Déclaration de M. Shi (traduction)

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113-19990602-ORD-01-02-EN
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113-19990602-ORD-01-00-EN
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DECLARATION DE M. SHI

(Truduction ]

Je me range aux côtésde la majoritéde la Cour quand celle-ci estime
ne pas pouvoir trouver en l'espècede base de compétence prima facie
pour indiquer les mesures conservatoires sollicitéespar le demandeur.
Je suis pourtant d'avis que, face à la situation d'urgence crééepar le
drame humain qu'expriment lespertes en vieshumaines et les souffrances
causéespar l'emploi de la force en Yougoslavie et contre celle-ci,la Cour
aurait dû favoriser lemaintien de la paix et de la sécuritéinternationales
dans la mesure où ses fonctions judiciaires l'y autorisent.

L'action de la Cour aurait étépleinement justifiée en droit si, dès
qu'elle a été saisde la part du demandeur de sa requêteen indication de
mesures conservatoires, et indépendamment de son éventuelle conclusion
quant à sa compétenceprimaj'aciedans l'attente de sa décision définitive,
elle avait lancé un appel de caractère généralaux Parties pour leur
demander d'agir conformément aux obligations leur incombant en vertu
de la Charte des Nations Unies et de toutes les autres règlesdu droit
international intéressant la situation, y compris le droit international
humanitaire,et leur demander àtout le moins de s'abstenir d'aggraver ou
étendreleur différend.A mon sens, il n'y a rien dans le Statut ni dans le
Règlement de la Cour qui interdise a celle-ci d'agir de cette façon. Aux
termes de la Charte, la Cour est après tout le principal organe judiciaire
de l'organisation des Nations Unies, son Statut faisant partie intégrante
de la Charte; et, sous l'effetdes buts et des principes de ladite Charte, y
compris son chapitre VI (relatif au règlement pacifique desdifférends),il
a étéattribué un rôle a la Cour dans le cadre généralde l'organisation
des Nations Unies aux fins du maintien de la paix et de la sécuritéinter-
nationales. Il ne fait aucun doute que l'appel de caractère généraldont je

parle relèveimplicitement des pouvoirs impartis à la Cour dans l'exercice
de ses fonctions judiciaires. Ayant aujourd'hui statué définitivementsur
la requêtedu demandeur, la Cour n'a pas saisi l'occasion qui lui était
donnéed'apporter le concours qu'elle aurait dû au maintien de la paix et
de la sécuritéinternationales au moment où ce concours est on ne peut
plus indispensable.
En outre, dans la lettre qu'il a adresséeau présidentet aux membres de
la Cour, l'agent de la Yougoslavie a dit ceci:
((Considérant le pouvoir conféré a la Cour aux termes du para-
graphe 1de l'article 5 de son Règlement, etcompte tenu de l'extrême

urgence de la situation née descirconstances décritesdans les de-
mandes en indication de mesuresconservatoires,je prie la Cour de bien
vouloir se prononcer d'officesur les demandes présentéesou de fixer
une date pour la tenue d'une audience dans les meilleurs délais.)) LICÉITÉ DE L'EMPLOI DE LA FORCE (DÉCL. SHI) 844

Dans une affaire très récente,l'affaireLuCrund, la Cour, sur la requête
de 1'Etat demandeur et en dépit des objections de 1'Etat défendeur, a

décidé d'exercerle pouvoir qui lui est ainsi conférépar le paragraphede
l'article5 de son Règlement sans entendre I'Etat défendeur,ni par écrit
ni oralement (ordonnance du 3 mars 1999, C.1.J. Recueil 1999, p. 13,
par. 12, et p. 14, par. 21). Par opposition, en l'espèce, laCour n'a eu
aucun geste positifà la suite de la requêtesimilaire formuléepar l'agent
de la Yougoslavie dans une situation dont le caractère d'urgence était
mêmebeaucoup plus prononcéque dans l'exempleque je cite.
Ce sont ces motifs qui m'ont obligé àvoter contre le paragraphe 1 du
dispositif de la présenteordonnance.

(Signé) SHIJiuyong.

Bilingual Content

DECLARATION OF JUDGE SHI

1 am in agreement with the majority of the Court that, in the present
case, no basis of prima faciejurisdiction can be found for the indication
of provisional measures requested by the Applicant.
Nevertheless 1 am of the opinion that, being confronted with the
urgent situation of a human tragedy involving loss of life and suffering
which arises from the use of force in and against Yugoslavia, the Court
ought to have contributed to the maintenance of international peace and
security in so far as its judicial functions permit.
The Court would have been fullyjustified in point of law if, immedi-
ately upon receipt of the request by the Applicant for the indication of
provisional measures, and regardless of what might be its conclusion on
prima faciejurisdiction pending the final decision, it had issued a general

statement appealing to the Parties to act in compliance with their obliga-
tions under the Charter of the United Nationsand al1other rules of inter-
national law relevant to the situation, including internationalhumanitar-
ian law, and at least not to aggravate or extend their dispute. In my view,
nothing in the Statute or the Rules of Court prohibits the Court from so
acting. According to the Charter, the Court is after al1the principal judi-
cial organ of the United Nations, with its Statute as an integral part of
the Charter; and by virtue of the purposes and principles of the Charter,
including Chapter VI (PacificSettlement of Disputes), the Court has been
assigned a role within the general framework of the United Nations for
the maintenance of international peace and security. There is no doubt
that to issue such a general statement of appeal is within the implied
powers of the Court in the exerciseof itsjudicial functions. Now that the
Court has made its final decision on the request by the Applicant, it has
failed to take an opportunity to make its due contribution to the main-
tenance of international peace and security when that is most needed.

Moreover, in his letter addressed to the President and the Members of
the Court, the Agent of Yugoslavia stated:
"Considering the power conferred upon the Court by Article 75,
paragraph 1, of the Rules of Court and having in mind the greatest
urgency caused by the circumstances described in the Requests for
provisional measure of protection 1 kindly ask the Court to decide
on the submitted Requests proprio motu orto fixa date for a hearing

at earliest possible time." DECLARATION DE M. SHI

(Truduction ]

Je me range aux côtésde la majoritéde la Cour quand celle-ci estime
ne pas pouvoir trouver en l'espècede base de compétence prima facie
pour indiquer les mesures conservatoires sollicitéespar le demandeur.
Je suis pourtant d'avis que, face à la situation d'urgence crééepar le
drame humain qu'expriment lespertes en vieshumaines et les souffrances
causéespar l'emploi de la force en Yougoslavie et contre celle-ci,la Cour
aurait dû favoriser lemaintien de la paix et de la sécuritéinternationales
dans la mesure où ses fonctions judiciaires l'y autorisent.

L'action de la Cour aurait étépleinement justifiée en droit si, dès
qu'elle a été saisde la part du demandeur de sa requêteen indication de
mesures conservatoires, et indépendamment de son éventuelle conclusion
quant à sa compétenceprimaj'aciedans l'attente de sa décision définitive,
elle avait lancé un appel de caractère généralaux Parties pour leur
demander d'agir conformément aux obligations leur incombant en vertu
de la Charte des Nations Unies et de toutes les autres règlesdu droit
international intéressant la situation, y compris le droit international
humanitaire,et leur demander àtout le moins de s'abstenir d'aggraver ou
étendreleur différend.A mon sens, il n'y a rien dans le Statut ni dans le
Règlement de la Cour qui interdise a celle-ci d'agir de cette façon. Aux
termes de la Charte, la Cour est après tout le principal organe judiciaire
de l'organisation des Nations Unies, son Statut faisant partie intégrante
de la Charte; et, sous l'effetdes buts et des principes de ladite Charte, y
compris son chapitre VI (relatif au règlement pacifique desdifférends),il
a étéattribué un rôle a la Cour dans le cadre généralde l'organisation
des Nations Unies aux fins du maintien de la paix et de la sécuritéinter-
nationales. Il ne fait aucun doute que l'appel de caractère généraldont je

parle relèveimplicitement des pouvoirs impartis à la Cour dans l'exercice
de ses fonctions judiciaires. Ayant aujourd'hui statué définitivementsur
la requêtedu demandeur, la Cour n'a pas saisi l'occasion qui lui était
donnéed'apporter le concours qu'elle aurait dû au maintien de la paix et
de la sécuritéinternationales au moment où ce concours est on ne peut
plus indispensable.
En outre, dans la lettre qu'il a adresséeau présidentet aux membres de
la Cour, l'agent de la Yougoslavie a dit ceci:
((Considérant le pouvoir conféré a la Cour aux termes du para-
graphe 1de l'article 5 de son Règlement, etcompte tenu de l'extrême

urgence de la situation née descirconstances décritesdans les de-
mandes en indication de mesuresconservatoires,je prie la Cour de bien
vouloir se prononcer d'officesur les demandes présentéesou de fixer
une date pour la tenue d'une audience dans les meilleurs délais.))In the recent LuGrand case, the Court, at the request of the applicant
State and despite the objection of the respondent State, decided to make
use of itsabove-mentioned power under Article 75, paragraph 1, of the
Rules of Court without hearing the respondent State in either written or

oral form (LaGrand (Germany v. United Srutes of Atnerica), Order of
3 March 1999, IC. J.Reports 1999, pp. 13 and 14,paras. 12and 21). By
contrast, in the present case the Court failed to take any positive action
in response to the similar request made by the Agent of Yugoslavia in a
situation far more urgent even than that in the former case.
It is forhese reasons that1 felt compelled to vote against the operative
paragraph 43 (1) of the present Order.

(Signed) SHIJiuyong. LICÉITÉ DE L'EMPLOI DE LA FORCE (DÉCL. SHI) 844

Dans une affaire très récente,l'affaireLuCrund, la Cour, sur la requête
de 1'Etat demandeur et en dépit des objections de 1'Etat défendeur, a

décidé d'exercerle pouvoir qui lui est ainsi conférépar le paragraphede
l'article5 de son Règlement sans entendre I'Etat défendeur,ni par écrit
ni oralement (ordonnance du 3 mars 1999, C.1.J. Recueil 1999, p. 13,
par. 12, et p. 14, par. 21). Par opposition, en l'espèce, laCour n'a eu
aucun geste positifà la suite de la requêtesimilaire formuléepar l'agent
de la Yougoslavie dans une situation dont le caractère d'urgence était
mêmebeaucoup plus prononcéque dans l'exempleque je cite.
Ce sont ces motifs qui m'ont obligé àvoter contre le paragraphe 1 du
dispositif de la présenteordonnance.

(Signé) SHIJiuyong.

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Déclaration de M. Shi (traduction)

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