Déclaration de M. le juge Gaja

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148-20130206-ORD-01-03-EN
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148-20130206-ORD-01-00-EN
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41

DÉCLARATION DE M. LE JUGE GAJA

[Traduction]

Il paraît regrettable que la Cour, saisie pour la première fois defpuis
plusieurs décennies d’une déclaration d’intervention au titrfe de l’article 63
du Statut, n’ait pas profité de l’occasion pour clarifier certafins aspects de
la procédure afférente à ce type d’intervention.
Il est certes compréhensible que la Cour ne souhaite pas aborder des f
questions qu’il n’est pas indispensable de trancher pour statuer sfur la

recevabilité de l’intervention de la Nouvelle-Zélande, mais il est plus diffi -
cile de voir pourquoi l’examen des conditions de recevabilité se rfésume à
une référence générale à l’article 63 du Statut et à l’analyse des exigences
formelles énoncées à l’article 82 du Règlement (par. 8).

L’une des conditions qui aurait dû être expressément mise sufr le tapis
et examinée par la Cour est la pertinence, au regard de la question efn
litige, de l’interprétation proposée de la convention. Dans l’farrêt qu’elle a
rendu en l’affaire Haya de la Torre (Colombie c. Pérou), la Cour a rap -
pelé que « toute intervention est un incident de procédure » et que la

«déclaration déposée à fins d’intervention ne revêt, en droit, ce caractère
que si elle a réellement trait à ce qui est l’objet de l’instance en cours »
(C.I.J. Recueil 1951, p. 76). Pour cette raison, elle avait alors conclu que
l’intervention de Cuba n’était recevable qu’en partie (ibid., p. 77). Ce n’est
qu’à l’étape de l’arrêt au fond qu’elle s’est prononcée à cet égard. Lorsque
la question se pose à une étape antérieure, comme c’est le cfas en l’espèce,

elle devrait se borner à vérifier la pertinence prima facie de l’interprétation
proposée pour le jugement de l’affaire. Elle aurait pu énoncefr ce critère et
examiner la déclaration de la Nouvelle-Zélande en conséquence. Il ne fait
aucun doute qu’elle aurait conclu à la recevabilité de la déclaration sur ce
plan, ne serait-ce qu’en raison des nombreuses références que fait celle-ci

à l’interprétation de l’article VIII de la convention internationale pour la
réglementation de la chasse à la baleine, disposition au cœur mfême de la
présente affaire.
Bien qu’elle se soit abstenue d’examiner spécifiquement les conditions
de recevabilité de l’intervention de la Nouvelle-Zélande, la Cour formule

tout de même certaines remarques étrangères à cette questionf, notam -
ment lorsqu’elle affirme que, conformément au paragraphe 2 de l’ar -
ticle 63 du Statut, l’interprétation qu’elle fera de la convention sefra
obligatoire pour la Nouvelle-Zélande, en tant qu’intervenant. On pour -
rait voir là un simple rappel de la disposition du Statut exposant lefs effets
en droit de l’intervention. Or la disposition précise en réalitfé que cette

interprétation « est également obligatoire » à l’égard de l’intervenant. En
déduire que seul ce dernier est lié par l’interprétation revfiendrait à donner

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4 CIJ1041.indb 81 3/03/14 10:42 chasse à la baleine dfans l’antarctique (défcl. gaja) 42

à cette disposition une signification bancale et injuste envers lui. fEn préci-
sant que l’interprétation est « également» obligatoire à l’égard de l’inter -
venant, le paragraphe 2 de l’article 62 indique que l’interprétation de la
convention s’impose non seulement à l’intervenant envers les pafrties, mais

aussi à celles-ci envers celui-là.
Si la question des effets de l’interprétation devait se poser formellement,
il se peut bien que la Cour en vienne à la même conclusion. Mais, fen ne
mettant l’accent que sur les obligations à venir de l’intervenafnt, elle pour -

rait malheureusement donner l’impression d’avoir pris un parti diffférent.

(Signé) Giorgio Gaja.

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4 CIJ1041.indb 83 3/03/14 10:42

Bilingual Content

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DECLARATION OF JUDGE GAJA

It may be regretted that the Court, facing for the first time in severalf
decades a declaration of intervention under Article 63 of the Statute, has
not seized the opportunity for clarifying certain aspects of the procedufre
relating to this type of intervention.
While one may understand that the Court does not wish to address
questions that are not immediately relevant for the purpose of deciding f

whether New Zealand’s intervention is admissible, it is less understafnd -
able that the conditions for the admissibility of an intervention are onfly
the object of a general reference to Article 63 of the Statute and of an
analysis of the formal requirements set forth by Article 82 of the Rules
(para. 8).

One of the conditions which should have been spelled out and ascer -
tained by the Court relates to the relevance of the suggested constructifon
of the convention for the decision of the case. In the Haya de la Torre
(Colombia v. Peru) Judgment the Court had noted that “every interven -
tion is incidental to the proceedings in a case” and that “a declafration

filed as an intervention only acquires that character, in law, if it actually
relates to the subject-matter of the pending proceedings” (I.C.J. Reports
1951, p. 76). On that basis, the Court found that Cuba’s intervention was
admissible only in part (ibid., p. 77). The Court made this assessment in
the Judgment that decided the case on the merits. When confronted with
the same issue at an earlier stage, as in the present case, the Court should

not go further than a prima facie analysis of the relevance of the sug -
gested construction for the decision of the case. The Court could have
outlined this criterion and assessed New Zealand’s declaration accord -
ingly. No doubt, the Court would have reached the conclusion that in thifs
regard the intervention is admissible, given the extensive references inf

New Zealand’s declaration to the construction of Article VIII of the
International Convention for the Regulation of Whaling which is at the
core of the present case.
While the Court fails to analyse specifically the conditions for admis -
sibility of New Zealand’s intervention, it includes in its Order somef

remarks that do not concern that admissibility. This concerns in particuf -
lar the assertion that New Zealand as an intervener will be bound, accorfd -
ing to paragraph 2 of Article 63 of the Statute, by the construction to be
given by the Court. This statement may be taken as a simple reminder of f
the relevant paragraph in the Statute on the legal effects of an interfven -
tion. However, the provision in the Statute actually says that “the cfon -

struction . . . will be equally binding upon” the intervener. This cannot
mean that only the intervener will be bound. The provision would be

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DÉCLARATION DE M. LE JUGE GAJA

[Traduction]

Il paraît regrettable que la Cour, saisie pour la première fois defpuis
plusieurs décennies d’une déclaration d’intervention au titrfe de l’article 63
du Statut, n’ait pas profité de l’occasion pour clarifier certafins aspects de
la procédure afférente à ce type d’intervention.
Il est certes compréhensible que la Cour ne souhaite pas aborder des f
questions qu’il n’est pas indispensable de trancher pour statuer sfur la

recevabilité de l’intervention de la Nouvelle-Zélande, mais il est plus diffi -
cile de voir pourquoi l’examen des conditions de recevabilité se rfésume à
une référence générale à l’article 63 du Statut et à l’analyse des exigences
formelles énoncées à l’article 82 du Règlement (par. 8).

L’une des conditions qui aurait dû être expressément mise sufr le tapis
et examinée par la Cour est la pertinence, au regard de la question efn
litige, de l’interprétation proposée de la convention. Dans l’farrêt qu’elle a
rendu en l’affaire Haya de la Torre (Colombie c. Pérou), la Cour a rap -
pelé que « toute intervention est un incident de procédure » et que la

«déclaration déposée à fins d’intervention ne revêt, en droit, ce caractère
que si elle a réellement trait à ce qui est l’objet de l’instance en cours »
(C.I.J. Recueil 1951, p. 76). Pour cette raison, elle avait alors conclu que
l’intervention de Cuba n’était recevable qu’en partie (ibid., p. 77). Ce n’est
qu’à l’étape de l’arrêt au fond qu’elle s’est prononcée à cet égard. Lorsque
la question se pose à une étape antérieure, comme c’est le cfas en l’espèce,

elle devrait se borner à vérifier la pertinence prima facie de l’interprétation
proposée pour le jugement de l’affaire. Elle aurait pu énoncefr ce critère et
examiner la déclaration de la Nouvelle-Zélande en conséquence. Il ne fait
aucun doute qu’elle aurait conclu à la recevabilité de la déclaration sur ce
plan, ne serait-ce qu’en raison des nombreuses références que fait celle-ci

à l’interprétation de l’article VIII de la convention internationale pour la
réglementation de la chasse à la baleine, disposition au cœur mfême de la
présente affaire.
Bien qu’elle se soit abstenue d’examiner spécifiquement les conditions
de recevabilité de l’intervention de la Nouvelle-Zélande, la Cour formule

tout de même certaines remarques étrangères à cette questionf, notam -
ment lorsqu’elle affirme que, conformément au paragraphe 2 de l’ar -
ticle 63 du Statut, l’interprétation qu’elle fera de la convention sefra
obligatoire pour la Nouvelle-Zélande, en tant qu’intervenant. On pour -
rait voir là un simple rappel de la disposition du Statut exposant lefs effets
en droit de l’intervention. Or la disposition précise en réalitfé que cette

interprétation « est également obligatoire » à l’égard de l’intervenant. En
déduire que seul ce dernier est lié par l’interprétation revfiendrait à donner

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4 CIJ1041.indb 81 3/03/14 10:42 42 whaling in the antarcftic (decl. gaja)

unbalanced, and unduly penalize the intervener. By saying that the interf-
vener will be “equally” bound, paragraph 2 of Article 62 points to the
conclusion that, with regard to the construction of the convention, the f
intervener will be bound towards the parties and that the parties will aflso

be bound towards the intervener.
Should the question of the effects of the construction arise, the Courft
may well reach the same conclusion. However, by focusing only on the
future obligations of the intervener, the Court may regrettably suggest

that it holds a different view.

(Signed) Giorgio Gaja.

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4 CIJ1041.indb 82 3/03/14 10:42 chasse à la baleine dfans l’antarctique (défcl. gaja) 42

à cette disposition une signification bancale et injuste envers lui. fEn préci-
sant que l’interprétation est « également» obligatoire à l’égard de l’inter -
venant, le paragraphe 2 de l’article 62 indique que l’interprétation de la
convention s’impose non seulement à l’intervenant envers les pafrties, mais

aussi à celles-ci envers celui-là.
Si la question des effets de l’interprétation devait se poser formellement,
il se peut bien que la Cour en vienne à la même conclusion. Mais, fen ne
mettant l’accent que sur les obligations à venir de l’intervenafnt, elle pour -

rait malheureusement donner l’impression d’avoir pris un parti diffférent.

(Signé) Giorgio Gaja.

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4 CIJ1041.indb 83 3/03/14 10:42

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Déclaration de M. le juge Gaja

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