Opinion dissidente de M. le juge Keith

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156-20140303-ORD-01-01-EN
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163

OPINION DISSIDENTE DE M. LE JUGE KEITH

[Traduction]

1. Je suis au regret de ne pouvoir m’associer à deux des mesures consfer ‑
vatoires qui ont été indiquées par la Cour, d’autant plus qufe je com ‑
prends, dans une certaine mesure, que le Timor‑Leste ait été «fort meurtri
et choqué» par les actes de l’ASIO auxquels son agent a fait référencfe au
début de la procédure. Je considère néanmoins qu’il n’fa pas été établi que
ces mesures étaient justifiées.

2. Dans sa requête, le Timor‑Leste a invoqué, comme principaux moyensf
juridiques, les droits de propriété et autres droits qu’il déftient à l’égard des
documents et données qu’il adresse à ses représentants et cofnseillers juri ‑
diques, que ceux‑ci ont en leur possession ou ont établis, ou qu’ifl reçoit de
leur part; ces droits étaient invoqués a)à l’égard desdits éléments en général,

b) à l’égard de ceux ayant trait à des conseils juridiques destfinés au Timor‑Leste,
et c) à l’égard de ceux qui s’inscrivent dans le cadre de la préfparation d’un
arbitrage auquel celui‑ci est partie. Selon le Timor‑Leste, « [c]es droits
découlent du droit international coutumier et de tout droit interne pfertinent,
ainsi que de la souveraineté du Timor‑Leste en droit internationa »l. Dans sa

demande en indication de mesures conservatoires, le Timor‑Leste a cependfant
adopté une approche plus large, allant au‑delà de l’arbitrage, fen mentionnant,
parmi les risques qu’il cherchait à éviter, celui que l’Austfralie prenne connais
sance 1) de conseils protégés par le secret professionnel qui lui ont étfé donnés
par ses conseillers au sujet de questions relatives à la mer de Timorf et à ses
ressources, 2) de sa position concernant ces questions, et 3) d’autres questions

traitées dans les documents et données qu’il juge confidentieflles.
3. L’engagement de ne pas communiquer les éléments saisis que
l’Attorney‑General de l’Australie avait pris le 4 décembre 2013 ne visait
que les personnes participant à l’arbitrage, tout comme celui qui a été pris
le 19 décembre devant le tribunal arbitral; le 23 décembre, cet engagement

a été étendu à la présente procédure (paragraphe 37 de l’ordonnance),
sans toutefois l’être aux autres questions soulevées par le Timfor‑Leste
dans sa demande et énumérées à la fin du paragraphe préfcédent.
4. S’il n’est guère surprenant que les prétentions plus larges fque le
Timor‑Leste a formulées dans sa demande déposée le 17 décembre n’aient

pas été prises en compte dans les engagements donnés par l’Afustralie deux
et six jours à peine plus tard — c’est‑à‑dire les 19 et 23 décembre —, il est
inexact de dire, comme celle‑ci l’a fait à l’audience, que ces fquestions ont été
soulevées «pour la toute première fois » au début de la procédure orale.
L’Australie s’est également fourvoyée en déclarant qu’fil aurait été préférable
que le Timor‑Leste donne suite à l’invitation de la Cour de préfsenter des

observations écrites afin que les accusations qu’il avait formulées la veille
fussent précisées; la Cour ne l’y a jamais invité.

20

8 CIJ1061.indb 169 25/03/15 08:46 saisie et détention (fop. diss. keith) 164

5. Lors du premier tour de plaidoiries, le 20janvier 2014, le Timor‑Leste
a mis l’accent sur les points supplémentaires énumérés dafns sa demande

et sur le fait que, selon lui, les engagements pris par l’Attorney‑General
n’avaient pas force obligatoire, du moins sur le plan international. Cela a
conduit l’Australie à déposer, le lendemain, un nouvel engagemefnt de son
Attorney‑General, en date du 21 janvier 2014 (dont un extrait est cité au
paragraphe 10 ci‑après). Désormais, l’engagement de ne pas communi ‑

quer les documents et données 1) s’appliquait jusqu’à ce que la Cour ait
définitivement statué dans la présente procédure ou qu’felle en ait décidé
autrement à un stade ultérieur ou antérieur, et 2) s’étendait à toute «entité
du Gouvernement australien […] à toute fin ayant trait à l’exploitation
des ressources de la mer de Timor ou aux négociations à ce sujet ».
6. Au second tour, ce nouvel engagement a été examiné par l’agefnt et

deux conseils du Timor‑Leste. L’un des conseils a relevé que « [c]e n’[était]
que maintenant que cet engagement s’étend[ait] aux questions de déflimi ‑
tation maritime ». Il a demandé que celui‑ci soit étayé par une prescrip ‑
tion de la Cour portant sur le traitement des éléments en cause. Efn
revanche, il n’a fait état d’aucune lacune particulière dansf ledit engage ‑

ment. L’autre conseil a précisé que la partie timoraise examinefrait atten ‑
tivement l’engagement du 21 janvier 2014 à la lumière des réponses de
l’Australie aux questions posées par des membres de la Cour, sans ffaire
mention de la portée élargie de ce document. Il a cependant ajouté qu’il
serait bon d’entendre l’agent de l’Australie déclarer sans afmbiguïté que

celle‑ci reconnaissait être liée par cet engagement vis‑à‑vis du Timor‑Leste
au regard du droit international. L’agent du Timor‑Leste, quant à flui, a
confirmé que la Partie timoraise attendait avec intérêt les réponses de
l’Australie aux questions qui lui avaient été posées.
7. L’Australie a répondu aux questions des membres de la Cour lors def
son second tour de plaidoieries. Par ailleurs, son agent a confirméf que

l’Attorney‑General avait le pouvoir effectif et manifeste de prendre des
engagements liant l’Australie, tant au regard du droit australien quef du
droit international, ajoutant que celle‑ci « a[vait] pris ces engagements et
[qu’]elle les honorera[it]». Enfin, il convient de rappeler que le Timor‑Leste,
faisant usage de la possibilité qui lui avait été donnée de fformuler

des observations écrites sur les réponses fournies par l’Australie,f a indi ‑
qué, dans une lettre datée du 27 janvier 2014, que, hormis sur un point,
il n’estimait pas nécessaire de formuler pareilles observations au stfade
de l’examen des mesures conservatoires. Le Timor‑Leste a simplement
tenu à donner son interprétation de la portée d’un engagemenft parti‑

culier pris dans lesdites réponses, interprétation que l’Austraflie n’a pas
contestée.
8. Selon moi, deux points importants se dégagent de ces développe ‑
ments: le Timor‑Leste a demandé et obtenu, d’une part, un engagement
plus large, tant du point de vue temporel que sur le fond et, d’autref part,
une reconnaissance claire, si je comprends bien les déclarations de l’Aus ‑

tralie, de ce que celle‑ci était liée, au regard du droit international, par les
engagements qu’elle avait pris. J’examinerai ces deux points tour fà tour.

21

8 CIJ1061.indb 171 25/03/15 08:46 saisie et détention (fop. diss. keith) 165

9. S’agissant du premier point, la portée temporelle des engagements
revêt deux aspects distincts, le second rejoignant la portée matéfrielle du de‑

nier engagement en date. Premièrement, l’engagement du 21 janvier 2014
s’appliquait désormais «jusqu’à ce que [la Cour] ait définitivement statué
dans la présente procédure ou qu’elle en ait décidé autrefment à un stade
ultérieur ou antérieur». Cela correspond précisément à la fonction incidente,
provisoire et conservatoire des mesures conservatoires par rapport à fl’ins ‑

tance principale. Quant au second aspect, le principal engagement pertinfent
est celui de non‑communication, alors que l’Attorney‑General avait, le
23 décembre 2013, indiqué que les documents seraient placés sous scellés,
mais seulement jusqu’au 22 janvier 2014. Cette différence entre la non‑
communication à certaines personnes et à certaines fins, et la mfise sous

scellés à toutes fins, nous ramène à la portée matérfielle de l’engagement.
10. Tout comme la Cour, je pars du principe que le droit plausible qui
est en cause dans la présente affaire est le droit d’un Etat de fpouvoir
entretenir des relations avec ses conseillers juridiques en toute confifden ‑
tialité, notamment pour ce qui concerne les différends avec un afutre Etat

qui font ou sont susceptibles de faire l’objet d’une procédure fjudiciaire, de
négociations ou de toute autre forme de règlement pacifique. En fprincipe,
l’Etat en question ne devrait pas être exposé au risque que l’autre partie
au différend s’ingère dans ces relations (voir ordonnance, pfar. 27). En
l’espèce, pour reprendre les arguments exposés par le Timor‑Lesfte au
cours de la procédure, la confidentialité s’attache 1) aux conseils relevant

du secret professionnel donnés au Timor‑Leste par ses conseillers au fsujet
de la mer de Timor et de ses ressources, 2) à la position du Timor‑Leste
concernant ces questions, et 3) à d’autres questions traitées dans les docu‑
ments et données que le Timor‑Leste juge confidentielles. Le passage per ‑
tinent de l’engagement pris par l’Attorney‑General dans sa lettre du

21 janvier se lit comme suit :
«Je prends devant la Cour, jusqu’à ce que celle‑ci ait définitfive ‑

ment statué dans la présente procédure ou qu’elle en ait défcidé autre ‑
ment à un stade ultérieur ou antérieur, l’engagement
1. De ne pas prendre moi‑même connaissance ni chercher de quelque

autre manière à avoir connaissance du contenu des éléments efn
cause [saisis au cabinet d’avocat] ou de toutes informations qui en
découleraient ;
2. Dans le cas où une circonstance, quelle qu’elle soit, nécessitefrait
que je prenne connaissance de ces éléments et données, d’en infor‑

mer tout d’abord la Cour, et de prendre alors devant elle d’autresf
engagements ;
3. De faire en sorte qu’aucune entité du Gouvernement australien n’futi ‑
lise lesdits éléments à quelque fin que ce soit, hormis pour des que‑s
tions de sécurité nationale (notamment dans le cadre de la saisine
des autorités chargées de l’application de la loi et de poursuifte;s)

4. De faire en sorte, sans préjudice de ce qui précède, qu’aucufne
entité du Gouvernement australien ne puisse avoir accès auxdits

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8 CIJ1061.indb 173 25/03/15 08:46 saisie et détention (fop. diss. keith) 166

éléments et à toutes informations qui en découleraient à ftoute fin
ayant trait à l’exploitation des ressources de la mer de Timor ou

aux négociations à ce sujet, ou à la conduite de :
a)la présente procédure ; et
b)l’arbitrage [en vertu du traité sur la mer de Timor de 2002]. »

Le quatrième point constitue le passage essentiel de cet engagement. Etant
donné que le membre de phrase «sans préjudice de ce qui précède» pouvait

être interprété comme faisant référence à des questionfs de sécurité nationale
(troisième point), le Solicitor‑General a précisé que les questions entrant
dans le champ de ce quatrième point « ne relevaient pas des questions de
«sécurité nationale» visées au troisième » (CR 2014/4, p. 20 ; voir aussi
p. 21, pour ce qui concerne toute procédure pénale). A la lumière de cette

précision, le quatrième point me semble pleinement correspondre à la por ‑
tée des intérêts particuliers sur lesquels pesait, selon le Timfor‑Leste, un
risque de préjudice irréparable. Dès lors, je ne suis pas surprfis que le
Timor‑Leste n’ait fait mention, dans sa lettre du 27 janvier, d’aucune lacune
dans ce nouvel engagement. Il n’a pas indiqué que subsistait un qufelconque

risque que soit causé un préjudice irréparable à ses droits fet intérêts.
11. Reste la question de savoir si l’Australie était liée par cet efngage ‑
ment au regard du droit international. Selon moi, il ne fait aucun doutef
que tel était bien le cas. Ainsi que la Cour l’a précisé, ilf devait être pré ‑
sumé que l’Australie se conformerait de bonne foi à l’engagefment qu’elle
avait pris (ordonnance, par. 44).

12. La portée de l’engagement et son caractère contraignant rendaiefnt,
selon moi, inutile de prendre en considération les préoccupations fexpri ‑
mées par l’Australie, ainsi que ses droits et intérêts, concfernant la divulga ‑
tion de l’identité de ses agents et de leurs méthodes de renseifgnement. Le
dernier engagement pris par l’Attorney‑General au nom de l’Australie, à la

lumière des précisions apportées par le Solicitor‑General, avait écarté tout
risque imminent qu’un préjudice irréparable soit causé au Tifmor‑Leste.
13. Mon vote sur les différents points du dispositif de l’ordonnancef ne
préjuge en rien des positions que je pourrais adopter quant à certfaines
questions relatives à la compétence de la Cour, à la recevabilifté de la

requête ou au fond de l’affaire, telles qu’elles pourraient sfe poser ultérieu ‑
rement en la présente instance. Ainsi que la Cour l’a dit, l’orfdonnance
laisse intact le droit des Parties de faire valoir leurs moyens en ces mfatières.

(Signé) Kenneth Keith.

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8 CIJ1061.indb 175 25/03/15 08:46

Bilingual Content

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DISSENTING OPINION OF JUDGE KEITH

1. I regret that I cannot agree with two of the measures the Court has
adopted. My regret is the greater for I do have some understanding of the
“deep offence and shock” felt in Timor‑Leste about the actions off ASIO
to which the Agent of Timor‑Leste referred at the outset of this proceedf‑

ing. I do not however consider that grounds for adopting the measures
have been established.
2. In its Application, Timor‑Leste listed as its main legal grounds its
property and other rights in the documents and data sent to, held by,
received from or prepared by its legal representatives and legal adviserfs,

(a) generally, (b) in the course of the provision of legal advice to it, and
(c) in the course of preparation for litigation in which it is engaged as af
party. “These rights exist under customary international law and any frel ‑
evant domestic law, and as a consequence of the sovereignty of Timor‑Leste
under international law”. The request for provisional measures adoptsf a

broader position, going beyond the arbitration, by including among the
consequences it seeks to avoid Australia being able to inform itself of f(1)
privileged advice given to Timor‑Leste by its advisers relating to the
Timor Sea and its resources, (2) Timor‑Leste’s position in relation to thfose
matters, and (3) other matters, confidential to Timor‑Leste, treatedf in the

documents and data.

3. The undertaking of non‑communication of the material seized,

given by the Australian Attorney‑General on 4 December 2013, related
only to those individuals involved in the arbitration, as did that of
19 December to the Arbitral Tribunal; on 23 December that undertaking
was extended to these proceedings (paragraph 37 of the Order). However,
at this point, the undertakings did not extend to the other matters inclfuded

by Timor‑Leste in its request and listed at the end of the last paragraph.
4. While it is not surprising that the broader claims made by Timor‑Leste
in its request filed on 17 December were not addressed in the undertakings
given by Australia just two and six days later on 19 and 23 December, it is
not the case, as Australia claimed in the hearings, that those matters wfere

raised “for the first time” at the beginning of the hearings. Aufstralia was
equally in error when it stated that it would much have preferred that
Timor‑Leste had taken up the Court’s invitation to file written observa ‑
tions so that the charges it made the previous day could have been made
with precision. The Court issued no such invitation.

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8 CIJ1061.indb 168 25/03/15 08:46 163

OPINION DISSIDENTE DE M. LE JUGE KEITH

[Traduction]

1. Je suis au regret de ne pouvoir m’associer à deux des mesures consfer ‑
vatoires qui ont été indiquées par la Cour, d’autant plus qufe je com ‑
prends, dans une certaine mesure, que le Timor‑Leste ait été «fort meurtri
et choqué» par les actes de l’ASIO auxquels son agent a fait référencfe au
début de la procédure. Je considère néanmoins qu’il n’fa pas été établi que
ces mesures étaient justifiées.

2. Dans sa requête, le Timor‑Leste a invoqué, comme principaux moyensf
juridiques, les droits de propriété et autres droits qu’il déftient à l’égard des
documents et données qu’il adresse à ses représentants et cofnseillers juri ‑
diques, que ceux‑ci ont en leur possession ou ont établis, ou qu’ifl reçoit de
leur part; ces droits étaient invoqués a)à l’égard desdits éléments en général,

b) à l’égard de ceux ayant trait à des conseils juridiques destfinés au Timor‑Leste,
et c) à l’égard de ceux qui s’inscrivent dans le cadre de la préfparation d’un
arbitrage auquel celui‑ci est partie. Selon le Timor‑Leste, « [c]es droits
découlent du droit international coutumier et de tout droit interne pfertinent,
ainsi que de la souveraineté du Timor‑Leste en droit internationa »l. Dans sa

demande en indication de mesures conservatoires, le Timor‑Leste a cependfant
adopté une approche plus large, allant au‑delà de l’arbitrage, fen mentionnant,
parmi les risques qu’il cherchait à éviter, celui que l’Austfralie prenne connais
sance 1) de conseils protégés par le secret professionnel qui lui ont étfé donnés
par ses conseillers au sujet de questions relatives à la mer de Timorf et à ses
ressources, 2) de sa position concernant ces questions, et 3) d’autres questions

traitées dans les documents et données qu’il juge confidentieflles.
3. L’engagement de ne pas communiquer les éléments saisis que
l’Attorney‑General de l’Australie avait pris le 4 décembre 2013 ne visait
que les personnes participant à l’arbitrage, tout comme celui qui a été pris
le 19 décembre devant le tribunal arbitral; le 23 décembre, cet engagement

a été étendu à la présente procédure (paragraphe 37 de l’ordonnance),
sans toutefois l’être aux autres questions soulevées par le Timfor‑Leste
dans sa demande et énumérées à la fin du paragraphe préfcédent.
4. S’il n’est guère surprenant que les prétentions plus larges fque le
Timor‑Leste a formulées dans sa demande déposée le 17 décembre n’aient

pas été prises en compte dans les engagements donnés par l’Afustralie deux
et six jours à peine plus tard — c’est‑à‑dire les 19 et 23 décembre —, il est
inexact de dire, comme celle‑ci l’a fait à l’audience, que ces fquestions ont été
soulevées «pour la toute première fois » au début de la procédure orale.
L’Australie s’est également fourvoyée en déclarant qu’fil aurait été préférable
que le Timor‑Leste donne suite à l’invitation de la Cour de préfsenter des

observations écrites afin que les accusations qu’il avait formulées la veille
fussent précisées; la Cour ne l’y a jamais invité.

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8 CIJ1061.indb 169 25/03/15 08:46 164 seizure and detentiofn (diss. op. keith)

5. Timor‑Leste, in the first round of the hearings on 20 January 2014,
emphasized the additional matters listed in its request and, as well, whfat

it saw as the lack of binding force, at least at the international levelf, of the
undertakings given by the Attorney‑General. That led to the filing thef
next day by Australia of a further undertaking, dated 21 January 2014, by
the Attorney‑General (quoted in part in paragraph 10 below). The under ‑
taking of non‑communication now (1) applies until final judgment or f

until further or earlier order of the Court and (2) extends to “anyf part of
the Australian Government for any purpose relating to the exploitation
of resources in the Timor Sea or related negotiations”.

6. In the second round of the oral hearings, the Agent of Timor‑Leste

and both of its counsel addressed the new undertaking. One counsel said f
that “only now does it extend to maritime delimitation matters”. Hfe
asked that it be backed by an Order of the Court that deals with the treat ‑
ment of the materials. He made no comment about any specific gap in thfe
coverage of the undertaking. The second counsel stated that they would

look at the new undertaking with interest in the light of Australia’sf
responses to the questions put to it by Members of the Court. He made
no reference to the widened scope of the new undertaking. It would be
good, he said, to hear the Agent of Australia say unambiguously that
Australia accepts that the undertaking given on 21 January is binding on

Australia, vis‑à‑vis Timor‑Leste, under international law. The Agent of
Timor‑Leste repeated that they awaited with interest Australia’s answfers
to the questions.

7. In the second round Australia answered the questions put to it by
Members of the Court. Further, its Agent repeated that the Attorney‑

General has the actual and ostensible authority to bind Australia as a
matter of national law and international law. He continued : “Australia
has made the undertakings, Australia will honour them”. The last relevant
step in this process is that Timor‑Leste, in exercise of its opportunityf to
comment in writing on the answers given by Australia, said, in its lettefr of

27 January 2014, that, except in one respect, it did not find it necessary to
comment on the answers at the provisional measures stage. The exception
was to state its understanding of the scope of one particular undertakinfg
given in those answers. Australia has not questioned that understanding.f

8. The important points for me arising from those events are that
Timor‑Leste sought and received a broader undertaking, both temporally
and substantively, and a clear acknowledgment, as I read Australia’s
statements, that the undertakings are binding on Australia as a matter off

international law. I consider the two matters in turn.

21

8 CIJ1061.indb 170 25/03/15 08:46 saisie et détention (fop. diss. keith) 164

5. Lors du premier tour de plaidoiries, le 20janvier 2014, le Timor‑Leste
a mis l’accent sur les points supplémentaires énumérés dafns sa demande

et sur le fait que, selon lui, les engagements pris par l’Attorney‑General
n’avaient pas force obligatoire, du moins sur le plan international. Cela a
conduit l’Australie à déposer, le lendemain, un nouvel engagemefnt de son
Attorney‑General, en date du 21 janvier 2014 (dont un extrait est cité au
paragraphe 10 ci‑après). Désormais, l’engagement de ne pas communi ‑

quer les documents et données 1) s’appliquait jusqu’à ce que la Cour ait
définitivement statué dans la présente procédure ou qu’felle en ait décidé
autrement à un stade ultérieur ou antérieur, et 2) s’étendait à toute «entité
du Gouvernement australien […] à toute fin ayant trait à l’exploitation
des ressources de la mer de Timor ou aux négociations à ce sujet ».
6. Au second tour, ce nouvel engagement a été examiné par l’agefnt et

deux conseils du Timor‑Leste. L’un des conseils a relevé que « [c]e n’[était]
que maintenant que cet engagement s’étend[ait] aux questions de déflimi ‑
tation maritime ». Il a demandé que celui‑ci soit étayé par une prescrip ‑
tion de la Cour portant sur le traitement des éléments en cause. Efn
revanche, il n’a fait état d’aucune lacune particulière dansf ledit engage ‑

ment. L’autre conseil a précisé que la partie timoraise examinefrait atten ‑
tivement l’engagement du 21 janvier 2014 à la lumière des réponses de
l’Australie aux questions posées par des membres de la Cour, sans ffaire
mention de la portée élargie de ce document. Il a cependant ajouté qu’il
serait bon d’entendre l’agent de l’Australie déclarer sans afmbiguïté que

celle‑ci reconnaissait être liée par cet engagement vis‑à‑vis du Timor‑Leste
au regard du droit international. L’agent du Timor‑Leste, quant à flui, a
confirmé que la Partie timoraise attendait avec intérêt les réponses de
l’Australie aux questions qui lui avaient été posées.
7. L’Australie a répondu aux questions des membres de la Cour lors def
son second tour de plaidoieries. Par ailleurs, son agent a confirméf que

l’Attorney‑General avait le pouvoir effectif et manifeste de prendre des
engagements liant l’Australie, tant au regard du droit australien quef du
droit international, ajoutant que celle‑ci « a[vait] pris ces engagements et
[qu’]elle les honorera[it]». Enfin, il convient de rappeler que le Timor‑Leste,
faisant usage de la possibilité qui lui avait été donnée de fformuler

des observations écrites sur les réponses fournies par l’Australie,f a indi ‑
qué, dans une lettre datée du 27 janvier 2014, que, hormis sur un point,
il n’estimait pas nécessaire de formuler pareilles observations au stfade
de l’examen des mesures conservatoires. Le Timor‑Leste a simplement
tenu à donner son interprétation de la portée d’un engagemenft parti‑

culier pris dans lesdites réponses, interprétation que l’Austraflie n’a pas
contestée.
8. Selon moi, deux points importants se dégagent de ces développe ‑
ments: le Timor‑Leste a demandé et obtenu, d’une part, un engagement
plus large, tant du point de vue temporel que sur le fond et, d’autref part,
une reconnaissance claire, si je comprends bien les déclarations de l’Aus ‑

tralie, de ce que celle‑ci était liée, au regard du droit international, par les
engagements qu’elle avait pris. J’examinerai ces deux points tour fà tour.

21

8 CIJ1061.indb 171 25/03/15 08:46 165 seizure and detentiofn (diss. op. keith)

9. In respect of the first, so far as the temporal scope of the undertak ‑
ing is concerned, the undertakings have two different elements, the sefcond

of which runs into the latest undertaking’s substantive scope. The fifrst is
that the undertaking of 21 January 2014 now applies “until final judg ‑
ment or until final order or earlier order of the Court”. That extefnt
exactly meets the incidental, interim and conservatory function of provi ‑
sional measures of protection in relation to the principal proceeding. To

turn to the second element, the principal relevant undertaking is one off
non‑communication whereas on 23 December 2013 the Attorney‑General
had instructed that the material would be sealed, but only until 22 Janu ‑
ary 2014. That difference between non‑communication to certain persons
for certain purposes and sealing for all purposes leads into the substantive

scope of the undertaking.
10. Like the Court, I proceed on the basis that the plausible right at
issue in this case is the right of a State to enjoy a confidential relfationship
with its legal advisers, in particular, in respect of disputes with anotfher
State which are or may be the subject of litigation or negotiation or otfher

form of peaceful settlement. The State should not in principle be at risk
of that relationship being interfered with by the other party to the disfpute
(see Order, para. 27). In this case, to return to the elaboration which
Timor‑Leste provided in the course of the proceedings and to repeat it, f
the confidential relationship relates to (1) privileged advice givenf to

Timor‑Leste by its advisers relating to the Timor Sea and its resources,
(2) Timor‑Leste’s position in relation to those matters, and (3) fother mat‑
ters, confidential to Timor‑Leste, treated in the documents and data. fThe
most relevant part of the undertaking given by the Attorney‑General in
his letter of 21 January reads as follows :

“that until final judgment in this proceeding or until further or efarlier
order of the Court :

1. I will not make myself aware or otherwise seek to inform myself
of the content of the Material [seized from the law firm] or any

information derived from the Material ; and

2. Should I become aware of any circumstance which would make it
necessary for me to inform myself of the Material, I will first bring
that fact to the attention of the Court, at which time further under ‑

takings will be offered ; and
3. The Material will not be used by any part of the Australian
Government for any purpose other than national security purpo ‑
ses (which include potential law enforcement referrals and prose ‑
cutions) ; and

4. Without limiting the above, the Material, or any information
derived from the Material, will not be made available to any part

22

8 CIJ1061.indb 172 25/03/15 08:46 saisie et détention (fop. diss. keith) 165

9. S’agissant du premier point, la portée temporelle des engagements
revêt deux aspects distincts, le second rejoignant la portée matéfrielle du de‑

nier engagement en date. Premièrement, l’engagement du 21 janvier 2014
s’appliquait désormais «jusqu’à ce que [la Cour] ait définitivement statué
dans la présente procédure ou qu’elle en ait décidé autrefment à un stade
ultérieur ou antérieur». Cela correspond précisément à la fonction incidente,
provisoire et conservatoire des mesures conservatoires par rapport à fl’ins ‑

tance principale. Quant au second aspect, le principal engagement pertinfent
est celui de non‑communication, alors que l’Attorney‑General avait, le
23 décembre 2013, indiqué que les documents seraient placés sous scellés,
mais seulement jusqu’au 22 janvier 2014. Cette différence entre la non‑
communication à certaines personnes et à certaines fins, et la mfise sous

scellés à toutes fins, nous ramène à la portée matérfielle de l’engagement.
10. Tout comme la Cour, je pars du principe que le droit plausible qui
est en cause dans la présente affaire est le droit d’un Etat de fpouvoir
entretenir des relations avec ses conseillers juridiques en toute confifden ‑
tialité, notamment pour ce qui concerne les différends avec un afutre Etat

qui font ou sont susceptibles de faire l’objet d’une procédure fjudiciaire, de
négociations ou de toute autre forme de règlement pacifique. En fprincipe,
l’Etat en question ne devrait pas être exposé au risque que l’autre partie
au différend s’ingère dans ces relations (voir ordonnance, pfar. 27). En
l’espèce, pour reprendre les arguments exposés par le Timor‑Lesfte au
cours de la procédure, la confidentialité s’attache 1) aux conseils relevant

du secret professionnel donnés au Timor‑Leste par ses conseillers au fsujet
de la mer de Timor et de ses ressources, 2) à la position du Timor‑Leste
concernant ces questions, et 3) à d’autres questions traitées dans les docu‑
ments et données que le Timor‑Leste juge confidentielles. Le passage per ‑
tinent de l’engagement pris par l’Attorney‑General dans sa lettre du

21 janvier se lit comme suit :
«Je prends devant la Cour, jusqu’à ce que celle‑ci ait définitfive ‑

ment statué dans la présente procédure ou qu’elle en ait défcidé autre ‑
ment à un stade ultérieur ou antérieur, l’engagement
1. De ne pas prendre moi‑même connaissance ni chercher de quelque

autre manière à avoir connaissance du contenu des éléments efn
cause [saisis au cabinet d’avocat] ou de toutes informations qui en
découleraient ;
2. Dans le cas où une circonstance, quelle qu’elle soit, nécessitefrait
que je prenne connaissance de ces éléments et données, d’en infor‑

mer tout d’abord la Cour, et de prendre alors devant elle d’autresf
engagements ;
3. De faire en sorte qu’aucune entité du Gouvernement australien n’futi ‑
lise lesdits éléments à quelque fin que ce soit, hormis pour des que‑s
tions de sécurité nationale (notamment dans le cadre de la saisine
des autorités chargées de l’application de la loi et de poursuifte;s)

4. De faire en sorte, sans préjudice de ce qui précède, qu’aucufne
entité du Gouvernement australien ne puisse avoir accès auxdits

22

8 CIJ1061.indb 173 25/03/15 08:46 166 seizure and detentiofn (diss. op. keith)

of the Australian Government for any purpose relating to the

exploitation of resources in the Timor Sea or related negotiations,
or relating to the conduct of :
(a) these proceedings; and

(b) the proceedings in the Arbitral Tribunal [constituted under
the 2002 Timor Sea Treaty].”

Paragraph 4 is the critical part of the undertaking. In so far as its intro ‑
ductory phrase may be seen as referring to national security purposes
(subpara. 3), the Solicitor‑General provided the clarification that the mat ‑
ters included in subparagraph 4 “fall outside the ‘national security’ pur ‑
pose referred to in subparagraph 3” (CR 2014/4, p. 20, see also page 21 in

respect of any criminal proceeding). When subparagraph 4 is read in
accordance with that clarification, it seems to me to match in full thfe
scope of the particular interests which Timor‑Leste considers to be at rfisk
of irreparable prejudice. Accordingly, I am not surprised that Timor‑Leste
in its letter of 27 January did not identify any gaps in the coverage of the

new undertaking. It did not point to any remaining element of risk of
irreparable prejudice to its rights and interests.

11. There remains the question whether the undertaking binds Austra ‑
lia as a matter of international law. I have no doubt that it does. As the

Court says, Australia’s good faith in complying with that commitment fis
to be presumed (Order, para. 44).

12. Given both the scope of the undertaking and its binding character,
for me the matter of weighing Australia’s concerns and its rights andf

interests relating to the disclosure of its agents’ identities and intelligence
methods does not arise. Any imminent risk of irreparable prejudice to
Timor‑Leste is removed by the most recent undertaking given by the
Attorney‑General on behalf of Australia, read with the clarifications pro ‑
vided by its Solicitor‑General.

13. My votes on this Order in no way prejudge the positions I may
take on questions concerning the jurisdiction of the Court, the admissibfil ‑
ity of the Application or the merits as they arise later in these proceefd ‑
ings. As the Court says, the Order does not affect the rights of the Parties
to submit arguments on those matters.

(Signed) Kenneth Keith.

23

8 CIJ1061.indb 174 25/03/15 08:46 saisie et détention (fop. diss. keith) 166

éléments et à toutes informations qui en découleraient à ftoute fin
ayant trait à l’exploitation des ressources de la mer de Timor ou

aux négociations à ce sujet, ou à la conduite de :
a)la présente procédure ; et
b)l’arbitrage [en vertu du traité sur la mer de Timor de 2002]. »

Le quatrième point constitue le passage essentiel de cet engagement. Etant
donné que le membre de phrase «sans préjudice de ce qui précède» pouvait

être interprété comme faisant référence à des questionfs de sécurité nationale
(troisième point), le Solicitor‑General a précisé que les questions entrant
dans le champ de ce quatrième point « ne relevaient pas des questions de
«sécurité nationale» visées au troisième » (CR 2014/4, p. 20 ; voir aussi
p. 21, pour ce qui concerne toute procédure pénale). A la lumière de cette

précision, le quatrième point me semble pleinement correspondre à la por ‑
tée des intérêts particuliers sur lesquels pesait, selon le Timfor‑Leste, un
risque de préjudice irréparable. Dès lors, je ne suis pas surprfis que le
Timor‑Leste n’ait fait mention, dans sa lettre du 27 janvier, d’aucune lacune
dans ce nouvel engagement. Il n’a pas indiqué que subsistait un qufelconque

risque que soit causé un préjudice irréparable à ses droits fet intérêts.
11. Reste la question de savoir si l’Australie était liée par cet efngage ‑
ment au regard du droit international. Selon moi, il ne fait aucun doutef
que tel était bien le cas. Ainsi que la Cour l’a précisé, ilf devait être pré ‑
sumé que l’Australie se conformerait de bonne foi à l’engagefment qu’elle
avait pris (ordonnance, par. 44).

12. La portée de l’engagement et son caractère contraignant rendaiefnt,
selon moi, inutile de prendre en considération les préoccupations fexpri ‑
mées par l’Australie, ainsi que ses droits et intérêts, concfernant la divulga ‑
tion de l’identité de ses agents et de leurs méthodes de renseifgnement. Le
dernier engagement pris par l’Attorney‑General au nom de l’Australie, à la

lumière des précisions apportées par le Solicitor‑General, avait écarté tout
risque imminent qu’un préjudice irréparable soit causé au Tifmor‑Leste.
13. Mon vote sur les différents points du dispositif de l’ordonnancef ne
préjuge en rien des positions que je pourrais adopter quant à certfaines
questions relatives à la compétence de la Cour, à la recevabilifté de la

requête ou au fond de l’affaire, telles qu’elles pourraient sfe poser ultérieu ‑
rement en la présente instance. Ainsi que la Cour l’a dit, l’orfdonnance
laisse intact le droit des Parties de faire valoir leurs moyens en ces mfatières.

(Signé) Kenneth Keith.

23

8 CIJ1061.indb 175 25/03/15 08:46

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Opinion dissidente de M. le juge Keith

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