Opinion dissidente de M. le juge Skotnikov

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139-20080716-ORD-01-03-EN
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139-20080716-ORD-01-00-EN
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OPINION DISSIDENTE DE M. LE JUGE SKOTNIKOV

[Traduction]

1. Je partage entièrement les préoccupations du Mexique au sujet de

l’exécution prévue de l’un de ses ressortissants. Je comprends que le
Mexique soit déçu de voir que, jusqu’à présent, les Etats-Unis n’ont pas
pu prendre des mesures propres à assurer le respect de l’arrêt Avena.
Toutefois, j’ai voté contre l’ordonnance en indication de mesures conser-
vatoires rendue par la Cour pour les raisons expliquées plus loin. Je pense
que la Cour aurait dû procéder différemment pour permettre au Mexique

d’atteindre son principal objectif, à savoir l’exécution de l’arrêt Avena.
2. Les Etats-Unis ont déclaré devant la Cour qu’ils acceptaient sans
réserve l’interprétation de l’arrêt Avena demandée par le Mexique et
qu’ils reconnaissaient en particulier que cet arrêt leur imposait une «obli-
gation de résultat». Le Mexique et les Etats-Unis ne s’opposent pas à ce

qu’il ne soit pas procédé aux exécutions en cause à moins et jusqu’à ce
que les ressortissants mexicains concernés aient bénéficié du réexamen et
de la revision prescrits dans l’arrêt Avena. Les Etats-Unis ont également
reconnu que le fait de ne pas parvenir à ce résultat engagerait leur res-
ponsabilité en vertu du principe de la responsabilité des Etats.
3. Pour sa part, dans ses observations finales, le Mexique a cessé de

soutenir que les Etats-Unis eux-mêmes interprétaient le point 9) du para-
graphe 153 de l’arrêt Avena comme imposant uniquement une obligation
de moyens. A l’inverse, le Mexique a déclaré ce qui suit:

«Il est clair toutefois que les entités constitutives des Etats-Unis ne
partagent pas le point de vue du Mexique selon lequel l’arrêt Avena
impose une obligation de résultat. Il est donc clairement établi qu’il
existe une contestation entre les Etats-Unis et le Mexique sur le sens
et la portée du point 9) du paragraphe 153 dudit arrêt.» (CR 2008/

16, p. 21; les italiques sont de moi.)
4. En réponse, les Etats-Unis ont fait valoir que, en droit internatio-

nal, ils sont responsables des actes commis par leurs organes compétents
et leurs subdivisions politiques et que cette responsabilité serait effective-
ment engagée s’ils ne respectaient pas les obligations que leur impose
l’arrêt Avena. Les Etats-Unis ont déclaré par ailleurs que l’ordonnance en
indication de mesures conservatoires demandée par le Mexique dans ses
conclusions «ne serait rien d’autre qu’une répétition de l’obligation

d’assurer le réexamen et la revision des cas en question» (CR 2008/17,
p. 14, par. 27). Il s’ensuit que les Etats-Unis ont accepté la déclaration
contenue dans cet arrêt selon laquelle ils doivent agir «par l’intermédiaire
de tous leurs organes compétents et de toutes leurs entités constitutives, y
compris toutes les branches du gouvernement et tout détenteur de l’auto-

42rité publique, à l’échelon des Etats comme à l’échelon fédéral» (CR 2008/
16, p. 22), pour atteindre le résultat recherché dans l’arrêt Avena. Enfin,

les Etats-Unis ont fait valoir que leurs organes compétents et leurs entités
constitutives ne parlaient pas en leur nom, que ce soit en vertu du droit
international ou de la Constitution de ce pays, et que leurs positions
n’étaient pas attribuables aux Etats-Unis aux fins de déterminer s’il existe

une contestation entre ces derniers et le Mexique quant au sens et à la
portée de l’arrêt Avena.
5. Selon moi, il est clair que, même si une entité constitutive des Etats-
Unis ne partage pas le point de vue du Mexique selon lequel l’arrêt Avena
impose une obligation de résultat, l’on ne saurait conclure à l’existence

d’une contestation entre le Mexique et les Etats-Unis, ceux-ci acceptant
sans réserve l’interprétation que fait le Mexique de l’arrêt Avena. Les
deux gouvernements n’ont pas montré qu’ils avaient des vues divergentes
quant au sens et à la portée de l’arrêt Avena (voir Interprétation des
os o
aorêts n 7 et 8 (usine de Chorzów), arrêt n 11, 1927, C.P.J.I. série A
n 13,.0; Demande en revision et en interprétation de l’arrêt du
24 février 1982 en l’affaire du Plateau continental (Tunisie/Jamahiriya
arabe libyenne) (Tunisie c. Jamahiriya arabe libyenne), arrêt, C.I.J.
Recueil 1985, p. 218, par. 46).

6. Cependant, après avoir examiné les vues des Parties, la Cour est
parvenue à la conclusion suivante:

«s’il semble que les deux Parties voient dans le point 9) du para-
graphe 153 de l’arrêt Avena une obligation internationale de résul-
tat, elles n’en paraissent pas moins diverger d’opinion quant au sens

et à la portée de cette obligation de résultat — plus précisément quant
à la question de savoir si cette communauté de vues est partagée par
toutes les autorités des Etats-Unis, à l’échelon fédéral et à celui des Etats,
et si cette obligation s’impose à ces autorités» (ordonnance, par. 55).

7. Pour les raisons exposées plus bas, je ne partage pas la conclusion

de la Cour selon laquelle un différend semble encore opposer les Etats-
Unis au Mexique.
8. Selon le Règlement de la Cour, c’est au Mexique, non à la Cour,
qu’il appartient d’indiquer «avec précision le point ou les points contestés
quant au sens ou à la portée de l’arrêt» (art. 98, par. 2). Par ailleurs, dans

le cadre d’une demande en interprétation,

«la Cour a le devoir de répondre aux demandes des parties telles
qu’elles s’expriment dans leurs conclusions finales, mais aussi celui
de s’abstenir de statuer sur des points non compris dans lesdites
demandes ainsi exprimées» (Demande d’interprétation de l’arrêt du

20 novembre 1950 en l’affaire du droit d’asile (Colombie c. Pérou),
arrêt, C.I.J. Recueil 1950 , p. 402; Demande en revision et en inter-
prétation de l’arrêt du 24 février 1982 en l’affaire du Plateau conti-
nental (Tunisie/Jamahiriya arabe libyenne) (Tunisie c. Jamahiriya
arabe libyenne), arrêt, C.I.J. Recueil 1985 , p. 217, par. 44).

43La Cour ne peut prendre l’initiative d’interpréter les dispositions de ses
arrêts, lesquels, selon l’article 60 de son Statut, sont «définitif[s] et sans

recours» et doivent parler d’eux-mêmes. Une interprétation est requise
uniquement si un manque de clarté quant au sens et à la portée des dis-
positions contraignantes de l’arrêt fait obstacle à son exécution. Ce n’est
pas le cas en l’espèce: le Mexique soutient avec insistance et les Etats-
Unis reconnaissent qu’aucun condamné à mort ne devrait être exécuté à

moins et jusqu’à ce que les ressortissants mexicains concernés aient béné-
ficié du réexamen et de la revision prescrits dans l’arrêt Avena. C’est là le
résultat auquel les Etats-Unis doivent parvenir «par les moyens de leur
choix» (point 9) du paragraphe 153 de l’arrêt Avena) pour se conformer

aux obligations leur incombant en vertu dudit arrêt. Il n’y a pas d’ambi-
guïté ni de désaccord. Il n’y a aucun point que la Cour doive interpréter.
9. Selon moi, la Cour aurait dû prendre acte de la position des Etats-
Unis, qui déclarent accepter sans réserve l’interprétation de l’arrêt Avena
demandée par le Mexique. Elle aurait dû conclure que la demande en

interprétation présentée par le Mexique ne relève pas de l’article 60 de
son Statut, lequel joue uniquement en cas de contestation sur le sens et la
portée d’un arrêt de la Cour. De surcroît, la Cour aurait dû user de son
pouvoir inhérent pour demander aux Etats-Unis de prendre, par l’inter-
médiaire de leurs organes et autorités compétents, à l’échelon des Etats

ou à l’échelon fédéral, toutes les mesures nécessaires pour garantir
qu’aucun ressortissant mexicain en droit de bénéficier d’un réexamen et
d’une revision prescrits par l’arrêt Avena ne soit exécuté, à moins et
jusqu’à ce que ce réexamen et cette revision aient été effectués.
10. Au lieu de rappeler ainsi les Etats-Unis à leurs obligations de se

conformer à l’arrêt Avena, la Cour a décidé qu’il pourrait être nécessaire
d’apporter des éclaircissements audit arrêt et a indiqué des mesures
conservatoires. Ces mesures n’ajoutent rien aux obligations imposées aux
Etats-Unis par l’arrêt Avena et sont donc dépourvues d’utilité. En outre,
ces mesures auront effet uniquement jusqu’à ce que la Cour se soit pro-

noncée sur l’interprétation dudit arrêt. De ce fait, l’ordonnance de la
Cour est non seulement superflue, mais elle contient aussi une limite tem-
porelle qui est absente de l’arrêt proprement dit. Cette conclusion indique
clairement que la Cour a fait fausse route.

11. La véritable question est celle de l’exécution, et non de l’interpré-
tation, de l’arrêt Avena. Les Etats-Unis admettent que des difficultés
internes les ont empêchés jusqu’à présent de mettre en place le cadre
juridique nécessaire pour assurer le respect de cet arrêt. Cela est
profondément regrettable. Les Etats-Unis doivent agir de manière à

se conformer à l’arrêt Avena.

(Signé) Leonid S KOTNIKOV .

44

Bilingual Content

DISSENTING OPINION OF JUDGE SKOTNIKOV

1. I fully share Mexico’s concerns regarding the scheduled execution of

a Mexican national. I understand Mexico’s frustration with the United
States being hitherto unable to take measures which would ensure its
compliance with the Avena Judgment. However, I voted against the
Court’s Order indicating provisional measures for the reasons which are
explained below. I believe that the Court should have proceeded differ-
ently in order to support Mexico’s ultimate goal of enforcement of the

Avena Judgment.
2. The United States has stated before the Court that it unequivocally
agreed with the interpretation of the Avena Judgment requested by
Mexico, and in particular that that Judgment imposes an “obligation of
result” on the United States. There is no disagreement between Mexico

and the United States that no executions should be carried out unless and
until the Mexican nationals in question have received review and recon-
sideration consistent with the Avena Judgment. The United States has
also recognized that its failure to achieve this result would engage its
responsibility under the principle of State responsibility.
3. For its part, Mexico in its concluding remarks no longer claimed

that the United States itself understood paragraph 153 (9) of the Avena
Judgment as imposing only an obligation of means. Rather, it stated
that:

“it is clear that constituent organs of the United States do not share
Mexico’s view that the Avena Judgment imposes an obligation of
result. It is thus clearly established that there is a dispute between the
United States and Mexico as to the meaning and scope of para-
graph 153 (9) of said Judgment . . .” (CR 2008/16, p. 21; emphasis

added.)
4. In response, the United States has pointed out that under interna-

tional law it is responsible for the actions of its competent organs and
political subdivisions, and that this would indeed be the case should the
United States fail in its obligations under the Avena Judgment. Further-
more, the United States has stated that the provisional measures Order
requested by Mexico in its final submissions “would do no more than
restate the obligation to provide review and reconsideration in the cases

at issue” (CR 2008/17, p. 14, para. 27). It follows that the United States
has agreed with the statement contained therein that the United States
must act “through all its competent organs and all its constituent sub-
divisions, including all branches of government and any official, state or
federal, exercising government authority” (CR 2008/16, p. 22) to achieve

42 OPINION DISSIDENTE DE M. LE JUGE SKOTNIKOV

[Traduction]

1. Je partage entièrement les préoccupations du Mexique au sujet de

l’exécution prévue de l’un de ses ressortissants. Je comprends que le
Mexique soit déçu de voir que, jusqu’à présent, les Etats-Unis n’ont pas
pu prendre des mesures propres à assurer le respect de l’arrêt Avena.
Toutefois, j’ai voté contre l’ordonnance en indication de mesures conser-
vatoires rendue par la Cour pour les raisons expliquées plus loin. Je pense
que la Cour aurait dû procéder différemment pour permettre au Mexique

d’atteindre son principal objectif, à savoir l’exécution de l’arrêt Avena.
2. Les Etats-Unis ont déclaré devant la Cour qu’ils acceptaient sans
réserve l’interprétation de l’arrêt Avena demandée par le Mexique et
qu’ils reconnaissaient en particulier que cet arrêt leur imposait une «obli-
gation de résultat». Le Mexique et les Etats-Unis ne s’opposent pas à ce

qu’il ne soit pas procédé aux exécutions en cause à moins et jusqu’à ce
que les ressortissants mexicains concernés aient bénéficié du réexamen et
de la revision prescrits dans l’arrêt Avena. Les Etats-Unis ont également
reconnu que le fait de ne pas parvenir à ce résultat engagerait leur res-
ponsabilité en vertu du principe de la responsabilité des Etats.
3. Pour sa part, dans ses observations finales, le Mexique a cessé de

soutenir que les Etats-Unis eux-mêmes interprétaient le point 9) du para-
graphe 153 de l’arrêt Avena comme imposant uniquement une obligation
de moyens. A l’inverse, le Mexique a déclaré ce qui suit:

«Il est clair toutefois que les entités constitutives des Etats-Unis ne
partagent pas le point de vue du Mexique selon lequel l’arrêt Avena
impose une obligation de résultat. Il est donc clairement établi qu’il
existe une contestation entre les Etats-Unis et le Mexique sur le sens
et la portée du point 9) du paragraphe 153 dudit arrêt.» (CR 2008/

16, p. 21; les italiques sont de moi.)
4. En réponse, les Etats-Unis ont fait valoir que, en droit internatio-

nal, ils sont responsables des actes commis par leurs organes compétents
et leurs subdivisions politiques et que cette responsabilité serait effective-
ment engagée s’ils ne respectaient pas les obligations que leur impose
l’arrêt Avena. Les Etats-Unis ont déclaré par ailleurs que l’ordonnance en
indication de mesures conservatoires demandée par le Mexique dans ses
conclusions «ne serait rien d’autre qu’une répétition de l’obligation

d’assurer le réexamen et la revision des cas en question» (CR 2008/17,
p. 14, par. 27). Il s’ensuit que les Etats-Unis ont accepté la déclaration
contenue dans cet arrêt selon laquelle ils doivent agir «par l’intermédiaire
de tous leurs organes compétents et de toutes leurs entités constitutives, y
compris toutes les branches du gouvernement et tout détenteur de l’auto-

42the result sought in the Avena Judgment. Finally, the United States has
held that its competent organs and subdivisions do not speak on behalf

of the United States, either under international law or under the United
States Constitution, and that their positions are not attributable to the
United States for the purposes of determining whether there is a dispute
between the United States and Mexico as to the meaning or scope of the
Avena Judgment.

5. It is clear, in my opinion, that even if a constituent organ of the
United States does not share Mexico’s view that theAvena Judgment
imposes an obligation of result, it cannot be concluded that there is a dis-

pute between Mexico and the United States, the latter accepting without
reservations Mexico’s interpretation of theAvena Judgment. The two
Governments have not shown themselves as holding opposite views in
regard to the meaning and scope of theAvena Judgment (see Interpreta-
tion of Judgments Nos. 7 and 8 (Factory at Chorzów), Judgment No. 11,

1927, P.C.I.J., Series A, No. 13,p.10; Application for Revision and Inter-
pretation of the Judgment of 24 February 1982 in the Case concerning the
Continental Shelf (Tunisia/Libyan Arab Jamahiriya)(Tunisia v. Libyan
Arab Jamahiriya), Judgment, I.C.J. Reports 1985, p. 218, para. 46).
6. However, the Court, after considering the views of the two Parties,

has come to the conclusion that:

“while it seems both Parties regard paragraph 153 (9) of the Avena
Judgment as an international obligation of result, the Parties none-
theless apparently hold different views as to the meaning and scope
of that obligation of result, namely, whether that understanding is
shared by all United States federal and state authorities and whether

that obligation falls upon those authorities” (Order, para. 55).

7. I disagree with the Court’s finding that there is still an apparent dis-
pute between Mexico and the United States for the following reasons.

8. According to the Rules of Court, it is for Mexico, not for the Court,

to indicate “the precise point or points in dispute as to the meaning or
scope of the judgment” (Art. 98, para. 2). In addition, in an interpreta-
tion case,

“it is the duty of the Court not only to reply to the questions as
stated in the final submissions of the parties, but also to abstain from
deciding points not included in those submissions” (Request for

Interpretation of the Judgment of 20 November 1950 in the Asylum
Case (Colombia/Peru), Judgment, I.C.J. Reports 1950 , p. 402;
Application for Revision and Interpretation of the Judgment of
24 February 1982 in the Case concerning the Continental Shelf

(Tunisia/Libyan Arab Jamahiriya) (Tunisia v. Libyan Arab Jama-
hiriya), Judgment, I.C.J. Reports 1985 , p. 217, para. 44).

43rité publique, à l’échelon des Etats comme à l’échelon fédéral» (CR 2008/
16, p. 22), pour atteindre le résultat recherché dans l’arrêt Avena. Enfin,

les Etats-Unis ont fait valoir que leurs organes compétents et leurs entités
constitutives ne parlaient pas en leur nom, que ce soit en vertu du droit
international ou de la Constitution de ce pays, et que leurs positions
n’étaient pas attribuables aux Etats-Unis aux fins de déterminer s’il existe

une contestation entre ces derniers et le Mexique quant au sens et à la
portée de l’arrêt Avena.
5. Selon moi, il est clair que, même si une entité constitutive des Etats-
Unis ne partage pas le point de vue du Mexique selon lequel l’arrêt Avena
impose une obligation de résultat, l’on ne saurait conclure à l’existence

d’une contestation entre le Mexique et les Etats-Unis, ceux-ci acceptant
sans réserve l’interprétation que fait le Mexique de l’arrêt Avena. Les
deux gouvernements n’ont pas montré qu’ils avaient des vues divergentes
quant au sens et à la portée de l’arrêt Avena (voir Interprétation des
os o
aorêts n 7 et 8 (usine de Chorzów), arrêt n 11, 1927, C.P.J.I. série A
n 13,.0; Demande en revision et en interprétation de l’arrêt du
24 février 1982 en l’affaire du Plateau continental (Tunisie/Jamahiriya
arabe libyenne) (Tunisie c. Jamahiriya arabe libyenne), arrêt, C.I.J.
Recueil 1985, p. 218, par. 46).

6. Cependant, après avoir examiné les vues des Parties, la Cour est
parvenue à la conclusion suivante:

«s’il semble que les deux Parties voient dans le point 9) du para-
graphe 153 de l’arrêt Avena une obligation internationale de résul-
tat, elles n’en paraissent pas moins diverger d’opinion quant au sens

et à la portée de cette obligation de résultat — plus précisément quant
à la question de savoir si cette communauté de vues est partagée par
toutes les autorités des Etats-Unis, à l’échelon fédéral et à celui des Etats,
et si cette obligation s’impose à ces autorités» (ordonnance, par. 55).

7. Pour les raisons exposées plus bas, je ne partage pas la conclusion

de la Cour selon laquelle un différend semble encore opposer les Etats-
Unis au Mexique.
8. Selon le Règlement de la Cour, c’est au Mexique, non à la Cour,
qu’il appartient d’indiquer «avec précision le point ou les points contestés
quant au sens ou à la portée de l’arrêt» (art. 98, par. 2). Par ailleurs, dans

le cadre d’une demande en interprétation,

«la Cour a le devoir de répondre aux demandes des parties telles
qu’elles s’expriment dans leurs conclusions finales, mais aussi celui
de s’abstenir de statuer sur des points non compris dans lesdites
demandes ainsi exprimées» (Demande d’interprétation de l’arrêt du

20 novembre 1950 en l’affaire du droit d’asile (Colombie c. Pérou),
arrêt, C.I.J. Recueil 1950 , p. 402; Demande en revision et en inter-
prétation de l’arrêt du 24 février 1982 en l’affaire du Plateau conti-
nental (Tunisie/Jamahiriya arabe libyenne) (Tunisie c. Jamahiriya
arabe libyenne), arrêt, C.I.J. Recueil 1985 , p. 217, par. 44).

43The Court cannot take the initiative in interpreting provisions of its judg-
ments which are, under Article 60 of the Statute of the Court, “final and

without appeal” and must speak for themselves. An interpretation is in
order only if lack of clarity as to the meaning or scope of the binding
provisions of a judgment impedes its execution. There is no such lack of
clarity: Mexico insists and the United States accepts that no death pen-
alties should be carried out unless and until the time the Mexican nation-

als in question receive review and reconsideration in accordance with the
Avena Judgment. This is the result which the United States must achieve,
“by means of its own choosing” (para. 153 (9) of the Avena Judgment),
to comply with its obligations under the Avena Judgment. There is no

ambiguity. There is no disagreement. There is nothing for the Court to
interpret.
9. In my view, the Court should have taken judicial notice of the
United States position that it agrees with the interpretation of the Avena
Judgment requested by Mexico. The Court should have concluded that

Mexico’s Request for interpretation does not fall within the scope of
Article 60 of the Statute of the Court, which is applicable only where a
dispute exists with respect to the meaning or scope of a judgment of the
Court. Furthermore, the Court should have used its inherent powers to
request the United States to take all measures necessary, acting through

its competent organs and authorities, state or federal, to ensure that no
Mexican national entitled under the Avena Judgment to receive review
and reconsideration consistent with that Judgment is executed unless and
until such review and reconsideration has taken place.
10. Instead of thus reminding the United States of its duty to comply

with the Avena Judgment, the Court has chosen to decide that the Avena
Judgment might require clarification and has ordered provisional meas-
ures. These measures add nothing to the obligations of the United States
under the Judgment and therefore serve no purpose. Moreover, these
measures are to have effect only until the Court has given its decision on

the interpretation of the Avena Judgment. Consequently, the Court’s
Order is not only redundant, it also contains a temporal limit which is
inherent in the interim character of measures of protection but absent
from the Judgment itself. This result is a clear indication that the Court
has taken a wrong route.

11. The real issue is compliance with the Judgment rather than its
interpretation. The United States admits that, because of internal diffi-
culties, it has so far been unable to put in place a legal framework nec-
essary to ensure compliance with the Avena Judgment. That is deeply
regrettable. The United States must act to comply with the Avena Judg-

ment.

(Signed) Leonid SKOTNIKOV .

44La Cour ne peut prendre l’initiative d’interpréter les dispositions de ses
arrêts, lesquels, selon l’article 60 de son Statut, sont «définitif[s] et sans

recours» et doivent parler d’eux-mêmes. Une interprétation est requise
uniquement si un manque de clarté quant au sens et à la portée des dis-
positions contraignantes de l’arrêt fait obstacle à son exécution. Ce n’est
pas le cas en l’espèce: le Mexique soutient avec insistance et les Etats-
Unis reconnaissent qu’aucun condamné à mort ne devrait être exécuté à

moins et jusqu’à ce que les ressortissants mexicains concernés aient béné-
ficié du réexamen et de la revision prescrits dans l’arrêt Avena. C’est là le
résultat auquel les Etats-Unis doivent parvenir «par les moyens de leur
choix» (point 9) du paragraphe 153 de l’arrêt Avena) pour se conformer

aux obligations leur incombant en vertu dudit arrêt. Il n’y a pas d’ambi-
guïté ni de désaccord. Il n’y a aucun point que la Cour doive interpréter.
9. Selon moi, la Cour aurait dû prendre acte de la position des Etats-
Unis, qui déclarent accepter sans réserve l’interprétation de l’arrêt Avena
demandée par le Mexique. Elle aurait dû conclure que la demande en

interprétation présentée par le Mexique ne relève pas de l’article 60 de
son Statut, lequel joue uniquement en cas de contestation sur le sens et la
portée d’un arrêt de la Cour. De surcroît, la Cour aurait dû user de son
pouvoir inhérent pour demander aux Etats-Unis de prendre, par l’inter-
médiaire de leurs organes et autorités compétents, à l’échelon des Etats

ou à l’échelon fédéral, toutes les mesures nécessaires pour garantir
qu’aucun ressortissant mexicain en droit de bénéficier d’un réexamen et
d’une revision prescrits par l’arrêt Avena ne soit exécuté, à moins et
jusqu’à ce que ce réexamen et cette revision aient été effectués.
10. Au lieu de rappeler ainsi les Etats-Unis à leurs obligations de se

conformer à l’arrêt Avena, la Cour a décidé qu’il pourrait être nécessaire
d’apporter des éclaircissements audit arrêt et a indiqué des mesures
conservatoires. Ces mesures n’ajoutent rien aux obligations imposées aux
Etats-Unis par l’arrêt Avena et sont donc dépourvues d’utilité. En outre,
ces mesures auront effet uniquement jusqu’à ce que la Cour se soit pro-

noncée sur l’interprétation dudit arrêt. De ce fait, l’ordonnance de la
Cour est non seulement superflue, mais elle contient aussi une limite tem-
porelle qui est absente de l’arrêt proprement dit. Cette conclusion indique
clairement que la Cour a fait fausse route.

11. La véritable question est celle de l’exécution, et non de l’interpré-
tation, de l’arrêt Avena. Les Etats-Unis admettent que des difficultés
internes les ont empêchés jusqu’à présent de mettre en place le cadre
juridique nécessaire pour assurer le respect de cet arrêt. Cela est
profondément regrettable. Les Etats-Unis doivent agir de manière à

se conformer à l’arrêt Avena.

(Signé) Leonid S KOTNIKOV .

44

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Opinion dissidente de M. le juge Skotnikov

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