Déclaration de M. le juge Skotnikov

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150-20110308-ORD-01-03-EN
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150-20110308-ORD-01-00-EN
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42

DÉCLARATION DE M. LE JUGE SKOTNIKOV

[Traduction]

1. Je souscris pleinement à la décision de la Cour enjoignant aux deufx

Parties de « s’absten[ir] d’envoyer ou de maintenir sur le territoire liti -
gieux, y compris le caño, des agents, qu’ils soient civils, de police ou de
sécurité» (ordonnance, point 1 du dispositif).
2. Je ne peux cependant souscrire à la deuxième mesure conservatoire f
indiquée par la Cour, laquelle se lit comme suit :

«Nonobstant le point 1 ci-dessus, le Costa Rica pourra envoyer
sur le territoire litigieux, y compris le caño, des agents civils chargés

de la protection de l’environnement dans la stricte mesure où un tel
envoi serait nécessaire pour éviter qu’un préjudice irréparable ne soit
causé à la partie de la zone humide où ce territoire est situé ; le
Costa Rica devra consulter le Secrétariat de la convention de Ram -
sar au sujet de ces activités, informer préalablement le Nicaraguaf de
celles-ci et faire de son mieux pour rechercher avec ce dernier des

solutions communes à cet égard. » (Ibid., point 2 du dispositif.)
3. J’estime tout d’abord que deux conditions bien établies par la fjuris -

prudence de la Cour, à savoir l’existence d’un risque de dommagfe irrépa-
rable aux droits en litige et l’urgence, n’étaient pas satisfaiftes en la pré -
sente affaire. La Cour est parvenue à la conclusion que ces conditifons
étaient remplies en ce qui concerne la première mesure conservatoifre
(voir ibid., par. 75-77). La question de savoir si elles l’étaient également

en ce qui concerne la deuxième mesure conservatoire n’est toutefoifs
aucunement examinée dans l’ordonnance. Il y est simplement fait réffé -
rence à un préjudice qui pourrait être causé à l’envirfonnement (voir ibid.,
par. 80).
4. Je considère par ailleurs que, en votant en faveur de la deuxième f

mesure conservatoire, la majorité a fait assez peu de cas de l’oblfigation
qu’avait la Cour de ne pas préjuger de l’issue de la procédufre au fond.
Cette mesure conservatoire peut, en outre, être de nature à aggraver ou à
étendre le différend.
5. La raison avancée par la Cour pour autoriser le Costa Rica à
envoyer des agents civils chargés de la protection de l’environnemfent sur

le territoire litigieux, y compris le caño, est que, « le territoire litigieux
[étant] situé dans la zone humide « Humedal Caribe Noreste », par rap -
port à laquelle le Costa Rica a des obligations au titre de la convention de
Ramsar » (ibid., par.80), celui-ci doit, «en attendant l’arrêt sur le fond, …
être en mesure d’éviter qu’un préjudice irréparable nef soit causé à la par -

tie de cette zone humide où ce territoire est situé » (ibid.).

40 certaines activités f(décl. skotnikov) 43

6. La convention de Ramsar impose assurément des obligations au
Costa Rica en ce qui concerne la zone humide « Humedal Caribe
Noreste». La question de savoir si ces obligations s’étendent au terriftoire
litigieux, y compris au caño, ne peut cependant être tranchée que lors de
la phase du fond. C’est à juste titre que la Cour a considéréf que « les
droits en litige dans la présente instance découlent des prétenftions des

Parties à la souveraineté » sur la zone litigieuse (ordonnance, par. 56). Il
en va évidemment de même des obligations des Parties, y compris celles
qui leur incombent en vertu de la convention de Ramsar.
7. La Cour a jugé que le Nicaragua devait cesser de replanter des
arbres sur le territoire litigieux et s’abstenir d’y envoyer des ifnspecteurs
chargés de surveiller périodiquement le processus de reboisement, fainsi

que les changements qui pourraient se produire dans la région, y compfris
la lagune de Harbor Head, au motif que « cette situation crée un risque
imminent de préjudice irréparable au titre de souveraineté revefndiqué par
le Costa Rica sur ledit territoire ainsi qu’aux droits qui en découlent »
(ibid., par. 75). Or, la présence sur le territoire litigieux d’agents costa-

riciens chargés de la protection de l’environnement ne peut qu’fêtre tout
aussi préjudiciable au titre de souveraineté revendiqué par le fNicaragua
sur ce territoire.
8. La Cour a conclu que « le titre de souveraineté revendiqué par le
Costa Rica sur [le territoire litigieux] [était] plausible » (ibid., par. 58),
qu’elle « n’a[vait] pas à se prononcer [pour examiner la demande en indi -

cation de mesures conservatoires] sur la plausibilité du titre de soufverai -
neté avancé par le Nicaragua sur le territoire litigieux» (ibid.), et que «les
mesures conservatoires qu’elle pourrait indiquer ne préjugeraient fd’aucun
titre » (ibid.).
9. Dès lors, la plausibilité des droits revendiqués par le Costa Rica ne
saurait aucunement justifier que celui-ci soit placé dans une position plus

favorable que celle du Nicaragua. Or, tel semble malheureusement êtref
l’effet produit par la deuxième mesure conservatoire.
10. Les activités qu’a autorisées la Cour sur le territoire litigieux en
indiquant la deuxième mesure conservatoire doivent être menées par des
agents civils costa-riciens « dans la stricte mesure où un tel envoi serait
nécessaire pour éviter qu’un préjudice irréparable ne soift causé à la partie

de la zone humide où ce territoire est situé » (ibid., point 2 du dispositif).
Les activités que le Costa Rica peut mener en vertu de cette disposition
vont potentiellement bien au-delà de la reforestation et du contrôle envi -
sagés par le Nicaragua. Je comprends bien que telle n’était pasf l’intention
de la majorité lorsqu’elle a voté en faveur du point 2 du dispositif, mais,

malheureusement, cela risque bien d’aggraver et d’étendre le diffférend
dont la Cour est saisie, et d’en rendre le règlement plus difficifle. Dans
l’exposé des motifs fondant sa première mesure conservatoire, lfa Cour
note également que les activités menées par le Nicaragua dans lfe territoire
litigieux font naître « un risque réel et actuel d’incidents susceptibles d’en
traîner une atteinte irrémédiable à l’intégrité phyfsique de personnes ou à

leur vie » (ibid., par. 75). La majorité aurait dû être consciente de ce que

41 certaines activités f(décl. skotnikov) 44

les activités que le Costa Rica mènera en application de la deuxième
mesure conservatoire soulèvent peut-être le même danger.
11. Je noterai qu’il n’a pas été démontré, ni même avancé par les Par -
ties, que la présence d’agents costa-riciens ou nicaraguayens sur fle minus-
cule territoire en litige, y compris le caño, serait nécessaire afin d’éviter

que ne soit causé un préjudice irréparable à la partie de laf zone humide où
ce territoire est situé. Il ressort clairement du dossier de l’afffaire qu’aucun
agent n’était présent dans le territoire litigieux avant que lef Nicaragua
n’entreprenne ses activités dans le caño en octobre 2010.
Le Costa Rica n’a pas demandé à la Cour de prescrire une mesure l’au -

torisant à envoyer des agents dans le territoire litigieux (voir ordfonnance,
par. 75). La deuxième mesure conservatoire a été indiquée à lfa seule ini -
tiative de la Cour (voir ibid., par. 76).
12. Selon moi, la Cour aurait dû traiter la question de la protection de f
l’environnement exactement comme elle a traité celle de la prévfention des

activités criminelles dans le territoire litigieux. Il est indiquéf, dans l’exposé
des motifs de l’ordonnance, que

«en l’absence de forces de police ou de sécurité de l’une ou l’autre
Partie, chacune des Parties a la responsabilité de … surveiller [ce ter -
ritoire] à partir des territoires sur lesquels elles sont respectivemfent et
incontestablement souveraines, à savoir, s’agissant du Costa Rica, la
partie de Isla Portillos située à l’est de la rive droite du caño, à l’ex -

clusion de celui-ci, et, s’agissant du Nicaragua, le fleuve San Juan et
la lagune de Harbor Head, à l’exclusion du caño ; et qu’il appartient
aux forces de police ou de sécurité des Parties de coopérer entfre elles
dans un esprit de bon voisinage, notamment afin de lutter contre la
criminalité qui pourrait se développer sur le territoire litigieuxf» (ibid.,

par. 78).
13. Il aurait été tout à fait justifié que la Cour demande, de lfa même

manière, aux Parties de coopérer dans un esprit de bon voisinage affin de
protéger l’environnement de la zone concernée, étant donnéf qu’il s’agit
d’une zone humide commune et indivisible, qui comprend la zone humidef
«Humedal Caribe Noreste » et la zone humide « Refugio de Vida Sil -
vestre Río San Juan» (voir ibid., par. 79). La Cour a évidemment

«rappel[é] aux Parties que, en vertu de l’article 5 de la convention de
Ramsar,

«[l]es Parties contractantes se consultent sur l’exécution des oblif -
gations découlant de la convention, particulièrement dans le cas

d’une zone humide s’étendant sur les territoires de plus d’une Par -
tie contractante ou lorsqu’un bassin hydrographique est partagé
entre plusieurs Parties contractantes. Elles s’efforcent en mêmef
temps de coordonner et de soutenir leurs politiques et réglementa -
tions présentes et futures relatives à la conservation des zones

humides, de leur flore et de leur faune. »» (Ibid., par. 79.)

42 certaines activités f(décl. skotnikov) 45

Telles sont les obligations qui incombent aux Parties, quelles que soienft
leurs prétentions concurrentes sur un territoire litigieux de petite ftaille
situé dans la zone protégée au titre de la convention de Ramsarf.

(Signé) Leonid Skotnikov.

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DECLARATION OF JUDGE SKOTNIKOV

1. I fully support the Court’s decision directing both Parties to “reffrain

from sending to, or maintaining in the disputed territory, including thef
caño, any personnel, whether civilian, police or security” (Order, operaf -
tive clause (1)).
2. However, I am unable to concur in the second provisional measure
indicated by the Court, which reads as follows :

“Notwithstanding point (1) above, Costa Rica may dispatch civil -
ian personnel charged with the protection of the environment to the

disputed territory, including the caño, but only in so far as it is neces-
sary to avoid irreparable prejudice being caused to the part of the
wetland where that territory is situated; Costa Rica shall consult with
the Secretariat of the Ramsar Convention in regard to these actions,
give Nicaragua prior notice of them and use its best endeavours to
find common solutions with Nicaragua in this respect.” (Ibid., oper -

ative clause (2).)
3. First of all, I think that two conditions, well established by the jurisf

prudence of the Court, namely the existence of a risk of irreparable harfm
to the rights in dispute and urgency, have not been met in this instancef.
The Court has come to the conclusion that those conditions have been
fulfilled in respect of the first provisional measure (see ibid., para. 75-77).
However, the Order contains no assessment whatsoever as to whether

those conditions have been met in respect of the second provisional mea -
sure. The Order refers only to hypothetical prejudice to the environmentf
(see ibid., para. 80).

4. I am also of the view that the majority voting in favour of the sec -

ond provisional measure has treated the Court’s duty not to prejudge fthe
outcome of the merits of the case rather lightly. Moreover, this provi -
sional measure may contribute to aggravating or extending the dispute.

5. The following reason is given for allowing Costa Rica to dispatch
civilian personnel charged with protecting the environment to the dis -

puted territory, including the caño : “the disputed territory is . . . situated
in the ‘Humedal Caribe Noreste’ wetland, in respect of which Costaf Rica
bears obligations under the Ramsar Convention” (ibid., para. 80) and,
therefore, “pending delivery of the Judgment on the merits, Costa Ricfa
must be in a position to avoid irreparable prejudice being caused to thef

part of that wetland where that territory is situated” (ibid.).

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DÉCLARATION DE M. LE JUGE SKOTNIKOV

[Traduction]

1. Je souscris pleinement à la décision de la Cour enjoignant aux deufx

Parties de « s’absten[ir] d’envoyer ou de maintenir sur le territoire liti -
gieux, y compris le caño, des agents, qu’ils soient civils, de police ou de
sécurité» (ordonnance, point 1 du dispositif).
2. Je ne peux cependant souscrire à la deuxième mesure conservatoire f
indiquée par la Cour, laquelle se lit comme suit :

«Nonobstant le point 1 ci-dessus, le Costa Rica pourra envoyer
sur le territoire litigieux, y compris le caño, des agents civils chargés

de la protection de l’environnement dans la stricte mesure où un tel
envoi serait nécessaire pour éviter qu’un préjudice irréparable ne soit
causé à la partie de la zone humide où ce territoire est situé ; le
Costa Rica devra consulter le Secrétariat de la convention de Ram -
sar au sujet de ces activités, informer préalablement le Nicaraguaf de
celles-ci et faire de son mieux pour rechercher avec ce dernier des

solutions communes à cet égard. » (Ibid., point 2 du dispositif.)
3. J’estime tout d’abord que deux conditions bien établies par la fjuris -

prudence de la Cour, à savoir l’existence d’un risque de dommagfe irrépa-
rable aux droits en litige et l’urgence, n’étaient pas satisfaiftes en la pré -
sente affaire. La Cour est parvenue à la conclusion que ces conditifons
étaient remplies en ce qui concerne la première mesure conservatoifre
(voir ibid., par. 75-77). La question de savoir si elles l’étaient également

en ce qui concerne la deuxième mesure conservatoire n’est toutefoifs
aucunement examinée dans l’ordonnance. Il y est simplement fait réffé -
rence à un préjudice qui pourrait être causé à l’envirfonnement (voir ibid.,
par. 80).
4. Je considère par ailleurs que, en votant en faveur de la deuxième f

mesure conservatoire, la majorité a fait assez peu de cas de l’oblfigation
qu’avait la Cour de ne pas préjuger de l’issue de la procédufre au fond.
Cette mesure conservatoire peut, en outre, être de nature à aggraver ou à
étendre le différend.
5. La raison avancée par la Cour pour autoriser le Costa Rica à
envoyer des agents civils chargés de la protection de l’environnemfent sur

le territoire litigieux, y compris le caño, est que, « le territoire litigieux
[étant] situé dans la zone humide « Humedal Caribe Noreste », par rap -
port à laquelle le Costa Rica a des obligations au titre de la convention de
Ramsar » (ibid., par.80), celui-ci doit, «en attendant l’arrêt sur le fond, …
être en mesure d’éviter qu’un préjudice irréparable nef soit causé à la par -

tie de cette zone humide où ce territoire est situé » (ibid.).

4043 certain activities (dfecl. skotnikov)

6. It is certainly true that Costa Rica bears obligations under the
Ramsar Convention in respect of “Humedal Caribe Noreste”. However,
the question as to whether those obligations extend to the disputed terrfi-
tory, including the caño, can only be answered at the merits stage. The
Court correctly states that “the rights at issue in these proceedingsf derive
from the sovereignty” which both Parties claim in respect of the dispfuted

area (Order, para. 56). The same is obviously true of the obligations of
the Parties, including those under the Ramsar Convention.

7. The Court has decided that Nicaragua must cease the replanting of
the trees in the disputed territory and must not send inspectors to perifodi -
cally monitor the reforestation process and any changes which might

occur in the region, including the Harbor Head Lagoon, because “this f
situation creates an imminent risk of irreparable prejudice to Costa Ricfa’s
claimed title to sovereignty over the said territory and to the rights deriv -
ing therefrom” (ibid., para. 75). However, the presence in the disputed
territory of Costa Rica’s personnel charged with protecting the envirfon -

ment can only be equally prejudicial to Nicaragua’s claimed title to fsov -
ereignty over that territory.

8. The Court has stated that “the title to sovereignty claimed by Costa f
Rica over [the disputed territory] is plausible” (ibid., para. 58), that “the
Court is not called upon [for the purposes of considering a request for fthe

indication of provisional measures] to rule on the plausibility of the tfitle
to sovereignty over the disputed territory advanced by Nicaragua” (ibid.),
and that “the provisional measures it may indicate would not prejudgef
any title” (ibid.).
9. It follows that the plausibility of the rights claimed by Costa Rica
cannot provide any basis for putting the Applicant in a more favourable f

position than Nicaragua. This, unfortunately, appears to be the result off
the second provisional measure.
10. Costa Rica’s activities which the Court is allowing in the disputed
territory by indicating the second provisional measure are to be carriedf
out by Costa Rica’s civilian personnel “in so far as it is necessafry to
avoid irreparable prejudice being caused to the part of the wetland

where that territory is situated” (ibid., operative clause (2)). Actions
which may be taken by Costa Rica under the above provision poten-
tially go well beyond the reforestation and monitoring contemplated
by Nicaragua. I well understand that this was not the majority’s intefntion
in voting in favour of operative clause (2) but, unfortunately, this

does create a risk of aggravating and extending the dispute before
the Court and making it more difficult to resolve. In giving its reasons
for indicating the first provisional measure, the Court also notes that
Nicaragua’s activities in the disputed territory give rise “to a rfeal
and present risk of incidents liable to cause irremediable harm in
the form of bodily injury or death” (ibid., para. 75). The majority should

have been aware that activities undertaken by Costa Rica in

41 certaines activités f(décl. skotnikov) 43

6. La convention de Ramsar impose assurément des obligations au
Costa Rica en ce qui concerne la zone humide « Humedal Caribe
Noreste». La question de savoir si ces obligations s’étendent au terriftoire
litigieux, y compris au caño, ne peut cependant être tranchée que lors de
la phase du fond. C’est à juste titre que la Cour a considéréf que « les
droits en litige dans la présente instance découlent des prétenftions des

Parties à la souveraineté » sur la zone litigieuse (ordonnance, par. 56). Il
en va évidemment de même des obligations des Parties, y compris celles
qui leur incombent en vertu de la convention de Ramsar.
7. La Cour a jugé que le Nicaragua devait cesser de replanter des
arbres sur le territoire litigieux et s’abstenir d’y envoyer des ifnspecteurs
chargés de surveiller périodiquement le processus de reboisement, fainsi

que les changements qui pourraient se produire dans la région, y compfris
la lagune de Harbor Head, au motif que « cette situation crée un risque
imminent de préjudice irréparable au titre de souveraineté revefndiqué par
le Costa Rica sur ledit territoire ainsi qu’aux droits qui en découlent »
(ibid., par. 75). Or, la présence sur le territoire litigieux d’agents costa-

riciens chargés de la protection de l’environnement ne peut qu’fêtre tout
aussi préjudiciable au titre de souveraineté revendiqué par le fNicaragua
sur ce territoire.
8. La Cour a conclu que « le titre de souveraineté revendiqué par le
Costa Rica sur [le territoire litigieux] [était] plausible » (ibid., par. 58),
qu’elle « n’a[vait] pas à se prononcer [pour examiner la demande en indi -

cation de mesures conservatoires] sur la plausibilité du titre de soufverai -
neté avancé par le Nicaragua sur le territoire litigieux» (ibid.), et que «les
mesures conservatoires qu’elle pourrait indiquer ne préjugeraient fd’aucun
titre » (ibid.).
9. Dès lors, la plausibilité des droits revendiqués par le Costa Rica ne
saurait aucunement justifier que celui-ci soit placé dans une position plus

favorable que celle du Nicaragua. Or, tel semble malheureusement êtref
l’effet produit par la deuxième mesure conservatoire.
10. Les activités qu’a autorisées la Cour sur le territoire litigieux en
indiquant la deuxième mesure conservatoire doivent être menées par des
agents civils costa-riciens « dans la stricte mesure où un tel envoi serait
nécessaire pour éviter qu’un préjudice irréparable ne soift causé à la partie

de la zone humide où ce territoire est situé » (ibid., point 2 du dispositif).
Les activités que le Costa Rica peut mener en vertu de cette disposition
vont potentiellement bien au-delà de la reforestation et du contrôle envi -
sagés par le Nicaragua. Je comprends bien que telle n’était pasf l’intention
de la majorité lorsqu’elle a voté en faveur du point 2 du dispositif, mais,

malheureusement, cela risque bien d’aggraver et d’étendre le diffférend
dont la Cour est saisie, et d’en rendre le règlement plus difficifle. Dans
l’exposé des motifs fondant sa première mesure conservatoire, lfa Cour
note également que les activités menées par le Nicaragua dans lfe territoire
litigieux font naître « un risque réel et actuel d’incidents susceptibles d’en
traîner une atteinte irrémédiable à l’intégrité phyfsique de personnes ou à

leur vie » (ibid., par. 75). La majorité aurait dû être consciente de ce que

4144 certain activities (dfecl. skotnikov)

accordance with the second provisional measure may pose the same
danger.
11. Let me note that it has not been shown, or even argued by the Par -
ties, that any presence of either Costa Rica’s or Nicaragua’s persfonnel in
the tiny disputed territory, including the caño, is necessary in order to

avoid irreparable prejudice being caused to the part of the wetland wherfe
this territory is situated. It is clear from the case file that no persofnnel
were present in the disputed territory before Nicaragua embarked on its f
caño operation in October 2010.
Costa Rica itself did not request the Court to indicate a provisional

measure allowing it to send personnel to the disputed territory (see Orfder,
para. 75). The second provisional measure is indicated purely on the
Court’s initiative (see ibid., para. 76).
12. In my view, the Court should have dealt with the issue of protec -
tion of the environment in exactly the same way as it dealt with the issfue

concerning the prevention of criminal activity in the disputed territoryf. It
noted in the reasoning in the Order that

“in the absence of any police or security forces of either Party, eacfh
Party has the responsibility to monitor that territory from the terri -
tory over which it unquestionably holds sovereignty, i.e., in Costa
Rica’s case, the part of Isla Portillos lying east of the right bank of
the caño, excluding the caño ; and, in Nicaragua’s case, the

San Juan River and Harbor Head Lagoon, excluding the caño ;
and . . . it shall be for the Parties’ police or security forces to co-op-
erate with each other in a spirit of good neighbourliness, in particular
to combat any criminal activity which may develop in the disputed
territory” (ibid., para. 78).

13. A similar call by the Court on the Parties to co-operate in a spirit

of good neighbourliness in protecting the environment of the area would f
have been well justified given that this is a shared and inseparable wetfland
comprising the “Humedal Caribe Noreste” and the “Refugio de VidfaSil -
vestre Río San Juan” (see ibid., para. 79). The Court indeed

“remind[ed] the Parties that, under Article 5 of the Ramsar Conven -
tion :

‘[t]he Contracting Parties shall consult with each other about
implementing obligations arising from the Convention especially

in the case of a wetland extending over the territories of more than
one Contracting Party or where a water system is shared by Con -
tracting Parties. They shall at the same time endeavour to coordi -
nate and support present and future policies and regulations con -
cerning the conservation of wetlands and their flora and fauna.’”f

(Ibid., para. 79.)

42 certaines activités f(décl. skotnikov) 44

les activités que le Costa Rica mènera en application de la deuxième
mesure conservatoire soulèvent peut-être le même danger.
11. Je noterai qu’il n’a pas été démontré, ni même avancé par les Par -
ties, que la présence d’agents costa-riciens ou nicaraguayens sur fle minus-
cule territoire en litige, y compris le caño, serait nécessaire afin d’éviter

que ne soit causé un préjudice irréparable à la partie de laf zone humide où
ce territoire est situé. Il ressort clairement du dossier de l’afffaire qu’aucun
agent n’était présent dans le territoire litigieux avant que lef Nicaragua
n’entreprenne ses activités dans le caño en octobre 2010.
Le Costa Rica n’a pas demandé à la Cour de prescrire une mesure l’au -

torisant à envoyer des agents dans le territoire litigieux (voir ordfonnance,
par. 75). La deuxième mesure conservatoire a été indiquée à lfa seule ini -
tiative de la Cour (voir ibid., par. 76).
12. Selon moi, la Cour aurait dû traiter la question de la protection de f
l’environnement exactement comme elle a traité celle de la prévfention des

activités criminelles dans le territoire litigieux. Il est indiquéf, dans l’exposé
des motifs de l’ordonnance, que

«en l’absence de forces de police ou de sécurité de l’une ou l’autre
Partie, chacune des Parties a la responsabilité de … surveiller [ce ter -
ritoire] à partir des territoires sur lesquels elles sont respectivemfent et
incontestablement souveraines, à savoir, s’agissant du Costa Rica, la
partie de Isla Portillos située à l’est de la rive droite du caño, à l’ex -

clusion de celui-ci, et, s’agissant du Nicaragua, le fleuve San Juan et
la lagune de Harbor Head, à l’exclusion du caño ; et qu’il appartient
aux forces de police ou de sécurité des Parties de coopérer entfre elles
dans un esprit de bon voisinage, notamment afin de lutter contre la
criminalité qui pourrait se développer sur le territoire litigieuxf» (ibid.,

par. 78).
13. Il aurait été tout à fait justifié que la Cour demande, de lfa même

manière, aux Parties de coopérer dans un esprit de bon voisinage affin de
protéger l’environnement de la zone concernée, étant donnéf qu’il s’agit
d’une zone humide commune et indivisible, qui comprend la zone humidef
«Humedal Caribe Noreste » et la zone humide « Refugio de Vida Sil -
vestre Río San Juan» (voir ibid., par. 79). La Cour a évidemment

«rappel[é] aux Parties que, en vertu de l’article 5 de la convention de
Ramsar,

«[l]es Parties contractantes se consultent sur l’exécution des oblif -
gations découlant de la convention, particulièrement dans le cas

d’une zone humide s’étendant sur les territoires de plus d’une Par -
tie contractante ou lorsqu’un bassin hydrographique est partagé
entre plusieurs Parties contractantes. Elles s’efforcent en mêmef
temps de coordonner et de soutenir leurs politiques et réglementa -
tions présentes et futures relatives à la conservation des zones

humides, de leur flore et de leur faune. »» (Ibid., par. 79.)

4245 certain activities (dfecl. skotnikov)

That is what the Parties are under an obligation to do irrespective of
their competing claims to a small disputed territory situated in the arefa
protected under the Ramsar Convention.

(Signed) Leonid Skotnikov.

43 certaines activités f(décl. skotnikov) 45

Telles sont les obligations qui incombent aux Parties, quelles que soienft
leurs prétentions concurrentes sur un territoire litigieux de petite ftaille
situé dans la zone protégée au titre de la convention de Ramsarf.

(Signé) Leonid Skotnikov.

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Déclaration de M. le juge Skotnikov

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