Déclaration de M. le juge ad hoc Guillaume

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150-20110308-ORD-01-06-EN
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150-20110308-ORD-01-00-EN
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54

DÉCLARATION DE M. LE JUGE AD HOC GUILLAUME

Dragage du fleuve San Juan — Interprétation de l’article 6 de la sentence du
président Cleveland — Activités des deux Etats sur le territoire litigieu—
Protection de l’environnement — Coopération nécessaire du Costa Rica et du
Nicaragua.

1. Je souscris à nombre des conclusions auxquelles la Cour est par-
venue. Je souhaiterais cependant présenter ici quelques observations fet

préciser en quoi je me sépare sur un point de l’ordonnance adopftée.

Le dragage du fleuve San Juan

2. Dans sa demande en indication de mesures conservatoires, le

Costa Rica priait la Cour d’ordonner la suspension du programme de
dragage du fleuve San Juan mis en œuvre par le Nicaragua. Dans ses fconclu -
sions finales, le Costa Rica se borne à solliciter la suspension de cfe pro -
gramme dans la zone adjacente à Isla Portillos. La Cour a estimé que

les droits revendiqués par le Costa Rica en liaison avec les opérationfs de
dragage du fleuve San Juan entreprises par le Nicaragua étaientp«lfusibles»
(ordonnance, par.59). Mais elle a constaté que ces opérations ne faisaient
pas « peser sur l’environnement du Costa Rica ou sur le débit du fleuve
Colorado un risque de préjudice irréparable» (ibid., par.82). Elle a par voie

de conséquence rejeté la demande présentée sur ce point par fle Costa Rica.
3. J’approuve pleinement cette solution, mais pense utile d’en préfciser
la portée.
4. Le traité de limites du 15 avril 1858 fixe la frontière entre le
Costa Rica et le Nicaragua depuis l’océan Pacifique jusqu’à fla mer des

Caraïbes. Entre un point situé à trois milles anglais en aval dfe Cas -
tillo Viejo et la mer, la frontière suit la rive droite du San Juan. Le traité
donne autorité et juridiction souveraine (« dominio y sumo imperio ») au
Nicaragua sur les eaux et le lit du fleuve, tout en reconnaissant au
Costa Rica un droit de navigation dont la Cour a eu l’occasion de fixer lesf

limites dans son arrêt du 13 juillet 2009.
5. Les droits et obligations des Parties en ce qui concerne l’entretien et
l’amélioration du San Juan aux fins de navigation, et notamment son
dragage, ont été précisés dans la sentence arbitrale du préfsidentCleveland
du 22 mars 1888. Selon l’article 6 de cette sentence :

«6. La République du Costa Rica ne peut empêcher la République
du Nicaragua d’exécuter à ses propres frais et sur son propre tferri -

5255 certaines activités f(décl. guillaume)

toire de tels travaux d’amélioration, à condition que le territfoire du
Costa Rica ne soit pas occupé, inondé ou endommagé en consé -
quence de ces travaux et que ceux-ci n’arrêtent pas ou ne perturbent
pas gravement la navigation sur ledit fleuve ou sur l’un quelconquef
de ses affluents en aucun endroit où le Costa Rica a le droit de navi -
guer. La République du Costa Rica aura le droit d’être indemnisée si

des parties de la rive droite du fleuve San Juan qui lui appartiennent
sont occupées sans son consentement ou si des terres situées sur cfette
même rive sont inondées ou endommagées de quelque manière qufe
ce soit en conséquence de travaux d’amélioration. »

6. Il ressort de ces dispositions que, pour reprendre les termes de la
Cour dans son arrêt du 13 juillet 2009:

«[le Nicaragua peut exécuter à ses frais les travaux] nécessairefs pour
améliorer la navigation sur le fleuve San Juan … qu’il estime conve -

nables, à condition que lesdits travaux ne perturbent pas gravement lfa
navigation sur les affluents du San Juan appartenant au Costa Rica»
(Différend relatif à des droits de navigation et des droits connex▯ es
(Costa Rica c. Nicaragua), arrêt, C.I.J. Recueil 2009, p. 269, par. 155).

7. Par ailleurs, selon la sentence du président Cleveland, les opérations
d’entretien et d’amélioration menées à des fins de navigaftion sur le
San Juan doivent l’être sans qu’il y ait occupation du territoire cfosta-
ricien, sans que celui-ci soit inondé et sans que d’autres dommages soient

causés à ce territoire. La sentence ajoute que le Costa Rica a le droit
d’être indemnisé de tout dommage de ce type.
8. Les Parties s’opposent sur l’interprétation à donner à ceftte dernière
disposition. Le Nicaragua soutient que, en cas de dommage résultant dfe
travaux d’entretien ou d’amélioration du fleuve, le Costa Rica n’est pas en

droit d’empêcher la poursuite de ces travaux, mais peut seulement fdeman -
der indemnisation du préjudice subi. Le Costa Rica est d’une opinion
contraire.
9. La Cour n’a pas à ce stade pris parti sur ce point. Saisie d’une
demande en indication de mesures conservatoires présentée par le Cfosta
Rica, elle s’est bornée à rechercher si la thèse de ce dernifer a un caractère

plausible. Elle n’avait pas à se demander si la thèse du Nicarafgua était,
elle aussi, plausible (ordonnance, par. 57).
10. Pour ma part, je reconnais volontiers que les deux thèses peuvent
être soutenues et qu’elles sont toutes deux « plausibles». Je ne suis pas
certain que la Cour sera nécessairement amenée à prendre parti sur ces f

thèses lorsqu’elle examinera l’affaire au fond. En effet, sf’il apparaît qu’au -
cun dommage n’a été causé au territoire costa-ricien, il lui suffira de
constater que l’Etat demandeur n’a en rien souffert des opéraftions de
dragage menées par le Nicaragua. S’il en était autrement, la Cofur pour -
rait en revanche être amenée à interpréter l’article 6 de la sentence du
président Cleveland. A mon sentiment, elle ne pourrait alors que consta -

ter que la première et la seconde phrase de cet article n’ont pas fla même

5356 certaines activités f(décl. guillaume)

portée. En effet, le droit à indemnisation du Costa Rica est reconnu dans
la seconde phrase uniquement en cas de dommages causés à son terriftoire
et non en cas de perturbation grave apportée à la navigation. On lfe com-
prend aisément : de telles perturbations seraient contraires à l’objet et au
but même des travaux entrepris, et il conviendrait d’y porter remèfde. En
revanche, les dommages ponctuels résultant en territoire costa-ricien des

travaux menés sur le San Juan impliquent seulement indemnisation du
préjudice subi. Il s’agit là, me semble-t-il, de dommages transfrontaliers
relevant d’un régime de responsabilité objective (pour un cas fanalogue,
voir les sentences arbitrales des 16 avril 1938 et 11 mars 1941 dans l’affaire
des Fonderies du Trail, Nations Unies, Recueil des sentences arbitrales,

tome III, p. 1905).

Les activités sur le tefrritoire litigieux

11. Le Costa Rica se plaint par ailleurs devant la Cour de la construc -
tion sur son territoire d’un canal par lequel le Nicaragua aurait relfié le
fleuve San Juan à la lagune de Harbor Head à travers Isla Portillos. Le
Nicaragua, quant à lui, soutient qu’il s’est borné à nettfoyer à cet endroit
un chenal naturel dit caño dont la rive sud constituerait la frontière entre

les deux Etats. Ainsi, dans cette zone, deux différends opposent les Par -
ties. Le premier concerne la licéité des travaux menés par le Nficaragua; le
second porte sur la souveraineté sur un territoire d’environ trois kilo-
mètres carrés se trouvant au nord de la voie d’eau litigieuse (fdénommé
par la Cour le « territoire litigieux»). La Cour n’a bien entendu pris posi -
tion ni sur la licéité des travaux, ni sur les revendications de sfouveraineté.

Elle s’est bornée à relever que les droits revendiqués par lfe Costa Rica
étaient plausibles et n’a pas eu à se prononcer sur les droits frevendiqués
par le Nicaragua, qui, à mon opinion, étaient d’ailleurs eux aufssi
plausibles.
12. La Cour s’est en revanche prononcée sur les mesures conserva -

toires sollicitées dans ce secteur par le Costa Rica. Celui-ci, dans le der -
nier état de ses conclusions, demandait à la Cour d’inviter le Nicaragua à
s’abstenir

«dans la zone comprenant l’entièreté de Isla Portillos … de:

1) stationner ses troupes armées et autres agents ;
2) construire ou élargir un canal ;
3) procéder à l’abattage d’arbres ou à l’enlèvement def végétation ou
de terre ;
4) déverser des sédiments ».

13. Au cours des audiences et en réponse à des questions qui lui avaiefnt
été posées par un juge, le Nicaragua avait précisé qu’f« aucune troupe nica -
raguayenne ne stationne actuellement dans la zone en question » et qu’il

n’avait « nullement l’intention d’envoyer des troupes ou d’autres agents

5457 certaines activités f(décl. guillaume)

dans la région ». Ainsi, les conclusions du Costa Rica tendant à ce que la
Cour invite le Nicaragua à ne pas stationner ses troupes armées etf autres
agents sur Isla Portillos auraient pu être écartées, comme étant devenues
sans objet (en ce sens, voir l’affaire relative à des Questions concernant
l’obligation de poursuivre ou d’extrader (Belgique c. Sénégal), mesures

conservatoires, ordonnance du 28 mai 2009, C.I.J. Recueil 2009, p. 139).
14. Le Nicaragua avait cependant ajouté que « le caño n’est plus obs -
trué. Il est possible de patrouiller dans la zone des eaux du fleuvfe comme
cela a toujours été le cas afin de faire respecter la loi. » Le Nicaragua avait
ainsi marqué qu’il entendait exercer sa souveraineté sur le caño disputé.

Le Costa Rica prétendant également à cette souveraineté, « un risque réel
et actuel d’incidents» (ordonnance, par. 75) existait et, dans cette perspec-
tive, il appartenait à la Cour d’indiquer proprio motu les mesures conser -
vatoires qu’elle pouvait estimer nécessaires.
15. Sur ce terrain, la Cour a décidé non pas d’interdire au Nicaragua

d’envoyer des forces armées ou d’autres agents sur le territoire litigieux,
mais de procéder à une interdiction générale. Elle a en effet indiqué au
point 1 du dispositif de l’ordonnance que « [c]haque Partie s’abstiendra
d’envoyer ou de maintenir sur le territoire litigieux, y compris le caño, des
agents, qu’ils soient civils, de police ou de sécurité ». J’ai souscrit à ce
point, comme j’ai souscrit aux points 3 et 4 du dispositif en vue de la pré -

servation des droits à la souveraineté avancés par chacune des Parties et
de la sauvegarde de la paix dans la région.
16. Restaient les conclusions du Costa Rica tendant à ce que la Cour
invite le Nicaragua à ne pas construire et élargir le caño. A cet égard, la
Cour a tout d’abord constaté que le Nicaragua avait «affirmé à l’audience

que les opérations de nettoyage et de dégagement du caño étaient ache -
vées et avaient pris fin» (ibid., par. 71). La Cour a pris note de cette décla-
ration sans équivoque et en a déduit à juste titre qu’il n’fy avait pas lieu
d’inviter le Nicaragua à ne pas poursuivre des travaux auxquels ilf n’en -
tendait pas procéder (ibid., par. 74).

17. La Cour a cependant constaté que le territoire litigieux faisait par -
tie d’une zone humide d’importance internationale déclarée tfelle par le
Costa Rica en vertu de la convention de Ramsar du 2 février 1971. Elle
s’est demandée, à la lumière d’un rapport établi par lfe Secrétariat de cette
convention sur la base d’informations fournies par le Costa Rica, si l’exis-

tence même du caño ne risquait pas d’engendrer un préjudice irréparable
à l’environnement ainsi protégé. Conformément à une jufrisprudence
constante, elle s’est placée pour en juger à la date même de l’ordonnance
(voir l’affaire relative aux Activités armées sur le territoire du Congo
(République démocratique du Congo c. Ouganda), mesures conservatoires,
ordonnance du 1 erjuillet 2000, C.I.J. Recueil 2000, p. 128, par. 43). Elle a

constaté qu’à cette date il n’existait pas de risque imminenft de préjudice
irréparable et s’est donc abstenue d’indiquer des mesures consefrvatoires
destinées à prévenir de tels risques.
18. Elle n’en a pas moins jugé qu’il pourrait être utile que desf person -
nels civils en charge de la protection de l’environnement soient en mfesure

5558 certaines activités f(décl. guillaume)

de se rendre dans le territoire litigieux, y compris le caño, dans la stricte
mesure où un tel envoi serait nécessaire pour éviter qu’un tel préfjudice
n’apparaisse dans l’avenir. Il s’agit là d’une situation fqui, à mon senti -
ment, a peu de chances de se produire et la Cour me semble avoir fait
preuve sur ce point de craintes excessives. En vue de permettre de fairef
face à cet hypothétique danger, la Cour a cru devoir donner au Cosfta

Rica, et au Costa Rica seul, la possibilité d’envoyer sur le territoire
contesté des agents civils chargés de la protection de l’envirofnnement
capables d’apprécier la situation. Consciente cependant qu’une ftelle solu -
tion n’était pas sans inconvénients, la Cour a entouré cettef venue de plu -
sieurs garanties. Elle a prévu que, avant d’agir, le Costa Rica devra
consulter le Secrétariat de la convention de Ramsar, informer le Nicara -

gua et faire de son mieux pour rechercher avec ce dernier des solutions f
communes. Mais ce n’en est pas moins au Costa Rica, et au Costa Rica
seul, que la Cour a confié en dernier ressort le soin de décider sfi des agents
appartenant à l’administration chargée de la protection des zonfes humides
doivent, au cas où apparaîtrait un risque imminent de préjudice irrépa -

rable, se rendre dans le territoire litigieux.
19. J’aurais pour ma part préféré que cette responsabilité soit confiée
conjointement aux deux Parties.

a) D’une part, il existe dans la zone, ainsi que la Cour l’a relevéf (ordon -
nance, par. 79), deux zones humides d’importance internationale
couvertes par la convention de Ramsar. L’une, « Humedal Caribe
Noreste», a été établie par le Costa Rica sur Isla Portillos. L’autre,
«Refugio de Vida Silvestre Río San Juan», a été établie par le Nicara -
gua sur le fleuve et la lagune de HarborHead. Compte tenu notamment

du fait que le caño unit le fleuve et la lagune, il me paraît difficile de
dissocier la protection de l’environnement sur le caño de celle de l’en -
vironnement en amont et en aval en ne confiant in fine la surveillance
du territoire litigieux qu’à un seul Etat.
b) D’autre part, la solution retenue par la Cour me semble reposer sur lfe

fait que ce territoire se trouve dans la zone humide « Humedal Caribe
Noreste» établie par le Costa Rica. Elle paraît avoir pour but de per -
mettre au Costa Rica de remplir certaines des obligations qui sont les
siennes au titre de la convention de Ramsar. Mais, comme la Cour l’a f
relevé, les droits à la protection de l’environnement invoquéfs dans la
présente affaire « découlent des prétentions des Parties à la souverai -

neté sur le même territoire » (ibid., par. 56). Dès lors, la décision de la
Cour confiant au seul Costa Rica le soin d’envoyer des agents sur le
territoire contesté dans le cas où un préjudice irréparable fdeviendrait
imminent pourrait être interprétée comme privilégiant le droit à la sou -
veraineté du Costa Rica sur ce territoire.

20. Je reconnais qu’une telle interprétation serait erronée. En efffet, la
solution retenue par la Cour ne préjuge aucune question relative au ffond
de l’affaire (ibid., par. 85) et notamment pas la souveraineté sur le terri -

toire litigieux (ibid., par. 57). Elle n’implique pas que le titre du CostaRica

5659 certaines activités f(décl. guillaume)

sur ce territoire soit meilleur que celui du Nicaragua. Elle suppose seufle -
ment que ce titre soit plausible.
21. Cette solution me paraît cependant d’une efficacité douteuse. A
mon sentiment, il aurait mieux valu contraindre les deux Parties à néfgo -
cier. L’ordonnance recommande certes vivement au Costa Rica d’engager
en cas de besoin une telle négociation avec le Nicaragua. Cela m’af paru

cependant insuffisant et, de ce fait, je n’ai pu voter en faveur du fpoint 2 du
dispositif. Il me reste à exprimer l’espoir que si, par extraordinfaire, appa-
raissait un risque imminent de préjudice irréparable, un accord puisse être
trouvé entre les deux Etats.

(Signé) Gilbert Guillaume.

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DÉCLARATION DE M. LE JUGE AD HOC GUILLAUME

Dragage du fleuve San Juan — Interprétation de l’article 6 de la sentence du
président Cleveland — Activités des deux Etats sur le territoire litigieu—
Protection de l’environnement — Coopération nécessaire du Costa Rica et du
Nicaragua.

1. Je souscris à nombre des conclusions auxquelles la Cour est par-
venue. Je souhaiterais cependant présenter ici quelques observations fet

préciser en quoi je me sépare sur un point de l’ordonnance adopftée.

Le dragage du fleuve San Juan

2. Dans sa demande en indication de mesures conservatoires, le

Costa Rica priait la Cour d’ordonner la suspension du programme de
dragage du fleuve San Juan mis en œuvre par le Nicaragua. Dans ses fconclu -
sions finales, le Costa Rica se borne à solliciter la suspension de cfe pro -
gramme dans la zone adjacente à Isla Portillos. La Cour a estimé que

les droits revendiqués par le Costa Rica en liaison avec les opérationfs de
dragage du fleuve San Juan entreprises par le Nicaragua étaientp«lfusibles»
(ordonnance, par.59). Mais elle a constaté que ces opérations ne faisaient
pas « peser sur l’environnement du Costa Rica ou sur le débit du fleuve
Colorado un risque de préjudice irréparable» (ibid., par.82). Elle a par voie

de conséquence rejeté la demande présentée sur ce point par fle Costa Rica.
3. J’approuve pleinement cette solution, mais pense utile d’en préfciser
la portée.
4. Le traité de limites du 15 avril 1858 fixe la frontière entre le
Costa Rica et le Nicaragua depuis l’océan Pacifique jusqu’à fla mer des

Caraïbes. Entre un point situé à trois milles anglais en aval dfe Cas -
tillo Viejo et la mer, la frontière suit la rive droite du San Juan. Le traité
donne autorité et juridiction souveraine (« dominio y sumo imperio ») au
Nicaragua sur les eaux et le lit du fleuve, tout en reconnaissant au
Costa Rica un droit de navigation dont la Cour a eu l’occasion de fixer lesf

limites dans son arrêt du 13 juillet 2009.
5. Les droits et obligations des Parties en ce qui concerne l’entretien et
l’amélioration du San Juan aux fins de navigation, et notamment son
dragage, ont été précisés dans la sentence arbitrale du préfsidentCleveland
du 22 mars 1888. Selon l’article 6 de cette sentence :

«6. La République du Costa Rica ne peut empêcher la République
du Nicaragua d’exécuter à ses propres frais et sur son propre tferri -

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DECLARATION OF JUDGE AD HOC GUILLAUME

[Translation]

Dredging of the San Juan River — Interpretation of Article 6 of the Cleveland
Award — Activities of the two States on the disputed territory — Protection of the
environment — Co‑operation required between Costa Rica and Nicaragua.

1. I subscribe to a number of the conclusions reached by the Court.
Nevertheless, I would like to make some observations and explain why I

disagree with one of the points in the adopted Order.

The Dredging of the San Juafn River

2. In its Request for the indication of provisional measures, Costa

Rica asked the Court to order the suspension of Nicaragua’s dredging f
programme in the San Juan River. In its final submissions, it only seeksf
the suspension of that programme in the area adjacent to Isla Portillos.f
The Court found that the rights claimed by Costa Rica in respect of the

dredging operations undertaken by Nicaragua on the San Juan River are
“plausible” (Order, para. 59). However, it observed that those operations
were not “creating a risk of irreparable prejudice to Costa Rica’sf environ-
ment or to the flow of the Colorado River” (ibid., para. 82). Conse -
quently, it dismissed Costa Rica’s request on that issue.

3. I fully support that solution, but think it would be helpful to clarify f
its scope.
4. The Treaty of Limits of 15 April 1858 fixes the boundary between
Costa Rica and Nicaragua from the Pacific Ocean to the Caribbean Sea.

Between a point 3 English miles below Castillo Viejo and the sea, the
boundary follows the right bank of the San Juan River. The Treaty gives f
dominion and sovereign jurisdiction (“dominio y sumo imperio”) over the
waters and riverbed to Nicaragua, while acknowledging that Costa Rica
enjoys a right of navigation, the limits of which the Court had occasionf

to fix in its Judgment of 13 July 2009.
5. The Parties’ rights and obligations as regards the maintenance and
improvement of the San Juan for the purposes of navigation, and its
dredging in particular, were defined in the Cleveland Award of 22 March
1888. According to Article 6 of that Award :

“6. The Republic of Costa Rica cannot prevent the Republic of
Nicaragua from executing at her own expense and within her own ter-

5255 certaines activités f(décl. guillaume)

toire de tels travaux d’amélioration, à condition que le territfoire du
Costa Rica ne soit pas occupé, inondé ou endommagé en consé -
quence de ces travaux et que ceux-ci n’arrêtent pas ou ne perturbent
pas gravement la navigation sur ledit fleuve ou sur l’un quelconquef
de ses affluents en aucun endroit où le Costa Rica a le droit de navi -
guer. La République du Costa Rica aura le droit d’être indemnisée si

des parties de la rive droite du fleuve San Juan qui lui appartiennent
sont occupées sans son consentement ou si des terres situées sur cfette
même rive sont inondées ou endommagées de quelque manière qufe
ce soit en conséquence de travaux d’amélioration. »

6. Il ressort de ces dispositions que, pour reprendre les termes de la
Cour dans son arrêt du 13 juillet 2009:

«[le Nicaragua peut exécuter à ses frais les travaux] nécessairefs pour
améliorer la navigation sur le fleuve San Juan … qu’il estime conve -

nables, à condition que lesdits travaux ne perturbent pas gravement lfa
navigation sur les affluents du San Juan appartenant au Costa Rica»
(Différend relatif à des droits de navigation et des droits connex▯ es
(Costa Rica c. Nicaragua), arrêt, C.I.J. Recueil 2009, p. 269, par. 155).

7. Par ailleurs, selon la sentence du président Cleveland, les opérations
d’entretien et d’amélioration menées à des fins de navigaftion sur le
San Juan doivent l’être sans qu’il y ait occupation du territoire cfosta-
ricien, sans que celui-ci soit inondé et sans que d’autres dommages soient

causés à ce territoire. La sentence ajoute que le Costa Rica a le droit
d’être indemnisé de tout dommage de ce type.
8. Les Parties s’opposent sur l’interprétation à donner à ceftte dernière
disposition. Le Nicaragua soutient que, en cas de dommage résultant dfe
travaux d’entretien ou d’amélioration du fleuve, le Costa Rica n’est pas en

droit d’empêcher la poursuite de ces travaux, mais peut seulement fdeman -
der indemnisation du préjudice subi. Le Costa Rica est d’une opinion
contraire.
9. La Cour n’a pas à ce stade pris parti sur ce point. Saisie d’une
demande en indication de mesures conservatoires présentée par le Cfosta
Rica, elle s’est bornée à rechercher si la thèse de ce dernifer a un caractère

plausible. Elle n’avait pas à se demander si la thèse du Nicarafgua était,
elle aussi, plausible (ordonnance, par. 57).
10. Pour ma part, je reconnais volontiers que les deux thèses peuvent
être soutenues et qu’elles sont toutes deux « plausibles». Je ne suis pas
certain que la Cour sera nécessairement amenée à prendre parti sur ces f

thèses lorsqu’elle examinera l’affaire au fond. En effet, sf’il apparaît qu’au -
cun dommage n’a été causé au territoire costa-ricien, il lui suffira de
constater que l’Etat demandeur n’a en rien souffert des opéraftions de
dragage menées par le Nicaragua. S’il en était autrement, la Cofur pour -
rait en revanche être amenée à interpréter l’article 6 de la sentence du
président Cleveland. A mon sentiment, elle ne pourrait alors que consta -

ter que la première et la seconde phrase de cet article n’ont pas fla même

53 certain activities (dfecl. guillaume) 55

ritory such works of improvement, provided such works of imp-
rovement do not result in the occupation or flooding or damage of
Costa Rica territory, or in the destruction or serious impairment of
the navigation of the said river or any of its branches at any point
where Costa Rica is entitled to navigate the same. The Republic of
Costa Rica has the right to demand indemnification for any places

belonging to her on the right bank of the River San Juan which may
be occupied without her consent, and for any lands on the same bank
which may be flooded or damaged in any other way in consequence
of works of improvement.”

6. It is clear from that provision that, as the Court held in its Judgment f
of 13 July 2009,

“Nicaragua may execute [at its own expense] such works [to improve
navigation on the San Juan River] as it deems suitable, provided that

such works do not seriously impair navigation on tributaries of the
San Juan belonging to Costa Rica” (Dispute regarding Navigational and
Related Rights (Costa Rica v. Nicaragua), Judgment, I.C.J. Reports
2009, p. 269, para. 155).

7. Furthermore, in accordance with the Cleveland Award, mainte -
nance and improvement works for the purposes of navigation on the San
Juan River must be carried out without occupation, flooding or other
damage of Costa Rican territory. The Award adds that Costa Rica has

the right to be compensated for any such damage.

8. The Parties disagree as to how that final provision should be inter -
preted. Nicaragua contends that, if damage is caused by works to main -
tain or improve the river, Costa Rica is not entitled to prevent those

works from continuing, but only to seek reparation for the damage suf -
fered. Costa Rica holds an opposing view.

9. The Court has not expressed an opinion on that matter at this stage.
In considering Costa Rica’s Request for the indication of provisionalf
measures, it confined itself to deciding whether the latter’s claim wfas

plausible. It did not need to consider whether Nicaragua’s claim was falso
plausible (Order, para. 57).
10. For my part, I readily acknowledge that both claims can be sup -
ported, and that they are both “plausible”. I am not certain that fthe
Court will necessarily be required to rule on those claims when it consifd -

ers the merits of the case. Thus, if it appears that no damage has been f
caused to Costa Rican territory, it will be sufficient for the Court to note
that the Applicant has not suffered any harm as a result of the dredgifng
operations carried out by Nicaragua. On the other hand, if it appears
otherwise, the Court might need to interpret Article 6 of the Cleveland
Award. To my mind, in so doing it could only conclude that the Article’fs

first and second clauses do not carry the same weight. Thus Costa Rica’fs

5356 certaines activités f(décl. guillaume)

portée. En effet, le droit à indemnisation du Costa Rica est reconnu dans
la seconde phrase uniquement en cas de dommages causés à son terriftoire
et non en cas de perturbation grave apportée à la navigation. On lfe com-
prend aisément : de telles perturbations seraient contraires à l’objet et au
but même des travaux entrepris, et il conviendrait d’y porter remèfde. En
revanche, les dommages ponctuels résultant en territoire costa-ricien des

travaux menés sur le San Juan impliquent seulement indemnisation du
préjudice subi. Il s’agit là, me semble-t-il, de dommages transfrontaliers
relevant d’un régime de responsabilité objective (pour un cas fanalogue,
voir les sentences arbitrales des 16 avril 1938 et 11 mars 1941 dans l’affaire
des Fonderies du Trail, Nations Unies, Recueil des sentences arbitrales,

tome III, p. 1905).

Les activités sur le tefrritoire litigieux

11. Le Costa Rica se plaint par ailleurs devant la Cour de la construc -
tion sur son territoire d’un canal par lequel le Nicaragua aurait relfié le
fleuve San Juan à la lagune de Harbor Head à travers Isla Portillos. Le
Nicaragua, quant à lui, soutient qu’il s’est borné à nettfoyer à cet endroit
un chenal naturel dit caño dont la rive sud constituerait la frontière entre

les deux Etats. Ainsi, dans cette zone, deux différends opposent les Par -
ties. Le premier concerne la licéité des travaux menés par le Nficaragua; le
second porte sur la souveraineté sur un territoire d’environ trois kilo-
mètres carrés se trouvant au nord de la voie d’eau litigieuse (fdénommé
par la Cour le « territoire litigieux»). La Cour n’a bien entendu pris posi -
tion ni sur la licéité des travaux, ni sur les revendications de sfouveraineté.

Elle s’est bornée à relever que les droits revendiqués par lfe Costa Rica
étaient plausibles et n’a pas eu à se prononcer sur les droits frevendiqués
par le Nicaragua, qui, à mon opinion, étaient d’ailleurs eux aufssi
plausibles.
12. La Cour s’est en revanche prononcée sur les mesures conserva -

toires sollicitées dans ce secteur par le Costa Rica. Celui-ci, dans le der -
nier état de ses conclusions, demandait à la Cour d’inviter le Nicaragua à
s’abstenir

«dans la zone comprenant l’entièreté de Isla Portillos … de:

1) stationner ses troupes armées et autres agents ;
2) construire ou élargir un canal ;
3) procéder à l’abattage d’arbres ou à l’enlèvement def végétation ou
de terre ;
4) déverser des sédiments ».

13. Au cours des audiences et en réponse à des questions qui lui avaiefnt
été posées par un juge, le Nicaragua avait précisé qu’f« aucune troupe nica -
raguayenne ne stationne actuellement dans la zone en question » et qu’il

n’avait « nullement l’intention d’envoyer des troupes ou d’autres agents

54 certain activities (dfecl. guillaume) 56

right to indemnification is only recognized in the second clause in the f
event of damage to its territory, not in the event of serious disruptionf to
navigation. It is easy to see why : such disruption would be counter to the
very object and purpose of the works being carried out, and would need
to be remedied. By contrast, isolated damage to Costa Rican territory
caused by works carried out on the San Juan would only give rise to

indemnification for the harm suffered. In my view, that is transboundafry
damage, which falls under a régime of objective responsibility (for fa com -
parable case, see the Arbitral Awards of 16 April 1938 and 11 March 1941
in the Trail Smelter case, United Nations, Reports of International Arbi ‑
tral Awards, Vol. III, p. 1905).

The Activities on the Difsputed Territory

11. Costa Rica also brings a complaint before the Court about the
construction on its territory of a canal by which Nicaragua has reportedfly
joined the San Juan to the Harbor Head Lagoon, through Isla Portillos.
Nicaragua, for its part, contends that it has merely cleared a natural
channel (or “caño”) in that area, whose south bank forms the boundary

between the two States. There are thus two disputes between the Parties f
in the area concerned. The first concerns the lawfulness of the works car -
ried out by Nicaragua ; the second, the sovereignty over a territory of
approximately 3 square kilometres located to the north of the disputed
waterway (which the Court terms “the disputed territory”). Naturfally, the
Court did not express an opinion on either the legality of the works or the

claims to sovereignty. It merely observed that the rights claimed by Cosfta
Rica were plausible ; it was not required to rule on the rights asserted by
Nicaragua which, in my view, were also plausible.

12. The Court did on the other hand rule on the provisional measures

sought by Costa Rica in the area. In its submissions as finally presentefd,
the latter asked the Court to order Nicaragua not to,

“in the area comprising the entirety of Isla Portillos[,] . . .

(1) station any of its troops or other personnel ;
(2) engage in the construction or enlargement of a canal ;
(3) fell trees or remove vegetation or soil ;

(4) dump sediment”.

13. During the hearings and in response to questions put to it by one
of the judges, Nicaragua stated that “[t]here are no Nicaraguan troopfs
currently stationed in the area in question” and that it “does notf intend

to send any troops or other personnel to the region”. Thus, Costa Ricfa’s

5457 certaines activités f(décl. guillaume)

dans la région ». Ainsi, les conclusions du Costa Rica tendant à ce que la
Cour invite le Nicaragua à ne pas stationner ses troupes armées etf autres
agents sur Isla Portillos auraient pu être écartées, comme étant devenues
sans objet (en ce sens, voir l’affaire relative à des Questions concernant
l’obligation de poursuivre ou d’extrader (Belgique c. Sénégal), mesures

conservatoires, ordonnance du 28 mai 2009, C.I.J. Recueil 2009, p. 139).
14. Le Nicaragua avait cependant ajouté que « le caño n’est plus obs -
trué. Il est possible de patrouiller dans la zone des eaux du fleuvfe comme
cela a toujours été le cas afin de faire respecter la loi. » Le Nicaragua avait
ainsi marqué qu’il entendait exercer sa souveraineté sur le caño disputé.

Le Costa Rica prétendant également à cette souveraineté, « un risque réel
et actuel d’incidents» (ordonnance, par. 75) existait et, dans cette perspec-
tive, il appartenait à la Cour d’indiquer proprio motu les mesures conser -
vatoires qu’elle pouvait estimer nécessaires.
15. Sur ce terrain, la Cour a décidé non pas d’interdire au Nicaragua

d’envoyer des forces armées ou d’autres agents sur le territoire litigieux,
mais de procéder à une interdiction générale. Elle a en effet indiqué au
point 1 du dispositif de l’ordonnance que « [c]haque Partie s’abstiendra
d’envoyer ou de maintenir sur le territoire litigieux, y compris le caño, des
agents, qu’ils soient civils, de police ou de sécurité ». J’ai souscrit à ce
point, comme j’ai souscrit aux points 3 et 4 du dispositif en vue de la pré -

servation des droits à la souveraineté avancés par chacune des Parties et
de la sauvegarde de la paix dans la région.
16. Restaient les conclusions du Costa Rica tendant à ce que la Cour
invite le Nicaragua à ne pas construire et élargir le caño. A cet égard, la
Cour a tout d’abord constaté que le Nicaragua avait «affirmé à l’audience

que les opérations de nettoyage et de dégagement du caño étaient ache -
vées et avaient pris fin» (ibid., par. 71). La Cour a pris note de cette décla-
ration sans équivoque et en a déduit à juste titre qu’il n’fy avait pas lieu
d’inviter le Nicaragua à ne pas poursuivre des travaux auxquels ilf n’en -
tendait pas procéder (ibid., par. 74).

17. La Cour a cependant constaté que le territoire litigieux faisait par -
tie d’une zone humide d’importance internationale déclarée tfelle par le
Costa Rica en vertu de la convention de Ramsar du 2 février 1971. Elle
s’est demandée, à la lumière d’un rapport établi par lfe Secrétariat de cette
convention sur la base d’informations fournies par le Costa Rica, si l’exis-

tence même du caño ne risquait pas d’engendrer un préjudice irréparable
à l’environnement ainsi protégé. Conformément à une jufrisprudence
constante, elle s’est placée pour en juger à la date même de l’ordonnance
(voir l’affaire relative aux Activités armées sur le territoire du Congo
(République démocratique du Congo c. Ouganda), mesures conservatoires,
ordonnance du 1 erjuillet 2000, C.I.J. Recueil 2000, p. 128, par. 43). Elle a

constaté qu’à cette date il n’existait pas de risque imminenft de préjudice
irréparable et s’est donc abstenue d’indiquer des mesures consefrvatoires
destinées à prévenir de tels risques.
18. Elle n’en a pas moins jugé qu’il pourrait être utile que desf person -
nels civils en charge de la protection de l’environnement soient en mfesure

55 certain activities (dfecl. guillaume) 57

submissions that the Court request Nicaragua not to station any of its
troops or other personnel on Isla Portillos could have been dismissed
as no longer having any object (in this respect see the case concerningf
Questions relating to the Obligation to Prosecute or Extradite (Belgium▯ v.
Senegal), Provisional Measures, Order of 28 May 2009, I.C.J. Reports
2009, p. 139).

14. Nicaragua added, however, that “[t]he caño is no longer obstructed.
It is possible to patrol the area on the river, as has always been the cfase,
for the purposes of enforcing the law”. In so doing, Nicaragua signalled
its intention to exercise its sovereignty over the disputed caño. Since Costa
Rica is claiming sovereignty over the same area, there was “a real and
present risk of incidents” (Order, para. 75) and, in such circumstances, it

fell to the Court to indicate proprio motu any provisional measures which
it might consider necessary.
15. On this point, the Court decided not to prohibit Nicaragua from
sending armed forces or other personnel to the disputed territory, but to
enforce a general ban. Thus, in point 1 of the operative clause of the

Order, it stated that “[e]ach Party shall refrain from sending to, or main -
taining in the disputed territory, including the caño, any personnel,
whether civilian, police or security”. I voted in favour of that poinft, and
of points 3 and 4 of the operative clause, with a view to protecting the
right to sovereignty advanced by each of the Parties and safeguarding
peace in the region.

16. All that remained were Costa Rica’s submissions requesting the
Court to call upon Nicaragua not to construct or enlarge the caño. In that
connection, the Court began by observing that Nicaragua had “assertedf
at the hearings that the cleaning and clearing operations in respect of fthe
caño were over and finished” (ibid., para. 71). The Court took note of that
unequivocal statement and rightly deduced from it that there was no rea -

son to ask Nicaragua not to proceed with work which it was not intend -
ing to carry out (ibid., para. 74).
17. The Court observed, however, that the disputed territory was part
of a wetland of international importance declared as such by Costa Rica
under the Ramsar Convention of 2 February 1971. It considered whether,
in the light of a report drawn up by the Secretariat of that Convention fon

the basis of information supplied by Costa Rica, the very existence of tfhe
caño risked causing irreparable prejudice to the environment protected
under the Convention. In keeping with its established jurisprudence, thef
Court looked to determine this as at the date of the Order (see the casfe
concerning Armed Activities on the Territory of the Congo (Democratic

Republic of the Congo v. Uganda), Provisional Measures, Order of
1 July 2000, I.C.J. Reports 2000, p. 128, para. 43). It found that on that
date there was no imminent risk of irreparable prejudice, and therefore
refrained from indicating provisional measures aimed at averting such a f
risk.
18. Nevertheless, the Court felt that it could be useful for civilian per -

sonnel responsible for the protection of the environment to be able to

5558 certaines activités f(décl. guillaume)

de se rendre dans le territoire litigieux, y compris le caño, dans la stricte
mesure où un tel envoi serait nécessaire pour éviter qu’un tel préfjudice
n’apparaisse dans l’avenir. Il s’agit là d’une situation fqui, à mon senti -
ment, a peu de chances de se produire et la Cour me semble avoir fait
preuve sur ce point de craintes excessives. En vue de permettre de fairef
face à cet hypothétique danger, la Cour a cru devoir donner au Cosfta

Rica, et au Costa Rica seul, la possibilité d’envoyer sur le territoire
contesté des agents civils chargés de la protection de l’envirofnnement
capables d’apprécier la situation. Consciente cependant qu’une ftelle solu -
tion n’était pas sans inconvénients, la Cour a entouré cettef venue de plu -
sieurs garanties. Elle a prévu que, avant d’agir, le Costa Rica devra
consulter le Secrétariat de la convention de Ramsar, informer le Nicara -

gua et faire de son mieux pour rechercher avec ce dernier des solutions f
communes. Mais ce n’en est pas moins au Costa Rica, et au Costa Rica
seul, que la Cour a confié en dernier ressort le soin de décider sfi des agents
appartenant à l’administration chargée de la protection des zonfes humides
doivent, au cas où apparaîtrait un risque imminent de préjudice irrépa -

rable, se rendre dans le territoire litigieux.
19. J’aurais pour ma part préféré que cette responsabilité soit confiée
conjointement aux deux Parties.

a) D’une part, il existe dans la zone, ainsi que la Cour l’a relevéf (ordon -
nance, par. 79), deux zones humides d’importance internationale
couvertes par la convention de Ramsar. L’une, « Humedal Caribe
Noreste», a été établie par le Costa Rica sur Isla Portillos. L’autre,
«Refugio de Vida Silvestre Río San Juan», a été établie par le Nicara -
gua sur le fleuve et la lagune de HarborHead. Compte tenu notamment

du fait que le caño unit le fleuve et la lagune, il me paraît difficile de
dissocier la protection de l’environnement sur le caño de celle de l’en -
vironnement en amont et en aval en ne confiant in fine la surveillance
du territoire litigieux qu’à un seul Etat.
b) D’autre part, la solution retenue par la Cour me semble reposer sur lfe

fait que ce territoire se trouve dans la zone humide « Humedal Caribe
Noreste» établie par le Costa Rica. Elle paraît avoir pour but de per -
mettre au Costa Rica de remplir certaines des obligations qui sont les
siennes au titre de la convention de Ramsar. Mais, comme la Cour l’a f
relevé, les droits à la protection de l’environnement invoquéfs dans la
présente affaire « découlent des prétentions des Parties à la souverai -

neté sur le même territoire » (ibid., par. 56). Dès lors, la décision de la
Cour confiant au seul Costa Rica le soin d’envoyer des agents sur le
territoire contesté dans le cas où un préjudice irréparable fdeviendrait
imminent pourrait être interprétée comme privilégiant le droit à la sou -
veraineté du Costa Rica sur ce territoire.

20. Je reconnais qu’une telle interprétation serait erronée. En efffet, la
solution retenue par la Cour ne préjuge aucune question relative au ffond
de l’affaire (ibid., par. 85) et notamment pas la souveraineté sur le terri -

toire litigieux (ibid., par. 57). Elle n’implique pas que le titre du CostaRica

56 certain activities (dfecl. guillaume) 58

visit the disputed territory, including the caño, but only in so far as such
visits might be necessary to prevent such prejudice occurring in the futfure.
To my mind, that is a situation which is unlikely to arise, and I believfe
that the Court has shown undue apprehension in this respect. To allow
this hypothetical danger to be dealt with, the Court saw fit to give Cosfta
Rica, and Costa Rica alone, the possibility of dispatching to the disputfed

territory civilian personnel responsible for the protection of the envirfon -
ment and capable of assessing the situation. Recognizing, however, that fa
solution of this kind was not without drawbacks, the Court attached a
number of safeguards to such visits. It stipulated that, before acting,
Costa Rica must consult with the Secretariat of the Ramsar Convention,
give Nicaragua prior notice, and use its best endeavours to find common f

solutions with Nicaragua. Nonetheless, it is to Costa Rica, and to Costaf
Rica alone, that the Court has given the ultimate responsibility of decid -
ing whether, in the event of an imminent risk of irreparable prejudice, f
personnel from the administration responsible for the protection of wet -
lands should go to the disputed territory.

19. For my part, I would have preferred that responsibility to have
been conferred jointly on both Parties.

(a) Firstly, in the area in question, as the Court has observed (Order,
para. 79), there are two wetlands of international importance covered
by the Ramsar Convention. One, “Humedal Caribe Noreste”, was
established by Costa Rica on Isla Portillos. The other, “Refugio de
Vida Silvestre Río San Juan”, was established by Nicaragua on the f
river and the Harbor Head Lagoon. To my mind, especially given the

fact that the caño links the river and the lagoon, it is difficult to sep-
arate the protection of the environment of the caño from that of the
environment upstream and downstream of it, by ultimately entrusting
the supervision of the disputed territory to a single State.
(b) Secondly, it seems to me that the solution adopted by the Court is

based on the fact that the territory in question is located in the
“Humidal Caribe Noreste” wetland established by Costa Rica. This
appears to be aimed at enabling Costa Rica to fulfil certain obliga -
tions incumbent upon it under the Ramsar Convention. However, as
the Court has noted, the rights to environmental protection relied
upon in this case “derive from the sovereignty claimed by the Parties

over the same territory” (ibid., para. 56). Consequently, the Court’s
decision to entrust to Costa Rica alone the responsibility for dispatch -
ing personnel to the disputed territory in the event of imminent irrep-
arable prejudice could be interpreted as favouring Costa Rica’s rightf
to sovereignty over that territory.

20. I appreciate that such an interpretation would be wrong. The solu -
tion adopted by the Court does not prejudge any question relating to thef
merits of the case (ibid., para. 85), and especially not the sovereignty over

the disputed territory (ibid., para. 57). It does not imply that Costa Rica’s

5659 certaines activités f(décl. guillaume)

sur ce territoire soit meilleur que celui du Nicaragua. Elle suppose seufle -
ment que ce titre soit plausible.
21. Cette solution me paraît cependant d’une efficacité douteuse. A
mon sentiment, il aurait mieux valu contraindre les deux Parties à néfgo -
cier. L’ordonnance recommande certes vivement au Costa Rica d’engager
en cas de besoin une telle négociation avec le Nicaragua. Cela m’af paru

cependant insuffisant et, de ce fait, je n’ai pu voter en faveur du fpoint 2 du
dispositif. Il me reste à exprimer l’espoir que si, par extraordinfaire, appa-
raissait un risque imminent de préjudice irréparable, un accord puisse être
trouvé entre les deux Etats.

(Signé) Gilbert Guillaume.

57 certain activities (dfecl. guillaume) 59

title is better than Nicaragua’s. It merely supposes that that title fis plau -
sible.
21. However, to my mind that solution is of limited value. I believe
that it would have been more beneficial to compel the Parties to negoti -
ate. Despite strongly recommending that Costa Rica hold such negotia -
tions with Nicaragua, should the need arise, in my view the Order did not

go far enough and, accordingly, I was unable to vote in favour of point 2
of the operative clause. It remains for me to express the hope that, in fthe
unlikely event that an imminent risk of irreparable prejudice should arifse,
the two States will be able to reach an agreement.

(Signed) Gilbert Guillaume.

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Document Long Title

Déclaration de M. le juge <i>ad hoc</i> Guillaume

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