Opinion individuelle de M. Al‑Khasawneh (traduction)

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131-20040709-ADV-01-04-EN
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131-20040709-ADV-01-00-EN
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OPINION INDIVIDUELLE DE M. LE JUGE AL-KHASAWNEH

[Traduction]

Souscrit ù l'aviscon,~ultatif- Est en générad l'accordavec le raisonnement

- La préseriteopinion individuelle vise seulement à éclairerquelques points
.saillants- Con.~tancede I'opinio juris qui reconnaîtaux territoires le statut de
territoires occupés - Jtésolutionsdu Conseil de sécurité et de l'Assembléegéné-
rale - Opinion des houtes parties contractantes u la quatrième conventionde
Genève - Position du Comitéinternational dela Croix-Rouge -- Position des

Etut.s - Reconnuirsanc~p ear Israël de I'upplicabilitéde la quatrièmeconvention
de Genève - Rc;centarrétde lu Cour suprêtned'Israël - Lu Cour internatio-
nulr de Justice ne se cantentc,pas desimplenient répéterces conclusions - Elle
tire en toute indépendancedes conclusions simi1aire.ssur la basedu texte de la
quutrième convention de Genève - La Cour n'a pas jugéutile de chercher ri
établirle statut ,juridiqueantérieur desterritoires occupés - Sagesse de cette

décision, puisqu'une telle déterminution du statut antérieurn'étaitpas néces-
suire et qu'elle uurait été .suris sur le statut actuel - Sauf'le cas ou les
territoires auraient été terra nullius - Or cela ne .saurait êtrele (.US - La
notion de terra nullius est discréditée et inapplicableau monde contemporain -
Elle est incompatible avec l'idéed~'territoire sous mandat - Les principes de

non-annexion ~t de bien-êtredes peuples continuent de s'appliquermêmeaprès
lu ,fin du mmzdat - Jtr.squ'uce que le droit despeuples concernésu disposer
d'eux-mêmessoit réalisé - La prolongation de l'occupationisraéliennefait
aujourd'lzuiobstacle a Luréalisationdc~ce droit - La Ligne verte est à l'origine
une ligne d'armistice - Les juristes israé1ien.e sssayaient de lui attribuer une

plus grande ln~portanc~a nvant lu guerre de 1967 - Quel que soit son statut
actuel, elle représente 62 ligne a partir de laquelle semesure l'étendue de l'occu-
pation israklienne Les doutes expriméssur son statut sont a double tranchant
- La Couru raison d'évoquerla question des négociations - Les négociations
sont un moyen et non unejïn - Elles doivent êtreancrées dansle droit
L'impératifde bonne ji~isuppose que l'on.s'abstienne de créer de fsits acconz-

plis qui préjugentde l'issuedes négociations.

1. Je souscris aux conclusions de la Cour et suis en générald'accord

avec son raisonnement. Certains points saillants de l'avis consultatif
méritent cependant dl'être éclairés, et c'est précisément l'égard de ces
points que je formule la présente opinion.

2. 11est peu de prolpositionsdu droit international dont on puisse dire
qu'elles sont quasi universellement reçues et qu'elless'appuient sur une
longue, constante et cohérente opinio juris, comme c'est le cas pour la

proposition selon laquelle la présenced'Israël dans le territoire palesti- ÉDIFICATION D'UN MUR (OP. IND. AL-KHASAWNEH) 236

nien de Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est, et à Gaza constitue une
occupation militaire isoumiseau régimejuridique international applicable
à une occupation militaire.
3. A l'appui de cette proposition, on peut citer le très grand nombre de
résolutions adoptées par le Conseil de sécurité et l'Assemblée générale,
souvent à l'unanimité ou a une majorité écrasante, notamment des dé-
cisions contraignantes du Conseil et d'autres résolutions qui, sans

êtrecontraignantes, n'en produisent pas moins des effets juridiques et
attestent de la consi.ance de I'opinio juris de la communauté interna-
tionale. Dans toutes ces résolutions, le territoire en question est imman-
quablement qualifié de territoire occupé; la présence d'Israël dans ce
territoire y est qualifiée d'occupation militaire; et le respect ou le non-
respect par Israël des obligations qui lui incombent envers ce territoire

et ses habitants y sont mesurés a l'aune objective des normes de pro-
tection instituées par le droit humanitaire.
4. De même,les hautes parties contractantes à la quatrième conven-
tion de Genève et le Comitéinternational de la Croix-Rouge ((continuent
de soutenir que la convention)), c'est-ë-dire la quatrième convention de
Genève du 12 août 1949, ((s'applique bel et bien de jure aux territoires
occupés )'.

5. Telle est égalenient la position d'Etats qui se sont exprimés a titre
individuel ou collectif, y compris d'Etats amis d'Israël. Un examen des
antécédentsrévéleraiten fait que, comme le fait observer la France dans
son exposéécrit:

«Israël a, dans un premier temps, reconnu l'applicabilité de la
convention IV: aux termes de l'article 35 de l'ordre no 1édictépar les
autorités d'occupation le 7 juin 1967, «[t]he Military Court ... must

apply the provisions of the Geneva Convention dated 12 August
1949, Relative to the Protection of Civilians in Time of War, with
respect to judici,dl procedures. In case of conflict between this Order
and said Convention, the Convention shall prevail..»» (P. 7.) (((Le
tribunal militaire ...doit appliquer les dispositions de la convention
de Genève du 12 août 1949 relative à la protection des personnes
civiles en temps de guerre en ce qui concerne les procédures judi-

ciaires. En cas d'incompatibilité entre la présente ordonnance et
ladite convention, cette dernière prévaudra...)) (Avis consultatif,
par. 93.))

6. Plus récemment, la Cour suprême d'Israël a confirmé I'applicabilité
de la quatrième convention de Genève à ces territoires.
7. Certes ((cette opinio juris constante de la communauté internatio-

nale ne peut pas êtresimplement balayée et laisséede côté»2, mais la

' Rapport du Secrbtaii-e général présenté eanpplication de la résolution ES-1012de
l'AsSir Arthur Watts, CF: 200413,p. 64, par. 34.5-1016-Sl19971494,par. 21). EDIFICATION D'UN MUR (OP. IND.AL-KHASAWNEH) 237

Cour ne s'estpas contentée dela répéter.En fait, et bien qu'elle ait passé
en revue l'opiniojuris, c'est ens'appuyant principalement sur le texte de

la convention elle-m&meque la Cour est parvenue à des conclusions simi-
laires en ce qui concerne I'applicabilitéjure de la quatrième convention
de Genève (par. 86 à 101). Le paragraphe 101 de l'avis consultatif est
ainsi libellé

«Au vu de ce qui précède,la Cour estime que la quatrième
convention de Genèveest applicable dans tout territoire occupé en
cas de conflit armésurgissantentre deux ou plusieurs parties contrac-
tantes. Israël et la Jordanie étaient partiescette convention lorsque
éclatale conflit arméde 1967. Dès lors ladite convention est appli-
cable dans les territoires palestiniens qui étaient avant le conflità
l'estde la Ligne verte, et qui onà l'occasion de ce conflit étéoccupés
par Israël, sans qu'il y ait lieu de rechercher quel était auparavant le
statut exact de ces territoires.

8. La Cour a choisi la voie de la sagesse en s'abstenant de rechercher
quel étaitle statut antérieurexact de ces territoires, non seulement parce

qu'il n'est besoind'une telle recherche ni pour confirmer leur statut actuel
de territoires occupésni pour affirmer que la quatrième convention de
Genève leur estapplicable dejure, mais aussi parce que le statut antérieur
des territoires n'entraînerait aucune différenceen ce qui concerne leur
statut actuel, sauf le cas où ils auraient étérra nulliuslorsqu'ils ont été
occupéspar Israël, ce que nul n'oserait soutenir sérieusementétant donné
que cette notion discréditée n'espt as d'application contemporaine, outre
qu'elle estincompatible avec le statut des territoires en tant qu'ancien ter-
ritoire sousmandat, puisque la Cour a déjà eul'occasion de déclarer, à
l'égard desmandats, que

«deux principes furent considéréscomme étant d'importance pri-
mordiale: celui de la non-annexion et celui qui proclamait que le
bien-être etle dèveloppementde cespeuples [quin'étaientpas encore

capables de se gouverner eux-mêmes]formaient «une mission sacrée
de civilisation»» (Statut international du Sud-Ouest aflicain, avis
con.sultat$ C.I.J. Recueil 1950, p. 131).

9. Quels qu'aient pu êtreles mérites etles déméritesdu titre jordanien
sur la Cisjordanie - et la Jordanie, selon toute probabilité, soutiendrait
que son titre étaitparfaitement valide et internationalement reconnu et
ferait observer qu'elle avait rompu ses liensjuridiques avec ces territoires
en faveur du droit des Palestiniens à disposer d'eux-mêmes, le fait est
que c'est la prolongiltion de l'occupation militaire israélienneet la poli-
tique d'Israël consistant a créer des faits accomplis sur le terrain qui
empêchentles Palestiniens de réaliser leurdroit à disposer d'eux-mêmes.
A cet égard,il convient de rappeler que le principe de non-annexion ne
s'éteintpas avec la fin du mandat, mais reste en vigueur jusqu'a ce qu'il
soit réalisé. EDIFICATION D'UN MUR (OP.IND.AL-KHASAWNEH) 238

10. Il ne fait aucun doute qu'à l'origine la Ligne verte n'était rien de
plus que la ligne de démarcation de l'armistice dans une convention dont
le texte disait expressément que ses dispositions ne devaient pas être
((interprétéescomme préjugeanten aucune façon un règlement ...-définitif
entre les parties)) et où il était préciséque «[l]a ligne de démarcation de

l'armistice définieaùixarticles V et VI de la...convention [était] acceptée
par les parties sans préjudice de règlements territoriaux ultérieurs, du
tracé des frontières ou des revendications de chacune des parties à ce
sujet» (avis consulta.tif, par. 72).
11. Il n'est pas saris ironie qu'avant la guerre de 1967d'éminents juristes

israélienssoutenaient que les conventions générales d'armisticeétaientsui
generis, qu'elles étaienten réalité plusque de simples conventions d'armis-
tice, qu'elles ne pouvaient êtremodifiéesqu'avec l'accord du Conseil de
sécurité. Quelleque soit la portée réellede ces arguments aujourd'hui,
deux faits sont incontestables:

1) la Ligne verte, pour citer sir Arthur Watts, «est la ligne à partir de
laquelle se mesure l'étendue de l'occupation par Israël de territoire

non israélien))(CR 200413,p. 64, par. 35). Cela n'implique nullement
que la Ligne verte doive êtreune frontière permanente;
2) vouloir diminuer l'importance de la Ligne verte est une arme à double
tranchant. Israël ne peut pas mettre en question le titre d'autrui sans
s'attendre à ce que son propre titre - et l'étendue du territoire cou-

vert par ce titre au-delà de la résolution sur le partage - ne soit lui
aussi mis en question. En dernier ressort, c'est en régularisant ses rela-
tions juridiques avec les Palestiniens et non pas en construisant des
murs qu'Israël assurera sa sécurité.

12. La Cour a évoqué,dans son avis, la situation tragique de la Terre
sainte, une situation à laquelle

((seule la mise en Œuvre de bonne foi de toutes les résolutions perti-
nentes du Conseil de sécurité,en particulier les résolutions 242
(1967)et 338 (11373),est susceptible de mettre un terme... La ((feuille
de route)) approuvée par la résolution 1515 (2003) du Conseil de
sécuritéconstitue l'effort le plus récent en vue de provoquer des

négociations a cette fin.» (Avis consultatif, par. 162.)
13. Certes. il n'y a,pas de mal à engager les protagonistes à négocierde

bonne foi en vue de mettre en Œuvre des résolutions du Conseil de sécu-
rité,et il est arrivéque des négociations aboutissent à des accords de paix
dont le dispositif est défendable et qui ont résistéà l'épreuvedu temps;
on ne doit cependant pas oublier que les négociations sont un moyen au
service d'une fin et qu'elles ne sauraient se substituer à cette fin. Le res-pect d'obligations ini.ernationales, y compris d'obligatievga omnes, ne
peut pas êtresubord~onné à des négociations. De surcroît, s'agissant de la
((feuillede route», quand on considère les conditions qui ont entouré
l'acceptation de cetie initiative, on peut douter qu'existe l'accord des
volontés qui est indispensable pour créer des obligations mutuelles et
réciproques. Quoi qu'il en soit, si l'on veut éviterque ces négociations ne
débouchent sur des solutions contraires aux principes, il importe au plus
haut point de les ancrer profondément dans le droit et de respecter
concrétement l'impératifde bonne foi en s'abstenant de créersur le ter-
rain des faits accomplis tels que la construction d'un mur qui ne peut que
préjugerde l'issue des négociations.

(Signé) Awn AL-KHASAWNEH.

Bilingual Content

SEPARATE OPINION OF JUDGE AL-KHASAWNEH

Concurs with Advisory Opinion - Agrees in general with reasoning - Sepu-
rate opinion only aim is to elucidate some salient points - Status of territories
as occupied rests on consistent opinio juris - Security Council and General
Assembly resolutions - Opinion of High Contracting Parties to Fourth Genevu
Convention - Position of ICRC - Position of States - Israeli recognition of

applicahility of Fourth Geneva Convention -- Recent Israeli court decisions -
Court however not content to merely reiterate such conclusion - Court inde-
pendently reached similar conclusions on busis of interpretation of Fourth
Geneva Convention - Court saw no reason to ernhurk on uscertainment ufprior

legal status of occupied territories - Wise decision hoth as unnecessury und us
huving no impact onpresent stutus - Except in case those territories were terra
nullius - Cannot be the case - Concept discredited und inapplicubk to today's
world - Incompatible ivith territory as mandutory territory - Principles of
non-annexution and welfare of inhabitants continue even after termination of

mandate - Until right of self-determination is achieved - Obstacle to that
right now is prolonged Israeli occupation - Green Line originally an armistice
line - Israeli jurists sought to give it more importance before 1967 wlar -
Regardless of its present .~ituation it represents the point from which Isrueli

occupation can he measured - Doubts ahoirt its status work hoth ways -
Court right to refer to negotiation - Negotiations are means and not end -
They should be grounded in law - Requirement of good jaith should be
rejected in abstaining from faits accomp1i.s that prejudice outcome of

negotiations.

1. 1 concur with the Court's findings and agree in general with its
reasoning. Certain salient points in the Advisory Opinion merit some
elucidation and it is specificallywith regard to those points that 1append

this opinion.

THEINTERNATION LEAGLALSTATUS OF THE TERRITORIES
PRESENTL UYNDER ISRAELO ICCUPATION

2. Few propositions in international law can be said to command an
almost universal acceptance and to rest on a long, constant and solid
opinijo uris as the proposition that Israel's presence in the Palestinian

territory of the West Bank including East Jerusalem and Gaza is one of OPINION INDIVIDUELLE DE M. LE JUGE AL-KHASAWNEH

[Traduction]

Souscrit ù l'aviscon,~ultatif- Est en générad l'accordavec le raisonnement

- La préseriteopinion individuelle vise seulement à éclairerquelques points
.saillants- Con.~tancede I'opinio juris qui reconnaîtaux territoires le statut de
territoires occupés - Jtésolutionsdu Conseil de sécurité et de l'Assembléegéné-
rale - Opinion des houtes parties contractantes u la quatrième conventionde
Genève - Position du Comitéinternational dela Croix-Rouge -- Position des

Etut.s - Reconnuirsanc~p ear Israël de I'upplicabilitéde la quatrièmeconvention
de Genève - Rc;centarrétde lu Cour suprêtned'Israël - Lu Cour internatio-
nulr de Justice ne se cantentc,pas desimplenient répéterces conclusions - Elle
tire en toute indépendancedes conclusions simi1aire.ssur la basedu texte de la
quutrième convention de Genève - La Cour n'a pas jugéutile de chercher ri
établirle statut ,juridiqueantérieur desterritoires occupés - Sagesse de cette

décision, puisqu'une telle déterminution du statut antérieurn'étaitpas néces-
suire et qu'elle uurait été .suris sur le statut actuel - Sauf'le cas ou les
territoires auraient été terra nullius - Or cela ne .saurait êtrele (.US - La
notion de terra nullius est discréditée et inapplicableau monde contemporain -
Elle est incompatible avec l'idéed~'territoire sous mandat - Les principes de

non-annexion ~t de bien-êtredes peuples continuent de s'appliquermêmeaprès
lu ,fin du mmzdat - Jtr.squ'uce que le droit despeuples concernésu disposer
d'eux-mêmessoit réalisé - La prolongation de l'occupationisraéliennefait
aujourd'lzuiobstacle a Luréalisationdc~ce droit - La Ligne verte est à l'origine
une ligne d'armistice - Les juristes israé1ien.e sssayaient de lui attribuer une

plus grande ln~portanc~a nvant lu guerre de 1967 - Quel que soit son statut
actuel, elle représente 62 ligne a partir de laquelle semesure l'étendue de l'occu-
pation israklienne Les doutes expriméssur son statut sont a double tranchant
- La Couru raison d'évoquerla question des négociations - Les négociations
sont un moyen et non unejïn - Elles doivent êtreancrées dansle droit
L'impératifde bonne ji~isuppose que l'on.s'abstienne de créer de fsits acconz-

plis qui préjugentde l'issuedes négociations.

1. Je souscris aux conclusions de la Cour et suis en générald'accord

avec son raisonnement. Certains points saillants de l'avis consultatif
méritent cependant dl'être éclairés, et c'est précisément l'égard de ces
points que je formule la présente opinion.

2. 11est peu de prolpositionsdu droit international dont on puisse dire
qu'elles sont quasi universellement reçues et qu'elless'appuient sur une
longue, constante et cohérente opinio juris, comme c'est le cas pour la

proposition selon laquelle la présenced'Israël dans le territoire palesti-military occupation governed by the applicable international legal régime
of military occupation.

3. In support of this, one may cite the very large number of resolutions
adopted by the Security Council and the General Assembly often unani-
mously or by overwhelming majorities, including binding decisions of
the Council and other resolutions which, while not binding, nevertheless
produce legal effects and indicate a constant record of the international

community's opinio juris. In al1 of these resolutions the territory in
question was unfalteringly characterized as occupied territory; Israel's
presence in it as that of a military occupant and Israel's compliance
or non-cornpliance with its obligations towards the territory and its
inhabitants measured against the objective yardstick of the protective
norms of humanitarian law.

4. Similarly the High Contracting Parties to the Fourth Geneva Con-
vention and the International Cornmittee of the Red Cross "have retained
their consensus that the convention", i.e. the Fourth Geneva Convention
of 12August 1949, "does apply de jure to the occupied territories" '.

5. This has also been the position of States individually or in groups
including States friendly to Israel. Indeed a review of the record would

reveal that, as noted by France in its Written Statement:

"Israel initially recognized the applicability of theFourth Conven-
tion: according to Article 35 of Order No. 1,issued by the occupying
authorities on 7 June 1967 [tran.slution by the Registry], '[tlheMili-
tary Court .. .must apply the provisions of the Geneva Convention
dated 12 August 1949, Relative to the Protection of Civilians in
Time of War, with respect to judicial procedures. In case of conflict
between this Order and said Convention, the Convention shall
prevail .. ."'(P. 7.)

6. More recently Israel's Supreme Court has confirmed the applica-
bility of the Fourth Geneva Convention to those territories.
7. Whilst "that consistent record of the international community's

opiniojuris cannot just be swept aside and ignored"', the Court did not

'Report of the Secretary-General prepared pursuant to General Assembly resolution
ES-1012of 25 April 1997, para. 21, Al165-1016-SlI9971494.
"ir Arthur Watts, CR 200413,p. 64, para. 34. ÉDIFICATION D'UN MUR (OP. IND. AL-KHASAWNEH) 236

nien de Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est, et à Gaza constitue une
occupation militaire isoumiseau régimejuridique international applicable
à une occupation militaire.
3. A l'appui de cette proposition, on peut citer le très grand nombre de
résolutions adoptées par le Conseil de sécurité et l'Assemblée générale,
souvent à l'unanimité ou a une majorité écrasante, notamment des dé-
cisions contraignantes du Conseil et d'autres résolutions qui, sans

êtrecontraignantes, n'en produisent pas moins des effets juridiques et
attestent de la consi.ance de I'opinio juris de la communauté interna-
tionale. Dans toutes ces résolutions, le territoire en question est imman-
quablement qualifié de territoire occupé; la présence d'Israël dans ce
territoire y est qualifiée d'occupation militaire; et le respect ou le non-
respect par Israël des obligations qui lui incombent envers ce territoire

et ses habitants y sont mesurés a l'aune objective des normes de pro-
tection instituées par le droit humanitaire.
4. De même,les hautes parties contractantes à la quatrième conven-
tion de Genève et le Comitéinternational de la Croix-Rouge ((continuent
de soutenir que la convention)), c'est-ë-dire la quatrième convention de
Genève du 12 août 1949, ((s'applique bel et bien de jure aux territoires
occupés )'.

5. Telle est égalenient la position d'Etats qui se sont exprimés a titre
individuel ou collectif, y compris d'Etats amis d'Israël. Un examen des
antécédentsrévéleraiten fait que, comme le fait observer la France dans
son exposéécrit:

«Israël a, dans un premier temps, reconnu l'applicabilité de la
convention IV: aux termes de l'article 35 de l'ordre no 1édictépar les
autorités d'occupation le 7 juin 1967, «[t]he Military Court ... must

apply the provisions of the Geneva Convention dated 12 August
1949, Relative to the Protection of Civilians in Time of War, with
respect to judici,dl procedures. In case of conflict between this Order
and said Convention, the Convention shall prevail..»» (P. 7.) (((Le
tribunal militaire ...doit appliquer les dispositions de la convention
de Genève du 12 août 1949 relative à la protection des personnes
civiles en temps de guerre en ce qui concerne les procédures judi-

ciaires. En cas d'incompatibilité entre la présente ordonnance et
ladite convention, cette dernière prévaudra...)) (Avis consultatif,
par. 93.))

6. Plus récemment, la Cour suprême d'Israël a confirmé I'applicabilité
de la quatrième convention de Genève à ces territoires.
7. Certes ((cette opinio juris constante de la communauté internatio-

nale ne peut pas êtresimplement balayée et laisséede côté»2, mais la

' Rapport du Secrbtaii-e général présenté eanpplication de la résolution ES-1012de
l'AsSir Arthur Watts, CF: 200413,p. 64, par. 34.5-1016-Sl19971494,par. 21).simply reiterate that opiniojuris, instead, while taking cognizance of it,
the Court arrived at similar conclusions regarding the de jure applica-
bility of the Fourth Geneva Convention mainly on the basis of a textual
interpretation of the Convention itself(paras. 86-101).Paragraph 101reads:

"In view of the foregoing, the Court considers that the Fourth
Geneva Convention isapplicable in any occupied territory in the event
of an armed conflict arising between two or more High Contracting
Parties. Israel and Jordan were parties to that Convention when the
1967armed conflict broke out.TheCourt accordingly finds that that
Convention is applicable in the Palestinian territories which before
the conflict lay to the east of the Green Line and which, during that
conflict, were occupied by Israel, there being no need for any enquiry
into the precise prior status of those territories."

8. The Court followed a wisecourse in steering away from embarking
on an enquiry into the precise prior status of those territories not only
because such an enquiry is unnecessary for the purpose of establishing
their present status as occupied territories and affirming thedejure appli-
cability of the Fourth Geneva Convention to them, but also because the
prior status of the territories would make no difference whatsoever to
their present status as occupied territories except in the event that they
were terra nu1liu.swhen they were occupied by Israel, which no one would
seriously argue given that that discredited concept is of no contemporary
application, besides being incompatible with the territories' status as a

former mandatory territory regarding which, as the Court had occasion
to pronounce
"two principles were considered to be of paramount importance: the

principle of non-annexation and the principle that the well-being
and development of. . .peoples [not yet able to govern themselves]
form[ed] 'a sacred trust of civilization"' (International Stutus of'
South West Africa, Advisory Opinion, 1.C.J. Reports 1950, p. 131).

9. Whatever the merits and demerits of the Jordanian title in the West
Bank might have been, and Jordan would in al1probability argue that its
title there was perfectly valid and internationally recognized and point
out that it had severed its legal ties to those territories in favour of
Palestinian self-determination, the fact remains that what prevents this
right of self-determination from being fulfilled is Israel's prolonged
military occupation with its policy of creating faits accomplis on the
ground. In this regard it should be recalled that the principle of non-
annexation is not extinguished with the end of the mandate but subsists
until itis realized. EDIFICATION D'UN MUR (OP. IND.AL-KHASAWNEH) 237

Cour ne s'estpas contentée dela répéter.En fait, et bien qu'elle ait passé
en revue l'opiniojuris, c'est ens'appuyant principalement sur le texte de

la convention elle-m&meque la Cour est parvenue à des conclusions simi-
laires en ce qui concerne I'applicabilitéjure de la quatrième convention
de Genève (par. 86 à 101). Le paragraphe 101 de l'avis consultatif est
ainsi libellé

«Au vu de ce qui précède,la Cour estime que la quatrième
convention de Genèveest applicable dans tout territoire occupé en
cas de conflit armésurgissantentre deux ou plusieurs parties contrac-
tantes. Israël et la Jordanie étaient partiescette convention lorsque
éclatale conflit arméde 1967. Dès lors ladite convention est appli-
cable dans les territoires palestiniens qui étaient avant le conflità
l'estde la Ligne verte, et qui onà l'occasion de ce conflit étéoccupés
par Israël, sans qu'il y ait lieu de rechercher quel était auparavant le
statut exact de ces territoires.

8. La Cour a choisi la voie de la sagesse en s'abstenant de rechercher
quel étaitle statut antérieurexact de ces territoires, non seulement parce

qu'il n'est besoind'une telle recherche ni pour confirmer leur statut actuel
de territoires occupésni pour affirmer que la quatrième convention de
Genève leur estapplicable dejure, mais aussi parce que le statut antérieur
des territoires n'entraînerait aucune différenceen ce qui concerne leur
statut actuel, sauf le cas où ils auraient étérra nulliuslorsqu'ils ont été
occupéspar Israël, ce que nul n'oserait soutenir sérieusementétant donné
que cette notion discréditée n'espt as d'application contemporaine, outre
qu'elle estincompatible avec le statut des territoires en tant qu'ancien ter-
ritoire sousmandat, puisque la Cour a déjà eul'occasion de déclarer, à
l'égard desmandats, que

«deux principes furent considéréscomme étant d'importance pri-
mordiale: celui de la non-annexion et celui qui proclamait que le
bien-être etle dèveloppementde cespeuples [quin'étaientpas encore

capables de se gouverner eux-mêmes]formaient «une mission sacrée
de civilisation»» (Statut international du Sud-Ouest aflicain, avis
con.sultat$ C.I.J. Recueil 1950, p. 131).

9. Quels qu'aient pu êtreles mérites etles déméritesdu titre jordanien
sur la Cisjordanie - et la Jordanie, selon toute probabilité, soutiendrait
que son titre étaitparfaitement valide et internationalement reconnu et
ferait observer qu'elle avait rompu ses liensjuridiques avec ces territoires
en faveur du droit des Palestiniens à disposer d'eux-mêmes, le fait est
que c'est la prolongiltion de l'occupation militaire israélienneet la poli-
tique d'Israël consistant a créer des faits accomplis sur le terrain qui
empêchentles Palestiniens de réaliser leurdroit à disposer d'eux-mêmes.
A cet égard,il convient de rappeler que le principe de non-annexion ne
s'éteintpas avec la fin du mandat, mais reste en vigueur jusqu'a ce qu'il
soit réalisé. 10. There is no doubt that the Green Line was initially no more than
an armistice line in an agreement that expressly stipulated that its provi-
sions would not be "interpreted as prejudicing, in any sense, an ultimate

political settlement between the Parties" and that "the Armistice Demar-
cation Lines defined in articles V and VI of [the] Agreement [were]agreed
upon by the Parties without prejudice to future territorial settlements or
boundary lines or to claims of either Party relating thereto" (Advisory
Opinion, para. 72).

11. It is not without irony that prominent Israeli jurists were arguing

before the 1967 war that the General Armistice agreements were sui
generis, were in fact more than mere armistice agreements, could not be
changed except with the acceptance of the Security Council. Whatever
the true significance of that line today, two facts are indisputable:

(1) The Green line, to quote Sir Arthur Watts, "is the starting line from
which is measured the extent of Israel's occupation of non-Israeli
territory" (CR200413, p. 64, para. 35).There is no implication that
the Green Line is to be a permanent frontier.
(2) Attempts at denigrating the significance of the Green Line would in
the nature of things work both ways. Israel cannot shed doubts upon

the title of others without expecting its own title and the territorial
expanse of that title beyond the partition resolution not to be called
into question. Ultimately it is through stabilizing its legal relation-
ship with the Palestinians and not through constructing walls that its
security would be assured.

12. The Court has included a reference to the tragic situation in the
Holy Land. A situation that can be brought to an end
"only through implementation in good faith of al1relevant Security

Council resolutions, in particular resolutions 242 (1967) and 338
(1973). The 'Roadmap' approved by Security Council resolution 1515
(2003) represents the most recent of efforts to initiate negotiations to
this end." (Advisory Opinion, para. 162.)

13. Whilst there is nothing wrong in calling on protagonists to nego-
tiate in good faith with the aim of implementing Security Council reso-
lutions and while recalling that negotiations have produced peace agree-
ments that represent defensible schemes and have withstood the test of
time, no one should be oblivious that negotiations are a means to an end

and cannot in themselves replace that end. The discharge of international EDIFICATION D'UN MUR (OP.IND.AL-KHASAWNEH) 238

10. Il ne fait aucun doute qu'à l'origine la Ligne verte n'était rien de
plus que la ligne de démarcation de l'armistice dans une convention dont
le texte disait expressément que ses dispositions ne devaient pas être
((interprétéescomme préjugeanten aucune façon un règlement ...-définitif
entre les parties)) et où il était préciséque «[l]a ligne de démarcation de

l'armistice définieaùixarticles V et VI de la...convention [était] acceptée
par les parties sans préjudice de règlements territoriaux ultérieurs, du
tracé des frontières ou des revendications de chacune des parties à ce
sujet» (avis consulta.tif, par. 72).
11. Il n'est pas saris ironie qu'avant la guerre de 1967d'éminents juristes

israélienssoutenaient que les conventions générales d'armisticeétaientsui
generis, qu'elles étaienten réalité plusque de simples conventions d'armis-
tice, qu'elles ne pouvaient êtremodifiéesqu'avec l'accord du Conseil de
sécurité. Quelleque soit la portée réellede ces arguments aujourd'hui,
deux faits sont incontestables:

1) la Ligne verte, pour citer sir Arthur Watts, «est la ligne à partir de
laquelle se mesure l'étendue de l'occupation par Israël de territoire

non israélien))(CR 200413,p. 64, par. 35). Cela n'implique nullement
que la Ligne verte doive êtreune frontière permanente;
2) vouloir diminuer l'importance de la Ligne verte est une arme à double
tranchant. Israël ne peut pas mettre en question le titre d'autrui sans
s'attendre à ce que son propre titre - et l'étendue du territoire cou-

vert par ce titre au-delà de la résolution sur le partage - ne soit lui
aussi mis en question. En dernier ressort, c'est en régularisant ses rela-
tions juridiques avec les Palestiniens et non pas en construisant des
murs qu'Israël assurera sa sécurité.

12. La Cour a évoqué,dans son avis, la situation tragique de la Terre
sainte, une situation à laquelle

((seule la mise en Œuvre de bonne foi de toutes les résolutions perti-
nentes du Conseil de sécurité,en particulier les résolutions 242
(1967)et 338 (11373),est susceptible de mettre un terme... La ((feuille
de route)) approuvée par la résolution 1515 (2003) du Conseil de
sécuritéconstitue l'effort le plus récent en vue de provoquer des

négociations a cette fin.» (Avis consultatif, par. 162.)
13. Certes. il n'y a,pas de mal à engager les protagonistes à négocierde

bonne foi en vue de mettre en Œuvre des résolutions du Conseil de sécu-
rité,et il est arrivéque des négociations aboutissent à des accords de paix
dont le dispositif est défendable et qui ont résistéà l'épreuvedu temps;
on ne doit cependant pas oublier que les négociations sont un moyen au
service d'une fin et qu'elles ne sauraient se substituer à cette fin. Le res-obligations including erga omnes obligations cannot be made conditional
upon negotiations. Additionally, it is doubtful, with regard to theoad-
map, when consideration is had to the conditions of acceptance of that
effort, whether the meeting of minds necessary to produce mutual and
reciprocal obligations exists. Be that as it may, it is of the utmost impor-
tance ifthese negotiations are not to produce non-principled solutions,
that they be grounded in law and that the requirement of good faith be
translated into concrete steps by abstaining from creating faits accomplis
on the ground such as the building of the wall whichcannot but prejudice

the outcome of those negotiations.

(Signed) Awn AL-KHASAWNEH.pect d'obligations ini.ernationales, y compris d'obligatievga omnes, ne
peut pas êtresubord~onné à des négociations. De surcroît, s'agissant de la
((feuillede route», quand on considère les conditions qui ont entouré
l'acceptation de cetie initiative, on peut douter qu'existe l'accord des
volontés qui est indispensable pour créer des obligations mutuelles et
réciproques. Quoi qu'il en soit, si l'on veut éviterque ces négociations ne
débouchent sur des solutions contraires aux principes, il importe au plus
haut point de les ancrer profondément dans le droit et de respecter
concrétement l'impératifde bonne foi en s'abstenant de créersur le ter-
rain des faits accomplis tels que la construction d'un mur qui ne peut que
préjugerde l'issue des négociations.

(Signé) Awn AL-KHASAWNEH.

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Opinion individuelle de M. Al‑Khasawneh (traduction)

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