Déclaration commune de MM. les juges Koroma et Yusuf

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144-20090528-ORD-01-01-EN
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144-20090528-ORD-01-00-EN
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DÉCLARATION COMMUNE
DE MM. LES JUGES KOROMA ET YUSUF

[Traduction]

Obligation aut dedere aut judicare — But de la demande en indication de
mesures conservatoires de la Belgique — But atteint grâce aux assurances du
Sénégal — Caractère inacceptable de l’impunité.

1. Bien qu’ayant voté en faveur de l’ordonnance, nous avons décidé
d’y joindre la présente déclaration compte tenu de l’importance des ques-
tions soulevées dans la requête et du principe juridique en jeu à ce stade

de l’instance.
2. La présente affaire entre la Belgique et le Sénégal concerne l’obliga-
tion incombant à ce dernier, en vertu du droit international convention-
nel et coutumier, d’extrader ou de poursuivre (aut dedere aut judicare)
l’ancien président du Tchad, M. Hissène Habré, pour des crimes qu’il

aurait commis ou fait commettre en 1982, au cours de sa présidence:
«meurtres, ... actes de torture, ... enlèvements, ... arrestations arbi-

traires et ... exécution d’un grand nombre de Tchadiens, civils ou
militaires, en raison notamment de leur appartenance ethnique»
(mandat d’arrêt international du 19 septembre 2005 décerné par le
juge d’instruction belge chargé du dossier, requête introductive d’ins-
tance du 19 février 2009, annexe 3, p. 28, par. 2.1).

3. Après examen des actes imputés à M. Habré, la conférence de
l’Union africaine a

«rel[evé] qu’aux termes des articles 3 h),4h) et 4 o) de l’acte cons-
titutif de l’Union africaine les crimes reprochés à Hissène Habré
[étaient] pleinement de la compétence [de celle-ci]» (décision sur le

procès d’Hissène Habré et l’Union africaine, doc. Assembly/AU/
Dec.127 (VII), conférence de l’Union africaine, septième session
ordinaire, 1r et 2 juillet 2006, Banjul, Gambie).

4. La Belgique affirme que certains de ses ressortissants ont été vic-
times des actes de M. Habré:

«Entre le 30 novembre 2000 et le 11 décembre 2001, un ressortis-
sant belge d’origine tchadienne et des ressortissants tchadiens dépo-
sent, successivement, des plaintes avec constitution de partie civile
auprès de la justice belge contre l’ancien président du Tchad, M. His-

sène Habré, pour des crimes de droit international humanitaire.
La compétence actuelle des juridictions belges étant fondée sur la
plainte déposée par un ressortissant belge d’origine tchadienne, la

22 justice belge entend exercer la compétence personnelle passive.»
(Requête introductive d’instance du 19 février 2009, p. 4, par. 3.)

5. Invoquant le principe aut dedere aut judicare, la Belgique prie la
Cour

«de dire et juger que le Sénégal doit poursuivre lui-même
M. H. Habré pour ... [les] crimes contre l’humanité et [les] crimes de

torture qui lui sont imputés; à défaut de l’extrader vers la Belgique
où la justice belge, saisie de plaintes déposées, notamment, par une
victime belge d’origine tchadienne, a intenté des poursuites contre lui
pour les mêmes préventions» (demande en indication de mesures
conservatoires présentée par le Gouvernement de la Belgique le

17 février 2009 (dans laquelle sont résumées les conclusions exposées
dans la requête introductive d’instance du 19 février 2009)).
6. Le principal fondement conventionnel invoqué par la Belgique à

l’appui de cette obligation d’extrader ou de poursuivre est la convention
contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou
dégradants du 10 décembre 1984 («convention contre la torture»). Aux
termes de son préambule, celle-ci a pour objet et pour but d’assurer le

respect de la «dignité inhérente à la personne humaine» et «d’accroître
l’efficacité de la lutte contre la torture et les autres peines ou traitements
cruels, inhumains ou dégradants dans le monde entier». S’agissant de
l’obligation aut dedere aut judicare, le paragraphe 1 de son article 7 dis-
pose que

«[l’]Etat partie sur le territoire sous la juridiction duquel l’auteur
présumé d’une infraction visée à l’article 4 est découvert, s’il n’extrade
pas ce dernier, soumet l’affaire, dans les cas visés à l’article 5, à ses

autorités compétentes pour l’exercice de l’action pénale».

7. Au cours de cette phase de l’instance, la Cour a examiné la demande
que la Belgique avait jointe à sa requête pour la prier d’indiquer, en
attendant l’arrêt définitif sur le fond, des mesures conservatoires spéci-
fiant que le Sénégal devait

«prendre toutes les mesures en son pouvoir pour que M. H. Habré
reste sous le contrôle et la surveillance des autorités judiciaires du
Sénégal afin que les règles de droit international dont la Belgique

demande le respect puissent être correctement appliquées» (demande
en indication de mesures conservatoires présentée le 17 février 2009
par le Gouvernement de la Belgique).

8. Les mesures conservatoires ont pour but de sauvegarder le droit de
chacune des parties à une affaire en attendant que la Cour rende sa déci-
sion, et ce, afin d’éviter qu’un préjudice irréparable ne soit causé à des
droits en litige. La Belgique a affirmé que tel était bien ce qui avait

motivé sa demande en indication de mesures conservatoires, avançant
plus spécifiquement que le Sénégal risquait «de causer un préjudice irré-

23parable ... au droit de la Belgique [de voir] M. Hissène Habré ... traduit
en justice au Sénégal ou extradé vers la Belgique» (CR 2009/8, par. 27

(David)).
9. Or, le Sénégal a plusieurs fois, lors des audiences, donné à la Cour
l’assurance qu’il ne laisserait pas M. Habré quitter le pays tant que celle-
ci ne se serait pas prononcée. Ainsi, l’agent du Sénégal a-t-il déclaré:

«Le Sénégal n’envisage pas de mettre fin à la surveillance et au
contrôle sur la personne de Hissène Habré tant avant qu’après [la
mise à sa disposition d]es fonds promis par la communauté interna-

tionale ... pour [mener à bien] la procédure judiciaire concernée.»
(CR 2009/9, par. 57 (Thiam).)

Le conseil du Sénégal a, quant à lui, affirmé:
«Au vu de la décision de l’Union africaine, le Sénégal n’a jamais

eu, et n’a aucunement, l’intention de mettre fin aux mesures de
contrôle et de surveillance prises à l’égard de M. Hissène Habré,
donc pour le moment aucun risque de préjudice irréparable
n’existe ... qui pourrait justifier la demande en indication de mesures
conservatoires présentée par la Belgique.» (CR 2009/9, par. 12

(Gaye).)
Enfin, en exposant les conclusions finales du Sénégal à l’audience,

M. Demba Kandji, coagent, a solennellement déclaré ce qui suit:

«[L]e Sénégal est naturellement disposé à confirmer, sous une
forme solennelle, ce qu’il a déjà dit:
«D’ordre de mon gouvernement, en tant que coagent du Séné-
gal, je vous confirme ce que le Sénégal a déjà dit lundi dernier, à

savoir — et je le dis en anglais à l’attention de M. le juge
Greenwood qui a posé la question — «Senegal will not allow
Mr. Habré to leave Senegal while the present case is pending
before the Court. Senegal has not the intention to allow Mr. Habré

to leave the territory while the present case is pending before the
Court. [Le Sénégal ne permettra pas à M. Habré de quitter le
Sénégal aussi longtemps que la présente affaire sera pendante
devant la Cour. Le Sénégal n’a pas l’intention de permettre à
M. Habré de quitter le territoire alors que cette affaire est

pendante devant la Cour.]».» (CR 2009/11, par. 6 (Kandji).)
10. De notre point de vue, la déclaration solennelle par laquelle le
Sénégal indique qu’il ne laissera pas M. Habré «quitter [le territoire] aussi

longtemps que la présente affaire sera pendante devant la Cour» (ibid.)
préserve les droits des Parties et écarte tout risque de préjudice irrépa-
rable exactement comme le ferait une ordonnance indiquant des mesures
conservatoires. Dès lors, le résultat recherché par la Belgique dans sa

demande en indication de mesures conservatoires ayant été atteint, point
n’était besoin pour la Cour d’examiner la mesure judiciaire sollicitée. A

24nos yeux, la Cour aurait dû se borner à dire que, par suite de la déclara-

tion du Sénégal, la demande en indication de mesures conservatoires se
trouvait privée d’objet.
11. En outre, la Cour aurait dû selon nous insister bien davantage sur
le fait que les deux Parties, la Belgique et le Sénégal, de même que la

conférence de l’Union africaine — laquelle a reconnu que l’affaire visant
M. Habré relevait de sa compétence et a chargé la République du Séné-
gal de poursuivre et de faire juger celui-ci, au nom de l’Afrique, par
une juridiction sénégalaise, en lui offrant toutes les garanties d’un procès

équitable —, avaient pris acte de ce que l’impunité n’était plus admise
en droit international, quel que soit le statut de l’intéressé, et, plus
particulièrement, de ce que le Sénégal s’employait à ce qu’elle ne le

fût pas dans ce cas précis.

(Signé) Abdul G. K OROMA .

(Signé) Abdulqawi Ahmed Y USUF .

25

Bilingual Content

JOINT DECLARATION OF JUDGES KOROMA
AND YUSUF

Obligation aut dedere aut judicare — The purpose of Belgium’s request for

provisional measures — Senegal’s assurances serve the purpose of Belgium’s
request — Impunity not allowed.

1. We have voted in favour of the Order but nevertheless have decided
to append this declaration given the importance of the matters raised in
the Application and the legal principle involved at this stage of the pro-
ceedings.

2. The present case between Belgium and Senegal concerns Senegal’s
obligation, under conventional and customary international law, to extra-
dite or prosecute (aut dedere aut judicare) the former President of Chad,
Mr. Hissène Habré, for crimes he is alleged to have committed or ordered
while President in 1982, including

“murders, acts of torture, abductions, arbitrary arrests and the
execution of a large number of Chadian civilians and military per-
sonnel, in particular on the grounds of their ethnicity” (International

Arrest Warrant of 19 September 2005 issued by the Belgian investi-
gating judge responsible for the case; Application instituting pro-
ceedings of 19 February 2009, Ann. 3, p. 29, para. 2.1).

3. The Assembly of the African Union, having considered Mr. Habré’s
acts,

“[observed] that, according to the terms of Articles 3 (h),4(h) and
4 (o) of the Constitutive Act of the African Union, the crimes of
which Hissène Habré is accused fall within the competence of the
African Union” (Decision on the Hissène Habré Case and the Afri-
can Union, AU Doc. Assembly/AU/Dec.127 (VII), Assembly of the
African Union, Seventh Ordinary Session, 1-2 July 2006, Banjul,

The Gambia).
4. Belgium claims that some of its nationals were injured by Habré’s
acts:

“Between 30 November 2000 and 11 December 2001, a Belgian
national of Chadian origin and Chadian nationals filed a series of

criminal complaints with civil-party applications in the Belgian courts
against the former President of Chad, Mr. Hissène Habré, for crimes
under international humanitarian law.
As the present jurisdiction of the Belgian courts is based on the
complaint filed by a Belgian national of Chadian origin, the Belgian

22 DÉCLARATION COMMUNE
DE MM. LES JUGES KOROMA ET YUSUF

[Traduction]

Obligation aut dedere aut judicare — But de la demande en indication de
mesures conservatoires de la Belgique — But atteint grâce aux assurances du
Sénégal — Caractère inacceptable de l’impunité.

1. Bien qu’ayant voté en faveur de l’ordonnance, nous avons décidé
d’y joindre la présente déclaration compte tenu de l’importance des ques-
tions soulevées dans la requête et du principe juridique en jeu à ce stade

de l’instance.
2. La présente affaire entre la Belgique et le Sénégal concerne l’obliga-
tion incombant à ce dernier, en vertu du droit international convention-
nel et coutumier, d’extrader ou de poursuivre (aut dedere aut judicare)
l’ancien président du Tchad, M. Hissène Habré, pour des crimes qu’il

aurait commis ou fait commettre en 1982, au cours de sa présidence:
«meurtres, ... actes de torture, ... enlèvements, ... arrestations arbi-

traires et ... exécution d’un grand nombre de Tchadiens, civils ou
militaires, en raison notamment de leur appartenance ethnique»
(mandat d’arrêt international du 19 septembre 2005 décerné par le
juge d’instruction belge chargé du dossier, requête introductive d’ins-
tance du 19 février 2009, annexe 3, p. 28, par. 2.1).

3. Après examen des actes imputés à M. Habré, la conférence de
l’Union africaine a

«rel[evé] qu’aux termes des articles 3 h),4h) et 4 o) de l’acte cons-
titutif de l’Union africaine les crimes reprochés à Hissène Habré
[étaient] pleinement de la compétence [de celle-ci]» (décision sur le

procès d’Hissène Habré et l’Union africaine, doc. Assembly/AU/
Dec.127 (VII), conférence de l’Union africaine, septième session
ordinaire, 1r et 2 juillet 2006, Banjul, Gambie).

4. La Belgique affirme que certains de ses ressortissants ont été vic-
times des actes de M. Habré:

«Entre le 30 novembre 2000 et le 11 décembre 2001, un ressortis-
sant belge d’origine tchadienne et des ressortissants tchadiens dépo-
sent, successivement, des plaintes avec constitution de partie civile
auprès de la justice belge contre l’ancien président du Tchad, M. His-

sène Habré, pour des crimes de droit international humanitaire.
La compétence actuelle des juridictions belges étant fondée sur la
plainte déposée par un ressortissant belge d’origine tchadienne, la

22 courts intend to exercise passive personal jurisdiction.” (Application
instituting proceedings, 19 February 2009, p. 5, para. 3.)

5. Invoking the principle of aut dedere aut judicare, Belgium asks the
Court

“to adjudge and declare that Senegal must prosecute Mr. H. Habré
ofr.iesftendiesntumti ihe
alleged against him, failing his extradition to Belgium, where the

Belgian courts have brought proceedings against him on the same
grounds as a result of complaints filed in particular by a Belgian vic-
tim of Chadian origin” (Request for indication of provisional meas-
ures submitted by the Government of Belgium, 17 February 2009
(summarizing the submissions in the Application instituting pro-

ceedings, 19 February 2009)).
6. The primary conventional authority cited by Belgium for this obli-
gation to extradite or prosecute is the Convention against Torture and

Other Cruel, Inhuman or Degrading Treatment or Punishment,
10 December 1984 (“Torture Convention”). According to its Preamble,
the object and purpose of the Torture Convention is to ensure the “inher-
ent dignity of the human person” and “to make more effective the strug-
gle against torture and other cruel, inhuman or degrading treatment or

punishment throughout the world”. With regard to the obligation aut
dedere aut judicare, Article 7, paragraph 1, of the Convention against
Torture provides:

“The State Party in the territory under whose jurisdiction a person
alleged to have committed any offence referred to in Article 4 is
found, shall in the cases contemplated in Article 5, if it does not
extradite him, submit the case to its competent authorities for the
purpose of prosecution.”

7. At this stage of the proceedings, the Court has addressed Belgium’s
request, appended to its Application, that the Court indicate provisional
measures, pending a final judgment on the merits,

“requiring Senegal to take all the steps within its power to keep

Mr. H. Habré under the control and surveillance of the judicial
authorities of Senegal so that the rules of international law with
which Belgium requests compliance may be correctly applied”
(Request for the indication of provisional measures submitted by the
Government of Belgium, 17 February 2009).

8. The purpose of provisional measures is the preservation of the
respective rights of the parties pending the decision of the Court, in order
to ensure that irreparable prejudice shall not be caused to rights which

are the subject of dispute in judicial proceedings. Belgium has stated that
this corresponds to its motive in requesting the indication of provisional
measures, specifically because “Senegal is at risk of causing irreparable

23 justice belge entend exercer la compétence personnelle passive.»
(Requête introductive d’instance du 19 février 2009, p. 4, par. 3.)

5. Invoquant le principe aut dedere aut judicare, la Belgique prie la
Cour

«de dire et juger que le Sénégal doit poursuivre lui-même
M. H. Habré pour ... [les] crimes contre l’humanité et [les] crimes de

torture qui lui sont imputés; à défaut de l’extrader vers la Belgique
où la justice belge, saisie de plaintes déposées, notamment, par une
victime belge d’origine tchadienne, a intenté des poursuites contre lui
pour les mêmes préventions» (demande en indication de mesures
conservatoires présentée par le Gouvernement de la Belgique le

17 février 2009 (dans laquelle sont résumées les conclusions exposées
dans la requête introductive d’instance du 19 février 2009)).
6. Le principal fondement conventionnel invoqué par la Belgique à

l’appui de cette obligation d’extrader ou de poursuivre est la convention
contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou
dégradants du 10 décembre 1984 («convention contre la torture»). Aux
termes de son préambule, celle-ci a pour objet et pour but d’assurer le

respect de la «dignité inhérente à la personne humaine» et «d’accroître
l’efficacité de la lutte contre la torture et les autres peines ou traitements
cruels, inhumains ou dégradants dans le monde entier». S’agissant de
l’obligation aut dedere aut judicare, le paragraphe 1 de son article 7 dis-
pose que

«[l’]Etat partie sur le territoire sous la juridiction duquel l’auteur
présumé d’une infraction visée à l’article 4 est découvert, s’il n’extrade
pas ce dernier, soumet l’affaire, dans les cas visés à l’article 5, à ses

autorités compétentes pour l’exercice de l’action pénale».

7. Au cours de cette phase de l’instance, la Cour a examiné la demande
que la Belgique avait jointe à sa requête pour la prier d’indiquer, en
attendant l’arrêt définitif sur le fond, des mesures conservatoires spéci-
fiant que le Sénégal devait

«prendre toutes les mesures en son pouvoir pour que M. H. Habré
reste sous le contrôle et la surveillance des autorités judiciaires du
Sénégal afin que les règles de droit international dont la Belgique

demande le respect puissent être correctement appliquées» (demande
en indication de mesures conservatoires présentée le 17 février 2009
par le Gouvernement de la Belgique).

8. Les mesures conservatoires ont pour but de sauvegarder le droit de
chacune des parties à une affaire en attendant que la Cour rende sa déci-
sion, et ce, afin d’éviter qu’un préjudice irréparable ne soit causé à des
droits en litige. La Belgique a affirmé que tel était bien ce qui avait

motivé sa demande en indication de mesures conservatoires, avançant
plus spécifiquement que le Sénégal risquait «de causer un préjudice irré-

23prejudice . . . to Belgium’s right for Mr. Hissène Habré to be brought to
trial in Senegal or extradited to Belgium” (CR 2009/8, para. 27 (David)).

9. Senegal, however, on several occasions during the oral proceedings
declared before the Court that it will not release Mr. Habré pending the
resolution of the case. First, the Agent of Senegal stated:

“Senegal does not envisage putting an end to the control and sur-
veillance of Mr. Hissène Habré both before and after the funding
pledged by the international community has been made available to
it to cover the legal proceedings concerned.” (CR 2009/9, para. 57

(Thiam).)
Second, counsel for Senegal declared:

“In the light of the decision by the African Union, Senegal has
never had and does not have now any intention to lift the control

and surveillance measures taken with respect to Mr. Hissène Habré,
hence, at present, no risk of irreparable prejudice exists, which might
justify the request for the indication of provisional measures submit-
ted by Belgium.” (CR 2009/9, para. 12 (Gaye).)

Third, Mr. Demba Kandji, Co-Agent of Senegal, made the following sol-
emn declaration in the course of his presentation of Senegal’s final sub-
missions in the oral pleadings:

“Senegal is of course prepared solemnly to confirm what it has
already said:

‘By order of my Government, and as Co-Agent of Senegal, I
hereby confirm what Senegal said last Monday, that is — and I
shall say this in English to Judge Greenwood, who put the ques-
tion — ‘Senegal will not allow Mr. Habré to leave Senegal while

the present case is pending before the Court. Senegal has not the
intention to allow Mr. Habré to leave the territory while the
present case is pending before the Court’.” (CR 2009/11, para. 6
(Kandji).)

10. In our view, Senegal’s solemn declaration that it “will not allow
Mr. Habré to leave Senegal while the present case is pending before the
Court” (ibid.) preserves the rights of the Parties and ensures against the
risk of irreparable prejudice in exactly the same way as would an order
indicating provisional measures. Accordingly, the purpose of Belgium’s

request for the indication of provisional measures having been served,
there was no further need for the Court to examine the judicial measure
requested by Belgium. In our view, the Court should simply have declared

24parable ... au droit de la Belgique [de voir] M. Hissène Habré ... traduit
en justice au Sénégal ou extradé vers la Belgique» (CR 2009/8, par. 27

(David)).
9. Or, le Sénégal a plusieurs fois, lors des audiences, donné à la Cour
l’assurance qu’il ne laisserait pas M. Habré quitter le pays tant que celle-
ci ne se serait pas prononcée. Ainsi, l’agent du Sénégal a-t-il déclaré:

«Le Sénégal n’envisage pas de mettre fin à la surveillance et au
contrôle sur la personne de Hissène Habré tant avant qu’après [la
mise à sa disposition d]es fonds promis par la communauté interna-

tionale ... pour [mener à bien] la procédure judiciaire concernée.»
(CR 2009/9, par. 57 (Thiam).)

Le conseil du Sénégal a, quant à lui, affirmé:
«Au vu de la décision de l’Union africaine, le Sénégal n’a jamais

eu, et n’a aucunement, l’intention de mettre fin aux mesures de
contrôle et de surveillance prises à l’égard de M. Hissène Habré,
donc pour le moment aucun risque de préjudice irréparable
n’existe ... qui pourrait justifier la demande en indication de mesures
conservatoires présentée par la Belgique.» (CR 2009/9, par. 12

(Gaye).)
Enfin, en exposant les conclusions finales du Sénégal à l’audience,

M. Demba Kandji, coagent, a solennellement déclaré ce qui suit:

«[L]e Sénégal est naturellement disposé à confirmer, sous une
forme solennelle, ce qu’il a déjà dit:
«D’ordre de mon gouvernement, en tant que coagent du Séné-
gal, je vous confirme ce que le Sénégal a déjà dit lundi dernier, à

savoir — et je le dis en anglais à l’attention de M. le juge
Greenwood qui a posé la question — «Senegal will not allow
Mr. Habré to leave Senegal while the present case is pending
before the Court. Senegal has not the intention to allow Mr. Habré

to leave the territory while the present case is pending before the
Court. [Le Sénégal ne permettra pas à M. Habré de quitter le
Sénégal aussi longtemps que la présente affaire sera pendante
devant la Cour. Le Sénégal n’a pas l’intention de permettre à
M. Habré de quitter le territoire alors que cette affaire est

pendante devant la Cour.]».» (CR 2009/11, par. 6 (Kandji).)
10. De notre point de vue, la déclaration solennelle par laquelle le
Sénégal indique qu’il ne laissera pas M. Habré «quitter [le territoire] aussi

longtemps que la présente affaire sera pendante devant la Cour» (ibid.)
préserve les droits des Parties et écarte tout risque de préjudice irrépa-
rable exactement comme le ferait une ordonnance indiquant des mesures
conservatoires. Dès lors, le résultat recherché par la Belgique dans sa

demande en indication de mesures conservatoires ayant été atteint, point
n’était besoin pour la Cour d’examiner la mesure judiciaire sollicitée. A

24that following the declaration by Senegal the request for the indication of

provisional measures had ceased to have any object.

11. Moreover, it is our view that the Court should have more force-
fully emphasized that both Parties, Belgium and Senegal, as well as the

Assembly of the African Union — which has recognized that the case
against Mr. Hissène Habré falls within its competence and mandated the
Republic of Senegal to prosecute and ensure that Mr. Hissène Habré is
tried, on behalf of Africa, by a Senegalese court with guarantees for a fair

trial — have acknowledged that impunity is no longer allowed under
international law, irrespective of the status of the individual and, in par-
ticular, that Senegal is making efforts to ensure that impunity is not
allowed in this particular case.

(Signed) Abdul G. K OROMA .
(Signed) Abdulqawi Ahmed Y USUF .

25nos yeux, la Cour aurait dû se borner à dire que, par suite de la déclara-

tion du Sénégal, la demande en indication de mesures conservatoires se
trouvait privée d’objet.
11. En outre, la Cour aurait dû selon nous insister bien davantage sur
le fait que les deux Parties, la Belgique et le Sénégal, de même que la

conférence de l’Union africaine — laquelle a reconnu que l’affaire visant
M. Habré relevait de sa compétence et a chargé la République du Séné-
gal de poursuivre et de faire juger celui-ci, au nom de l’Afrique, par
une juridiction sénégalaise, en lui offrant toutes les garanties d’un procès

équitable —, avaient pris acte de ce que l’impunité n’était plus admise
en droit international, quel que soit le statut de l’intéressé, et, plus
particulièrement, de ce que le Sénégal s’employait à ce qu’elle ne le

fût pas dans ce cas précis.

(Signé) Abdul G. K OROMA .

(Signé) Abdulqawi Ahmed Y USUF .

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Déclaration commune de MM. les juges Koroma et Yusuf

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