Opinion dissidente de M. Zoričič

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003-19480528-ADV-01-04-EN
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Je partage l'opinion de la Cour en ce qui concerne sa compétence
pour interpréter la Charte, mais j'zi le regret de ne pouvoir me
rallierà l'avis rendu, premièrement, parce que j'estime que la Cour
aurait dû s'abstenir de répondre à la question qui lui a étéposée,

et deuxièmement parce que je ne puis me joindre aux conclusions
de la réponse.

La compétence de la Cour en matière consultative est déterminée

par l'article 65 du Statut de la Cour, aux termes duquel : ((La
Cour peut donner un avis consultatif sur toute question juridique. ))
De ce texte, il ressort que la Cour n'est pas obligéede donner les
avis qui luisont demandés, mais qu'elle a, au contraire, un pouvoir
discrétionnaire en cette matière.
L'interprétation ci-dessus exprimée est celle qu'avait adoptée

la Cour permanente de Justice internationale, le IO mars 1922.
Le juge J. B. Moore avait présentéà la Cour un aide-mémoire sur
la question des avis consultatifs (Actes et documents relatifs à
l'organisation de la' Cour, Série 2, annexe 58 a, p. 383), dans
lequel il soulignait que c'étaitsur l'article 14 du Pacte de la Sociéti:
des Nations que la fonction consultative était fondée. Or, le texte
français de cet article 14 ((<La Cour donnera aussi des avis ...»)

différait du texte anglais (« The Court may also give ....»), le mot
((may »du texte anglais impliquant l'idée dela permission, c'est-à-
dire de discrétion. Après un examen approfondi des travaux prépa-
ratoires et de la nature des fonctions de la Cour, le juge Moore
était arrivé à la conclusion qu'il incombait à la Courelle-même ((de
déterminer dans chaque cas particulier si elle accepte de donner
des avis consultatifs ))(1. c., p. 384), et que « si la Cour reçoit une

demande en vue d'une opinion de ce genre, elle y donne la suite
qu'elle jugera opportune d'après la nature et les circonstances de
chaque cas particulier » (p. 398).
En 1935, le juge hzilotti invoqua cette interprétation en ajou-
tant que « rien ne permet de penser que la Cour ait jamais changé
son attitude ))(Série A/B, no 65, p. 61).

Reste à examiner si les pouvoirs de la Cour actuelle ne sont
pas en cette matière plus restreints que ceux de l'ancienne Cour. Je
ne le crois pas, car on ne peut mettre en doute que l'article 65 du
Statut actuel dont le texte français (((peut donner 1))correspon-
dant exactement au texte anglais (((may give )))implique que les auteurs du Statut ont bien vu la question et qii'ils ont, de propos
délibéré,adapté le texte français au texte anglais, en conférant
ainsi à la Cour le pouvoir discrétionnaire de décider si elle doit
dans un cas d'espèce donner un avis sur la question posée, même
lorsqu'il s'agit d'une question juridique.
La nécessitéd'un tel pouvoir discrétionnaire ressort au surplus
des fins pour lesquelles la Cour a étécréée,ainsi que de sa nature
d'organisme essentiellement judiciaire auquel il incombe de favo-

riser et de développer l'application, entre les nations, du principe
et des méthodes des décisionsjudiciaires, et de contribuer, de cette
manière, au règlement pacifique des différends entre Etats. Cette
importante tâche de la Cour ne peut être remplie qu'en pleine indé-
pendance.
La Charte ni le Statut de la Cour ne contenant aucune disposi-
tion selon laquelle la Cour, bien que se jugeant compétente, serait
obligée de donner un avis, et l'article65 du Statut lui réservant,
au contraire, le droit de donner à toute demande d'avis la suite
qu'elle considérerait opportune, j'estime que la Cour aurait dû
s'abstenir de répondre à la demande actuelle, pour les motifs
énoncés brièvement ci-après :
De la résolution de l'Assemblée et de la documentation soumise
à la Cour par le Secrétaire général, il ressort que la demande d'avis
tire son originede la divergence devues qui a surgi au sein du Conseil

de Sécuritérelativement aux positions adoptées par les membres
du Conseil au cours des débats concernant l'admission de certains
Etats. 11s'agit donc de vues exprimées au sein d'un organe poli-
tique, ayant trait à des actes essentiellement politiques et fondées
sur des arguments et appréciations de nature politique. Au surplus,
je crois pouvoir déduire des circonstances que la demande a été
posée à la Cour pour des fins nettement politiques.
Il est vrai que la demande présente la question de manière
abstraite, mais il n'est pas moins incontestable que la réponse de
la Cour se prête à une interprétation différente, à savoir qu'elle
vise les discussions susmentionnées. Bien que la Cour ait déclaré
qu'elle ne considérait la question que de manière abstraite, la
répoiisesera, selon moi, interprétée comme contenant un jugement
sur la manière d'agir des membres du Conseil de Sécurité.La Cour
se voit donc entraînée ainsi sur le terrain glissant de la politique,
et sa réponse est susceptible d'être exploitée dans les luttes
politiques des Etats. Cela pourrait nuire sensiblement à la con-
fiance que la Cour doit inspirer à toutes les nations, si elle veut

être en mesure de remplir sa haute tâche de gardienne du droit
et d'organe judiciaire principal des Natipns unies.

II.

La Cour ayant décidédedonner un avis, je dois exposerles motifs
pour lesquels je ne partage pas l'opinion énoncée.
42 Tout d'abord, je voudrais faire remarquer que je partage - d'une '
manière générale - les vues exposéesdans l'opinion collective du
Vice-Président de la Cour et des juges Winiarski, McNair et Read.
Si je présente une opinion séparée, c'estsurtout pour la raison que

j'examine la question poséeà la Cour sous un angle en partie diffé-
rent et que je prends en considération les cas concrets qui sont à
l'origine de la demande d'avis.
Avant de procéder à l'examen de la question posée à la Cour, les
observations suivantes s'imposent :
La Résolution de l'Assemblée généraledu 17 novembre 1947
porte dans son préambule ce qui suit :
« Considérantles vues qui furent échangées au sein du Conseil
de Sécurité à ses 204me, zope et 206meSéances,relatives à
l'admissionde certains États comme Membresdes Nations unies ...))

Cette même Résolution se termine par la disposition suivante :
((Charge le Secrétairegénéralde mettre à la disposition de la
Cour les procès-verbaux des séances ci-dessus mentionnées du
Conseil de Sécurité. 1)

Aucun doute ne me paraît possible en ce qui concerne l'intention
de l'Assemblée ; cette dernière indique l'origine et la nature de la
demande d'avis, afin que l'avis puisse êtredonné à la lumière des
faits et des circonstances dont la demande est née.
On pourrait observer que la question elle-même est formulée
dans des termes abstraits. Or, une pareille observation ne paraît
pas décisive, car elle ne change rien au fait que la Résolution du
17 novembre 1947 se présentecomme un tout dans lequel la question
abstraite est étroitement liéeau considérant qui la précèdeet qui
explique son sens et sa portée. Le Secrétaire général asoumis à la

Cour une ample documentation et a, au surplus, chargé son repré-
sentant d'exposer oralement à la Cour l'historique de la question.
Il résulte de tous ces faits que la Cour est expressément sollicitée,
par la Résolution de l'Assemblée, de donner son avis en tenant
compte des faits qui se trouvent à l'origine de la demande.
Rien de plus naturel. Dans la vie humaine, toute action est
fondée sur des considérations ou des faits concrets. Vouloir juger
et ex~liauer ces actions dans l'abstrait éauivaudrait à méconnaître
les mLbCes, à tourner dans le vide et à se méprendre sur le sens de
la vie réelle. Cela est particulièrement vrai quand il s'agit d'une
Cour de Justice dont le devoir est, en premier lieu, de se prononcer
sur la question de savoir si certaines actions sont conformes au
droit.
*
* *

La demande d'avis est rédigéede manière qu'elle se présente
comme une seule question. En réalité,il y a deux questions, se
situant chacune sur un plan différent, savoir : 1) Un Membre appelé à voter est-il juridiquement fondé à faire
dépendre son consentement à l'admission d'un Etat aux
Nations unies de conditions non expressément prévues à
l'alinéaI de l'article 4 de la Charte, et
2) Peut-il, alors qu'il reconnaît gue les conditions prévues par

ce texte sont remplies par 1'Etat en question, subordonner
son vote affirmatif à la condition qu'en mêmetemps que
1'Etat dont il s'agit, d'autres Etats soient également admis
comme Membres des Nations unies ?
Il est de toute évidence que le mot « conditions », dans la
première question, a un sens différent de celui qu'il a dans la
deuxième question. L'article 4, alinéa1,-mentionne certaines condi-
tions qui doivent êtreremplies par 1'Etat sollicitant l'admission,

il s'agit donc uniquement des qualités devant exister au moment
de l'examen de l'admission.
Dans la deuxième question, le mot « conditions » a une accep-
tion très différente.Il est employédans son sensjuridique habituel :
la condition mentionnée dans cette partie de la demande a trait
à un événementfutur et incertain, à savoir que les membres du
Conseil accepteraient l'obligation de voter pour l'admission d'autres
Etats. Cette condition s'adresse aux membres du Conseil de Sécu-
rité qui, seuls, pourraient la remplir, tandis que 1'Etat candidat
ne peut, d'aucune manière, contribuer à sa réalisation.

III.

La première partie de la question demande à la Cour de statuer
sur le point de savoir si un Membre appelé à voter est juridique-
ment fondé à faire dépendre son consentement à l'admission de
conditions non expressément prévues dans l'alinéa I de l'article 4
de la Charte.
Le fondement juridique d'une certaine manière de procéder ne

peut êtreexaminéqu'à la lumière des règlesdedroit qui la régissent.
Or, en ce qui concerne le vote au sein du Conseil et de l'Assemblée,
les textes sont muets. Ni la Charte ni les Règlements intérieurs
du Conseil et de l'Assemblée ne contiennent aucune disposition
ayant trait à la manière selon laquelle un Membre peut ou doit se
comporter quand il procède à son vote ; il n'existe surtout aucune
disposition contenant une obligation quelconque de la part des
Membres de motiver leur vote. Tout ce qui est dit en cette matière
est que chaque Membre dispose d'une voix (articles 18 et 27 de
la Charte), tandis que l'exercice du droit de vote est laissé entière-
ment à leur discrétion.
Ayant la facultéde voter sansavoir à dire quelles sont les raisons
qui déterminent son vote, un Membre votant est dans son droit

quand il vote selon sa propre appréciation du cas, et c'est la
question des limites éventuelles de cette appréciation qui mène à
l'examen du caractère des dispositions de l'article 4 de la Charte. 98 OPINION DISSIDESTE DE M. ZORICIC

Les conditions, ou plutôt les qualités requises, afin qu'un État
puisse êtreadmis au sein des Nations unies sont, selon l'alinéa I
de l'article 4, que ce soit un Etat pacifique, acceptant les obligations
de la Charte, capable de les remplir et disposé à le faire. Il est de
toute évidence que l'appréciation même de ces qualités et donc leur
existence pei1.t se fonder sur des éléments de toute nature. Mais,
àcôtéde cela, aucun terme du paragraphe I de l'articl4 ne s'oppose
à ce qu'un membre votant et exerçant de ce fait un pouvoir poli-
tique ne prenne en considération des éléments de nature politique,
non contenus dans l'article 4. Si donc on cherche, d'une part, à
interpréter ce texte dans un sens limitatif, il est possible, d'autre
part, de l'interpréter comme imposant seulement les qualités

minima,- c'est-à-dire les qualités fondamentales sans lesquelles
aucun Etat lie peut être admis aux Nations unies.

Puisque le texte se prci~ ?ldes interprétations différentes, il en
résulte que l'on doit, en premier lieu, se référer aux travaux
préparatoires afin d'établir la véritable portée de l'article 4, telle
qu'elle s'est présentée à l'esprit de ses auteurs.
Les travaux préparatoires ontétésoumis à la Cour, et il en ressort
que les deux paragraphes de l'article 4 de la Charte orit étéélaborés

à San-Francisco,chacun par un comité différent, à savoir :le para-
graphe I par le Comité 112,le second paragraphe par le Comité 1111.
Le rapporteur du Comité 112 a présenté à la Première
C~~mmission un rapport au sujet de l'admission de nouveaux
Membres (Dûcument de la Conférence de San-Francisco n" 1160
1/2/76 (I), vol.VII, p. 317). Selon ce rapport, le Comités'est trouvé
en présence du problème fondamental suivant :

((La mesure où iI convient de ditermifier les limites dans les-
quelles l'Organisation exercerait son pouvoir discrétio.n.naien ce
qui concerne l'admission de nouveaux Membres. » (Soiilignt:
par moi.)

Ayant constaté que l'adhésion aux principes de la Charte et
l'acceptation totale des obligations qui en découlqlt constituaient
des conditions essentiellesde la participation des Etats, le rapport

explique que :

(1deux tendances principales s'étaient nlanifestées dans les dis-
cussions. D'un côté, il y avait ceux qui se déclarèrenten faveur
de l'insertion dans la Charte de conditions précises, auxquelles
les nouveaux Membres devraient satisfaire notamment en ce qui
concerne le régime et la politique de divers gouvernements. De
l'autre côt6,il y avait ceux qui soutenaient que la Charte ne
devait pas sans raison limiter l'organisation dans ses décisions
concernant les demandes d'admission, et affirmaient que 1'Oi;i.a-
(les candidatsàêml'admission.x»inspirge pour juger l'attitudeEnonçant ensuite les conditions, ou pour mieux dire, les qualités
qui furent acceptées et qui sont celles de l'article 4, le rapport
continue :

C'étaità dire clairement que l'admission d'un Membre nouveau
serait soumise à un examen, mais le Comité ne crut pas devoir
recommanderl'énumérationdes éléments qui seraient à considérer
dans cet examen. Il prit en considération les difficultésqu'il y
aurait à évaluer les institutions politiques des États et craignit
que la mention dans la Charte d'un examen de cette nature ne
portât atteinte au principe de la non-intervention ou, si l'on aime
mieux, de la non-ingérence.Cela n'impliquait pas cependant que,
lorsqu'il s'agirait de se former un jztgemerttsur l'opportunitéde
l'admissiorsd'un nouveau Membre, des considérations de tout ordre
ne pussent entreren ligne de compte. ))(Soulignépar moi.)

Et le rapport de fînir par ces mots
« Le texte adopté énonceplus clairement que le texte original
de Dumbarton Oaks les conditions requises pour devenir Membre
et considéréep sar les déléguécsomme fondamentales. Il constitue
ainsi, pour l'Assembléegénéraleet le Conseil de Sécurité,un
guide plus sûr pour déterminer l'éligibilitédes nouveaux Mem-
bres. » (Soulignépar moi.)

Ce rapport fut approuvé par la Commission 1 (Rapport du
rapporteur de la Commission 1, Doc. de la Conférence, no 1142. 119,

vol. VI, p. 238).
Il me parait que, devant un texte aussi clair, tout doute quant
au caractère de l'article 4 devrait disparaître. Les auteurs de ce
texte n'entendaient pas « recommander l'énumération des éléments
qui seraient à examiner ))ils voulaient que des « considérations
de tout ordre pussent entrer en ligne de compte »lorsqu'il s'agirait
« de se former un jugement sur l'opportunité de l'admission » et,
finalement, ils constataient que le texte énonçait les conditions
« considérées par les déléguéscomme fondamentales 1)et consti-
tuant un guide pour déterminer l'éligibilité.
Le texte susmentionné démontre donc qu'il ne s'agit pas, dans
l'article 4, d'une disposition limitative, mais bien au contraire d'un

guide pour déterminer l'éligibilité,contenant seulement les qualités
fondamentales, indispensables, requises de tout Etat candidat.
En d'autres termes, les conditions de l'article 4 sont des conditions
minima auxquelles les nouveaux Membres doivent satisfaire et
sans la réalisation desquelles ils ne peuvent êtreadmis, mais ce ne
sont nullement les seules considérations dont on puisse tenir compte
au moment où se forme le jugement sur l'opportunité de l'admis-
sion, car un jugement sur l'opportunité ne saurait être limité et
compris comme un jugement portant exclusivement sur la réunion
des conditions de l'article4.

Les travauxet le rapport du Comité 1111 ayant trait au deuxième
paragraphe de l'article 4 confirment cette interprétation. Le Comité
46 avait élaboréun texte donnant à l'Assemblée généraleun pouvoir
discrétionnaire en ce qui concernel'admission denouveaux Membres.
Le Comité de coordination ayant apporté certaines modifications
à ce texte, le Comité 1111 s'inquiéta, comme il ressort du compte
rendu de la Quinzième Séance de ce Comité :

((Le secrétaire informe le Comité qu'il a été avisé par le
secrétairedu Comitéconsultatif de juristes qu'à l'avis de ce Comité
ces textes n'affaibliraient en rien le texte original adopté par le
Comité. En raison de cette interprétation, le texte est approuvé
par le Comité. » (Vol. VIII, pp. 490-491.)

Le rapport du rapporteur du Comité 1111est catégorique. Après
avoir brièvement indiqué que le Comité avait discuté la revision
du texte « afin de déterminer si le texte préparé diminuait d'une
facon quelconque le pouvoir de l'Assemblée ))et que « le Comité
a étéavisé que le nouveau texte ne diminuepas le droit de 1'Assem-
blée », il continue dans les termes suivants :

«Le Comité a décidéque cette interprétation devra êtreincluse
dans son procès-verbal comme étant celle à donner à cette dispo-
sition de la Charte, et, se basant sur cette décision, ila approuvé
le texte sous la forme suggéréepar le Comitéde coordination. ))
(Vol. VIII, p. 498.)
On ne saurait manquer de noter le soin tout spécial qu'a pris

le Comité en vue d'assurer à l'Assemblée un pouvoir discrétionnaire
au moment où elle décide, sur recommandation du Conseil, si un
nouveau Membre doit être admis ou non.
Les deux rapports des Comités ayant été approuvés par les
Commissions respectives, il parait difficile de supposer que les
termes soigneusement choisis de ces rapports et examinés tout
d'abord dans les Comités et, ensuite, par les Commissions, n'expri-
meraient pas leur pensée et leurs intentions véritables. Je crois,
bien au contraire, que ces rapports doivent être'considérés comme
des accords sur l'interprétation des textes dont il s'agit et que,

par conséquent, leurs termes doivent être compris et appliqués
dans leur sens normal comme constituant les éléments les plus
sûrs pour l'interprétation de l'article 4 de la Charte. Les rapports
cités démontrent, à mon avis, l'intention des auteurs de la Charte
de ne limiter, par le texte de l'article 4,ni le Conseil de Sécurité
ni l'Assemblée, et de leur laisser pleine liberté dans l'exercice de
leur fonction politique, sous la seule réserve, bien entendu, qu'ils
ne doivent pas admettre un Etat ne satisfaisant pas, à leur juge-
ment, aux conditions minima de l'alinéa I de l'article 4.

De ce qui est dit, il ressort que l'argument n'est pas convaincant
selon lequel les termes du paragraphe 2 de l'article 4 :((tout Etat
rcrilpiissant ces conditions ))s'opposeraient à cc:que des considéra-
tions politiques, non prévues au paragraphe I de l'article4,pussent
entrer en ligne de compte. LJinterpr?tati8n du paragraphe 2 ne
peut se fonder sur quelques mots isolés, mais bien sur le texte e-ntier de ce paragraphe. Or, il énonce que l'admission « de tout
Etat remplissant ces conditions se fait par décisionde l'Assemblée
généralesur recommandation du Conseil de Sécurité ». Par consé-
quent, il ne suffit pas qu'un Etat remplisse « ces conditions »,bien
au contraire, il faut encore que le Conseil décidede faire une recom-
mandation et que l'Assembléedécide si elle veut accepter ou non

cette recommandation. La Charte ne prévoit donc nullement une
admission automatique de « tout Etat remplissant ces conditions »,
elle subordonne l'admission aux décisions des organes politiques
ayant le pouvoir discrétionnaire de fonder leurs décisions - comme
cela a étédémontré - sur des considérations de tout ordre.
En tout cas il me paraît difficile d'affirmer, d'une part, que le
paragraphe 2 de l'article 4 s'oppose - par les mots : « tout Etat
remplissant ces conditions »- à l'introduction de considérations
politiques qui pourraient se superposer aux conditions du para-
graphe 1, et de soutenir, d'autre part, que ce paragraphe 2 ne
viserait rien d'autre que l'organisation de la procédure d'admission.
L'interprétation selon laquelle les décisions concernant l'admis-
sion sont régies par des considérations politiques sans égard à

l'article 4 paraît bien être aussi celle de l'Assemblée générale
elle-même, ce qui ressort de la première Résolution adoptée à la
séancedu 17 novembre 1947 par 46 voix contre une et 6 abstentions.
La résolution recommande aux membres permanents du Conseil
de Sécurifédese consulter en vue d'arriver à un accord sur l'admis-
sion des Etats candidats dont l'admission n'a pas encore étérecom-
mandée, et de soumettre leur conclusion au Conseil de Sécurité.
(Journal de l'Assembléegénéralen ,o 56, du 19 novembre 1947, p. 4.)
Or, est-il possible de suggérer que cette Résolution n'avait en vue
qu'une invitation aux membres permanents de se mettre d'accord
uniquement sur le point de savoir si les conditions de l'article 4
étaient remplies ou non ?Je ne crois pas qu'on puisse contester que
l'Assembléevisait ici un accord politique fondé sur des considéra-

tions politiques de toute nature.

A côtédes travaux préparatoires, l'économiegénéraledela Charte
démontre l'exactitude des conclusions tirées de ces travaux. Pour
s'en rendre compte, il suffit d'examiner : 1) les attributions et les
devoirs du Conseil de,Sécurité,et 2) la méthode selon laquelle se
fait l'admission des Etats dans les Nations unies.
1) Selon l'article24 de la Charte, au Conseil de Sécuritéincombe

« la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité
internationales 1)Ce devoir prime tous les autres, et je ne crois pas
que l'on puisse - à défaut d'une disposition expresse - limiter
le pouvoir et le devoir du Conseil découlant de l'article 24, article
fondamental de la Charte, par la seule voie d'une interprétation
restrictive de l'article4,cela d'autant moins qu'une pareille inter-

48 IO2 OPINION DISSIDENTE DE M. ZORICIC
prétation serait, selon moi, nettement contraire aux intentions des
auteurs de ces textes, telles qu'elles sont expriméesdans les rapports
cités plus haut. II est, en outre, indubitable que c'est précisément

à cause de ce devoir que le paragraphe 2 de l'article 4 ne donne à
I'Assembléele droit de décidersur l'admission de nouveaux Membres
que sous la condition d'une recommandation préalable du Conseil.
Il y a là une exception à la règle généralede l'article 10 concernant
les droits de l'Assemblée,exception qui n'est compréhensible qu'en
prenant en considération la tâche confiéeau Conseil par l'article 24.
En effet, comme l'indique le rapport du rapporteur du Comité 1111,
le principe selon lequel l'Assembléedevrait admettre des nouveaux
Membres sur recommandation du Conseil de Sécurité se fonde sur

l'idéeque le ((but primordial de la Charte est de créer une assurance
complète contre un résurrection de la guerre et que, par conséquent,
c'est le Conseil de Sécuritéqui doit assumer la responsabilité initiale
de proposer la participation de nouveaux Membres s. (Doc. 666,
11/1/26 I (a), Conférence de San-Francisco, vol. VII, p. 461.)
Or, comment le Conseil pourrait-il remplir ses devoirs s'il était
strictement limité par les critères mentionnés au premier para-
graphe de l'article 4 ?Une pareille limitation du Conseil l'empêche-
rait de se prononcer contre l'admission d'un Etat, mêmesile Conseil

était d'avis que cette admission aurait de fâcheuses conséquences
sur la stabilité internationale généraleet, partant, sur le maintien
de la paix. Un tel cas peut se produire mêmesi 1'Etat candidat
remplit toutes les conditions de l'article 4;en effet, I'admissiond'un
Etat pourrait, d'une part, créer une tension avec d'autres Etats
Membres ou non Membres de l'organisation, et provoquer des
sentiments de méfiance, de mécontentement et d'injustice, tandis
que, d'autre part, son admission pourrait être jugée inopportune
au point de vue d'une harmonieuse collaboration au sein de l'Orga-

nisation. Ce sont là des considérations nettement politiques qui ne
sauraient êtreet ne sont pas limitées par l'article 4. Les auteurs de
la Charte ne pouvaient évidemment pas imposer au Conseil des
devoirs d'une telle envergure (article 24) et en mêmetemps limiter
ses pouvoirs de manière à l'empêcherde mener à bonne fin sa tâche
principale.
Les membres du Conseil doivent donc, dans l'intérêt suprêmd ee
l'organisation, jouir d'un large pouvoir discrétionnaire ; ils peuvent
et doivent tenir compte de considérations politiques de toute sorte,

mêmesi elles n'entrent pas dans le cadre de l'article 4.

2) Il a déjà étémentionné que rien n'oblige les membres à
motiver leur vote. Le vote, d'ailleurs, se fait par « oui » ou par

((non », à moins qu'il n'y ait abstention. Par conséquent, il n'y a,
au moment du vote, aucune possibilité de le soumettre à une
condition. Une condition ne pourrait être énoncéeque dans la
discussion qui a lieu au sein des organes compétents avant le vote.
Or, il résulte de la documentation soumise à la Cour que, dans ces

49 discussions,les membres ont pris des positions bien différentesselon
les besoins politiques du cas discuté. Non seulement certaines délé-
gations ont adopté des positions différentes, mais les mêmes délé-
gations ont soutenu, dans un cas, une thèse et, dans un autre cas,
la thèse contraire.

Il n'y a rien d'étonnant à cela. Il s'agit de politique, le Conseil
est un organe essentiellement politique et non pas une Cour de
Justice. Mais alors comment pourrait-on limiter la liberté de la
parole au sein de cet organe politique ? Si un membre n'était pas
juridiquement fondé à faire état de considérations politiques
dans les déclarations qu'il fait relativement au vote ayant lieu
à la fin des débats, ces derniers deviendraient singulièrement
difficiles. Cela ne manquerait pas de favoriser l'hypocrisie et les
réserves mentales. Au surplus, la discussion et les raisonspoliti-
ques de toutes sortes qui ont été avancées peuvent sans doute
déterminer un vote, mais ne le font pas nécessairement. Il est
possible qu'un membre invoque certaines appréciations et qu'en-
suite, convaincu par les arguments des autres, ou pour une raison
politique, il se laisse guider au moment du vote par des considé-

rations tout à fait différentes de celles qu'il avait énoncéesdans
la discussion.
Il en résulte qu'il est absolument impossible de fixer les appré-
ciations dont un membre a fait dépendre son vote, car il s'agit
d'un processus mental qui échappe à tout contrôle. Par conséquent,
dès le moment où il n'existe aucune règle de droit obligeant un
membre à motiver son vote, il est juridiquement fondé à -voter
selon sa propre appréciation, sous réserve de ce qui suit :
Si l'exercice du droit de vote est laissé à la discrétion des
membres du Conseil et de l'Assemblée, celane saurait, sous aucun
prétexte - il est nécessaire de le soulign-, autoriser ce membre

à agir arbitrairement. A la base de toute organisation, et surtout
de celle des Nations unies, figure, comme principe général, la
règle de la bonne foi. Cette règle, au maintien de laquelle les
États se sont expressément obligésen signant la Charte (article 2/2),
exige que tout membre exerce ses fonctions conformément aux
fLnset dans l'intérêt de l'organisation. L'observation de la règle
est présiiméejusqu'à preuve du contraire.
L'activité d'une Cour de Justice comporte, en première ligne,
l'application des règles de droit à des cas concrets. Il en résulte
que la Cour est d'abord appelée à examiner quels sont les cas
concrets qui se trouvent à l'origine de la demande d'avis. La

Cour devrait, selon moi, procéder de cette manière, d'autant
plus que des exemples concrets, énoricésdans la documentation
des Nations unies, lui ont été signaléspar les soins du Secrétariat.
Cette documentation démontre qu'il n'y a eu qu'un seul cas où
un membre a fait expressément dépendre son vote de la réalisation
d'une, condition. C'est le cas dans lequel il s'agissait de l'admission
des Etats ex-ennemis et que je traiterai plus loin. Dans aucun autre cas il n'a étéquestion des conditions dont on aurait fait
dépendre un vote, mais bien des différents élémentsd'appréciation
qui peuvent, d'ailleurs, tous entrer dans le cadre de l'examen
des qualités requises par l'alinéaI de l'article4.
A la lumière de ce qui précède,j'en arrive à la réponsesuivante

à la première partie de la question :
Un Membre des Nations unies appelé à voter est juridiquement
fondé à faire dépendre son vote de conditions non expressément
prévues au premier paragraphe de l'article 4 de la Charte. Ce
droit découle :

1) du devoir suprême qui incombe au Conseil de Sécurité,
c'est-à-dire de la responsabilité principale du maintien de la paix
et de la sécurité internationales. Cette responsabilité incombe tout
spécialement aux membres permanents du Conseil, et l'exercice
de prérogatives politiques n'est pas limité par les dispositions
de l'article 4, mais bien uniquement par l'obligation juridique
d'agir de bonne foi et dans l'intérêt de l'organisation ;
2) du droit discrétionnaire de voter sans que le vote soit motivé,
et
3) de la nature de l'articl4 de la Charte, lequel ne saurait étre
considéré comme limitatif mais, bien au contraire, comme indi-

quant seulement les conditions minima, sans la réalisation des-
quelles un Etat ne peut être admis.

IV.

Je passe maintenant à la seconde partie de la question posée à
la Cour, qui est essentiellement de savoir siun membre peut subor-

donner son vote affirmatif concernant l'admission d'un Etat à la
condition que d'autres États soient admis en même temps.
Coinme je l'ai déjà mentionné, il n'y a rien de commun entre
les conditions prévues à l'article 4 et la condition selon laquelle
plusieurs Etats devraient être admis simuljanément. L'article 4
n'a trait qu'aux qualitésrequises pour qu'un Etat puisse êtreadmis,
tandis que 1'Etat candidat n'a aucune influence sur la réalisation
d'une demande adressée aux autres membres du Conseil de Sécu-
rité. La condition de l'admission simultanée ne se trouve donc pas
sur le plan de l'article4 de la Charte mais, bien au contraire, sur
le plan de la politique des Etats.
La Cour a décidéde donner une réponse à cette question et de
la donner de manière abstraite, ce qui me conduit aux observations
suivantes :

La seconde qiiestion, bien que formulée de façon abstraite, ne
peut évidemment avoir trait qu'au seul cas concret de cette nature
qui se soit jamais produit, c'est-à-dire à la discussion concernant
l'admission des Etats ex-ennemis. Cette discussion a eu lieu au
sein du Conseil de Sécuritéau cours des séances indiquées dansle considérant de la Résolution de l'Assemblée généraleen date
du 17 novembre 1947 .ar conséquent, la réponse dela Cour, fût-elle
aussi abstraite que possible, sera nécessairement comprise comme
se rattachant à ce cas et interprétée comme portant un jugement
indirect sur le comportement de certains membres du Conseil. Au
surplus, cette interprétation sera faite dans l'ignorance complète
des éléments exceptionnels de l'espèce et des arguments invoqués
à ces séances.
De ce qui précède ilrésulte, selon moi, que la Cour, ayant décidé
de donner une réponse, aurait dû le faire en visant le cas concret
dont la question est née,et cela d'autant plus que le cas d'espèce

contient des éléments juridiques lesquels, pris à part des éléments
politiques, permettraient une réponse fondée sur le droit. Les faits
se sont présentéscomme suit :
Un membre permanent du Conseil de Sécurité avait déclaré
qu'il ne voterait pour l'admission de deux Etats ex-ennemis qu'à
la condition que les autres membres du Conseil acceptassent I'obli-
gation de voter pour l'admission des trois autres Etats ex-ennemis.
On se trouve donc ici en présence d'une véritable condition, la
seule qui ait jamais étéposée,alors qu'une proposition antérieure,
d'un autre membre permanent, tendant àadmettreen bloc plusieurs
autres Etats, ne contenait aucune condition et ne faisait notamment
pas dépendrel'admission des uns del'admission des autres. L'admis-
sion concernant les Etats ex-ennemis reste donc le seul cas auquel
la dernande d'avis puisse avoir trait.
Or, la déclaration du Membre dont il s'agit était fondéeexpressé-
ment sur des arguments de nature juridique tirésde la Déclaration
de Potsdam et des traités de paix conclus avec les cinq Etats

ex-ennemis. Ces actes ont étéinvoqués comme contenant l'obliga-
tion des Puissances signataires d'appuyer la demande d'admission,
et il a étésoutenu que la Déclaration de Potsdam établissait une
différence très nette entre l'admission de cinq Etats ex-ennemis,
d'une part, et de tous les autres Etats, d'autre part.
La Cour n'a pas étéappeléeà examiner ou à interpréter les textes
précités. Je suis cependant d'avis qu'on ne saurait faire abstrac-
tion des faits ci-dessus mentionnés, alors que c'est précisément
d'eux que dépend la solution de la question. L'importance de ces
faits est mise en lumière par les motifs suivants :
1) Ces faits démontrent que la question a trait à un cas spécial
qui n'a pas de précédentet qui n'est pas susceptible de se répéter,
d'où il suit que la question soulevée par ce cas ne peut être traitée
d'une manière abstraite, et
2) ces faits sont décisifspour résoudre la question de savoir si,
dans le cas d'espèce,le membre ayant demandé l'admission simul-
tanée de tous les Etats ex-ennemis a pu êtrejuridiquement fondé à

introduire cette condition dans la discussion et en faire dépendre
son vote. Le membre permanent dont il s'agit a maintenu - à tort ou à
raison - son interprétation de la Déclaration de Potsdam et des
traités de paix. Poiir lui, ces textes comporteraient l'obligation,
pour les Etats signataires, d'appuyer les demandes d'admission. La
Déclaration de Potsdam et les traités de paix étant postérieurs à la
Charte et une telle obligation ne se trouvant pas en conflit avec
les obligations qui découlent de la Charte (art. 103 de la Charte),
le membre en cause pouvaif s'en prévaloir.
Il va sans dire que les Etats cosignataires de ces actes étaient
libres d'accepter ou non cette interprétation. Ce qui est cependant

décisifpour la question poséeà la Cour, ce n'est pas l'exactitude de
l'interprétation faite par cet Etat, mais bien le droit qu'il avait de
s'en prévaloir, de mêmeque les autres Etats signataires avaient le
droit de se prévaloir de la leur. En effet, ce droit est garanti par le
principe de l'égalité souveraine des Etats, qui est à la base de
l'organisation des Nations unies (art. 2 de la Charte). Il en ressort
que le membre dont il s'agit était juridiquement fondé à maintenir
son interprétation et, partant, à demander l'admission simultanée
des Etats ex-ennemis.

(Signé) ZORICIC.

Bilingual Content

Je partage l'opinion de la Cour en ce qui concerne sa compétence
pour interpréter la Charte, mais j'zi le regret de ne pouvoir me
rallierà l'avis rendu, premièrement, parce que j'estime que la Cour
aurait dû s'abstenir de répondre à la question qui lui a étéposée,

et deuxièmement parce que je ne puis me joindre aux conclusions
de la réponse.

La compétence de la Cour en matière consultative est déterminée

par l'article 65 du Statut de la Cour, aux termes duquel : ((La
Cour peut donner un avis consultatif sur toute question juridique. ))
De ce texte, il ressort que la Cour n'est pas obligéede donner les
avis qui luisont demandés, mais qu'elle a, au contraire, un pouvoir
discrétionnaire en cette matière.
L'interprétation ci-dessus exprimée est celle qu'avait adoptée

la Cour permanente de Justice internationale, le IO mars 1922.
Le juge J. B. Moore avait présentéà la Cour un aide-mémoire sur
la question des avis consultatifs (Actes et documents relatifs à
l'organisation de la' Cour, Série 2, annexe 58 a, p. 383), dans
lequel il soulignait que c'étaitsur l'article 14 du Pacte de la Sociéti:
des Nations que la fonction consultative était fondée. Or, le texte
français de cet article 14 ((<La Cour donnera aussi des avis ...»)

différait du texte anglais (« The Court may also give ....»), le mot
((may »du texte anglais impliquant l'idée dela permission, c'est-à-
dire de discrétion. Après un examen approfondi des travaux prépa-
ratoires et de la nature des fonctions de la Cour, le juge Moore
était arrivé à la conclusion qu'il incombait à la Courelle-même ((de
déterminer dans chaque cas particulier si elle accepte de donner
des avis consultatifs ))(1. c., p. 384), et que « si la Cour reçoit une

demande en vue d'une opinion de ce genre, elle y donne la suite
qu'elle jugera opportune d'après la nature et les circonstances de
chaque cas particulier » (p. 398).
En 1935, le juge hzilotti invoqua cette interprétation en ajou-
tant que « rien ne permet de penser que la Cour ait jamais changé
son attitude ))(Série A/B, no 65, p. 61).

Reste à examiner si les pouvoirs de la Cour actuelle ne sont
pas en cette matière plus restreints que ceux de l'ancienne Cour. Je
ne le crois pas, car on ne peut mettre en doute que l'article 65 du
Statut actuel dont le texte français (((peut donner 1))correspon-
dant exactement au texte anglais (((may give )))implique que les[Translation.]
1 agree with the Court's opinion as regards its competence to
interpret the Charter, but 1 am sorry 1 cannot support the opinion,
firstlybecause 1consider that the Court shouldhave refrained from
answering the question put, and secondly because 1 cannot accept
the conclusions of the reply

Tt:..Court's competence in advisory opinions is derived from
Article 65 of the Statute, which says that : "The Court may give an
advisory opinion on any legal question." It follows from this that
the Court is not obliged to give opinions for which it is asked, but
on the contrary has a discretionary power in the matter.

The above interpretation is the same as that adopted by the
Permanent Court of International Justice on March roth, 1922.
Judge J. B. Moore had written a memorandum on the question of
advisory opinions (Actsand Documents concerning the Organization
of the Court, Series 2,Anriex 58 a,p. 383), in which he emphasized
that the advisory powers were derived from Article 14 of the
Covenant of the League of Nations. The French text of Article 14
(" La Cour donnera aussi des avis.. .") differed from the English
text ("The Court may alsogive.. .") , the word "may" in the English
text irnplying a permission, i.e. a discretion. After careful study

of the preparatory work and of the nature of the Court's duties,
Judge Moore reached the conclusion that it was for the Court itself
"to determine in each instance whether ,..it would undertake to
give advice" (Z.c., p. 384), and that "if an application for such an
opinion should be presented, the Court should then deal with the
application according to what should be found to be thenature and
the merits of the case" (p. 398).

In 1935, Judge Anzilotti relied on this interpretation and added
that "there is no reason to suppose that the Court has ever meant
to modify its attitude" (Series A./B., No. 65, p. 61).
It remains to be seen whether the powers of the present Court are
not more restricted on this subject than were those of the old Court.
1do not think so ; for there can be no doubt that Article 65 of the
present Statute, in which the French text ("peut donner") corre-
spondsentirely with the English text ("may give"), implies that the

41 auteurs du Statut ont bien vu la question et qii'ils ont, de propos
délibéré,adapté le texte français au texte anglais, en conférant
ainsi à la Cour le pouvoir discrétionnaire de décider si elle doit
dans un cas d'espèce donner un avis sur la question posée, même
lorsqu'il s'agit d'une question juridique.
La nécessitéd'un tel pouvoir discrétionnaire ressort au surplus
des fins pour lesquelles la Cour a étécréée,ainsi que de sa nature
d'organisme essentiellement judiciaire auquel il incombe de favo-

riser et de développer l'application, entre les nations, du principe
et des méthodes des décisionsjudiciaires, et de contribuer, de cette
manière, au règlement pacifique des différends entre Etats. Cette
importante tâche de la Cour ne peut être remplie qu'en pleine indé-
pendance.
La Charte ni le Statut de la Cour ne contenant aucune disposi-
tion selon laquelle la Cour, bien que se jugeant compétente, serait
obligée de donner un avis, et l'article65 du Statut lui réservant,
au contraire, le droit de donner à toute demande d'avis la suite
qu'elle considérerait opportune, j'estime que la Cour aurait dû
s'abstenir de répondre à la demande actuelle, pour les motifs
énoncés brièvement ci-après :
De la résolution de l'Assemblée et de la documentation soumise
à la Cour par le Secrétaire général, il ressort que la demande d'avis
tire son originede la divergence devues qui a surgi au sein du Conseil

de Sécuritérelativement aux positions adoptées par les membres
du Conseil au cours des débats concernant l'admission de certains
Etats. 11s'agit donc de vues exprimées au sein d'un organe poli-
tique, ayant trait à des actes essentiellement politiques et fondées
sur des arguments et appréciations de nature politique. Au surplus,
je crois pouvoir déduire des circonstances que la demande a été
posée à la Cour pour des fins nettement politiques.
Il est vrai que la demande présente la question de manière
abstraite, mais il n'est pas moins incontestable que la réponse de
la Cour se prête à une interprétation différente, à savoir qu'elle
vise les discussions susmentionnées. Bien que la Cour ait déclaré
qu'elle ne considérait la question que de manière abstraite, la
répoiisesera, selon moi, interprétée comme contenant un jugement
sur la manière d'agir des membres du Conseil de Sécurité.La Cour
se voit donc entraînée ainsi sur le terrain glissant de la politique,
et sa réponse est susceptible d'être exploitée dans les luttes
politiques des Etats. Cela pourrait nuire sensiblement à la con-
fiance que la Cour doit inspirer à toutes les nations, si elle veut

être en mesure de remplir sa haute tâche de gardienne du droit
et d'organe judiciaire principal des Natipns unies.

II.

La Cour ayant décidédedonner un avis, je dois exposerles motifs
pour lesquels je ne partage pas l'opinion énoncée.
42authors of the Statute had the question in mind, and that they
deliberately adapted the French text to the English, thus giving

the Court a discretion to decide whether, in a particular case, it
should give an opinion on a question put, even if it were a legal
question.
The need for such a discretionary power is derived also from
the purposes for which -the Court was created, and from its
nature as an essentially judicial body, with the task of encourag-
ing and developing between nations the principle and methods
of judicial decisions, and of contributing thereby to the peaceful
settlement of disputes between States. The Court can only fulfil
this important task in complete independence.

Neither the Charter nor the Statute of the Court contain any
provision to the effect that the Court, even if it considered itself
competent, woiild be obliged to give an opinion ;Article 65, on the
contrary, reserves for the Court a right to take such action as it
thinks fit, on a request for an opinion. I therefore think that the
Court should have abstained from replying to the present question,

for the reasons that 1 will set out briefly below :
The Assernbly resolution and the documents submitted to the
Court by the Secretary-General show that the request for an opinion
had its origin in a divergence of views that arose in the Security
Council as to the attitudes adopted by Members of the Council
during the discussion on the admission of certain States. These
were views expressed in a political body relating essentially to
political acts, and based on arguments and appreciations of a
political nature. Moreover, Ifeel bound to conclude from the cir-
cumstances that the request was made to the Court for a definitely
political purpose.
It is true that the request submits the question in an abstract
form, but it is no less true, and is beyond doubt, that the Court's
answer lends itself to a different interpretation, namely that it
relates to the above-mentioned discussions, And although the
Court has stated that it only considers the question in the abstract,
the reply will, iil my view, be interpreted as containing a judgrnent
on the action of members of the Security Council. The Court is

thus drawn on to the slippery ground of politics, and its reply may
well become an instrument in political disputes between States.
This may do considerable harm to the Court's prestige and to
the confidence lhat the Court should inspire in al1 nations if it
is to fulfil its important duties as guardian of the law and principal
judicial organ of the United Nations.

II.

As however the Court has decided to give ail opinion, 1 must
statethe reasons for which Iam not in agreement with that opinion. Tout d'abord, je voudrais faire remarquer que je partage - d'une '
manière générale - les vues exposéesdans l'opinion collective du
Vice-Président de la Cour et des juges Winiarski, McNair et Read.
Si je présente une opinion séparée, c'estsurtout pour la raison que

j'examine la question poséeà la Cour sous un angle en partie diffé-
rent et que je prends en considération les cas concrets qui sont à
l'origine de la demande d'avis.
Avant de procéder à l'examen de la question posée à la Cour, les
observations suivantes s'imposent :
La Résolution de l'Assemblée généraledu 17 novembre 1947
porte dans son préambule ce qui suit :
« Considérantles vues qui furent échangées au sein du Conseil
de Sécurité à ses 204me, zope et 206meSéances,relatives à
l'admissionde certains États comme Membresdes Nations unies ...))

Cette même Résolution se termine par la disposition suivante :
((Charge le Secrétairegénéralde mettre à la disposition de la
Cour les procès-verbaux des séances ci-dessus mentionnées du
Conseil de Sécurité. 1)

Aucun doute ne me paraît possible en ce qui concerne l'intention
de l'Assemblée ; cette dernière indique l'origine et la nature de la
demande d'avis, afin que l'avis puisse êtredonné à la lumière des
faits et des circonstances dont la demande est née.
On pourrait observer que la question elle-même est formulée
dans des termes abstraits. Or, une pareille observation ne paraît
pas décisive, car elle ne change rien au fait que la Résolution du
17 novembre 1947 se présentecomme un tout dans lequel la question
abstraite est étroitement liéeau considérant qui la précèdeet qui
explique son sens et sa portée. Le Secrétaire général asoumis à la

Cour une ample documentation et a, au surplus, chargé son repré-
sentant d'exposer oralement à la Cour l'historique de la question.
Il résulte de tous ces faits que la Cour est expressément sollicitée,
par la Résolution de l'Assemblée, de donner son avis en tenant
compte des faits qui se trouvent à l'origine de la demande.
Rien de plus naturel. Dans la vie humaine, toute action est
fondée sur des considérations ou des faits concrets. Vouloir juger
et ex~liauer ces actions dans l'abstrait éauivaudrait à méconnaître
les mLbCes, à tourner dans le vide et à se méprendre sur le sens de
la vie réelle. Cela est particulièrement vrai quand il s'agit d'une
Cour de Justice dont le devoir est, en premier lieu, de se prononcer
sur la question de savoir si certaines actions sont conformes au
droit.
*
* *

La demande d'avis est rédigéede manière qu'elle se présente
comme une seule question. En réalité,il y a deux questions, se
situant chacune sur un plan différent, savoir : 1 would begin by saying that, in substance,. 1 agree with
what is said in the joint opinion of the Vice-President and of
Judges Winiarski, Sir Arnold McNair and Read. My chief reason
for writing a separate opinion is that 1 look at the question put
to the Court from a somewhat different angle, having in view the

concrete cases which gave rise to the request for an opinion.

Before examining the question before the Court, 1 have the
following observations to make :
The Prearnble to the General Assembly's Resolution of Novem-
ber 17th, 1947, ruqs as follows :
"Considering the exchange of views which has taken place in
the Security Council at its zoqth, zo5tl1, and 206th Meetings,
relating to the admission ofcertain States to membership in the
United Nations ...."

This Resolution ends with the following provision :
"Instritcts the Secretary-General to place at the disposa1 of
the Court the records of the above-mentioned Meetings of the
Security Council."

There seems to me to be no possible doubt as to the Assembly's
intention ; the Assembly states the origin and nature of the
request for an opinion in order tliat the opinion may be given
in the light of the facts and circumsta~~ces from which it arose.
It may be said that the question itself is in an abstract form.
This does not seem to be decisive, for it does not remove the fact
that the Resolution of November 17th, 1947, is a whole in which
the abstract question .is closely connected with the recital which
precedes it and explains its nieaning and scope. The Secretary-
General supplied the Court with a large number of ii~cuments,
and also instructed his representative to make an oral statement
to the Court on the history of the question. It follows from
al1 these facts that the Court is expressly asked in the Assen~bly
Resolution to give an opinion, taking account of the facts in
which the request originated.
Nothing could be more natural. In humai1 lise, al1 activity
is based on concrete considerations or facts. To attenlpt to

judge and explain such acts in the abstr'ict would be to mis-
construe the intentions, to work in a vacuum, and to misurider-
stand the meaning of real life. This is still more evident in the
case of a Court of Justice whose first duty is to decide whether
certain acts are in accordance with law.

The request for an opinion is presented cs one single question,
but there are in reality two, on different planes : 1) Un Membre appelé à voter est-il juridiquement fondé à faire
dépendre son consentement à l'admission d'un Etat aux
Nations unies de conditions non expressément prévues à
l'alinéaI de l'article 4 de la Charte, et
2) Peut-il, alors qu'il reconnaît gue les conditions prévues par

ce texte sont remplies par 1'Etat en question, subordonner
son vote affirmatif à la condition qu'en mêmetemps que
1'Etat dont il s'agit, d'autres Etats soient également admis
comme Membres des Nations unies ?
Il est de toute évidence que le mot « conditions », dans la
première question, a un sens différent de celui qu'il a dans la
deuxième question. L'article 4, alinéa1,-mentionne certaines condi-
tions qui doivent êtreremplies par 1'Etat sollicitant l'admission,

il s'agit donc uniquement des qualités devant exister au moment
de l'examen de l'admission.
Dans la deuxième question, le mot « conditions » a une accep-
tion très différente.Il est employédans son sensjuridique habituel :
la condition mentionnée dans cette partie de la demande a trait
à un événementfutur et incertain, à savoir que les membres du
Conseil accepteraient l'obligation de voter pour l'admission d'autres
Etats. Cette condition s'adresse aux membres du Conseil de Sécu-
rité qui, seuls, pourraient la remplir, tandis que 1'Etat candidat
ne peut, d'aucune manière, contribuer à sa réalisation.

III.

La première partie de la question demande à la Cour de statuer
sur le point de savoir si un Membre appelé à voter est juridique-
ment fondé à faire dépendre son consentement à l'admission de
conditions non expressément prévues dans l'alinéa I de l'article 4
de la Charte.
Le fondement juridique d'une certaine manière de procéder ne

peut êtreexaminéqu'à la lumière des règlesdedroit qui la régissent.
Or, en ce qui concerne le vote au sein du Conseil et de l'Assemblée,
les textes sont muets. Ni la Charte ni les Règlements intérieurs
du Conseil et de l'Assemblée ne contiennent aucune disposition
ayant trait à la manière selon laquelle un Membre peut ou doit se
comporter quand il procède à son vote ; il n'existe surtout aucune
disposition contenant une obligation quelconque de la part des
Membres de motiver leur vote. Tout ce qui est dit en cette matière
est que chaque Membre dispose d'une voix (articles 18 et 27 de
la Charte), tandis que l'exercice du droit de vote est laissé entière-
ment à leur discrétion.
Ayant la facultéde voter sansavoir à dire quelles sont les raisons
qui déterminent son vote, un Membre votant est dans son droit

quand il vote selon sa propre appréciation du cas, et c'est la
question des limites éventuelles de cette appréciation qui mène à
l'examen du caractère des dispositions de l'article 4 de la Charte. 1s a Member called upon to vote juridically entitled to
(1) make its consent to the admission of a State to the United
Nations dependent on conditions not expressly provided

by paragraph I of Article 4 of the Charter, and
(2) Can such a Member, while it recognizes that the conditions
set forth in that provision to be fulfilled by the State
concemed, subject its affirmative vote to the additional
condition that other States be adrnitted to membership
in the United Nations together witb that State ?
It is quite clear that the word "conditions" in the first question
has a different meaning from that which it has in the second.
Article 4, paragraph 1, mentions certain conditions that are to
be fulfilled by a State desirous of admission. Thus, it is solely
a question of the qualities that must exist at the moment of

considering the admission.
In the second question, the word "conditions" has a very
different mewing. It is used in its habitua1 legal sense : the
condition mentioned in this part of the application relates tc a
future and uncertain event, namely, that the other members of
the Council would accept the obligation to vote for the admission
of other States. This condition concerns the members of the
Security Council, who alose could fulfil it, whereas the candidate
cannot, in any way, contribute to its fulfilment.

III.

The first part of the question callson the Court toecide whether
a Member called upon to vote is juridically entitled to make its
consent to admission dependent on conditions notexpressly provided
by paragraph I of Article4 of the Charter.

The legal foundation for a certain method of procedure can only
be examined in the light of the rules of law that govern it. On
the subject of voting in the Council and the Assembly, there are
no provisions. Neither the Charter nor the Rules of procedure
of the Council or the Assembly contain anything as to what a
Member may or should do when it votes and-a point of great

importance-there is no obligation on the part of Members to give
a reason for their vote. Al1 that is said on the subject is that
each Member has one vote (Articles 18 and 27 of the Charter) ;
the exercise of the right to vote is left entirely to their discretion.

As a Member who votes is entitled to do so without giving any
reasons for his vote, he may act in accordance with his own view
of the case ; and it is the question of any possible limits to this
view that leads to a consideration of the nature of the provisions
of Article 4 of the Charter.

44 98 OPINION DISSIDESTE DE M. ZORICIC

Les conditions, ou plutôt les qualités requises, afin qu'un État
puisse êtreadmis au sein des Nations unies sont, selon l'alinéa I
de l'article 4, que ce soit un Etat pacifique, acceptant les obligations
de la Charte, capable de les remplir et disposé à le faire. Il est de
toute évidence que l'appréciation même de ces qualités et donc leur
existence pei1.t se fonder sur des éléments de toute nature. Mais,
àcôtéde cela, aucun terme du paragraphe I de l'articl4 ne s'oppose
à ce qu'un membre votant et exerçant de ce fait un pouvoir poli-
tique ne prenne en considération des éléments de nature politique,
non contenus dans l'article 4. Si donc on cherche, d'une part, à
interpréter ce texte dans un sens limitatif, il est possible, d'autre
part, de l'interpréter comme imposant seulement les qualités

minima,- c'est-à-dire les qualités fondamentales sans lesquelles
aucun Etat lie peut être admis aux Nations unies.

Puisque le texte se prci~ ?ldes interprétations différentes, il en
résulte que l'on doit, en premier lieu, se référer aux travaux
préparatoires afin d'établir la véritable portée de l'article 4, telle
qu'elle s'est présentée à l'esprit de ses auteurs.
Les travaux préparatoires ontétésoumis à la Cour, et il en ressort
que les deux paragraphes de l'article 4 de la Charte orit étéélaborés

à San-Francisco,chacun par un comité différent, à savoir :le para-
graphe I par le Comité 112,le second paragraphe par le Comité 1111.
Le rapporteur du Comité 112 a présenté à la Première
C~~mmission un rapport au sujet de l'admission de nouveaux
Membres (Dûcument de la Conférence de San-Francisco n" 1160
1/2/76 (I), vol.VII, p. 317). Selon ce rapport, le Comités'est trouvé
en présence du problème fondamental suivant :

((La mesure où iI convient de ditermifier les limites dans les-
quelles l'Organisation exercerait son pouvoir discrétio.n.naien ce
qui concerne l'admission de nouveaux Membres. » (Soiilignt:
par moi.)

Ayant constaté que l'adhésion aux principes de la Charte et
l'acceptation totale des obligations qui en découlqlt constituaient
des conditions essentiellesde la participation des Etats, le rapport

explique que :

(1deux tendances principales s'étaient nlanifestées dans les dis-
cussions. D'un côté, il y avait ceux qui se déclarèrenten faveur
de l'insertion dans la Charte de conditions précises, auxquelles
les nouveaux Membres devraient satisfaire notamment en ce qui
concerne le régime et la politique de divers gouvernements. De
l'autre côt6,il y avait ceux qui soutenaient que la Charte ne
devait pas sans raison limiter l'organisation dans ses décisions
concernant les demandes d'admission, et affirmaient que 1'Oi;i.a-
(les candidatsàêml'admission.x»inspirge pour juger l'attitude For a State to be admitted to the United Nations the required
conditions, or rather qualities, are, according to Article 4, para-
graph 1, that it shall be peace-loving, that it shall accept the
obligations contained in the Charter, and that it shall be able and
willing to carry out these obligations. It is quite clear that the
actual appreciation of these qualities, and thelefore their existence,

may depend on elements of al1 kinds. But, apart from that,
there is nothing in Article 4, paragraph 1, to prevent a hlember
who votes and thus exercises a political discretion,from taking into
consideration elements of a political nature, not contained in
Article 4. Thus, while, on the one hand, it is endeavoured to
interpret this provision as exhaustive, it is, on the other hand,
possible to interpret it as imposing only the minimum of qiial-
ities, Le., the fundamental qualities without which no State can
be admitted to the United Nations.
-4s the provision is capable of various interpretations, it follows
.hat, in the first place, the preparatory work must he looked at, in
ûrder to discover the exact scope of Article 4,in the minds of its
authors.
Thepreparatory work was submitted to the Court, and it appears

that the two paragraphs of Article 4 of the Charter were, in San
Francisco, each drafted by a different Committee : paragraph I
by Committee 112, and paragraph 2 by Committee 1111.
The Rapporteur to Committee 112submitted to the First Commis-
sion a report on the admission of new Members (San Francisco
Conference, Document No. 1160 1/2/76 (1), Vol. VII, p. 308), in
which it was said that the Committee had to consider the fun-
damental problem :

"The extent to which it was desirable to establish tlze liuzits
within which the Organization would exercise its discretionnvy
power with respect to the admission of new Members." (Italics
mine.)

Observing that adherence to the principles of the Charter and
complete acceptance of the obligations arising therefrom were
essential conditions to participation by States, the report explains
that :

"Nevertheless, two principal tendencies were manifested in the
discussions. On the one hand, there were some that declared
themselves in favour of inserting in the Charter specific con-
ditions which new Members should be required to fiilfil especially
in matters concerning the character and policies of governments.
On the other hand, others maintain that the Charter shoiild not
neecilessly limit the Organization in its decisions concerning
requests for admission, and asserted that the Organization itself
would be in a better position to judge the character of candidates
for admission."Enonçant ensuite les conditions, ou pour mieux dire, les qualités
qui furent acceptées et qui sont celles de l'article 4, le rapport
continue :

C'étaità dire clairement que l'admission d'un Membre nouveau
serait soumise à un examen, mais le Comité ne crut pas devoir
recommanderl'énumérationdes éléments qui seraient à considérer
dans cet examen. Il prit en considération les difficultésqu'il y
aurait à évaluer les institutions politiques des États et craignit
que la mention dans la Charte d'un examen de cette nature ne
portât atteinte au principe de la non-intervention ou, si l'on aime
mieux, de la non-ingérence.Cela n'impliquait pas cependant que,
lorsqu'il s'agirait de se former un jztgemerttsur l'opportunitéde
l'admissiorsd'un nouveau Membre, des considérations de tout ordre
ne pussent entreren ligne de compte. ))(Soulignépar moi.)

Et le rapport de fînir par ces mots
« Le texte adopté énonceplus clairement que le texte original
de Dumbarton Oaks les conditions requises pour devenir Membre
et considéréep sar les déléguécsomme fondamentales. Il constitue
ainsi, pour l'Assembléegénéraleet le Conseil de Sécurité,un
guide plus sûr pour déterminer l'éligibilitédes nouveaux Mem-
bres. » (Soulignépar moi.)

Ce rapport fut approuvé par la Commission 1 (Rapport du
rapporteur de la Commission 1, Doc. de la Conférence, no 1142. 119,

vol. VI, p. 238).
Il me parait que, devant un texte aussi clair, tout doute quant
au caractère de l'article 4 devrait disparaître. Les auteurs de ce
texte n'entendaient pas « recommander l'énumération des éléments
qui seraient à examiner ))ils voulaient que des « considérations
de tout ordre pussent entrer en ligne de compte »lorsqu'il s'agirait
« de se former un jugement sur l'opportunité de l'admission » et,
finalement, ils constataient que le texte énonçait les conditions
« considérées par les déléguéscomme fondamentales 1)et consti-
tuant un guide pour déterminer l'éligibilité.
Le texte susmentionné démontre donc qu'il ne s'agit pas, dans
l'article 4, d'une disposition limitative, mais bien au contraire d'un

guide pour déterminer l'éligibilité,contenant seulement les qualités
fondamentales, indispensables, requises de tout Etat candidat.
En d'autres termes, les conditions de l'article 4 sont des conditions
minima auxquelles les nouveaux Membres doivent satisfaire et
sans la réalisation desquelles ils ne peuvent êtreadmis, mais ce ne
sont nullement les seules considérations dont on puisse tenir compte
au moment où se forme le jugement sur l'opportunité de l'admis-
sion, car un jugement sur l'opportunité ne saurait être limité et
compris comme un jugement portant exclusivement sur la réunion
des conditions de l'article4.

Les travauxet le rapport du Comité 1111 ayant trait au deuxième
paragraphe de l'article 4 confirment cette interprétation. Le Comité
46 Then, mentioning the conditions, or rather the qualities agreed on,
which are those of Article 4, the Report continues :

"It was clearly stated that but the Committee did not feel it
should recomme~dthe enumeration of the elements wtiich were to
be taken into consideration. It considered the difficulties which
would arise in evaluating the political institutions of States and
feared that the mention in the Charter of a study of such a nature
wouldbe a breach of theprinciple of non-intervention,or if preferred,
of non-interference. This doesnot irnply, however, that in passimg
upon the admission of a new Member, considerations of all kinds
casnot be brought into account." (Italics mine.)

And the report ends with these words :
"The text adopted sets forth more clearly than the Dumbarton
Oaks proposais those qualifications for membership which the
delegatesdeemed fundamental, and provides a more definite guide
to the General Assembly and Security Council on the admission
of new Members." (Italics mine.)

This report was approved by Commission 1 (Report of Rap-
porteur of Commission 1,Conference Doc. No. 1142. 119, Vol. VI,
P. 229).
It would seem that any doubt as to the nature of Article 4 is
dispelled by such a clear provision. The authors did not feel they
should "recommend the enumeration of the elements which were to
be taken into consideratiop" ;they desired that "considerations of
al1kinds" should "be brought into account" when it was necessary
"to pass upon the admission of a new Member", and finally they
stated that the text set forth the conditions "which the delegates
deemed fundamental" and constituted a guide for determining
elegibilit y.
The above-mentioned text thus shows that Article 4 does not
contain exhaustive provisions, but on the contrary is a guide on
admissions, containing only the fundamental and indispensable
qualities required of a candidate. In other words, the conditions
of Article 4are minimum conditions that must be fulfilied by new

Members, and without which Members cannot be admitted; but
these are not the only conditions to be taken into account when a
judgment is formed as to the desirability of admission ; for a
judgment as to desirability cannot be limited or deemed to be a
judgment relating exclusively to the fuliîhent of the conditions
of Article 4.

The work of Committee 1111and its Report, relating to Article 4,
paragraph 2, confirmed this interpretation . The Cornmittee had
46 avait élaboréun texte donnant à l'Assemblée généraleun pouvoir
discrétionnaire en ce qui concernel'admission denouveaux Membres.
Le Comité de coordination ayant apporté certaines modifications
à ce texte, le Comité 1111 s'inquiéta, comme il ressort du compte
rendu de la Quinzième Séance de ce Comité :

((Le secrétaire informe le Comité qu'il a été avisé par le
secrétairedu Comitéconsultatif de juristes qu'à l'avis de ce Comité
ces textes n'affaibliraient en rien le texte original adopté par le
Comité. En raison de cette interprétation, le texte est approuvé
par le Comité. » (Vol. VIII, pp. 490-491.)

Le rapport du rapporteur du Comité 1111est catégorique. Après
avoir brièvement indiqué que le Comité avait discuté la revision
du texte « afin de déterminer si le texte préparé diminuait d'une
facon quelconque le pouvoir de l'Assemblée ))et que « le Comité
a étéavisé que le nouveau texte ne diminuepas le droit de 1'Assem-
blée », il continue dans les termes suivants :

«Le Comité a décidéque cette interprétation devra êtreincluse
dans son procès-verbal comme étant celle à donner à cette dispo-
sition de la Charte, et, se basant sur cette décision, ila approuvé
le texte sous la forme suggéréepar le Comitéde coordination. ))
(Vol. VIII, p. 498.)
On ne saurait manquer de noter le soin tout spécial qu'a pris

le Comité en vue d'assurer à l'Assemblée un pouvoir discrétionnaire
au moment où elle décide, sur recommandation du Conseil, si un
nouveau Membre doit être admis ou non.
Les deux rapports des Comités ayant été approuvés par les
Commissions respectives, il parait difficile de supposer que les
termes soigneusement choisis de ces rapports et examinés tout
d'abord dans les Comités et, ensuite, par les Commissions, n'expri-
meraient pas leur pensée et leurs intentions véritables. Je crois,
bien au contraire, que ces rapports doivent être'considérés comme
des accords sur l'interprétation des textes dont il s'agit et que,

par conséquent, leurs termes doivent être compris et appliqués
dans leur sens normal comme constituant les éléments les plus
sûrs pour l'interprétation de l'article 4 de la Charte. Les rapports
cités démontrent, à mon avis, l'intention des auteurs de la Charte
de ne limiter, par le texte de l'article 4,ni le Conseil de Sécurité
ni l'Assemblée, et de leur laisser pleine liberté dans l'exercice de
leur fonction politique, sous la seule réserve, bien entendu, qu'ils
ne doivent pas admettre un Etat ne satisfaisant pas, à leur juge-
ment, aux conditions minima de l'alinéa I de l'article 4.

De ce qui est dit, il ressort que l'argument n'est pas convaincant
selon lequel les termes du paragraphe 2 de l'article 4 :((tout Etat
rcrilpiissant ces conditions ))s'opposeraient à cc:que des considéra-
tions politiques, non prévues au paragraphe I de l'article4,pussent
entrer en ligne de compte. LJinterpr?tati8n du paragraphe 2 ne
peut se fonder sur quelques mots isolés, mais bien sur le texte drafted a provision giving the General Assembly a discretionary
power asto the admission of new Members. Certain changes were
made by the Co-ordination Committee, and Committee 1111 became
anxious, as isseen in the minutes of its Fifteenth Meeting :

"The Secretary reported that he had been advised by the
Secretary of the Advisory Committee of Jurists that that Com-
mittee felt these texts would not in any way weaken the original
text adopted by the Committee. In the light of this interpretation,
the Committee approved the text." (Vol. VIII, pp. 487-488.)
The report of the Rapporteur to Committee 1111 is categorical.
It states briefly that the Committee considered a revision of the
text "in order to determine whether the power of the Assembly ....
was in no way weakened by the proposed text", and that "the

Committee was advised that the new text did not ...weaken the
right of the Assembly". Itgoes on as follows :
"The Committee agreed that this interpretation should be
included in its minutes as the one that should be given to this
provision of the Charter, and on this basis approved the text
as suggested by the Co-ordination Committee." (Vol.VIII, p. 495.)

It ir quite clear that the Cornmittee took special care that the

Assembly should have a discretionary power at the moment when
it decides, on the recommendation of the Council, whether a new
Member shall be admitted or not.
The two reports of the Committees were approved bythe respect-
ive Commissions, and it is difficult to suppose that the carefully
chosen wording of these reports, considered first in the Committees,
and then by the Commissions, does not express their thoughts and
true intentions. On the contrary, 1believe that these reports are
to be taken as agreements on the interpretation of the provisions
in question, and that consequently their terms must be understood
and applied in their normal meaning as forming the surest means of
interpreting Article 4 of the Charter. In my view, the reports
quoted indicate the intention of the authors of the Charter not to
limit either the Security Council or the Assembly by the provisions
of Article 4, but to give them full freedom in the exercise of their
political duties, always with the exception that they should not

admit a State which, in their judgment, did not satisfythe minimum
conditions of Article 4, paragraph I.

From what is said, it follows that the argument tothe effect that
tlie terms of Article 4 : "any such State", would prohibit any
account being taken of political ccnsiderations not provided for in
-Article4, paragraph 1, is not convincing. The interpretation of
paragraph 2cannot be based on a few isolated words, but depends on
the whole paragraph. The paragraph says that the admission "of e-ntier de ce paragraphe. Or, il énonce que l'admission « de tout
Etat remplissant ces conditions se fait par décisionde l'Assemblée
généralesur recommandation du Conseil de Sécurité ». Par consé-
quent, il ne suffit pas qu'un Etat remplisse « ces conditions »,bien
au contraire, il faut encore que le Conseil décidede faire une recom-
mandation et que l'Assembléedécide si elle veut accepter ou non

cette recommandation. La Charte ne prévoit donc nullement une
admission automatique de « tout Etat remplissant ces conditions »,
elle subordonne l'admission aux décisions des organes politiques
ayant le pouvoir discrétionnaire de fonder leurs décisions - comme
cela a étédémontré - sur des considérations de tout ordre.
En tout cas il me paraît difficile d'affirmer, d'une part, que le
paragraphe 2 de l'article 4 s'oppose - par les mots : « tout Etat
remplissant ces conditions »- à l'introduction de considérations
politiques qui pourraient se superposer aux conditions du para-
graphe 1, et de soutenir, d'autre part, que ce paragraphe 2 ne
viserait rien d'autre que l'organisation de la procédure d'admission.
L'interprétation selon laquelle les décisions concernant l'admis-
sion sont régies par des considérations politiques sans égard à

l'article 4 paraît bien être aussi celle de l'Assemblée générale
elle-même, ce qui ressort de la première Résolution adoptée à la
séancedu 17 novembre 1947 par 46 voix contre une et 6 abstentions.
La résolution recommande aux membres permanents du Conseil
de Sécurifédese consulter en vue d'arriver à un accord sur l'admis-
sion des Etats candidats dont l'admission n'a pas encore étérecom-
mandée, et de soumettre leur conclusion au Conseil de Sécurité.
(Journal de l'Assembléegénéralen ,o 56, du 19 novembre 1947, p. 4.)
Or, est-il possible de suggérer que cette Résolution n'avait en vue
qu'une invitation aux membres permanents de se mettre d'accord
uniquement sur le point de savoir si les conditions de l'article 4
étaient remplies ou non ?Je ne crois pas qu'on puisse contester que
l'Assembléevisait ici un accord politique fondé sur des considéra-

tions politiques de toute nature.

A côtédes travaux préparatoires, l'économiegénéraledela Charte
démontre l'exactitude des conclusions tirées de ces travaux. Pour
s'en rendre compte, il suffit d'examiner : 1) les attributions et les
devoirs du Conseil de,Sécurité,et 2) la méthode selon laquelle se
fait l'admission des Etats dans les Nations unies.
1) Selon l'article24 de la Charte, au Conseil de Sécuritéincombe

« la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité
internationales 1)Ce devoir prime tous les autres, et je ne crois pas
que l'on puisse - à défaut d'une disposition expresse - limiter
le pouvoir et le devoir du Conseil découlant de l'article 24, article
fondamental de la Charte, par la seule voie d'une interprétation
restrictive de l'article4,cela d'autant moins qu'une pareille inter-

48 any such State willbe effected by a decision of the General Assembly
upon the recommendation of the Security Council". Consequently,
it is not sufficient to be "such" a State ; it is also necessary for the
Council to decide to make a recommendation, and forthe Assembly

to decide whether it is willing to accept this recommendation or
not. The Charter therefore does not provide for the automatic
admission of "any such State" ; it subordinates submission to the
decisions of political organs with a discretionary power to base their
decisions (as has been shown) on any kind of considerations.

In any case, it would seem difficult to assert, on the one hand,
that the words "any such State" in paragraph 2 of Article 4,
prohibit the introduction of political considerations which could
be superimposed on the conditions of paragraph I and, on the
other hand, to maintain that paragraph 2 is concerned only with
the procedure for admission.

An interpretation to the effect that decisions on admission are
governed by political considerations notwithstanding Article 4,
appears to have been given by the General Assembly itself, as is
seen in the first Resolution adopted by it on November 17th, 1947,
by 46 votes against 1, with 6abstentions. The Resolution recom-
mends the permanent llembers of the Security Council to consult
together with a view to reaching an agreement on the admission of
candidates whose admission has not yet been recommended, and to
submit their conclusions to the Security Council. (Journal ofthe
General Assembly, No. 56, November ~gth, 1947, p. 4.) Can it be
suggested that the only purpose of this Resolution was to invite the

permanent Members to agree solely on the question whether the
conditions of Article 4 were fulfilled or not ? 1 do not think it can
be contested that the Assembly here had in view a political agree-
ment based on quite general political considerations.

Apart from the preparatory work, the general structure of the
Charter shows the conclusions drawn from the preparatory work to
be exact. This will be seen from a study of (1)the powers and
duties of the Security Council, and (2) the method of admission of
States to the United Nations.

(1) Article 24 of the Charter places on the Security Council
"Primary responsibility for the maintenance of international peace
and security". This duty comes before al1 others, and, failing an
express provision, 1 do not think that the powers and duties of the
Council under Article 24, a fundamental article of the Charter, can
be limited merely by a restrictive interpretation ofArticle 4 ;partic-
ularly as, in my opinion, such an interpretation would be quite

48 IO2 OPINION DISSIDENTE DE M. ZORICIC
prétation serait, selon moi, nettement contraire aux intentions des
auteurs de ces textes, telles qu'elles sont expriméesdans les rapports
cités plus haut. II est, en outre, indubitable que c'est précisément

à cause de ce devoir que le paragraphe 2 de l'article 4 ne donne à
I'Assembléele droit de décidersur l'admission de nouveaux Membres
que sous la condition d'une recommandation préalable du Conseil.
Il y a là une exception à la règle généralede l'article 10 concernant
les droits de l'Assemblée,exception qui n'est compréhensible qu'en
prenant en considération la tâche confiéeau Conseil par l'article 24.
En effet, comme l'indique le rapport du rapporteur du Comité 1111,
le principe selon lequel l'Assembléedevrait admettre des nouveaux
Membres sur recommandation du Conseil de Sécurité se fonde sur

l'idéeque le ((but primordial de la Charte est de créer une assurance
complète contre un résurrection de la guerre et que, par conséquent,
c'est le Conseil de Sécuritéqui doit assumer la responsabilité initiale
de proposer la participation de nouveaux Membres s. (Doc. 666,
11/1/26 I (a), Conférence de San-Francisco, vol. VII, p. 461.)
Or, comment le Conseil pourrait-il remplir ses devoirs s'il était
strictement limité par les critères mentionnés au premier para-
graphe de l'article 4 ?Une pareille limitation du Conseil l'empêche-
rait de se prononcer contre l'admission d'un Etat, mêmesile Conseil

était d'avis que cette admission aurait de fâcheuses conséquences
sur la stabilité internationale généraleet, partant, sur le maintien
de la paix. Un tel cas peut se produire mêmesi 1'Etat candidat
remplit toutes les conditions de l'article 4;en effet, I'admissiond'un
Etat pourrait, d'une part, créer une tension avec d'autres Etats
Membres ou non Membres de l'organisation, et provoquer des
sentiments de méfiance, de mécontentement et d'injustice, tandis
que, d'autre part, son admission pourrait être jugée inopportune
au point de vue d'une harmonieuse collaboration au sein de l'Orga-

nisation. Ce sont là des considérations nettement politiques qui ne
sauraient êtreet ne sont pas limitées par l'article 4. Les auteurs de
la Charte ne pouvaient évidemment pas imposer au Conseil des
devoirs d'une telle envergure (article 24) et en mêmetemps limiter
ses pouvoirs de manière à l'empêcherde mener à bonne fin sa tâche
principale.
Les membres du Conseil doivent donc, dans l'intérêt suprêmd ee
l'organisation, jouir d'un large pouvoir discrétionnaire ; ils peuvent
et doivent tenir compte de considérations politiques de toute sorte,

mêmesi elles n'entrent pas dans le cadre de l'article 4.

2) Il a déjà étémentionné que rien n'oblige les membres à
motiver leur vote. Le vote, d'ailleurs, se fait par « oui » ou par

((non », à moins qu'il n'y ait abstention. Par conséquent, il n'y a,
au moment du vote, aucune possibilité de le soumettre à une
condition. Une condition ne pourrait être énoncéeque dans la
discussion qui a lieu au sein des organes compétents avant le vote.
Or, il résulte de la documentation soumise à la Cour que, dans ces

49contrary to the intentions of the authors of these provisions, as
expressed in the reports quoted above. Moreover, there can be no
doubt that it is because of this duty that Article 4, pararaph 2,

only gives to the Assembly the right to decide on the admission of
new Members subject to the previous recommendation of the
Security Council. This constitutes an exception to the general rule
contained in Article IO as to therights of the Assembly ;this excep-
tion can only be understood by bearing in mind the task entrusted
to the Council by Article 24. As the report of the Rapporteur of
Committee 1111shows, the principle whereby the Assembly must
admit new Memberson the recommendation of the Security Council
only, is derived from the idea that "the purpose of the Charter is
primarily to provide security against a repetition of the present war
and that, therefore, the Security Council should assume the initial

responsibility of suggesting new participating States". (Doc. 666,
IIi1126/1 (a), San Francisco Conference, Vol. VII, p. 451.)

How could the Council fulfil its duties if it was strictly limited by
the criteria mentioned in Article 4, paragraph I ? Such a limita-
tion on the Council would prevent it frorn declaring against the
admission of a State even if it thought that such admission would
have serious consequences for general international stability and
consequently for the maintenance of peace. Such a case may well
arise evcn though the candidate fulfils al1the conditions of Article 4;
for the admission of a State might create tension with other Members
or non-Members of the Organization, and might give rise to expres-

sions of mistrust, discontent and injustice ; whilst, on the other
hand, its admission might be held undesirable from the point of
view of harmonious CO-operationwithin the Organization. These
are essentially political considerations that could not be, and are
not, lirnited by Article 4. Evidently the authors of the Charter
could not impose such extensive duties on the Council (Article 24)
and, at the same time, liinit its powers in such a way as to prevent
it from carrying out properly its main task.

In the supreme interests of the Organization, the members
of the Council must therefore have a wide discretion. They can
and must take account of every kind of political considerations,
everi if these do not fa11within Article 4.

(2) It has already been said that nothing obliges a Meinber to
give a reason for its vote. The vote is by "yes" or "no", unless
the Member abstains. Consequently, at the moment of voting,
there is no possibility of imposing a condition. A condition could
only be expressed in the discussiori that takes place in the competent
organs before the vote. The documents placed before the Court
show that, during these discussions, Members have adopted very

49 discussions,les membres ont pris des positions bien différentesselon
les besoins politiques du cas discuté. Non seulement certaines délé-
gations ont adopté des positions différentes, mais les mêmes délé-
gations ont soutenu, dans un cas, une thèse et, dans un autre cas,
la thèse contraire.

Il n'y a rien d'étonnant à cela. Il s'agit de politique, le Conseil
est un organe essentiellement politique et non pas une Cour de
Justice. Mais alors comment pourrait-on limiter la liberté de la
parole au sein de cet organe politique ? Si un membre n'était pas
juridiquement fondé à faire état de considérations politiques
dans les déclarations qu'il fait relativement au vote ayant lieu
à la fin des débats, ces derniers deviendraient singulièrement
difficiles. Cela ne manquerait pas de favoriser l'hypocrisie et les
réserves mentales. Au surplus, la discussion et les raisonspoliti-
ques de toutes sortes qui ont été avancées peuvent sans doute
déterminer un vote, mais ne le font pas nécessairement. Il est
possible qu'un membre invoque certaines appréciations et qu'en-
suite, convaincu par les arguments des autres, ou pour une raison
politique, il se laisse guider au moment du vote par des considé-

rations tout à fait différentes de celles qu'il avait énoncéesdans
la discussion.
Il en résulte qu'il est absolument impossible de fixer les appré-
ciations dont un membre a fait dépendre son vote, car il s'agit
d'un processus mental qui échappe à tout contrôle. Par conséquent,
dès le moment où il n'existe aucune règle de droit obligeant un
membre à motiver son vote, il est juridiquement fondé à -voter
selon sa propre appréciation, sous réserve de ce qui suit :
Si l'exercice du droit de vote est laissé à la discrétion des
membres du Conseil et de l'Assemblée, celane saurait, sous aucun
prétexte - il est nécessaire de le soulign-, autoriser ce membre

à agir arbitrairement. A la base de toute organisation, et surtout
de celle des Nations unies, figure, comme principe général, la
règle de la bonne foi. Cette règle, au maintien de laquelle les
États se sont expressément obligésen signant la Charte (article 2/2),
exige que tout membre exerce ses fonctions conformément aux
fLnset dans l'intérêt de l'organisation. L'observation de la règle
est présiiméejusqu'à preuve du contraire.
L'activité d'une Cour de Justice comporte, en première ligne,
l'application des règles de droit à des cas concrets. Il en résulte
que la Cour est d'abord appelée à examiner quels sont les cas
concrets qui se trouvent à l'origine de la demande d'avis. La

Cour devrait, selon moi, procéder de cette manière, d'autant
plus que des exemples concrets, énoricésdans la documentation
des Nations unies, lui ont été signaléspar les soins du Secrétariat.
Cette documentation démontre qu'il n'y a eu qu'un seul cas où
un membre a fait expressément dépendre son vote de la réalisation
d'une, condition. C'est le cas dans lequel il s'agissait de l'admission
des Etats ex-ennemis et que je traiterai plus loin. Dans aucun different positions, according to the political requirements of the
case under discussion. Not only have some delegations adopted
differing points ofview, but the same delegations have often put
forward one argument in one case, and a contrary argument in
another.
There is nothing surprising in this. It is a question of policy.
The Council is an essentially political organ and not a Court of
Justice. How then could-freedom of speech in this political organ

be limited ? If a Member was not legally entitled to take account
of political considerations in the statements made by him on the
subject of the vote which takes place at the end of discussions,
these latter would become particularly difficult. The result
would be to encourage hypocrisy and mental reservations.
Moreover, discussion and political reasons of any kind may no
doubt decide a vote, but they do not necessarily do so. It is
possible that a Member may state certain views and that then,
convinced by the arguments of others, or for a political reason,
he may, when voting, be influenced by considerations quite different
from those he had put forward during the discussion.

Consequently, it is quite impossible to determine the reasons on
which a Member's vote depends, for they are the subject of a
mental process that cannot be coiltrolled. As a result, seeing that

there is no rule of law obliging a Member to give reasons for his
vote, he is juridically entitled to vote according to his own opinion,
subject to what follows:
If the exercise of the right to vote is left to the discretion of
Members of the Council and of the Assembly, it must be emphasized
that this cannot upon any pretext authorize them to act arbi-
trarily. Any organization, and especially that of the United
Nations, is, as a general principle, founded on good faith. This
rule, which al1 States have bound themselves to observe when
signing the Charter (Article 2/2),requires that a Member shall fulfil
its obligations in accordance with the purposes of andinthe inter-
ests of the Organization. This rule is assumed to have been
observed, failing proof to the contrary.
The work of a Court of Justice involves primarily the application
of rules of law to concrete cases. It follows that the first task of
the Court is to consider what are the concrete cases from which

the application for an opinion arises. That this should be the
Court's procedure is the more evident from the fact that concrete
examples have beendrawn to its attention in the documents supplied
by the Secretariat of the United Nations. These documents show
that there was only one case in which a Member expressly made
his vote dependent on the realization of a condition. It was in
regard to the admission of ex-enemy States. 1 shall come to this
laler. In no other case was there a question of any conditions to
50 autre cas il n'a étéquestion des conditions dont on aurait fait
dépendre un vote, mais bien des différents élémentsd'appréciation
qui peuvent, d'ailleurs, tous entrer dans le cadre de l'examen
des qualités requises par l'alinéaI de l'article4.
A la lumière de ce qui précède,j'en arrive à la réponsesuivante

à la première partie de la question :
Un Membre des Nations unies appelé à voter est juridiquement
fondé à faire dépendre son vote de conditions non expressément
prévues au premier paragraphe de l'article 4 de la Charte. Ce
droit découle :

1) du devoir suprême qui incombe au Conseil de Sécurité,
c'est-à-dire de la responsabilité principale du maintien de la paix
et de la sécurité internationales. Cette responsabilité incombe tout
spécialement aux membres permanents du Conseil, et l'exercice
de prérogatives politiques n'est pas limité par les dispositions
de l'article 4, mais bien uniquement par l'obligation juridique
d'agir de bonne foi et dans l'intérêt de l'organisation ;
2) du droit discrétionnaire de voter sans que le vote soit motivé,
et
3) de la nature de l'articl4 de la Charte, lequel ne saurait étre
considéré comme limitatif mais, bien au contraire, comme indi-

quant seulement les conditions minima, sans la réalisation des-
quelles un Etat ne peut être admis.

IV.

Je passe maintenant à la seconde partie de la question posée à
la Cour, qui est essentiellement de savoir siun membre peut subor-

donner son vote affirmatif concernant l'admission d'un Etat à la
condition que d'autres États soient admis en même temps.
Coinme je l'ai déjà mentionné, il n'y a rien de commun entre
les conditions prévues à l'article 4 et la condition selon laquelle
plusieurs Etats devraient être admis simuljanément. L'article 4
n'a trait qu'aux qualitésrequises pour qu'un Etat puisse êtreadmis,
tandis que 1'Etat candidat n'a aucune influence sur la réalisation
d'une demande adressée aux autres membres du Conseil de Sécu-
rité. La condition de l'admission simultanée ne se trouve donc pas
sur le plan de l'article4 de la Charte mais, bien au contraire, sur
le plan de la politique des Etats.
La Cour a décidéde donner une réponse à cette question et de
la donner de manière abstraite, ce qui me conduit aux observations
suivantes :

La seconde qiiestion, bien que formulée de façon abstraite, ne
peut évidemment avoir trait qu'au seul cas concret de cette nature
qui se soit jamais produit, c'est-à-dire à la discussion concernant
l'admission des Etats ex-ennemis. Cette discussion a eu lieu au
sein du Conseil de Sécuritéau cours des séances indiquées dans DISSENTING OPINION BY M. ZORICIC IO4

which a vote was made subject, but rather of various elements
of appreciation such as might all, moreover, come within the class
of qualitiêsrequired in Article 4, paragraph I.

In the light of the foregoing,1 arrive at the following reply to
the first part of the question :
A Member of the United Nations, which is called upon to vote,
is juridically entitled to make its vote depend on conditions not
expressly provided by paragraph I of Article 4 of the Charter.

This right is derived from :
(1)the supreme duty of the Security Council, i.e. the main
responsibility for the maintenance of peace and security. This
responsibility rests in particular on the permanent Members of the
Council, and the exercise of their political prerogatives is not
limited by Article 4, but only by the legal obligation to act in good

faith and in the interest of the Organization ;

(2)the discretionary right to vote without giving reasons for the
vote, and
(3) the nature of Article 4 of the Charter, which cannot be
considered as exhaustive, but on the contrary as only indicating
the minimum conditions, without the fulfilrnent of which a State
cannot be admitted.

1 now come to the second part of the question put to the Court,
which is, in substance, whether a Member may subject its affirm-
ative vote on the admission of a State to the condition that other
States be admitted together with that State.
As 1 have already said, there is nothing in common between the
conditions in Article 4 and the condition that several States should
be admitted together. Article 4 only concerns the qualities required
of a State for admission, whilst the candidate Statehasno influence
on the result of an application made to other Members of the
Security Council. The condition of simultaneous admission has
nothing to do with Article 4 of the Charter, but is a political matter
for States.

The Court has decided to give an answer to this question, and

to give it in an abstract way. This leads me to make the following
remarks :
Although the second question is an abstract one, it must evidently
relate to the only copcrete case of this nature that has arisen,
namely to the discussion on the admission of ex-enemy States. This
discussion took place in the Security Council during the meetings
referred to in the recitals to theGeneral Assembly's Resolution of
51le considérant de la Résolution de l'Assemblée généraleen date
du 17 novembre 1947 .ar conséquent, la réponse dela Cour, fût-elle
aussi abstraite que possible, sera nécessairement comprise comme
se rattachant à ce cas et interprétée comme portant un jugement
indirect sur le comportement de certains membres du Conseil. Au
surplus, cette interprétation sera faite dans l'ignorance complète
des éléments exceptionnels de l'espèce et des arguments invoqués
à ces séances.
De ce qui précède ilrésulte, selon moi, que la Cour, ayant décidé
de donner une réponse, aurait dû le faire en visant le cas concret
dont la question est née,et cela d'autant plus que le cas d'espèce

contient des éléments juridiques lesquels, pris à part des éléments
politiques, permettraient une réponse fondée sur le droit. Les faits
se sont présentéscomme suit :
Un membre permanent du Conseil de Sécurité avait déclaré
qu'il ne voterait pour l'admission de deux Etats ex-ennemis qu'à
la condition que les autres membres du Conseil acceptassent I'obli-
gation de voter pour l'admission des trois autres Etats ex-ennemis.
On se trouve donc ici en présence d'une véritable condition, la
seule qui ait jamais étéposée,alors qu'une proposition antérieure,
d'un autre membre permanent, tendant àadmettreen bloc plusieurs
autres Etats, ne contenait aucune condition et ne faisait notamment
pas dépendrel'admission des uns del'admission des autres. L'admis-
sion concernant les Etats ex-ennemis reste donc le seul cas auquel
la dernande d'avis puisse avoir trait.
Or, la déclaration du Membre dont il s'agit était fondéeexpressé-
ment sur des arguments de nature juridique tirésde la Déclaration
de Potsdam et des traités de paix conclus avec les cinq Etats

ex-ennemis. Ces actes ont étéinvoqués comme contenant l'obliga-
tion des Puissances signataires d'appuyer la demande d'admission,
et il a étésoutenu que la Déclaration de Potsdam établissait une
différence très nette entre l'admission de cinq Etats ex-ennemis,
d'une part, et de tous les autres Etats, d'autre part.
La Cour n'a pas étéappeléeà examiner ou à interpréter les textes
précités. Je suis cependant d'avis qu'on ne saurait faire abstrac-
tion des faits ci-dessus mentionnés, alors que c'est précisément
d'eux que dépend la solution de la question. L'importance de ces
faits est mise en lumière par les motifs suivants :
1) Ces faits démontrent que la question a trait à un cas spécial
qui n'a pas de précédentet qui n'est pas susceptible de se répéter,
d'où il suit que la question soulevée par ce cas ne peut être traitée
d'une manière abstraite, et
2) ces faits sont décisifspour résoudre la question de savoir si,
dans le cas d'espèce,le membre ayant demandé l'admission simul-
tanée de tous les Etats ex-ennemis a pu êtrejuridiquement fondé à

introduire cette condition dans la discussion et en faire dépendre
son vote.Novernber 17th, 1947. Consequently,however abstract the Court's
reply may be, it will necessarily be understood as relating to this
case and will be interpreted asa11indirect judgment on the action
of certain members of the Council. Moreover, this interpretation
will be given in completeignoranceof the exceptional circumstances
of the case and of the arguments then put forward.

It follows, in my view, that, having decided to give an answer,
the Court should have done so by dealing with the concrete case
from which the question arose ;especially asthere are legal elements

in that case which, when separated from the political elements,
would permit of the giving of a reply based on law. The facts were
as follows :
A permanent member of the Security Council had declared that
he would only vote for the admission of two ex-enemy States on
condition that the other members of the Council would undertake
to vote for the admission of the three other ex-enemy States. This
was truly a condition, the only one that has ever been laiddown ; a
previous proposa1 made by anoth'er permanent member, for the
simultaneous admission of several other States, contained no
condition and, in particular, did not make the admission of one
group depend on the admission of the other. The admission of the
ex-enemy States is thus the only case to which the request for an
opinion can refer.
The declaration of the member in question was founded on legal
arguments drawn from the Declaration of Potsdam and from the
peace treaties with the five ex-enemy States. These instruments

have been invoked on the ground that they contain an obligation
by the Signatory Powers to support the application for admission,
and it has been maintained that the Potsdam Declaration makes
a very clear distinction between the admission of the five ex-enemy
States and al1 other States.
The Court has not been asked to consider or interpret the provi-
sions in question, but 1 consider that the above facts cannot be
disregarded; for the whole question depends on theni. The
following considerations will serve to show the importance of these
facts :
(1) They show that the question relates to a special unpre-
cedented case, and one that cannot recur; it follows that the
question raised by this case cannot be treated in the abstract; and

they are decisive on the point whether, in the particular
case, the member who asked for the simultaneous admission of al1
ex-enemy States was legally entitled to introduce this condition

into the debate, and to make his vote depend on it. Le membre permanent dont il s'agit a maintenu - à tort ou à
raison - son interprétation de la Déclaration de Potsdam et des
traités de paix. Poiir lui, ces textes comporteraient l'obligation,
pour les Etats signataires, d'appuyer les demandes d'admission. La
Déclaration de Potsdam et les traités de paix étant postérieurs à la
Charte et une telle obligation ne se trouvant pas en conflit avec
les obligations qui découlent de la Charte (art. 103 de la Charte),
le membre en cause pouvaif s'en prévaloir.
Il va sans dire que les Etats cosignataires de ces actes étaient
libres d'accepter ou non cette interprétation. Ce qui est cependant

décisifpour la question poséeà la Cour, ce n'est pas l'exactitude de
l'interprétation faite par cet Etat, mais bien le droit qu'il avait de
s'en prévaloir, de mêmeque les autres Etats signataires avaient le
droit de se prévaloir de la leur. En effet, ce droit est garanti par le
principe de l'égalité souveraine des Etats, qui est à la base de
l'organisation des Nations unies (art. 2 de la Charte). Il en ressort
que le membre dont il s'agit était juridiquement fondé à maintenir
son interprétation et, partant, à demander l'admission simultanée
des Etats ex-ennemis.

(Signé) ZORICIC. The permanent member in question, rightly or wrongly, main-
tained its interpretation of the Declaration of Potsdam and of the
peace treaties. For that member, these instruments involved an
obligation on signatory States to support applications for admis-
sion. The Declaration of Potsdam and the treaties of peace were
subsequent to the Charter, and as such an obligation does not
conflict with those arising from the Charter (Art. 103 of Charter),
the member in question was entitle& to rely on them.

It goes without saying that the CO-signatories of these instru-
ments were free to accept this interpretation or not. What is
decisive, for the question before the Court, is not the correctness
of the interpretation made by that State, but the right of that
State to rely on it, in the same way as the other signatorv States
were entitled to rely on their interpretation. This right is
guaranteed by the principle of the sovereign equality of States
which underlies the organization of the United Nations (Art. 2 of
Charter). It follows that the member in question was juridically
entitled to maintain its interpretation and therefore to cal1 for
the simultaneous admission of the ex-enemy States.

(Signed) ZORIEIC

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Opinion dissidente de M. Zoričič

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