Déclaration de M. Oda (traduction)

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121-20001208-ORD-01-01-EN
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121-20001208-ORD-01-00-EN
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DECLARATION DE M. ODA

[Traduction]

1. Je souscrià la décisionde la Cour de rejeter la demande en indica-
tion de mesure conservatoire que le Congo a présentéele 17octobre 2000

en mêmetemps que sa requête,encore que j'estime qu'ilaurait fallu libel-
ler l'alinéa2 du paragraphe 78 du dispositif de I'ordonnance de la Cour
en des termes marquant plus clairement le rejet de la demande en l'espèce.

2. A mon avis, la requête déposée par le Congo était, dès l'origine,
sans objet, que M. Yerodia Ndombasi fût ministre des affaires étrangères
(comme il l'était jusqu'au 20 novembre 2000) ou ministre de l'éducation
nationale (ce qu'il est maintenant). Quoi qu'il en soit, aucun ((préjudice
irréparable))n'a selonmoi été causé au Congo ni ne ((pourrait êtrecausé
dans l'immédiataux droits du Congo)) du fait du mandat d'arrêtlitigieux

(voir le paragraphe 72 de I'ordonnance). II està noter que M. Yerodia
Ndombasi étaitprésent àl'Assemblée générald ees Nations Unies à New
York en septembre de l'annéeen cours.
La Cour semble êtreamenée à conclure le contraire,à savoir que «la
requêtedu Congo n'a pas, à l'heure actuelle, étéprivéed'objet» (ordon-
nance, par. 57) et que «la demande en indication de mesures conser-
vatoires du Congo n'a pas étéprivéed'objet du fait de la nomination de
M. Yerodia Ndombasi comme ministre de l'éducationnationale le 20 no-
vembre 2000 ))(ordonnance,par. 60),bien qu'ellene semblepar fournir dans
l'ordonnance suffisamment d'explications pour justifier ces conclusions.
3. Dans la présenteordonnance, la Cour s'abstient de se prononcer sur

l'argumentation de la Belgique selon laquelle «la mesure [conservatoire]
tendant à la mainlevéedu mandat d'arrêtque le Congo demande à titre
conservatoire serait identique à celle que le Congo réclame au fond))
(ordonnance, par. 73), alors que je crois que ce motif eût étéen soi suf-
fisant pour que la Cour rejette la demande en indication de mesure
conservatoire.
4. La Cour déclareque «les Parties apparaissent disposées à envisager
de réglerlediffirendqui les oppose àl'amiable)) (ordonnance, par. 76, les
italiques sont de nous). tandis qu'en fait ce que la Belgique a laisséen-
tendre, c'était qu'ellene verrait pas d'objectionce que la Cour indique

«des mesures conservatoires appelant les Partiesà examiner ensem-
ble, de bonne foi, les difficultés causéespar la délivrancedu mandat
d'arrêt.en vue de trouver une solution au différendqui soit compa-
tible avec leurs obligations découlant du droit internationylcom-
pris les résolutions 1234 (1999) et 1291 (2000) du Conseil de sécu-
rité»(CR2000133, p. 60; CR2000135, p. 18; voir CR2000135, p. 23).En fait, la Belgique demande plutôt «à la Cour de rayer du rôle [la pré-
sente] affaire ... introduite par [le]Congo contre la Belgique par requête

en date du 17octobre 2000))(conclusions finales de la Belgiquedatéesdu
23 novembre 2000).
5. Je ne peux partager l'avis de la Cour selon lequel
(<ilest souhaitable que les questions soumises à la Cour soient tran-
chéesaussitôt que possible; que dès lors, il convient de parvenir à

une décisionsur la requêtedu Congo dans les plus brefs délais))
(ordonnance, par. 76).
Je ne vois pas pourquoi la Cour devrait êtreaussi presséede parvenir à
une conclusion sur l'interprétationde certains principes générauxde droit

international:,'eut-êtres'aeut-il d'un comvromis destiné a contrebalancer
le rejet de la demande en indication de mesure conservatoire du Congo. Il
me semble que la Cour a mal compris l'intention de la Belgique, pour
qui, en fait, il n'existe pas de différenda plaider devant la Cour.
La Belgique souhaitait simplement que les difficultésauxquelles la
régiondu Congo est en proie ne s'aggravent pas et qu'un règlement du
((différend >)en généralsoit recherchéconformément, en particulier, aux
résolutions 1234(1999) et 129 1 (2000) du Conseil de sécurité, lesquelles
visaient à faire cesser les hostilitéset a obtenir un cessez-le-feu.

6. C'est ceraisonnement qui sous-tend la position que j'ai adoptée sur
l'alinéa 1 du paragraphe 78 de I'ordonnance de la Cour. J'ai votéen
faveur de l'alinéa 1du paragraphe 78 du dispositif de I'ordonnance de la
Cour avec beaucoup de réticenceet uniquement par esprit de solidarité
judiciaire. Mais je persiste a croire qu'il aurait fallu rayer la présente
affaire du rôle généralcar, à mon sens, il n'y a pas en l'espècede diffé-
rend d'ordre juridique susceptible de relever de la juridiction de la Cour.
7. Dans sa requêtedu 17 octobre 2000, le Congo n'a indiquéaucun

titre de compétenceen l'espèce. Il n'a évoquéle titre de compétenceque
le 22 novembre 2000. lors du second tour de vlaidoiries (CR2000134.
p. 17). A ce que l'on comprend, par ce moyen tardivement invoqué, le
Congo semble se fonder sur la clause facultative - a savoir le para-
graphe 2 de l'article 36du Statutde la Cour - lorsqu'il cite une violation
du ((principe selon lequel un Etat ne peut exercer son pouvoir sur le ter-
ritoire d'un autre Etat» et du ((principe de l'égalitésouveraine entre tous
les Membres de l'organisation des Nations Unies, proclamépar le para-
graphe 1 de l'article 2de la Charte des Nations Unies)). Il semble aussi se
fonder sur le protocole de signature facultative concernant le règlement

obligatoire des différends de 1961,dès lors qu'il fait grief a la Belgique
d'une prétendue violation de l'immunité diplomatique prévue par la
convention de Vienne sur les relations diplomatiques de 1961.
8. Je ne suis pas sûr que, lors du dépôt de la requêtedu 17 octobre
2000, il existait véritablemententre le Congo et la Belgique «[un] ...[dif- MANDAT D'ARRÊT (DÉCL. ODA) 206

férend]d'ordre juridique ayant pour objet: u) l'interprétation d'un traité,

b) tout point de droit international; [etc.]))(Statut de la Cour, article 36,
paragraphe 2) ou un différend relatif «à l'interprétation ou à l'applica-
tion de la convention [de Vienne sur les relations diplomatiques]» (pro-
tocole de signature facultative concernant le règlement obligatoire des
différends, article premier). De surcroît, pour qu'un difierend ou un dif-
jërend d'ordrejuridique de cette nature existe, il faut que l'une desParties
fasse valoir des demandes d'ordre juridique au titre d'une violation par la
Partie adverse de ses droits et intérêts,t que cette dernière conteste ces
demandes.
9. Dans sa requêtedu 17 octobre 2000, le Congo n'a pas exposéses
conclusions et, partant, n'a pas qualifié,suivant l'une ou l'autre des caté-
gories que j'ai rappelées ci-dessus,le différendqui l'opposerait à la Bel-

gique.
Le Congo a tout simplement dit qu'il pensait, à tort selon moi, que
M. Yerodia Ndombasi, ministre des affaires étrangères, serait arrêté à
cause du mandat décernépar le magistrat belge. Avoir le sentiment ou le
pressentiment d'inconvénientspossibles ou potentiels ne saurait, à mon
avis, valoir réclamationau sensjuridique du terme et ne saurait constituer
une base iuridiaue fondant la comdtence de la Cour. Vers la fin de la
procédure orale, le conseil du Congo a déclaréce qui suit

«[Le] Congo demande à la Cour d'ordonner à la Belgique de se
conformer au droit international; de cesser et de s'abstenir de tout
comportement de nature à accentuer le différend avec[le]Congo; en
particulier, de procéderà la mainlevéedu mandat d'arrêt internatio-
nal délivrécontre le ministre Yerodia» (CR2000134, p. 23);

et l'agent du Congo a demandé à la Cour «de dire le droit...et [de]per-
suad[er] ...le juge belge Vandermeersch de retirer son mandat qu'il a
lancésur le plan international)) (ibid., p. 27). Je répèteque le Congo n'a
pas mis au jour un différendd'ordre juridique l'opposant à la Belgiqueet
n'a pasnon plus précisé les droitset intérêtsue la Belgiqueaurait violés.
Le Congo souhaitait tout simplement avoir confirmation de certains
principes de droit international touchant l'exercicede la compétenceéta-
tique.
10. Les questions concernant le champ et l'étendue dela compétence

étatique sont assurément des questions majeures du droit international
général, maisla Cour ne saurait les traiter h moins qu'elles ne fassent
l'objet d'unu'ifërrnd dont elle serait saisie.

11. On peut soutenir que, dans une affaire donnée, la question de
savoir s'ilexiste un différend- un différendd'ordrejuridique au sens du
paragraphe 2 de l'article 36 du Statut de la Cour, ou un diJJférendau sens
du protocole de signature facultative de 1961 - est une question qui doit
êtretranchéepar la Cour au stade de l'examende sa compétence.Je croiscependant que cette question est différentede celle qui se pose lorsqu'un

Etat défendeur soulève une exception préliminaire dans le cadre d'une
affaire introduite par voie de requête unilatérale, etqui est de savoir si un
Etat peut êtreobligé à se présenterdevant la Cour du fait qu'il a accepté
volontairement et à l'avance sajuridiction, dans des circonstances où, en
principe, le consentement des parties est essentiel.
La question de l'existenced'un ((différendd'ordre juridique)) ou d'un
((différend))de ce genre doit, théoriquement, êtrerégléeavant que la
Cour ne se prononce sur sa compétence. Il est vrai qu'elle peut êtregéné-
ralement tranchéeau stade de I'examen de la compétenceune fois I'ins-
tance introduite devant la Cour (voir ((Exceptions préliminaires)), à la
section D (Procéduresincidentes) du Règlementde la Cour).
12. Mais s'il advient (comme ce fut le cas dans certaines affaires ré-
centes) que la Cour soit en mesure de traiter cette question bien plus
tôt, c'est-à-dire avant la phase de I'examende la compétence,elle ne doit

pas hésiter à le faire. Les dispositions relatives aux mesures conserva-
toires (section D (Procédures incidentes) du Règlement de la Cour)
offrent l'occasion idéalede réglercette question en tant que question
((pré-préliminaire)).La Cour peut déciderde rayer une affaire du rôle
générad lès cestadeou de demeurer saisiedel'affaire,aprèsavoir recherché
s'ilexiste un ((différendd'ordre juridique»ou un ((différend P.
Si la Cour devait attendre le stade de I'examende la comdtence avant
de réglerla question de savoir s'il existe ou non effectivement un diffé-
rend iusticiable. elle serait saisie d'un nombre excessif d'affaires ana-
loguesau seulmotif qu'un Etat estimerait qu'un autre Etat a agi au mépris
du droit international. Je crains que de nombreux Etats ne retirent alors
leur déclaration d'acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour
pour éviterque d'autres Etats ne soumettent abusivement des affaires à
celle-ci par de telles voies.

(Signi) Shigeru ODA.

Bilingual Content

DECLARATION OF JUDGE ODA

1.1am in agreement with the Court's decision to dismiss the request
for the indication of a provisional measure presented on 17October 2000
by the Congo together with its Application, although 1believethat para-
graph 78 (2) of the operative part of the Court's Order should be more
clearly phrased in order to reflect the dismissal of the request in this par-
ticular case.
2. 1 believe that the Application presented by the Congo has, from the
outset, been moot, no matter whether Mr. Yerodia Ndombasi was Min-

ister for Foreign Affairs (as he was up to 20 November 2000) or Minister
of Education (as he is now). In my view, in any event, no "irreparable
prejudice" did result for Congo, or "might be caused in the immediate
future to the Congo's right", by the disputed arrest warrant (cf. Order,
para. 72). It is noted that Mr. Yerodia Ndombasi was present at the
United Nations General Assembly in New York in September of this
year.
The Court seems to be led to the opposite conclusion that "the
Congo's Application has not at the present time become moot" (Order,
para. 57), and that "the request by the Congo for the indication of pro-
visional measures has not become moot by reason of Mr. Yerodia
Ndombasi's appointment as Minister of Education on 20 November
2000" (Order, para. 60), although the Court does not in the present
Order seem to give sufficient explanation to justify these conclusions.
3. In this Order, the Court refrains from pronouncing on the argument
advanced by Belgium that "the [provisional]measure relating to the dis-
charge of the arrest warrant, sought by the Congo on a provisional basis,

is identical to that sought by it on the merits" (Order, para. 73), while
1 believe that that reason in itself would be sufficient ground for the
Court to reject the request for the indication of a provisional measure.

4. The Court States that "the Parties appear to be willing to consider
seeking a friendly settlement of their dispute" (Order, para. 76, emphasis
added), but what Belgium in fact suggested was that it would not object
to the Court indicating

"provisional measures which called upon the Partiesjointly, in good
faith, to address the difficulties caused by thessuance of the arrest
warrant with a view to achieving a resolution to the dispute in a
manner that is consistent with their obligations under international
law, including Security Council resolutions 1234 (1999) and 1291
(2000)" (CR 2000133,p. 60; CR 2000135,p. 18;cf. CR 2000135,p. 23). DECLARATION DE M. ODA

[Traduction]

1. Je souscrià la décisionde la Cour de rejeter la demande en indica-
tion de mesure conservatoire que le Congo a présentéele 17octobre 2000

en mêmetemps que sa requête,encore que j'estime qu'ilaurait fallu libel-
ler l'alinéa2 du paragraphe 78 du dispositif de I'ordonnance de la Cour
en des termes marquant plus clairement le rejet de la demande en l'espèce.

2. A mon avis, la requête déposée par le Congo était, dès l'origine,
sans objet, que M. Yerodia Ndombasi fût ministre des affaires étrangères
(comme il l'était jusqu'au 20 novembre 2000) ou ministre de l'éducation
nationale (ce qu'il est maintenant). Quoi qu'il en soit, aucun ((préjudice
irréparable))n'a selonmoi été causé au Congo ni ne ((pourrait êtrecausé
dans l'immédiataux droits du Congo)) du fait du mandat d'arrêtlitigieux

(voir le paragraphe 72 de I'ordonnance). II està noter que M. Yerodia
Ndombasi étaitprésent àl'Assemblée générald ees Nations Unies à New
York en septembre de l'annéeen cours.
La Cour semble êtreamenée à conclure le contraire,à savoir que «la
requêtedu Congo n'a pas, à l'heure actuelle, étéprivéed'objet» (ordon-
nance, par. 57) et que «la demande en indication de mesures conser-
vatoires du Congo n'a pas étéprivéed'objet du fait de la nomination de
M. Yerodia Ndombasi comme ministre de l'éducationnationale le 20 no-
vembre 2000 ))(ordonnance,par. 60),bien qu'ellene semblepar fournir dans
l'ordonnance suffisamment d'explications pour justifier ces conclusions.
3. Dans la présenteordonnance, la Cour s'abstient de se prononcer sur

l'argumentation de la Belgique selon laquelle «la mesure [conservatoire]
tendant à la mainlevéedu mandat d'arrêtque le Congo demande à titre
conservatoire serait identique à celle que le Congo réclame au fond))
(ordonnance, par. 73), alors que je crois que ce motif eût étéen soi suf-
fisant pour que la Cour rejette la demande en indication de mesure
conservatoire.
4. La Cour déclareque «les Parties apparaissent disposées à envisager
de réglerlediffirendqui les oppose àl'amiable)) (ordonnance, par. 76, les
italiques sont de nous). tandis qu'en fait ce que la Belgique a laisséen-
tendre, c'était qu'ellene verrait pas d'objectionce que la Cour indique

«des mesures conservatoires appelant les Partiesà examiner ensem-
ble, de bonne foi, les difficultés causéespar la délivrancedu mandat
d'arrêt.en vue de trouver une solution au différendqui soit compa-
tible avec leurs obligations découlant du droit internationylcom-
pris les résolutions 1234 (1999) et 1291 (2000) du Conseil de sécu-
rité»(CR2000133, p. 60; CR2000135, p. 18; voir CR2000135, p. 23).In fact Belgium rather asks "the Court to remove from its List [this]
case . . .brought by [the Congo] against Belgium by Application dated
17 October 2000" (final submissions of Belgium dated 23 November
2000).
5. 1am unable to share the Court's view that

"it is desirable that the issues before the Court should be determined
as soon as possible; whereas it is therefore appropriate to ensure
that a decision on the Congo's Application be reached with al1expe-
dition" (Order, para. 76).

1have doubts asto why the Court should be in so much haste to reach a
conclusion on the interpretation of certain general principles of inter-
national law; possibly this is a compromise to make up for the dismissal
of the Congo's request for provisional measures. It appears to me that
the Court has misunderstood the intention of Belgium - for whom, in
fact, there exists no dispute to be argued before this Court.
Belgium simply wished that the difficulties inthe Congo region would
not be aggravated, and that a resolution of the "dispute" in general
should be sought in accordance with, inter uliu,Security Council resolu-
tions 1234(1999) and 1291(2000),which were aimed at halting hostilities

and bringing about a cease-fire.

6. This line of thinking reflects myposition on paragraph 78 (1) of the
Court's Order. With much reluctance 1cast my vote in favour of para-
graph 78 (1) of the operative part of the Court's Order, but only from a
sense of judicial solidarity. However, 1still believe that this case should
have been removed from the Court's General List since, in my view,there
is no legal dispute susceptible to the Court's jurisdiction in this instance.

7. The Congo did not indicate in its Application of 17October 2000
any basis of jurisdiction for this case. The basis of jurisdiction was only
referred to by the Congo on 22 November 2000 in the second round of
the oral pleadings (CR 2000134,p. 17). As understood from its belated
argument, the Congo appears to rely on the optional clause - in other
words Article 36, paragraph 2, of the Court's Statute - when it cites vio-
lation of "the principle that a State may not exercise its authority on the
territory of another State" and "the principle of equality among al1mem-
bers of the Organization of the United Nations, as laid down in Article 2,
paragraph 1, of the Charter of the United Nations". The Congo also
appears to rely on the 1961 Optional Protocol concerning the Compul-

sory Settlement of Disputes as far as it invokes the alleged violation by
Belgium of the diplomatic immunity provided for in the 1961 Vienna
Convention on Diplomatic Relations.
8. 1would question whether, at the time of the Application of 17Octo-
ber 2000, there was in fact between the Congo and Belgium "[a] legal dis-En fait, la Belgique demande plutôt «à la Cour de rayer du rôle [la pré-
sente] affaire ... introduite par [le]Congo contre la Belgique par requête

en date du 17octobre 2000))(conclusions finales de la Belgiquedatéesdu
23 novembre 2000).
5. Je ne peux partager l'avis de la Cour selon lequel
(<ilest souhaitable que les questions soumises à la Cour soient tran-
chéesaussitôt que possible; que dès lors, il convient de parvenir à

une décisionsur la requêtedu Congo dans les plus brefs délais))
(ordonnance, par. 76).
Je ne vois pas pourquoi la Cour devrait êtreaussi presséede parvenir à
une conclusion sur l'interprétationde certains principes générauxde droit

international:,'eut-êtres'aeut-il d'un comvromis destiné a contrebalancer
le rejet de la demande en indication de mesure conservatoire du Congo. Il
me semble que la Cour a mal compris l'intention de la Belgique, pour
qui, en fait, il n'existe pas de différenda plaider devant la Cour.
La Belgique souhaitait simplement que les difficultésauxquelles la
régiondu Congo est en proie ne s'aggravent pas et qu'un règlement du
((différend >)en généralsoit recherchéconformément, en particulier, aux
résolutions 1234(1999) et 129 1 (2000) du Conseil de sécurité, lesquelles
visaient à faire cesser les hostilitéset a obtenir un cessez-le-feu.

6. C'est ceraisonnement qui sous-tend la position que j'ai adoptée sur
l'alinéa 1 du paragraphe 78 de I'ordonnance de la Cour. J'ai votéen
faveur de l'alinéa 1du paragraphe 78 du dispositif de I'ordonnance de la
Cour avec beaucoup de réticenceet uniquement par esprit de solidarité
judiciaire. Mais je persiste a croire qu'il aurait fallu rayer la présente
affaire du rôle généralcar, à mon sens, il n'y a pas en l'espècede diffé-
rend d'ordre juridique susceptible de relever de la juridiction de la Cour.
7. Dans sa requêtedu 17 octobre 2000, le Congo n'a indiquéaucun

titre de compétenceen l'espèce. Il n'a évoquéle titre de compétenceque
le 22 novembre 2000. lors du second tour de vlaidoiries (CR2000134.
p. 17). A ce que l'on comprend, par ce moyen tardivement invoqué, le
Congo semble se fonder sur la clause facultative - a savoir le para-
graphe 2 de l'article 36du Statutde la Cour - lorsqu'il cite une violation
du ((principe selon lequel un Etat ne peut exercer son pouvoir sur le ter-
ritoire d'un autre Etat» et du ((principe de l'égalitésouveraine entre tous
les Membres de l'organisation des Nations Unies, proclamépar le para-
graphe 1 de l'article 2de la Charte des Nations Unies)). Il semble aussi se
fonder sur le protocole de signature facultative concernant le règlement

obligatoire des différends de 1961,dès lors qu'il fait grief a la Belgique
d'une prétendue violation de l'immunité diplomatique prévue par la
convention de Vienne sur les relations diplomatiques de 1961.
8. Je ne suis pas sûr que, lors du dépôt de la requêtedu 17 octobre
2000, il existait véritablemententre le Congo et la Belgique «[un] ...[dif-pute[s]concerning: (a) the interpretation of a treaty; (6) any question of
international law; [etc.]" (Statute of the Court, Art. 36, para. 2) or a dis-
pute "arising out of the interpretation or application of the [Vienna Con-
vention on Diplomatic Relations]" (Optional Protocol concerning the
Compulsory Settlement of Disputes, Art. 1).Moreover, in order for such
a dispute or legul dispute to exist, there have to be legal claims raised by
one party reflecting the assertion of a breach by the other party of its
rights and interests, and denial of those claims by the other party.

9. In its Application of 17October 2000the Congo did not present its
submissions and thus did not specify the dispute, in the terms as 1have
referred to them above, alleged to exist between it and Belgium.

The Congo simply stated that it believed, in myview erroneously, that
Mr. Yerodia Ndombasi, as Foreign Minister, would be arrested in con-
sequence of the warrant issued by the Belgianjudge. Such a belief or sus-
picion regarding possible or potential inconvenience cannot, in my view,
amount to a claim in a legal sense and cannot constitute a legal basis for
the Court's jurisdiction. Towards the end of the oral pleadings, counsel
for the Congo stated that:

"[Congo] requests the Court to order Belgium to comply with inter-
national law; to cease and desist from any conduct which might
exacerbate the dispute with [the Congo]; specifically, to withdraw
the international arrest warrant issued against Minister Yerodia"
(CR 2000134,p. 23) ;

and the Agent for Congo asked the Court "to determine what the law is
. . .and . . .[to] persuad[e] the Belgian judge, Mr. Vandermeersch, to
withdraw his international arrest warrant" (ibid., p. 27). 1 repeat that the
Congo neither identified a legal dispute with Belgium nor specified the
rights and interests allegedly breached by Belgium. The Congo simply
wanted confirmation of certain legal principles of international law con-
cerning the exercise of state jurisdiction.

10. The matters concerning the scope and extent of State jurisdiction

are certainly major issues ofgeneral international law, but they cannot be
dealt with by this Court unless they are presented to it as the subject oj'u
dispute.

Il. It might be argued that the issue of the existence of a dispute - a
legul dispute as referred to in Article 36, paragraph 2, of the Court's
Statute, or a dispute as referred to in the 1961Optional Protocol - is a
matter to be dealt with at the jurisdictional stage of a case before this
Court. In my view, however, that issue is not the same as a preliminary MANDAT D'ARRÊT (DÉCL. ODA) 206

férend]d'ordre juridique ayant pour objet: u) l'interprétation d'un traité,

b) tout point de droit international; [etc.]))(Statut de la Cour, article 36,
paragraphe 2) ou un différend relatif «à l'interprétation ou à l'applica-
tion de la convention [de Vienne sur les relations diplomatiques]» (pro-
tocole de signature facultative concernant le règlement obligatoire des
différends, article premier). De surcroît, pour qu'un difierend ou un dif-
jërend d'ordrejuridique de cette nature existe, il faut que l'une desParties
fasse valoir des demandes d'ordre juridique au titre d'une violation par la
Partie adverse de ses droits et intérêts,t que cette dernière conteste ces
demandes.
9. Dans sa requêtedu 17 octobre 2000, le Congo n'a pas exposéses
conclusions et, partant, n'a pas qualifié,suivant l'une ou l'autre des caté-
gories que j'ai rappelées ci-dessus,le différendqui l'opposerait à la Bel-

gique.
Le Congo a tout simplement dit qu'il pensait, à tort selon moi, que
M. Yerodia Ndombasi, ministre des affaires étrangères, serait arrêté à
cause du mandat décernépar le magistrat belge. Avoir le sentiment ou le
pressentiment d'inconvénientspossibles ou potentiels ne saurait, à mon
avis, valoir réclamationau sensjuridique du terme et ne saurait constituer
une base iuridiaue fondant la comdtence de la Cour. Vers la fin de la
procédure orale, le conseil du Congo a déclaréce qui suit

«[Le] Congo demande à la Cour d'ordonner à la Belgique de se
conformer au droit international; de cesser et de s'abstenir de tout
comportement de nature à accentuer le différend avec[le]Congo; en
particulier, de procéderà la mainlevéedu mandat d'arrêt internatio-
nal délivrécontre le ministre Yerodia» (CR2000134, p. 23);

et l'agent du Congo a demandé à la Cour «de dire le droit...et [de]per-
suad[er] ...le juge belge Vandermeersch de retirer son mandat qu'il a
lancésur le plan international)) (ibid., p. 27). Je répèteque le Congo n'a
pas mis au jour un différendd'ordre juridique l'opposant à la Belgiqueet
n'a pasnon plus précisé les droitset intérêtsue la Belgiqueaurait violés.
Le Congo souhaitait tout simplement avoir confirmation de certains
principes de droit international touchant l'exercicede la compétenceéta-
tique.
10. Les questions concernant le champ et l'étendue dela compétence

étatique sont assurément des questions majeures du droit international
général, maisla Cour ne saurait les traiter h moins qu'elles ne fassent
l'objet d'unu'ifërrnd dont elle serait saisie.

11. On peut soutenir que, dans une affaire donnée, la question de
savoir s'ilexiste un différend- un différendd'ordrejuridique au sens du
paragraphe 2 de l'article 36 du Statut de la Cour, ou un diJJférendau sens
du protocole de signature facultative de 1961 - est une question qui doit
êtretranchéepar la Cour au stade de l'examende sa compétence.Je croisobjection raised by a respondent State, in a case initiated by unilateral
application, concerning the issue of whether a State may be compulsorily
brought to the Court in consequence of its voluntary acceptance in
advance of the Court's jurisdiction, in circumstances where, in principle,
the consent of the parties is essential.

The existence of such a "legal dispute" or of a "dispute" is, theoreti-
cally, a matter to be dealt with prior to a decision on whether the Court

hasjurisdiction. It is truethat this issue may generally be dealt with at the
jurisdictional phase once the case is registered with the Court (see
"Preliminary Objections" under Section D (Incidental Proceedings)
of the Rules of Court).
12. However, if by chance the Court finds itself in a position (as has
been seen in certain recent cases) to face this question much earlier,
namely prior to the jurisdictional phase, it should not hesitate to do so.
Interim Protection (Section D (Incidental Proceedings) of the Rules of
Court) presents an ideal opportunity to deal with this question as a "pre-
preliminary" question. The Court could make a decision to remove a case
from its General List at that stage orto continue to be seised of it, after
having examined whether there existed a "legal dispute" or a "dispute".

If the Court had to wait until the jurisdictional phase before dealing
with the question of whether or not there actually existed a justiciable
dispute, there would be an excessivenumber of similar cases brought to
the Court simply for the reason that a State believed that another State

had acted contrary to international law. 1 am afraid that many States
would then withdraw their acceptance of the Court's compulsory juris-
diction in order to avoid such a distortion in the presentation of cases
brought by other States.

(Signed) Shigeru ODA.cependant que cette question est différentede celle qui se pose lorsqu'un

Etat défendeur soulève une exception préliminaire dans le cadre d'une
affaire introduite par voie de requête unilatérale, etqui est de savoir si un
Etat peut êtreobligé à se présenterdevant la Cour du fait qu'il a accepté
volontairement et à l'avance sajuridiction, dans des circonstances où, en
principe, le consentement des parties est essentiel.
La question de l'existenced'un ((différendd'ordre juridique)) ou d'un
((différend))de ce genre doit, théoriquement, êtrerégléeavant que la
Cour ne se prononce sur sa compétence. Il est vrai qu'elle peut êtregéné-
ralement tranchéeau stade de I'examen de la compétenceune fois I'ins-
tance introduite devant la Cour (voir ((Exceptions préliminaires)), à la
section D (Procéduresincidentes) du Règlementde la Cour).
12. Mais s'il advient (comme ce fut le cas dans certaines affaires ré-
centes) que la Cour soit en mesure de traiter cette question bien plus
tôt, c'est-à-dire avant la phase de I'examende la compétence,elle ne doit

pas hésiter à le faire. Les dispositions relatives aux mesures conserva-
toires (section D (Procédures incidentes) du Règlement de la Cour)
offrent l'occasion idéalede réglercette question en tant que question
((pré-préliminaire)).La Cour peut déciderde rayer une affaire du rôle
générad lès cestadeou de demeurer saisiedel'affaire,aprèsavoir recherché
s'ilexiste un ((différendd'ordre juridique»ou un ((différend P.
Si la Cour devait attendre le stade de I'examende la comdtence avant
de réglerla question de savoir s'il existe ou non effectivement un diffé-
rend iusticiable. elle serait saisie d'un nombre excessif d'affaires ana-
loguesau seulmotif qu'un Etat estimerait qu'un autre Etat a agi au mépris
du droit international. Je crains que de nombreux Etats ne retirent alors
leur déclaration d'acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour
pour éviterque d'autres Etats ne soumettent abusivement des affaires à
celle-ci par de telles voies.

(Signi) Shigeru ODA.

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Déclaration de M. Oda (traduction)

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