Opinion individuelle de Mme la juge Donoghue

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156-20140303-ORD-01-04-EN
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208

OPINION INDIVIDUELLE DE M me LA JUGE DONOGHUE

[Traduction]

1. Certaines des circonstances à l’origine de la présente espècfe ne sont
pas contestées. Un Etat, opposé à un autre dans le cadre d’ufne procédure
d’arbitrage, a saisi des documents et données dans les locaux proffessionnels
d’un conseil juridique du second (par commodité, l’ensemble defs docu ‑

ments, données et éléments saisis seront dénommés ci‑aprèfs «les éléments
en cause»). La Cour ne dispose que de peu d’informations sur le contenu
des éléments en cause qui, selon le Timor‑Leste, se rapportent nonf seule ‑
ment à un différend juridique faisant actuellement l’objet d’fune procédure
d’arbitrage (l’arbitrage en vertu du traité sur la mer de Timofr) — notam ‑

ment des communications entre cet Etat et son conseil —, mais également
à la position et à la stratégie du Timor‑Leste dans le cadre def négociations
relatives à la délimitation maritime entre les deux Etats.
2. Les événements susmentionnés donneront assurément à réffléchir à
quiconque se soucie de l’intégrité des procédures de règlfement des diffé ‑

rends internationaux. La question de savoir si la saisie des élémefnts en
cause est ou non licite a cependant trait au fond ; à ce titre, elle n’a pas été
examinée par la Cour dans son ordonnance, et ne le sera pas dans la pfré ‑
sente opinion individuelle. J’exposerai ci‑après les raisons pour lesquelles
j’ai voté avec la majorité de mes collègues en faveur de l’findication d’une

mesure conservatoire, alors que je ne me suis pas associée à eux efn ce qui
concerne les deux autres.
3. L’article 41 du Statut de la Cour dispose que celle‑ci peut indiquer des
mesures conservatoires «si elle estime que les circonstances l’exigent». Ces
dernières années, la Cour a suivi, s’agissant de l’indication de mesures conser‑

vatoires, l’approche qu’elle avait adoptée dans l’affaire frelative à des Que‑s
tions concernant l’obligation de poursuivre ou d’extrader (Belgiqu ▯ e c. Sénégal)
(mesures conservatoires, ordonnance du 28 mai 2009, C.I.J. Recueil 2009,
p. 147, par. 40; p. 151, par. 56‑57; p. 152‑153, par. 62). Ainsi qu’elle l’a rap
pelé dans son ordonnance, la Cour examine les points de savoir si ellfe a

prima facie compétence, si les droits invoqués par la partie demanderesse sonft
au moins plausibles, s’il existe un lien entre les droits qui font l’fobjet de l’ins
tance et les mesures conservatoires sollicitées, et s’il y a urgenfce, c’est‑à‑dire
s’il existe un risque réel et imminent qu’un préjudice irréfparable soit causé
aux droits en litige, avant qu’elle ne rende sa décision défifnitive en l’affaire.

4. A bien des égards, je partage les vues qui ont été expriméesf dans l’or ‑
donnance. Ainsi, je suis d’accord avec mes collègues pour considéfrer que la
Cour avait prima facie compétence en la présente espèce, qu’au moins cer ‑
tains des droits allégués par le Timor‑Leste étaient plausiblesf et qu’il existait
un lien entre les mesures sollicitées et les droits que ce dernier infvoque dans

sa requête.

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8 CIJ1061.indb 259 25/03/15 08:46 saisie et détention (fop. ind. donoghue) 209

5. Cela m’amène à la question de savoir s’il existait un risquef que soit
causé un préjudice irréparable aux droits plausibles invoquéfs par le

Timor‑Leste. Sur ce point, mon approche diffère de celle qu’a sufivie la
Cour. Au vu du critère énoncé à l’article 41, j’estime que le risque de pré ‑
judice irréparable, dans les circonstances de l’espèce, « exige[ait]» en effet
que la troisième mesure conservatoire fût indiquée, mais pas la première
ni la deuxième. Si j’ai voté contre ces deux premières mesures, c’est parce

que je considère que l’engagement pris devant la Cour par l’Attorney‑
General de l’Australie le 21 janvier 2014 (ci‑après, l’« engagement») per ‑
mettait d’écarter le risque de préjudice irréparable qui a sfuscité l’indication
de ces deux mesures. En revanche, j’ai voté en faveur de la troisième mesurfe
conservatoire parce que l’Australie n’a pas pris d’initiative sfimilaire pour
prévenir d’éventuels actes d’ingérence dans les communicaftions échangées

entre le Timor‑Leste et ses conseillers juridiques au sujet de l’arbiftrage en
cours, d’une future procédure concernant la délimitation maritifme, ou de
toute autre procédure qui s’y rapporte, dont la présente instanfce.

A. Les première et deuxièfme mesures conservatfoires
indiquées par la Cour

6. Ainsi que cela a été rappelé ci‑dessus, la Cour a précisé qu’elle
n’exercerait son pouvoir d’indiquer des mesures conservatoires que

s’il existait un risque réel et imminent qu’un préjudice irréparafble soit
causé aux droits en litige avant qu’elle ne rende sa décision dféfinitive
(voir, par exemple, Certaines activités menées par le Nicaragua dans la
région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua), mesures conservatoires,
ordonnance du 8 mars 2011, C.I.J. Recueil 2011 (I), p. 21‑22, par. 63).
Pour déterminer s’il existe un risque réel et imminent de préfjudice irrépa ‑

rable, il convient selon moi, premièrement, de rechercher si un évfentuel
préjudice serait irréparable et, deuxièmement, d’appréciefr la probabilité
que pareil préjudice se produise, en l’absence de mesures conservatoires,
avant que la Cour ne rende sa décision définitive. (Le caractèfred’urgence
des mesures sollicitées doit aussi être pris en considération, fmais, aux fins

du présent examen, je laisserai de côté cette exigence supplémentaire.)
7. La Cour n’a pas toujours été claire sur le point de savoir si lfa partie
demanderesse doit établir non seulement que le préjudice causé aux droits
qu’elle invoque serait irréparable, mais aussi qu’il est probabfle que ceux‑ci
subissent pareil préjudice. Or, la présente affaire montre qu’fil est impor ‑

tant que ces deux aspects du risque de préjudice irréparable soienft exami‑
nés. La Cour a jugé que, si les éléments en cause étaientf divulgués à «une
quelconque personne participant ou susceptible de participer » à l’arbi‑
trage en cours entre le Timor‑Leste et l’Australie ou à de « futures négo‑
ciations maritimes » entre les Parties, certains des droits allégués par le
Timor‑Leste pourraient subir un préjudice irréparable (ordonnancef,

par. 42). Je souscris à cette conclusion. Je ne suis cependant pas d’afccord
avec la décision de la Cour d’indiquer les première et deuxièfme mesures

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8 CIJ1061.indb 261 25/03/15 08:46 saisie et détention (fop. ind. donoghue) 210

conservatoires, car je considère que l’engagement de l’Australife permet ‑
tait d’écarter le risque que soit causé pareil préjudice. Laf Cour, quant à

elle, a semble‑t‑il estimé que, en dépit de l’engagement, le risque que des
informations soient divulguées était suffisamment sérieux pourf justifier
l’indication desdites mesures (ordonnance, par. 46).
8. Afin d’expliquer mon raisonnement, j’examinerai attentivement lefs
principaux aspects de l’engagement en question. Pour commencer, je rafp ‑

pellerai que l’Australie a dit à la Cour que l’Attorney‑General avait le
pouvoir de prendre des engagements liant cet Etat au regard du droit
international. Je résumerai ci‑après quatre dispositions essentielles de
l’engagement ayant trait aux éléments en cause (ibid., par. 38).
9. Premièrement, l’Attorney‑General déclare qu’il a donné pour ins ‑
truction à l’agence australienne de renseignement intérieur (lf’«ASIO») de

ne pas communiquer les éléments en cause ou les informations qui efn
découleraient «à quiconque et à quelque fin que ce soit, hormis pour des
questions de sécurité nationale (notamment dans le cadre de la safisine des
autorités chargées de l’application de la loi et de poursuites)f, jusqu’à ce
que la Cour ait définitivement statué dans la présente procédure ou qu’elle

en ait décidé autrement à un stade ultérieur ou antérieurf».
10. Deuxièmement, il est indiqué dans l’engagement que l’Attorney‑
General ne prendra pas connaissance du contenu des éléments ou des
informations qui en découleraient. Il est en outre précisé que,f dans le cas
où serait portée à la connaissance de l’Attorney‑General une circonstance,

quelle qu’elle soit, qui « nécessiterait» qu’il prenne connaissance desdits
éléments, il «en informer[ait] tout d’abord la Cour, et … prendr[ait] alors
devant elle d’autres engagements ».
11. Troisièmement, l’Attorney‑General déclare dans ce document
«qu’aucune entité du Gouvernement australien n’utilise[ra] lesdifts élé ‑
ments à quelque fin que ce soit, hormis pour des questions de séfcurité

nationale (notamment dans le cadre de la saisine des autorités chargfées de
l’application de la loi et de poursuites) ».
12. Quatrièmement, on peut lire dans l’engagement que,

«sans préjudice de ce qui précède, … aucune entité du Gouverne ‑
ment australien ne [pourra] avoir accès auxdits éléments et àf toutes
informations qui en découleraient à toute fin ayant trait à lf’exploita ‑
tion des ressources de la mer de Timor ou aux négociations à ce

sujet, ou à la conduite de : a) la présente procédure et b) l’arbitrage
[sus]mentionné ».

(Par commodité, j’appellerai ce volet de l’engagement le « quatrième
point».) En réponse à une question posée par un membre de la Coufr à
l’audience, l’Australie a précisé que l’expression « sans préjudice de ce qui
précède» signifiait que « les questions concernant la mer de Timor et les
négociations y afférentes, ainsi que la conduite des procédurfes devant la
présente Cour et le tribunal, ne relevaient pas des questions de « sécurité

nationale»» auxquelles il est fait référence dans l’engagement. Il en res ‑
sort donc clairement que pas même une question de sécurité natifonale

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8 CIJ1061.indb 263 25/03/15 08:46 saisie et détention (fop. ind. donoghue) 211

n’aurait justifié de diffuser les éléments en cause ou lfes informations en
découlant à qui que soit aux fins visées au quatrième poinft.

13. Ainsi que l’Australie l’a confirmé à l’audience, l’efngagement restait
valable jusqu’à ce que la Cour ait définitivement statué efn l’espèce.
14. Ainsi, un représentant de l’Australie ayant le pouvoir de prendre fdes
engagements liant cet Etat au regard du droit international a assuré fla Cour
que les éléments en cause et les informations qui en découleraifent ne seraient

pas divulgués aux fins visées au quatrième point avant que ceflle‑ci ait rendu
son arrêt en la présente affaire. Or, comme la Cour l’a préfcisé, il devait être
présumé que l’Australie se conformerait de bonne foi aux assurafnces conte ‑
nues dans l’engagement (ordonnance, par. 44) ; par ailleurs, le quatrième
point englobait tous les modes de règlement des différends mentifonnés par
le Timor‑Leste (c’est‑à‑dire l’arbitrage en cours, l’affaire portée devant la

Cour et d’éventuelles futures négociations relatives à la déflimitation mari ‑
time entre le Timor‑Leste et l’Australie) et protégeait donc les fdroits plau ‑
sibles invoqués par le Timor‑Leste, qui, selon lui, auraient subi un fpréjudice
irréparable si l’Australie avait eu accès aux éléments enf cause. Rien dans le
dossier de l’affaire ne donnait à penser que l’Australie n’fétait pas en mesure

d’honorer son engagement. Dès lors, je considère qu’il existfait, tout au plus,
un risque négligeable que les éléments en cause fussent communifqués à une
quelconque personne prenant part à l’arbitrage en cours, à la pfrésente ins ‑
tance ou à de futures négociations bilatérales relatives à lfa mer de Timor.
15. Contrairement aux vues que j’ai exprimées sur le point de savoir sfi

le risque de préjudice irréparable justifiait l’indication def mesures conser ‑
vatoires, la Cour a insisté sur le fait que l’Australie avait affifrmé que
l’ASIO conserverait les éléments sous scellés seulement jusqfu’à ce qu’elle
ait statué sur la demande en indication de mesures conservatoires (vfoir
ordonnance, par. 39 et 46). Cela ne change cependant rien au fait que les
assurances contenues dans l’engagement, notamment au quatrième poifnt,

demeuraient valables jusqu’à ce que la Cour ait rendu sa décisifon défini ‑
tive. C’est donc ce quatrième point — et non la décision antérieure et
distincte de l’Australie de conserver les éléments sous scellés pendant
l’examen par la Cour de la demande en indication de mesures conserva ‑
toires — qui permettait d’éviter qu’un préjudice irréparable fne soit causé

aux droits invoqués par le Timor‑Leste dans le cas où les éléfments en
cause tomberaient entre de mauvaises mains.
16. A la lumière de ce qui précède, ma conclusion est que les premifère
et deuxième mesures conservatoires n’étaient pas nécessairesf pour proté ‑
ger les droits plausibles invoqués par le Timor‑Leste en l’espèfce et que,

partant, elles ne satisfaisaient pas au critère requis pour l’indication de
mesures conservatoires. En particulier, la deuxième mesure conservatofire
impose à l’Australie de conserver les éléments en cause sousf scellés jusqu’à
toute nouvelle décision de la Cour. Il s’ensuit que cet Etat doit fs’abstenir
de faire quelque usage que ce soit desdits éléments, y compris tout usage
qui n’aurait aucune incidence sur les droits allégués par le Tifmor‑Leste.

17. De ce point de vue, la deuxième mesure conservatoire est difficile ‑
ment conciliable avec le passage de l’ordonnance dans lequel la Cour pré ‑

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8 CIJ1061.indb 265 25/03/15 08:46 saisie et détention (fop. ind. donoghue) 212

cise que l’indication de mesures conservatoires a pour objet « de
sauvegarder … les droits revendiqués par chacune des parties » et que « la

Cour doit se préoccuper de sauvegarder par de telles mesures les droifts
que l’arrêt qu’elle aura ultérieurement à rendre pourraitf reconnaître à
l’une ou à l’autre des parties » (ordonnance, par. 22).
18. Dans son ordonnance, la Cour a jugé que certains droits invoqués
dans la demande en indication de mesures conservatoires étaient plau ‑

sibles, et mis l’accent sur le droit revendiqué par le Timor‑Lestef de com ‑
muniquer librement avec ses conseils au sujet de l’arbitrage et d’fautres
questions relatives à des négociations internationales, droit qui,f selon la
Cour, «pourrait être inféré du principe de l’égalité souveraifne des Etats»,
énoncé dans la Charte des Nations Unies (ibid., par. 27). Si le principe de
l’égalité souveraine est inattaquable, il incombera à la Coufr, au stade de

l’examen au fond, de déterminer quels sont les droits et obligatiofns précis
qui en découlent dans les circonstances particulières de l’espèfce.
19. En revanche, la Cour n’a pas tenu compte du fait que l’Australie
avait répondu aux arguments du Timor‑Leste en invoquant ses propres
«droits souverains … de protéger sa sécurité nationale et d’exercer sa

compétence pénale sur son propre territoire », qui, selon elle, subiraient
un préjudice si les mesures conservatoires sollicitées étaient findiquées.
L’Australie — tout comme le Timor‑Leste — a donc invoqué un principe
bien établi, celui selon lequel un Etat peut exercer sa compétencef d’exécu ‑
tion sur son propre territoire. Or, ainsi que cela ressort de l’arrêft rendu

par la Cour en l’affaire relative aux Immunités juridictionnelles de l’Etat
(Allemagne c. Italie ; Grèce (intervenant)) (C.I.J. Recueil 2012 (I),
p. 123‑124, par. 57), les principes sur lesquels se fondent les Parties à une
instance ne sont pas toujours compatibles. L’interaction entre les
deux principes susmentionnés et les droits et obligations qui en découlfent
et sont applicables en l’espèce font donc partie des questions surf lesquelles

il conviendra de se pencher lors de l’examen au fond.
20. Le régime établi par l’engagement de l’Attorney‑General aurait per ‑
mis d’empêcher qu’un préjudice irréparable soit causé faux droits invoqués
par le Timor‑Leste, que la Cour a jugés plausibles. Il n’aurait cependant
pas empêché l’Australie d’utiliser les éléments en caufse aux fins de faire

appliquer son droit pénal sur son territoire, à condition que parefille utili ‑
sation ait été conforme audit engagement. Ce régime aurait doncf permis
d’écarter le risque qu’un préjudice irréparable soit causfé au Timor‑Leste,
question dont la Cour était saisie, sans pour autant porter atteinte aux
droits invoqués par l’Australie, qui pourraient ultérieurement fêtre recon ‑

nus comme étant les siens. A l’inverse, la deuxième mesure conservatoire
empêche l’Australie d’utiliser les éléments en cause pourf faire appliquer
ses lois, quand bien même cela ne porterait pas préjudice aux droifts plau ‑
sibles invoqués par le Timor‑Leste.
21. Il est compréhensible que la Cour soit vigilante lorsqu’elle conçfoit
des mesures conservatoires visant à empêcher que soit causé un fpréjudice

réellement irréparable, tel que celui qu’aurait pu subir le Timfor‑Leste en
l’espèce. Cependant, compte tenu de la faible probabilité que cfela se pro ‑

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8 CIJ1061.indb 267 25/03/15 08:46 saisie et détention (fop. ind. donoghue) 213

duise, il est particulièrement regrettable que la Cour ait indiquéf une

mesure qui semble restreindre tout éventuel usage des éléments fne ris ‑
quant pas de causer pareil préjudice au Timor‑Leste.

B. La troisième mesure cofnservatoire indiquéef par la Cour

22. S’agissant de la probabilité qu’un préjudice irréparable fsoit causé
aux droits invoqués par le Timor‑Leste, ma conclusion est différfente pour
ce qui concerne la troisième mesure conservatoire indiquée par la fCour, à
laquelle je souscris. Cette mesure prévoit que l’Australie ne s’fingérera

d’aucune manière dans les communications entre le Timor‑Leste et sfes
conseillers juridiques ayant trait à l’arbitrage en cours, à l’faffaire dont la
Cour est saisie ou à toute négociation future sur la délimitatifon maritime.
23. Les arguments avancés par l’Australie pour contester la demande
en indication de mesures conservatoires présentée par le Timor‑Lesfte

tendent à indiquer que celle‑ci considère que rien, du point de vufe juri ‑
dique, ne l’empêcherait de s’ingérer dans les communicationsf entre le
Timor‑Leste et ses conseils à l’avenir, dès lors que cela seraift conforme au
droit australien. L’Australie a décidé de ne fournir aucune assfurance à cet
égard, ni dans l’engagement ni d’une autre manière. Par consféquent, si la

troisième mesure conservatoire n’avait pas été indiquée, frien n’aurait
empêché que se reproduise un nouvel incident du type de celui qui fest au
cœur de l’argumentation du Timor‑Leste. Je considère donc que, fcompte
tenu du caractère plausible de certains droits invoqués par le Timfor‑Leste,
la troisième mesure conservatoire était appropriée.

(Signé) Joan E. Donoghue.

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8 CIJ1061.indb 269 25/03/15 08:46

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208

SEPARATE OPINION OF JUDGE DONOGHUE

1. Certain circumstances giving rise to the present case are not in dis ‑
pute. During the pendency of State‑to‑State arbitration, one State seizefd
documents and data from the office of counsel to the opposing State (ffor
convenience, I refer to all seized documents, data and material as “tfhe

Material”). The Court has only limited information about the contentf of
the Material, which Timor‑Leste describes as addressing not only a legalf
dispute that is currently the subject of arbitration (the Timor Sea Trefaty
Arbitration) — including communications between itself and its coun ‑
sel — but also Timor‑Leste’s negotiating position and strategy with

regard to questions of maritime delimitation between the two States.

2. This sequence of events surely should give pause to anyone con ‑
cerned with the integrity of international dispute settlement. The questfion

whether the seizure of the Material is lawful, however, is a matter for fthe
merits and is not addressed today by the Court or by this separate opin ‑
ion. I write this opinion to set out my reasons for voting with the majofrity
of my colleagues in respect of one provisional measure, while parting
company with them as to the other two provisional measures.

3. Article 41 of the Statute of the Court provides that the Court may
indicate provisional measures “if it considers that circumstances so frequire”.
In recent years, the Court has followed the approach to provisional mea ‑

sures that it took in Questions relating to the Obligation to Prosecute or
Extradite (Belgium v.Senegal)(Provisional Measures, Order of 28 May 2009,
I.C.J. Reports 2009, p. 147, para. 40 ; p. 151, paras. 56‑57 ; pp. 152‑153,
para. 62). As today’s Order indicates, the Court considers whether there
appears, prima facie, to be jurisdiction, whether the rights asserted byf the

requesting party are at least plausible, whether there is a link betweenf the
rights that form the subject‑matter of the proceedings and the provisionfal
measures being sought and whether there is urgency, in the sense that thfere
is a real and imminent risk that irreparable prejudice may be caused to fthe
rights in dispute before the Court renders its final judgment in the cfase.

4. There is much common ground between my own views and those
expressed in the Order. I agree with my colleagues that there is prima
facie jurisdiction in this case, that at least some of the rights assertfed by
Timor‑Leste are plausible and that there is a link between the measures f
sought and the rights asserted by Timor‑Leste in its Application.

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8 CIJ1061.indb 258 25/03/15 08:46 208

OPINION INDIVIDUELLE DE M me LA JUGE DONOGHUE

[Traduction]

1. Certaines des circonstances à l’origine de la présente espècfe ne sont
pas contestées. Un Etat, opposé à un autre dans le cadre d’ufne procédure
d’arbitrage, a saisi des documents et données dans les locaux proffessionnels
d’un conseil juridique du second (par commodité, l’ensemble defs docu ‑

ments, données et éléments saisis seront dénommés ci‑aprèfs «les éléments
en cause»). La Cour ne dispose que de peu d’informations sur le contenu
des éléments en cause qui, selon le Timor‑Leste, se rapportent nonf seule ‑
ment à un différend juridique faisant actuellement l’objet d’fune procédure
d’arbitrage (l’arbitrage en vertu du traité sur la mer de Timofr) — notam ‑

ment des communications entre cet Etat et son conseil —, mais également
à la position et à la stratégie du Timor‑Leste dans le cadre def négociations
relatives à la délimitation maritime entre les deux Etats.
2. Les événements susmentionnés donneront assurément à réffléchir à
quiconque se soucie de l’intégrité des procédures de règlfement des diffé ‑

rends internationaux. La question de savoir si la saisie des élémefnts en
cause est ou non licite a cependant trait au fond ; à ce titre, elle n’a pas été
examinée par la Cour dans son ordonnance, et ne le sera pas dans la pfré ‑
sente opinion individuelle. J’exposerai ci‑après les raisons pour lesquelles
j’ai voté avec la majorité de mes collègues en faveur de l’findication d’une

mesure conservatoire, alors que je ne me suis pas associée à eux efn ce qui
concerne les deux autres.
3. L’article 41 du Statut de la Cour dispose que celle‑ci peut indiquer des
mesures conservatoires «si elle estime que les circonstances l’exigent». Ces
dernières années, la Cour a suivi, s’agissant de l’indication de mesures conser‑

vatoires, l’approche qu’elle avait adoptée dans l’affaire frelative à des Que‑s
tions concernant l’obligation de poursuivre ou d’extrader (Belgiqu ▯ e c. Sénégal)
(mesures conservatoires, ordonnance du 28 mai 2009, C.I.J. Recueil 2009,
p. 147, par. 40; p. 151, par. 56‑57; p. 152‑153, par. 62). Ainsi qu’elle l’a rap
pelé dans son ordonnance, la Cour examine les points de savoir si ellfe a

prima facie compétence, si les droits invoqués par la partie demanderesse sonft
au moins plausibles, s’il existe un lien entre les droits qui font l’fobjet de l’ins
tance et les mesures conservatoires sollicitées, et s’il y a urgenfce, c’est‑à‑dire
s’il existe un risque réel et imminent qu’un préjudice irréfparable soit causé
aux droits en litige, avant qu’elle ne rende sa décision défifnitive en l’affaire.

4. A bien des égards, je partage les vues qui ont été expriméesf dans l’or ‑
donnance. Ainsi, je suis d’accord avec mes collègues pour considéfrer que la
Cour avait prima facie compétence en la présente espèce, qu’au moins cer ‑
tains des droits allégués par le Timor‑Leste étaient plausiblesf et qu’il existait
un lien entre les mesures sollicitées et les droits que ce dernier infvoque dans

sa requête.

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8 CIJ1061.indb 259 25/03/15 08:46 209 seizure and detentiofn (sep. op. donoghue)

5. This brings me to the assessment of the risk of irreparable prejudice
to the plausible rights asserted by Timor‑Leste in this case. My approacfh

to this question differs from the approach that the Court has taken.
Recalling the standard established in Article 41, I consider that a risk of
irreparable prejudice in the circumstances of this case “requires”f the
imposition of the third provisional measure, but not the first or the fsec ‑
ond. I have voted against the first two provisional measures because If

conclude that the 21 January 2014 undertaking made by Australia’s
Attorney‑General to the Court (the “Undertaking”), addresses thef risk of
irreparable prejudice that is the focus of those two measures. I have voted
in favour of the third provisional measure because Australia has not
taken comparable steps to address prospective acts of interference with f
communications between Timor‑Leste and its legal advisers with regard

to the pending arbitration, future proceedings relating to maritime delifm ‑
itation, or other related procedures, including the present case.

A. The First and Second Profvisional Measures
Indicated by the Court

6. As noted above, the Court has stated that it will exercise the power
to indicate provisional measures only if there is a real and imminent rifsk

that irreparable prejudice may be caused to the rights in dispute beforef
the Court gives its final judgment (see, e.g., Certain Activities Carried Out
by Nicaragua in the Border Area (Costa Rica v. Nicaragua), Provisional
Measures, Order of 8 March 2011, I.C.J. Reports 2011 (I), pp. 21‑22,
para. 63). As I see it, a determination of whether there is a real and immi ‑
nent risk of irreparable prejudice calls, first, for an assessment of fwhether

any prejudice would be irreparable, and, secondly, for an evaluation of f
the probability that such irreparable prejudice will occur before the
Court’s final judgment, in the absence of provisional measures. (Tfhe
urgency of the requested measures also must be taken into account, but, f
for present purposes, I do not focus on this additional requirement.)

7. The Court has not always been clear about whether the requesting
party must address not only whether the prejudice to its asserted rightsf
would be irreparable, but also the probability that such irreparable prefju ‑
dice will occur. This case illustrates the importance of considering botfh

aspects of the risk of irreparable prejudice. The Court has decided thatf if
the Material is divulged to “any person or persons involved or likelyf to be
involved” in the pending arbitration between Timor‑Leste and Australifa
or in “future maritime negotiations” between the Parties, certain frights
asserted by Timor‑Leste could be irreparably prejudiced (Order, para. 42).
I agree with this conclusion. I differ with the Court’s decision tof indicate

the first and second provisional measures, however, because I believe fthat
the Undertaking addresses the risk that such irreparable prejudice will f

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8 CIJ1061.indb 260 25/03/15 08:46 saisie et détention (fop. ind. donoghue) 209

5. Cela m’amène à la question de savoir s’il existait un risquef que soit
causé un préjudice irréparable aux droits plausibles invoquéfs par le

Timor‑Leste. Sur ce point, mon approche diffère de celle qu’a sufivie la
Cour. Au vu du critère énoncé à l’article 41, j’estime que le risque de pré ‑
judice irréparable, dans les circonstances de l’espèce, « exige[ait]» en effet
que la troisième mesure conservatoire fût indiquée, mais pas la première
ni la deuxième. Si j’ai voté contre ces deux premières mesures, c’est parce

que je considère que l’engagement pris devant la Cour par l’Attorney‑
General de l’Australie le 21 janvier 2014 (ci‑après, l’« engagement») per ‑
mettait d’écarter le risque de préjudice irréparable qui a sfuscité l’indication
de ces deux mesures. En revanche, j’ai voté en faveur de la troisième mesurfe
conservatoire parce que l’Australie n’a pas pris d’initiative sfimilaire pour
prévenir d’éventuels actes d’ingérence dans les communicaftions échangées

entre le Timor‑Leste et ses conseillers juridiques au sujet de l’arbiftrage en
cours, d’une future procédure concernant la délimitation maritifme, ou de
toute autre procédure qui s’y rapporte, dont la présente instanfce.

A. Les première et deuxièfme mesures conservatfoires
indiquées par la Cour

6. Ainsi que cela a été rappelé ci‑dessus, la Cour a précisé qu’elle
n’exercerait son pouvoir d’indiquer des mesures conservatoires que

s’il existait un risque réel et imminent qu’un préjudice irréparafble soit
causé aux droits en litige avant qu’elle ne rende sa décision dféfinitive
(voir, par exemple, Certaines activités menées par le Nicaragua dans la
région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua), mesures conservatoires,
ordonnance du 8 mars 2011, C.I.J. Recueil 2011 (I), p. 21‑22, par. 63).
Pour déterminer s’il existe un risque réel et imminent de préfjudice irrépa ‑

rable, il convient selon moi, premièrement, de rechercher si un évfentuel
préjudice serait irréparable et, deuxièmement, d’appréciefr la probabilité
que pareil préjudice se produise, en l’absence de mesures conservatoires,
avant que la Cour ne rende sa décision définitive. (Le caractèfred’urgence
des mesures sollicitées doit aussi être pris en considération, fmais, aux fins

du présent examen, je laisserai de côté cette exigence supplémentaire.)
7. La Cour n’a pas toujours été claire sur le point de savoir si lfa partie
demanderesse doit établir non seulement que le préjudice causé aux droits
qu’elle invoque serait irréparable, mais aussi qu’il est probabfle que ceux‑ci
subissent pareil préjudice. Or, la présente affaire montre qu’fil est impor ‑

tant que ces deux aspects du risque de préjudice irréparable soienft exami‑
nés. La Cour a jugé que, si les éléments en cause étaientf divulgués à «une
quelconque personne participant ou susceptible de participer » à l’arbi‑
trage en cours entre le Timor‑Leste et l’Australie ou à de « futures négo‑
ciations maritimes » entre les Parties, certains des droits allégués par le
Timor‑Leste pourraient subir un préjudice irréparable (ordonnancef,

par. 42). Je souscris à cette conclusion. Je ne suis cependant pas d’afccord
avec la décision de la Cour d’indiquer les première et deuxièfme mesures

66

8 CIJ1061.indb 261 25/03/15 08:46 210 seizure and detentiofn (sep. op. donoghue)

occur. By contrast, the Court apparently considers that, despite the
Undertaking, the possibility of the information being divulged is serioufs

enough to justify the measures indicated (Order, para. 46).

8. To explain my reasoning, it is necessary to look closely at the key
elements of the Undertaking. At the outset, I recall that Australia toldf the

Court that the Attorney‑General has the authority to bind Australia as af
matter of international law. I summarize below four key provisions of the
Undertaking that relate to the Material (ibid., para. 38).

9. First, the Attorney‑General states that he has directed the Austra ‑
lian Security Intelligence Organisation (ASIO) not to communicate the

Material or information derived from it “to any person for any purpose
other than national security purposes (which include potential law
enforcement referrals and prosecutions) until final judgment in this fpro ‑
ceeding or until further or earlier order from the Court”.

10. Secondly, the Undertaking states that the Attorney‑General will
not make himself aware of the content of the Material or information
derived therefrom. It further states that should he become aware of any f
circumstances that “would make it necessary” for him to become infformed

about the Material, he “will first bring that fact to the attentionf of the
Court, at which time further undertakings will be offered”.

11. Thirdly, the Undertaking states that the Material “will not be used
by any part of the Australian Government for any purpose other than
national security purposes (which include potential law enforcement

referrals and prosecutions)”.

12. Fourthly, the Undertaking states that,

“[w]ithout limiting the above, the Material, or any information
derived from the Material, will not be made available to any part of
the Australian Government for any purpose relating to the exploita ‑
tion of resources in the Timor Sea or related negotiations, or relating

to the conduct of : (a) these proceedings ; and (b) the proceedings in
the Arbitral Tribunal referred to [above]”.

(For ease of reference, I refer to this part of the Undertaking as the
“Fourth Commitment”.) In response to a question posed by a Memberf of
the Court during the hearing, Australia clarified that the phrase “fwithout
limiting the above” means that “matters concerning the Timor Sea afnd
related negotiations, as well as the conduct of these proceedings and off the
Tribunal, fall outside the ‘national security’ purpose” referrefd to in the

Undertaking. This makes clear that even a national security purpose
would not justify dissemination of the Material or information derived

67

8 CIJ1061.indb 262 25/03/15 08:46 saisie et détention (fop. ind. donoghue) 210

conservatoires, car je considère que l’engagement de l’Australife permet ‑
tait d’écarter le risque que soit causé pareil préjudice. Laf Cour, quant à

elle, a semble‑t‑il estimé que, en dépit de l’engagement, le risque que des
informations soient divulguées était suffisamment sérieux pourf justifier
l’indication desdites mesures (ordonnance, par. 46).
8. Afin d’expliquer mon raisonnement, j’examinerai attentivement lefs
principaux aspects de l’engagement en question. Pour commencer, je rafp ‑

pellerai que l’Australie a dit à la Cour que l’Attorney‑General avait le
pouvoir de prendre des engagements liant cet Etat au regard du droit
international. Je résumerai ci‑après quatre dispositions essentielles de
l’engagement ayant trait aux éléments en cause (ibid., par. 38).
9. Premièrement, l’Attorney‑General déclare qu’il a donné pour ins ‑
truction à l’agence australienne de renseignement intérieur (lf’«ASIO») de

ne pas communiquer les éléments en cause ou les informations qui efn
découleraient «à quiconque et à quelque fin que ce soit, hormis pour des
questions de sécurité nationale (notamment dans le cadre de la safisine des
autorités chargées de l’application de la loi et de poursuites)f, jusqu’à ce
que la Cour ait définitivement statué dans la présente procédure ou qu’elle

en ait décidé autrement à un stade ultérieur ou antérieurf».
10. Deuxièmement, il est indiqué dans l’engagement que l’Attorney‑
General ne prendra pas connaissance du contenu des éléments ou des
informations qui en découleraient. Il est en outre précisé que,f dans le cas
où serait portée à la connaissance de l’Attorney‑General une circonstance,

quelle qu’elle soit, qui « nécessiterait» qu’il prenne connaissance desdits
éléments, il «en informer[ait] tout d’abord la Cour, et … prendr[ait] alors
devant elle d’autres engagements ».
11. Troisièmement, l’Attorney‑General déclare dans ce document
«qu’aucune entité du Gouvernement australien n’utilise[ra] lesdifts élé ‑
ments à quelque fin que ce soit, hormis pour des questions de séfcurité

nationale (notamment dans le cadre de la saisine des autorités chargfées de
l’application de la loi et de poursuites) ».
12. Quatrièmement, on peut lire dans l’engagement que,

«sans préjudice de ce qui précède, … aucune entité du Gouverne ‑
ment australien ne [pourra] avoir accès auxdits éléments et àf toutes
informations qui en découleraient à toute fin ayant trait à lf’exploita ‑
tion des ressources de la mer de Timor ou aux négociations à ce

sujet, ou à la conduite de : a) la présente procédure et b) l’arbitrage
[sus]mentionné ».

(Par commodité, j’appellerai ce volet de l’engagement le « quatrième
point».) En réponse à une question posée par un membre de la Coufr à
l’audience, l’Australie a précisé que l’expression « sans préjudice de ce qui
précède» signifiait que « les questions concernant la mer de Timor et les
négociations y afférentes, ainsi que la conduite des procédurfes devant la
présente Cour et le tribunal, ne relevaient pas des questions de « sécurité

nationale»» auxquelles il est fait référence dans l’engagement. Il en res ‑
sort donc clairement que pas même une question de sécurité natifonale

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8 CIJ1061.indb 263 25/03/15 08:46 211 seizure and detentiofn (sep. op. donoghue)

from it to any individual for the purposes described by the Fourth Com ‑
mitment.

13. The Undertaking remains in effect until final judgment in this case,f
a point that Australia affirmed during the oral proceedings.
14. Thus, an official with the authority to bind Australia under inter ‑
national law has told the Court that the Material and information derived
from it will not be made available for the purposes described by the

Fourth Commitment until the Court has rendered its final judgment. As f
the Court has stated, Australia’s good faith in complying with its commit ‑
ments set forth in the Undertaking is to be presumed (Order, para. 44).
The scope of the Fourth Commitment encompasses all forms of dispute
resolution referred to by Timor‑Leste (that is, the pending arbitrationf, the
case before this Court and potential future maritime delimitation negotia ‑

tions between Timor‑Leste and Australia) and thus protects rights
asserted by Timor‑Leste that are plausible and that, according to Timor‑f
Leste, could be irreparably prejudiced by Australia’s access to the Mfat‑
erial. There is nothing in the record that suggests that Australia lacksf
capacity to give effect to the Undertaking. Under these circumstances,f I

consider that there is at most a remote possibility that the Material wifll be
divulged to anyone involved in the pending arbitration, in these proceedf ‑
ings or in future bilateral negotiations relating to the Timor Sea.

15. In contrast to my assessment of whether the risk of irreparable

prejudice merits interim protection, the Court places emphasis on the fafct
that Australia has stated that ASIO will keep the Material under seal onfly
until the Court has reached its decision on the request for provisional f
measures (see Order, paras. 39 and 46). This observation does not change
the fact that commitments made in the Undertaking, including the Fourth f
Commitment, will remain in effect until the Court’s final judgmenft. It is

this Fourth Commitment — not the separate, earlier decision by Austra ‑
lia to keep the Material under seal while the Court considers the requesft
for provisional measures — that guards against the irreparable prejudice
to the rights asserted by Timor‑Leste that would result if the Material fell
into the wrong hands.

16. In view of the above considerations, I conclude that the first and
second provisional measures are not required to protect the plausible
rights that Timor‑Leste has asserted in this case and thus do not meet the

applicable standard for the imposition of provisional measures. In par ‑
ticular, the second provisional measure requires Australia to keep the
Material under seal until further decision of the Court. This means thatf
Australia must refrain from any use of the Material, thus foreclosing pofs ‑
sible uses of the Material that might have no implications for the rights
that Timor‑Leste has asserted.

17. In this regard, the second provisional measure is difficult to recon ‑
cile with the Court’s statement in the Order that the imposition of pfrovi‑

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8 CIJ1061.indb 264 25/03/15 08:46 saisie et détention (fop. ind. donoghue) 211

n’aurait justifié de diffuser les éléments en cause ou lfes informations en
découlant à qui que soit aux fins visées au quatrième poinft.

13. Ainsi que l’Australie l’a confirmé à l’audience, l’efngagement restait
valable jusqu’à ce que la Cour ait définitivement statué efn l’espèce.
14. Ainsi, un représentant de l’Australie ayant le pouvoir de prendre fdes
engagements liant cet Etat au regard du droit international a assuré fla Cour
que les éléments en cause et les informations qui en découleraifent ne seraient

pas divulgués aux fins visées au quatrième point avant que ceflle‑ci ait rendu
son arrêt en la présente affaire. Or, comme la Cour l’a préfcisé, il devait être
présumé que l’Australie se conformerait de bonne foi aux assurafnces conte ‑
nues dans l’engagement (ordonnance, par. 44) ; par ailleurs, le quatrième
point englobait tous les modes de règlement des différends mentifonnés par
le Timor‑Leste (c’est‑à‑dire l’arbitrage en cours, l’affaire portée devant la

Cour et d’éventuelles futures négociations relatives à la déflimitation mari ‑
time entre le Timor‑Leste et l’Australie) et protégeait donc les fdroits plau ‑
sibles invoqués par le Timor‑Leste, qui, selon lui, auraient subi un fpréjudice
irréparable si l’Australie avait eu accès aux éléments enf cause. Rien dans le
dossier de l’affaire ne donnait à penser que l’Australie n’fétait pas en mesure

d’honorer son engagement. Dès lors, je considère qu’il existfait, tout au plus,
un risque négligeable que les éléments en cause fussent communifqués à une
quelconque personne prenant part à l’arbitrage en cours, à la pfrésente ins ‑
tance ou à de futures négociations bilatérales relatives à lfa mer de Timor.
15. Contrairement aux vues que j’ai exprimées sur le point de savoir sfi

le risque de préjudice irréparable justifiait l’indication def mesures conser ‑
vatoires, la Cour a insisté sur le fait que l’Australie avait affifrmé que
l’ASIO conserverait les éléments sous scellés seulement jusqfu’à ce qu’elle
ait statué sur la demande en indication de mesures conservatoires (vfoir
ordonnance, par. 39 et 46). Cela ne change cependant rien au fait que les
assurances contenues dans l’engagement, notamment au quatrième poifnt,

demeuraient valables jusqu’à ce que la Cour ait rendu sa décisifon défini ‑
tive. C’est donc ce quatrième point — et non la décision antérieure et
distincte de l’Australie de conserver les éléments sous scellés pendant
l’examen par la Cour de la demande en indication de mesures conserva ‑
toires — qui permettait d’éviter qu’un préjudice irréparable fne soit causé

aux droits invoqués par le Timor‑Leste dans le cas où les éléfments en
cause tomberaient entre de mauvaises mains.
16. A la lumière de ce qui précède, ma conclusion est que les premifère
et deuxième mesures conservatoires n’étaient pas nécessairesf pour proté ‑
ger les droits plausibles invoqués par le Timor‑Leste en l’espèfce et que,

partant, elles ne satisfaisaient pas au critère requis pour l’indication de
mesures conservatoires. En particulier, la deuxième mesure conservatofire
impose à l’Australie de conserver les éléments en cause sousf scellés jusqu’à
toute nouvelle décision de la Cour. Il s’ensuit que cet Etat doit fs’abstenir
de faire quelque usage que ce soit desdits éléments, y compris tout usage
qui n’aurait aucune incidence sur les droits allégués par le Tifmor‑Leste.

17. De ce point de vue, la deuxième mesure conservatoire est difficile ‑
ment conciliable avec le passage de l’ordonnance dans lequel la Cour pré ‑

68

8 CIJ1061.indb 265 25/03/15 08:46 212 seizure and detentiofn (sep. op. donoghue)

sional measures has as its object “the preservation of the respectivef rights
claimed by the parties” and that “the Court must be concerned to pfre ‑

serve by such measures the rights which may subsequently be adjudged by f
it to belong to either party” (Order, para. 22).

18. The Order finds certain rights asserted by Timor‑Leste to be plau ‑
sible, placing emphasis on Timor‑Leste’s asserted right to communicatfe

freely with its counsel regarding arbitration and other matters relatingf to
international negotiations — a right which, as the Court states, “might be
derived from the principle of sovereign equality of States” enshrinedf in
the United Nations Charter (ibid., para. 27). The principle of sovereign
equality is unassailable, but the precise rights and obligations that flfow
from it in the particular circumstances of this case remain to be addresfsed

at the merits phase.

19. The Court does not take into account the fact that Australia
responded to Timor‑Leste’s arguments by asserting its own “sovereign
rights to protect its national security and enforce its criminal jurisdifction

in its own territory”, which, according to Australia, will suffer pfrejudice if
the requested provisional measures are indicated. Thus, Australia, like
Timor‑Leste, has invoked a well‑established principle — that a State may
exercise enforcement jurisdiction within its territory. The principles ofn
which the Parties rely do not always easily co‑exist, as can be seen in fthe

Court’s Judgment in Jurisdictional Immunities of the State (Germany v.
Italy: Greece intervening) (I.C.J. Reports 2012 (I), pp. 123‑124, para. 57).
The interplay of the two principles and the resulting rights and obliga ‑
tions that apply in this case are among the matters to be considered at fthe
merits phase.

20. The régime established by the Undertaking would address the risk
of irreparable prejudice to the rights asserted by Timor‑Leste that the f
Court considers plausible. It would do so, however, without precluding
Australia from using the Material in connection with efforts to enforcfe its

criminal laws within its territory, so long as such use is consistent wifth the
Undertaking. It thus offers a means to address the risk of irreparablef
prejudice to Timor‑Leste with which the Court is concerned, without
infringing upon rights that Australia has asserted and that may later bef
found to appertain to it. In contrast, the second provisional measure bafrs

Australia from using the Material in connection with law enforcement
activity, even when such activity would not prejudice plausible rights
asserted by Timor‑Leste.

21. It is understandable that the Court wishes to be vigilant in crafting
interim relief that targets harm that is truly irreparable, such as the fpreju‑

dice that Timor‑Leste could face here. Given that the likelihood of suchf
prejudice is remote, however, it is especially unfortunate that the Courft

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8 CIJ1061.indb 266 25/03/15 08:46 saisie et détention (fop. ind. donoghue) 212

cise que l’indication de mesures conservatoires a pour objet « de
sauvegarder … les droits revendiqués par chacune des parties » et que « la

Cour doit se préoccuper de sauvegarder par de telles mesures les droifts
que l’arrêt qu’elle aura ultérieurement à rendre pourraitf reconnaître à
l’une ou à l’autre des parties » (ordonnance, par. 22).
18. Dans son ordonnance, la Cour a jugé que certains droits invoqués
dans la demande en indication de mesures conservatoires étaient plau ‑

sibles, et mis l’accent sur le droit revendiqué par le Timor‑Lestef de com ‑
muniquer librement avec ses conseils au sujet de l’arbitrage et d’fautres
questions relatives à des négociations internationales, droit qui,f selon la
Cour, «pourrait être inféré du principe de l’égalité souveraifne des Etats»,
énoncé dans la Charte des Nations Unies (ibid., par. 27). Si le principe de
l’égalité souveraine est inattaquable, il incombera à la Coufr, au stade de

l’examen au fond, de déterminer quels sont les droits et obligatiofns précis
qui en découlent dans les circonstances particulières de l’espèfce.
19. En revanche, la Cour n’a pas tenu compte du fait que l’Australie
avait répondu aux arguments du Timor‑Leste en invoquant ses propres
«droits souverains … de protéger sa sécurité nationale et d’exercer sa

compétence pénale sur son propre territoire », qui, selon elle, subiraient
un préjudice si les mesures conservatoires sollicitées étaient findiquées.
L’Australie — tout comme le Timor‑Leste — a donc invoqué un principe
bien établi, celui selon lequel un Etat peut exercer sa compétencef d’exécu ‑
tion sur son propre territoire. Or, ainsi que cela ressort de l’arrêft rendu

par la Cour en l’affaire relative aux Immunités juridictionnelles de l’Etat
(Allemagne c. Italie ; Grèce (intervenant)) (C.I.J. Recueil 2012 (I),
p. 123‑124, par. 57), les principes sur lesquels se fondent les Parties à une
instance ne sont pas toujours compatibles. L’interaction entre les
deux principes susmentionnés et les droits et obligations qui en découlfent
et sont applicables en l’espèce font donc partie des questions surf lesquelles

il conviendra de se pencher lors de l’examen au fond.
20. Le régime établi par l’engagement de l’Attorney‑General aurait per ‑
mis d’empêcher qu’un préjudice irréparable soit causé faux droits invoqués
par le Timor‑Leste, que la Cour a jugés plausibles. Il n’aurait cependant
pas empêché l’Australie d’utiliser les éléments en caufse aux fins de faire

appliquer son droit pénal sur son territoire, à condition que parefille utili ‑
sation ait été conforme audit engagement. Ce régime aurait doncf permis
d’écarter le risque qu’un préjudice irréparable soit causfé au Timor‑Leste,
question dont la Cour était saisie, sans pour autant porter atteinte aux
droits invoqués par l’Australie, qui pourraient ultérieurement fêtre recon ‑

nus comme étant les siens. A l’inverse, la deuxième mesure conservatoire
empêche l’Australie d’utiliser les éléments en cause pourf faire appliquer
ses lois, quand bien même cela ne porterait pas préjudice aux droifts plau ‑
sibles invoqués par le Timor‑Leste.
21. Il est compréhensible que la Cour soit vigilante lorsqu’elle conçfoit
des mesures conservatoires visant à empêcher que soit causé un fpréjudice

réellement irréparable, tel que celui qu’aurait pu subir le Timfor‑Leste en
l’espèce. Cependant, compte tenu de la faible probabilité que cfela se pro ‑

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8 CIJ1061.indb 267 25/03/15 08:46 213 seizure and detentiofn (sep. op. donoghue)

has imposed a provisional measure that appears to restrict possible uses

of the Material that would not cause any irreparable prejudice to
Timor‑Leste.

B. The Third Provisional Mefasure Indicated by the fCourt

22. I reach a different conclusion about the probability of irreparable
prejudice to the rights asserted by Timor‑Leste when I consider the thirfd
provisional measure indicated by the Court, which I support. That mea ‑
sure states that Australia shall not interfere in any way in communica ‑

tions between Timor‑Leste and its legal advisers in connection with the f
pending arbitration, the proceedings before this Court or future negotiaf ‑
tions concerning maritime delimitation.
23. Australia’s arguments opposing Timor‑Leste’s request for provi ‑
sional measures suggest that Australia sees no legal impediment to interf‑

fering with communications between Timor‑Leste and its counsel in the
future, so long as such actions comply with Australian law. Australia
chose not to provide assurances concerning this matter in the Undertak ‑
ing or elsewhere. As a result, absent the imposition of the third provi ‑
sional measure, there is no safeguard against another incident of the tyfpe

that forms the core of Timor‑Leste’s case. Under these circumstances fand
in light of the plausibility of certain rights that Timor‑Leste has assefrted,
I find the third provisional measure appropriate.

(Signed) Joan E. Donoghue.

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8 CIJ1061.indb 268 25/03/15 08:46 saisie et détention (fop. ind. donoghue) 213

duise, il est particulièrement regrettable que la Cour ait indiquéf une

mesure qui semble restreindre tout éventuel usage des éléments fne ris ‑
quant pas de causer pareil préjudice au Timor‑Leste.

B. La troisième mesure cofnservatoire indiquéef par la Cour

22. S’agissant de la probabilité qu’un préjudice irréparable fsoit causé
aux droits invoqués par le Timor‑Leste, ma conclusion est différfente pour
ce qui concerne la troisième mesure conservatoire indiquée par la fCour, à
laquelle je souscris. Cette mesure prévoit que l’Australie ne s’fingérera

d’aucune manière dans les communications entre le Timor‑Leste et sfes
conseillers juridiques ayant trait à l’arbitrage en cours, à l’faffaire dont la
Cour est saisie ou à toute négociation future sur la délimitatifon maritime.
23. Les arguments avancés par l’Australie pour contester la demande
en indication de mesures conservatoires présentée par le Timor‑Lesfte

tendent à indiquer que celle‑ci considère que rien, du point de vufe juri ‑
dique, ne l’empêcherait de s’ingérer dans les communicationsf entre le
Timor‑Leste et ses conseils à l’avenir, dès lors que cela seraift conforme au
droit australien. L’Australie a décidé de ne fournir aucune assfurance à cet
égard, ni dans l’engagement ni d’une autre manière. Par consféquent, si la

troisième mesure conservatoire n’avait pas été indiquée, frien n’aurait
empêché que se reproduise un nouvel incident du type de celui qui fest au
cœur de l’argumentation du Timor‑Leste. Je considère donc que, fcompte
tenu du caractère plausible de certains droits invoqués par le Timfor‑Leste,
la troisième mesure conservatoire était appropriée.

(Signé) Joan E. Donoghue.

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8 CIJ1061.indb 269 25/03/15 08:46

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Document Long Title

Opinion individuelle de Mme la juge Donoghue

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