Opinion individuelle de M. Kooijmans (traduction)

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113-19990602-ORD-01-08-EN
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113-19990602-ORD-01-00-EN
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OPINION INDIVIDUELLE DE M. KOOIJMANS

1. J'ai votépour la décisionpar laquelle la Cour estime devoir rejeter
la demande en indication de mesures conservatoires présentéepar la
République fédéralede Yougoslavie. Je souscris également à la décision
de la Cour quand celle-ci dit que I'article IX de la convention sur le géno-
cide ne constitue pas une base de juridiction, fût-ce prima jacir.

2. En revanche, je n'accepte pas l'idéeretenue par la Cour que la
déclaration d'acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour faite par
la Yougoslavie le 25 avril 1999ne peut pas constituer de base de juridic-
tion en l'espèce, en raison de la réserve que contient la déclaration du
Royaume-Uni.
A mon sens, c'est à cet égardque le raisonnement de la Cour me paraît
manquer de logique et qu'il ne tient donc pas. C'est pourquoi j'estime

devoir exposer mon propre raisonnement qui s'appuie sur les considéra-
tions de fait et de droit ci-après.
3. Dans sa requête, le Gouvernement de la République fédéralede
Yougoslavie invoque I'article 36, paragraphe 2,du Statut, pour fonde-
ment juridique de la compétence de la Cour. On sait que le 25 avril 1999,
la Yougoslavie a reconnu la juridiction obligatoire de la Cour en dépo-
sant une déclaration d'acceptation auprès du Secrétaire général des

Nations Unies. Cette déclaration comprend une limitation ratione terTi-
poris: la juridiction de la Cour n'est reconnue qu'en ce qui concerne les
différends((surgissant ou pouvant surgir après la signature de la présente
déclaration, qui ont trait a des situations ou à des faits postérieurs à
ladite signature)).
4. Lors de la procédure orale, le défendeur, qui a également acceptéla
juridiction obligatoire de la Cour en vertu de I'article 36, paragraphe 2,

du Statut, a soutenu que la Cour n'est pas compétenteprima fa(-ie et que,
par conséquent, les conditions à remplir aux fins de l'indication de mesu-
res conservatoires ne sont pas réunies.Au sujet de la déclaration d'accep-
tation du 25 avril 1999, le défendeur dit qu'elle n'est pas valable puisque
la Yougoslavie n'est pas membre des Nations Unies et n'est par consé-
quent pas partie au Statut, alors que I'article 36, paragraphe 3, dispose
expressément que les déclarations faites en vertu de cette disposition ne

peuvent l'êtreque par des Etats parties au Statut. Le défendeur a soutenu
en outre que, mêmesi la déclaration du 25 avril 1999 devait êtreconsi-
déréecomme valable, elle ne peut pas fonder la compétence de la Cour en
raison d'une réserveformulée par le Royaume-Uni dans sa propre décla-
ration.
5. A ce sujet,ilest bon de rappeler qu'au moment ou a été proclamée
la République fédéralede Yougoslavie, ses organes parlementaires ontadopté une déclaration dans laquelle il est dit que «la République fédé-
rale de Yougoslavie, assurant la continuité de 1'Etat et de la person-
nalité juridique et politique internationale de la République fédérative
socialiste de Yougoslavie, respectera strictement tous les engagements
que la République fédérativesocialiste de Yougoslavie a pris a l'échelon

international».
6. Après que la mission permanente de la Yougoslavie auprès des
Nations Unies à New York eut adresséau Secrétaire général deN s ations
Unies une note contenant une déclaration pratiquement identique qui
fut distribuéeaux Etats Membres, le Conseil de sécurité adécidéde pu-
blier une déclaration présidentielledans laquelle il était indiquéque les
membres du Conseil étaientd'avis que cette communication de la Yougo-
slavie ne préjugeaitpas les décisionsque pourraient prendre les organes
compétentsdes Nations Unies.
7. Des décisionsont effectivement étéprises cinq mois plus tard. Le
19 septembre 1992, le Conseil de sécurité aadopté la résolution 777
(1992) dont les extraits pertinents sont les suivants:

((Le Conseil de sécurité,
.............................
Considérant que 1'Etat antérieurement connu comme la Répu-
blique fédérativesocialiste de Yougoslavie a cesséd'exister,
.............................

1. Considère que la République fédérative de Yougoslavie (Serbie
et Monténégro)ne peut assurer automatiquement la continuité de la
qualité de Membre de l'ex-République fédérativs eocialiste de You-
goslavieà l'organisation des Nations Unieset par conséquent reconz-
mande à l'Assembléegénéralede déciderque la Républiquefédéra-
tive de Yougoslavie (Serbie et Monténégro)devrait présenter une
demande d'admission A l'organisation des Nations Unies et qu'elle
ne participera pas aux travaux de l'Assembléegénérale;
2. Décide de réexaminerla question avant la fin de la partie prin-
cipale de la quarante-septième session de l'Assembléegénérale.)>

8. Troisjours plus tard, le 22 septembre 1992, l'Assembléegénérale a
adopté sa résolution 4711,qui se lit comme suit:
((L'Assembléegt.nérale,

Ayant reçu la recommandation du Conseil de sécurité,en date du
19 septembre 1992,selon laquelle la Républiquefédérativede You-
goslavie (Serbie et Monténégro)devrait présenter une demande
d'admission à l'organisation des Nations Unies et ne participera pas
aux travaux de l'Assembléegénérale,
1. Considère que la Républiquefédérativede Yougoslavie (Serbie
et Monténégro)ne peut pas assumer automatiquement la qualitéde
Membre de l'organisation des Nations Unies à la place de l'ancienne

République fédérativesocialiste de Yougoslavie et, par conséquent,
décideque la Républiquefédérativede Yougoslavie (Serbie et Mon- ténégro)devrait présenter une demande d'admission à I'Organisa-
tion et qu'elle ne participera pas aux travaux de l'Assembléegéné-
rale;

2. Prrnd rrctde l'intention du Conseil de sécuritéde reconsidérer
la question avant la fin de la partie principale de la quarante-
septièmesession de l'Assemblée générale. ))
11 y a lieu de noter que, dans sa résolution, l'Assemblée généraln ee
reprend pas le considérant du Conseil de sécuritésuivant lequel «I'Etat
antérieurementconnu comme la Républiquefédérativesocialiste de You-
goslavie a cesséd'exister)).

9. Le 29 septembre 1992,le Secrétairegénéraaldjoint aux affairesjuri-
diques et conseiller juridique de l'organisation des Nations Unies a
adresséaux représentants permanents de la Bosnie-Herzégovineet de la
Croatie auprès des Nations Unies une lettre dans laquelle il leur commu-
niauait (<lailosition réfléchidu Secrétariat desNations Unies en ce aui
concerne les conséquencespratiques de l'adoption par l'Assembléegéné-
rale de la résolution4711».
Le conseiller juridique disait notamment dans sa lettre:

«La résolution4711de l'Assembléegénérale porte sur une question
d'appartenance à l'organisation qui n'est pas prévuepar la Charte
des Nations Unies, à savoir les conséquencessur le plan de I'appar-
tenance à l'Organisation de la désintégration d'unEtat Membre
s'il n'y a pas d'accordà ce sujet entre les successeurs immédiats de
cet Etat ou entre les autres Etats Membres de l'Organisation.»

De l'avisdu conseillerjuridique, «l'unique conséquencepratique de cette
résolution est que la République fédérativede Yougoslavie (Serbie et
Monténégro)ne participera pas aux travaux de l'Assembléegénérale)).
Il ajoutait que:
«La résolution nemet pas fin àI'uppartenaizcede lu Yougoslui~irà
l'organisation et ne la suspend pas. En conséquence,le siègeet la
plaque portant le nom de la Yougoslavie subsistent mais dans les

organes de l'Assembléeles représentants de la République fédérale
de Yougoslavie (Serbie et Monténégro)ne peuvent occuper la place
réservéeà la «Yougoslavie» ..La résolutionn'enlèvepas à la You-
goslavie le droit de participer aux travaux des organes autres que
ceux de l'Assemblée. L'admission à l'organisation des Nations Unies
d'une nouvelle Yougoslavie en vertu de l'article 4 de la Charte met-
tra finiila situation crééepar la résolution4711.))

10. Le 5 mai 1993,dans sa résolution 471229,l'Assembléegénéralea
décidéque la République fédéralede Yougoslavie ne participerait pas
non plus aux travaux du Conseil économiqueet social. Il n'a jamais été
donnésuite à ces résolutions desorganes compétents.
11. La Cour s'est déjàtrouvéeface à la question de savoir si la Répu-
blique fédéralede Yougoslavie est ou non Membre des Nations Unies et,
à ce titre, partie au Statut quand elle a étésaisie d'une demande en indi-cation de mesures conservatoires dans l'affaire relativea l'Application de
la conventionpour la préventionet la répressiondu crime de génocide.

La Cour a toutefois estiméqu'à ce stade de la procédure elle n'avait
pas à statuer définitivementsur la qualitéde la Yougoslavie à cet égard.
En formulant ce qui mérite certainement le nom de litote, la Cour a dit
alors que «la solution adoptée))par l'Assemblée généraldeans sa résolu-

tion 4711 «ne laiss[ait] pas de susciter des difficultésjuridiques)) (Applicu-
tion de la convention pour la prévention et la répressiondu crime de
génocide, mesures conservatoires, ordonnance du 8 avril 1993, C.I.J.
Recueil 1993, p. 14, par. 18).
12. Mais, dans cette affaire relativà la Convention sur legtlnocide, il
était compréhensibleque la Cour n'estimât pas indispensable de se pro-
noncer sur la question de savoir si la Yougoslavie étaitou non Membre
des Nations Unies, et c'étaitmême logique puisque laCour avait de toute
façon compétence primufacie en vertu de l'article IX de la convention sur
le génocide.
En l'espèce,toutefois, la Cour a considéréque les actes que la You-
goslavie impute au défendeur ne sont pas susceptibles d'entrer dans les
prévisionsde la convention sur le génocideet que, par conséquent, l'ar-
ticleIX de ladite convention ne constitue pas une base sur laquelle la

compétence de la Cour pourrait prima facie être fondée(ordonnance,
par. 36).
13. Dans ces conditions, le seul chef de compétence de la Cour qui
subsiste et qu'invoque la Yougoslavie est celui del'acceptation de part et
d'autre de la juridiction obligatoire de la Cour en vertu de l'article 36,
paragraphe 2, du Statut. On s'attend par conséquent à ce que la Cour ne
puisse plus échapper à la question assez épineusede savoir si la Yougo-
slavie est ou non Membre des Nations Unies ni, par suite, à la question
de savoir si sa déclaration d'acceptation de la juridiction est ou non vala-
ble en droit.
14. Dans l'ordonnance qu'elle rend aujourd'hui, toutefois, la Cour, de
nouveau, comme en 1993,adopte pour position qu'ellen'a pas lieu d'exa-
miner cette question aux fins de décidersi elle peut ou non indiquer des
mesures conservatoires, puisqu'elle constate que les conditions d'exclu-

sion de la juridiction de la Cour spécifiées l'alinéa iii)de la déclaration
du défendeursont remplies(par. 28). La réserveformuléepar le Royaume-
Uni consiste à exclure de la juridiction de la Cour les différendà l'égard
desquels toute autre partie en causea acceptélajuridiction obligatoire de
la Cour internationale de Justice uniquement en ce qui concerne lesdits
différendsou aux fins de ceux-ci, ou lorsque l'acceptation de la juridic-
tion obligatoire de la Cour au nom d'une autre partie au différenda été
déposéeou ratifiéemoins de douze mois avant la date du dépôt de la
requêtepar laquelle la Cour est saisie du différend.
15. Sur ce point, la Cour s'appuie sur ce qu'elle a déjà dit dans son
arrêt du Il juin 1998 en l'affaire de la Frontière terrestre et maritime
entre le Cuineroun et le Nigéria(Cameroun c. Nigéria) : «[d]ès1952,elle a jugédans l'affaire de I'Anglo-Iranian Oil Co. que,
lorsque des déclarations sont faites sous condition de réciprocité,
à la Cour seulement dans la mesure où
((compétenceest conférée
elles[les deux déclarations] coïncident pour la lui conférer))(C.I.J.
Recueil 1952, p. 103)))(C.I.J. Recueil 1998, p. 298, par. 43; les ita-
liques sont de moi).
Et la Cour conclut en disant que les déclarations faites par les parties
conformémentau paragraphe 2 de I'article36 ne sauraient manifestement

constituer une base de compétencedans la présenteaffaire, même prima
fucie (ordonnance, par. 25).
16. Je me permets de dire que je trouve en l'occurrence le raisonne-
ment étonnant, sinon illogique et incohérent. Comment la Cour peut-elle
dire qu'il n'y a pas lieu d'examiner laquestion de la validitéde la déclara-
tion de la Yougoslavie et conclure en mêmetemps que ladite déclaration,
considérée aveccelle du défendeur, ne peut pas constituer une base de
compétence?Pour conclure ainsi, il faut certainement prendre pour hypo-
thèseque la déclaration de la Yougoslavie est valable, tout au moins au
stade actuel de la procédure. Si cette présomption de validitéfait défaut,
la Cour aurait dû tout au moins dire qu'elle accepte cette validitéaux
seules fins du débatpuisque, mêmesi elle avait été valable,cette déclara-

tion du demandeur n'aurait pas pu conférer compétence à la Cour en rai-
son de la limitation rutione temporis qu'elle énonce.
17. Sur ce point, je dois avouer que l'allusion a l'affaire Cameroun
L..Nigeria (référencequi se justifie dans le contexte tel que l'établit la
Cour) ne paraît pas particulièrement bien choisie,car dans cette affaire-là
comme dans la plupart des autres affaires dont la Cour a eu à connaître
au titre de I'article6, paragraphe 2, du Statut, ce n'est pas la validitéde
la déclaration du demandeur qui est en question, c'est de savoir si cette
déclarationpeut être invoquée à l'encontre du défendeur. C'estpour cette
raison que deux ans plus Gt, dans son ordonnance portant indication de
mesures conservatoires, la Cour pouvait dire ((que les déclarations faites
par les Parties conformément au paragraphe 2 de I'articl36 de son Sta-

tut constituent prima ,f~cie une base sur laquelle sa compétencepourrait
êtrefondée en l'espèce» (Frontière terresth et maritirne entre IICame-
roun et keNig&ria,ordonnance cIu15 murs 1996, C.1.J. Recueil 1996 (/),
p. 21, par. 31), bien que le Nigéria aitsoutenu que le Cameroun ne pou-
vait pas s'appuyer sur sa propre déclaration (dont la validité n'étaitpas
contestée) à l'égarddu Nigéria.
18. Dans l'opinion individuelle qu'il a jointe à l'ordonnance rendue
par la Cour dans l'affaire de l'lnterlzandel, àla suite d'une demande en
indication de mesures conservatoires, sir Hersch Lauterpacht a dit ce qui
suit:

«La Cour peut légitimementagir en application de I'article 41,
pourvu qu'il existeun instrument, tel qu'une déclaration d'accepta-
tion de la disposition facultative, émanant des Parties au différend,
conférant à la Cour compétence prinwjufirriet ne contenant aucune LICÉITÉ DE L'EMPLOI DE LA FORCE (OP. IND. KOOIJMANS) 883

réserveexcluant manifestement cette compétence. » (C.1.J. Recueil
1957, p. 118-119; les italiques sont de moi.)

19. Cette citation donne l'ordre dans lequel il convient de se pronon-
cer. La Cour doit d'abord établirl'existenced'un instrument qui pourrait
prima facie lui conférer compétence;ce n'est qu'une fois cet élément
établiqu'il devient pertinent de chercher si les instruments en cause qui

émanent des parties au différend contiennent des réserves excluant
manifestement la juridiction de la Cour.
20. Je suis par conséquentd'avis que la Cour n'aurait pas dû éviterde
se pencher sur la question de savoir si la Yougoslavie est ou non Membre
des Nations Unies et de savoir par conséquentsi sa déclaration d'accep-
tation de la juridiction de la Cour est valable ou non; cette question
aurait dû êtreexaminée à titre préliminaire. Ce n'estqu'aprèsavoir établi
que ladite déclaration peut servir a la Cour de base de juridiction prima
fucie que la Cour aurait pu utilement examiner si des réservesaccompa-
gnant l'une ou l'autre des déclarationsexcluent manifestement sa compé-
tence. En effet, si la Cour avait conclu que la déclaration de la Yougo-
slaviene pouvait pas lui conférer cette compétenceprimafucie, la seconde
question perdait toute pertinence.
21. Je ne soutiens pas une minute que la Cour aurait d'ores etdéjàdû,

au stade actuel de la procédure,se prononcer définitivementsurune ques-
tion quej'ai plus haut qualifiéed'épineuse.Ledossier consacréa cette ques-
tion controversée de savoirsi la République fédéralede Yougoslaviehérite
de la personnalité internationale de la Républiquefédérative socialistede
Yougoslavie est plein de piègesjuridiques. Les décisionsadoptéespar les
organes compétents des Nations Unies sont sans précédent et soulèvent
un certain nombre de questions qui sont toujours sans réponse. Mais il ne
faut pas non plus oublier que ces décisionsont étéadoptéespar les orga-
nes qui, aux termes de la Charte, ont le dernier mot en matière d'appar-
tenance à l'organisation. On ne peut donc pas passer facilement outre a
cesdécisions,ni leslaisser de côté, mêms ei les Etats Membres qui ont pris
part a leur adoption en donnent des interprétations largement divergentes.
22. Les faits et les considérations juridiques qui entourent cette ques-
tion imposent à la Cour de les analyser et de les évaluerde façon appro-

fondie, avec beaucoup d'attention, quand elle cherchera par la suite a
déterminersi elleest compétenteau fond. Ceque la Cour aurait dû néan-
moins faire au stade actuel de la procédure,c'est établirsi les interroga-
tions suscitéespar les décisions des organes compétents des Nations
Unies au sujet de la qualité de Membre de l'organisation que la Répu-
blique fédéralede Yougoslavie continue ou non d'avoir, sont assez
sérieusespour empêcher laCour de présumerqu'ellea compétence prima
facir pour connaître de l'affaire introduite par la Yougoslavie sur la base
de sa déclaration d'acceptation de la juridiction obligatoire.
23. Sur ce point, il eàtmon sens d'une importance primordiale que le
Conseil de sécuritéet l'Assemblée généralaeient l'un et l'autre été d'avis
que la République fédéralede Yougoslavie ne peut pas assurer automa- LICÉITE DE L'EMPLOI DE LA FORCE (OP.IND.KOOIJMANS) 884

tiquement la continuité de la qualité de Membre de l'ancienne Répu-
blique fédérativesocialiste de Yougoslavie à l'organisation des Nations
Unies et que par ronsGquent la République fédéralede Yougoslavie
devrait présenter une demande d'admission à l'organisation.
La résolution777 (1992)du Conseil de sécuritéetla résolution4711de
l'Assembléegénérale paraissent établir un lien de causalitéentreI'obliga-
tion de solliciter l'admission et la question de la continuitéde la qualité
de Membre de l'ancienne République fédérativesocialiste de Yougosla-

vie. Ce ((lien de causalité» semble être source d'incohérencest,ant sur le
plan juridique qu'à d'autres points de vue. Mais il n'est pas pour autant
possible d'en faire totalement abstraction.
24. Sur le mêmepoint, il est intéressant de citer une fois encore la
lettre du 29 septembre 1992émanantdu conseiller juridique des Nations
Unies viséeau paragraphe 9 ci-dessus. Le conseiller juridique écritque
((l'admission à l'organisation des Nations Unies d'une nouvelle Yougo-
slavie en vertu de l'article 4 de la Charte mettra fin situation créépar
la résolution 4711».
Au cours du débat à l'Assembléegénérale sur le projet de résolution qui
a étéfinalement étéadoptésous la forme de la résolution 4711(22 septem-
bre 1992),le premier ministre de la Républiquefédérative de Yougoslavie
de l'époque adit: «Je fais ici officiellementune demande d'admission aux
Nations Unies au nom de la nouvelle Yougoslavie, dont je représentele

gouvernement.)) L'Organisation des Nations Unies n'a toutefois jamais
reçu le moindre document écrit faisant suite àcette déclaration.
25. Telle étant la situation, j'en arriàela conclusion qu'il existe de
solides raisons de douter que la Républiquefédéralede Yougoslavie soit
Membre à part entièrede l'organisation des Nations Unies, jouissant de
toutes les qualitésrequisesà cette fin, eà,ce titreà même d'accepter la
juridiction obligatoire de la Cour en tant que partie au Statut.
Cela veut dire qu'il existe une possibilité,qui est loin d'êtrenégligeable,
que la Cour doive constater après avoir procédé à une analyse approfon-
die des questions de droit enjeu qu'elle n'est pas compétenteparce que la
déclaration d'acceptation de sa juridiction que la Yougoslavie a faite
n'est pas valable.
26. La contestation relative la validitéde laditedéclaration ébranlele

fondement mêmede la compétencede la Cour et, par suite, prend le pas
sur d'autres questions comme celle, par exemple, de la présencede limi-
tations ratione tew~poris,rutione nîutrriue et rutione personue. Vu les
doutes et les controverses qui entourent cette question, la Cour aurait
étéinattaquable si elle avait conclu que l'incertitude régnant au sujet
de la validitéde la déclarationde la Yougoslavie l'empêchede présumer
qu'elle est compétente,même prirnu fuciel
27. Dans l'opinion dissidente qu'ils ont jointà la décisionde la Cour
dans l'affaire de 1'Anglo-Iranian OilCo. (mesures conservatoires), les
juges Winiarski et Badawi Pasha ont mis en évidencel'importance qui
s'attache au consentement des Parties dans le cadre de l'article41 du Sta-
tut. Et ils disent ensuite: LICÉITÉ DE L'EMPLOI DE LA FORCE (OP.IND.KOOIJMANS) 885

«La Cour ne doit indiquer de mesures conservatoires que si sa
compétence, au cas où elle est contestée, lui paraît néanmoins rai-
sonnublement probable. » (Les italiques sont de moi.)

Et leur conclusion est la suivante:
«s'il existe de fortes raisons en faveur de la compétence contestée,la
Cour peut indiquer des mesures conservatoires; s'ilexiste des doutes
sérieuxou de fortes raisons contre cette compétence,elle ne peut pas
les accorder))(C.I.J. Recueil 1951, p. 97).

Tout bien réfléchi,enraison des épais nuagesqui se sont amonceléssur la
question de savoir si la Yougoslavie a ou non la qualité de Membre des
Nations Unies, l'incertitude qui règnede ce fait autour de la validitéde sa
déclaration d'acceptation delajuridiction de la Cour ne lui permet pas de
franchir ce cap de la ((probabilitéraisonnable)).
28. 11est déjà arrivé quela Cour ne veuille pas affronter certaines

questions épineuseset choisisse de retenir pour statuer d'autres motifs
judiciairement préférables mêms e'ils n'étaient pas logiquement défen-
dables. L'exemple le plus célèbre a cet égard est celuide l'affaire de
I'lntrrhundel, dans laquelle la Cour a d'abord rejeté trois exceptions
préliminaires sur quatre qui concernaient la compétence de la Cour,
puis a fait droit à une exception préliminaireconcernant la recevabilité
et a finalement décidé qu'iln'y avait pas lieu d'examiner la quatrième
exception relativeà la compétence.La Cour a été critiquép eour avoir sta-
tuésur les exceptions préliminairesdans cet ordre et les critiques étaient
justifiées,mais au moins cette façon de faire est-elle compréhensiblecar
les diverses exceptions étaient totalement étrangèresl'une a l'autre.
29. 11n'en va pas de mêmedans la présente espèce.La question de la
validitéde la déclaration conditionne celle de l'applicabilité des réserves

et des limitations de caractère temporel. La seconde question est totale-
ment subordonnée a la première. Celavaut tout particulièrement pour la
limitation rutione temporis qui figure dans la propre déclaration de la
Yougo"lavie. Si les membres de la Cour avaient maioritairement estimé
dans lesaffaires concernées (Belgique,Canada, Pays-Bas et Portugal)que
cette limitation ne faisait pas obstacle à sa compétence prima facie, la
Cour n'aurait plus pu éviterde s'intéresser à la validitéde la déclaration.
Cela montre aue la conclusion en faveur de la com~étenceaurait été inté-
gralement conditionnée par cette question liminaire.
30. Je dirai en dernier lieu que je trouve convaincante l'idéeretenue
par la Cour, suivant laquelle la limitation de caractère temporel énoncée
dans la déclaration de la Yougoslavie empêche laCour de présumer
qu'elle estcompétente primu facie, encore que cette idéene me donne pas

entière satisfaction. Mais je pense que cette conclusion aurait étésuper-
flue si la Cour s'étaitfondée,pour statuer dans un sens négatif,sur la
question de la validitéde la déclaration de la Yougoslavie.

(Signé) Pieter H. KOOIJMANS.

Bilingual Content

SEPARATE OPINION OF JUDGE KOOIJMANS

1. 1have voted in favour of the Court's decision that the request for
the indication of provisional measures submitted by the Federal Republic
of Yugoslavia must be rejected. 1also agree with the Court's finding that
Article IX of the Genocide Convention does not constitute a basis of
jurisdiction, even prima facie.
2. 1 do not agree, however, with the Court's view that Yugoslavia's
declaration of acceptance of the compulsory jurisdiction of the Court of
25 April 1999cannot provide a basis of jurisdiction in the present case,
even prima facie, because of a reservation incorporated in the declaration
of the United Kingdom.
It is my opinion that in this respect the Court's reasoning is flawed
from a logical point of viewand is inconsistent. 1therefore feelcompelled
to set out my arguments which are based on the following factual and
legal considerations.
3. In its Application the Government of the Federal Republic of

Yugoslavia invoked Article 36, paragraph 2, of the Statute as a legal
ground for the Court's jurisdiction. It may be recalled that on 25 April
1999Yugoslavia recognized the compulsory jurisdiction of the Court by
depositing a declaration of acceptance with the Secretary-General of the
United Nations. This declaration contains a limitation ratione ten~poris;
the jurisdiction of the Court is only recognized with regard to disputes
"arising or which may arise after the signature of the present Declara-
tion, with regard to the situations or facts subsequent to this signature".

4. During the oral hearings the Respondent, which also has accepted
the compulsory jurisdiction of the Court under Article 36, paragraph 2,
of the Statute. contended that the Court lacks wrima facie iurisdiction
and that, conséquently,the conditions for the indication of inierim meas-
ures of protection are not met. With regard to the declaration of accept-
ance of 25 April 1999the Respondent maintained that it is invalid since
Yugoslavia is not a Member of the United Nations and therefore not a
party to the Statute, whereas Article 36, paragraph 2, explicitly States

that declarations under that provision can only be made by States which
are party to the Statute. The Respondent further argued that, even if the
declaration of 25 Awril 1999wereto be treated as valid. it cannot ~rovide
a basis for jurisdiction because of a reservation made in the declaration
of the United Kingdom.

5. In this respect it is relevant to recall that at the time of the procla-
mation of the Federal Republic of Yugoslavia a declaration was adopted OPINION INDIVIDUELLE DE M. KOOIJMANS

1. J'ai votépour la décisionpar laquelle la Cour estime devoir rejeter
la demande en indication de mesures conservatoires présentéepar la
République fédéralede Yougoslavie. Je souscris également à la décision
de la Cour quand celle-ci dit que I'article IX de la convention sur le géno-
cide ne constitue pas une base de juridiction, fût-ce prima jacir.

2. En revanche, je n'accepte pas l'idéeretenue par la Cour que la
déclaration d'acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour faite par
la Yougoslavie le 25 avril 1999ne peut pas constituer de base de juridic-
tion en l'espèce, en raison de la réserve que contient la déclaration du
Royaume-Uni.
A mon sens, c'est à cet égardque le raisonnement de la Cour me paraît
manquer de logique et qu'il ne tient donc pas. C'est pourquoi j'estime

devoir exposer mon propre raisonnement qui s'appuie sur les considéra-
tions de fait et de droit ci-après.
3. Dans sa requête, le Gouvernement de la République fédéralede
Yougoslavie invoque I'article 36, paragraphe 2,du Statut, pour fonde-
ment juridique de la compétence de la Cour. On sait que le 25 avril 1999,
la Yougoslavie a reconnu la juridiction obligatoire de la Cour en dépo-
sant une déclaration d'acceptation auprès du Secrétaire général des

Nations Unies. Cette déclaration comprend une limitation ratione terTi-
poris: la juridiction de la Cour n'est reconnue qu'en ce qui concerne les
différends((surgissant ou pouvant surgir après la signature de la présente
déclaration, qui ont trait a des situations ou à des faits postérieurs à
ladite signature)).
4. Lors de la procédure orale, le défendeur, qui a également acceptéla
juridiction obligatoire de la Cour en vertu de I'article 36, paragraphe 2,

du Statut, a soutenu que la Cour n'est pas compétenteprima fa(-ie et que,
par conséquent, les conditions à remplir aux fins de l'indication de mesu-
res conservatoires ne sont pas réunies.Au sujet de la déclaration d'accep-
tation du 25 avril 1999, le défendeur dit qu'elle n'est pas valable puisque
la Yougoslavie n'est pas membre des Nations Unies et n'est par consé-
quent pas partie au Statut, alors que I'article 36, paragraphe 3, dispose
expressément que les déclarations faites en vertu de cette disposition ne

peuvent l'êtreque par des Etats parties au Statut. Le défendeur a soutenu
en outre que, mêmesi la déclaration du 25 avril 1999 devait êtreconsi-
déréecomme valable, elle ne peut pas fonder la compétence de la Cour en
raison d'une réserveformulée par le Royaume-Uni dans sa propre décla-
ration.
5. A ce sujet,ilest bon de rappeler qu'au moment ou a été proclamée
la République fédéralede Yougoslavie, ses organes parlementaires ontby its parliamentary organs in which it is stated that the "Federal Repub-
lie of Yugoslavia, continuing the State, international, legal and political
personality of the Socialist Federal Republic of Yugoslavia, shall strictly
abide by al1 the commitments that the Socialist Federal Republic of
Yugoslavia assumed internationally".

6. After a note, containing a virtually identical statement, had been
submitted by the Yugoslav Permanent Mission in New York to the Sec-
retary-General of the United Nations and had been circulated to the
member States, the Security Council decided that a presidential statement
be issued in which it was noted that the Council members were of the
opinion that the Yugoslav communication did not prejudge decisions

that might be taken by appropriate United Nations bodies.

7. Such decisions were taken fivemonths later. On 19September 1992
the Security Council adopted resolution 777 (1992); the relevant parts
read as follows:
"The Security Council,
.............................

Consideringthat the State formerly known as the Socialist Federal
Republic of Yugoslavia has ceased to exist,
.............................
1. Considers that the Federal Republic of Yugoslavia (Serbia and
Montenegro) cannot continue automatically the membership of
the former Socialist Federal Republic of Yugoslavia in the United
Nations; and therefore recommends to the General Assembly that it
decide that the Federal Republic of Yugoslavia (Serbia and Mon-
tenegro) should apply for membership in the United Nations and
that it shall not participate in the work of the General Assembly;

2. Decides to consider the matter again before the end of the
main part of the forty-seventh session of the General Assembly."

8. Three days later, on 22 September 1992, the General Assembly
adopted resolution 4711,which reads as follows:
"The Generul Assembly,

Huving received the recommendation of the Security Council of
19September 1992that the Federal Republic of Yugoslavia (Serbia
and Montenegro) should apply for membership in the United
Nations and that it shall not participate in the work of the General
Assembly.
1. Considers that the Federal Republic of Yugoslavia (Serbia and
Montenegro) cannot continue automatically the membership of the
former Socialist Federal Republic of Yugoslavia in the United
Nations; and therefore decides that the Federal Republic of Yugo-
slavia (Serbia and Montenegro) should apply for membership in theadopté une déclaration dans laquelle il est dit que «la République fédé-
rale de Yougoslavie, assurant la continuité de 1'Etat et de la person-
nalité juridique et politique internationale de la République fédérative
socialiste de Yougoslavie, respectera strictement tous les engagements
que la République fédérativesocialiste de Yougoslavie a pris a l'échelon

international».
6. Après que la mission permanente de la Yougoslavie auprès des
Nations Unies à New York eut adresséau Secrétaire général deN s ations
Unies une note contenant une déclaration pratiquement identique qui
fut distribuéeaux Etats Membres, le Conseil de sécurité adécidéde pu-
blier une déclaration présidentielledans laquelle il était indiquéque les
membres du Conseil étaientd'avis que cette communication de la Yougo-
slavie ne préjugeaitpas les décisionsque pourraient prendre les organes
compétentsdes Nations Unies.
7. Des décisionsont effectivement étéprises cinq mois plus tard. Le
19 septembre 1992, le Conseil de sécurité aadopté la résolution 777
(1992) dont les extraits pertinents sont les suivants:

((Le Conseil de sécurité,
.............................
Considérant que 1'Etat antérieurement connu comme la Répu-
blique fédérativesocialiste de Yougoslavie a cesséd'exister,
.............................

1. Considère que la République fédérative de Yougoslavie (Serbie
et Monténégro)ne peut assurer automatiquement la continuité de la
qualité de Membre de l'ex-République fédérativs eocialiste de You-
goslavieà l'organisation des Nations Unieset par conséquent reconz-
mande à l'Assembléegénéralede déciderque la Républiquefédéra-
tive de Yougoslavie (Serbie et Monténégro)devrait présenter une
demande d'admission A l'organisation des Nations Unies et qu'elle
ne participera pas aux travaux de l'Assembléegénérale;
2. Décide de réexaminerla question avant la fin de la partie prin-
cipale de la quarante-septième session de l'Assembléegénérale.)>

8. Troisjours plus tard, le 22 septembre 1992, l'Assembléegénérale a
adopté sa résolution 4711,qui se lit comme suit:
((L'Assembléegt.nérale,

Ayant reçu la recommandation du Conseil de sécurité,en date du
19 septembre 1992,selon laquelle la Républiquefédérativede You-
goslavie (Serbie et Monténégro)devrait présenter une demande
d'admission à l'organisation des Nations Unies et ne participera pas
aux travaux de l'Assembléegénérale,
1. Considère que la Républiquefédérativede Yougoslavie (Serbie
et Monténégro)ne peut pas assumer automatiquement la qualitéde
Membre de l'organisation des Nations Unies à la place de l'ancienne

République fédérativesocialiste de Yougoslavie et, par conséquent,
décideque la Républiquefédérativede Yougoslavie (Serbie et Mon- United Nations and that it shall not participate in the work of the
General Assembly ;

2. Tukes note of the intention of the Security Council to consider

the matter again before the end of the main part of the forty-seventh
session of the General Assembly."
It may be observed that the resolution of the General Assembly does

not reiterate the Security Council's consideration that "the State formerly
known as the Socialist Federal Republic of Yugoslavia has ceased to
exist".
9. On 29 September 1992 the Under-Secretary-General and Legal
Counsel of the United Nations addressed a letter to the Permanent Rep-
resentatives of Bosnia and Herzegovina and of Croatia in which he
expressed "the considered view of the United Nations Secretariat regard-

ing the practical consequences of the adoption by the General Assembly
of resolution 4711".

In this letter the Legal Counsel said that

"General Assembly resolution 4711deals with a membership issue
which is not foreseen in the Charter of the United Nations, namely,
the consequences for purposes of membership in the United Nations
of the disintegration of a Member State on which there is no agree-
ment among the immediate successors of that State or among the

membership of the Organization at large."
He gave as his view that "the only practical consequence that the resolu-
tion draws is that the Federal Republic of Yugoslavia (Serbia and Mon-

tenegro) shall not purticipate in the work of the General Assembly".
He added that
"the resolution neither terminates nor suspends Yugoslavia's mem-
bership in the Organization. Consequently, the seat and nameplate

remain as before, but in Assembly bodies representatives of the Fed-
eral Republic of Yugoslavia (Serbia and Montenegro) cannot sit
behind the sign 'Yugoslavia' . . . The resolution does not take away
the right of Yugoslavia to participate in the work of organs other
than Assembly bodies. The admission to the United Nations of a
new Yugoslavia under Article 4 of the Charter will terminate the

situation created by resolution 4711."

10. On 5 May 1993the General Assembly in resolution 471229decided

that the Federal Republic of Yugoslavia would not participate in the
work of the Economic and Social Council either. No follow-up was ever
given to these resolutions of the appropriate organs.
11. The Court was already confronted with the question whether or
not the Federal Republic of Yugoslavia is a Member of the United
Nations and as such a party to the Statute when it dealt with the request ténégro)devrait présenter une demande d'admission à I'Organisa-
tion et qu'elle ne participera pas aux travaux de l'Assembléegéné-
rale;

2. Prrnd rrctde l'intention du Conseil de sécuritéde reconsidérer
la question avant la fin de la partie principale de la quarante-
septièmesession de l'Assemblée générale. ))
11 y a lieu de noter que, dans sa résolution, l'Assemblée généraln ee
reprend pas le considérant du Conseil de sécuritésuivant lequel «I'Etat
antérieurementconnu comme la Républiquefédérativesocialiste de You-
goslavie a cesséd'exister)).

9. Le 29 septembre 1992,le Secrétairegénéraaldjoint aux affairesjuri-
diques et conseiller juridique de l'organisation des Nations Unies a
adresséaux représentants permanents de la Bosnie-Herzégovineet de la
Croatie auprès des Nations Unies une lettre dans laquelle il leur commu-
niauait (<lailosition réfléchidu Secrétariat desNations Unies en ce aui
concerne les conséquencespratiques de l'adoption par l'Assembléegéné-
rale de la résolution4711».
Le conseiller juridique disait notamment dans sa lettre:

«La résolution4711de l'Assembléegénérale porte sur une question
d'appartenance à l'organisation qui n'est pas prévuepar la Charte
des Nations Unies, à savoir les conséquencessur le plan de I'appar-
tenance à l'Organisation de la désintégration d'unEtat Membre
s'il n'y a pas d'accordà ce sujet entre les successeurs immédiats de
cet Etat ou entre les autres Etats Membres de l'Organisation.»

De l'avisdu conseillerjuridique, «l'unique conséquencepratique de cette
résolution est que la République fédérativede Yougoslavie (Serbie et
Monténégro)ne participera pas aux travaux de l'Assembléegénérale)).
Il ajoutait que:
«La résolution nemet pas fin àI'uppartenaizcede lu Yougoslui~irà
l'organisation et ne la suspend pas. En conséquence,le siègeet la
plaque portant le nom de la Yougoslavie subsistent mais dans les

organes de l'Assembléeles représentants de la République fédérale
de Yougoslavie (Serbie et Monténégro)ne peuvent occuper la place
réservéeà la «Yougoslavie» ..La résolutionn'enlèvepas à la You-
goslavie le droit de participer aux travaux des organes autres que
ceux de l'Assemblée. L'admission à l'organisation des Nations Unies
d'une nouvelle Yougoslavie en vertu de l'article 4 de la Charte met-
tra finiila situation crééepar la résolution4711.))

10. Le 5 mai 1993,dans sa résolution 471229,l'Assembléegénéralea
décidéque la République fédéralede Yougoslavie ne participerait pas
non plus aux travaux du Conseil économiqueet social. Il n'a jamais été
donnésuite à ces résolutions desorganes compétents.
11. La Cour s'est déjàtrouvéeface à la question de savoir si la Répu-
blique fédéralede Yougoslavie est ou non Membre des Nations Unies et,
à ce titre, partie au Statut quand elle a étésaisie d'une demande en indi-for the indication of provisional measures in the case concerning the
Application of the Convention on the Prevention and Punishment of the
Crime of Genocide.
The Court, however, was of the opinion that at that stage of the pro-

ceedings there was no need to determine definitively Yugoslavia's status.
In what certainly must be called an understatement the Court called "the
solution adopted [by the General Assembly in resolution 47/11 . .. not
free from legal difficulties"(Application of the Conventioi?on the Preven-
tion and Punishment of the Crime of Genocide, Provisional Measures,
Order of 8 April 1993. I.C.J. Reports 1993, p. 14, para. 18).

12. In the Genocide case the Court's view that it was not necessary to
deal with the issue of Yugoslavia's membership of the United Nations
was understandable and even logical since the Court had in any event
prima faciejurisdiction under Article IX of the Genocide Convention.

In the present case, however, the Court has found that the acts imputed
by Yugoslavia to the Respondent are not capable of coming into the pro-
visions of the GenocideConvention and that, consequently, Article IX of
the Convention cannot constitute a basis on which the jurisdiction of the
Court could prima facie be founded. (Order, para. 36.)

13. The other and only remaining title for the Court's jurisdiction,
invoked by Yugoslavia, is that of the mutual acceptance of the compul-
sory jurisdiction of the Court under Article 36, paragraph 2, of the Stat-
ute. One would expect, therefore, that the Court would no longer be able
to avoid the rather thorny question of Yugoslavia's membership of the

United Nations and, therefore, of that of the legal validity of its declara-
tion of acceptance.

14. In its present Order, however, the Court again - like in 1993 -
takes the position that it need not consider this question for the purpose
of deciding whether or not it can indicate provisional measures in viewof
its finding that the conditions for the exclusion of the Court's jurisdiction
provided for in subparagraph (iii) of the Respondent's declaration are
satisfied. (Para. 28.) The reservation made by the United Kingdom
excludes from the jurisdiction of the Court disputes in respect of which
any other Party to the dispute has accepted the compulsory jurisdiction
of the International Court of Justice only in relation to or for the pur-
poses of the dispute; or where the acceptance of the Court's compulsory

jurisdiction on behalf of any other Party to the dispute was deposited or
ratified lessthan 12months prior to the filingof the Application bringing
the dispute before the Court.
15. In this respect the Court relies upon what it said in its Judgment of
11 June 1998 in the case concerning the Lund und Maritime Boundary
between Cameroon and Nigeria :cation de mesures conservatoires dans l'affaire relativea l'Application de
la conventionpour la préventionet la répressiondu crime de génocide.

La Cour a toutefois estiméqu'à ce stade de la procédure elle n'avait
pas à statuer définitivementsur la qualitéde la Yougoslavie à cet égard.
En formulant ce qui mérite certainement le nom de litote, la Cour a dit
alors que «la solution adoptée))par l'Assemblée généraldeans sa résolu-

tion 4711 «ne laiss[ait] pas de susciter des difficultésjuridiques)) (Applicu-
tion de la convention pour la prévention et la répressiondu crime de
génocide, mesures conservatoires, ordonnance du 8 avril 1993, C.I.J.
Recueil 1993, p. 14, par. 18).
12. Mais, dans cette affaire relativà la Convention sur legtlnocide, il
était compréhensibleque la Cour n'estimât pas indispensable de se pro-
noncer sur la question de savoir si la Yougoslavie étaitou non Membre
des Nations Unies, et c'étaitmême logique puisque laCour avait de toute
façon compétence primufacie en vertu de l'article IX de la convention sur
le génocide.
En l'espèce,toutefois, la Cour a considéréque les actes que la You-
goslavie impute au défendeur ne sont pas susceptibles d'entrer dans les
prévisionsde la convention sur le génocideet que, par conséquent, l'ar-
ticleIX de ladite convention ne constitue pas une base sur laquelle la

compétence de la Cour pourrait prima facie être fondée(ordonnance,
par. 36).
13. Dans ces conditions, le seul chef de compétence de la Cour qui
subsiste et qu'invoque la Yougoslavie est celui del'acceptation de part et
d'autre de la juridiction obligatoire de la Cour en vertu de l'article 36,
paragraphe 2, du Statut. On s'attend par conséquent à ce que la Cour ne
puisse plus échapper à la question assez épineusede savoir si la Yougo-
slavie est ou non Membre des Nations Unies ni, par suite, à la question
de savoir si sa déclaration d'acceptation de la juridiction est ou non vala-
ble en droit.
14. Dans l'ordonnance qu'elle rend aujourd'hui, toutefois, la Cour, de
nouveau, comme en 1993,adopte pour position qu'ellen'a pas lieu d'exa-
miner cette question aux fins de décidersi elle peut ou non indiquer des
mesures conservatoires, puisqu'elle constate que les conditions d'exclu-

sion de la juridiction de la Cour spécifiées l'alinéa iii)de la déclaration
du défendeursont remplies(par. 28). La réserveformuléepar le Royaume-
Uni consiste à exclure de la juridiction de la Cour les différendà l'égard
desquels toute autre partie en causea acceptélajuridiction obligatoire de
la Cour internationale de Justice uniquement en ce qui concerne lesdits
différendsou aux fins de ceux-ci, ou lorsque l'acceptation de la juridic-
tion obligatoire de la Cour au nom d'une autre partie au différenda été
déposéeou ratifiéemoins de douze mois avant la date du dépôt de la
requêtepar laquelle la Cour est saisie du différend.
15. Sur ce point, la Cour s'appuie sur ce qu'elle a déjà dit dans son
arrêt du Il juin 1998 en l'affaire de la Frontière terrestre et maritime
entre le Cuineroun et le Nigéria(Cameroun c. Nigéria) : "[als early as 1952,it held in the case concerning Anglo-Iranian Oil
Co. that, when declarations are made on condition of reciprocity,
'jurisdiction is conferred on the Court only to theextent to which the
t~o Declarations coincide in conferring it' (I.C.J. Reports 1952,
p. 103)" (I.C.J. Reports 1998, p. 298, para. 43; emphasis added).

And the Court concludes by saying that the declarations made by the
Parties under Article 36, paragraph 2, of the Statute do not constitute a
basis on which the jurisdiction of the Court could prima facie be founded
in this case.(Order, para. 25.)
16. With al1due respect, 1find this reasoning puzzling if not illogical
and inconsistent. How can the Court Saythat there is no need to consider
the question of the validity of Yugoslavia's declaration whereas at the
same time it concludes that this declaration, taken together with that of

the Respondent, cannot constitute a basis of jurisdiction? This conclu-
sion surely is based on the presumption of the validity of Yugoslavia's
declaration, at least for the present stage of the proceedings. If such a
presumption does not exist, the Court should at least have said that it
accepts that validity purely arguendo since, even if it had been valid, it
would not have had the capability to confer jurisdiction on the Court in
view of the United Kingdom's reservation to its own declaration.

17. In this respect1must confess that the reference to the Cumeroonv.
Nigeriu case (although correctly made in the context as framed by the
Court) does not seem to be particularly wellchosen, for in that case - as
in rnost other cases which have come before the Court under Article 36,
paragraph 2, of the Statute - it was not the validity of the Applicant's
declaration which was in issue but the question whether it could be
invoked against the Respondent. It is for that reason that the Court two

years earlier in itsrder indicating provisional measures could find "that
the declarations made by the Parties in accordance with Article 36, para-
graph 2, of the Statute constitute a prima facie basis upon which itsjuris-
diction in the present case might be founded" (Lund und Maritime
Boundarj*betiiven Cun~eroonund Nigeria, Order of' 15 March 1996,
I.C.J. Reports 1996 (I), p. 21, para. 31), in spite of the fact that Nigeria
had contended that Cameroon could not rely upon its own declaration
(the validity of which was not contested) vis-à-vis Nigeria.

18. In his separate opinion joined to the Court's Order on interim
measures of protection in the Intcrhundel case, Judge Hersch Lauter-
pacht said the following:

"The Court may properly act under the terms of Article 41 pro-
vided that there is in e.uistencran instrument such as a Declaration
of Acceptance of the Optional Clause, emanating from the Parties to
the dispute, which prima facie confers jurisdiction upon the Court «[d]ès1952,elle a jugédans l'affaire de I'Anglo-Iranian Oil Co. que,
lorsque des déclarations sont faites sous condition de réciprocité,
à la Cour seulement dans la mesure où
((compétenceest conférée
elles[les deux déclarations] coïncident pour la lui conférer))(C.I.J.
Recueil 1952, p. 103)))(C.I.J. Recueil 1998, p. 298, par. 43; les ita-
liques sont de moi).
Et la Cour conclut en disant que les déclarations faites par les parties
conformémentau paragraphe 2 de I'article36 ne sauraient manifestement

constituer une base de compétencedans la présenteaffaire, même prima
fucie (ordonnance, par. 25).
16. Je me permets de dire que je trouve en l'occurrence le raisonne-
ment étonnant, sinon illogique et incohérent. Comment la Cour peut-elle
dire qu'il n'y a pas lieu d'examiner laquestion de la validitéde la déclara-
tion de la Yougoslavie et conclure en mêmetemps que ladite déclaration,
considérée aveccelle du défendeur, ne peut pas constituer une base de
compétence?Pour conclure ainsi, il faut certainement prendre pour hypo-
thèseque la déclaration de la Yougoslavie est valable, tout au moins au
stade actuel de la procédure. Si cette présomption de validitéfait défaut,
la Cour aurait dû tout au moins dire qu'elle accepte cette validitéaux
seules fins du débatpuisque, mêmesi elle avait été valable,cette déclara-

tion du demandeur n'aurait pas pu conférer compétence à la Cour en rai-
son de la limitation rutione temporis qu'elle énonce.
17. Sur ce point, je dois avouer que l'allusion a l'affaire Cameroun
L..Nigeria (référencequi se justifie dans le contexte tel que l'établit la
Cour) ne paraît pas particulièrement bien choisie,car dans cette affaire-là
comme dans la plupart des autres affaires dont la Cour a eu à connaître
au titre de I'article6, paragraphe 2, du Statut, ce n'est pas la validitéde
la déclaration du demandeur qui est en question, c'est de savoir si cette
déclarationpeut être invoquée à l'encontre du défendeur. C'estpour cette
raison que deux ans plus Gt, dans son ordonnance portant indication de
mesures conservatoires, la Cour pouvait dire ((que les déclarations faites
par les Parties conformément au paragraphe 2 de I'articl36 de son Sta-

tut constituent prima ,f~cie une base sur laquelle sa compétencepourrait
êtrefondée en l'espèce» (Frontière terresth et maritirne entre IICame-
roun et keNig&ria,ordonnance cIu15 murs 1996, C.1.J. Recueil 1996 (/),
p. 21, par. 31), bien que le Nigéria aitsoutenu que le Cameroun ne pou-
vait pas s'appuyer sur sa propre déclaration (dont la validité n'étaitpas
contestée) à l'égarddu Nigéria.
18. Dans l'opinion individuelle qu'il a jointe à l'ordonnance rendue
par la Cour dans l'affaire de l'lnterlzandel, àla suite d'une demande en
indication de mesures conservatoires, sir Hersch Lauterpacht a dit ce qui
suit:

«La Cour peut légitimementagir en application de I'article 41,
pourvu qu'il existeun instrument, tel qu'une déclaration d'accepta-
tion de la disposition facultative, émanant des Parties au différend,
conférant à la Cour compétence prinwjufirriet ne contenant aucune883 LEGALITY OF USE OF FORCE (SEP.OP. KOOIJMANS)

and which incorporates no reservations obviously excludingits juris-
diction."(1.C.J. Reports 1957, pp. 118-119 ;emphasis added.)

19. This quotation indicates the correctorder in which decisions must
be taken. The Court first has to establish the existence of an instrument
which prima facie is capable of conferringjurisdiction upon the Court; it

is only after this has been established that the question becomes relevant
whether such instruments, emanating from the parties to the dispute,
contain reservations which manifestly exclude the Court's jurisdiction.
20. 1 am, therefore, of the opinion that the Court should not have
avoided the question of Yugoslavia's membership of the United Nations
and the ensuing validity or invalidity of its declaration of acceptance, but
should have dealt with it as a preliminary issue. Only after having estab-
lished that this declaration iscapable of providing the Court with a prima
facie basis for itsjurisdictionould the Court have considered in a mean-
ingful way whether reservations made in either of the declarations obvi-
ously exclude itsjurisdiction. For if the Court would have concluded that
the Yugoslav declaration is not capable of conferring this prima facie
jurisdiction, the latter question becomes irrelevant.

21. Not for a moment do 1 contend that the Court already at the
present stage of the proceedings should have taken a definitive stand on
what 1 called earlier a thorny question. The dossier on the controversy
with regard to the Federal Republic of Yugoslavia's continuation of the
international personality of the Socialist Federal Republic of Yugoslavia
is full of legal snags. The decisions taken by the appropriate United
Nations bodies are without precedent and raise a number of as yet un-
solved questions. Neither should it be forgotten, however, thatthese deci-
sions have been taken by the organs which according to the Charter have
the exclusiveauthority in questions of membership. Their decisions there-
fore, cannot easily be overlooked or ignored, even if the interpretations
given to them by the member States which have participated in the deci-
sion-making process are widely divergent.
22. The factual and legal background of this question necessitates a
thorough analysis and a careful evaluation by the Court when it deals
with itsjurisdiction on the merits at alater stage. What the Court should

have done, however, in the present stage of the proceedings, is to deter-
mine whether the doubts, raised by the decisions of the competent United
Nations bodies with regard to the continued membership of the Federal
Republic of Yugoslavia, are serious enough to bar the Court from
assuming that it has prima faciejurisdiction to entertain the case brought
by Yugoslavia on the basis of its declaration of acceptance.

23. In this respect its, in my opinion, of primordial importance that
both the Security Council and the General Assembly expressed the view
that the Federal Republic of Yugoslavia cannot continue automatically LICÉITÉ DE L'EMPLOI DE LA FORCE (OP. IND. KOOIJMANS) 883

réserveexcluant manifestement cette compétence. » (C.1.J. Recueil
1957, p. 118-119; les italiques sont de moi.)

19. Cette citation donne l'ordre dans lequel il convient de se pronon-
cer. La Cour doit d'abord établirl'existenced'un instrument qui pourrait
prima facie lui conférer compétence;ce n'est qu'une fois cet élément
établiqu'il devient pertinent de chercher si les instruments en cause qui

émanent des parties au différend contiennent des réserves excluant
manifestement la juridiction de la Cour.
20. Je suis par conséquentd'avis que la Cour n'aurait pas dû éviterde
se pencher sur la question de savoir si la Yougoslavie est ou non Membre
des Nations Unies et de savoir par conséquentsi sa déclaration d'accep-
tation de la juridiction de la Cour est valable ou non; cette question
aurait dû êtreexaminée à titre préliminaire. Ce n'estqu'aprèsavoir établi
que ladite déclaration peut servir a la Cour de base de juridiction prima
fucie que la Cour aurait pu utilement examiner si des réservesaccompa-
gnant l'une ou l'autre des déclarationsexcluent manifestement sa compé-
tence. En effet, si la Cour avait conclu que la déclaration de la Yougo-
slaviene pouvait pas lui conférer cette compétenceprimafucie, la seconde
question perdait toute pertinence.
21. Je ne soutiens pas une minute que la Cour aurait d'ores etdéjàdû,

au stade actuel de la procédure,se prononcer définitivementsurune ques-
tion quej'ai plus haut qualifiéed'épineuse.Ledossier consacréa cette ques-
tion controversée de savoirsi la République fédéralede Yougoslaviehérite
de la personnalité internationale de la Républiquefédérative socialistede
Yougoslavie est plein de piègesjuridiques. Les décisionsadoptéespar les
organes compétents des Nations Unies sont sans précédent et soulèvent
un certain nombre de questions qui sont toujours sans réponse. Mais il ne
faut pas non plus oublier que ces décisionsont étéadoptéespar les orga-
nes qui, aux termes de la Charte, ont le dernier mot en matière d'appar-
tenance à l'organisation. On ne peut donc pas passer facilement outre a
cesdécisions,ni leslaisser de côté, mêms ei les Etats Membres qui ont pris
part a leur adoption en donnent des interprétations largement divergentes.
22. Les faits et les considérations juridiques qui entourent cette ques-
tion imposent à la Cour de les analyser et de les évaluerde façon appro-

fondie, avec beaucoup d'attention, quand elle cherchera par la suite a
déterminersi elleest compétenteau fond. Ceque la Cour aurait dû néan-
moins faire au stade actuel de la procédure,c'est établirsi les interroga-
tions suscitéespar les décisions des organes compétents des Nations
Unies au sujet de la qualité de Membre de l'organisation que la Répu-
blique fédéralede Yougoslavie continue ou non d'avoir, sont assez
sérieusespour empêcher laCour de présumerqu'ellea compétence prima
facir pour connaître de l'affaire introduite par la Yougoslavie sur la base
de sa déclaration d'acceptation de la juridiction obligatoire.
23. Sur ce point, il eàtmon sens d'une importance primordiale que le
Conseil de sécuritéet l'Assemblée généralaeient l'un et l'autre été d'avis
que la République fédéralede Yougoslavie ne peut pas assurer automa-the membership of the former Socialist Federal Republic of Yugoslavia
and thrrefore(emphasis added) that the Federal Republic of Yugoslavia
should apply for membership.

Security Council resolution 777 (1992) and General Assembly resolu-
tion 4711seem to establish a causal link between the requirement of an
application of membership and the issue of the continuation of the mem-
bership of the former Socialist Federal Republic of Yugoslavia. This

"causal link" seems to be a breeding-ground of inconsistencies, both
legally and otherwise. Nevertheless it cannot be fully ignored.

24. In this respect it is worthwhile toquote once more from the letter
of 29 September 1992of the United Nations Legal Counsel, referred to in
paragraph 9 above. The Legal Counsel wrote that "the admission to the
United Nations of a new Yugoslavia under Article 4 of the Charter will
terminate the situation created by resolution 4711" .

During the debate in the General Assembly on the draft resolution
which was finally adopted as resolution 4711 (22 September 1992) the
then Prime Minister of the Federal Republicof Yugoslavia said: "1here-
with formally request membership in the United Nations on behalf of the
new Yugoslavia, whose Government 1 represent." The United Nations,

however, never received any written document as a follow-up to that
statement.
25. Against this background 1 come to the conclusion that there are
strong reasons for doubt as to whether the Federal Republic of Yugosla-
via is a full-fledged, fully qualifiedMember of the United Nations and as
such capable of accepting the compulsory jurisdiction of the Court as a
party to the Statute.
That means that there is a probability, which is far from negligible,
that the Court after a thorough analysis of the legal issues involved will
find that is without jurisdiction because of the invalidity of Yugoslavia's
declaration of acceptance.

26. The disputed validity of that declaration touches the very basis of
the Court'sjurisdiction and, therefore, takes precedence over other issues,

like, for example, limitations ratione temporis. rutione materiue and
ratione personae. In view of the doubtsand the controversies with regard
to this question the Court would have found itself on safe ground if it
had concluded that the uncertainties about the validity of Yugoslavia's
declaration prevent it from assuming that it has jurisdiction, even prima
facie.
27. ln their dissenting opinion in the Anglo-Irunian Oil Co. case
(interim measures of protection) Judges Winiarski and Badawi Pasha
stressed the importance of the consent of the Parties in the context of
Article 41 of the Statute. They went on to Say: LICÉITE DE L'EMPLOI DE LA FORCE (OP.IND.KOOIJMANS) 884

tiquement la continuité de la qualité de Membre de l'ancienne Répu-
blique fédérativesocialiste de Yougoslavie à l'organisation des Nations
Unies et que par ronsGquent la République fédéralede Yougoslavie
devrait présenter une demande d'admission à l'organisation.
La résolution777 (1992)du Conseil de sécuritéetla résolution4711de
l'Assembléegénérale paraissent établir un lien de causalitéentreI'obliga-
tion de solliciter l'admission et la question de la continuitéde la qualité
de Membre de l'ancienne République fédérativesocialiste de Yougosla-

vie. Ce ((lien de causalité» semble être source d'incohérencest,ant sur le
plan juridique qu'à d'autres points de vue. Mais il n'est pas pour autant
possible d'en faire totalement abstraction.
24. Sur le mêmepoint, il est intéressant de citer une fois encore la
lettre du 29 septembre 1992émanantdu conseiller juridique des Nations
Unies viséeau paragraphe 9 ci-dessus. Le conseiller juridique écritque
((l'admission à l'organisation des Nations Unies d'une nouvelle Yougo-
slavie en vertu de l'article 4 de la Charte mettra fin situation créépar
la résolution 4711».
Au cours du débat à l'Assembléegénérale sur le projet de résolution qui
a étéfinalement étéadoptésous la forme de la résolution 4711(22 septem-
bre 1992),le premier ministre de la Républiquefédérative de Yougoslavie
de l'époque adit: «Je fais ici officiellementune demande d'admission aux
Nations Unies au nom de la nouvelle Yougoslavie, dont je représentele

gouvernement.)) L'Organisation des Nations Unies n'a toutefois jamais
reçu le moindre document écrit faisant suite àcette déclaration.
25. Telle étant la situation, j'en arriàela conclusion qu'il existe de
solides raisons de douter que la Républiquefédéralede Yougoslavie soit
Membre à part entièrede l'organisation des Nations Unies, jouissant de
toutes les qualitésrequisesà cette fin, eà,ce titreà même d'accepter la
juridiction obligatoire de la Cour en tant que partie au Statut.
Cela veut dire qu'il existe une possibilité,qui est loin d'êtrenégligeable,
que la Cour doive constater après avoir procédé à une analyse approfon-
die des questions de droit enjeu qu'elle n'est pas compétenteparce que la
déclaration d'acceptation de sa juridiction que la Yougoslavie a faite
n'est pas valable.
26. La contestation relative la validitéde laditedéclaration ébranlele

fondement mêmede la compétencede la Cour et, par suite, prend le pas
sur d'autres questions comme celle, par exemple, de la présencede limi-
tations ratione tew~poris,rutione nîutrriue et rutione personue. Vu les
doutes et les controverses qui entourent cette question, la Cour aurait
étéinattaquable si elle avait conclu que l'incertitude régnant au sujet
de la validitéde la déclarationde la Yougoslavie l'empêchede présumer
qu'elle est compétente,même prirnu fuciel
27. Dans l'opinion dissidente qu'ils ont jointà la décisionde la Cour
dans l'affaire de 1'Anglo-Iranian OilCo. (mesures conservatoires), les
juges Winiarski et Badawi Pasha ont mis en évidencel'importance qui
s'attache au consentement des Parties dans le cadre de l'article41 du Sta-
tut. Et ils disent ensuite: "the Court ought not to indicate interim measures of protection
unless its competence, in the event of this being challenged, appears
to the Court nevertheless reasonably probable" (emphasis added).

And they concluded :
"if there exist weightyarguments in favour of the challengedjurisdic-
tion, the Court may indicate interim measures of protection; if there
exist serious doubts or weighty arguments against this jurisdiction

such measures cannot be indicated" (1C.J. Reports 1951, p. 97).
It is my considered view that because of the thick clouds which have
packed around Yugoslavia's membership of the United Nations, the
ensuing uncertainty of the validity of its declaration does not pass the test
of "reasonable probability".

28. There have been earlier occasions when the Court shied away from
thorny questions and chose to decide a case on other grounds which were
judicially preferable albeit not logically defensible. The most famous
example is the Interhandel case where the Court first rejected three of
four preliminary objectionsregarding the Court'sjurisdiction, then upheld
a preliminary objection on admissibility and ultimately decided that there
was no need to consider the fourth objection on jurisdiction. This order
of dealing with preliminary objections has been criticized and for good
reasons but it is at least comprehensible as the various objections were
completely different in character.

29. The present case, however, is different. The issue of the declara-
tion's validity is preconditional for that of the applicability of the reser-
vations and time limitations. The latter issue is completely dependent
upon the former. In particular with regard to the limitation ratione tem-
poris in Yugoslavia's owndeclaration this becomes relevant. If the major-
ity of the Court in the relevant cases (Belgium, Canada, the Netherlands
and Portug"l)rwould have found that this limitation did not act as a bar
to the Court's prima facie jurisdiction, the Court could no longer have
avoided to take up the question of the declaration's validity. This shows
that that finding would have been wholly conditioned by this threshold
question.
30. Finally, let me state that 1find the Court's view that the temporal

limitation contained in Yugoslavia's declaration prevents the Court from
assuming that it has prima faciejurisdiction persuasive, although it does
not fully satisfy me. In my view, however, that finding would have been
supe~uous if the Court had based its negative conclusion on the ques-
tion of the validity of Yugoslavia's declaration.

(Signed) Pieter H. KOOIJMANS. LICÉITÉ DE L'EMPLOI DE LA FORCE (OP.IND.KOOIJMANS) 885

«La Cour ne doit indiquer de mesures conservatoires que si sa
compétence, au cas où elle est contestée, lui paraît néanmoins rai-
sonnublement probable. » (Les italiques sont de moi.)

Et leur conclusion est la suivante:
«s'il existe de fortes raisons en faveur de la compétence contestée,la
Cour peut indiquer des mesures conservatoires; s'ilexiste des doutes
sérieuxou de fortes raisons contre cette compétence,elle ne peut pas
les accorder))(C.I.J. Recueil 1951, p. 97).

Tout bien réfléchi,enraison des épais nuagesqui se sont amonceléssur la
question de savoir si la Yougoslavie a ou non la qualité de Membre des
Nations Unies, l'incertitude qui règnede ce fait autour de la validitéde sa
déclaration d'acceptation delajuridiction de la Cour ne lui permet pas de
franchir ce cap de la ((probabilitéraisonnable)).
28. 11est déjà arrivé quela Cour ne veuille pas affronter certaines

questions épineuseset choisisse de retenir pour statuer d'autres motifs
judiciairement préférables mêms e'ils n'étaient pas logiquement défen-
dables. L'exemple le plus célèbre a cet égard est celuide l'affaire de
I'lntrrhundel, dans laquelle la Cour a d'abord rejeté trois exceptions
préliminaires sur quatre qui concernaient la compétence de la Cour,
puis a fait droit à une exception préliminaireconcernant la recevabilité
et a finalement décidé qu'iln'y avait pas lieu d'examiner la quatrième
exception relativeà la compétence.La Cour a été critiquép eour avoir sta-
tuésur les exceptions préliminairesdans cet ordre et les critiques étaient
justifiées,mais au moins cette façon de faire est-elle compréhensiblecar
les diverses exceptions étaient totalement étrangèresl'une a l'autre.
29. 11n'en va pas de mêmedans la présente espèce.La question de la
validitéde la déclaration conditionne celle de l'applicabilité des réserves

et des limitations de caractère temporel. La seconde question est totale-
ment subordonnée a la première. Celavaut tout particulièrement pour la
limitation rutione temporis qui figure dans la propre déclaration de la
Yougo"lavie. Si les membres de la Cour avaient maioritairement estimé
dans lesaffaires concernées (Belgique,Canada, Pays-Bas et Portugal)que
cette limitation ne faisait pas obstacle à sa compétence prima facie, la
Cour n'aurait plus pu éviterde s'intéresser à la validitéde la déclaration.
Cela montre aue la conclusion en faveur de la com~étenceaurait été inté-
gralement conditionnée par cette question liminaire.
30. Je dirai en dernier lieu que je trouve convaincante l'idéeretenue
par la Cour, suivant laquelle la limitation de caractère temporel énoncée
dans la déclaration de la Yougoslavie empêche laCour de présumer
qu'elle estcompétente primu facie, encore que cette idéene me donne pas

entière satisfaction. Mais je pense que cette conclusion aurait étésuper-
flue si la Cour s'étaitfondée,pour statuer dans un sens négatif,sur la
question de la validitéde la déclaration de la Yougoslavie.

(Signé) Pieter H. KOOIJMANS.

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Opinion individuelle de M. Kooijmans (traduction)

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