationale. Il va sans dire que l'organi-
sation des Nations Unies, qui estl'organisation internationale mai-
tresse et la plus importante de toutes, .ne peut avoir, moins que
l'une de ses branches, la personnalité juridique internationale.
Mais comme la Cour elle-mêmele constate,un système juridique
peut fort bien ne pas admettre que toutes les personnes auxquelles

il reconnaît des droits soient identiques en leur nature et quant à
l'étendue de leurs droits.
En établissant la personnalité internationale de l'O. N. U., on
aura donc simplement établi sa qualité de sujet de droit en matière
de réclnmation internationale, mais on n'aura pas encore établi
qu'elle possède un droit déterminé.
En effet, il n'y a pas de droit commun pour les personnes inter-
nationales. Il y a, d'une part, les Etats quiont des caractéristiques,
droits et obligations communs reconnus par le droit international
et, d'autre part, un ensemble de personnes de caractère et de
hiérarchie différents cornprenant entre autres des unions, des
commissions, des groupements internationaux, sous diverses
dénominations, des institutions spécialisées telles que 0. 1. T.,

O. hi.. S.,F. A. O., 1. R. O., 1. T. O., Fonds monétaire, Banque
internationale, U. N. E. S. C. O. et, enfin, 0. N. U. Malgré une
certaine similarité eïitre elles, chacune de ces dernières personnes
relève, en ce qui concerne ses buts, principes, organisation, compé-
tence, droits et obligations, de son acte constitiitif et n'est
censée exister qu'ail profit des Etats qui ont signéet ratifié ledit
acte ou qui y ont adhéré.

35 206 OPINION DISSIDENTE DE BADAWI PACHA

La demande d'avis porte sur le droit de l'O. N. U. de réclamer
la réparation des dommages causés a) à elle-même,b) à la victime
lorsque celle-ci est un agent des Nations' Unies, ou à ses ayants
droit.

Or, le droit international reconnaît à un État le droit de réclamer
la réparation des dommages causés à lui-même,ainsi que de ceux
causés à la victime ou à ses ayants droit lorsqu'il s'agit d'un res-
sortissant de cet État qui n'a pas pu obtenir satisfaction par les
voies ordinaires (droit connu sous le nom deprotection diplomatique

d'un ressortissant à l'étranger).
Le preriiier droit appartient à l'État comme un zttribut de son
existence étatique et comme une conséquence de sa personnalité
internationale, tandis que le second est le friiit d'un processus de
cristallisation laborieuse qui s'est accompli depuis la fin du xrxme

siècle.Nonobstant certains abus qui en ont accompagné l'exercice,
ce droit est universellement reconnu. Sa conception et sa justi-
fication n'ont cependant pas cesséd'êtrediscutées. En fait, le droit
de réclamer les réparations des dommages causés à la victime ou
à ses ayants droit naît dans la personne de la victime ou dans celle
de ses ayants droit et n'appartient généralement à d'autres per-

sonnes que dans la mesure où ces dernières représenteraient l'une
ou les autres.
En reconnaissant à l'État le droit de réclamer les réparations
de ces dommages, le droit international ne le fait pas parcequ'il
considère que 1'Etat est un représentant légalde la victime, mais

parce qu'il estime que 1'Etat fait valoir son droit propre, le droit
qu'il a de faire respecter en la personne de ses ressortissants le
droit international (Arrêtde la C. P. J. 1. no 2, Série A, no 2, p. 12).
En l'absence d'accords particuliers, c'est le- lien de nationalité
entre l'État et l'individu qui seul donne-à 1'Etat le droit de pro-

tection diplomatique (Arrêt de la C. P. J. 1. du 28 février 1939,
SérieA/B, fasc. 56, p. 16) l.C'estdonc par une construction juridique

l Le lien de nationalité est uncondition essentiellde l'exercice par un État
du droit de réclamation internationaleau nom de la victime, mais la Cour dit
dans l'avis (p.181)que cette règle comporte d'importantes exceptions, et qu'il
existe des catégories de cas dans lesquels la protectpeut être exercée par un
État au profit de personnes qui n'ont pas sa nationalité. Or, la Cour permanente
de Justice internationaleen réponse à une objection de la même nature, avait
déclaré dans l'Arrêt précité du28 février1939 :

s'est efforcé de diminuer l'importance dcette règle de droit international,,
voire d'en nier l'existencIl a cité un certain nombre de décisions, maisà
l'examen, an constate qu'il s'agissait de cas où les gouvernements intéressés
étaient convenus d'écarter l'application stricte de la règle, c'est-à-dire d'af-
faires où les deux gouvernements en cause avaient accepté d'instituerun
tribunal internationalpourvu de la compétence nécessaire pour statuer sur
les réclamations, même si la condition de nationalité n'était pas remplin.

D'autre part, les catégories de cas visés par i'avis semblent se rattacaux
cas de protectiondu pavilion et des forces armées, où la protection s'àttoute 207 OPINION DISSIDENTE DE BADAWI PACHA

d'identification entre le ressortissant et son État national qu'on
reconnaît à ce dernier le droit de présenter une réclamation inter-
nationale pour la réparation due à la victime ou à ses ayants droit.

Dans cette construction, l'État n'agit pas comme représentant
de son ressortissant, bien qu'il réclame la réparation du dommage
subi par ce dernier. Mais la réparation qu'il réclame du chef de
ce dommage a le caractère internatlonal d'une réparation due par
un Etat à un autre. On trouve dans l'Arrêtno 13 de la C. P. J. 1.
(Série A, no 17, pp. 27-28) un exposé remarquable de cette cons-

truction juridique dans les termes suivants :
((11est un principe de droit international que la réparation
d'un tort peut consister en une indemnité correspondant au dom-
mage que les ressortissants de l'État léséont subi par suite de
l'acte contraire au droit international. C'est mêmela forme de
réparation la plus usitée ; l'Allemagne l'a choisie en l'espèce,et
son admissibilité n'est pas contestée. Mais la réparation due à
un Etat par un autre État ne change pas de nature par le fait
qu'elle prend la forme d'une indemnitépour le montant de laquelle
le dommage subi par un particulier fournira la mesure. Les règles
de droit qui déterminent la réparation-sont les règles de droit
international en vigueur entre les deux Etats en question, et non
pas le droit qui régit lesrapports entre l'État qui aurait commis
un tort et le particulier qui aurait subi le dommage. Les droits
ou intérêtsdont la violation cause un dommage à un particulier
se trouvent toujours sur un autre plan que les droits de 1'Etat
auxquels le mêmeacte peut également porter atteinte. Le dom-
mage subi par le particulier n'est donc jamais identique en
substance avec celui que l'État subira ; il ne peut que fournir
une mesure convenable de la réparation due à 1'Etat.))

Ils'agit donc de savoir si l'O. N. U. possède, en ce qui concerne
le dommage subi par un de ses agents dans l'exercice de ses fonc-
tions, un droit de réclamation internationale, sinon de la même
nature que celui d'un Etat du moins ayant la mêmeportée.

La Cour, dans la partie préliminaire de l'avis, réservéeaux
précisions relatives à la position de la question, avait déclaréque :
n d) Cette question étant poséepour le cas d'un dommage subi
dans des conditions de nature à engager la responsabilité d'un
Etat, il faut, pour l'examiner, supposer que le dommage résulte
du manquement, par cet État, à des obligations dont l'objet est
de protéger lesagents de l'organisation des Nations Unies dans
l'exercice de leurs fonctions.1)

nationalité.Mais il y a lieu de signaler que la condition de nationalité étant
remplie en ce qui concerne le pavillonou les forces armées, son absendans
une ou plusieurs unités ou personnes d'une entité nationale pourrait être considérée
comme couverte par un principe d'indivisibilduépavilIon ou des forcesarmées.208 OPINION DISSIDENTE DE BADAWI PACHA

Ida Cour admet donc en postulat l'existence d'une obligafion
internationale en faveur de l'O. N.U. et à la charge de tout Etat
Membre dont la responsabiliti: serait en question. Mais rien dans
les termes de la question ne permet d'admettre un postulat de cette
nature ; le membre de phrase « dans des conditions de nature à
engager la responsabilité d'un État »ne semble se référerqu'aux
conditions traditionnelles de la protection diplomatique, 3. savoir,
l'épuisement des instances nationales et l'existence d'un déni de
justice (voir discussions de la Commission VI de l'Assembléegénérale

des Nations Unies).
S'agit-il, dans la penséede la Cour, de i'obligation des Membres
visée à l'articl2, paragraphe 5,de la Charte, de donner à l'O. N. U.
nleiiie assistance danstoute action entreprise par elle conformément
aux dispositions de la Charte, ou des obligations résultant des
dispositions de l'article105 de la Charte et de la Convention sur les .
privilègeset immunités ? Un passage de l'avis (p. 183) semble viser
les deux obligations à la fois.
Toujours est-il que la Cour ne s'est pas souciéed'établirla source
de cette obligation, alors qu'il est évident que le manquement d'un
Etat àune de sesobligations et Iesconséquencesqu'on aura à en faire
découlerdépendent étroitement des élémentsprécisde cette obliga-

tion.
&jais que la source de l'obligation présupposéesoit l'une ou
l'autre des dispositions précitées, il resterait toujours à établir
que le manquement à cette obligation ferait naître au profit de
1'0. N. U. un droit de présenter une réclamation internationale
pour la réparation des dommages viséspar b)dela premièrequestion,
car le droit de réclamer la réparation des dommages viséspar a)
ne soulèveaucune difficulté. S'il y a lieu de présupposer une obliga-
tion, ce droit ne serait que la contre-partie directe de cette
obligation.

Tant les réponses écrites des gouvernements, à l'exception
de celle des Etats-Unis, que les exposésoraux prononcés en séance
publique, ont reconnu au profit de l'O. N. U. le droit de présenter
une réclamation internationale pour les dommages viséspar h), et
se sont évertués à lui donner un fondement. Chacun a eu sa thèse.

C'est ainsi que les uns ou les autres ont fondéce droit sur une
ou plusieurs des bases suivantes :
1) analogie entre la situation de 1'0. N. U. et celle des États,
parce que les principes généraux sur lesquels cette dernière se
fonde lui seraient également applicables ;

2) naissance d'une situation nouvelle due au développement de
l'organisatior, internationsle et dans laquelle la communauté
38Zog OPINION DISSIDENTE DE BADAWI PACHA
internationale a besoin qu'un pas en avant soit fait pour la protec-
tion de ses agents ;
3) la règle que la réparation des dommages subis par la victime

serait habituellement et principalement la mesure de la réparation
due à l'État et, partant, à l'O. N. U;
4) affaiblissemect du lien de l'allégeance nationale impliqué
par les dispositions de l'articleIOO de la Charte, d'une part, et,
d'autre part, des considérations d'opportunité, la protection
nationale faisant défaut pour les apatrides, réfugiéset personnes
déplacées, ouétant illusoire lorsque 1'Etat national, pour une raison
ou pour une autre, ne cherche pas à l'exercer ;
5) une obligation internationale d'assurer la protection d'un
service public étranger, confirmée par plusieurs précédents se
rattachant à l'application des articles 88 et 362 du Traité de
Versailles, 2 l'histoire diplomatique du concert européen dans la
question de Crète, et enfiià l'affaire de Corfou de1923 (cas Tellini);

6) l'article xoo de la Cliarte.

Abstraction faite de la valeur propre de chacune de ces bases,
leur diversité implique déjà, en ce qui concerne la justification
du droit de l'O. N ,U., des contradictions et des incohérences.
Les partisans de certaines bases considèrent les autres comme
inadéquates ou insuffisantes.
A juste titre, la Cour a écartél'argument tiré de l'article IOO
(p. 182). Du reste, cette base ne justifiait le droit de réclamation
internationale que pour le Secrétaire généralet le personnel du
Secrktariat, de sorte qu'il restait à trouver une autre base pour
la protection des agents autres que le personnel du Secrétariat.

Ily a lieu d'ajouter que cette disposition, notamment l'alinéa
premier, n'est qu'une règle de conduite ou de discipline pour
le Secrétaire généralet le personnel du Secrétariat, règle qui aurait
mieux trouvé sa place dans le Règlement intérieur du Secrétariat,
si on ne devait pas l'accoupley du deuxième alinéa, qui prescrit
une obligation à la charge des Etats, et si on ne devait pas, d'autre
part, justifier les privilèges et immunités que l'article Ioj établit
en leur faveur.
Le fonctionnaire de l'organisation, ressortissant d'un État
déterminé, peut avoir à collaborer, sous une forme ou sous une
autre, dans les débats ou dans les décisions de l'organisation où
les actes et les intérêtsSe cet État sont en discussion. Ce fonction-
naire se trouverait, par conséquent, dans un cas de conflit entre
ses sentiments nationaux et son devoir. Il était donc nécessaire,

pour rassurer les Etats Membres au sujet de l'impartialité du Secré-
tariat, de définir la situation de son personnel par rapport à cc
conflit, et de déterminer scs devoirs. C'est pourquoi on lui enjoint,
39210 OPINION DISSIDENTE DE BADAWI PACHA

dans le premier alinéa de cet article, de ne solliciter ni d'accepter
d'instructions d'aucun gouvernement ni d'aucune autorité exté-
rieure à l'Organisation. La prescription suivante est une répétition
de la même règlesous une forme plus large, et elle a, en outre, trait
à la dignité de la situation des fonctionnaires iriternationaux.
L'allusion à la responsabilité exclusive envers l'Organisation est
une conséquence et une consécration nécessaire des règles qui
précèdent.
Le deuxième alinéa de cet article ne fait que reproduire les idées
qui sont à la base du premier alinéa, vues du côté del'État dont le
fonctionnaire est un ressortissant.
Dans les conditions spécifiques de la nature de l'organisation,

de ses fonctions et de ses pouvoirs, la disposition ne traduit rien
d'autre que le rapport d'employeur et d'employédans un organisme
international. C'est si bien le cas qu'on trouve une disposition
analogue :
1) dans l'accord relatif au Fonds monétaire international,
du 27 septembre 1945 (article 12, section 4c)) ;

2) dans l'accord relatif à la Banque internationale pour la
Reconstruction et le Développement, de la mêmedate (article 5,
section 5 c));
3) dans la Charte de 1'U. N. E. S. C. O., du 16 novembre 1945
(article VI, section 5) ;
4) dans la constitution de l'Organisation internationale du
Travail (article 9, sections 4 et 5) ;
5) dans la constitution de l'organisation mondiale de la Santé
(article37) ;
6) dans l'Acte constitutif de lJOrcranisation des Nations Unies
l'Alimentation et 1'~~ricultur~ (article 8, section z) ;
7) dans la constitution de l'Organisation internationale pour
les Réfugiés(article 9, section 3) ;

8) dans la convention relative à l'Aviation civile internationale
(article 59) ;
9) dans la constitution de l'organisation internationale du
Commerce (article 88, sections 1, 2, 3).
Dans ces conditions, serait-il concevable que les constitutions
de toutes ces institutions spécialiséesaient créé autant d'allégeances -

devant se traduire paf un droit de protection pour leur personnel,
analogue à celui des Etats pour leurs ressortissants ?

Qu'en est-il des autres bases ?
La Cour repousse d'une manière généraletout argument d'ana-
logie tiré de la règle traditionnelle du droit international relative
à la protection diplomatique des ressortissants à l'étranger(p. 182).
C'est à ce titre qu'elle rejette la prétendue allégeance qui résul-
terait de l'article IOO et qui tiendrait lieu de la nationalité aux

40211 OPINION DISSIDENTE DE BADAWI PACHA

fins de l'exercice du droit précité.Mais y a-t-il rien d'autre qu'un
argument d'analogie dans le raisonnement de la Cour lorsqu'elle
déclare:
IO que si l'on remonte au principe qu'implique la règle de la
nationalité de la réclamation, on constate que pour qu'une récla-
mation internationale au profit d'une personne puisse êtreprésentée
par un Etat, il faut que soit relevé un manquement, de l'État
prétendu responsable à une obligation vis-à-vis de 1'Etat récla-
mant, et

2" que ce principe conduit à reconnaître à l'organisation la
qualité de présenter une réclamation internationale poui un dom-
mage subi par son agent, si l'organisation invoque comme motif
de sa réclamation un manquement à une obligation existant
en\.ers elle (pp. 181et 182) ?
Certes, en invoquant le principe signalé plus haut qu'implique
la règle de la nationalité de la réclamation, en invoquant en
deiisième lieu l'existence d'importantes exceptions à cette règle
et, en dernier lieu, la situation nouvelle crééepar l'avènement de
1'Organisatioil des Nations Unies, la Cour n'en tire que la conclusion
qu'une réponse négative à la question I b) ne peut etre déduite

de ladite règle. Mais cette conclusion n'est qu'une partie de l'argu-
ment de la Cour en faveur du droit de l'O.N. U. de présenter une
rcclamation internationale pour les dommages visés par la ques-
tion 1 b). Qu'on le considère comme un argument préliminaire
oii auxiliaire, ou qu'on lui attribue une importance plus grande, cet
argument n'est, dans tous les cas, qu'un argument d'analogie en
faveur d'une réponse affirmative, qui tire ses éléments de la
nouveaute de la situation, de l'identité du principe à la base des
situations comparées et du caractère relatif et nullement rigide
de la règle de la nationalité.

Mais en droit international on ne devrait avoir recours à
l'analogie qu'avec beaucoup de réserve et de circonspection. A la
diffcrencc des droits internes et précisémentpar suite du principe
de la sou\-eraineté des États, l'analogie n'a pu être une technique
usuelle en droit international

Quoi qu'il en soit, cet argument de Ia Cour nous ramène à
l'obligntioii internationale qu'elle estime que la question présup-
pose, et clnisemble êtreà la base de l'argument d'analogie précité.

Sous noiis somxxes demandé si cette obligation tire sa source
de l'article2,paragraphe 5, de la Charte, ou de l'article105. Nais
il est évident que la première de ces deux dispositions, qui crée
une obligation d'un caractère nettement politique, ne saurait, en
cas de manquement à cette obligation, servir de base au droit de
présenter une réclamation pour les réparations dues à la victime.

41212 OPINION DISSIDENTE DE BADAWI PACHA

Ce droit suppose un rapport déterminéentre la victime et l'Orga-
nisation des Nations Unies qu'on ne saurait faire découlerde cette
obligation politique générale.
L'article 105 ne peut non plus fournir cette base. En effet, il
est de règle que les privilèges et immunités diplomatiques, dans

la mesure où ils feraient naître à la charge d'un Etat un devoir
de vigilance spéciale,n'autorisent et ne justifient quela réclamation
des réparations pour le dommage subi par 1'Etat qui a accrédité
l'agent victime. Si bien que, lorsqu il s'agit d'un consul qui ne
serait pas le national de 1'Etat réclamant, le droit de ce dernier
se limite à son dommage direct. Par contre, dans le cas où il s'agit
d'un représentant diplomatique, c'est le cumul de la qualité de
représentant et de celle de national qui permet de comprendre
dans la réclamation internationale les réparations dues à la victime.
Il faut, d'autre part, noter :
1) que l'article 105 ne fait bénéficierdes privilèges et immunités

que les fonctionnaires de l'organisation, terme qui ne coïncide pas
nécessairement avec celui d'agent, ainsi que la Cour l'a défini,
c'est-à-dire qui n'a pas la mêmesignification ou portée;
2) que l'article 105 n'est pas exclusif à l'organisation des
Nations Unies. Toutes les constitutions des institutions spécialisées
contiennent soit des dispositions la déclarant applicable, soit des
dispositions similaires.
En rattachant le droit de réclamation des réparations dues aux
victimes à une obligation qui dériverait de dispositions de cette
nature, on aboutirait à des solutions contraires à celles admises
par le droit international en matière de rapports de service. On

tendra en outre à généraliser,au profit de toutes les institufions
spécialisées,un droit qui, jusqu'ici, .n'a appartenu qu'à des Etats
et qui doit sa conception à une formation historique particulière
intimement liée à la notion de nationalité et tirant d'elle une
fiction d'identification entre Etat et national.
Le caractère politique de l'Organisation des Nations Unies ou
son importance dans la hiérarchie des organismes internationaux
ne sauraient avoir aucune pertinence en l'occurrence, ou justifier
de lui reconnaître, à l'exclusion des autres organismes, un droit
qui n'aurait de base que dans une disposition commune à tous.
Cette thèse, qui fonde le droit à une réclarhation internationale

sur la reconnaissance par un État de son obligation de respecter
un service public étranger, a étésoutenue par le représentant du
Gouvernement ffançais, qui estime que « la responsabilité inter-
nationale d'un Etat est engagée si la protection prescrite par le
droit international au profit des services diplomatiques et consu-
laires, n'est pas assurée. La personne d'un agent diplomatique
doit faire l'objet d'une vigilance spécialede la part des autorités
de 1'Etat qui le reçoit. Si cette vigilance fait défaut, s'il en résulte
un.dommage, l'État dont le service diplomatiqiie'est en cause peut
former une réclamation internationale. » Il semble d'autre part

42z13 OPISION DISSIDENTE DE BADAWI PACHA
comprendre dans cette réclamation les dommages visés par la

question 1 a) et b) à la fois. Ce représentant a cité à l'appui de
sa thèse plusieurs précédents,mais à la vérité aucun d'eux n'est
probant.
Le représentant du Royaume-Uni estime, par contre, que le
lien de service, par opposition à celui de la nationalité, n'investit
l'État que du droit de-présenter une réclamation internationale
pour le dommage que 1'Etat subit directement, à savoir le dommage
visépar la question 1 a), et c'est pr2cisément l'insuffisance de ce
fondement pour justifier la réclamation des réparations du dom-
mage visépar la question 1 6) qui a motivéla recherche d'un autre
fondement. Il a cru trouver ce fondement dans l'article 100, que

la Cour a estimé ne pouvoir retenir.

Siie Ine suis attardé à la recherche des tenants et aboutissants
de c&te obligation de protection dans les thèses des représentants
des gouvernements et du Secrétaire général,la raison en est que
la Cour elle-mêmel'a adoptée en la présupposant tout d'abord.
Puis, partant du fait qu'elle se trouve en présenced'une situation

nouvelle et que la Charte ne dispose pas expressément que l'organi-
sation a qualité pour comprendre dans sa demande de réparation
les dommages causés à la victime ou à.ses ayants droit, la Cour
invoque un principe de droit international qui aurait étéappliqué
par la C. P. J. 1. à l'Organisation internationale du Travail, selon
lequel ((l'organisation doit êtreconsidéréecomme possédant ces
pouvoirs qui, s'ilsne sont pas expressément énoncésdansla Charte,
sont, par une conséquencenécessaire, conférés à l'organisation en
tant qu'essentiels à l'exercice des fonctions de celle-c».
En application de ce principe, la Cour déclareque, afin d'assurer
l'exercice efficace et indépendant de ses fonctions et pour procurer

à ses agents un appui effectif, l'organisation doit leur fournir une
protection appropriée, et, après avoir affirméqu'il est essentiel que
l'agent puisse compter sur cette protection et qu'il n'ait pas besoin
de compter sur une autre protection (particulièrement son propre
Etat), la Cour conclut qu'il est évidentque la qualitéde l'Organisa-
tion pour exercer, dans une certaine mesure, une protection fonction-
nelle de ses agents est nécessairement impliquéepar la Charte.
Comme cette mesure n'est pas déterminée,la Cour adopte la
construction juridique énoncée par la Cour permanente relativement
àla réclamationpar un Etat des réparations dues àson ressortissant

et affirmequ'ccen demandant uqe réparation fondéesurun préjudice
subi par son agent, l'Organisation ne représente pas cet agent. Elle
affirme son propre droit, le droit de garantir le respect des engage-
ments contractés envers l'Organisation. »
C'est cette conclusion que je regrette de ne pouvoir accepter.214 OPINION DISSIDENTE DE BADAWI PACHA
Tout d'abord, je ne pense pas que l'Avis no 13 de la C. P. J. 1.

relatif à la compétence de l'organisation internationale du Travail
énoncele principe proclamé par la Cour comme un principe de droit
international d'une manière aussi catégorique et absolue. La Cour
permanente ayant étéappeléeà donner son avis sur la question de
savoir si une mesure déterminée,recommandée par cette Organisa-
tion, rentrait ou non dans sa compétence, a étéamenéeà constater
que (les fins dont la réalisation est confiéeà l'Organisation inter-
nationale du Travail sont énoncéesen termes si générauxqu'on ne
pouvait guère user d'un langage plus compréhensif »,et que, ((si
sa compétence était très étendue, lorsqu'il s'agit d'étudier et de

discuterdesquestions de travail et de formuler des propositions ....
par contre la compétence de cette Organisation est presque
entièrement limitée à cette forme d'activitéauxiliaire ». Elle conclut
dans les termes suivants :

cL'examen des dispositions du Traité montre que l'intention
bien nette des Hautes Parties contractantes était de conférer à
l'Organisation internationale du Travail des pouvoirs très étendus
pour collaborer avec elles au sujet des mesures à prendre en vue
d'assurer un régime detravail humain et la protection des travail-
leurs salariés.On ne saurait concevoir que leur but eût été d'em-
pêcherl'Organisation internationale du Travail d'élaboreret de
proposer des mesures essentielles à la réalisation de cette fin.
L'Organisation,cependant, s'en trouverait empêchée si ellne'avait
pas compétence pourproposer, afin de protéger lestravailleurs
salariés,une réglementation qui, pour 'atteindre son but, devrait
nécessairements'appliquer dans une certaine mesure au travail
des patrons. »

Cet avis n'a donc aucune portée généralede principe. Il 'ne
fait qu'interpreter l'intention des parties quant à la partie XII1 du
Traité de Versailles à la lumière de la généralitédes termes qui y
sont employés.
En admettant mêmeque le principe proclamé par la Cour soit
une règle d'interprétation judiciaire et non une recommandation
de politique législative, il resterait à établir que la protection
appropriéequel'organisation doitfournir àsonagent estprécisément
le droit de réclamerla 7éparationqui lui est due. Ce droit n'est

évidemment pas l'unique mode d'une protection appropriée. Nous
savons d'autre part que laprotection par un État de son ressortis-
sant n'a pu se traduire par un droit de cette nature par la simple
notion de protection, mais grâce au concours supplémentaire d'une
construction juridique ingénieusequi, se basant sur la nationalité,
a pu identifier l'État avec son ressortissant, et considérer que la
réparation due à ce dernier constitue la mesure de la réparation
due à l'État. C'est pourquoi la Cour a dû établir un chaînon entre
la nécessitéde la protection et le droit de réclamer la réparation

due à l'agent, à savoir la qualité pour exercer dans une certaine
mesure une protection fonctionnelle, et l'obligation de réparer
((dans une forme adéquate ».2I5 OPINION DISSIDENTE DE BADAWI PACHA

Mais la transposition par la Cour (p. 184)des termes employéspar
la Cour permanente pour 1'Etat et son national à l'organisation et
ses agents, n'est qu'une pure affirmation qui n'a éténullement
établie.
Il faut noter, d'autre part, que si l'Organisation doit assvrer
cette protection dans les mêmesconditions que celle d'un Etat
pour son ressortissant (et il n'y aaucune raison pour qu'il en soit
autrement), son action contre 1'Etat responsable ne peut naître
qu'après que son agent a épuisétoutes les instances nationales et

qu'il s'est trouvé dans un cas de déni de justice.
Or, dans les conditions d'un agent de l'organisation des Nations
Unies où celui-ci se trouve liéà l'Organisation par un contrat sous
une forme ou sous une autre, la protection appropriée et, de plus, la
plus efficace,est certainement laréparationquel'organisation aurait
à lui accorder, sauf pour elle de la récupérerde 1'Etat responsable.
Des considérations qui précèdent, la seule conclusion qui s'im-
pose est que l'interprétation légale ne saurait donner une base
qui s'accorderait avec les principes générauxde droit et qui donne-
rait des solutions acceptables ou satisfaisantes.
Nous avons constaté la diversité des bases proposées par les
gouvernements. La Cour ne les a pas acceptées ou n'en a accepté
qu'une, à savoir celle du manquement à des obligations dont l'objet
est de protéger les agents de l'organisation des Nations Unies
dans l'exercice de leurs fonctions, obligation qu'elle a, du reste,

présupposée. Maisellea dû, pour en tirer la réponsà la question1 b),
la compléterpar d'autres propositions qu'elle a simplement affirmées
et qu'à mon avis elle n'a pas établies. Il est, dès lors, inévi-
table que les solutions qu'une base aussi abstraite etgénérale quc
celle de la protection fonctionnelle adoptéepar la Cour peut donner,
seraient les plus extrêmes.C'est ainsi que la Cour estime que l'Orga-
nisation des Nations Unies a qualitépour présenter une réclamation
internationale pour les répxations dues à tout agent (dans le sens
le plus large), contre un Etat Membre de l'Organisation ou non
membre. En ce qui concerne ce dernier cas, on peut toutefois se
demander dans quelles conditions peut naître l'obligation de pro-
téger l'agent, que la Cour estime présupposéedans la demande
d'avis. L'Organisation a même qualité pour présenter une récla-
mation à 1'Etat national de la victime, lui-même.

En fait, on ne saurait éviter cette diversité de bases ou la contra-
diction des solutions qui en résultent, dès lors qu'on transpose
une règle du cadre où elle s'est forméedansun autre cadre où, les
dimensions n'étant pas les mêmes, elle ne peut s'accommoder
avec l'aisance ancienne. A tout prendre, la nouvelle construction
serait nécessairement artificielle et ne peut, malgré la meilleure
volonté, satisfaire entièrement aux besoins nouveaux.
Ce qu'il faut, c'est créerdes règles à leur mesure. Une étude
spéciale de la question révélerait sans doute toutes les circons-
tances de fait et la multiplicité des cas où la question peut se

45216 OPINIOX DISSIDESTE DE BADAJVI PACHA

présenter, ct la solution pratique qu'il convient de donner à cc'
divers cas dans les éventualités diffbrentes. Sur ces données, on
peut échafauder une construction juridique compatible avec ces
solutioris.
Il importc peu que l'interpretation des règles en vigueur en
droit interriational s'accorde ou non avec ces solutions. dès lors
q~ie le vteu unanime de l'Assemblée généraleest d'assurer une
protection maximum aux agents de l'organisation des Nations
Unies dans le sens lc plus largc et non seulement aux membres du
Secrétariat.
La Cour, dont ln fonction est de dire le droit et de le dire dans
l'état où il a évolué, nr sailrait, en tout cas, en présencede situ-

ations et de conti~lgcnces nouvellcr; de riatiire complexe et variée,
admettre que les règles simples et l~oinogèilesqu'on a coutume de
consitl6rer comme le droit interriational en vigiieur, soient l'expres-
sion juridique approprié? de ces situations et contingences.
D'après les règlcs en vigueur, l'organisation des Kations Unies
a qualité pour présenter des réclamations internationales, lorsqu'un
de ses agents (dans lc sens large) a subi un dommage dans l'exercice
de ses fonctions, pour le dommage viséà la question 1a). Ce dom-
mage peut bien comprendre le dommage subi par la victime pour
autant que ce dommage aura étéprévu dans le contrat de service.
Mais rien n'exclut la possibilité pour des agents temporaires,
médiateurs ou membres de commission, toutes les fois que la nature
de leurs fonctioris ou missions les oblige à s'exposer à des dangers
dans les territoires des Etats où ils auraient exercer ces fonctions
ou à accomplir ces missions, de passer des contrats, pour les répara-

tions qui leur seraient dues dans l'éventualité d'un dommage subi
dans l'exercice de leurs fonctions.
Cette forme de réparation sera pour les intéressés plus directe,
plus efficace et plus immédiate que tout droit de réclamation
internationale qui viendrait à êtrereconnu à l'Organisation des
Nations Unies de leur chef.

Ma réponseest donc oui pour la première question a) etnon pour
la première qucstion b).
Vu la réponse à la question 1 a), la deuxième question ne se
pose pas.

(Signé)BADAWIPACHA.

Bilingual Content

OPINION DISSIDENTE DE BADAWI PACHA

La Cour, après avoir définiou préciséles sens des termes (agent ))
et « réclamation internationale D,procède à établir la personnalité
internationale de l'O. N. U. et, avant d'aborder l'examen des cas
concrets envisagés dans la demande d'avis, arrive à la conclusion
qu'à ce titre, et abstraction faite de l'objet de la réclamation,
1'0. N. U. a qualité pour présenter les réclamations internationales
que nécessiterait l'exercice de ses fonctions.

On ne peut évidemment contester cette conclusion. En effet,
longtemps avant l'Organisation des Xations Unies, des personnes
internationales ont existé, et, tout récemment encore, de muitiples
institutions ont été crééesavant et après l'organisation des Nations
Unies qui ont cette personnalité. La Charte de l'organisation inter-
nationale du Commerce (International Trade Orgawization) (la
dernière en date) prévoit même expressémentqu'elle possède la
personnalité juridique internationale. Il va sans dire que l'organi-
sation des Nations Unies, qui estl'organisation internationale mai-
tresse et la plus importante de toutes, .ne peut avoir, moins que
l'une de ses branches, la personnalité juridique internationale.
Mais comme la Cour elle-mêmele constate,un système juridique
peut fort bien ne pas admettre que toutes les personnes auxquelles

il reconnaît des droits soient identiques en leur nature et quant à
l'étendue de leurs droits.
En établissant la personnalité internationale de l'O. N. U., on
aura donc simplement établi sa qualité de sujet de droit en matière
de réclnmation internationale, mais on n'aura pas encore établi
qu'elle possède un droit déterminé.
En effet, il n'y a pas de droit commun pour les personnes inter-
nationales. Il y a, d'une part, les Etats quiont des caractéristiques,
droits et obligations communs reconnus par le droit international
et, d'autre part, un ensemble de personnes de caractère et de
hiérarchie différents cornprenant entre autres des unions, des
commissions, des groupements internationaux, sous diverses
dénominations, des institutions spécialisées telles que 0. 1. T.,

O. hi.. S.,F. A. O., 1. R. O., 1. T. O., Fonds monétaire, Banque
internationale, U. N. E. S. C. O. et, enfin, 0. N. U. Malgré une
certaine similarité eïitre elles, chacune de ces dernières personnes
relève, en ce qui concerne ses buts, principes, organisation, compé-
tence, droits et obligations, de son acte constitiitif et n'est
censée exister qu'ail profit des Etats qui ont signéet ratifié ledit
acte ou qui y ont adhéré.

35 DISSENTING OPINION BY JUDGE BADhWI PASHA.

[Translation.]

After defining or making clear the meaning of the terms "agent"
and "international claim", the Court goes on to show that the
United Nations has international personality. Then, before dealing
with the concrete cases envisaged in the Request for an Opinion, it
reaches the conclusion that, on this ground, and apart from the
object of the claim, the Organization has the capacity to bring
international claims in so far as may be required in the perfor-
mance' of its duties.
Evidently, this conclusion cannot be disputed. Long before
the Organization, international persons had existed ; and again
quite recently a riumber of institutions have been set up, both

before and after the Organization itself, which have this personality.
The Charter of the International Trade Organization (the last
of these institutions) expressly provides that it shall have inter-
national legal personality. It goes without saying that the United
Nations, as the main Organization and the most iniportant of all,
must have international legal personality, just as much as one of
its branches.

But, as the Court itself observes, a juridical system is not boiincl
to admit that al1 persons to whom it accords rights are idc:itical
in their nature or as regards the extent of their rights.

In stating that the Organization has international personality,
we shall therefore merely have defined its capacity as a subject of
law in regard to an international claim ; but we shall not yet have
shown that it has a particular right.
There is in fact no common law for international persons. There
are, on the one hand, States that have common characteristics,

rights and obligations, recyyized in international law ; and, on
the other hand, a nuniber of persons of different nature and difierent
rank : unions, commissions, international groups, with various
names ; Specialized Agencies, such as I.L.O., W.I.I.O., F.A.O.,
I.R.O., I.T.O., the Monetary Fund, the International Bank,
U.N.E.S.C.O. and lastly U.N. In spite of a certain reseniblance une
to another, each of these persons depends, as regards its objects,
principles, organization, competence, rights and obligations, on
the terms of its constitution, and is deemed to exist only for
the benefit of States which have signed and ratified, or which have
acceded to that instrument. 206 OPINION DISSIDENTE DE BADAWI PACHA

La demande d'avis porte sur le droit de l'O. N. U. de réclamer
la réparation des dommages causés a) à elle-même,b) à la victime
lorsque celle-ci est un agent des Nations' Unies, ou à ses ayants
droit.

Or, le droit international reconnaît à un État le droit de réclamer
la réparation des dommages causés à lui-même,ainsi que de ceux
causés à la victime ou à ses ayants droit lorsqu'il s'agit d'un res-
sortissant de cet État qui n'a pas pu obtenir satisfaction par les
voies ordinaires (droit connu sous le nom deprotection diplomatique

d'un ressortissant à l'étranger).
Le preriiier droit appartient à l'État comme un zttribut de son
existence étatique et comme une conséquence de sa personnalité
internationale, tandis que le second est le friiit d'un processus de
cristallisation laborieuse qui s'est accompli depuis la fin du xrxme

siècle.Nonobstant certains abus qui en ont accompagné l'exercice,
ce droit est universellement reconnu. Sa conception et sa justi-
fication n'ont cependant pas cesséd'êtrediscutées. En fait, le droit
de réclamer les réparations des dommages causés à la victime ou
à ses ayants droit naît dans la personne de la victime ou dans celle
de ses ayants droit et n'appartient généralement à d'autres per-

sonnes que dans la mesure où ces dernières représenteraient l'une
ou les autres.
En reconnaissant à l'État le droit de réclamer les réparations
de ces dommages, le droit international ne le fait pas parcequ'il
considère que 1'Etat est un représentant légalde la victime, mais

parce qu'il estime que 1'Etat fait valoir son droit propre, le droit
qu'il a de faire respecter en la personne de ses ressortissants le
droit international (Arrêtde la C. P. J. 1. no 2, Série A, no 2, p. 12).
En l'absence d'accords particuliers, c'est le- lien de nationalité
entre l'État et l'individu qui seul donne-à 1'Etat le droit de pro-

tection diplomatique (Arrêt de la C. P. J. 1. du 28 février 1939,
SérieA/B, fasc. 56, p. 16) l.C'estdonc par une construction juridique

l Le lien de nationalité est uncondition essentiellde l'exercice par un État
du droit de réclamation internationaleau nom de la victime, mais la Cour dit
dans l'avis (p.181)que cette règle comporte d'importantes exceptions, et qu'il
existe des catégories de cas dans lesquels la protectpeut être exercée par un
État au profit de personnes qui n'ont pas sa nationalité. Or, la Cour permanente
de Justice internationaleen réponse à une objection de la même nature, avait
déclaré dans l'Arrêt précité du28 février1939 :

s'est efforcé de diminuer l'importance dcette règle de droit international,,
voire d'en nier l'existencIl a cité un certain nombre de décisions, maisà
l'examen, an constate qu'il s'agissait de cas où les gouvernements intéressés
étaient convenus d'écarter l'application stricte de la règle, c'est-à-dire d'af-
faires où les deux gouvernements en cause avaient accepté d'instituerun
tribunal internationalpourvu de la compétence nécessaire pour statuer sur
les réclamations, même si la condition de nationalité n'était pas remplin.

D'autre part, les catégories de cas visés par i'avis semblent se rattacaux
cas de protectiondu pavilion et des forces armées, où la protection s'àttoute DISSENTING OPINION BY JUDGE BADAWI PASHA 206

The Request for an Opinion relates to the Organization's right
to claim reparation for damage caused (a) to itself, and (b) to the
victim, when he is an agent of the United Nations, or to persons
entitled through him.
International law recognizes that a State has the right to claim
reparation for damage caused to itself and to the victim or to

persons entitled through him, when he is a national of that State,
and has not been able to obtain satisfaction through ordinary
channels (right known as diplomatic protection of nation& abroad).

The first right belongs to the Stateas an attribute of its existence

as a State, and as a consequence of its international personality ;
the second is the fruit of a process-of laborious crystallization that
has been completed since the end ofthe nineteenth century. In spite
if certain abuses that have accompanied its exercise, this right is
universally recognized. But its conception and its justification

have constantly been discussed. In fact, the right to claim repara-
tion for injuries suffered by the victim or persons entitled through
him arises in the person of the victim, or in that of the persons
entitled, and as a general rule belongs only to other persons in so
far as they represent the victim or the persons entitled through him.

International law recognizes that the State hasthe right to claim
reparation in respect of this damage, not because it considers that
the State is a legal representative of the victim, but because it
holds that the State, in asserting its own right, the right which it
has to ensure, in the person of its subjects, respect for the rules of

international law (Judgment No. 2 of the P.C.I.J., Series A., 50. 2,
p. 12). In the absence of a special agreement, it is the bond of
nationality between the State and the individual ~vhichalone confers
upon the State the right of diplomatic protection (Judgment of
the P.C.I. J., February 28th, ,1939, Series A./B., Fasc. 76, p. 16) l.

l The bond of nationality is an essential condition oi the exercise ba State
of the right to bring an internatiodaim on behalf of the victim ;but the Court's
Opinion states (p.181)that there are important exceptions to this rule, and that
there exist classes of cases in which protection may be exercised by a State on behalf
of persons not having its nationality.PYowthe Permanent Court of International
J,ustice, in reply to a similar objection, stated, in the above-mentiJudgxrient
of February 28th, 1939,that :
"The Estonian agent both inthe written pleadings and in the oral arguments
has endeavoured to discredit this rule of internatiolaw, if not to deny its
existence. He cited a certain number of precedents, but when these prece-
dents are examined, it will be seen that they are cases where the governments
concerned had agreed to waive the strict applicationof the rule, cases where
the two governments had agreed to establish an international tribunalwith
jurisdiction to adjudicate on claims even if this condition asto nationality were
not fulfilled."
On the other hand, the classes of cases envisaged in thepinioii seern to relate
to the protection of the flag and of armed forces, in which case protectionends 207 OPINION DISSIDENTE DE BADAWI PACHA

d'identification entre le ressortissant et son État national qu'on
reconnaît à ce dernier le droit de présenter une réclamation inter-
nationale pour la réparation due à la victime ou à ses ayants droit.

Dans cette construction, l'État n'agit pas comme représentant
de son ressortissant, bien qu'il réclame la réparation du dommage
subi par ce dernier. Mais la réparation qu'il réclame du chef de
ce dommage a le caractère internatlonal d'une réparation due par
un Etat à un autre. On trouve dans l'Arrêtno 13 de la C. P. J. 1.
(Série A, no 17, pp. 27-28) un exposé remarquable de cette cons-

truction juridique dans les termes suivants :
((11est un principe de droit international que la réparation
d'un tort peut consister en une indemnité correspondant au dom-
mage que les ressortissants de l'État léséont subi par suite de
l'acte contraire au droit international. C'est mêmela forme de
réparation la plus usitée ; l'Allemagne l'a choisie en l'espèce,et
son admissibilité n'est pas contestée. Mais la réparation due à
un Etat par un autre État ne change pas de nature par le fait
qu'elle prend la forme d'une indemnitépour le montant de laquelle
le dommage subi par un particulier fournira la mesure. Les règles
de droit qui déterminent la réparation-sont les règles de droit
international en vigueur entre les deux Etats en question, et non
pas le droit qui régit lesrapports entre l'État qui aurait commis
un tort et le particulier qui aurait subi le dommage. Les droits
ou intérêtsdont la violation cause un dommage à un particulier
se trouvent toujours sur un autre plan que les droits de 1'Etat
auxquels le mêmeacte peut également porter atteinte. Le dom-
mage subi par le particulier n'est donc jamais identique en
substance avec celui que l'État subira ; il ne peut que fournir
une mesure convenable de la réparation due à 1'Etat.))

Ils'agit donc de savoir si l'O. N. U. possède, en ce qui concerne
le dommage subi par un de ses agents dans l'exercice de ses fonc-
tions, un droit de réclamation internationale, sinon de la même
nature que celui d'un Etat du moins ayant la mêmeportée.

La Cour, dans la partie préliminaire de l'avis, réservéeaux
précisions relatives à la position de la question, avait déclaréque :
n d) Cette question étant poséepour le cas d'un dommage subi
dans des conditions de nature à engager la responsabilité d'un
Etat, il faut, pour l'examiner, supposer que le dommage résulte
du manquement, par cet État, à des obligations dont l'objet est
de protéger lesagents de l'organisation des Nations Unies dans
l'exercice de leurs fonctions.1)

nationalité.Mais il y a lieu de signaler que la condition de nationalité étant
remplie en ce qui concerne le pavillonou les forces armées, son absendans
une ou plusieurs unités ou personnes d'une entité nationale pourrait être considérée
comme couverte par un principe d'indivisibilduépavilIon ou des forcesarmées. DISSENTING OPINION BY JUDGE BADAWI PASHA z07

It is thus by juridically identifying the national and his national
State, that the latter is deemed to have the right to bring an
international clainl for reparation due to the victim or to persons
entitled through him.
According to this theory, the State does not act as representative
of its national, although it claims reparation for the damage

suffered by him. But the reparation that it claims for this injury
possesses the international character of reparation due from one
State to another. In Judgment No. 13 of the P.C.I.J. (Series A.,
No. 17, pp 27-28), we find a remarkable statement of this
juridical theory in the following terms : .

"It is a principle of international law that the reparation of a
wrong may consist in an indemnity corresponding to the damage
which the nationals of the injured State have suffered as a result
of the act which is contrary to international law. This is even the
in this case and the admissibility of it lias not been disputed.manyThe

reparation due by one State to another does not however change
its character by reason of the fact that it takes the form of an
private person is taken as the measure.the The rules of law governing
the reparation are the riiles of international lam in force between
the two States concerned, and not the law governing relations
between the State which has coinrnitted a wrongful act and the
tlamage. Rights or interests of an
individual the violation of which rights causes damage are always
in a different plane to rights belonging to a State, wliich rights
mav also be infringed bv the same act. The damage siiffered by
an individual is never therefore identical in kind witli that which
will be suffered by a State ; it can only afford a con\-enient scalefor
the calculation of the reparation due to the State."

The question, therefore, is whether, as regards injuries suffered
by one of its agents in the performance of his duties, the Organ-
ization has a right to make an international claim at any rate
of the same scope, if not of the same nature, as a claim made

by a State.
In the preliminary part of the Opinion, devoted to a considera-
tion of the question, the Court stated that :
As tliis question relates to a case of injiiry suffered in siich
circumstances as to invol\*e a State's responsibility, it must be
supposed, for the piirpose of the esamination, that the damage
resiilts irom a failurehy the State to perform obligations of which
tlie purpose is to protect tlie agents of the United Nations Organ-
ization in the performance of their diity."

to everyone in the ship or in the forces, independfnt of nationality.But
it must be pointed out thatas the contlition of nationalis satisfied as regards
the flag or the forces, its abseilce, in the case of one or niore units or persons of a
national entity,nay be hrld to he c«x.er<,d hy a principletlieindivisibiliof
the flag or of the armccl forcîs.208 OPINION DISSIDENTE DE BADAWI PACHA

Ida Cour admet donc en postulat l'existence d'une obligafion
internationale en faveur de l'O. N.U. et à la charge de tout Etat
Membre dont la responsabiliti: serait en question. Mais rien dans
les termes de la question ne permet d'admettre un postulat de cette
nature ; le membre de phrase « dans des conditions de nature à
engager la responsabilité d'un État »ne semble se référerqu'aux
conditions traditionnelles de la protection diplomatique, 3. savoir,
l'épuisement des instances nationales et l'existence d'un déni de
justice (voir discussions de la Commission VI de l'Assembléegénérale

des Nations Unies).
S'agit-il, dans la penséede la Cour, de i'obligation des Membres
visée à l'articl2, paragraphe 5,de la Charte, de donner à l'O. N. U.
nleiiie assistance danstoute action entreprise par elle conformément
aux dispositions de la Charte, ou des obligations résultant des
dispositions de l'article105 de la Charte et de la Convention sur les .
privilègeset immunités ? Un passage de l'avis (p. 183) semble viser
les deux obligations à la fois.
Toujours est-il que la Cour ne s'est pas souciéed'établirla source
de cette obligation, alors qu'il est évident que le manquement d'un
Etat àune de sesobligations et Iesconséquencesqu'on aura à en faire
découlerdépendent étroitement des élémentsprécisde cette obliga-

tion.
&jais que la source de l'obligation présupposéesoit l'une ou
l'autre des dispositions précitées, il resterait toujours à établir
que le manquement à cette obligation ferait naître au profit de
1'0. N. U. un droit de présenter une réclamation internationale
pour la réparation des dommages viséspar b)dela premièrequestion,
car le droit de réclamer la réparation des dommages viséspar a)
ne soulèveaucune difficulté. S'il y a lieu de présupposer une obliga-
tion, ce droit ne serait que la contre-partie directe de cette
obligation.

Tant les réponses écrites des gouvernements, à l'exception
de celle des Etats-Unis, que les exposésoraux prononcés en séance
publique, ont reconnu au profit de l'O. N. U. le droit de présenter
une réclamation internationale pour les dommages viséspar h), et
se sont évertués à lui donner un fondement. Chacun a eu sa thèse.

C'est ainsi que les uns ou les autres ont fondéce droit sur une
ou plusieurs des bases suivantes :
1) analogie entre la situation de 1'0. N. U. et celle des États,
parce que les principes généraux sur lesquels cette dernière se
fonde lui seraient également applicables ;

2) naissance d'une situation nouvelle due au développement de
l'organisatior, internationsle et dans laquelle la communauté
38 DISSENTING OPINION BY JUDGE BADilWI PASHA 208

The Court therefore admits as a postulate the existence of an
obligation in favour of the United Nations and incumbent on
any Member State whose responsibility might be involved. But
there is nothing in the terms of the question to authorize the
admission of such a postulate ; the clause "i~i circumsta~ices
involving the responsibility of a State" seerns to refer only to
the traditional conditions of diplomatic protection, namely thc.
exhaustion of local remedies and the existence of a denial of
justice (see debate in Committee 1'1of the United Nations General

Assembly) .
Hasthe Court in view the obligation of Members, under Article 2,
paragraph 5, of the Charter, to give the United Nations every
assistance in any action it takes in accordance with the Charter ;
or has it in view the obligations derived from Article Ioj of thc
Charter, and from the Convention on Privileges and In~miinities ?
A passage from the Opinion (p. 183) seems to refer to Soth of
these obligations.
But, al1 the same, the Court has not endeavoured to discover
the source of this obligation, altliough it is evident that the
disregard by a State of an obligation, and the conseqiiences
that may follow, are closely dependent on the actual terrns of
the obligation.
But even whether the source of the supposed obligation be

one or other of the above-mentioned provisions, it ~ould still
have to be shown that a breacli of the obligation would give
rise to a right of the United Nations to mâke an international
claim for reparation of the darnage caused by (b) of the first
question ;the right to claim reparation of the darnage iindcr (a)
gives rise to no difficulty. If the existence of an obligation is
assumed, this right would only be the direct resiilt of this obligation.

Both the written statements of the governments (except that
of the United States Government) and the statements made in

Court recognized that the United Nations had the right to bring
an international claim in respect of the damage referred to under
(b), and they endeavoured to give reasons for this. Each represeri-
tative had his own argument.
They founded this right on one or more of the following
grounds :
(1) The analogy between the position of the United Nations
and that of States, because the general principles underlying the
position of States would be equally applicable to the Cnited
Nations.
Creation of a new situation, ouring to the developnierit of
international organization ; in this situation, the i~iternatioiial

3sZog OPINION DISSIDENTE DE BADAWI PACHA
internationale a besoin qu'un pas en avant soit fait pour la protec-
tion de ses agents ;
3) la règle que la réparation des dommages subis par la victime

serait habituellement et principalement la mesure de la réparation
due à l'État et, partant, à l'O. N. U;
4) affaiblissemect du lien de l'allégeance nationale impliqué
par les dispositions de l'articleIOO de la Charte, d'une part, et,
d'autre part, des considérations d'opportunité, la protection
nationale faisant défaut pour les apatrides, réfugiéset personnes
déplacées, ouétant illusoire lorsque 1'Etat national, pour une raison
ou pour une autre, ne cherche pas à l'exercer ;
5) une obligation internationale d'assurer la protection d'un
service public étranger, confirmée par plusieurs précédents se
rattachant à l'application des articles 88 et 362 du Traité de
Versailles, 2 l'histoire diplomatique du concert européen dans la
question de Crète, et enfiià l'affaire de Corfou de1923 (cas Tellini);

6) l'article xoo de la Cliarte.

Abstraction faite de la valeur propre de chacune de ces bases,
leur diversité implique déjà, en ce qui concerne la justification
du droit de l'O. N ,U., des contradictions et des incohérences.
Les partisans de certaines bases considèrent les autres comme
inadéquates ou insuffisantes.
A juste titre, la Cour a écartél'argument tiré de l'article IOO
(p. 182). Du reste, cette base ne justifiait le droit de réclamation
internationale que pour le Secrétaire généralet le personnel du
Secrktariat, de sorte qu'il restait à trouver une autre base pour
la protection des agents autres que le personnel du Secrétariat.

Ily a lieu d'ajouter que cette disposition, notamment l'alinéa
premier, n'est qu'une règle de conduite ou de discipline pour
le Secrétaire généralet le personnel du Secrétariat, règle qui aurait
mieux trouvé sa place dans le Règlement intérieur du Secrétariat,
si on ne devait pas l'accoupley du deuxième alinéa, qui prescrit
une obligation à la charge des Etats, et si on ne devait pas, d'autre
part, justifier les privilèges et immunités que l'article Ioj établit
en leur faveur.
Le fonctionnaire de l'organisation, ressortissant d'un État
déterminé, peut avoir à collaborer, sous une forme ou sous une
autre, dans les débats ou dans les décisions de l'organisation où
les actes et les intérêtsSe cet État sont en discussion. Ce fonction-
naire se trouverait, par conséquent, dans un cas de conflit entre
ses sentiments nationaux et son devoir. Il était donc nécessaire,

pour rassurer les Etats Membres au sujet de l'impartialité du Secré-
tariat, de définir la situation de son personnel par rapport à cc
conflit, et de déterminer scs devoirs. C'est pourquoi on lui enjoint,
39 DISSENTING OPINION BY JUDGE BADAWI PASHA
209
community requires that a step forward should be taken towards
the protection of its agents.
(3) The rule that the reparation of damage suffered by the
victim would habitually and principally be the measure of repara-
tion due to the State, and consequently to the United Nations.
Weakening of the bond of national allegiance implied in
(4)
Article IOO of the Charter on the one hand, and by considerations
of expediency on the other hand, there being no national protection
for stateless persons, refugees and displaced persons, or such pro-
tection being illusory if, for any reason, the national State doeç
not endeavour to exercise it.
(5) An international obligation to ensure protection of a
foreign public service ; this is confirmed by several precedents
derived from the application of Articles 88 and 362 of the Treaty
of Versailles, from the diplomatic history of the concert of
European Powers in the Cretan question, and from the Corfu
affair of 1923 (Tellini AfTair).
Article IOO of the Charter.
(6)

Apart from the actual value of each of these arguments, their
diversity gives rise to contradictions and inconsistency as regards
the justification of the United Nations' right. Those who uphold
certain arguments consider others inadequate or insufficient.

The Court was right to set aside the argument drawn from
Article IOO (p. 182). Such an argument only justified the making
of an international claim for the Secretary-General and the staff of
the Secretariat, so that other grounds had to be found for the

protection of agents other than the staff of the Secretariat.
It must be added that this Article, and especially paragraph 1,
is only a rule of conduct or discipline for the Secretary-General
and the staff of the Secretariat. It is a rule which would have
been more in place in the Staff Regulations of the Secretariat,
if it had not been desired to link it up to the second paragraph,
which imposes an obligation on States, and if it had not also
been required to justify the privileges and immunities provided
in their favour by Article 105.
An officia1of the Organization who is a national of a particular
State may, in one may or another, have to take part in discussions
or decisions of the Organization, where actions and interests of

the particular State are involved. This officialmight consequentlÿ
find that his national feelings and his duties were in conflict in a
particular case. It was therefore necessary to reassure States
Jlembers of the Secretariat's impartiality, and to define what
\vould hc the situation of the staff in such cases of conflict, and
detcrminc their duties. For this reason, in the first paragraph
3O210 OPINION DISSIDENTE DE BADAWI PACHA

dans le premier alinéa de cet article, de ne solliciter ni d'accepter
d'instructions d'aucun gouvernement ni d'aucune autorité exté-
rieure à l'Organisation. La prescription suivante est une répétition
de la même règlesous une forme plus large, et elle a, en outre, trait
à la dignité de la situation des fonctionnaires iriternationaux.
L'allusion à la responsabilité exclusive envers l'Organisation est
une conséquence et une consécration nécessaire des règles qui
précèdent.
Le deuxième alinéa de cet article ne fait que reproduire les idées
qui sont à la base du premier alinéa, vues du côté del'État dont le
fonctionnaire est un ressortissant.
Dans les conditions spécifiques de la nature de l'organisation,

de ses fonctions et de ses pouvoirs, la disposition ne traduit rien
d'autre que le rapport d'employeur et d'employédans un organisme
international. C'est si bien le cas qu'on trouve une disposition
analogue :
1) dans l'accord relatif au Fonds monétaire international,
du 27 septembre 1945 (article 12, section 4c)) ;

2) dans l'accord relatif à la Banque internationale pour la
Reconstruction et le Développement, de la mêmedate (article 5,
section 5 c));
3) dans la Charte de 1'U. N. E. S. C. O., du 16 novembre 1945
(article VI, section 5) ;
4) dans la constitution de l'Organisation internationale du
Travail (article 9, sections 4 et 5) ;
5) dans la constitution de l'organisation mondiale de la Santé
(article37) ;
6) dans l'Acte constitutif de lJOrcranisation des Nations Unies
l'Alimentation et 1'~~ricultur~ (article 8, section z) ;
7) dans la constitution de l'Organisation internationale pour
les Réfugiés(article 9, section 3) ;

8) dans la convention relative à l'Aviation civile internationale
(article 59) ;
9) dans la constitution de l'organisation internationale du
Commerce (article 88, sections 1, 2, 3).
Dans ces conditions, serait-il concevable que les constitutions
de toutes ces institutions spécialiséesaient créé autant d'allégeances -

devant se traduire paf un droit de protection pour leur personnel,
analogue à celui des Etats pour leurs ressortissants ?

Qu'en est-il des autres bases ?
La Cour repousse d'une manière généraletout argument d'ana-
logie tiré de la règle traditionnelle du droit international relative
à la protection diplomatique des ressortissants à l'étranger(p. 182).
C'est à ce titre qu'elle rejette la prétendue allégeance qui résul-
terait de l'article IOO et qui tiendrait lieu de la nationalité aux

40 DISSENTING OPINION BY JUDGE BADAWI PASHA 210
ol this Article, the staff are enjoined not to seek or receive

instructions from any government or from any other authority
external to the Organization. The following provision is a
repetition of the same rule in a more extended form ; it also
relates to the dignity of an international officia1 position. The
reference to the exclusive responsibility towards the Organization
is a consequence and a necessary confirmation of the preceding
rules.
The second paragraph of this Article only repeats the idear under-
lying the first paragraph, as looked at from the viewpoint of the
State of which the officia1is a national.

In these specific conditions of the nature of the Organization,
its duties and powers, the provision implies nothing more than tht.
relations between employer and employed in an international body.
So much so that a similar provision is found in :

the Agreement relating to the International Rlonetary Fund,
(1)
September 27th, 1945 (Article 12, Section 4 (c));
(2) the Agreement relating to the International Bank for
Reconstruction and Development of the same date (Article j,
Section 5 (c)) ;
(3) the U.N.E.S.C.O. Charter, November 16th, 1945 (Article VI,
Section 5) ;
(4) the constitution of the International Labour Organization
(Article 9, Sections 4 and 5) ;
the constitution of the World H~alth Organization (Article
(5)
37) ; the constitution of the Food and Agriculture Organization
(6)
of the United Nations (Article 8, Section 2);
(7) the constitution of the International Refugee Organization
(Article 9, Section 3) ;
(8) the Convention on International Civil Aviation (Article 59) ;

(9) the constitution of the International Trade Organization
('4rticle 88, Sections 1, 2, 3).

In these circumstances, would it be conceivable that the con-
stitutions of al1these Specialized Agencies can have created somany
allegiances involving a right of protection for their staff similar
to that accorded by States to their nationals ?

What is to be said of the other arguments ?
The Court rejects in general any argument by analogy from the
traditional rule of international law asto the diplomatic protection

of nationals abroad (p. 182). In this way, it rejects the alleged
allegiance resulting hom Article 100, which would take the place
of nationality for the purpose of the exercise of the right above211 OPINION DISSIDENTE DE BADAWI PACHA

fins de l'exercice du droit précité.Mais y a-t-il rien d'autre qu'un
argument d'analogie dans le raisonnement de la Cour lorsqu'elle
déclare:
IO que si l'on remonte au principe qu'implique la règle de la
nationalité de la réclamation, on constate que pour qu'une récla-
mation internationale au profit d'une personne puisse êtreprésentée
par un Etat, il faut que soit relevé un manquement, de l'État
prétendu responsable à une obligation vis-à-vis de 1'Etat récla-
mant, et

2" que ce principe conduit à reconnaître à l'organisation la
qualité de présenter une réclamation internationale poui un dom-
mage subi par son agent, si l'organisation invoque comme motif
de sa réclamation un manquement à une obligation existant
en\.ers elle (pp. 181et 182) ?
Certes, en invoquant le principe signalé plus haut qu'implique
la règle de la nationalité de la réclamation, en invoquant en
deiisième lieu l'existence d'importantes exceptions à cette règle
et, en dernier lieu, la situation nouvelle crééepar l'avènement de
1'Organisatioil des Nations Unies, la Cour n'en tire que la conclusion
qu'une réponse négative à la question I b) ne peut etre déduite

de ladite règle. Mais cette conclusion n'est qu'une partie de l'argu-
ment de la Cour en faveur du droit de l'O.N. U. de présenter une
rcclamation internationale pour les dommages visés par la ques-
tion 1 b). Qu'on le considère comme un argument préliminaire
oii auxiliaire, ou qu'on lui attribue une importance plus grande, cet
argument n'est, dans tous les cas, qu'un argument d'analogie en
faveur d'une réponse affirmative, qui tire ses éléments de la
nouveaute de la situation, de l'identité du principe à la base des
situations comparées et du caractère relatif et nullement rigide
de la règle de la nationalité.

Mais en droit international on ne devrait avoir recours à
l'analogie qu'avec beaucoup de réserve et de circonspection. A la
diffcrencc des droits internes et précisémentpar suite du principe
de la sou\-eraineté des États, l'analogie n'a pu être une technique
usuelle en droit international

Quoi qu'il en soit, cet argument de Ia Cour nous ramène à
l'obligntioii internationale qu'elle estime que la question présup-
pose, et clnisemble êtreà la base de l'argument d'analogie précité.

Sous noiis somxxes demandé si cette obligation tire sa source
de l'article2,paragraphe 5, de la Charte, ou de l'article105. Nais
il est évident que la première de ces deux dispositions, qui crée
une obligation d'un caractère nettement politique, ne saurait, en
cas de manquement à cette obligation, servir de base au droit de
présenter une réclamation pour les réparations dues à la victime.

41 DISSENTING OPINION BY JUDGE BADAU'I PAÇHA 211
mentioned. But surely the following reasoning of the Court is

only an argument by analogy, namely :

I' that if one goes back to the principle contained in the rule
of the nationality of the claim, one observes that, for hn inter-
national claim on behalf of an individual to be made by a State, a
breach by the State claimed to be responsible of an obligation
incurred towards the claimaiit State must be alleged, and

2' that this principle leads to recognizirig that the Organization
has the capacity to bring an international claim for injuries suffered

by its agent, if the Organization gives as a ground for its claim a
breach of an obligation incurred towards it (pp. 181 and 182).

It is true that when the Court relies on the principle mentioned
above and implied in the rule of the nationality of the claim, and
when it secondly relies on the existence of important exceptions
to that rule, and when it lastly relies on the new situation created
by the coming into existence of the United Nations, it only draws
the conclusion that a negative reply to Question 1 (6) cannot be
deduced from that rule. But that conclusion is only a part of the
Court's argument in favour of the Organization's right to make

an international claim for the damage referred to in 1 (b). 'Clrhether
this argument be considered as preliminary or auxiliary, or whether
it be given a greater importance, it is in any case only an argument
by analogy in favour of an affirmative reply, and draws its elements
from the new situation, from the identity of the basic principle of
the situations compared, and from the relative and in no way
rjgid character of the rule of nationality.

But in international law, recourse to analogy should only be
Iiad with reserve and circumspection. Contrary to what is the

case in municipal law, and precisely owing to the principle of
State sovereignty, the use of analogy has never been a customary
technique in international law.

In any case, this argument by the Court brings us to the inter-
national obligation which the Court regards as involved in this
question, and which seerris to be the foundation for the above-
mentioned argument by analogy.

It has been asked whether this obligation was derived froin
Article 2,paragraph 5, of the Charter, or from Article 105. Rut it is
evident that the first of these two provisions, which creates a defi-
nitely politicalobligation, could not, if that obligation wereinfringed,
serve to found a right to make a claim for reparation due to
the victim. This right presupposes a definite relation betwecn the
41212 OPINION DISSIDENTE DE BADAWI PACHA

Ce droit suppose un rapport déterminéentre la victime et l'Orga-
nisation des Nations Unies qu'on ne saurait faire découlerde cette
obligation politique générale.
L'article 105 ne peut non plus fournir cette base. En effet, il
est de règle que les privilèges et immunités diplomatiques, dans

la mesure où ils feraient naître à la charge d'un Etat un devoir
de vigilance spéciale,n'autorisent et ne justifient quela réclamation
des réparations pour le dommage subi par 1'Etat qui a accrédité
l'agent victime. Si bien que, lorsqu il s'agit d'un consul qui ne
serait pas le national de 1'Etat réclamant, le droit de ce dernier
se limite à son dommage direct. Par contre, dans le cas où il s'agit
d'un représentant diplomatique, c'est le cumul de la qualité de
représentant et de celle de national qui permet de comprendre
dans la réclamation internationale les réparations dues à la victime.
Il faut, d'autre part, noter :
1) que l'article 105 ne fait bénéficierdes privilèges et immunités

que les fonctionnaires de l'organisation, terme qui ne coïncide pas
nécessairement avec celui d'agent, ainsi que la Cour l'a défini,
c'est-à-dire qui n'a pas la mêmesignification ou portée;
2) que l'article 105 n'est pas exclusif à l'organisation des
Nations Unies. Toutes les constitutions des institutions spécialisées
contiennent soit des dispositions la déclarant applicable, soit des
dispositions similaires.
En rattachant le droit de réclamation des réparations dues aux
victimes à une obligation qui dériverait de dispositions de cette
nature, on aboutirait à des solutions contraires à celles admises
par le droit international en matière de rapports de service. On

tendra en outre à généraliser,au profit de toutes les institufions
spécialisées,un droit qui, jusqu'ici, .n'a appartenu qu'à des Etats
et qui doit sa conception à une formation historique particulière
intimement liée à la notion de nationalité et tirant d'elle une
fiction d'identification entre Etat et national.
Le caractère politique de l'Organisation des Nations Unies ou
son importance dans la hiérarchie des organismes internationaux
ne sauraient avoir aucune pertinence en l'occurrence, ou justifier
de lui reconnaître, à l'exclusion des autres organismes, un droit
qui n'aurait de base que dans une disposition commune à tous.
Cette thèse, qui fonde le droit à une réclarhation internationale

sur la reconnaissance par un État de son obligation de respecter
un service public étranger, a étésoutenue par le représentant du
Gouvernement ffançais, qui estime que « la responsabilité inter-
nationale d'un Etat est engagée si la protection prescrite par le
droit international au profit des services diplomatiques et consu-
laires, n'est pas assurée. La personne d'un agent diplomatique
doit faire l'objet d'une vigilance spécialede la part des autorités
de 1'Etat qui le reçoit. Si cette vigilance fait défaut, s'il en résulte
un.dommage, l'État dont le service diplomatiqiie'est en cause peut
former une réclamation internationale. » Il semble d'autre part

42 DISSENTING OPINION BY JUDGE BADAWI PASHA 21 2

victim and the Organization, which cannot be deduced from this
general political obligation.

Nor can a foundation be discovered in Article 105. For it is
a rule that in so far as diplomatic privileges and immunities impose

on a State a duty of special diligence, they only authorize and
justify a claim for reparation for damage caused to the State which
accredited the victim. So much so that in the case of a consul who
was not a national of the claimant State, the right of that State
would be limited to direct damage. On the other hand, in the
case of a diplomatic representative, a combination of his rights
as representative and as national enables reparation due to the
victim to be included in the international claim.

On the other hand, it must be observed that :
(1) Article 105 accords privileges and immunities only to offi-
cials of the Organization ;this term does not necessarily coincide

with that of agent, as the Court has pointed out; i.e., it has ~iot
the same meaning or scope ;
(2) Article 105 does not apply exclusively to the Organization.
811the constitutions of the Specialized Agencies contain provisions
declaring it to be applicable, or provisions in the same terms.

By connecting up the right to claim reparation due to victims
with an obligation derived from provisions of such a nature, situa-
tions would be arrived at that are contrary to those admitted by
international law in regard to master and servant. The result
would also be a generalization, in the interest of al1the Specialized
Agencies, of a right which has hitherto belonged only to States ;
the history of this right is closely connected with the notion of

nationality, and it draws from that notion a fictitious identifica-
tion between State and national.
The political character of the Organization and its importance
in the hierarchy of international bodies cannot be pertinent in this
case, nor can it justify the granting to the Organization, to the
exclusion of other bodies, of a right not derived from a provision
common to all.
This argument that the right to make an international claim is
based on the recognition by a State of its obligation to respect the
public services of another State, was upheld by the French Govern-
ment's representative, who considered that "a State's international
responsibility is involved if the protection prescribed by inter-
national law for diplomatic and consular services is not provided.

The person of a diplomatic agent must be the subject of special
vigilance on the part of the State that receives the agent. If
this vigilance is lacking, and damage results, the State whose
diplomatic service is concerned can make an international claim."
It would further seem that damage referred to in Question 1 (a)
42z13 OPISION DISSIDENTE DE BADAWI PACHA
comprendre dans cette réclamation les dommages visés par la

question 1 a) et b) à la fois. Ce représentant a cité à l'appui de
sa thèse plusieurs précédents,mais à la vérité aucun d'eux n'est
probant.
Le représentant du Royaume-Uni estime, par contre, que le
lien de service, par opposition à celui de la nationalité, n'investit
l'État que du droit de-présenter une réclamation internationale
pour le dommage que 1'Etat subit directement, à savoir le dommage
visépar la question 1 a), et c'est pr2cisément l'insuffisance de ce
fondement pour justifier la réclamation des réparations du dom-
mage visépar la question 1 6) qui a motivéla recherche d'un autre
fondement. Il a cru trouver ce fondement dans l'article 100, que

la Cour a estimé ne pouvoir retenir.

Siie Ine suis attardé à la recherche des tenants et aboutissants
de c&te obligation de protection dans les thèses des représentants
des gouvernements et du Secrétaire général,la raison en est que
la Cour elle-mêmel'a adoptée en la présupposant tout d'abord.
Puis, partant du fait qu'elle se trouve en présenced'une situation

nouvelle et que la Charte ne dispose pas expressément que l'organi-
sation a qualité pour comprendre dans sa demande de réparation
les dommages causés à la victime ou à.ses ayants droit, la Cour
invoque un principe de droit international qui aurait étéappliqué
par la C. P. J. 1. à l'Organisation internationale du Travail, selon
lequel ((l'organisation doit êtreconsidéréecomme possédant ces
pouvoirs qui, s'ilsne sont pas expressément énoncésdansla Charte,
sont, par une conséquencenécessaire, conférés à l'organisation en
tant qu'essentiels à l'exercice des fonctions de celle-c».
En application de ce principe, la Cour déclareque, afin d'assurer
l'exercice efficace et indépendant de ses fonctions et pour procurer

à ses agents un appui effectif, l'organisation doit leur fournir une
protection appropriée, et, après avoir affirméqu'il est essentiel que
l'agent puisse compter sur cette protection et qu'il n'ait pas besoin
de compter sur une autre protection (particulièrement son propre
Etat), la Cour conclut qu'il est évidentque la qualitéde l'Organisa-
tion pour exercer, dans une certaine mesure, une protection fonction-
nelle de ses agents est nécessairement impliquéepar la Charte.
Comme cette mesure n'est pas déterminée,la Cour adopte la
construction juridique énoncée par la Cour permanente relativement
àla réclamationpar un Etat des réparations dues àson ressortissant

et affirmequ'ccen demandant uqe réparation fondéesurun préjudice
subi par son agent, l'Organisation ne représente pas cet agent. Elle
affirme son propre droit, le droit de garantir le respect des engage-
ments contractés envers l'Organisation. »
C'est cette conclusion que je regrette de ne pouvoir accepter. DISSENTING OPINION BY JUDGE BADAWI PASHA 213

and that in (b) are both included in this claim. The French
representative mentioned several precedents in support of this
argument ; but in truth none of them is conclusive.

On the other hand, the United Kingdom representative thought
that the bond of service, as opposed to that of nationality, only
gives the State the right to make an international claim for
the damage directly suffered by it, i.e., damage referred to in
Question 1 (a) ; and he maintained that it was the insufficiency of
this argument to justify a claim for reparation referred to in
Question 1(b)which led to the search for another argument. He
claimed to find this in Article 100, which the Court thought was
not pertinent.

1have enquired into al1 the details of .is obligation of protec-
tion, as found in the arguments of the representatives of govern-
ments and of the Secretary-General, because it was adopted by the
Court itself at the beginning as a hypothesis. Then the Court
found itself faced with a new situation-that the Charter did not
expressly Say that the Organization was entitled to include in its
claim reparation forinjury suffered by the victim or persons entitled
through him. The Court then invoked a principle of international
law said to have been applied by the P.C.I.J. to the International
Labour Organization, to the effect that "the Organization must
be deemed to have those powers which, though not expressly
provided in the Charter, are conferred upon it by necessary implica-
tion as being essential to the performance of its duties".

In application of this principle, the Court states that in order to
ensure the efficacious and independent exercise of its dutieç and

to secure effective support for its agents, the Organization must
give them suitable protection, and after asserting that it is essential
that the agent shall be able to count on this protection without
having to count on other protection (particularly that of his own
State), the Court concludes that it is evident that the capacity of
the Organization to exercise a certain measztreof fttnctional Protee-
Lion arises by intendment out of the Charter.
As this measure is not fixed, the Court adopts the juridical
construction given by the Permanent Court to a claim by a State
for reparation due to its national, and asserts "in claiming repara-
tion based on the injury suffered by its agent, the Organization
does not represent the agent, but is asserting its own right, the
right to secure respect for undertakings entered into towards the
Organization".
I regret 1 cannot accept this conclusion.

43214 OPINION DISSIDENTE DE BADAWI PACHA
Tout d'abord, je ne pense pas que l'Avis no 13 de la C. P. J. 1.

relatif à la compétence de l'organisation internationale du Travail
énoncele principe proclamé par la Cour comme un principe de droit
international d'une manière aussi catégorique et absolue. La Cour
permanente ayant étéappeléeà donner son avis sur la question de
savoir si une mesure déterminée,recommandée par cette Organisa-
tion, rentrait ou non dans sa compétence, a étéamenéeà constater
que (les fins dont la réalisation est confiéeà l'Organisation inter-
nationale du Travail sont énoncéesen termes si générauxqu'on ne
pouvait guère user d'un langage plus compréhensif »,et que, ((si
sa compétence était très étendue, lorsqu'il s'agit d'étudier et de

discuterdesquestions de travail et de formuler des propositions ....
par contre la compétence de cette Organisation est presque
entièrement limitée à cette forme d'activitéauxiliaire ». Elle conclut
dans les termes suivants :

cL'examen des dispositions du Traité montre que l'intention
bien nette des Hautes Parties contractantes était de conférer à
l'Organisation internationale du Travail des pouvoirs très étendus
pour collaborer avec elles au sujet des mesures à prendre en vue
d'assurer un régime detravail humain et la protection des travail-
leurs salariés.On ne saurait concevoir que leur but eût été d'em-
pêcherl'Organisation internationale du Travail d'élaboreret de
proposer des mesures essentielles à la réalisation de cette fin.
L'Organisation,cependant, s'en trouverait empêchée si ellne'avait
pas compétence pourproposer, afin de protéger lestravailleurs
salariés,une réglementation qui, pour 'atteindre son but, devrait
nécessairements'appliquer dans une certaine mesure au travail
des patrons. »

Cet avis n'a donc aucune portée généralede principe. Il 'ne
fait qu'interpreter l'intention des parties quant à la partie XII1 du
Traité de Versailles à la lumière de la généralitédes termes qui y
sont employés.
En admettant mêmeque le principe proclamé par la Cour soit
une règle d'interprétation judiciaire et non une recommandation
de politique législative, il resterait à établir que la protection
appropriéequel'organisation doitfournir àsonagent estprécisément
le droit de réclamerla 7éparationqui lui est due. Ce droit n'est

évidemment pas l'unique mode d'une protection appropriée. Nous
savons d'autre part que laprotection par un État de son ressortis-
sant n'a pu se traduire par un droit de cette nature par la simple
notion de protection, mais grâce au concours supplémentaire d'une
construction juridique ingénieusequi, se basant sur la nationalité,
a pu identifier l'État avec son ressortissant, et considérer que la
réparation due à ce dernier constitue la mesure de la réparation
due à l'État. C'est pourquoi la Cour a dû établir un chaînon entre
la nécessitéde la protection et le droit de réclamer la réparation

due à l'agent, à savoir la qualité pour exercer dans une certaine
mesure une protection fonctionnelle, et l'obligation de réparer
((dans une forme adéquate ». DISSENTING OPINION BY JUDGE BADAWI PASHA z14

In the first place, 1 do not think that Opinion No. 13 of the
P.C.I.J. concerning the competence of the International Labour
Organization lays down the principle so categorically and absolutely
as a principle of international law, as the Court states. The Per-
manent Court had to give an opinion on the question whether a
certain measure recommended by the International Labour Organ-

ization was or was not within the Organization's competence ;
and it stated that "the terms in which the objects committed to
the International Labour Organization are stated are so general
that language could hardly be more comprehensive", and that
"while the competence ....so far as concerns the investigation and
discussion of labour questions and the formulation of proposals ....
is exceedingly broad, its competence is almost entirely limited to
that form of auxiliary activity." The Permanent Court therefore
concluded in the following terms :

"It results from the consideration of the pro\.isions of tlie Treaty
that the High Contracting Parties clearly intended to give to the
International Labour Organization a ver'; broad powerof co-operat-
humane conditions of labour and the protection of workers. It isure
not conceivable that they intended to prevent the Organization
from drawing up and proposing measures essential to the accom-
plishment of that end. The Organization, however, would be so
prevented if it were incompetent to propose for the protection of
wage earners a regulative measure to the efficacious working of
which it was found to be essential to inclüde to some estent work
done by employers. "

This Opinion therefore laid down no general principle. It only
interprets the intention of the Parties astoPart XII1 of the Treaty
of Versailles in the light of the terms generally used therein.

If we admit that the principle proclaiined by the Court is a

rule of judicial interpretation and not a recommendation of legis-
lative policy, it would still have to be shown that the suitable
protectionto be afforded by the Organization to its agent isprecisely
the right to daim the reparation du$ to him. This right is evidently
not the only suitable inethod of protection. '\.lie know, on the
other hand, that the protection which a State owes to its national
does not consist in a right of this nature derived from the mere
notion of protection ; thanks to the additional help of an ingenious
jusidical theory, based on nationality, it has identified the State
with its national, and it considers that reparation due to the latter
forms the measure of reparation due tothe State. For this reason,
the Court had to establish a link betnreen the necessity for protec-
tion, and the right to claim the reparation due to the agent ;
namely, the capacity to exercise a certain measure of functional
protection and the obligation to "make adequate reparation".2I5 OPINION DISSIDENTE DE BADAWI PACHA

Mais la transposition par la Cour (p. 184)des termes employéspar
la Cour permanente pour 1'Etat et son national à l'organisation et
ses agents, n'est qu'une pure affirmation qui n'a éténullement
établie.
Il faut noter, d'autre part, que si l'Organisation doit assvrer
cette protection dans les mêmesconditions que celle d'un Etat
pour son ressortissant (et il n'y aaucune raison pour qu'il en soit
autrement), son action contre 1'Etat responsable ne peut naître
qu'après que son agent a épuisétoutes les instances nationales et

qu'il s'est trouvé dans un cas de déni de justice.
Or, dans les conditions d'un agent de l'organisation des Nations
Unies où celui-ci se trouve liéà l'Organisation par un contrat sous
une forme ou sous une autre, la protection appropriée et, de plus, la
plus efficace,est certainement laréparationquel'organisation aurait
à lui accorder, sauf pour elle de la récupérerde 1'Etat responsable.
Des considérations qui précèdent, la seule conclusion qui s'im-
pose est que l'interprétation légale ne saurait donner une base
qui s'accorderait avec les principes générauxde droit et qui donne-
rait des solutions acceptables ou satisfaisantes.
Nous avons constaté la diversité des bases proposées par les
gouvernements. La Cour ne les a pas acceptées ou n'en a accepté
qu'une, à savoir celle du manquement à des obligations dont l'objet
est de protéger les agents de l'organisation des Nations Unies
dans l'exercice de leurs fonctions, obligation qu'elle a, du reste,

présupposée. Maisellea dû, pour en tirer la réponsà la question1 b),
la compléterpar d'autres propositions qu'elle a simplement affirmées
et qu'à mon avis elle n'a pas établies. Il est, dès lors, inévi-
table que les solutions qu'une base aussi abstraite etgénérale quc
celle de la protection fonctionnelle adoptéepar la Cour peut donner,
seraient les plus extrêmes.C'est ainsi que la Cour estime que l'Orga-
nisation des Nations Unies a qualitépour présenter une réclamation
internationale pour les répxations dues à tout agent (dans le sens
le plus large), contre un Etat Membre de l'Organisation ou non
membre. En ce qui concerne ce dernier cas, on peut toutefois se
demander dans quelles conditions peut naître l'obligation de pro-
téger l'agent, que la Cour estime présupposéedans la demande
d'avis. L'Organisation a même qualité pour présenter une récla-
mation à 1'Etat national de la victime, lui-même.

En fait, on ne saurait éviter cette diversité de bases ou la contra-
diction des solutions qui en résultent, dès lors qu'on transpose
une règle du cadre où elle s'est forméedansun autre cadre où, les
dimensions n'étant pas les mêmes, elle ne peut s'accommoder
avec l'aisance ancienne. A tout prendre, la nouvelle construction
serait nécessairement artificielle et ne peut, malgré la meilleure
volonté, satisfaire entièrement aux besoins nouveaux.
Ce qu'il faut, c'est créerdes règles à leur mesure. Une étude
spéciale de la question révélerait sans doute toutes les circons-
tances de fait et la multiplicité des cas où la question peut se

45 DISSENTING OPINION BY JUDGE BADAWI PAÇHA z15
But the transfer by the Court (p. 183) of the terms used by
the Permanent Court in respect of the State and its national, to
the Organization and its agents, is a mere affirmation and remains

unproved.
It must further be noted that if the Organization must afford
this protection in the same way as a State must do for its national
(and there is no reason why this should not be so), its right of
action against the State responsible can only arise after its agent
has exhausted al1 municipal remedies, and has met with a denial
of justice.
But having regard to the situation of an agent of the Organization
who is bound to it by a contract in one form or another, the most
appropriate and indeed efficacious protection is certainly the
reparation which could be granted him by the Organization,
which could recover the sum in question from theState responsible.
The only conclusion to be drawn from the foregoing considera-
tions is that the juristic interpretation cannot afford a basis in
accordance with the general principles of law, nor one affording
an acceptable or satisfactory solution.
1 have noted the various suggestions made by governments.
The Court has not accepted them, or has accepted only one-

namely, the breach of obligations of which the object is to protect
agents of the Organization in the exercise of their duties, an
obligation which the Court, for that matter, has presumed to
exist. But in order to deduce a reply to question 1 (b), the Court
had to complete its answer by other propositions which it simply
affirmed and, in my view, never established. Inevitably, solutions
of an abstract and general character, like functional protection,
adopted by the Court, would then be the most extreme. Thus,
the Court holds that the Organization has the capacity to make
an international claim for reparation due to any agent (in the
widest sense of the term) against a State Member or not member
of the Organization. As regards this latter case, it may be asked
what are the conditions in which the obligation to protect the
agent, that the Court assumed to be contained in the Request
for the Opiriion, can arise.The Organization has even the capacity
to make a claim against th? national State of the victim itself.

In short, it is impossible to avcid this diversity of arguments

or the contradictory solutions arising therefrom, when a rule is
removed from the framework in which it was formed, to another
of different dimensions, to which it cannot adapt itself as easily
as it did to its proper setting. In any case, the new construction
would necessarily be artificial and, with the best will of the world,
could not entirely satisfy the new requirements.
Suitable rules must be created. A special study of the question
would no doubt reveal al1 the circumstances of fact and the
numerous cases in which the question may arise, and the practical
45216 OPINIOX DISSIDESTE DE BADAJVI PACHA

présenter, ct la solution pratique qu'il convient de donner à cc'
divers cas dans les éventualités diffbrentes. Sur ces données, on
peut échafauder une construction juridique compatible avec ces
solutioris.
Il importc peu que l'interpretation des règles en vigueur en
droit interriational s'accorde ou non avec ces solutions. dès lors
q~ie le vteu unanime de l'Assemblée généraleest d'assurer une
protection maximum aux agents de l'organisation des Nations
Unies dans le sens lc plus largc et non seulement aux membres du
Secrétariat.
La Cour, dont ln fonction est de dire le droit et de le dire dans
l'état où il a évolué, nr sailrait, en tout cas, en présencede situ-

ations et de conti~lgcnces nouvellcr; de riatiire complexe et variée,
admettre que les règles simples et l~oinogèilesqu'on a coutume de
consitl6rer comme le droit interriational en vigiieur, soient l'expres-
sion juridique approprié? de ces situations et contingences.
D'après les règlcs en vigueur, l'organisation des Kations Unies
a qualité pour présenter des réclamations internationales, lorsqu'un
de ses agents (dans lc sens large) a subi un dommage dans l'exercice
de ses fonctions, pour le dommage viséà la question 1a). Ce dom-
mage peut bien comprendre le dommage subi par la victime pour
autant que ce dommage aura étéprévu dans le contrat de service.
Mais rien n'exclut la possibilité pour des agents temporaires,
médiateurs ou membres de commission, toutes les fois que la nature
de leurs fonctioris ou missions les oblige à s'exposer à des dangers
dans les territoires des Etats où ils auraient exercer ces fonctions
ou à accomplir ces missions, de passer des contrats, pour les répara-

tions qui leur seraient dues dans l'éventualité d'un dommage subi
dans l'exercice de leurs fonctions.
Cette forme de réparation sera pour les intéressés plus directe,
plus efficace et plus immédiate que tout droit de réclamation
internationale qui viendrait à êtrereconnu à l'Organisation des
Nations Unies de leur chef.

Ma réponseest donc oui pour la première question a) etnon pour
la première qucstion b).
Vu la réponse à la question 1 a), la deuxième question ne se
pose pas.

(Signé)BADAWIPACHA. DISSENTIKG OPINIOX BY JCDGE BADA~S'I PASH-s 216

solution that should be given to these various cases in different
circumstances. On these data can be built an appropriatt.
juridical construction.

It matters little that the interpretation of the rules of inter-
national law in force is in accordance or not with the solutions,
so long as the unanimous desire of the General -4ssembly is to
provide a maximum of protection for the agents of the Organization,
in the widest sense, and not only for merribers of the Secreta~iat.

The Court's duty is to declare the la\v in the state of evolutioii
that it has reached ; and the Court caiiiiot, in any case, in the
presence of new complex and variecl cases and contingencieç,
permit the simple and homogeneous rules, customarily recogriii:ccl
as international law in force. to be the appropriate juristic cspres-
sion of such situations and contiiigencies.
According tothe rules in force, the Organization hnç thc capacity
to make international claims, when one of its agents (in 1.h~
widest sense) has suffered injury in the pcrforrnaricc of his duty,
for the damage referred to in Question I (a). This damage ma!
include the damage suffered by the rictiin, iii so far as this was
provided for in the contract of service. 'I3ut there is i~othing to
prevent temporary agents, mediators or inernbers of cominisçions

from entering into contracts for reparation due to the~ii in the
event of injury sustained in the performa~ice of thcir dutic:~,
~vhenever the nature of their duties or missions obliges them to
expose themselves to danger in the territories of States where
they may have to perform these duties or carry out these missions.
This form of reparation will be for the interested parties Inorct
direct, more effective and more immediate than any right of
making an international claim that might be accordecl to the
Organization on their behalf.

My reply is therefore yesto Question I (a),and $10to Question I (6).

In view of the reply to question 1 (a), the second Question cloes
not arise.

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Opinion dissidente de M. Badawi Pacha

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