Opinion dissidente de M. le juge ad hoc Callinan

Document Number
156-20140303-ORD-01-05-EN
Parent Document Number
156-20140303-ORD-01-00-EN
Document File
Bilingual Document File

214

OPINION DISSIDENTE DE M. LE JUGE aD Hoc CALLINAN

[Traduction]

1. Je suis d’avis qu’il n’était pas nécessaire que la Cour ifndique des
mesures conservatoires. Avant d’exposer les raisons qui m’ont amenfé à
cette conclusion, je tiens à formuler quelques observations sur les ffaits de
la présente affaire, tels qu’ils peuvent être perçus à ce stade précoce de

l’instance.

Le contexte

2. Il est rarement possible d’établir avec certitude l’intégralfité et la
réalité des faits au stade d’une procédure interlocutoire. Ufne demande en
indication de mesures conservatoires est presque toujours introduite danfs

une situation d’urgence alléguée. De fait, si elle ne présenftait pas un carac
tère d’urgence, il n’y aurait pas lieu d’indiquer des mesurefs conservatoires.
3. En l’espèce, l’incertitude relative à la réalité des ffaits tient toutefois
aussi à une autre raison. L’Australie affirme en effet que sontf en cause
certaines questions de sécurité nationale, qui suscitent de sa parft des pré ‑

occupations légitimes. Or, parfois, pour ne pas dire souvent, le poinft de
savoir si et, le cas échéant, dans quelle mesure la sécuritéf nationale est
menacée ne fait pas — ou ne peut faire — l’objet d’un examen transpa ‑
rent, public et approfondi, car pareil examen et les divulgations qui en
résulteraient risqueraient d’aggraver les risques en question ou d’en préci ‑

piter la réalisation. A cet égard, les responsables de la collectef de rensei ‑
gnements et de la sécurité nationale redoutent bien sûr avant tfout que ne
soient révélées leur identité et la nature des opérationsf qu’ils mènent.
4. Nombre de pays, y compris les démocraties libérales telles que
l’Australie, ont par conséquent adopté une ligne de conduite cofnsistant à

ne pas confirmer ni à infirmer que leurs services chargés de lfa sécurité ont
ou non eu tel ou tel comportement, ligne de conduite qui fait l’objetf d’un
consensus, tout au moins entre les principales forces politiques.

Les faits

5. L’Australie et le Timor‑Leste sont parties à des traités relatifs à la

répartition des recettes issues de l’exploitation des ressources sfous‑
marines de la mer qui les sépare. Le Timor‑Leste a engagé une procédure
devant un tribunal arbitral, dont la Cour permanente d’arbitrage assufre
le secrétariat, tendant à écarter, à tourner ou à faire dféclarer nul ou non
contraignant à son égard un traité signé en 2006 entre les Parties, au

motif, en substance, que l’Australie n’aurait pas négocié ceft instrument

71

8 CIJ1061.indb 271 25/03/15 08:46 saisie et détention (fop. diss. callinan) 215

ou les autres traités susmentionnés de bonne foi, comme elle étfait tenue
de le faire. L’Australie considère que le tribunal arbitral n’efst pas compé‑

tent pour connaître de cette question.
6. Il est possible, sinon probable, qu’une déclaration qu’aurait ffaite un
ancien agent des services de renseignement australien soit à l’orifgine de la
procédure devant le tribunal arbitral.
7. Cette déduction provient de différentes informations diffuséfes par

les médias, dont un article paru en mai2013 dans la presse du Timor‑Leste,
qui figure parmi les éléments que l’Australie a présentés le 22 janvier 2014,
lors du second tour de plaidoiries. Il y est indiqué qu’un agent dfes services
de renseignement australien, actuellement souffrant et hospitalisé fen Aus ‑
tralie, a affirmé que des agents de ces services avaient pénétfré, il y a neuf
ans, dans des bureaux du Gouvernement du Timor‑Leste et les avaient

mis sur écoute. D’après cet article, l’intéressé aurait révélé ces informa ‑
tions dans le souci de soulager sa conscience. Cette source, comme
d’autres, donne à penser que, en procédant à des écoutes félectroniques de
discussions du Gouvernement timorais, l’Australie a pu tirer des avanf ‑
tages indus et contraires à l’éthique dans le cadre des négofciations du

dernier des traités susmentionnés. Il est par ailleurs signalé fdans l’article
que « l’avocat du ministre [timorais] Pires » est un avocat australien,
M. Bernard Collaery.
8. Le 2 décembre 2013, peu avant que le tribunal arbitral ne tienne une
audience préliminaire pour décider du déroulement de la procéfdure enga ‑

gée par le Timor‑Leste, l’Attorney‑General de l’Australie et ministre
chargé de l’Australian Security Intelligence Organisation (ASIO, fle ser ‑
vice de renseignement intérieur de l’Australie) a émis un mandfat de per ‑
quisition autorisant l’examen et la saisie de certains élémentsf expressément
désignés, dans les locaux professionnels et d’habitation de M. Collaery à
Canberra. Il convient de préciser que, ainsi qu’il y était tenuf aux termes

du paragraphe 1 de l’article 25 de l’Australian Security Intelligence Orga ‑
nisation Act (loi du Commonwealth d’Australie sur l’ASIO, ci‑après « la
loi») de 1979, l’Attorney‑General avait acquis la conviction qu’il existait
des motifs raisonnables de penser que, en accédant à certains docufments
ou autres éléments dans les locaux visés par le mandat, l’ASfIO apporte ‑

rait une contribution substantielle à la collecte de renseignements, fconfor ‑
mément à la loi, en ce qui concerne une question importante du poifnt de
vue de la sécurité.
9. Le mandat de perquisition a été exécuté le 3 décembre 2013. A cette
occasion, des documents et autres éléments ont été saisis, dfont certains

ont été restitués et d’autres, conservés. Ce sont ces derniers qui font l’ob ‑
jet de la présente instance. M. Collaery n’était pas présent à son cabinet
au moment de la perquisition.
10. La nouvelle de la perquisition et de la saisie s’est rapidement pro ‑
pagée. Ainsi, dès le 3 décembre 2013, M. Collaery a, semble‑t‑il, été inter ‑
rogé par la chaîne de télévision publique australienne, l’fAustralian

Broadcasting Corporation. Présenté comme « l’avocat du Timor‑Leste »,
il a déclaré à l’antenne que le directeur de l’Australianf Secret Intelligence

72

8 CIJ1061.indb 273 25/03/15 08:46 saisie et détention (fop. diss. callinan) 216

Service (ASIS, le service de renseignement extérieur de l’Australfie) avait
envoyé une équipe au Timor dans le cadre d’une mission qui défpassait

largement les fonctions de ce service. Lorsque le présentateur a précisé
qu’un témoin avait été interrogé le soir‑même, M. Collaery a répondu
qu’il s’agissait d’« un haut responsable … fort expérimenté, qui s’était
forgé sa propre opinion ». Il a également tenu des propos désobligeants
envers l’Australie et l’ASIO, et affirmé que le principal téfmoin (dans la

procédure d’arbitrage) était réduit au silence. Les médias ont aussitôt
relayé ces éléments, ce qui n’est guère surprenant. Le 4 décembre, un jour ‑
naliste de l’Australian Broadcasting Corporation a ainsi déclaré que
«l’espion a[vait] désormais tout révélé et [était] le tfémoin vedette d’une
action judiciaire introduite à La Haye par le Timor‑Leste pour renégocier
le traité, compte tenu des milliards de dollars en jeu, [et que] son fidentité

rest[ait] un secret bien gardé ». Peu de temps après (depuis Amsterdam),
M. Collaery aurait « demandé une enquête complète ».
11. Un autre article mérite d’être mentionné. Selon le quotidien de réfé ‑
rence The Sydney Morning Herald, M. Pires, ministre des ressources natio‑
nales du Timor‑Leste, aurait déclaré ce qui suit : « Nous pensons avoir

identifié l’équipe qui s’est introduite dans nos locaux pofur y installer les
micros. Nous connaissons leurs noms. C’étaient des hommes, peut‑êftre
accompagnés d’une femme espionne.» Il était également indiqué dans cet
article que M. Pires reconnaissait que les membres de l’équipe en question
risquaient de courir un danger si leurs noms venaient à filtrer surf Internet.

12. Dans une procédure interlocutoire, il est fréquent que les preuvesf
par ouï‑dire soient admises à titre provisoire. En l’espèce,f il convient
cependant de souligner que certains des éléments de preuve que j’ai men ‑
tionnés, à savoir des informations relayées par les médias, fnon seulement
n’ont pas été vérifiés, mais constituent des ouï‑dire indirects, c’est‑à‑dire
qu’une personne rapporte, par l’intermédiaire d’une ou deux fautres, le

témoignage de celle qui prétend avoir une connaissance directe desf faits.
13. Il convient également de relever que le statut ou le rôle exact def
M. Collaery est ambigu et, potentiellement, source de conflits. Il ressorft en
effet d’une lettre datée du 12 décembre 2013 qui a été présentée à la Cour que
M. Collaery a donné pour instructions à un Queen’s Counsel de Sydnfey de

s’entretenir avec un témoin anonyme et de le conseiller, témoin dont il est
permis de penser qu’il s’agit de l’ancien agent qui aurait faitf les déclarations
relatives aux écoutes dans les bureaux du Gouvernement du Timor‑Leste. Or,
d’après la lettre de ce conseil (adressée à un haut responsfable des services de
l’Attorney‑General), M. Collaery cesserait de représenter le témoin anonyme

et serait remplacé par un autre avocat, dont l’identité n’esft pas connue. L’on
ne sait donc pas avec certitude quels sont les documents, parmi ceux quif ont
été saisis et conservés en application du mandat de perquisitiofn visant le
cabinet de M. Collaery, qui ont été établis sur la base d’instructions donfnées
personnellement par M. Pires (Timor‑Leste) ou par le témoin anonyme. En
bref, le point de savoir qui est fondé à invoquer le secret profesfsionnel des

avocats et conseils ou un éventuel droit de propriété ou autre fdroit n’est pas
clair à ce stade, du moins en ce qui concerne certains des élémfents saisis.

73

8 CIJ1061.indb 275 25/03/15 08:46 saisie et détention (fop. diss. callinan) 217

14. Le 4 décembre 2013, l’Attorney‑General (un sénateur démocrati ‑
quement élu au Parlement australien qui est aussi le premier gardien fdu

droit du Commonwealth d’Australie) a prononcé devant le Sénat fune
déclaration publique, dans laquelle il a fait sienne l’approche qufe j’ai
mentionnée au paragraphe 4 :

«Mesdames et Messieurs les Sénateurs, comme vous le savez, les
Gouvernements australiens successifs ont pour pratique de ne pas
commenter les questions liées à la sécurité, et j’entendsf me conformer
à cet usage. Compte tenu de la publicité qui entoure cette affaifre

depuis hier, il me semble toutefois opportun de faire une brève défcla ‑
ration, qui ne dérogera pas à la règle, et permettra de corriger cer ‑
taines affirmations fallacieuses que nous avons entendues ce matin.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . f . . . . . . . . . . . . . .

Les mandats du type de ceux qui ont été exécutés hier sont éfmis en
vertu de l’article 25 de l’Australian Security Intelligence Organisa ‑
tion Act de 1979. Ils ne sont délivrés que par l’Attorney‑General,
à la demande du directeur général de l’ASIO et uniquement si
l’Attorney‑General s’est assuré de certains éléments. Ce point est

essentiel, car, méconnaissant apparemment la loi, le Sénateur …
a affirmé que j’avais « lâché l’ASIO contre » ces personnes. Or,
l’Attorney‑Generalne prend jamais l’initiative d’émettre un mandat
de perquisition; la demande doit venir de l’ASIO elle‑même.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . f . . . . . . . . . . . . . .

Un mandat de perquisition ne peut être délivré par l’Attorney‑
General que s’il a été satisfait aux conditions énoncées au para ‑
graphe 2 de l’article 25. Cette disposition exige que l’Attorney‑
General ait acquis la conviction qu’il existe des motifs raisonnables …

concernant une question importante du point de vue de la sécurité…» f
15. Dès le 10 décembre 2013, le Timor‑Leste était représenté par un
autre cabinet d’avocats, DLA Piper (ci‑après « Piper»), qui a entamé des

échanges de correspondance avec l’Attorney‑General et de hauts respon ‑
sables des services de ce dernier. Piper y exigeait des copies du ou desf ma‑n
dats de perquisition, ainsi que la restitution de tous les documents saisis
et conservés. L’Australie ayant refusé de se plier à cette exigfence, le
Timor‑Leste a introduit la présente instance le 17 décembre 2013. La nature

de celle‑ci ainsi que les mesures conservatoires qui ont été sollicitées sofnt
clairement exposées dans l’ordonnance de la Cour. Dans la correspondance
susmentionnée, l’Australie a exprimé sa position, à savoir qfue le Timor‑Leste
devrait chercher à faire valoir ces droits devant les tribunaux austrfaliens.

La situation juridique

16. Selon moi, il ressort de la jurisprudence de la Cour que celle‑ci ne
peut indiquer des mesures conservatoires que s’il est satisfait aux cfondi ‑

74

8 CIJ1061.indb 277 25/03/15 08:46 saisie et détention (fop. diss. callinan) 218

tions suivantes : l’affaire doit relever prima facie de sa compétence et la
requête doit être recevable ; les droits invoqués doivent être plausibles ; la

situation doit revêtir un caractère d’urgence et, si le comportfement en
cause ne cesse pas, le demandeur risque de subir un préjudice irréfpa ‑
rable. Il n’est cependant pas de règle internationale établie obligeanft la
Cour, si lesdites conditions sont remplies, à indiquer des mesures cofnser ‑
vatoires. Si tel était le cas, la Cour, contrairement à la quasi‑totalité des

autres juridictions de par le monde, serait privée de la faculté df’exercer,
en la matière, une appréciation discrétionnaire en tenant comptfe de toutes
les circonstances pertinentes.
17. Sur le fond, la distinction entre compétence et recevabilité n’fest pas
toujours claire. Le principe général est que les parties ne sauraifent confé ‑
rer à une juridiction une compétence que celle‑ci ne possède pas en droit.

Le Timor‑Leste a lui‑même souligné à juste titre que la Cour devait s’as ‑
surer de sa compétence prima facie. Par cette expression, il entendait, me
semble‑t‑il, une compétence qui puisse se justifier, au moins aux fifns de
connaître de sa demande en indication de mesures conservatoires.
18. Le Timor‑Leste et l’Australie ont tous deux fait des déclarations f

reconnaissant la juridiction obligatoire de la Cour. Celle que l’Austfralie a
faite (en vertu du paragraphe 2 de l’article 36 du Statut de la Cour) était
assortie d’une réserve excluant

«tout différend relatif à la délimitation de zones maritimes, fy com ‑
pris la mer territoriale, la zone économique exclusive et le plateau
continental, ou en rapport avec cette délimitation ou découlant def
l’exploitation de toute zone objet d’un différend adjacente àf une telle

zone maritime en attente de délimitation ».
Cette réserve a donné lieu à certaines conclusions que l’Ausftralie a pré ‑
sentées dans la récente affaire relative à la Chasse à la baleine dans l’An ‑

tarctique (Australie c. Japon; Nouvelle‑Zélande (intervenant)). A ce stade
de la procédure, il était toutefois inutile de s’étendre sur ladite réserve ou
sur l’effet de ces conclusions, étant donné que, s’agissant des mesures
conservatoires sollicitées par le Timor‑Leste, l’Australie ne l’favait pas
invoquée. Reste à savoir si elle cherchera à le faire ultérieurement pour

étayer un éventuel argument selon lequel l’objet de la requêfte, au motif
qu’il est par exemple lié à « l’exploitation [d’]une telle zone maritime en
attente de délimitation», échappe à la compétence de la Cour ou rend
cette requête irrecevable.
19. L’Australie a informé la Cour (le 21 janvier 2014) que, bien qu’il

soit possible qu’elle conteste la compétence de celle‑ci et la recfevabilité de
la requête introductive d’instance déposée par le Timor‑Lestfe lors de la
phase du fond — voire avant —, elle n’entendait pas soulever pareilles
questions dans le cadre de l’examen de la demande en indication de
mesures conservatoires.
20. Un autre éventuel argument d’incompétence ou d’irrecevabilitfé, à

titre subsidiaire, a été évoqué à l’audience, à savoir que, compte tenu de
la réserve énoncée dans la déclaration faite par l’Austraflie au titre de la

75

8 CIJ1061.indb 279 25/03/15 08:46 saisie et détention (fop. diss. callinan) 219

clause facultative qui exclut « tout différend pour lequel les parties ont
convenu ou conviennent d’avoir recours à une autre méthode de rfègle ‑
ment pacifique », la Cour ne peut se déclarer compétente ni juger rece ‑

vable la requête du Timor‑Leste. Cet argument serait fondé sur l’farticle 23
du traité de 2002 conclu entre les Parties. Il me semble que l’Ausftralie a
déjà laissé entendre qu’elle le ferait valoir pour contesterf la compétence
du tribunal arbitral et l’empêcher de connaître de la demande que le

Timor‑Leste lui a présentée.
21. Les conditions régissant l’indication de mesures conservatoires nef sont
pas strictes. Or, l’Australie a donné des engagements 1qui, selon moi, étaient
adaptés aux circonstances de l’espèce et suffisants à cet éfgard, ce qui dispen ‑

sait la Cour de s’appesantir à ce stade sur les questions de la compétence et
de la recevabilité. Si cela devait se révéler nécessaire parf la suite, il pourrait
toutefois être utile de se référer à certaines opinions antéfrieures exposées par
des juges de la Cour. Certes, la jurisprudence de cette dernière sur fces ques ‑

tions n’est pas restée figée depuis 1974, mais je doute que les vues que sir G ‑ar
field Barwick avait exprimées sur la recevabilité dans son opinion dissifdente
en l’affaire des Essais nucléaires (Nouvelle‑Zélande c. France) 2aient, depuis
lors, été rejetées en tout ou en partie, ou pleinement prises efn compt :e

«J’ai dit plus haut qu’il n’y a pas de définition universelflement
applicable des conditions de la recevabilité. La demande peut n’êftre

pas recevable parce qu3 son objet n’est pas de ceux sur lesquels la
Cour puisse statuer ; ou parce que la Cour n’a pas le pouvoir d’en ‑
visager ni d’accorder la mesure sollicitée ; ou encore parce que l’Etat
requérant n’est pas habilité à introduire l’instance, n’fayant pas qua ‑

lité pour agir en l’espèce ; ou parce que le demandeur peut n’avoir
aucun intérêt juridique par rapport à l’objet de la requêfte, ou bien il
peut avoir agi trop tôt ou au mauvais moment ; enfin toutes les
conditions qui doivent précéder la présentation de l’acte inftroductif

d’instance ou la saisine n’ont peut‑être pas été respectées, par exemple
si tous les recours internes n’ont pas été épuisés. Bien fentendu, il peut
y avoir encore d’autres cas dans lesquels l’acte introductif d’finstance
est irrecevable. L’irrecevabilité se manifeste ainsi sous diversesf

formes.
Certes, tous ces éléments relatifs à la recevabilité ou àf la validité de
l’acte introductif d’instance ne valent pas nécessairement dansf tous
les cas. Quel est le problème particulier de recevabilité qui se pfose

dans une espèce donnée ? Cela dépend dans une large mesure de la
source invoquée pour fonder la compétence de la Cour et des termesf
dans lesquels cette compétence est exprimée. Telle est à mon avfis la
situation en l’espèce. »

1 Ces engagements sont reproduits dans l’ordonnance.
2 Essais nucléaires (Nouvelle‑Zélande c. France), arrêt, C.I.J. Recueil 1974, p. 423.
3 La compétence et le pouvoir de statuer peuvent aussi soulever des quefstions juridic ‑
tionnelles.

76

8 CIJ1061.indb 281 25/03/15 08:46 saisie et détention (fop. diss. callinan) 220

Certains aspects de cet extrait de l’opinion de sir Garfield peuvent présen‑
ter un intérêt s’ils ne sont pas incompatibles avec le raisonnefment que la

Cour a suivi dans son ordonnance ou ne se trouvent pas invalidés par f
des décisions ultérieurement prises par elle. Le premier est l’impofrtance
du non‑épuisement des recours internes. En réponse aux griefs formulésf
par Piper avant l’introduction de la présente instance, l’Austrfalie a engagé

le Timor‑Leste à s’adresser aux juridictions australiennes. Le demfandeur
a refusé. Pouvait‑il le faire ? Le devait‑il ? Ce refus plaide‑t‑il contre l’ur ‑
gence? Le non‑recours aux juridictions nationales doit‑il entrer en ligne
de compte dans l’exercice, par la Cour, de son pouvoir discrétionnfaire? A
4
cet égard, je crains que l’affaire Rahimtoola c. Nizam of Hyderabad , sur
laquelle le Timor‑Leste s’est appuyé, ne lui soit d’aucun secoufrs. Le pas ‑
sage de la déclaration du vicomte Simonds , tiré de A. V. Dicey, concerne
en effet des actions engagées à l’encontre d’un Etat souvefrain. Il ne donne

nullement à penser qu’un Etat ne peut ou ne devrait pas recourir afux
juridictions d’un autre Etat en tant que demandeur ou plaignant. Cet f
extrait semble en outre indiquer que, en ce qui concerne la protection du
secret professionnel des avocats et conseils ainsi que les droits de prof ‑

priété et les droits souverains, le droit interne de l’Australife concorde avec
le droit international, question qu’il n’était toutefois pas nécessaire de
trancher à ce stade.
22. Un autre aspect du passage susmentionné pouvant se révéler pertfi ‑

nent est le point de savoir si la Cour possède ou non le pouvoir discré ‑
tionnaire d’accorder ou de refuser des mesures de redressement,
notamment sous la forme de celles qui étaient en cause dans l’afffaire pré ‑

citée ou sollicitées en la présente espèce, c’est‑à‑difre des mesures de nature
injonctive. Il serait surprenant que la Cour ne dispose pas d’un largfe pou ‑
voir discrétionnaire en la matière, mais il n’est pas nécessaire de prendre
position sur ce point ni, d’ailleurs, sur toute autre question suscepftible de

se faire jour ultérieurement à cet égard.
23. Ainsi que M. le juge Greenwood l’a souligné au paragraphe 2 de sa
déclaration dans l’affaire Costa Rica c. Nicaragua 6, la décision de la Cour
sur une demande en indication de mesures conservatoires ne constitue pas

une décision provisoire au fond. Pareille demande ne requiert pas nonf
plus d’avoir un avis arrêté sur les questions juridiques.
24. Je n’aborderai la question du préjudice irréparable que pour prféci ‑
ser que cette notion est analogue au principe de la common law selon lequel

des mesures interlocutoires ou conservatoires ne sauraient être ordonfnées
si, par exemple, le paiement de dommages‑intérêts ou d’autres fformes de
réparation constituent un remède adéquat. J’ajouterai que, df’une certaine
façon, un engagement satisfaisant peut tenir lieu de remède adéfquat.

4
5 [1958] A.C. p. 379.
Ibid., p. 394.
6 Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région fron▯talière (Costa Rica
c. Nicaragua), mesures conservatoires, ordonnance du 8 mars 2011, C.I.J. Recueil 2011 (I),
p. 46.

77

8 CIJ1061.indb 283 25/03/15 08:46 saisie et détention (fop. diss. callinan) 221

25. L’existence d’un droit souverain à l’inviolabilité de docfuments se
trouvant en la possession d’un avocat dans un autre pays constitue unfe
prétention de portée étendue qui, selon moi, pourrait se révféler inédite. La
question de savoir si le demandeur devra démontrer qu’il existe unf droit

absolu à l’inviolabilité ou à l’immunité ne pourra cependant être tranchée
qu’après que les Parties auront entièrement exposé leur argufmentation.
26. Si importante et étendue que soit cette protection, il pourrait égfale ‑
ment y avoir lieu de s’inquiéter du caractère absolu (en droitf interne comme

en droit international) du secret professionnel des avocats et conseilsf lorsque
la sécurité d’une nation risque d’être compromise. Toute fjuridiction, y com ‑
pris la Cour, sait qu’il n’est guère vraisemblable qu’une naftion ou ses dir‑i
geants s’estiment tenus de faire passer la sécurité nationale afprès le secret
professionnel des avocats et conseils, ou de la considérer comme y éftant

subordonnée. Dès lors, le point de savoir dans quelle mesure le sefcret profes ‑
sionnel des avocats et conseils est un principe établi, propre au drofit des gens
et exempt de toute limite pour cause d’intérêt national ou international, devra
faire l’objet d’un examen détaillé et approfondi, de mêmef que la question de

l’existence d’un droit souverain absolu à l’égard de docufments qui sont en la
possession de l’avocat d’une nation souveraine dans un autre pays.f
27. Au moment de l’examen au fond, la nature et la portée de ce qui a fété
qualifié d’exception (au sens d’un droit souverain) au secrfet professionnel

des avocats et conseils en cas de fraude ou d’infraction pénale defvront éga ‑
lement être pleinement exposées. Cette exception a été reconfnue en droit
interne dès le XIX e siècle, si ce n’est avant. Une question qui devra peut‑être
être tranchée consiste à savoir si une entorse au secret profesfsionnel qui
mettrait au jour — que ce soit à dessein ou de manière fortuite — des

éléments de preuve d’une fraude ou d’une infraction pénalfe et contribuerait
à en prévenir la commission ou la facilitation entrerait dans le champ de
cette exception. En l’espèce, par exemple, il est possible que lesf documents
saisis revêtent ces deux caractéristiques. S’il ne devait y avofir d’exception au

secret professionnel des avocats et conseils que pour permettre de recuefillir
des éléments prouvant qu’une infraction pénale ou une fraudef a été commise
(ce qui n’est pas le cas), cette prérogative serait dénaturéfe.
28. Une autre prétention a été formulée à l’égard des dfocuments saisis, à

savoir celle d’un droit de propriété inconditionnel (indépefndamment de la
souveraineté). Aux fins de déterminer si pareil droit existe etf, le cas échéant,
quelle en est la portée, il peut être nécessaire de prendre en fconsidération un
facteur supplémentaire, celui du rôle juridique et commercial et dfes obliga ‑
tions de l’avocat qui se trouve en la possession des documents en quefstion.

Cet avocat sera en effet soumis à la réglementation juridique etf commer ‑
ciale applicable de la nation hôte, sur laquelle tout droit de propriété sou ‑
verain ou ayant trait au secret professionnel des avocats et conseils pefut ou
non prévaloir. Ainsi, si un droit de propriété simple (par opposition à un

7 R. c. Cox and Railton (1884), QBD, vol. 14, p. 133; voir également l’examen d’affaires
antérieures dans J. H. Wigmore, Evidence in Trials at Common Law, vol. 8,rev. 1961,
par. 2298, p. 572‑577.

78

8 CIJ1061.indb 285 25/03/15 08:46 saisie et détention (fop. diss. callinan) 222

droit de propriété souverain spécifique) est allégué, fil peut être nécessaire de
tenir compte de l’alinéa xxxi) de l’article 51 de la Constitution australienne,
qui confère au Commonwealth le pouvoir d’acquérir des biens (dfe toute

nature, y compris des droits d’auteur) appartenant à un autre Etaft dans des
conditions justes pour ce dernier et à des fins souveraines, parmi flesquelles
figure bien entendu la défense (alinéa vi) de l’article 51).

Le rôle de l’a ttorney -general

29. Le Timor‑Leste a affirmé que, en signant et, par là même, déflivrant

les mandats, l’Attorney‑General avait exercé, au regard du droit interna ‑
tional, une fonction judiciaire ou quasi judiciaire. Bien qu’il ne sofit pas
nécessaire de trancher cette question, il est néanmoins permis de fdouter
(sans se prononcer définitivement) qu’il en soit ainsi, même en prenant

l’expression «quasi judiciaire» dans son sens large. Conformément à l’ali ‑
néa v) de l’article 75 de la Constitution de l’Australie, tout fonctionnaire
du Commonwealth d’Australie peut faire l’objet d’ordonnances def certio ‑
rari, de citations à comparaître, d’interdictions ou d’injonctionsf, ce que la

High Court of Australia a toujours confirmé depuis 1903. L’Attorney‑ 8
General est un membre de l’exécutif, et non un juge ou assimilé . Il
n’exerce pas davantage un pouvoir judiciaire lorsqu’il vérifife s’il y a lieu
de délivrer un mandat de perquisition que ne le fait l’agent de poflice qui
ordonne un prélèvement sanguin sur la personne d’un suspect ou fle pro ‑

fessionnel de la santé qui effectue ce prélèvement, mesure atftentatoire à
la vie privée couramment appliquée dans le monde.

Les engagements

30. Dans les pays de common law, il est très fréquent qu’un engage ‑
ment soit donné et accepté en lieu et place d’une ordonnance rendue par

un tribunal, tout manquement à pareil engagement pouvant entraîner
des sanctions pour outrage audit tribunal. En l’espèce, l’Austrfalie était
liée par les engagements qu’elle avait solennellement pris devant la Cour.
Quoi qu’il en soit, il est inconcevable que le premier gardien du drofit du

Commonwealth d’Australie, en sa qualité à la fois d’avocat gfénéral,
c’est‑à‑dire d’officier ministériel tenu à la plus grande honnêteté dans
l’exercice de ses fonctions, et de ministre comptable de ses actes defvant
le Parlement, n’honore pas tous les engagements pris devant la Cour.

8En ce qui concerne les caractéristiques politiques et administrativesf ou exécutives
de la fonction de ministre en Australie, voir : Minister for Immigration and Multicultural
Affairs c. Jia (2001), CLR, vol. 205, p. 244‑245. Le chapitre 3 et la structure générale de la
Constitution australienne prévoient une séparation juridique et fofnctionnelle du Parlement,
de l’exécutif et du pouvoir judiciaire. Voir aussi R. c. Kirby; Ex parte Boilermakers’ Society
of Australia (1956), CLR, vol. 94, p. 254.

79

8 CIJ1061.indb 287 25/03/15 08:46 saisie et détention (fop. diss. callinan) 223

31. Ces engagements, qui avaient initialement été présentés àf Piper
pour le compte du Timor‑Leste, tels qu’accrus, complétés et préfcisés dans
les exposés oraux et écrits de l’Australie, étaient, à mofn sens, suffisants
dans les circonstances de l’espèce (y compris au regard du caractfère d’ur‑

gence) aux fins de garantir qu’aucun préjudice irréparable nfe soit causé au
Timor‑Leste d’ici à l’examen de l’affaire au fond. Ces engfagements avaient
notamment pour effet d’imposer à l’Australie, et à l’Attorney‑General en
particulier, de ne pas accéder, ni de permettre à des tiers au seifn de l’admi ‑

nistration australienne d’accéder aux documents saisis sans en notfifier pr‑é
alablement la Cour et le Timor‑Leste, donnant ainsi l’occasion à cfe dernier,
le cas échéant, de faire de nouveau part à la Cour de ses préfoccupations.
Le fait d’indiquer toute autre mesure ou de demander à l’Austraflie de s’en ‑
gager à ne pas « écouter» le Timor‑Leste ou intercepter ses communica ‑

tions ne me semble pas raisonnable, car cela laisse entendre ou pourraitf
laisser entendre que l’Australie a procédé ou procédera àf l’avenir à de
telles écoutes, point qui nécessiterait que soient présentés des éléments de
preuve convaincants, ce qui n’a pas été le cas à ce stade . Il est également

permis de se demander s’il existe des liens suffisants entre la réfclamation
dont la Cour est saisie — ou pourrait être saisie — et pareille mesure.
32. Outre les autres points soulevés dans la présente opinion, je craifns
que l’emploi du verbe « s’ingérer» au point 3 du dispositif puisse poser

problème, en raison du sens fort large et peu précis de ce terme.

33. La sécurité nationale constitue, pour tout peuple, une aspiration
raisonnable et naturelle. En la présente espèce, la nature du risqfue identi ‑
fié par l’Attorney‑General n’est pas connue de la Cour et peut, en tout état

de cause, évoluer, tant du point de vue de sa gravité que de son ifmmi ‑
nence. Ainsi que cela ressort des écritures et plaidoiries de l’Aufstralie,
toutes les nations ou presque se sont dotées de services de renseignefment,
et ce, par nécessité. Désormais, les terroristes agissent au sefin des commu ‑

nautés qui les accueillent et leur sont venues en aide. Le droit intefrnatio ‑
nal doit prendre en compte les dures réalités auxquelles font facef les
populations des nations libres, ainsi que leur vulnérabilité. Toutf prin ‑
cipe qui en ferait abstraction risque de ne pas remporter l’adhésion etf de

n’être pas observé. Pour ceux qui ne disposent pas de l’ensefmble des élé ‑
ments pertinents, il est bien difficile de savoir quelle nouvelle inforfmation,
même apparemment insignifiante, peut indiquer un risque accru. Des f
algorithmes conçus pour traiter pareilles informations en vue d’identifier
les risques et leur évolution sont désormais utilisés en permanfence de

par le monde. Or, il est un risque susceptible de se faire jour à tout

9 Les éléments de preuve doivent être appréciés en fonction de la capacité de la partie
qui les produit et des circonstances dans lesquelles elle le fait. Il tofmbe sous le sens —
et cela est admis de longue date, notamment dans lacommon law — que la force de la
preuve requise pour établir des faits allégués est fonction de la gravité et de la turpitude du
comportement auquel ils se rattachent. Voir Blatch c. Archer (1774), ER, vol. 98, p. 969 ;
Refjek c. McElroy (1965), CLR, vol. 112, p. 517.

80

8 CIJ1061.indb 289 25/03/15 08:46 saisie et détention (fop. diss. callinan) 224

moment, à savoir celui qui pèse sur la sécurité d’un ou dfe plusieurs agents
appartenant à un service de renseignement et, partant, sur la sécufrité de
la nation elle‑même. Selon moi, les engagements susmentionnés étaient

raisonnables et suffisants, et auraient dû être acceptés par lfa Cour sans
qu’il soit nécessaire d’indiquer des mesures conservatoires.

(Signé) Ian Callinan.

81

8 CIJ1061.indb 291 25/03/15 08:46

Bilingual Content

214

DISSENTING OPINION OF JUDGE AD HOC CALLINAN

1. I have formed the view that it is unnecessary for the Court to indi ‑
cate provisional measures. Before explaining why I have formed that
view, I should say something about the facts of the case so far as they f
may be discerned at this early stage of these proceedings.

Context

2. At any interlocutory stage of any curial proceedings, the true and
full facts can rarely be confidently ascertained. An application for pfrovi ‑
sional relief will almost always be made in circumstances of asserted

urgency. Indeed, without urgency there is no foundation for the indica ‑
tion of provisional measures.
3. There is another reason here for uncertainty as to the true factual
situation. Australia contends that there are issues of national securityf
involved which are of legitimate concern to it. Sometimes, indeed more

often than not, there will, or can be no open, public or close examinatifon
whether, and the extent to which, national security may be at risk becaufse
such an examination, and disclosures in respect of it, may themselves
increase or precipitate the realization of risk. One obvious risk at thef fore
front of the minds of those engaged in intelligence collection and natiofnal

security is that their identities, and the nature of the operations in wfhich
they have engaged will be disclosed.

4. Many countries, including liberal democracies of which Australia is
one, adopt therefore, bipartisan or even completely consensual policies,f

of not confirming or denying that particular conduct has, or has not bfeen
pursued, by their national security agencies.

Facts

5. Australia and Timor‑Leste are parties to treaties relating to the

sharing of revenue from the exploitation of underwater resources in an
area of the seas between them. Timor‑Leste has instituted proceedings
before an arbitral tribunal, for which the Permanent Court of Arbitration
is acting as Secretariat, seeking to set aside, avoid, or have declared f
invalid or otherwise not binding upon it, a 2006 Treaty between the Par ‑

ties, on the ground, in substance, that Australia was obliged to, but difd

71

8 CIJ1061.indb 270 25/03/15 08:46 214

OPINION DISSIDENTE DE M. LE JUGE aD Hoc CALLINAN

[Traduction]

1. Je suis d’avis qu’il n’était pas nécessaire que la Cour ifndique des
mesures conservatoires. Avant d’exposer les raisons qui m’ont amenfé à
cette conclusion, je tiens à formuler quelques observations sur les ffaits de
la présente affaire, tels qu’ils peuvent être perçus à ce stade précoce de

l’instance.

Le contexte

2. Il est rarement possible d’établir avec certitude l’intégralfité et la
réalité des faits au stade d’une procédure interlocutoire. Ufne demande en
indication de mesures conservatoires est presque toujours introduite danfs

une situation d’urgence alléguée. De fait, si elle ne présenftait pas un carac
tère d’urgence, il n’y aurait pas lieu d’indiquer des mesurefs conservatoires.
3. En l’espèce, l’incertitude relative à la réalité des ffaits tient toutefois
aussi à une autre raison. L’Australie affirme en effet que sontf en cause
certaines questions de sécurité nationale, qui suscitent de sa parft des pré ‑

occupations légitimes. Or, parfois, pour ne pas dire souvent, le poinft de
savoir si et, le cas échéant, dans quelle mesure la sécuritéf nationale est
menacée ne fait pas — ou ne peut faire — l’objet d’un examen transpa ‑
rent, public et approfondi, car pareil examen et les divulgations qui en
résulteraient risqueraient d’aggraver les risques en question ou d’en préci ‑

piter la réalisation. A cet égard, les responsables de la collectef de rensei ‑
gnements et de la sécurité nationale redoutent bien sûr avant tfout que ne
soient révélées leur identité et la nature des opérationsf qu’ils mènent.
4. Nombre de pays, y compris les démocraties libérales telles que
l’Australie, ont par conséquent adopté une ligne de conduite cofnsistant à

ne pas confirmer ni à infirmer que leurs services chargés de lfa sécurité ont
ou non eu tel ou tel comportement, ligne de conduite qui fait l’objetf d’un
consensus, tout au moins entre les principales forces politiques.

Les faits

5. L’Australie et le Timor‑Leste sont parties à des traités relatifs à la

répartition des recettes issues de l’exploitation des ressources sfous‑
marines de la mer qui les sépare. Le Timor‑Leste a engagé une procédure
devant un tribunal arbitral, dont la Cour permanente d’arbitrage assufre
le secrétariat, tendant à écarter, à tourner ou à faire dféclarer nul ou non
contraignant à son égard un traité signé en 2006 entre les Parties, au

motif, en substance, que l’Australie n’aurait pas négocié ceft instrument

71

8 CIJ1061.indb 271 25/03/15 08:46 215 seizure and detentiofn (diss. op. callinan)

not negotiate the treaty or treaties in good faith. Australia contends tfhat
the Arbitral Tribunal does not have jurisdiction over the matter.

6. It is possible, if not likely, that the genesis of the proceedings beforfe
the Arbitral Tribunal is a claim said to have been made by a former Aus ‑
tralian intelligence officer.
7. That inference arises from various media reports, including one

published in May 2013 in the print media of Timor‑Leste, a copy of which
is reproduced in Australia’s presentation, Second Round, of 22 Janu ‑
ary 2014. It is reported there that an Australian intelligence agent, cur ‑
rently unwell in an Australian hospital, has alleged that Australian
intelligence agents broke into, and eavesdropped upon, Timor‑Leste’s f
Cabinet rooms nine years ago. The Australian agent is said, in the news ‑

paper report, to have divulged this information in a bid to clear his cofn ‑
science. The implication there, and elsewhere, is that, by electronicallfy
eavesdropping upon Cabinet discussions, Australia was able to derive
unfair or unethical advantages in negotiating the later of the treaties to
which I have referred. The article identifies an Australian lawyer, Mrf. Ber ‑

nard Collaery, as “Minister [Timor‑Leste’s] Pires’s lawyer”.

8. On 2 December 2013, shortly before the Arbitral Tribunal convened
a preliminary hearing to give directions with respect to the conduct of f

Timor‑Leste’s proceedings there, the Australian Attorney‑General and f
the Minister responsible for the Australian Security Intelligence Organ ‑
isation (ASIO), issued a search warrant to enable the search and seizufre
of material to which it refers, at and from Mr. Collaery’s legal office
and a residence in Canberra. It is important to notice that the Attorney‑
General was obliged to, and had satisfied himself that there were reasfon ‑

able grounds for believing that access by ASIO to records and other thinfgs
on the subject premises would substantially assist the collection of intelli‑
gence in accordance with the Act . . . [and] is important in relation to
security under section 25 (1) of the Australia Security Organisation
Act 1979 (Cth) (the “Act”).

9. The search warrant was executed on 3 December 2013. A number of
documents and other things were seized, some of which have been

returned, and others of which have been retained and are the subject of
these proceedings. Mr. Collaery was not present at his legal office when
the search warrant was executed there.
10. The fact of the search and seizure came quickly into the public
domain. Mr. Collaery, it seems, was interviewed by the Australian public
broadcaster, the Australian Broadcasting Corporation, on television on

3 December 2013. He was introduced on the program as “the lawyer for
East Timor”. He said on air that the Director of the Australian Secret

72

8 CIJ1061.indb 272 25/03/15 08:46 saisie et détention (fop. diss. callinan) 215

ou les autres traités susmentionnés de bonne foi, comme elle étfait tenue
de le faire. L’Australie considère que le tribunal arbitral n’efst pas compé‑

tent pour connaître de cette question.
6. Il est possible, sinon probable, qu’une déclaration qu’aurait ffaite un
ancien agent des services de renseignement australien soit à l’orifgine de la
procédure devant le tribunal arbitral.
7. Cette déduction provient de différentes informations diffuséfes par

les médias, dont un article paru en mai2013 dans la presse du Timor‑Leste,
qui figure parmi les éléments que l’Australie a présentés le 22 janvier 2014,
lors du second tour de plaidoiries. Il y est indiqué qu’un agent dfes services
de renseignement australien, actuellement souffrant et hospitalisé fen Aus ‑
tralie, a affirmé que des agents de ces services avaient pénétfré, il y a neuf
ans, dans des bureaux du Gouvernement du Timor‑Leste et les avaient

mis sur écoute. D’après cet article, l’intéressé aurait révélé ces informa ‑
tions dans le souci de soulager sa conscience. Cette source, comme
d’autres, donne à penser que, en procédant à des écoutes félectroniques de
discussions du Gouvernement timorais, l’Australie a pu tirer des avanf ‑
tages indus et contraires à l’éthique dans le cadre des négofciations du

dernier des traités susmentionnés. Il est par ailleurs signalé fdans l’article
que « l’avocat du ministre [timorais] Pires » est un avocat australien,
M. Bernard Collaery.
8. Le 2 décembre 2013, peu avant que le tribunal arbitral ne tienne une
audience préliminaire pour décider du déroulement de la procéfdure enga ‑

gée par le Timor‑Leste, l’Attorney‑General de l’Australie et ministre
chargé de l’Australian Security Intelligence Organisation (ASIO, fle ser ‑
vice de renseignement intérieur de l’Australie) a émis un mandfat de per ‑
quisition autorisant l’examen et la saisie de certains élémentsf expressément
désignés, dans les locaux professionnels et d’habitation de M. Collaery à
Canberra. Il convient de préciser que, ainsi qu’il y était tenuf aux termes

du paragraphe 1 de l’article 25 de l’Australian Security Intelligence Orga ‑
nisation Act (loi du Commonwealth d’Australie sur l’ASIO, ci‑après « la
loi») de 1979, l’Attorney‑General avait acquis la conviction qu’il existait
des motifs raisonnables de penser que, en accédant à certains docufments
ou autres éléments dans les locaux visés par le mandat, l’ASfIO apporte ‑

rait une contribution substantielle à la collecte de renseignements, fconfor ‑
mément à la loi, en ce qui concerne une question importante du poifnt de
vue de la sécurité.
9. Le mandat de perquisition a été exécuté le 3 décembre 2013. A cette
occasion, des documents et autres éléments ont été saisis, dfont certains

ont été restitués et d’autres, conservés. Ce sont ces derniers qui font l’ob ‑
jet de la présente instance. M. Collaery n’était pas présent à son cabinet
au moment de la perquisition.
10. La nouvelle de la perquisition et de la saisie s’est rapidement pro ‑
pagée. Ainsi, dès le 3 décembre 2013, M. Collaery a, semble‑t‑il, été inter ‑
rogé par la chaîne de télévision publique australienne, l’fAustralian

Broadcasting Corporation. Présenté comme « l’avocat du Timor‑Leste »,
il a déclaré à l’antenne que le directeur de l’Australianf Secret Intelligence

72

8 CIJ1061.indb 273 25/03/15 08:46 216 seizure and detentiofn (diss. op. callinan)

Intelligence Service (ASIS) ordered a team into Timor to conduct work f
which was well outside the proper function of ASIS. The interviewer

referred to a witness who had been questioned “tonight”. Mr. Collaery’s
response was that the “witness” was a “very senior, experiencedf, officer
who formed a proper view . . .”. Further derogatory references were made
by Mr. Collaery to Australia and ASIO. He said that the oral evidence of
a prime witness [in the arbitration] was being muzzled. Not surprisingly,

these events were followed up by the media. A reporter employed by the
Australian Broadcasting Corporation said on air on 4 December said that
“the spy has now revealed all and is the star witness for an East Timorese
legal action in The Hague to have the billion dollar Treaty recapped. His
identity remains a tightly guarded secret.” On another occasion, shortly
afterwards Mr. Collaery (from Amsterdam) is reported to have “called

for a full inquiry”.

11. One other reference to media reports may be relevant. The Sydney
Morning Herald, a Sydney broadsheet, purported to quote Mr. Pires,
Timor‑Leste’s National Resources Minister as having “. . . identified the

team of people who came in to do the bugging. We have their names.
They are males, along with a possible lady spy.” The report added thaft
Mr. Pires acknowledged that the members of the team might be at risk if
their names got out over the internet.

12. In interlocutory proceedings hearsay evidence is frequently provi ‑
sionally received. The point needs to be made here that some of the evi ‑
dence to which I have referred, consisting as it does of media reports, is
not only untested, but is also double hearsay, in that it is stated by af
person one or two persons removed from the person claiming to have
direct knowledge of the facts.

13. It is also relevant to observe that Mr. Collaery’s exact position or
role has its ambiguities and could conceivably give rise to conflicts.f It
appears from a letter of 12 December 2013 put before this Court, that a
Sydney Queen’s Counsel has been briefed by Mr. Collaery to advise and

confer with an anonymous witness, who it can reasonably be inferred is
the former agent responsible for the claims of entry into Timor‑Leste’fs
Cabinet rooms. According to the letter from that counsel (which was senft
to a senior official of the Attorney‑General’s department) Mr. Collaery
would withdraw as the solicitor for the anonymous witness, and be

replaced by another, unnamed solicitor. It is not entirely clear therefore
which of the documents that were seized and retained in execution of the
search warrant in Mr. Collaery’s office came into existence as a result of
instructions from Mr. Pires personally, Timor‑Leste, or the anonymous
witness. In short, it is not at this stage clear, so far as at least somfe of the
seized material is concerned, who is the person entitled to claim legal pro ‑

fessional privilege in respect of, and any sort of possible proprietary for
other interest in it.

73

8 CIJ1061.indb 274 25/03/15 08:46 saisie et détention (fop. diss. callinan) 216

Service (ASIS, le service de renseignement extérieur de l’Australfie) avait
envoyé une équipe au Timor dans le cadre d’une mission qui défpassait

largement les fonctions de ce service. Lorsque le présentateur a précisé
qu’un témoin avait été interrogé le soir‑même, M. Collaery a répondu
qu’il s’agissait d’« un haut responsable … fort expérimenté, qui s’était
forgé sa propre opinion ». Il a également tenu des propos désobligeants
envers l’Australie et l’ASIO, et affirmé que le principal téfmoin (dans la

procédure d’arbitrage) était réduit au silence. Les médias ont aussitôt
relayé ces éléments, ce qui n’est guère surprenant. Le 4 décembre, un jour ‑
naliste de l’Australian Broadcasting Corporation a ainsi déclaré que
«l’espion a[vait] désormais tout révélé et [était] le tfémoin vedette d’une
action judiciaire introduite à La Haye par le Timor‑Leste pour renégocier
le traité, compte tenu des milliards de dollars en jeu, [et que] son fidentité

rest[ait] un secret bien gardé ». Peu de temps après (depuis Amsterdam),
M. Collaery aurait « demandé une enquête complète ».
11. Un autre article mérite d’être mentionné. Selon le quotidien de réfé ‑
rence The Sydney Morning Herald, M. Pires, ministre des ressources natio‑
nales du Timor‑Leste, aurait déclaré ce qui suit : « Nous pensons avoir

identifié l’équipe qui s’est introduite dans nos locaux pofur y installer les
micros. Nous connaissons leurs noms. C’étaient des hommes, peut‑êftre
accompagnés d’une femme espionne.» Il était également indiqué dans cet
article que M. Pires reconnaissait que les membres de l’équipe en question
risquaient de courir un danger si leurs noms venaient à filtrer surf Internet.

12. Dans une procédure interlocutoire, il est fréquent que les preuvesf
par ouï‑dire soient admises à titre provisoire. En l’espèce,f il convient
cependant de souligner que certains des éléments de preuve que j’ai men ‑
tionnés, à savoir des informations relayées par les médias, fnon seulement
n’ont pas été vérifiés, mais constituent des ouï‑dire indirects, c’est‑à‑dire
qu’une personne rapporte, par l’intermédiaire d’une ou deux fautres, le

témoignage de celle qui prétend avoir une connaissance directe desf faits.
13. Il convient également de relever que le statut ou le rôle exact def
M. Collaery est ambigu et, potentiellement, source de conflits. Il ressorft en
effet d’une lettre datée du 12 décembre 2013 qui a été présentée à la Cour que
M. Collaery a donné pour instructions à un Queen’s Counsel de Sydnfey de

s’entretenir avec un témoin anonyme et de le conseiller, témoin dont il est
permis de penser qu’il s’agit de l’ancien agent qui aurait faitf les déclarations
relatives aux écoutes dans les bureaux du Gouvernement du Timor‑Leste. Or,
d’après la lettre de ce conseil (adressée à un haut responsfable des services de
l’Attorney‑General), M. Collaery cesserait de représenter le témoin anonyme

et serait remplacé par un autre avocat, dont l’identité n’esft pas connue. L’on
ne sait donc pas avec certitude quels sont les documents, parmi ceux quif ont
été saisis et conservés en application du mandat de perquisitiofn visant le
cabinet de M. Collaery, qui ont été établis sur la base d’instructions donfnées
personnellement par M. Pires (Timor‑Leste) ou par le témoin anonyme. En
bref, le point de savoir qui est fondé à invoquer le secret profesfsionnel des

avocats et conseils ou un éventuel droit de propriété ou autre fdroit n’est pas
clair à ce stade, du moins en ce qui concerne certains des élémfents saisis.

73

8 CIJ1061.indb 275 25/03/15 08:46 217 seizure and detentiofn (diss. op. callinan)

14. The Attorney‑General (a democratically elected senator in the
Australian Parliament and the First Law Officer of the Commonwealth of f

Australia), on 4 December 2013 made both a statement to the Senate
Chamber and to the public of the kind to which I have referred in para ‑
graph 4 hereof :

“As Honourable Senators are aware, it has been the practice of
successive Australian Governments not to comment on security mat ‑
ters. I intend to observe that convention. However, in view of the
publicity which has surrounded the matter since yesterday, I consider

that it would be appropriate for me to make a short statement about
the matter which does not trespass beyond the convention, and which
will also provide an opportunity to correct some misleading statements
that have been made in the Chamber this morning, and by others.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . f . . . . . . . . . . . . . .

Warrants of the kind executed yesterday are issued under section 25
of the Australian Security Intelligence Organisation Act 1979 (the
Act). They are only issued by the Attorney‑General at the request of
the Director‑General of ASIO, and only if the Attorney‑General is
satisfied as to certain matters. It is important to make that point, sfince

it was asserted by Senator . . ., in apparent ignorance of the Act, that
I had ‘set ASIO onto’ these individuals. The Attorney‑General never
initiates a search warrant ; the request must come from ASIO itself.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . f . . . . . . . . . . . . . .

A search warrant may only be issued by the Attorney‑General if
the conditions set out in section 25 (2) are fulfilled. That provision
requires that the Attorney be satisfied that there are reasonable
grounds . . . in respect of a matter that is important in relation to

security . . . ”
15. From no later than 10 December 2013, Timor‑Leste had been repre ‑
sented by another firm of solicitors, DLA Piper (“Piper”). That firm entered

into an exchange of correspondence with the Attorney‑General, and seniorf
officials of his Department. In it, Piper demanded copies of the searchf
warrant(s) and the return of all of the documents which had been seized
and returned. Because Australia declined to comply with Piper’s demanfd,
Timor‑Leste instituted these proceedings on 17 December 2013. The nature

of the proceedings, and the provisional relief now sought appear fully ffrom
the Order of the Court. In the exchange of correspondence to which I havfe
referred, Australia has adopted the position that Timor‑Leste should seefk
to vindicate such rights as it may have in the domestic courts of Austraflia.

The Legal Position

16. I take the jurisprudence of this Court to be that it will indicate
provisional measures only if these conditions are satisfied : that the case is

74

8 CIJ1061.indb 276 25/03/15 08:46 saisie et détention (fop. diss. callinan) 217

14. Le 4 décembre 2013, l’Attorney‑General (un sénateur démocrati ‑
quement élu au Parlement australien qui est aussi le premier gardien fdu

droit du Commonwealth d’Australie) a prononcé devant le Sénat fune
déclaration publique, dans laquelle il a fait sienne l’approche qufe j’ai
mentionnée au paragraphe 4 :

«Mesdames et Messieurs les Sénateurs, comme vous le savez, les
Gouvernements australiens successifs ont pour pratique de ne pas
commenter les questions liées à la sécurité, et j’entendsf me conformer
à cet usage. Compte tenu de la publicité qui entoure cette affaifre

depuis hier, il me semble toutefois opportun de faire une brève défcla ‑
ration, qui ne dérogera pas à la règle, et permettra de corriger cer ‑
taines affirmations fallacieuses que nous avons entendues ce matin.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . f . . . . . . . . . . . . . .

Les mandats du type de ceux qui ont été exécutés hier sont éfmis en
vertu de l’article 25 de l’Australian Security Intelligence Organisa ‑
tion Act de 1979. Ils ne sont délivrés que par l’Attorney‑General,
à la demande du directeur général de l’ASIO et uniquement si
l’Attorney‑General s’est assuré de certains éléments. Ce point est

essentiel, car, méconnaissant apparemment la loi, le Sénateur …
a affirmé que j’avais « lâché l’ASIO contre » ces personnes. Or,
l’Attorney‑Generalne prend jamais l’initiative d’émettre un mandat
de perquisition; la demande doit venir de l’ASIO elle‑même.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . f . . . . . . . . . . . . . .

Un mandat de perquisition ne peut être délivré par l’Attorney‑
General que s’il a été satisfait aux conditions énoncées au para ‑
graphe 2 de l’article 25. Cette disposition exige que l’Attorney‑
General ait acquis la conviction qu’il existe des motifs raisonnables …

concernant une question importante du point de vue de la sécurité…» f
15. Dès le 10 décembre 2013, le Timor‑Leste était représenté par un
autre cabinet d’avocats, DLA Piper (ci‑après « Piper»), qui a entamé des

échanges de correspondance avec l’Attorney‑General et de hauts respon ‑
sables des services de ce dernier. Piper y exigeait des copies du ou desf ma‑n
dats de perquisition, ainsi que la restitution de tous les documents saisis
et conservés. L’Australie ayant refusé de se plier à cette exigfence, le
Timor‑Leste a introduit la présente instance le 17 décembre 2013. La nature

de celle‑ci ainsi que les mesures conservatoires qui ont été sollicitées sofnt
clairement exposées dans l’ordonnance de la Cour. Dans la correspondance
susmentionnée, l’Australie a exprimé sa position, à savoir qfue le Timor‑Leste
devrait chercher à faire valoir ces droits devant les tribunaux austrfaliens.

La situation juridique

16. Selon moi, il ressort de la jurisprudence de la Cour que celle‑ci ne
peut indiquer des mesures conservatoires que s’il est satisfait aux cfondi ‑

74

8 CIJ1061.indb 277 25/03/15 08:46 218 seizure and detentiofn (diss. op. callinan)

prima facie within its jurisdiction, is admissible ; it is plausible ; it is
urgent; and, if the conduct complained of is not stopped, there is a risk

that the moving party will be irreparably harmed. I do not take it to be
settled international law that if those conditions are satisfied, the fCourt
must indicate provisional measures. If it were otherwise, this Court,
unlike almost any other court anywhere else in the world, would deny
itself the exercise of a nuanced discretionary judgment that had regard fto

all of the relevant circumstances.

17. The distinction as a matter of substance between jurisdiction and
admissibility is not always a clear one. As a general principle, partiesf can ‑
not confer a jurisdiction upon a court that it does not lawfully have.

Timor‑Leste has itself quite properly pointed out that this Court must
satisfy itself that it has prima facie jurisdiction. By prima facie, I take
Timor‑Leste to mean, I think, at least for the purposes of the current
application for measures of a provisional kind only, arguable jurisdictifon.
18. Both Timor‑Leste and Australia have made declarations acknow‑

ledging that the jurisdiction of the Court is compulsory. In its Declara ‑
tion (under Article 36 (2)), Australia has made a reservation to exclude

“any dispute concerning or relating to the delimitation of maritime
zones, including the territorial sea, the exclusive economic zone and
the continental shelf, or arising out of, concerning, or relating to thef
exploitation of any disputed area of or adjacent to any such maritime

zone, pending its delimitation”.
That reservation was the subject of submissions by Australia in the recefnt
case of Whaling in the Antarctic (Australia v. Japan : New Zealand inter ‑

vening). It is unnecessary to say anything further about that reservation,
or the effect of Australia’s recent submissions about it in that cafse at this
stage of these proceedings because Australia does not, in relation to thfe
provisional measures sought by Timor‑Leste, seek to rely upon the reser ‑
vation. It is not apparent therefore whether Australia will seek to founfd

upon that reservation at any later stage of these proceedings an argumenft
that the subject material in so far as it relates to, for example, “tfhe exploi ‑
tation [of] any maritime zone pending the delimitation . . .” is beyond the
jurisdiction of the Court, or makes the case inadmissible here.
19. Australia informed the Court (on 21 January 2014) that while it

might well contest the jurisdiction and admissibility of Timor‑Leste’fs
Application, at the merits phase or earlier, it will not be raising jurifsdic ‑
tional or admissibility matters on Timor‑Leste’s request for provisiofnal
measures.

20. Another possible argument, in the alternative, against admissibility

or jurisdiction has been adverted to in the pleadings. It is that by reason
of the exception in Australia’s Optional Clause Declaration with respfect

75

8 CIJ1061.indb 278 25/03/15 08:46 saisie et détention (fop. diss. callinan) 218

tions suivantes : l’affaire doit relever prima facie de sa compétence et la
requête doit être recevable ; les droits invoqués doivent être plausibles ; la

situation doit revêtir un caractère d’urgence et, si le comportfement en
cause ne cesse pas, le demandeur risque de subir un préjudice irréfpa ‑
rable. Il n’est cependant pas de règle internationale établie obligeanft la
Cour, si lesdites conditions sont remplies, à indiquer des mesures cofnser ‑
vatoires. Si tel était le cas, la Cour, contrairement à la quasi‑totalité des

autres juridictions de par le monde, serait privée de la faculté df’exercer,
en la matière, une appréciation discrétionnaire en tenant comptfe de toutes
les circonstances pertinentes.
17. Sur le fond, la distinction entre compétence et recevabilité n’fest pas
toujours claire. Le principe général est que les parties ne sauraifent confé ‑
rer à une juridiction une compétence que celle‑ci ne possède pas en droit.

Le Timor‑Leste a lui‑même souligné à juste titre que la Cour devait s’as ‑
surer de sa compétence prima facie. Par cette expression, il entendait, me
semble‑t‑il, une compétence qui puisse se justifier, au moins aux fifns de
connaître de sa demande en indication de mesures conservatoires.
18. Le Timor‑Leste et l’Australie ont tous deux fait des déclarations f

reconnaissant la juridiction obligatoire de la Cour. Celle que l’Austfralie a
faite (en vertu du paragraphe 2 de l’article 36 du Statut de la Cour) était
assortie d’une réserve excluant

«tout différend relatif à la délimitation de zones maritimes, fy com ‑
pris la mer territoriale, la zone économique exclusive et le plateau
continental, ou en rapport avec cette délimitation ou découlant def
l’exploitation de toute zone objet d’un différend adjacente àf une telle

zone maritime en attente de délimitation ».
Cette réserve a donné lieu à certaines conclusions que l’Ausftralie a pré ‑
sentées dans la récente affaire relative à la Chasse à la baleine dans l’An ‑

tarctique (Australie c. Japon; Nouvelle‑Zélande (intervenant)). A ce stade
de la procédure, il était toutefois inutile de s’étendre sur ladite réserve ou
sur l’effet de ces conclusions, étant donné que, s’agissant des mesures
conservatoires sollicitées par le Timor‑Leste, l’Australie ne l’favait pas
invoquée. Reste à savoir si elle cherchera à le faire ultérieurement pour

étayer un éventuel argument selon lequel l’objet de la requêfte, au motif
qu’il est par exemple lié à « l’exploitation [d’]une telle zone maritime en
attente de délimitation», échappe à la compétence de la Cour ou rend
cette requête irrecevable.
19. L’Australie a informé la Cour (le 21 janvier 2014) que, bien qu’il

soit possible qu’elle conteste la compétence de celle‑ci et la recfevabilité de
la requête introductive d’instance déposée par le Timor‑Lestfe lors de la
phase du fond — voire avant —, elle n’entendait pas soulever pareilles
questions dans le cadre de l’examen de la demande en indication de
mesures conservatoires.
20. Un autre éventuel argument d’incompétence ou d’irrecevabilitfé, à

titre subsidiaire, a été évoqué à l’audience, à savoir que, compte tenu de
la réserve énoncée dans la déclaration faite par l’Austraflie au titre de la

75

8 CIJ1061.indb 279 25/03/15 08:46 219 seizure and detentiofn (diss. op. callinan)

to “any dispute in regard to which the parties thereto have agreed or shall
agree to have resolved by some other method of peaceful settlement”, this

Court is denied jurisdiction or should not admit Timor‑Leste’s claim fin
this Court. Such an argument would be based upon Article 23 of the
2002 Treaty between the Parties. It is an argument that I understand has
been foreshadowed by Australia already as depriving the Arbitral Tribu ‑

nal of jurisdiction to entertain Timor‑Leste’s claim there.

21. The threshold for an indication of provisional relief is not high.
Australia offers undertakings 1which, in my opinion, are adapted to and

sufficient for, the circumstances of the case. That this is so relievesf the
Court of the need to give any lengthy consideration now to jurisdiction f
and admissibility. If and when that need arises, it may be helpful to refvisit
some earlier opinions of judges of the Court. The jurisprudence of the

Court on these issues has not of course stood still since 1974, but I doubt
whether what Sir Garfield Barwick said about admissibility then in his
dissenting opinion in the Nuclear Tests (New Zealand v. France) case 2
has been rejected in whole or in part, or fully considered since :

“I observed earlier that there is no universally applicable definition of
the requirements of admissibility. The claim may be incompetent, that
is to say inadmissible, because its subject‑matter does not fall within the
description of matters which the Court is competent to hear and decide 3;

or because the relief which the reference or application seeks is not
within the Court’s power to consider or to giv;eor because the applicant
is not an appropriate State to make the reference or application, as it fis
said that the applicant lacks standing in the matter ; or the applicant

may lack any legal interest in the subject‑matter of the application or fit
may have applied too soon or otherwise at the wrong time, or, lastly,
all preconditions to the making or granting of such a reference or applif ‑
cation may not have been performed, e.g., local remedies may not have

been exhausted. Indeed it is possible that there may arise other circum ‑
stances in which the reference or application may be inadmissible or notf
receivable. Thus admissibility has various manifestations.
Of course all these elements of the competence of the reference or

application will not necessarily be relevant in every case. Which form
of admissibility arises in any given case may depend a great deal on
the source of the relevant jurisdiction of the Court on which reliance

is placed and on the terms in which its jurisdiction is expressed. This,f
in my opinion, is the situation in this case.”

1
The undertakings are set out in the Order of the majority.
2 Nuclear Tests (New Zealand v. France), Judgment, I.C.J. Reports 1974, p. 423.
3 Competence and power to hear may also raise jurisdictional questions.

76

8 CIJ1061.indb 280 25/03/15 08:46 saisie et détention (fop. diss. callinan) 219

clause facultative qui exclut « tout différend pour lequel les parties ont
convenu ou conviennent d’avoir recours à une autre méthode de rfègle ‑
ment pacifique », la Cour ne peut se déclarer compétente ni juger rece ‑

vable la requête du Timor‑Leste. Cet argument serait fondé sur l’farticle 23
du traité de 2002 conclu entre les Parties. Il me semble que l’Ausftralie a
déjà laissé entendre qu’elle le ferait valoir pour contesterf la compétence
du tribunal arbitral et l’empêcher de connaître de la demande que le

Timor‑Leste lui a présentée.
21. Les conditions régissant l’indication de mesures conservatoires nef sont
pas strictes. Or, l’Australie a donné des engagements 1qui, selon moi, étaient
adaptés aux circonstances de l’espèce et suffisants à cet éfgard, ce qui dispen ‑

sait la Cour de s’appesantir à ce stade sur les questions de la compétence et
de la recevabilité. Si cela devait se révéler nécessaire parf la suite, il pourrait
toutefois être utile de se référer à certaines opinions antéfrieures exposées par
des juges de la Cour. Certes, la jurisprudence de cette dernière sur fces ques ‑

tions n’est pas restée figée depuis 1974, mais je doute que les vues que sir G ‑ar
field Barwick avait exprimées sur la recevabilité dans son opinion dissifdente
en l’affaire des Essais nucléaires (Nouvelle‑Zélande c. France) 2aient, depuis
lors, été rejetées en tout ou en partie, ou pleinement prises efn compt :e

«J’ai dit plus haut qu’il n’y a pas de définition universelflement
applicable des conditions de la recevabilité. La demande peut n’êftre

pas recevable parce qu3 son objet n’est pas de ceux sur lesquels la
Cour puisse statuer ; ou parce que la Cour n’a pas le pouvoir d’en ‑
visager ni d’accorder la mesure sollicitée ; ou encore parce que l’Etat
requérant n’est pas habilité à introduire l’instance, n’fayant pas qua ‑

lité pour agir en l’espèce ; ou parce que le demandeur peut n’avoir
aucun intérêt juridique par rapport à l’objet de la requêfte, ou bien il
peut avoir agi trop tôt ou au mauvais moment ; enfin toutes les
conditions qui doivent précéder la présentation de l’acte inftroductif

d’instance ou la saisine n’ont peut‑être pas été respectées, par exemple
si tous les recours internes n’ont pas été épuisés. Bien fentendu, il peut
y avoir encore d’autres cas dans lesquels l’acte introductif d’finstance
est irrecevable. L’irrecevabilité se manifeste ainsi sous diversesf

formes.
Certes, tous ces éléments relatifs à la recevabilité ou àf la validité de
l’acte introductif d’instance ne valent pas nécessairement dansf tous
les cas. Quel est le problème particulier de recevabilité qui se pfose

dans une espèce donnée ? Cela dépend dans une large mesure de la
source invoquée pour fonder la compétence de la Cour et des termesf
dans lesquels cette compétence est exprimée. Telle est à mon avfis la
situation en l’espèce. »

1 Ces engagements sont reproduits dans l’ordonnance.
2 Essais nucléaires (Nouvelle‑Zélande c. France), arrêt, C.I.J. Recueil 1974, p. 423.
3 La compétence et le pouvoir de statuer peuvent aussi soulever des quefstions juridic ‑
tionnelles.

76

8 CIJ1061.indb 281 25/03/15 08:46 220 seizure and detentiofn (diss. op. callinan)

There are other aspects of the passage that I have quoted from Sir Gar ‑
field Barwick’s opinion which may have relevance if what he said there is

not inconsistent with the ratio of the Court’s Order, or foreclosed bfy sub ‑
sequent decisions of the Court. The first relates to the relevance of f
non‑exhaustion of domestic local remedies. In its responses to Piper’fs
complaints before the institution of these proceedings, Australia urged f

Timor‑Leste to seek relief from the Australian courts. The Applicant
declined to do so. Could it have done so ? Should it have done so ? Could
a refusal to do so argue against urgency ? Is non‑recourse to domestic
courts relevant to the exercise of a discretionary judgment of this Courft ?
4
Rahimtoola v. Nizam of Hyderabad , upon which Timor‑Leste relies, may
not assist it. The passage quoted from A. V. Dicey in Viscount Simonds’s
speech 5is concerned with cases against a sovereign State. It does not sug ‑
gest that a State cannot or should not resort to courts of another Statef as

a claimant or plaintiff. It is also an example of a coincidence of domfestic
law and international law of a kind which may — a matter not to be
decided now —– be the situation in Australia with respect to legal profes ‑
sional privilege and proprietary and sovereign rights.

22. Another aspect of the passage quoted that may be of relevance is

the residence or otherwise in this Court of a general discretion to granft or
refuse relief, particularly of the kind that was being dealt with there,f and
is being sought here, that is relief of an injunctive kind. It would be f

unusual if this Court did not have a broad discretion in such circum ‑
stances, but no opinion needs to be formed about that, or indeed, any off
the questions posed which may or may not arise in the future.

23. As Judge Greenwood emphasized at paragraph two of his declara ‑
tion in the case of Costa Rica v. Nicaragua , the Court’s decision on a
request for provisional measures is not an interim ruling on the merits.f

Nor does such a request require a concluded opinion on legal issues.

24. I will touch however upon the matter of irreparable damage,
merely to say that the concept is analogous with common law principle

which holds that interlocutory or provisional relief will not be orderedf if,
for example, damages or perhaps some other remedy would be an ade ‑
quate remedy, adding that in a real sense a satisfactory undertaking takfes
the place of other adequate remedy.

4
5 [1958] AC 379.
Ibid., at 394.
6 Certain Activities Carried Out by Nicaragua in the Border Area (Costa R▯ica v. Nica ‑
ragua), Provisional Measures, Order of 8 March 2011, I.C.J. Reports 2011 (I), p. 46.

77

8 CIJ1061.indb 282 25/03/15 08:46 saisie et détention (fop. diss. callinan) 220

Certains aspects de cet extrait de l’opinion de sir Garfield peuvent présen‑
ter un intérêt s’ils ne sont pas incompatibles avec le raisonnefment que la

Cour a suivi dans son ordonnance ou ne se trouvent pas invalidés par f
des décisions ultérieurement prises par elle. Le premier est l’impofrtance
du non‑épuisement des recours internes. En réponse aux griefs formulésf
par Piper avant l’introduction de la présente instance, l’Austrfalie a engagé

le Timor‑Leste à s’adresser aux juridictions australiennes. Le demfandeur
a refusé. Pouvait‑il le faire ? Le devait‑il ? Ce refus plaide‑t‑il contre l’ur ‑
gence? Le non‑recours aux juridictions nationales doit‑il entrer en ligne
de compte dans l’exercice, par la Cour, de son pouvoir discrétionnfaire? A
4
cet égard, je crains que l’affaire Rahimtoola c. Nizam of Hyderabad , sur
laquelle le Timor‑Leste s’est appuyé, ne lui soit d’aucun secoufrs. Le pas ‑
sage de la déclaration du vicomte Simonds , tiré de A. V. Dicey, concerne
en effet des actions engagées à l’encontre d’un Etat souvefrain. Il ne donne

nullement à penser qu’un Etat ne peut ou ne devrait pas recourir afux
juridictions d’un autre Etat en tant que demandeur ou plaignant. Cet f
extrait semble en outre indiquer que, en ce qui concerne la protection du
secret professionnel des avocats et conseils ainsi que les droits de prof ‑

priété et les droits souverains, le droit interne de l’Australife concorde avec
le droit international, question qu’il n’était toutefois pas nécessaire de
trancher à ce stade.
22. Un autre aspect du passage susmentionné pouvant se révéler pertfi ‑

nent est le point de savoir si la Cour possède ou non le pouvoir discré ‑
tionnaire d’accorder ou de refuser des mesures de redressement,
notamment sous la forme de celles qui étaient en cause dans l’afffaire pré ‑

citée ou sollicitées en la présente espèce, c’est‑à‑difre des mesures de nature
injonctive. Il serait surprenant que la Cour ne dispose pas d’un largfe pou ‑
voir discrétionnaire en la matière, mais il n’est pas nécessaire de prendre
position sur ce point ni, d’ailleurs, sur toute autre question suscepftible de

se faire jour ultérieurement à cet égard.
23. Ainsi que M. le juge Greenwood l’a souligné au paragraphe 2 de sa
déclaration dans l’affaire Costa Rica c. Nicaragua 6, la décision de la Cour
sur une demande en indication de mesures conservatoires ne constitue pas

une décision provisoire au fond. Pareille demande ne requiert pas nonf
plus d’avoir un avis arrêté sur les questions juridiques.
24. Je n’aborderai la question du préjudice irréparable que pour prféci ‑
ser que cette notion est analogue au principe de la common law selon lequel

des mesures interlocutoires ou conservatoires ne sauraient être ordonfnées
si, par exemple, le paiement de dommages‑intérêts ou d’autres fformes de
réparation constituent un remède adéquat. J’ajouterai que, df’une certaine
façon, un engagement satisfaisant peut tenir lieu de remède adéfquat.

4
5 [1958] A.C. p. 379.
Ibid., p. 394.
6 Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région fron▯talière (Costa Rica
c. Nicaragua), mesures conservatoires, ordonnance du 8 mars 2011, C.I.J. Recueil 2011 (I),
p. 46.

77

8 CIJ1061.indb 283 25/03/15 08:46 221 seizure and detentiofn (diss. op. callinan)

25. The existence of a sovereign inviolability of documents in the pos ‑
session of a lawyer in another country is a large claim, and, I think, pfos ‑
sibly novel. Whether it will be necessary for the Applicant to show that
there is an absolute inviolability or immunity can only be determined

after full argument.

26. As important and extensive a privilege it is, there may also be rea ‑
son for concern about the absoluteness (in domestic and international

law) of legal professional privilege when a nation’s security may bef in
jeopardy. Any court, including this Court, would be conscious of the
unlikelihood that any nation or its leaders would regard themselves as
bound to treat national security as inferior, or subject to, legal profes ‑
sional privilege. The extent to which there is a settled principle of legal

professional privilege, unique to the law of nations, and immune to any f
limitation in an international or national interest, will require detailfed
and careful argument. The same may be said of an absolute sovereign
right in respect of documents in the possession of a sovereign nation’fs

lawyers in another country.

27. On the final hearing, the nature and breadth of the so‑called fraud
or crime exception to legal professional (and a sovereign right or privfi ‑

lege) will also need to be the subject of full argument. That exceptionf has
been recognized in domestic law since the nineteenth century, if not earl‑
ier7. A question that may require a decision is whether an intrusion upon
a privilege that, either purposely or incidentally, would both uncover efvi ‑
dence of a crime or fraud, and help to prevent the commission or furtherf‑

ance of a crime or fraud, would fall within the exception. Here, for
example, it is possible that the documents seized would answer both of
those descriptions. If legal professional privilege were to be subject tfo an
exception (which it is not) solely to enable the gathering of evidencef to

prove that a crime of fraud has been committed, the privilege would be
subverted.

28. Another claim, of an unrestricted proprietary right (not dependant

on sovereignty) was made to the seized documents. In deciding upon the f
existence or otherwise, or the extent, of any of these asserted rights, fthere
may be the further factor to be considered, that is of the commercial and
legal role and obligations of the lawyer in physical possession of the doc ‑
uments. That lawyer will be subject to relevant domestic commercial and f

legal regulatory regimes of the host nation, over which any proprietary f
sovereign or legal professional privilege rights may or may not prevail.f So
too, if a simple proprietary (as opposed to a special sovereign proprief ‑
tary) right is claimed, regard may need to be had to section 51 (xxxi) of

7 R. v. Cox and Railton (1884), 14 QBD 153; see also discussion of earlier cases in
J. H. Wigmore, Evidence in Trials at Common Law, Vol. 8, rev. 1961, para. 2298, at
pp. 572‑577.

78

8 CIJ1061.indb 284 25/03/15 08:46 saisie et détention (fop. diss. callinan) 221

25. L’existence d’un droit souverain à l’inviolabilité de docfuments se
trouvant en la possession d’un avocat dans un autre pays constitue unfe
prétention de portée étendue qui, selon moi, pourrait se révféler inédite. La
question de savoir si le demandeur devra démontrer qu’il existe unf droit

absolu à l’inviolabilité ou à l’immunité ne pourra cependant être tranchée
qu’après que les Parties auront entièrement exposé leur argufmentation.
26. Si importante et étendue que soit cette protection, il pourrait égfale ‑
ment y avoir lieu de s’inquiéter du caractère absolu (en droitf interne comme

en droit international) du secret professionnel des avocats et conseilsf lorsque
la sécurité d’une nation risque d’être compromise. Toute fjuridiction, y com ‑
pris la Cour, sait qu’il n’est guère vraisemblable qu’une naftion ou ses dir‑i
geants s’estiment tenus de faire passer la sécurité nationale afprès le secret
professionnel des avocats et conseils, ou de la considérer comme y éftant

subordonnée. Dès lors, le point de savoir dans quelle mesure le sefcret profes ‑
sionnel des avocats et conseils est un principe établi, propre au drofit des gens
et exempt de toute limite pour cause d’intérêt national ou international, devra
faire l’objet d’un examen détaillé et approfondi, de mêmef que la question de

l’existence d’un droit souverain absolu à l’égard de docufments qui sont en la
possession de l’avocat d’une nation souveraine dans un autre pays.f
27. Au moment de l’examen au fond, la nature et la portée de ce qui a fété
qualifié d’exception (au sens d’un droit souverain) au secrfet professionnel

des avocats et conseils en cas de fraude ou d’infraction pénale defvront éga ‑
lement être pleinement exposées. Cette exception a été reconfnue en droit
interne dès le XIX e siècle, si ce n’est avant. Une question qui devra peut‑être
être tranchée consiste à savoir si une entorse au secret profesfsionnel qui
mettrait au jour — que ce soit à dessein ou de manière fortuite — des

éléments de preuve d’une fraude ou d’une infraction pénalfe et contribuerait
à en prévenir la commission ou la facilitation entrerait dans le champ de
cette exception. En l’espèce, par exemple, il est possible que lesf documents
saisis revêtent ces deux caractéristiques. S’il ne devait y avofir d’exception au

secret professionnel des avocats et conseils que pour permettre de recuefillir
des éléments prouvant qu’une infraction pénale ou une fraudef a été commise
(ce qui n’est pas le cas), cette prérogative serait dénaturéfe.
28. Une autre prétention a été formulée à l’égard des dfocuments saisis, à

savoir celle d’un droit de propriété inconditionnel (indépefndamment de la
souveraineté). Aux fins de déterminer si pareil droit existe etf, le cas échéant,
quelle en est la portée, il peut être nécessaire de prendre en fconsidération un
facteur supplémentaire, celui du rôle juridique et commercial et dfes obliga ‑
tions de l’avocat qui se trouve en la possession des documents en quefstion.

Cet avocat sera en effet soumis à la réglementation juridique etf commer ‑
ciale applicable de la nation hôte, sur laquelle tout droit de propriété sou ‑
verain ou ayant trait au secret professionnel des avocats et conseils pefut ou
non prévaloir. Ainsi, si un droit de propriété simple (par opposition à un

7 R. c. Cox and Railton (1884), QBD, vol. 14, p. 133; voir également l’examen d’affaires
antérieures dans J. H. Wigmore, Evidence in Trials at Common Law, vol. 8,rev. 1961,
par. 2298, p. 572‑577.

78

8 CIJ1061.indb 285 25/03/15 08:46 222 seizure and detentiofn (diss. op. callinan)

the Australian Constitution which confers upon the Commonwealth the
power to acquire property (that is, of any kind, including copyright) fon
just terms for a Commonwealth, that is to say, a sovereign purpose, one f

of which is of course defence (s 51 (vi)).

The Role of the Attorney‑General

29. Timor‑Leste made a submission that, in signing and therefore re‑

issuing the warrants, the Attorney‑General was, under international law,f
carrying out a judicial or quasi‑judicial function. It is unnecessary to
decide, but there is reason to doubt (without deciding) whether, even f
under any extended meaning of “quasi‑judicial”, that is so. Under sec ‑

tion 75 (v) of the Australian Constitution, any and all officers of the
Commonwealth of Australia are amenable to the prerogative writs of cer ‑
tiorari, prohibition and mandamus, as well as injunction and declarations.
The High Court of Australia has consistently and repeatedly held this to

be so since 1903. The Attorney‑General is8a member of the Executive,
and neither a judge nor a quasi‑judge . He is no more exercising a judicial
power or quasi‑judicial power in satisfying himself that a search warrant
should be issued than is a police officer or a medical officer in requfiring or
taking a blood or other sample from the person of a criminal suspect, anf

intrusive requirement routinely enforced in countries all over the worldf.

Undertakings

30. Undertakings are repeatedly given and accepted in lieu of the mak ‑
ing of orders by courts in common law countries. A failure to honour an f

undertaking is likely to expose anyone who has given it to penalty for
contempt of court. Solemnly given as they were here to this Court, they f
are binding upon Australia. In any event, it is unthinkable that the Firfst
Law Officer of the Commonwealth, in his capacity both as a senior coun ‑

sel obliged as an officer of the Courts of Australia to act honestly in all
professional affairs and a Minister answerable to the Parliament, woulfd
not honour all undertakings given to this Court.

8As to the political and administrative or executive features and role off a Minister
in Australia, see : Minister for Immigration and Multicultural Affairs v. Jia (2001), 205
CLR at 244‑245. Chapter 3 of the Australian Constitution and the whole structure of the
Constitution contemplate both a functional and legal separation in Australia of the Parlia‑
ment, the Executive and the Judiciary. See also R. v. Kirby; Ex parte Boilermakers’ Society
of Australia (1956), 94 CLR 254.

79

8 CIJ1061.indb 286 25/03/15 08:46 saisie et détention (fop. diss. callinan) 222

droit de propriété souverain spécifique) est allégué, fil peut être nécessaire de
tenir compte de l’alinéa xxxi) de l’article 51 de la Constitution australienne,
qui confère au Commonwealth le pouvoir d’acquérir des biens (dfe toute

nature, y compris des droits d’auteur) appartenant à un autre Etaft dans des
conditions justes pour ce dernier et à des fins souveraines, parmi flesquelles
figure bien entendu la défense (alinéa vi) de l’article 51).

Le rôle de l’a ttorney -general

29. Le Timor‑Leste a affirmé que, en signant et, par là même, déflivrant

les mandats, l’Attorney‑General avait exercé, au regard du droit interna ‑
tional, une fonction judiciaire ou quasi judiciaire. Bien qu’il ne sofit pas
nécessaire de trancher cette question, il est néanmoins permis de fdouter
(sans se prononcer définitivement) qu’il en soit ainsi, même en prenant

l’expression «quasi judiciaire» dans son sens large. Conformément à l’ali ‑
néa v) de l’article 75 de la Constitution de l’Australie, tout fonctionnaire
du Commonwealth d’Australie peut faire l’objet d’ordonnances def certio ‑
rari, de citations à comparaître, d’interdictions ou d’injonctionsf, ce que la

High Court of Australia a toujours confirmé depuis 1903. L’Attorney‑ 8
General est un membre de l’exécutif, et non un juge ou assimilé . Il
n’exerce pas davantage un pouvoir judiciaire lorsqu’il vérifife s’il y a lieu
de délivrer un mandat de perquisition que ne le fait l’agent de poflice qui
ordonne un prélèvement sanguin sur la personne d’un suspect ou fle pro ‑

fessionnel de la santé qui effectue ce prélèvement, mesure atftentatoire à
la vie privée couramment appliquée dans le monde.

Les engagements

30. Dans les pays de common law, il est très fréquent qu’un engage ‑
ment soit donné et accepté en lieu et place d’une ordonnance rendue par

un tribunal, tout manquement à pareil engagement pouvant entraîner
des sanctions pour outrage audit tribunal. En l’espèce, l’Austrfalie était
liée par les engagements qu’elle avait solennellement pris devant la Cour.
Quoi qu’il en soit, il est inconcevable que le premier gardien du drofit du

Commonwealth d’Australie, en sa qualité à la fois d’avocat gfénéral,
c’est‑à‑dire d’officier ministériel tenu à la plus grande honnêteté dans
l’exercice de ses fonctions, et de ministre comptable de ses actes defvant
le Parlement, n’honore pas tous les engagements pris devant la Cour.

8En ce qui concerne les caractéristiques politiques et administrativesf ou exécutives
de la fonction de ministre en Australie, voir : Minister for Immigration and Multicultural
Affairs c. Jia (2001), CLR, vol. 205, p. 244‑245. Le chapitre 3 et la structure générale de la
Constitution australienne prévoient une séparation juridique et fofnctionnelle du Parlement,
de l’exécutif et du pouvoir judiciaire. Voir aussi R. c. Kirby; Ex parte Boilermakers’ Society
of Australia (1956), CLR, vol. 94, p. 254.

79

8 CIJ1061.indb 287 25/03/15 08:46 223 seizure and detentiofn (diss. op. callinan)

31. The undertakings offered here, initially given to Piper on behalf of
Timor‑Leste and extended, enhanced and clarified in the oral and written
submissions of Australia are, in my opinion, sufficient to meet the cirfcum ‑
stances (including of urgency) of this case, and will ensure that no ifrrepa‑

rable harm is done to Timor‑Leste between now and the final hearing.
The effect of them is, among other things, to impose upon Australia, afnd
the Attorney‑General in particular, an obligation not to have himself, or
to provide or enable access to others within the Australian administratifon

to the seized documents without first giving notice to the Court and tfo
Timor‑Leste to enable the latter to have its concerns again ventilated in
the Court if it wishes. It would not be reasonable to indicate a further
measure or to expect Australia to undertake not to “eavesdrop” on for
intercept the communications of Timor‑Leste as that would or might sug ‑

gest that Australia has done so, or will do so in the future, matters thfat
would require cogent and persuasive evidence not produced here 9. It
may also be questioned whether there is a sufficient linkage between the
claim in or justiciable in this Court and a provisional measure of that f

kind.

32. Quite apart from the other concerns to which I have referred in this
opinion, I think that there may be a problem about the use of the word

“interfere” in the third dispositif paragraph, by reason of its breadth and
unspecific nature.
33. National security is a reasonable and natural aspiration and expec ‑
tation of any body of peoples. Here, the nature of the risk with which tfhe
Attorney‑General is concerned is not known to the Court, and may, in

any event change in seriousness or imminence. All or most nations have, f
as Australia’s pleadings show, intelligence organizations. They have fthem
because they need them. Terrorists now operate within communities
which shelter and have succoured them. International law must take cog ‑

nizance of the painful realities of the vulnerabilities of the people inf free
nations. Any law or principle of it which does not do that may fail to
command obedience as well as respect. It is difficult for those not thef pos ‑
sessor of all the relevant information to know which piece of new, or

further, or seemingly slight piece of information, will indicate an escafla ‑
tion of risk. Algorithms designed to process such pieces of information fto
identify risk and its heightening are now universally and ceaselessly
employed. And a risk which can arise suddenly and dangerously is to the
safety of a particular officer of officers of an intelligence organization, as

well as to the security of the nation itself. In my respectful opinion, fthe

9 Evidence is to be evaluated according to the capacity and the circumstances of the
party adducing it. It is a canon of good sense long recognized in, for efxample, the common
law, that the cogency and strength of the evidence to establish allegatifons of fact vary
according to the gravity and turpitude of the conduct embraced by them. SeBlatch v.
Archer (1774), 98 ER 969 ; Refjek v. McElroy (1965), 112 CLR 517.

80

8 CIJ1061.indb 288 25/03/15 08:46 saisie et détention (fop. diss. callinan) 223

31. Ces engagements, qui avaient initialement été présentés àf Piper
pour le compte du Timor‑Leste, tels qu’accrus, complétés et préfcisés dans
les exposés oraux et écrits de l’Australie, étaient, à mofn sens, suffisants
dans les circonstances de l’espèce (y compris au regard du caractfère d’ur‑

gence) aux fins de garantir qu’aucun préjudice irréparable nfe soit causé au
Timor‑Leste d’ici à l’examen de l’affaire au fond. Ces engfagements avaient
notamment pour effet d’imposer à l’Australie, et à l’Attorney‑General en
particulier, de ne pas accéder, ni de permettre à des tiers au seifn de l’admi ‑

nistration australienne d’accéder aux documents saisis sans en notfifier pr‑é
alablement la Cour et le Timor‑Leste, donnant ainsi l’occasion à cfe dernier,
le cas échéant, de faire de nouveau part à la Cour de ses préfoccupations.
Le fait d’indiquer toute autre mesure ou de demander à l’Austraflie de s’en ‑
gager à ne pas « écouter» le Timor‑Leste ou intercepter ses communica ‑

tions ne me semble pas raisonnable, car cela laisse entendre ou pourraitf
laisser entendre que l’Australie a procédé ou procédera àf l’avenir à de
telles écoutes, point qui nécessiterait que soient présentés des éléments de
preuve convaincants, ce qui n’a pas été le cas à ce stade . Il est également

permis de se demander s’il existe des liens suffisants entre la réfclamation
dont la Cour est saisie — ou pourrait être saisie — et pareille mesure.
32. Outre les autres points soulevés dans la présente opinion, je craifns
que l’emploi du verbe « s’ingérer» au point 3 du dispositif puisse poser

problème, en raison du sens fort large et peu précis de ce terme.

33. La sécurité nationale constitue, pour tout peuple, une aspiration
raisonnable et naturelle. En la présente espèce, la nature du risqfue identi ‑
fié par l’Attorney‑General n’est pas connue de la Cour et peut, en tout état

de cause, évoluer, tant du point de vue de sa gravité que de son ifmmi ‑
nence. Ainsi que cela ressort des écritures et plaidoiries de l’Aufstralie,
toutes les nations ou presque se sont dotées de services de renseignefment,
et ce, par nécessité. Désormais, les terroristes agissent au sefin des commu ‑

nautés qui les accueillent et leur sont venues en aide. Le droit intefrnatio ‑
nal doit prendre en compte les dures réalités auxquelles font facef les
populations des nations libres, ainsi que leur vulnérabilité. Toutf prin ‑
cipe qui en ferait abstraction risque de ne pas remporter l’adhésion etf de

n’être pas observé. Pour ceux qui ne disposent pas de l’ensefmble des élé ‑
ments pertinents, il est bien difficile de savoir quelle nouvelle inforfmation,
même apparemment insignifiante, peut indiquer un risque accru. Des f
algorithmes conçus pour traiter pareilles informations en vue d’identifier
les risques et leur évolution sont désormais utilisés en permanfence de

par le monde. Or, il est un risque susceptible de se faire jour à tout

9 Les éléments de preuve doivent être appréciés en fonction de la capacité de la partie
qui les produit et des circonstances dans lesquelles elle le fait. Il tofmbe sous le sens —
et cela est admis de longue date, notamment dans lacommon law — que la force de la
preuve requise pour établir des faits allégués est fonction de la gravité et de la turpitude du
comportement auquel ils se rattachent. Voir Blatch c. Archer (1774), ER, vol. 98, p. 969 ;
Refjek c. McElroy (1965), CLR, vol. 112, p. 517.

80

8 CIJ1061.indb 289 25/03/15 08:46 224 seizure and detentiofn (diss. op. callinan)

undertakings to which I have referred are reasonable and sufficient, anfd
should be accepted by the Court without the need for indications of any f

provisional measures.

(Signed) Ian Callinan.

81

8 CIJ1061.indb 290 25/03/15 08:46 saisie et détention (fop. diss. callinan) 224

moment, à savoir celui qui pèse sur la sécurité d’un ou dfe plusieurs agents
appartenant à un service de renseignement et, partant, sur la sécufrité de
la nation elle‑même. Selon moi, les engagements susmentionnés étaient

raisonnables et suffisants, et auraient dû être acceptés par lfa Cour sans
qu’il soit nécessaire d’indiquer des mesures conservatoires.

(Signé) Ian Callinan.

81

8 CIJ1061.indb 291 25/03/15 08:46

Document file FR
Document Long Title

Opinion dissidente de M. le juge <i>ad hoc</i> Callinan

Links