Opinion dissidente de M. Owada, président

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151-20110718-ORD-01-01-EN
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557

OPINION DISSIDENTE DE M. LE JUGE OWADA, PRÉSIDENT

[Traduction]

J’ai dû voter, non sans regret, contre le point le plus important ff(point
B 1)) du dispositif de l’ordonnance (par. 69). Afin de faire clairement
connaître les raisons qui m’ont conduit à me dissocier de la principale
mesure indiquée par la Cour, je tiens à exposer les motifs de mon ffdissen-
timent dans la présente opinion.

1. Une demande en indication de mesures conservatoires est présentée ff
en cours d’instance, à titre de procédure incidente, par l’une des parties à
la procédure principale. De par la nature même de cette procéduffre, la
portée de la demande et la compétence de la Cour pour en connaître
n’ont qu’un caractère incident par rapport à la procédureff principale.
C’est cette caractéristique qui détermine l’étendue de laff compétence de la

Cour pour connaître d’une telle demande et indiquer des mesures coffnser-
vatoires si elle estime que les circonstances l’exigent. Et c’est ffdonc à cette
aune que doivent être appréciées aussi bien la portée des meffsures qu’elle
est en droit d’indiquer que la compétence qui est la sienne à cffette fin.
2. Après mûre réflexion, j’estime que, en indiquant la mesureff conserva -

toire suivante :
«[l]es deux Parties doivent, immédiatement, retirer leur personnel milff-

itaire actuellement présent dans la zone démilitarisée provisoire, telle
que définie au paragraphe 62 de la présente ordonnance, et s’abstenir
de toute présence militaire dans cette zone et de toute activité affrmée
dirigée à l’encontre de celle-ci » (ordonnance, par. 69, point B 1) ; les
italiques sont de moi),

la Cour a outrepassé les limites inhérentes à la caractéristffique essentielle
d’une mesure conservatoire, à savoir sa nature incidente par rappoffrt à la

procédure principale.
3. La portée des mesures conservatoires susceptibles d’être indiquées par
la Cour en l’espèce et la compétence de celle-ci pour connaître de la demande
présentée à cette fin trouvent leur fondement juridique dans laff procédure
principale. La demande principale du Cambodge estu «ne demande en inter-
prétation de [l’]arrêt [de la Cour] du 15 juin 1962 … dans lequel [la Cour]

tranchait au fond l’affaire du Temple de Préah Vihéar opposant le Cam -
bodge au Royaume de Thaïlande» (requête introductive d’instance, par. 1).
Dans la présente ordonnance, la Cour a conclu qu’elle était comffpétente pour
se prononcer sur la demande en interprétation, dans les limites prescffrites par
l’article 60 de son Statut, aux termes duquel, «[e]n cas de contestation sur le

sens et la portée de l’arrêt, il appartient à la Cour de l’ffinterpréter, à la
demande de toute partie». C’est là le fondement de la compétence de la Cour
aux fins d’indiquer des mesures conservatoires se rapportant à la procédure

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6 CIJ1023.indb 45 18/06/13 10:38 demande en interprétffation (op. diss. owada) 558

principale (ordonnance, par. 21) et c’est donc sur cette base que sont aussi
définies les limites de sa compétence.

4. Il est exact que la Cour «a le pouvoir d’indiquer, si elle estime que les
circonstances l’exigent, quelles mesures conservatoires du droit de chacun
doivent être prises à titre provisoire» (Statut de la Cour, art. 41, par. 1; les
italiques sont de moi). Et il est souvent arrivé par le passé qu’ffelle prescrive
d’office aux deux parties de retirer leurs forces de la zone en litiffge ou

de la zone de conflit « en vue d’empêcher l’aggravation ou l’extension du
différend quand elle estim[ait] que les circonstances l’exige[ai]effnt» (Diffé‑
rend frontalier (Burkina faso/République du Mali), mesures conservatoires,
ordonnance du 10 janvier 1986, C.I.J. Recueil 1986, p. 9, par. 18).

5. Sur la quarantaine d’ordonnances en indication de mesures conser -
vatoires rendues par la Cour, il est trois affaires dans lesquelles s’ffest posée
la question du retrait des forces des parties en litige et dans lesquellffes, afin
d’empêcher un conflit armé ou de mettre fin aux hostilitésff, la Cour a
enjoint aux deux parties de procéder au désengagement de leurs forffces

armées respectives et de les retirer d’une zone bien précise, dfféfinie dans
l’ordonnance. Il s’agit des trois affaires suivantes :

a) l’affaire du Différend frontalier (Burkina faso/République du Mali),
mesures conservatoires, ordonnance du 10 janvier 1986, C.I.J. Recueil
1986, p. 12, par. 32 ;
b) l’affaire de la frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le
Nigéria (Cameroun c. Nigéria), mesures conservatoires, ordonnance du

15 mars 1996, C.I.J. Recueil 1996 (I), p. 24, par. 49 ; et
c) l’affaire relative à Certaines activités menées par le Nicaragua dans la
région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua), mesures conservatoires,
ordonnance du 8 mars 2011, C.I.J. Recueil 2011 (I), p. 27-28, par. 86.

6. Cependant, dans ces trois affaires, la Cour ordonnait à titre de
mesures conservatoires, et en attendant son arrêt définitif sur leff fond dans
l’instance principale, que « [l]es deux gouvernements continuent à respec ‑

ter le cessez‑le‑feu institué par accord entre [les deux parties] » (Différend
frontalier (Burkina faso/République du Mali), mesures conservatoires,
ordonnance du 10 janvier 1986, C.I.J. Recueil 1986, p. 12, par. 32, point 1,
al. C; les italiques sont de moi) ; et que

«[l]es deux gouvernements retirent leurs forces armées sur des posi -
tions ou à l’intérieur des lignes qui seront, dans les vingt joffurs suivant
le prononcé de la présente ordonnance, déterminées par accorffd entre

lesdits gouvernements, étant entendu que les modalités du retrait ffdes
troupes seront fixées par ledit accord et que, à défaut d’un tel accord,
la Chambre indiquera elle-même ces modalités par voie d’ordonnance
(ibid., par. 32, point 1, al. D) ;

ou que

«[l]es deux Parties veillent à ce que la présence de toutes forces ffarmées

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6 CIJ1023.indb 47 18/06/13 10:38 demande en interprétffation (op. diss. owada) 559

dans la presqu’île de Bakassi ne s’étende pas au-delà des positions où
elles se trouvaient avant le 3 février 1996» (frontière terrestre et mari‑

time entre le Cameroun et le Nigéria (Cameroun c. Nigéria), mesures
conservatoires, ordonnance du 15 mars 1996, C.I.J. Recueil 1996 (I),
p. 24, par. 49, point 3) ;

ou encore que

«[c]haque Partie s’abstien[ne] d’envoyer ou de maintenir sur le terri ‑
toire litigieux, y compris le caño, des agents, qu’ils soient civils, de
police ou de sécurité » (Certaines activités menées par le Nicaragua
dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua), mesures conser‑
vatoires, ordonnance du 8 mars 2011, C.I.J. Recueil 2011 (I), p. 27,

par. 86, point 1 ; les italiques sont de moi).
7. Dans aucune de ces affaires la Cour n’est allée jusqu’à enjoffindre aux

parties de se retirer d’une « zone démilitarisée provisoire » qu’elle avait
définie artificiellement aux fins du désengagement militaire des pffarties et
qui s’étendait à des portions de territoire relevant incontestaffblement de la
souveraineté de l’une ou l’autre partie, comme elle vient de leff faire.

8. J’adhère à la position de la Cour lorsqu’elle déclare danffs la présente
ordonnance avoir le pouvoir d’indiquer des mesures conservatoires ayaffnt
force obligatoire pour les parties (LaGrand (Allemagne c. Etats‑Unis
d’Amérique), arrêt, C.I.J. Recueil 2001, p. 506, par. 109), sous réserve que
soient réunies certaines conditions énoncées à l’article 41 du Statut, dont

l’existence d’une compétence prima facie pour connaître de l’affaire. Je
souscris donc à la proposition générale formulée par la Courff dans son
ordonnance, notamment lorsqu’elle indique que « [l]es deux Parties
doivent, immédiatement, retirer leur personnel militaire actuellementff pré -
sent [dans une zone précise] … et s’abstenir de toute présence militaire

dans cette zone et de toute activité armée dirigée à l’enffcontre de celle-ci»
(ordonnance, par. 69, point B 1)), sous réserve que cette zone soit définie
et circonscrite dans le respect du principe de la souveraineté des paffrties en
cause et dans les limites de la compétence conférée à la Cour dans le
contexte particulier de la présente espèce.

9. En revanche, je ne peux accepter, à mon grand regret, la manière
dont la Cour a décidé de délimiter artificiellement cette « zone démilitari -
sée provisoire», sans justification légitime.
La zone délimitée par la Cour au paragraphe 62 de l’ordonnance aux
fins d’établir une « zone démilitarisée provisoire » ne repose, selon moi,

sur aucun fondement juridique, et elle empiète sur des portions de teffrri -
toire qui relèvent incontestablement de la souveraineté de l’unffe ou l’autre
Partie. En ce sens, la mesure prescrite dans cette ordonnance, la créffation
d’une «zone démilitarisée provisoire», établit un régime juridique qui dif -
fère sur le fond des autres exemples que j’ai mentionnés plus hffaut : dans

tous ces précédents, la Cour s’est bornée à demander aux ffparties de se
retirer des zones dont la souveraineté était contestée, autremeffnt dit des

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6 CIJ1023.indb 49 18/06/13 10:38 demande en interprétffation (op. diss. owada) 560

zones qui constituaient l’objet même du litige. Dans une situationff où, en
attendant le prononcé du jugement définitif, la question de savoirff à qui

appartient cette zone en litige demeure incertaine, la Cour, outre qu’ffelle
obéit à la raison en indiquant des mesures conservatoires tendant ffà ce que
les parties procèdent au désengagement de leurs forces dans la zonffe en
question — et dans cette zone uniquement —, en a aussi le pouvoir et la
compétence. La situation présente est d’une autre nature : la Cour enjoint

à chacune des Parties, avec force obligatoire, de procéder au retrait de ses
forces — quand bien même à titre provisoire — d’une portion du terri -
toire qui lui appartient et sur lequel nul ne lui conteste le droit d’ffexercer
librement sa souveraineté.
10. Je suis d’avis qu’en indiquant une telle mesure la Cour outrepasse
clairement le pouvoir qui lui est conféré par le Statut et la compffétence qui

lui est reconnue en matière de mesures conservatoires.

11. La situation juridique serait tout à fait différente si ces mesureffs
étaient adoptées par le Conseil de sécurité en vertu du Chapffitre VII de la
Charte des Nations Unies « [a]fin d’empêcher la situation de s’aggraver »

(Charte, art. 40), puisque cet instrument l’habilite expressément à prendre
de telles « mesures provisoires » aux fins spécifiées à l’article 40. La Cour
internationale de Justice n’est pas le Conseil de sécurité. Ellffe n’est pas
habilitée par son Statut ni autorisée par les Nations Unies à prendre,
même à titre provisoire et même avec les meilleures intentions du monde,

des mesures susceptibles de porter atteinte à la souveraineté d’ffun Etat
sans son consentement, exprès ou implicite.
12. Je ne doute pas que la Cour a pris cette décision avec les meilleuresff
intentions du monde, poussée par la crainte que la situation sur le tfferrain
ne puisse, si rien n’était fait, créer un risque réel de préjudice irréparable,
tangible et imminent.

D’ailleurs, la Cour fait spécifiquement référence à l’existence d’un
risque réel au paragraphe 61 de son ordonnance :

«[que] la zone du temple de Préah Vihéar a été le théâtre d’affronte -
ments armés entre les Parties et [que] la Cour a déjà constatéff que ces
affrontements risquaient de se reproduire; [qu’]il revient à la Cour de
s’assurer, dans le cadre de la présente procédure, que des dommffages

irréparables ne seront causés ni aux personnes ni aux biens dans cffette
zone jusqu’au prononcé de son arrêt sur la demande en interpréffta -
tion ».

13. Je partage entièrement les inquiétudes de la Cour. Et c’est pouffr -
quoi je souscris à cette ordonnance, pour autant qu’elle prescriveff l’éta-
blissement d’une « zone démilitarisée provisoire » dans les limites de la
compétence et de la juridiction de la Cour, comme moyen d’empêcffher ce
risque de devenir réalité. Il échet néanmoins à la Cour d’indiquer cette

mesure en respectant la compétence qui est légitimement la sienne ffen tant
que cour de justice.

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6 CIJ1023.indb 51 18/06/13 10:38 demande en interprétffation (op. diss. owada) 561

14. Un argument milite en faveur de la création de ce quadrilatère

tracé artificiellement sur la carte — de préférence à la zone d’exclusion
classique dont les limites suivent celles du territoire en litige: en raison des
particularités géomorphologiques de ce territoire, la mise en œffuvre des
mesures de démilitarisation pourrait se révéler extrêmement ffdifficile,
sinon impossible, alors que la zone tracée artificiellement, qui tienfft compte

de ces caractéristiques, la rendrait plus aisée.

15. Si je comprends la logique de cet argument, j’ai du mal à croire
que, en faisant le choix de la zone proposée plutôt que celui du « territoire
en litige» (voir paragraphe 9 de mon opinion), il sera plus facile d’assurer

l’application — et non l’exécution forcée — de la mesure indiquée par la
Cour. Ce qui peut paraître raisonnable sur une carte ne l’est pas ffnécessai -
rement sur le terrain. A mon sens, il s’agit de savoir non pas si la décision
de créer une zone démilitarisée peut être imposée par une autorité tierce
mais s’il est faisable pour les Parties de l’appliquer. Dès lors que ces der -

nières sont prêtes à respecter l’ordonnance de la Cour — et je ne vois
aucune raison de penser qu’il en va autrement —, elles pourront facile -
ment se plier à l’injonction de la Cour tendant à la démilitffarisation de la
zone en litige, chacune connaissant parfaitement les frontières revendi -
quées par l’une et par l’autre. En revanche, si claire soit-elle sur la carte,

la ligne de démarcation artificiellement tracée autour de la zone ffdémilita -
risée provisoire pourra se révéler difficile à respecter poffur les Parties.

16. En dernière analyse, ce n’est pas à mon avis le caractère coffntrai -
gnant de la décision qui amènera les Parties à adhérer aux mffesures conse-r

vatoires prescrites par la Cour, c’est plutôt le caractère léffgitime et
convaincant, parce que raisonnable, de la proposition de la Cour. Si l’ffon
considère la question sous cet angle, il est regrettable que ce quadrffilatère
empiète davantage sur le territoire relevant incontestablement de la ffsou -
veraineté de l’une des Parties que sur celui de l’autre, mêmffe si ce déséqui-

libre tient uniquement aux caractéristiques géomorphologiques du tfferrain.
Il faut espérer que la solution indiquée par la Cour n’entraîffnera pas de
méprise sur l’intention qui était la sienne en créant une zoffne démilitarisée
provisoire.

(Signé) Hisashi Owada.

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6 CIJ1023.indb 53 18/06/13 10:38

Bilingual Content

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DISSENTING OPINION OF PRESIDENT OWADA

With regret, I had to vote against the most cardinal section (subpara -
graph (B) (1)) in the operative part of the Order (para. 69). With a
view to clarifying my position as to why I had to vote against this most
cardinal part of the Order, I wish to state the reasons for my dissent iffn

this opinion attached to the main Order as follows :
1. A request for the indication of provisional measures is made by one
of the parties during the course of the proceedings in the main case as ffits
incidental proceedings. As such, the scope of the request and the jurisdic -
tion of the Court to deal with the request is limited by its very natureff to

being incidental to the main case. The extent of competence of the Courtff
to deal with such a request and to indicate an order if it considers thafft
circumstances so require is to be determined by this fact, both in termsff of
the scope of the measures that it can indicate and in terms of the jurisffdic-
tion it has in indicating such measures.

2. It is my considered view that the present Order, where it indicates
that

“[b]oth Parties shall immediately withdraw their military personnel
currently present in the provisional demilitarized zone, as defined in
paragraph 62 of the present Order, and refrain from any military pres-
ence within that zone and from any armed activity directed at that

zone” (Order, para. 69 (B) (1) ; emphasis added),

goes beyond this limit inherent in this essential characteristic of the ffpro -
visional measures as being incidental to the main dispute.

3. The scope of the provisional measures that may be indicated by the
Court in the present proceedings and the jurisdiction to deal with the

request for provisional measures have their legal basis in the main caseff.
The main case brought by Cambodia before the Court is “a request for ff
interpretation of [the] Judgment [of the Court] of 15 June 1962 . . . in
which [the Court] decided the merits of the Temple of Preah Vihear case
between Cambodia and the Kingdom of Thailand” (Application, para. 1).

The present Order has found that it has jurisdiction to rule on the ques -
tion of interpretation, to the extent that, under Article 60 of the Statute
of the Court, “[i]n the event of dispute as to the meaning or scope offf the
judgment, the Court shall construe it upon the request of any party”.ff This
is the basis of the jurisdiction of the Court for indicating provisionalff mea-

sures relating to the main case (Order, para. 21), which means that this

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6 CIJ1023.indb 44 18/06/13 10:38 557

OPINION DISSIDENTE DE M. LE JUGE OWADA, PRÉSIDENT

[Traduction]

J’ai dû voter, non sans regret, contre le point le plus important ff(point
B 1)) du dispositif de l’ordonnance (par. 69). Afin de faire clairement
connaître les raisons qui m’ont conduit à me dissocier de la principale
mesure indiquée par la Cour, je tiens à exposer les motifs de mon ffdissen-
timent dans la présente opinion.

1. Une demande en indication de mesures conservatoires est présentée ff
en cours d’instance, à titre de procédure incidente, par l’une des parties à
la procédure principale. De par la nature même de cette procéduffre, la
portée de la demande et la compétence de la Cour pour en connaître
n’ont qu’un caractère incident par rapport à la procédureff principale.
C’est cette caractéristique qui détermine l’étendue de laff compétence de la

Cour pour connaître d’une telle demande et indiquer des mesures coffnser-
vatoires si elle estime que les circonstances l’exigent. Et c’est ffdonc à cette
aune que doivent être appréciées aussi bien la portée des meffsures qu’elle
est en droit d’indiquer que la compétence qui est la sienne à cffette fin.
2. Après mûre réflexion, j’estime que, en indiquant la mesureff conserva -

toire suivante :
«[l]es deux Parties doivent, immédiatement, retirer leur personnel milff-

itaire actuellement présent dans la zone démilitarisée provisoire, telle
que définie au paragraphe 62 de la présente ordonnance, et s’abstenir
de toute présence militaire dans cette zone et de toute activité affrmée
dirigée à l’encontre de celle-ci » (ordonnance, par. 69, point B 1) ; les
italiques sont de moi),

la Cour a outrepassé les limites inhérentes à la caractéristffique essentielle
d’une mesure conservatoire, à savoir sa nature incidente par rappoffrt à la

procédure principale.
3. La portée des mesures conservatoires susceptibles d’être indiquées par
la Cour en l’espèce et la compétence de celle-ci pour connaître de la demande
présentée à cette fin trouvent leur fondement juridique dans laff procédure
principale. La demande principale du Cambodge estu «ne demande en inter-
prétation de [l’]arrêt [de la Cour] du 15 juin 1962 … dans lequel [la Cour]

tranchait au fond l’affaire du Temple de Préah Vihéar opposant le Cam -
bodge au Royaume de Thaïlande» (requête introductive d’instance, par. 1).
Dans la présente ordonnance, la Cour a conclu qu’elle était comffpétente pour
se prononcer sur la demande en interprétation, dans les limites prescffrites par
l’article 60 de son Statut, aux termes duquel, «[e]n cas de contestation sur le

sens et la portée de l’arrêt, il appartient à la Cour de l’ffinterpréter, à la
demande de toute partie». C’est là le fondement de la compétence de la Cour
aux fins d’indiquer des mesures conservatoires se rapportant à la procédure

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6 CIJ1023.indb 45 18/06/13 10:38 558 request for interpretffation (diss. op. owada)

defines the limit of the jurisdiction of the Court in indicating provisional
measures.

4. It is true that the Court “shall have the power to indicate, if it coffn-id
ers that circumstances so require, any provisional measures which ought to
be taken to preserve the respective rights of either party” (Statuteff of the
Court, Art. 41, para. 1; emphasis added). In the past case law of the Court,
the Court indeed has often indicated, proprio motu, to both of the parties to

withdraw their forces from the area in dispute or in conflict, “with a view to
preventing the aggravation or extension of the dispute whenever it
consider[ed] that circumstances so require” (frontier Dispute (Burkinf aaso/
Republic of Mali), Provisional Measures, Order of 10 January 1986,
I.C.J. Reports 1986, p. 9, para. 18).

5. Out of a total of some 40 Orders of the Court on the indication of
provisional measures, there are three cases in which this issue of with -
drawal of forces of the parties in the case in question came about and iffn
which the Court did in fact indicate provisional measures to order both ffof
the parties to the dispute to disengage their respective armed forces frffom

potential or actual armed conflict and to withdraw their respective foffrces
from a certain zone specified in the Order. They are :

(a) the case concerning frontier Dispute (Burkina faso/Republic of Mali),
Provisional Measures, Order of 10 January 1986, I.C.J. Reports 1986,
p. 12, para. 32;
(b) the case concerning Land and Maritime Boundary between Cameroon
and Nigeria (Cameroon v. Nigeria), Provisional Measures, Order of

15 March 1996, I.C.J. Reports 1996 (I), p. 24, para. 49; and
(c) the case concerning Certain Activities Carried Out by Nicaragua in the
Border Area (Costa Rica v. Nicaragua), Provisional Measures, Order
of 8 March 2011, I.C.J. Reports 2011 (I), pp. 27-28, para. 86.

6. However, in the past cases, the Court indicated, as a provisional
measure pending the final outcome of the decision of the Court on the
merits in the main case, that : “[b]oth Governments should continue to

observe the ceasefire instituted by agreement between [the two parties]”
(frontier Dispute (Burkina faso/Republic of Mali), Provisional Measures,
Order of 10 January 1986, I.C.J. Reports 1986, p. 12, para. 32 1 (C) ;
emphasis added) ;

“[b]oth Governments should withdraw their armed forces to such
positions, or behind such lines, as may, within twenty days of the date ff
of the present Order, be determined by an agreement between those

Governments, it being understood that the terms of the troop with -
drawal will be laid down by the agreement in question and that, fail -
ing such agreement, the Chamber will itself indicate them by means
of an Order (ibid., para. 32 1 (D)) ;

or that

“[b]oth Parties should ensure that the presence of any armed forces

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6 CIJ1023.indb 46 18/06/13 10:38 demande en interprétffation (op. diss. owada) 558

principale (ordonnance, par. 21) et c’est donc sur cette base que sont aussi
définies les limites de sa compétence.

4. Il est exact que la Cour «a le pouvoir d’indiquer, si elle estime que les
circonstances l’exigent, quelles mesures conservatoires du droit de chacun
doivent être prises à titre provisoire» (Statut de la Cour, art. 41, par. 1; les
italiques sont de moi). Et il est souvent arrivé par le passé qu’ffelle prescrive
d’office aux deux parties de retirer leurs forces de la zone en litiffge ou

de la zone de conflit « en vue d’empêcher l’aggravation ou l’extension du
différend quand elle estim[ait] que les circonstances l’exige[ai]effnt» (Diffé‑
rend frontalier (Burkina faso/République du Mali), mesures conservatoires,
ordonnance du 10 janvier 1986, C.I.J. Recueil 1986, p. 9, par. 18).

5. Sur la quarantaine d’ordonnances en indication de mesures conser -
vatoires rendues par la Cour, il est trois affaires dans lesquelles s’ffest posée
la question du retrait des forces des parties en litige et dans lesquellffes, afin
d’empêcher un conflit armé ou de mettre fin aux hostilitésff, la Cour a
enjoint aux deux parties de procéder au désengagement de leurs forffces

armées respectives et de les retirer d’une zone bien précise, dfféfinie dans
l’ordonnance. Il s’agit des trois affaires suivantes :

a) l’affaire du Différend frontalier (Burkina faso/République du Mali),
mesures conservatoires, ordonnance du 10 janvier 1986, C.I.J. Recueil
1986, p. 12, par. 32 ;
b) l’affaire de la frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le
Nigéria (Cameroun c. Nigéria), mesures conservatoires, ordonnance du

15 mars 1996, C.I.J. Recueil 1996 (I), p. 24, par. 49 ; et
c) l’affaire relative à Certaines activités menées par le Nicaragua dans la
région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua), mesures conservatoires,
ordonnance du 8 mars 2011, C.I.J. Recueil 2011 (I), p. 27-28, par. 86.

6. Cependant, dans ces trois affaires, la Cour ordonnait à titre de
mesures conservatoires, et en attendant son arrêt définitif sur leff fond dans
l’instance principale, que « [l]es deux gouvernements continuent à respec ‑

ter le cessez‑le‑feu institué par accord entre [les deux parties] » (Différend
frontalier (Burkina faso/République du Mali), mesures conservatoires,
ordonnance du 10 janvier 1986, C.I.J. Recueil 1986, p. 12, par. 32, point 1,
al. C; les italiques sont de moi) ; et que

«[l]es deux gouvernements retirent leurs forces armées sur des posi -
tions ou à l’intérieur des lignes qui seront, dans les vingt joffurs suivant
le prononcé de la présente ordonnance, déterminées par accorffd entre

lesdits gouvernements, étant entendu que les modalités du retrait ffdes
troupes seront fixées par ledit accord et que, à défaut d’un tel accord,
la Chambre indiquera elle-même ces modalités par voie d’ordonnance
(ibid., par. 32, point 1, al. D) ;

ou que

«[l]es deux Parties veillent à ce que la présence de toutes forces ffarmées

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6 CIJ1023.indb 47 18/06/13 10:38 559 request for interpretffation (diss. op. owada)

in the Bakassi Peninsula does not extend beyond the positions in
which they were situated prior to 3 February 1996 (Land and Mari ‑

time Boundary between Cameroon and Nigeria (Cameroon v.Nigeria),
Provisional Measures, Order of 15 March 1996, I.C.J. Reports
1996 (I), p. 24, para. 49 (3)) ;

or that

“[e]ach Party shall refrain from sending to, or maintaining in the dis ‑
puted territory, including the caño, any personnel, whether civilian,
police or security” (Certain Activities Carried Out by Nicaragua in
the Border Area (Costa Rica v. Nicaragua), Order of 8 March 2011,
I.C.J. Reports 2011 (I), p. 27, para. 86 (1) ; emphasis added).

7. In none of these cases has the Court ever gone so far as to order the

parties to withdraw from a “provisional demilitarized zone” which ffis
devised artificially by the Court for the purposes of military disengageff -
ment of the parties and which comprises part of the territories that indffis-
putably belong to the sovereignty of one or the other of the parties, asff it
is the case in the present situation.

8. I have no disagreement with the view of the Court adopted in this
Order that the Court has the power to indicate provisional measures,
which have the binding force upon the parties (LaGrand (Germany v.
United States of America), Judgment, I.C.J. Reports 2001, p. 506,
para. 109), provided that certain conditions under Article 41 of the

Statute, including the existence of prima facie jurisdiction to deal with
the case, are met. For this reason, I embrace the basic proposition of the
Court as developed in this Order, including its approach to indicate thafft
“[b]oth Parties shall immediately withdraw their military personnel cffur -
rently present [in a certain specified zone],. . . and refrain from any mili -

tary presence within that zone and from any armed activity directed at
that zone” (Order, para. 69 (B) (1)), on the condition that that specified
zone is defined and delimited in a manner consistent with the principle of
sovereignty of the parties involved and with the extent of the jurisdictffion
of the Court as conferred upon it in the specific context of the presentff case.

9. What I cannot accept, with great regret, is the way in which the
Court has decided in an artificial manner to demarcate this “provisioffnal
demilitarized zone” without legitimate justification.
What is demarcated in paragraph 62 of the Order for the purpose of
setting up a “provisional demilitarized zone” is in my view devoidff of legal

justification, intruding as it does into part of the territories which iffndis -
putably belong to the sovereignty of one or the other of the Parties. Inff
this sense, what this Order prescribes by way of establishing this “pffrovi -
sional demilitarized zone” is qualitatively different as a legal réffgime from
all the other examples that I have referred to above, inasmuch as in allff the

other precedents that I have cited, what the Court prescribed was to askff
the parties to withdraw from the areas the sovereignty of which was beinffg

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dans la presqu’île de Bakassi ne s’étende pas au-delà des positions où
elles se trouvaient avant le 3 février 1996» (frontière terrestre et mari‑

time entre le Cameroun et le Nigéria (Cameroun c. Nigéria), mesures
conservatoires, ordonnance du 15 mars 1996, C.I.J. Recueil 1996 (I),
p. 24, par. 49, point 3) ;

ou encore que

«[c]haque Partie s’abstien[ne] d’envoyer ou de maintenir sur le terri ‑
toire litigieux, y compris le caño, des agents, qu’ils soient civils, de
police ou de sécurité » (Certaines activités menées par le Nicaragua
dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua), mesures conser‑
vatoires, ordonnance du 8 mars 2011, C.I.J. Recueil 2011 (I), p. 27,

par. 86, point 1 ; les italiques sont de moi).
7. Dans aucune de ces affaires la Cour n’est allée jusqu’à enjoffindre aux

parties de se retirer d’une « zone démilitarisée provisoire » qu’elle avait
définie artificiellement aux fins du désengagement militaire des pffarties et
qui s’étendait à des portions de territoire relevant incontestaffblement de la
souveraineté de l’une ou l’autre partie, comme elle vient de leff faire.

8. J’adhère à la position de la Cour lorsqu’elle déclare danffs la présente
ordonnance avoir le pouvoir d’indiquer des mesures conservatoires ayaffnt
force obligatoire pour les parties (LaGrand (Allemagne c. Etats‑Unis
d’Amérique), arrêt, C.I.J. Recueil 2001, p. 506, par. 109), sous réserve que
soient réunies certaines conditions énoncées à l’article 41 du Statut, dont

l’existence d’une compétence prima facie pour connaître de l’affaire. Je
souscris donc à la proposition générale formulée par la Courff dans son
ordonnance, notamment lorsqu’elle indique que « [l]es deux Parties
doivent, immédiatement, retirer leur personnel militaire actuellementff pré -
sent [dans une zone précise] … et s’abstenir de toute présence militaire

dans cette zone et de toute activité armée dirigée à l’enffcontre de celle-ci»
(ordonnance, par. 69, point B 1)), sous réserve que cette zone soit définie
et circonscrite dans le respect du principe de la souveraineté des paffrties en
cause et dans les limites de la compétence conférée à la Cour dans le
contexte particulier de la présente espèce.

9. En revanche, je ne peux accepter, à mon grand regret, la manière
dont la Cour a décidé de délimiter artificiellement cette « zone démilitari -
sée provisoire», sans justification légitime.
La zone délimitée par la Cour au paragraphe 62 de l’ordonnance aux
fins d’établir une « zone démilitarisée provisoire » ne repose, selon moi,

sur aucun fondement juridique, et elle empiète sur des portions de teffrri -
toire qui relèvent incontestablement de la souveraineté de l’unffe ou l’autre
Partie. En ce sens, la mesure prescrite dans cette ordonnance, la créffation
d’une «zone démilitarisée provisoire», établit un régime juridique qui dif -
fère sur le fond des autres exemples que j’ai mentionnés plus hffaut : dans

tous ces précédents, la Cour s’est bornée à demander aux ffparties de se
retirer des zones dont la souveraineté était contestée, autremeffnt dit des

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contested — the areas that constituted the very subject of the dispute in
issue. In such a situation where, pending the outcome of the final determi-

nation of the Court, the issue of to whom this piece of disputed territoffry
in question belongs is unclear, it is not just reasonable but also clearffly
within the power and jurisdiction of the Court to indicate to the partieffs
such provisional measures as to disengage their forces only in relation ffto
this disputed piece of territory. By contrast, the present situation is ffdiffer-

ent in nature. The Court is ordering, with binding force, that each of the
Parties be compelled to withdraw its forces from a certain portion of its
own territory, even if on a provisional basis, over which no one disputeffs
that it has an unfettered sovereignty to exercise.
10. In my view, this clearly goes beyond the power of the Court in rela -
tion to the indication of provisional measures under the Statute and theff

jurisdiction conferred upon the Court with regard to the indication of
provisional measures of protection.
11. The legal situation would be quite different, if such provisional
measures were taken by the Security Council under Chapter VII of the
United Nations Charter “[i]n order to prevent an aggravation of the sffitu -

ation” (Charter, Art. 40). The Security Council is expressly empowered to
take such “provisional measures” under the Charter, for the specific pur -
pose referred to in its Article 40. The International Court of Justice iffs not
the Security Council ; the Court is not empowered by its Statute, nor
authorized by the United Nations, to take measures, even on a provi -

sional basis, which would encroach upon the sovereignty of a State with -
out its consent, either explicit or implicit, even with the best of inteffntions.
12. I have no doubt whatsoever that the Court has acted in the present
case with the best of intentions, emanating from its serious concern thafft
the situation on the ground involved in the case, if unattended, would
bring about a real risk of irreparable prejudice which is present and immi ‑

nent.
Indeed, the Order specifically refers to this concern that there is a reffal
risk

“[that] the area of the Temple of Preah Vihear has been the scene of ff
armed clashes between the Parties . . . ; [that] the Court has already
found that such clashes may reoccur ; [and that] it is for the Court to
ensure, in the context of these proceedings, that no irreparable dam -

age is caused to persons or property in that area pending the delivery
of its Judgment on the request for interpretation” (para. 61).

13. I share all these concerns of the Court. That is why I am in agree -
ment with the Order, to the extent that it indicates the establishment offf
some “provisional demilitarized zone” compatible with its competence
and jurisdiction, as a mechanism for preventing this real risk from becom -
ing a reality. However, this has to be done within the legitimate compe -

tence of the Court as the court of law.

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6 CIJ1023.indb 50 18/06/13 10:38 demande en interprétffation (op. diss. owada) 560

zones qui constituaient l’objet même du litige. Dans une situationff où, en
attendant le prononcé du jugement définitif, la question de savoirff à qui

appartient cette zone en litige demeure incertaine, la Cour, outre qu’ffelle
obéit à la raison en indiquant des mesures conservatoires tendant ffà ce que
les parties procèdent au désengagement de leurs forces dans la zonffe en
question — et dans cette zone uniquement —, en a aussi le pouvoir et la
compétence. La situation présente est d’une autre nature : la Cour enjoint

à chacune des Parties, avec force obligatoire, de procéder au retrait de ses
forces — quand bien même à titre provisoire — d’une portion du terri -
toire qui lui appartient et sur lequel nul ne lui conteste le droit d’ffexercer
librement sa souveraineté.
10. Je suis d’avis qu’en indiquant une telle mesure la Cour outrepasse
clairement le pouvoir qui lui est conféré par le Statut et la compffétence qui

lui est reconnue en matière de mesures conservatoires.

11. La situation juridique serait tout à fait différente si ces mesureffs
étaient adoptées par le Conseil de sécurité en vertu du Chapffitre VII de la
Charte des Nations Unies « [a]fin d’empêcher la situation de s’aggraver »

(Charte, art. 40), puisque cet instrument l’habilite expressément à prendre
de telles « mesures provisoires » aux fins spécifiées à l’article 40. La Cour
internationale de Justice n’est pas le Conseil de sécurité. Ellffe n’est pas
habilitée par son Statut ni autorisée par les Nations Unies à prendre,
même à titre provisoire et même avec les meilleures intentions du monde,

des mesures susceptibles de porter atteinte à la souveraineté d’ffun Etat
sans son consentement, exprès ou implicite.
12. Je ne doute pas que la Cour a pris cette décision avec les meilleuresff
intentions du monde, poussée par la crainte que la situation sur le tfferrain
ne puisse, si rien n’était fait, créer un risque réel de préjudice irréparable,
tangible et imminent.

D’ailleurs, la Cour fait spécifiquement référence à l’existence d’un
risque réel au paragraphe 61 de son ordonnance :

«[que] la zone du temple de Préah Vihéar a été le théâtre d’affronte -
ments armés entre les Parties et [que] la Cour a déjà constatéff que ces
affrontements risquaient de se reproduire; [qu’]il revient à la Cour de
s’assurer, dans le cadre de la présente procédure, que des dommffages

irréparables ne seront causés ni aux personnes ni aux biens dans cffette
zone jusqu’au prononcé de son arrêt sur la demande en interpréffta -
tion ».

13. Je partage entièrement les inquiétudes de la Cour. Et c’est pouffr -
quoi je souscris à cette ordonnance, pour autant qu’elle prescriveff l’éta-
blissement d’une « zone démilitarisée provisoire » dans les limites de la
compétence et de la juridiction de la Cour, comme moyen d’empêcffher ce
risque de devenir réalité. Il échet néanmoins à la Cour d’indiquer cette

mesure en respectant la compétence qui est légitimement la sienne ffen tant
que cour de justice.

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14. One view that may be advanced in favour of the establishment of
this quadrangular zone artificially drawn on the map rather than the morffe

classical exclusion zone based on the disputed territory is that given tffhe
unique geomorphological characteristic of the terrain involved, the demili -
tarization of the territory in dispute between the Parties may be extremffely
difficult, if not impossible, to enforce, whereas this artificially creffated
demilitarization zone takes into account the specific topographical fea -

tures of the area and is therefore more amenable to effective enforcemenfft.
15. While I accept that rationale, I find it difficult to believe that the
approach of the proposed zone will be easier to implement — not to
enforce — than the approach based on the “territory in dispute” (see
paragraph 9 of this opinion). What appears to be reasonable on the map
may not necessarily be reasonable from the viewpoint of implementation

on the ground. To my mind, what is at issue in this situation is not theff
question of enforcement of the demilitarized zone by a third party author -
ity, but the feasibility of implementation of the demilitarized zone by the
Parties. My own view is that as long as the Parties are willing to impleff -
ment the Order of the Court — and there is no reason to think other -

wise — the respective boundaries as claimed by each of the Parties as its ff
own are well known to each of the Parties and easy to implement and
observe the injunction prescribed by the Court on demilitarization,
whereas the artificial line of demarcation to designate the provisional ff
demilitarization zone may be clear on the map but it may turn out to be ff

difficult for the Parties to implement.
16. In the final analysis, what in my view ensures the adherence of the
Parties to the provisional measures prescribed by the Court is not the
enforceability of the decision, but rather the legitimacy and persuasiveff -
ness based on the reasonableness of the proposition given by the Court. ff
From this point of view, it is regrettable that this quadrangular zone

includes more of the territory of one Party under its undisputed sover -
eignty than that of the other Party, although this imbalance may be
wholly explicable and understandable when account is taken of the geo -
morphological characteristics of the terrain. It is earnestly hoped thatff this
solution indicated by the Court will not lead to a misunderstanding of tffhe

intention of the Court in creating a provisional demilitarization zone.

(Signed) Hisashi Owada.

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14. Un argument milite en faveur de la création de ce quadrilatère

tracé artificiellement sur la carte — de préférence à la zone d’exclusion
classique dont les limites suivent celles du territoire en litige: en raison des
particularités géomorphologiques de ce territoire, la mise en œffuvre des
mesures de démilitarisation pourrait se révéler extrêmement ffdifficile,
sinon impossible, alors que la zone tracée artificiellement, qui tienfft compte

de ces caractéristiques, la rendrait plus aisée.

15. Si je comprends la logique de cet argument, j’ai du mal à croire
que, en faisant le choix de la zone proposée plutôt que celui du « territoire
en litige» (voir paragraphe 9 de mon opinion), il sera plus facile d’assurer

l’application — et non l’exécution forcée — de la mesure indiquée par la
Cour. Ce qui peut paraître raisonnable sur une carte ne l’est pas ffnécessai -
rement sur le terrain. A mon sens, il s’agit de savoir non pas si la décision
de créer une zone démilitarisée peut être imposée par une autorité tierce
mais s’il est faisable pour les Parties de l’appliquer. Dès lors que ces der -

nières sont prêtes à respecter l’ordonnance de la Cour — et je ne vois
aucune raison de penser qu’il en va autrement —, elles pourront facile -
ment se plier à l’injonction de la Cour tendant à la démilitffarisation de la
zone en litige, chacune connaissant parfaitement les frontières revendi -
quées par l’une et par l’autre. En revanche, si claire soit-elle sur la carte,

la ligne de démarcation artificiellement tracée autour de la zone ffdémilita -
risée provisoire pourra se révéler difficile à respecter poffur les Parties.

16. En dernière analyse, ce n’est pas à mon avis le caractère coffntrai -
gnant de la décision qui amènera les Parties à adhérer aux mffesures conse-r

vatoires prescrites par la Cour, c’est plutôt le caractère léffgitime et
convaincant, parce que raisonnable, de la proposition de la Cour. Si l’ffon
considère la question sous cet angle, il est regrettable que ce quadrffilatère
empiète davantage sur le territoire relevant incontestablement de la ffsou -
veraineté de l’une des Parties que sur celui de l’autre, mêmffe si ce déséqui-

libre tient uniquement aux caractéristiques géomorphologiques du tfferrain.
Il faut espérer que la solution indiquée par la Cour n’entraîffnera pas de
méprise sur l’intention qui était la sienne en créant une zoffne démilitarisée
provisoire.

(Signé) Hisashi Owada.

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Opinion dissidente de M. Owada, président

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