Déclaration de M. Buergenthal (traduction)

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126-20020710-ORD-01-03-EN
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126-20020710-ORD-01-00-EN
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Bilingual Document File

[Traduction]

Libellé inappropriéclesparagraphes 54 ci56 et Y3 - Absence de conzpétence
pour connaître tle l'objet de la demande - Libellé conférant, clélib4rémenot u
non, créanceaux prétentionsde l'une des Parties - Pouvoirs de la Cour limités

à l'exercice de ses jonction.^judiciaires- Dispositions empreintes de «bons
sentiment^ »ne relevant pas u' ea cornpétcwce.

1. Je souscris à la décisionde la Cour tendant a rejeter la demande en

indication de mesures conservatoires présentéepar la République démo-
cratique du Congo et à ne pas rayer l'affaire de son rôle.
2. J'entends toutefois, en joignant la présente déclaration à l'ordon-
nance, indiquer que liedésapprouve la présence,dans l'ordonnance de la
Cour, des paragraphes 54 à 56 et 93. Je ne suis pas opposé aux idées

nobles exprimées daris ces paragraphes, mais j'estime que la Cour n'a pas
compétence pour connaître des questions qui y sont évoquées,dès lors
qu'elle a conclu qu'elle n'avait pas compétence pritnu fucie pour indiquer
les mesures conservatoires sollicitées.
3. Ces paragraphes se lisent comme suit:

54. Considérant que la Cour est profondément préoccupéepar le

drame humain, les pertes en vies humaines et les terribles souffrances
que l'on déploredans l'est de la République démocratique du Congo
à la suite des combats qui s'y poursuivent;
55. Considérant que la Cour garde présents à l'esprit les buts et
principes de la Charte des Nations Unies, ainsi que les responsabili-

tésqui lui incornbent, en vertu de ladite Charte et du Statut de la
Cour, dans le maintien de la paix et de la sécurité;
56. Considérant que la Cour estime nécessaire de souligner que
toutes les parties à des instances devant elle doivent agir conformé-
ment à leurs obligations en vertu de la Charte des Nations Unies et

des autres règlesdu droit international, y con~pris du droit humani-
taire; qu'en l'espèce laCour ne saurait trop insister sur l'obligation
qu'ont le Congo et le Rwanda de respecter les dispositions des
conventions de Genève du 12 août 1949 et du premier protocole
additionnel à ce:;conventions, en date du 8 juin 1977, relatif à la pro-

tection des victimes des conflits armés internationaux, instruments
auxquels ils sont tous deux parties;
.............................

93. Considérant que les Etats, qu'ils acceptent ou non la juridic-
tion de la Cour, demeurent en tout état de cause responsables des
actes contraires au droit international qui leur seraient imputables; qu'ils sont en particulier tenus de se conformer aux obligations qui
sont les leurs en vertu de la Charte des Nations Unies; qu'à cet égard
la Cour ne peut manquer de noter que le Conseil de sécuritéa

adopté de trésnombreuses résolutions concernant la situation dans
la région, en particulier les résolutions 1234 (1999), 1291 (2000),
1304(2000), 1314(2000), 1323(2000), 1332(2000), 1341(2001), 1355
(2001), 1376 (2001), 1399 (2002) et 1417 (2002); que le Conseil de
sécuritéa, à maintes reprises, exigéque ((toutes les parties au conflit
mettent ... fin aux violations des droits de l'homme et du droit inter-

national humanitaire)); et qu'il a notamment rappelé «à toutes les
parties les obligations qui leur incomb[aient] en ce qui concerne la
sécurité despopiilations civiles conformément à la quatrième conven-
tion de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps
de guerre du 12 août 1949», et a ajouté que ((toutes les forces pré-
sentes sur le territoire de la République démocratique du Congo

[étaient]responsables de la prévention des violations du droit inter-
national humanitaire commises sur le territoire qu'elles contrôlent )>;
que la Cour tient à souligner la nécessitépour les Parties à l'instance
d'user de leur irifluence pour prévenir les violations graves et répé-
tées des droits de l'homme et du droit international humanitaire
encore constatées récemment. ))

4. La Cour a pour mission de se prononcer sur des questions qui
relèvent de sa compétence et non d'exprimer des sentiments personnels
ou de formuler des observations, d'ordre général ouparticulier, qui,
mêmesi elles sont à l'évidence dictéespar de «bons sentiments)), n'ont
pas leur place dans la présente ordonnance.

5. Qui, par exemple, ne serait pas «profondément préoccup[é]par le
drame humain, les pertes en vies humaines etles terribles souffrances que
l'on déplore dans l'est de la République démocratique du Congo à la
suite des combats qui s'ypoursuivent » (ordonnance,par. 54)? Mais pour
faire formellement état de telles préoccupations dans une ordonnance, la
Cour doit avoir la compétence voulue pour connaître de ces questions.

Ayant jugé que cette compétence lui faisait défaut, la Cour n'aurait pas
dû se prononcer sur ce sujet.
6. Au paragraphe 55, la Cour déclare «gard[er] présents à l'esprit les
buts et principes de la Charte des Nations Unies, ainsi que les responsa-
bilités quilui incombent, en vertu de ladite Charte ...dans le maintien de
la paix et de la sécurité)).En vérité,comment pourrait-il en êtreautre-

ment? Mais que vise la Cour par pareille déclaration? La Cour exprime-
t-elle ainsi le regret de ne pas être,faute de compétence, en mesure d'agir
comme il lui aurait plu en la présente espèce?Si tel étaitle cas, je m'inter-
rogerais sur l'opportunité d'une telle déclaration. Mais, et c'est plus
important, les «responsabilités qui incombent [a la Cour], en vertu de
ladite Charte ..dans le maintien de la paix et de la sécurité)),ne revêtent

pas un caractère général.Elles se limitent strictement à l'exercice, par la
Cour, de ses fonctions judiciaires dans des affaires qui relévent de sacompétence. Lorsqu'elle formule la déclaration ci-dessus, la Cour n'exerce
pas lesdites fonctions judiciaires, puisque la compétence lui fait défaut.
Le paragraphe se lit comme le préambule d'une résolution de l'Assemblée
générale oudu Conseil de sécurité desNations Unies, où il serait parfai-

tement à sa place. CE:n'est pas le cas dans la présente ordonnance.
7. Quant à la déclaration faite au paragraphe 56, si elle est impartiale,
étant adressée aux deux Parties à l'affaire, elle n'aurait pas pour autant
été moinsinopportune si elle n'avait viséque l'une d'entre elles. Elle est
inopportune, d'abord parce que la Cour n'a pas compétence en l'espèce
pour appeler les Etals parties à respecter les conventions de Genève ou
les autres instruments et principes juridiques mentionnés dans ce para-

graphe. Elle l'est ensuite parce que, étant donné que la demande en indi-
cation de mesures conservatoires de la République démocratique du
Congo visait à ce que le Rwanda mette un terme à certaines activités sus-
ceptibles d'êtreconsidéréescomme des violations desdites conventions, le
libellédu paragraphe 56 pourrait êtreperçu comme donnant une certaine
créance à cette nréteiition.

8. Cette dernière conclusion est confortée par le libellé choisi par la
Cour au paragraphe 93, très proche de celui qu'elle aurait retenu si elle
avait fait droit à la demande en indication de mesures conservatoires. Le
fait que le paragraphe vise les deux Parties est ici dénué de pertinence: la
Cour a, en des circonstances analogues, indiqué des mesures conserva-
toires formulées en cles termes similaires en les adressant aux deux Par-
ties, alors mêmeque la demande n'émanait que de l'une d'elles (voir, par

exemple, Activités armkes sur le territoire du Congo (Rgpubliyue dén?o-
crntique du Congo c. Burundi), mesures corîservcltoires,ordonnance du
1"' juille2000. C. 1.J'. Recueil 2000, p.111, par. 47).Au reste, en la pré-
sente espèce, la compétence pour adresser cette exhortation aux deux
Parties fait défaut à la Cour, et il en aurait étéde mêmesi l'exhortation
avait été adresséeà ilne seule d'entre elles.
9. Les prononcés de la Cour aux paragraphes susmentionnés, en par-

ticulier les paragraphes 56 et 93, pourraient, que telle ait ou non été
l'intention de celle-ci, êtreinterprétés comme accordant crédit aux faits
alléguéspar la partie ayant sollicitéles mesures conservatoires. En outre,
à l'avenir, des Etats pourraient se sentir de ce fait encouragés à présenter
des demandes en indication de mesures conservatoires, sachant que,
mêmes'ils ne sont pas en mesure de s'acquitter au préalable de la charge

qui leur incombe d"établir la compétence pri~nu,facie de la Cour, ils
obtiendront de celle-ci qu'elle se prononce d'une manière qui pourrait
être interprétéecomrne appuyant la prétention formuléea l'encontre de la
partie adverse.
10. Les raisons que je viens d'exposer m'ont amené à conclure que la
Cour n'était pas,au regard du droit, fondéeà inclure les paragraphes sus-
mentionnés dans la présenteordonnance.

(Signé) Thomas BUERGENTHAL.

Bilingual Content

DECLARATION OF JUDGE BUERGENTHAL

Language of'paragraphs 54 through 56 and 93 inappropriate - Absence of

jurisdiction to address subject-matter- Text gives credence, whether intended
or not, to c1aim.sof'one Party - Court's poi.t3erslimited to exercise of judicial
functions - "Feel-good" provisions not ivithin scope of,jurisdiction.

1. 1agree with the Court's decision rejecting the Democratic Republic

of the Congo's request for provisional measures as well as the decision
not to remove the case from the Court's List.
2. My purpose in appending this declaration to the instant Order is to
express my disagreement with the inclusion in the Court's Order of the

language found in paragraphs 54-56 and 93. My objection to these para-
graphs is not to the high-minded propositions they express. Instead, 1
consider that they deal with matters the Court has no jurisdiction to
address once it has ruled that it lacks prima faciejurisdiction to issue the
requested provisional measures.
3. These paragraphs read as follows:

"54. Whereas the Court is deeply concerned by the deplorable

human tragedy, loss of life, and enormous suffering in the east of the
Democratic Republic of the Congo resulting from the continued
fighting there;
55. Whereas the Court is mindful of the purposes and principles of
the United Nations Charter and of its own responsibilities in the

maintenance of peace and security under the Charter and the Statute
of the Court;
56. Whereas the Court finds it necessary to emphasize that al1
parties to proceedings before it must act in conformity with their
obligations pursuant to the United Nations Charter and other rules

of international law, including humanitarian law; whereas the Court
cannot in the present case over-emphasize the obligation borne by
the Congo and Rwanda to respect the provisions of the Geneva
Conventions of 12 August 1949 and of the first Protocol additional
to those Conventions, of 8 June 1977, relating to the protection of

victims of international armed conflicts, to which instruments both
of them are parties;

.............................
93. Whereas, whether or not States accept the jurisdiction of the
Court, they remain in any event responsible for acts attributable to
them that violate international law; whereas in particular they are[Traduction]

Libellé inappropriéclesparagraphes 54 ci56 et Y3 - Absence de conzpétence
pour connaître tle l'objet de la demande - Libellé conférant, clélib4rémenot u
non, créanceaux prétentionsde l'une des Parties - Pouvoirs de la Cour limités

à l'exercice de ses jonction.^judiciaires- Dispositions empreintes de «bons
sentiment^ »ne relevant pas u' ea cornpétcwce.

1. Je souscris à la décisionde la Cour tendant a rejeter la demande en

indication de mesures conservatoires présentéepar la République démo-
cratique du Congo et à ne pas rayer l'affaire de son rôle.
2. J'entends toutefois, en joignant la présente déclaration à l'ordon-
nance, indiquer que liedésapprouve la présence,dans l'ordonnance de la
Cour, des paragraphes 54 à 56 et 93. Je ne suis pas opposé aux idées

nobles exprimées daris ces paragraphes, mais j'estime que la Cour n'a pas
compétence pour connaître des questions qui y sont évoquées,dès lors
qu'elle a conclu qu'elle n'avait pas compétence pritnu fucie pour indiquer
les mesures conservatoires sollicitées.
3. Ces paragraphes se lisent comme suit:

54. Considérant que la Cour est profondément préoccupéepar le

drame humain, les pertes en vies humaines et les terribles souffrances
que l'on déploredans l'est de la République démocratique du Congo
à la suite des combats qui s'y poursuivent;
55. Considérant que la Cour garde présents à l'esprit les buts et
principes de la Charte des Nations Unies, ainsi que les responsabili-

tésqui lui incornbent, en vertu de ladite Charte et du Statut de la
Cour, dans le maintien de la paix et de la sécurité;
56. Considérant que la Cour estime nécessaire de souligner que
toutes les parties à des instances devant elle doivent agir conformé-
ment à leurs obligations en vertu de la Charte des Nations Unies et

des autres règlesdu droit international, y con~pris du droit humani-
taire; qu'en l'espèce laCour ne saurait trop insister sur l'obligation
qu'ont le Congo et le Rwanda de respecter les dispositions des
conventions de Genève du 12 août 1949 et du premier protocole
additionnel à ce:;conventions, en date du 8 juin 1977, relatif à la pro-

tection des victimes des conflits armés internationaux, instruments
auxquels ils sont tous deux parties;
.............................

93. Considérant que les Etats, qu'ils acceptent ou non la juridic-
tion de la Cour, demeurent en tout état de cause responsables des
actes contraires au droit international qui leur seraient imputables; required to fulfil their obligations under the United Nations
Charter; whereas the Court cannot but note in this respect that the
Security Council has adopted a great number of resolutions concern-
ing the situation in the region, in particular resolutions 1234(19991,
1291(2000), 1304(2000), 1316(2000), 1323(2000), 1332(2000), 1341

(2001), 1355 (2001), 1376 (2001), 1399 (2002) and 1417 (2002);
whereas the Security Council has demanded on many occasions that
'al1the parties to the conflict put an . . . end to violations of human
rights and international humanitarian law'; and whereas it has inter
alia reminded 'al1 parties of their obligations with respect to the
security of civilian populations under the Fourth Geneva Conven-

tion relative to the Protection of Civilian Persons in Time of War of
12 August 1949', and added that 'al1forces present on the territory
of the Democratic Republic of the Congo are responsible for pre-
venting violations of international humanitarian law in the territory
under their control'; whereaç the Court wishes to stress the necessity
for the Parties to these proceedings to use their influence to prevent

the repeated grave violations of human rights and international
humanitarian law which have been observed even recently."

4. The Court's function is to pronounce itself on matters within its

jurisdiction and not to voice persona1 sentiments or to make comments,
general or specific, which, despite their admittedly "feel-good" qualities,
have no legitimate place in this Order.

5. Who, for example, would not be "deeply concerned by the deplor-
able human tragedy, loss of life, and enormous suffering in the east of the

Democratic Republic of the Congo resulting from the continued fighting
there"? (Order, para. 54.) But the expression of this concern in a formal
Order of the Court presupposes that the Court has the requisite jurisdic-
tion to deal with that subject-matter. Having determined that it lacks that
jurisdiction, it should not pronounce itself with regard to that subject-
matter.

6. In paragraph 55, the Court declares that it "is mindful of the pur-
poses and principles of the United Nations Charter and of its own
responsibilities in the maintenance of peace and security under the Char-
ter". Of course, how could it be otherwise? But what is the point of this
statement? 1s it an crpologiu for the Court's lack of jurisdiction to do
what it would like to do in this case? If so, 1wonder whether it is appro-

priate. But more importantly, the Court's own "responsibilities in the
maintenance of peace and security under the Charter" are not general.
They are strictly limited to the exercise of its judicial functions in cases
over which it has jurisdiction. In making the above statement, the Court
is not performing these functions because of its lack of jurisdiction. The
paragraph reads like a preamble to a resolution of the United Nations qu'ils sont en particulier tenus de se conformer aux obligations qui
sont les leurs en vertu de la Charte des Nations Unies; qu'à cet égard
la Cour ne peut manquer de noter que le Conseil de sécuritéa

adopté de trésnombreuses résolutions concernant la situation dans
la région, en particulier les résolutions 1234 (1999), 1291 (2000),
1304(2000), 1314(2000), 1323(2000), 1332(2000), 1341(2001), 1355
(2001), 1376 (2001), 1399 (2002) et 1417 (2002); que le Conseil de
sécuritéa, à maintes reprises, exigéque ((toutes les parties au conflit
mettent ... fin aux violations des droits de l'homme et du droit inter-

national humanitaire)); et qu'il a notamment rappelé «à toutes les
parties les obligations qui leur incomb[aient] en ce qui concerne la
sécurité despopiilations civiles conformément à la quatrième conven-
tion de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps
de guerre du 12 août 1949», et a ajouté que ((toutes les forces pré-
sentes sur le territoire de la République démocratique du Congo

[étaient]responsables de la prévention des violations du droit inter-
national humanitaire commises sur le territoire qu'elles contrôlent )>;
que la Cour tient à souligner la nécessitépour les Parties à l'instance
d'user de leur irifluence pour prévenir les violations graves et répé-
tées des droits de l'homme et du droit international humanitaire
encore constatées récemment. ))

4. La Cour a pour mission de se prononcer sur des questions qui
relèvent de sa compétence et non d'exprimer des sentiments personnels
ou de formuler des observations, d'ordre général ouparticulier, qui,
mêmesi elles sont à l'évidence dictéespar de «bons sentiments)), n'ont
pas leur place dans la présente ordonnance.

5. Qui, par exemple, ne serait pas «profondément préoccup[é]par le
drame humain, les pertes en vies humaines etles terribles souffrances que
l'on déplore dans l'est de la République démocratique du Congo à la
suite des combats qui s'ypoursuivent » (ordonnance,par. 54)? Mais pour
faire formellement état de telles préoccupations dans une ordonnance, la
Cour doit avoir la compétence voulue pour connaître de ces questions.

Ayant jugé que cette compétence lui faisait défaut, la Cour n'aurait pas
dû se prononcer sur ce sujet.
6. Au paragraphe 55, la Cour déclare «gard[er] présents à l'esprit les
buts et principes de la Charte des Nations Unies, ainsi que les responsa-
bilités quilui incombent, en vertu de ladite Charte ...dans le maintien de
la paix et de la sécurité)).En vérité,comment pourrait-il en êtreautre-

ment? Mais que vise la Cour par pareille déclaration? La Cour exprime-
t-elle ainsi le regret de ne pas être,faute de compétence, en mesure d'agir
comme il lui aurait plu en la présente espèce?Si tel étaitle cas, je m'inter-
rogerais sur l'opportunité d'une telle déclaration. Mais, et c'est plus
important, les «responsabilités qui incombent [a la Cour], en vertu de
ladite Charte ..dans le maintien de la paix et de la sécurité)),ne revêtent

pas un caractère général.Elles se limitent strictement à l'exercice, par la
Cour, de ses fonctions judiciaires dans des affaires qui relévent de saGeneral Assembly or Security Council, where it would be entirely appro-
priate. It is not in this Order.

7.As for paragraph 56, the fact that this statement is even-handed in
that it addresses both Parties to the case does not make it any more

appropriate than it would be if it had been addressed to only one of
them. It is inappropriate, first, because the Court has no jurisdiction in
this case to cal1on the States parties to respect the Geneva Conventions
or the other legal instruments and principles mentioned in the paragraph.
Second, since the request for preliminary measures by the Democratic
Republic of the Congo sought a cessation by Rwanda of activities that
might be considered to be violations of the Geneva Conventions, the
Court's pronouncement in paragraph 56 can be deemed to lend some

credence to this claim.

8.This latter conclusion is strengthened by the language of para-
graph 93,which bears close resemblance to the language the Court would
use if it had granted the provisional measures request. The fact that the
paragraph is addressed to both Parties is irrelevant, for in comparable
circumstances the Court has issued provisional measures formulated in

similar language addressed to both Parties although they were requested
by only one of them. See, for example, Armed Activities on the Territory
of the Congo (Deniocratic Republic oj the Congo v. Ugunda), Provi-
sional Measurrs, Order oj 1 Jzrly 2000, 1. C.J. Reports 2000, p. 11 1,
para. 47. Besides, the Court lacks jurisdiction in this case to address this
appeal to both Parties every bit as much as it would were it to address it
to only one of them.

9. Whether intended or not, the Court's pronouncements in the fore-
going paragraphs, particularly in paragraphs 56 and 93, might be deemed
to lend credence to the factual allegations submitted by the Party seeking
the provisional measures. In the future, they might also encourage States
to file provisional measures requests, knowing that, despite the fact that
they would be unable to sustain the burden of demonstrating the requi-

site prima faciejurisdiction, they would obtain from the Court some pro-
nouncements that could be interpreted as supporting their claim against
the other Party.

10. The foregoing reasons lead me to the conclusion that it was not
proper as a matter of law for the Court to include the above paragraphs
in this Order.

(Signed) Thomas BUERGENTHAL.compétence. Lorsqu'elle formule la déclaration ci-dessus, la Cour n'exerce
pas lesdites fonctions judiciaires, puisque la compétence lui fait défaut.
Le paragraphe se lit comme le préambule d'une résolution de l'Assemblée
générale oudu Conseil de sécurité desNations Unies, où il serait parfai-

tement à sa place. CE:n'est pas le cas dans la présente ordonnance.
7. Quant à la déclaration faite au paragraphe 56, si elle est impartiale,
étant adressée aux deux Parties à l'affaire, elle n'aurait pas pour autant
été moinsinopportune si elle n'avait viséque l'une d'entre elles. Elle est
inopportune, d'abord parce que la Cour n'a pas compétence en l'espèce
pour appeler les Etals parties à respecter les conventions de Genève ou
les autres instruments et principes juridiques mentionnés dans ce para-

graphe. Elle l'est ensuite parce que, étant donné que la demande en indi-
cation de mesures conservatoires de la République démocratique du
Congo visait à ce que le Rwanda mette un terme à certaines activités sus-
ceptibles d'êtreconsidéréescomme des violations desdites conventions, le
libellédu paragraphe 56 pourrait êtreperçu comme donnant une certaine
créance à cette nréteiition.

8. Cette dernière conclusion est confortée par le libellé choisi par la
Cour au paragraphe 93, très proche de celui qu'elle aurait retenu si elle
avait fait droit à la demande en indication de mesures conservatoires. Le
fait que le paragraphe vise les deux Parties est ici dénué de pertinence: la
Cour a, en des circonstances analogues, indiqué des mesures conserva-
toires formulées en cles termes similaires en les adressant aux deux Par-
ties, alors mêmeque la demande n'émanait que de l'une d'elles (voir, par

exemple, Activités armkes sur le territoire du Congo (Rgpubliyue dén?o-
crntique du Congo c. Burundi), mesures corîservcltoires,ordonnance du
1"' juille2000. C. 1.J'. Recueil 2000, p.111, par. 47).Au reste, en la pré-
sente espèce, la compétence pour adresser cette exhortation aux deux
Parties fait défaut à la Cour, et il en aurait étéde mêmesi l'exhortation
avait été adresséeà ilne seule d'entre elles.
9. Les prononcés de la Cour aux paragraphes susmentionnés, en par-

ticulier les paragraphes 56 et 93, pourraient, que telle ait ou non été
l'intention de celle-ci, êtreinterprétés comme accordant crédit aux faits
alléguéspar la partie ayant sollicitéles mesures conservatoires. En outre,
à l'avenir, des Etats pourraient se sentir de ce fait encouragés à présenter
des demandes en indication de mesures conservatoires, sachant que,
mêmes'ils ne sont pas en mesure de s'acquitter au préalable de la charge

qui leur incombe d"établir la compétence pri~nu,facie de la Cour, ils
obtiendront de celle-ci qu'elle se prononce d'une manière qui pourrait
être interprétéecomrne appuyant la prétention formuléea l'encontre de la
partie adverse.
10. Les raisons que je viens d'exposer m'ont amené à conclure que la
Cour n'était pas,au regard du droit, fondéeà inclure les paragraphes sus-
mentionnés dans la présenteordonnance.

(Signé) Thomas BUERGENTHAL.

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