Opinion dissidente de M. Kreca, juge ad hoc (traduction)

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OPINION DISSIDENTE DE M. KRECA

[Truduction j

TABLE DES MATIÈRES

1. LACOMPOSITION DE LCOUR EN L'ESPÈCE

II. LEPROBLÈME HUMANITAIRE EN L'ESPÈCE
III. NULLITEABSOLUE DE LA RESERVE DEETATS-UNI S L'ARTICLIX

DE LA CONVENTION SLlR LE GENOCIDE 8-10
IV. COMP~TENC DEELACOUR RATIONE MATEKIAE 11-13

V. AUTRE SUESTIONS PERTINENTES 14-17 1. Compte tenu de la différencede principe entre la magistrature inter-

nationale et le système judiciaire interne de chaque Etat, l'institution du
juge ud l~nca fondamentalement un double rôle:
CU) rétablir I'égalitéquand la Cour comprend d'ores et déjà sur le

siègeun juge ayant la nationalité de l'une desparties; et 6) créer une
égalitésymbolique entre deux Etats en litige quand aucun membre
de la Cour n'a la nationalité de l'une des parties)) (S. Rosenne, Tlie
LLIIV und Practice qf' tlle Internutionul Court, 1920-1996, vol. III,
p. 1124-1125).

En l'espèce,on peut se demander si l'institution du juge ad hoc a bien
exercé l'unequelconque de ces deux fonctions élémentaires.

IIest possible de distinguer deux éléments.

Le premier est liéiice rétablissement de l'égalitéentre les parties en ce
qui concerne les relations entre le demandeur et les Etats défendeurs qui
ont un juge national sur le siège. Zn concreto, il faut s'intéresser a cet
égard à la position particulière des Etats défendeurs. Ces derniers, en
effet. comparaissent à un double titre:

primo, ils comparaissent individuellement puisque chacun d'eux est en
litige avec la République fédéralede Yougoslavie;

secundo, ce sont en même temps desEtats membres de l'OTAN dans le
cadre institutionnel de laquelle ils ont engagé uneattaque arméecontre la

République fédéralede Yougoslavie. Dans ce cadre de l'OTAN, les Etats
défendeursagissent in corpore, en tant que parties intégrantes d'une orga-
nisation constituant un tout. L'ensemble, le corpus, des volontés des
Etats membres de l'OTAN, quand il s'agit de mener des opérations mili-
taires, constitue une volonté collective qui est officiellement celle de
l'OTAN.

2. On peut se demander par ailleurs si les Etats défendeurs peuvent
êtreconsidéréscomme faisant cause commune.
Dans l'ordonnance rendue le 20 juillet 1931 dans l'affaire du Régime

doucrnierentre I'Allemugne et l'Autriche, la Cour permanente de Justice
internationale a énoncéle principe suivant:
<<tousles gouvernements qui, devant la Cour, arrivent à la même

conclusion, doivent être considéréscomme faisant cause commune
aux fins de la présente procédure)) (C.P. J.1. séricAIB no 41, p. 89).

Dans sa pratique, la Cour a quasiment toujours établi qu'il y avait
((cause commune)) en se fondant sur un critère formel, celui de la
((mêmecoriclusion)) à laquelle aboutissent les parties comparaissant
devant elle. LICÉITÉ DE L'EMPLOI DE LA FORCE (OP. DISS. KRECA) 953

En l'espèce, il est indubitable que la formulation d'une conclusion
identique est le critère pertinent permettant d'établirque les Etats défen-
deurs font «cause commune)). Il étaiten quelque sorte inévitablede for-

muler la même conclusionen I'espècepuisque la Républiquefédéralede
Yougoslavie a présenté unerequête identique à l'encontre de dix Etats
membres de l'OTAN et l'on en a eu la preuve officiellà l'issuede la pro-
cédureaui s'est déroulée devantla Cour les 10. 11 et 12 mai 1999. les
Etats défendeurs aboutissant tous à une conclusion identique reposant
sur une argumentation pratiquement identique dont les seules variations
concernent la forme et le mode de présentation.
D'ou la conclusion inévitable àmon sens que les Etats défendeurs font
tous in concreto cause commune.
3. Quelles incidences faut-il en tirer pour la composition de la Cour en

I'espèce? L'article31, paragraphe 2, du Statut, dispose: «Si la Cour
compte sur le siègeunjuge de la nationalitéd'une des parties, toute autre
partie peut désigner unepersonne de son choix pour siégeren qualité de
juge.)>
Le Statut, donc, définit ainsile droit de «toute autre partie)), c'est-
à-dire une partie autre que cellequi compte unjuge de sa nationalité surle
siège,et il parle de cette autre partie au singulier. Mais il serait erroné
d'en déduireque ((toute autre partie)) que celle qui compte un juge de sa
nationalité sur le siègene peut pas, dans certains cas, désigner plusieurs
juges ad hoc. Retenir cette interprétation serait manifestement contrairà
la ratio legisde l'institution du juge ad hoc, lequel en l'espècea pour

objet «de rétablirl'égalitéquand la Cour comprend d'ores et déjàsur le
siègeun juge ayant la nationalité del'une desparties))(S. Rosenne, The
Lalv and Practice of the International Court, 1920-1996, vol. III, p. 1124-
1125).L'usage du singulier à l'article 31, paragraphe 2, du Statut,quand
il est question de l'institution du jugead hoc, permet donc simplement
d'individualiser ce droit général, intrinsèque,au rétablissementde I'éga-
litéentre les parties en litige en ce qui concerne la composition de la
Cour, quand l'une des parties compte un juge de sa nationalité sur le
siègetandis que l'autre n'en a pas. Concrètement. appliquéà lu présente
instance, ce principe signifie implicitement que le demandeur a le droit de
désignerautant dejuges ad hoc qu'il lefaut pour rétablirl'égalité entrele

deinundeur et les Etats défendeursqui comptent un juge de leur nutionaliti.
sur le siège et quifont cause commune. Concrctement, ce droit fondumen-
ta1 uu rétablissement de I'égulitédans la composition de la Cour, qui
répond à lu règlefondamentale de l'égalitédes parties, signijïe que la
Républiquefkdérale de Yougoslavie doit avoir le droit de désigner cinq
juges ad hoc, puisque, sur les dix Etats défendeurs, il y en a cinq (les
Etuts- Unis d'Amérique, le Royaume- Uni, la France, I'Allemagne et les
Pays-Bas) qui comptent un juge national sur le siège.
S'agissant de ce rétablissement de l'égalitéentre la partie autoriséeà
désignerun juge ad hoc de son choix, d'une part, et, de l'autre, les parties

qui comptent un juge national sur le siège,le fait est que la République
fédéralede Yougoslavie, comme on peut le constater dans l'ordonnance, LICÉITÉ DE L'EMPLOI DE LA FORCE (OP. DISS. KRECA) 954

n'a soulevéaucune objection au cas de figure qui se présentait et qui était
que cinq Etats défendeurs, pas moins, comptaient un juge de leur natio-
nalité sur le siège. Mais iln'est certainement pas possible de considérer

que ce cas de figure ôte toute pertinence à la question, mêmesi la Répu-
blique fédéralede Yougoslavie a tacitement admis une telle dérogation
flagrante à la lettre et à l'esprit de l'article 31,paragraphe 2,du Statut.
La Cour a, quant à elle. l'obligation de prendre en considération, ès
qualité, cette question qui est à ce point cruciale. qui découle directement
de l'égalitédes parties et, à l'inverse, qui risque en outre de porter direc-

tement et sensiblement atteinte à l'égalitédes parties. La Cour est le gar-
dien de la légalitépour les parties. et, à cette fin, seule est valable la
prrclurnptiojrrris et tic jur~- il faut savoir le droit (jura 17ovitcuriu).
Comme l'ont dit trois membres de la Cour, MM. Bedjaoui, Guillaume et
Ranjeva. dans la déclaration commune qu'ils ont faite dans I'affaire Loc-
krrbic: «il appartient à la Cour et non aux parties de prendre la décision

requise)) (Questiorzs d'intcrprPtutior?cJtd'upplicutior7de la coniviztiorz t/e
Moi~trc;u/ (lc1971 rc;sultuntdcjI'inc~idrrilrc;rirndo Lockrrbie (Jurrru/~irij~c~
clrobe libj~cnrzec..Rojuurnr- Uni), C. I.J. Rccuril 1998, p. 36, par. 11).
A contrclrio. la Cour risquerait, alors que la question relèvevéritable-
ment de sa raison d'être,de se cantonner dans l'attitude de l'observateur
passif, qui se contente de prendre connaissance des thèses des parties,

puis se prononce.
4. Le second élémentà étudier est celui du rétablissement de l'égalité
dans les relations entre le demandeur et les Etats défendeurs qui ne
comptent pas de juge national sur le siège.
Les Etats défendeurs ne comptant pas de juge national sur le siègeont,
suivant la procédure habituelle, désignéun juge ud hoc.de leur choix (Bel-

gique. Canada, Espagne et Italie). Seul le Portugal n'a pas désignédejuge
ut/ Iloc. Le demandeur a successivement houlevédes objections à la dési-
gnation de ces juges uclIloc.des Etats demandeurs en invoquant le para-
graphe 5 de l'article 31 du Statut de la Cour. Chaque fois, la Cour a
répondu par la formule habituelle: «La Cour, ... est parvenue à la
conclusion que la désignation d'un juge (rdlzoc par [le défendeur] se jus-

tifiait dans la rése entewhase de l'affaire)).
Certes, la formule est laconique, trop peu détailléepour permettre
d'analyser le raisonnement juridique suivi par la Cour. Le seul élément
qui se prêteà une interprétation téléologiqueest le membre de phrase ser-
vant à qualifier la désignation d'un juge tld Iloc.,laquelle serait «justifi[ée]
dans la présente phase de l'affaire)). 11 contr,urio,il est donc possible que

cette désignation de juges trd hoc ne soit «pas justifiée))dans certaines
autres phases de I'affaire. Cette qualification peut s'interpréter comme
une réserve,de la part de la Cour, quant à la désignation de juges ucl/!oc
par les Etats défendeurs, réservequi s'expliquerait par l'impossibilitéoù
se trouverait la Courde voir, avant qu'elles définissentleur position, quel
est l'intérêdt es parties- font-elles ou non cause commune?

Le sens à donner au rétablissement de l'égalitéentre les parties, LICÉITÉ DE L'EMPLOI DE LA FORCE (OP.DISS.KRECA) 955

puisque c'est laraison d'êtrede l'institution du juge ad hoc dans le cas de
figure où le demandeur et les Etats défendeurs qui font cause commune
ne comptent pas de juge ad hoc de leur nationalité sur le siège,a étédéfini
dans la pratique de la Cour de façon très claire, sans la moindre ambi-
guïté.

Dans l'affaire du Sud-Ouest africuin (1961), il a été décique, au cas
où ni l'une ni l'autre des Parties faisant cause commune ne compterait de
juge de sa nationalité sur le siège,lesdites Parties auraient la faculté de
désigner d'un commun accord un seul juge ad hoc (Sud-Ouest uflicuin,
C.1.J. Recueil 1961, p. 3).
Si. en revanche, la Cour compte parmi ses membres un juge ayant la

nationalité d'une des parties, ne serait-ce que de l'une d'elles, il ne sera
pas désignéde juge ud hoc (Juridiction territoriulc>de la Cotnnlission
internutionul~~de l'Oder, C.P.J.1. série C no 17 (II), p. 8; Rigirnr
douanier entre I'Allernugne et l'Autriche, 1931, C.P.J.I. skrie AIB n41,
p. 88).
Si l'on applique ù la présente instancecette jurisprudence parfuiternent

cohérente.de la Cour, aucun des Etuts défencleursn'étuithubilitt; a dki-
gner unjuge ad hoc.
On peut donc dire qu'en l'espèce, nil'une ni l'autre des deux fonctions
élémentairesde l'institution du juge ad hoc n'aétéremplie de façon satis-
faisante du point de vue de la composition de la Cour. A mon sens, la

question revêtun intérêttout particulier parce que, manifestement, son
importance ne se limite pas à la procédure et pourrait avoir une portée
concrète de très grande ampleur.

II. LE PRORLÈME HUMANITAIRE EN L'ESPÈCE

5. Les problèmes humanitaires en tant que motif d'indication de me-

sures conservatoires revêtent uneimportance primordiale dans la pra-
tique la plus récente de la Cour.
En la matière, la Cour suit deux voies paralléles:

a) L'intCrétparticulier de lu personne

A cet égard, l'affaire LuCrund (Allrrnugne c. Etuts- Unis d'Arnériqur)
et l'affaire relative à la Convention de Vienne sur les relutions con.sukaircs
(Puruguay c. Etuts- Unis d'Arn6rique) sont caractéristiques.
Dans les deux affaires, la Cour s'est montrée extrêmement sensible à
l'aspect humanitaire de la question à examiner, ce qu'exprime probable-

ment au mieux la requêteprésentéepar l'Allemagne le 2 mars 1999:

((L'importance et le caractère sacré de la vie humaine sont des

principes bien établis du droit international. Comme le reconnaît
l'article 6 du pacte international relatif aux droits civils et politiques, LICÉITE DE L'EMPLOI DE LA FORCE (OP. DISS. KRECA) 956

le droit à la vie est inhérent à la personne humaine et ce droit doit

êtreprotégépar la loi.)) (L~~Grund(Allemugne c. Etuts-Unis d'Ami.-
ri(jucl), n7rsur<.onser.iwtoire~,rc1onnanc.edu 3 murs 1999, C.I. J.
Recueil 1999, p. 12, par. 8.)

Dès le lendemain, iil'unanimité, la Cour a indiqué des mesures conser-
vatoires parce que les circonstances exigeaient qu'elle les ((indique)) de
toute urgence (ihid, p. 15, par. 26), de sorte qu'il lui incombait de mettre

en train le mécanisme voulu conformément à l'article 41 de son Statut et
de l'article 75, paragraphe 1,de son Règlement. ((pour que M. Walter
LaGrand ne soit pas exécutétant que la décisiondéfinitiveen la présente
instance n'aura pas été rendue)) (ihid, p.16.par. 29).

La Cour a indiqué des mesures conservatoires quasiment identiques
dans le différendopposant le Paraguay et les Etats-Unis d'Amérique ila

suite de la requêteprésentéepar le Paraguay le 3 avril 1998. Le même
jour, le Paraguay a égalementprésenté«une demande urgente en indica-
tion de mesures conservatoires à l'effet de protéger ses droits)) (Convn7-
riori (le Vicntie sur. les rc1ution.r consuluir(Puruguuy c.. Etrrts-Unis
d'Arnériquc~)o, vdonnance du 9 uvril 1998, C.I.J. Rrc.ueil 1998, p. 251,
par. 6).Et dès le 9 avril 1998, à l'unanimité, la Cour a indiquédes me-
sures conservatoires «pour que M. Angel Francisco Breard ne soit pas

exécutétant que la décision définitive enla présente instance n'aura pas
étérendue)) rihici.,p. 258, par. 41).
IIest évidentque c'est à cause de l'aspect humanitaire du problème que
l'unanimité a étéréaliséeau sein de la Cour. On en voit clairement la
preuve non seulement dans la lettre et l'esprit des deux ordonnances ren-
dues dans ces deux affaires, mais aussi dans les déclarations ainsi que
dans l'opinion individuelle qui leur ont étéjointes. En l'occurrence, les

considérations humanitaires ont été,semble-t-il, assez fortes pour lever
les obstacles qui s'opposaient à l'indication de mesures conservatoires. Le
raisonnement du doyen de la Cour, M. Oda, et celui de son président,
M. Schwebel, sont significatifs.
Au paragraphe 7 de la déclaration qu'iljoint à l'ordonnance du3mars
1999 dans l'affaire LuCrund (Allenlugne c. Etuts- Utlis d'Arnkriquej,
M. Oda énoncede façon convaincante une sériede motifs d'ordre théo-

rique qui l'«ont conduit A penser qu'il n'y avait pas lieu d'indiquer les
mesures conservatoires demandéespar l'Allemagne, eu égardau caractère
fondamental de telles mesures)). Mais, M. Oda tient ii<(rappel[er]avec
force [que s'il a] votéen faveur de l'ordonnance, c'est uniquement pour
des motifs humanitaires)) (C.I.J. Rt~curil1999. p. 20).
Dans son opinion individuelle, le président de la Cour, M. Schwebel,
n'a pas expressément déclaréqu'il s'était inspirde considérations huma-
nitaires pour voter en faveur de l'ordonnance, mais il est raisonnable de

penser que ce sont les seules considérations qui ont prévalu en l'espèce,
puisqu'il avait ((de profondes réservesquant à la manière de procéder
tant de la Partie requérante que de la Cour)) (LuCrund iAllc~ir~u~~iioc. Etuts- Unis d'Amérique), mesures conseri~atoires.ordonnunce ilu 3 murs
1999, C.IJ. Recueil 1999, p. 22).
Et, en ce qui concerne le demandeur, M. Schwebel a dit ceci:

((L'Allemagneaurait pu présentersa requêtedes années, desmois,
des semaines, voire quelques jours plus tôt. L'eût-elle fait, la Cour
eut pu procédercomme elle le fait depuis 1922et tenir des audiences
sur la demande en indication de mesures conservatoires. Mais I'Alle-

magne a attendu la veillede l'exécutionpour présentersa requête et
sa demande en indication de mesures conservatoires, en faisant
valoir par la mêmeoccasion que la Cour n'avait plus le temps
d'entendre les Etats-Unis et devrait agir d'office.))(Ibid.)
De son côté, la Cour a indiqué des mesures conservatoires en

s'appuyant, comme le dit M. Schwebel, présidentde la Cour, <<exclusive-
ment» sur la requêtede l'Allemagne.

b) L'int4r6t collectij'd'un groupe ou d'une populutior~en tunt qu'klkment
c,onstitutif'de I'Eiut

La protection de la population nationale est devenue question litigieuse
dans l'affaire relative aux Activités milituires et parumi1iraire.suu Nicu-
raguu et à l'encontre de celui-ci (Nicurugua c. Etuts-Unis d'Amérique):

((Dans sa conclusion, le Nicaragua a insistésur les morts, sur les
dommages que les actes alléguésont causéschez les Nicaraguayens
et a demandé à la Cour de soutenir, au inoyen de mesures conser-
vatoires.<<lesdroitsdes citoyensnicaraguayens à la vie,à la libertéet
à la sécurité».»(R. Higgins, ((Interim Measures for the Protection
of Human Rights)), dans Charney, Anton, O'Connel1 (dir. publ.),
Politics. Vulu~s ancl Functions, Internutionul Luit, in the 21st Cen-
turj: 1997,p. 96).

Dans l'affaire du DifjZrenrl ,fiontulier (Burkina FusolRkp~rhliqiie L/L~
Muli), la Cour, pour indiquer des mesures conservatoires, s'est fondée
sur des:

((incidentsqui, non seulement sont susceptiblesd'étendreou d'aggra-
ver le différend, maiscomportent un recours àla force inconciliable
avec le principe du règlement pacifique des différends internatio-
naux » (Difprrnd ,frontalier.. mrsurcs conscri~utoirr.~,rdonnance (lu
10jrirzvic~r1986, C.IJ. Rrcueil 1986. p. 9, par. 19).

En l'espèce.la préoccupation humanitaire étaitmotivéepar le risque de
préjudiceirréparable :

«les faits qui sontà l'origine des demandes des deux Parties en indi-
cation de mesures conservatoires exposent les personnes et les biens
se trouvant dans la zone litigieuse, ainsi que les intérêtsdes deux
Etats dans cette zone. à un risque sérieuxde préjudiceirréparable))
(ihitL,p. 10.par. 21).On peut dire que, dans les affaires évoquéesci-dessus, en particulier celles
dans lesquelles des individus étaient directement concernés, la Cour s'est

appuyée sur une norme humanitaire supérieure dans le cadre de la pro-
cédureen indication de mesures conservatoires. une norme qui avait suf-
fisamment de force intrinsèque pour que I'on déroge à certaines règles
pertinentes, règles de procédure et règles de fond, qui régissentl'institu-
tion des mesures conservatoires. En somme, les considérations humani-

taires, indépendamment des normes du droit international qui règlent les
droits de l'homme et ses libertés,ont en quelque sorte acquis un rôle juri-
dique autonome; ces considérations ont désormais franchi les limites du
domaine moral et philanthropique pour entrer dans le domaine du droit.
6. En l'espèce,ilsemble pourtant que la préoccupation ((humanitaire))

ait perdu l'autonomie acquise sur le plan juridique. Vu les circonstances
particulières de l'instance, il convient de s'arrêtersur ce fait.
A la différence des affaires évoquées précédemment,le ((problème
humanitaire)) porte ici, littéralement, sur le sort de toute une nation.
Nous aboutissons à cette conclusion à partir de deux élémentsau moins:

En premier lieu, la République fédéralede Yougoslavie et ses groupes
nationaux et ethniques sont soumis depuis plus de deux mois iiprésent

aux attaques constantes d'une armada aérienne très forte, extrêmement
organisée,appartenant aux Etats les plus puissants du monde. La finalité
de cette attaque a de quoi horrifier, si I'on enjuge par les paroles du com-
mandant en chef, le généralWesley Clark, et iln'y a pas lieu dedouter de
ce qu'il dit:

((Systématiquement et progressivement, nous allons attaquer,
ébranler, dégrader, dévaster, et finalement, sauf si le président

Milosevic se lie aux exig"nces de la coinmunauté internationale.
nous allons détruire intégralement ses forces armées et leur ôter
toutes leurs infrastructures et toutes leurs bases de soutien)) (BBC
News, http:llneir~h.hc.(.o.uklcnglishlstuNAc.TOgulI~~~luir~fuuIt.stnil
14 mai 1999).

En l'occurrence, le terme <<soutien»revêtun sens très large, au point
que I'on peut se demander quel est vraiment l'objet des attaques

aériennes. Dans un article intitulé «La population de Belgrade doit
souffrir)), Michael Gordon cite le généralShort qui dit «espérer que la
détresse de la population va saper, qu'elle doit saper, le soutien dont
bénéficient lesautorités de Belgrade)) (Intcrnutionc~l Heruld Trib~~nc.,
16 mai 1999. p. 6) et ilpoursuit:

«II n'y aura plus d'électricitépour votre frigo, plus de gaz pour

votre cuisinière, vous ne pourrez plus aller au travail parce que le
pont est démoli - ce pont sur lequel vous avez organisévos concerts
rock et sur lequel vous vous êtesmassés avecdes cibles sur la tête.
Tout cela disparaît i 3 heures du matin. >)(Ihid )

Il ne s'agissait pas là de paroles en l'air. comme en témoignent les LICÉITÉ DE L'EMPLOIDE LA FORCE (OP. DIS. KRECA) 959

ponts démolis, la disparition de centrales électriques, de l'adduction
d'eau, des productions alimentaires indispensables a la vie; comme en

témoigne la destruction de routes, d'immeubles résidentiels, de maisons
d'habitation unifamiliales; comme en témoignent les hôpitaux privés
d'électricitéet d'eau et, par-dessus tout, ces êtres humains qui sont
exposés aux bombardements et qui, comme le disait si bien la requête

dans l'affaire LuGrund (Allemagne c. Etuts-Unis d'Amérique), ont un
adroit a la vie inhérent a la personne humaine))(pacte international rela-
tif aux droits civils et politiques, art.,dont l'importance et le caractère
sacrésont des principes bien établisdu droit international. Dans l'enfer
de la violence, ce ne sont plus là que des «dommages collatéraux».

En second lieu, l'arsenal qui sert aux attaques lancéescontre la You-
goslavie contient certaines armes dont les effets sont quasi illimitésdans
l'espace et dans le temps. Au cours de la procédure orale, l'agent des
Etats-Unis a nettement préciséque l'uranium appauvri est régulièrement
utilisépar l'arméedes Etats-Unis (CR 99/24, p. 17).

Il convient de laisser les scientifiques évaluer les effets de l'uranium
appauvri. Le rapport de Marvin Resnikoff, qui travaille pour Radio-
active Management Associates (NMI) dit quels sont ces effets:

«Une fois inhalées,de fines particules d'uranium peuvent se loger
dans les alvéolesdu poumon et y rester jusqu'à la fin de votre vie. La
dose inhalée est cumulative. Une certaine fraction des a articules
inhalées peut êtreexpectorée puis avaléeet ingérée.Si l'intéressé

fume. il faut nrendre cet élément enconsidération. Comme fumer
détruit les franges ciliaires, les particules capturées dans les passages
bronchiques du fumeur ne peuvent pas êtreexpulsées.Gofman estime
que, chez les fumeurs, le risque dû à l'irradiation est ainsi multiplié
par dix. L'uranium émetune particule alpha, analogue i un noyau

d'héliumamputé de deux électrons. Les rayonnements de ce type ne
pénètrent pastrèsprofondément, mais, une fois à l'intérieurdu corps,
ils causent beaucoup de dommages aux tissus. Quand il est inhalé,
l'uranium accroît les probabilités de cancer du poumon. Quand il est
ingérél,'uranium se concentre dans les os. A l'intérieurdes os, il aug-

mente les probabilités de cancer des os, ou bien, dans la moelle, les
probabilités de leucémie.L'uranium résideaussi dans les tissus mous,
y compris les gonades, ce qui accroît les probabilités de conséquences
génétiques,sous forme notamment d'anomalies génétiqueset d'avor-

tements spontanés. Le rapport qui existe entre l'uranium ingéréet les
doses d'irradiation qui en résultent pour la moelle osseuse et certains
organes ...figurent dans beaucoup d'étudescitéesen référence.
-~s effets de l'uranium sur la santé sont égalument fonction de
l'âge.Pour une mêmedose. l'enfantcourt de plus grands risques de can-

cer que l'adulte.)) (UrlrniurnB<rttlrjcltlsHon~r & Abrou~l: Deplrtc~l
Urunium Usr by rlre U.S. Depurtn~entof'Lkfonse, Rural Alliance for
Military Accountability. et al., mars 1993,p. 47-48.)

L'Office fédéral allemandde l'environnement (Umweltbundesamt) a pré- LICEITÉ DE L'EMPLOI DE LA FORCE (OP. DISS. KRECA) 960

senté une analyse scientifique des effets concrets imputables aux opéra-
tions armées contre la Yougoslavie. Ce rapport d'expert dit essentielle-

ment ceci [:
(Traducri dounGreffe]

<<Plus la guerre en Yougoslavie dure et plus le risque de dommages

à long terme à l'environnement s'aggrave. Cesdommages menacent de
s'étendre au-delà des frontières dela Yougoslavie et peut-êtreest-il
déjàtrop tard pour qu'on puisse les éradiquer.C'est à cette conclusion
que parvient l'Officefédéraa lllemand de l'environnement (Utnii'eltbun-

desunl drans un document interne examinant les conséquencespour
l'environnement de la guerre en Yougoslavie, établi en vue de la
réunion des ministres européens de l'environnement début mai à

Weimar. Des catastrophes du type de celles de Seveso et de Sandoz
constituent, selon l'Office,«un scénario éminemmentprobable)).

«Je langer der Krieg in Jugoslawien dauert, desto grosser wird die Gefahr von lang-
fristigen Schadigungen der Umwelt. Diese drohen sich über die Landesgrenzen
hinaus auszubreiten und konnen moglicherweise nicht mehr vollstandig beseitigt wer-
den.Zu dieser Einschatzung kommt das Umweltbundesamt (UBA) in einem internen
Papier. das sich mit den okologischen Auswirkungen des Krieges in Jugoslawien
befasst und fiir die Vorbereitung des Treffens europaischer Umweltminister Anfang
Mai in Weimar erstellt wurde. Katastrophen 'wie Seveso und Sando7' sind nach
Ansicht des Amtes 'ein durchaus wahrsclieinliches Schadensszenario'.

.....................................
Umweltgifte, die nach Zerstorungen von Industrieanlagen austreten. konnten sich
weiter ausbreiten. 'Bei Sicherstellung sofortigen Handelns, das unter Kriegsbedin-
gungen aber unmoglich ist, bleibt die Wirkung dieser Umweltschadigungen lokal
begrenzt. Langere Verzogerungen führen zu einem übertritt der Schadstoffe in die
Schutzgüter Boden, Grund- und Oberflachenwasser. erhohen das Gefahrdungspoten-
tial für deil Menschen und den Sanierungsaufwand betrachtlich.'
Diese Folgen müssen nicht auf Jugoslawien beschriinkt sein. Schadstoffe aus
Grossbranden konnten grenzüberschreitend verteilt werden. Weiter heisst es in dem
Papier: 'Die Einleityg der Gefahrstoffe in Oberflachenwasser kann zur weitraumi-
gen Schiidigung der Okosysteme führen. Die Deposition von Gefahrstoffen in Boden
kann je nach Eigenschaft der Stoffe und Boden zii langanhaltenden Versuchungen
mit weitgehenden Nutzungseinschriinkungen führen. '
Die Gefàhr einer 'tiefgreifenden Zerstorung wesentlicher Bestandteile von Trink-
wasserversorgungssystemen' sei für mittlere und grosse Stiidte sowie Ballungsgebiete
am grossten. Schon geringe Mengen von S~ibstanzender petrochemischen Industrie

konnten 'grosse Gr~indwrisservorrite unbrauchbar machen'.
Wie gefihrlich die frcigesetzten Stoffe insgesamt sind. Iisst sich nach Ansicht der
UBA-Expcrten nur schwer ~ihschitzen. 'weil durcli die Zerïtiirung ganzer Industi-ie-
honiple~e h,li\clihontaminationen \crschiedciistrr Schadstoffe gebildet \\erde'.die
iiocli \Leni3 rrforsclit srien. Noch koinl)liïicrter sei die Hcurteilung \on Llrnuclt-
\chiitlen drircli Uiiinde und Explosionen. .Hier treten be7ogeii auf Sch:idrtoftin\eiitar
uncl .-2~ishreitiiii~\\.eit ~\eiiiger k:ilh~~~iiriTcil gro.;.;fliicliipeUin\~eltscliiidi-
iiiiilrli ciii.
Die Vcrbrcii~i~ing\proci~~htcie11'ziiin 'reii li<>cItiosiiiih:irizcroyer'..Iii:icli
hliin:itisclicii Iiediiiguiisen hiiiiiir es 'ri1cilier $1-o-nci'iciluii~iiieser Stof'lb'
hoiiiinen. 'die riiie vollstiindil-.~Rcseitigiiiis ii;iliezu ~inniii~lich11l:icht
Die \\echselwirh~inp~'nder Prodiihte iiiiilrii ciii=eseti.teii \V;ifren diisften '~iillip
~iiibek:iriiit's>>(T:\Z. 17!v iii:.c~\scirii!ii.i.lin.20 iiini 1099.) LICÉITÉ DE L'EMPLOI DE LA FORCE (OP. DISS. KRECA) 961

Les substances toxiques pour I'environnement libérées à la suite de

la destruction d'installations industrielles pourraient se propager à
une plus grande distance. L'adoption de mesures immédiates -
impossible toutefois en temps de guerre - permettrait de contenir
localement ces atteintes a I'environnement. Plus le temps s'écoulera
et plus ces substances se répandront dans le sol, les eaux souterraines
et les eaux de surface. d'où une augmentation considérable des ris-
"
ques pour l'homme et'du coût des opérations de nettoyage.
Ces conséquences ne sont pas nécessairement limitées a la You-
goslavie. Les substances toxiques dégagées a la suite d'incendies
majeurs peuvent se répandre au-delà des frontières. Et l'auteur du
document d'ajouter: «La migration de substances dangereuses

dans les eaux de surface peut causer de graves dommages aux éco-
systèmes. Le dépôt de substances dangereuses dans le sol peut
entraîner, selon la nature des substances et des sols, une contami-
nation à long terme, faisant radicalement obstacle à l'utilisation
des sols.»

Le risque d'une ((destruction a grande échelledes élémentsessen-
tiels du réseau d'approvisionnement en eau potable)) est plus lourd
pour les villes moyennes, les grandes villes et les zones de concentra-
tion urbaine. De faibles quantités de substances émanant d'installa-
tions pétrochimiques suffisent à rendre inutilisables d'importantes

réservesd'eaux souterraines)).
Selon les experts de l'Office fédéralde I'environnement, ilest très
difficile d'apprécier dans son ensemble le risque que représentent
les substances libéréesdans l'environnement, «car la destruction
de complexes industriels entiers entraîne une pollution provoquée
par un véritable cocktail de substances toxiques)), sur laquelle les

recherches n'ont guère porté jusqu'à présent. L'évaluation des
dommages causés a l'environnement par les incendies et les explo-
sions est encore plus délicate, estiment les experts.<11est beaucoup
plus difficile en pareil cas, du fait des problèmes liés a l'identifi-
cation des substances toxiques et au risque de les voir se répandre,

de prédirelesdommages à l'environnement, quiseront parfois consi-
dérables.»
Certaines des substances libéréesdans l'atmosphère à la suite des
incendies sont qualifiéesde «très toxiques et cancérigènes)).En fonc-
tion des conditions climatiques ambiantes, «ces substances pour-

raient diffuser très largement)), de sorte qu'«une décontamination
complète serait quasi impossible)).
Quant à l'interaction de ces produits avec les armes utilisées,on en
((ignoreraittotalement » les effets.»(TAZ, Dic Ttrgrs:ritur?g, Berlin,
numéro du 20 mai 1999.)

Je suis par conséquent profondément convaincu que la Cour se trouve
concrètement face à une affaire imposant incontestablement d'agir «de
toute urgence)) et ou l'on court le risque d'un ((préjudice irréparable)),affaire qui répond parfaitement, quant au fond, aux normes humanitaires
que la Cour a retenues dans certains précédents;à cet égard, la présente

instance se situe mêmeà un niveau nettement supérieur.
7. Pour êtrefranc, je dois dire que je trouve totalement inexplicable
que la Cour veuille s'abstenir d'étudier sérieusement la possibilitéd'indi-
quer des mesures conservatoires alors que la situation impose de façon
aussi criante de tenter à tout le moins, indépendamment des effets pra-
tiques éventuels de la tentative, d'atténuer, sinon de supprimer, un dan-

ger incontestable de catastrophe humanitaire. Je n'envisage pas ici des
mesures conservatoires qui prendraient concrètement la forme proposée
par la République fédéralede Yougoslavie, j'envisage des mesures conser-
vatoires en général:la Cour peut proposer d'office d'autres mesures
conservatoires que celles qui sont proposées par la République fédérale
de Yougoslavie, ou elle peut se contenter d'un appel lancé par le pré-

sident, comme elle l'a fait si souvent déjà, dans des situationsmoins diffi-
ciles, en s'inspirant de l'arti74, paragraphe 4, de son Règlement.
Sans le vouloir. on a ici l'impression que, pour la Cour en l'espèce,
l'indication de mesures conservatoires, sousquelqueforme que ce soit, lui
a semblé interdite. Par exemple, au paragraphe 19 de l'ordonnance, la
Cour:

((estime nécessaire de souligner que toutes les parties qui se pré-
sentent devant elle doivent agir conformément à leurs obligations

en vertu de la Charte des Nations Unies et des autres règles du
droit international, y compris du droit humanitaire)),
ou bien elle dit, au paragraphe 49, que les Parties: «doivent veiller à ne

pas aggraver ni étendre le différend)), et il est manifeste que. dans les
deux cas, la Cour s'est inspiréed'un type de mesures conservatoires de
caractère général etindépendant.

III.NULLITE ABSOLUE DE LA RESERVE DES ETATS-UNI S L'ARTICLE IX
DE LA CONVENTION SUR LE GÉNOCIDE

8. Dans son ordonnance, la Cour accepte ce qu'affirme le défendeur

qui dit qu'elle n'a pas compétence pour connaître de la requêteque le
demandeur fonde sur la convention sur le génocideparce que les Etats-
Unis ont formuléà l'article IX de ladite convention une réserveparfaite-
ment claire. Comme cette réservedes Etats-Unis nécessitede leur part un
consentement exprès avant qu'il soit possible d'intenter contre eux la
moindre action ayant trait au génocideet que les Etats-Unis n'ont pas

donné leur consentement en l'espèce,le nrsus juridictionnel voulu n'est
pas établi.
Cette réservese lit comme suit:

«Résrrilrs
1) En ce qui concerne l'article IX de la convention, pour qu'un
différend auquel les Etats-Unis sont partie puisse être soumis à la LICÉITÉ DE L'EMPLOI DE LA FORCE (OP. DISS.KRECA) 963

juridiction de la Cour internationale de Justice en vertu de cet
article, le consentement exprès des Etats-Unis est nécessaire dans
chaque cas.

2) Aucune disposition de la convention n'exige ou ne justifie
l'adoption par les Etats-Unis d'Amérique de mesures législativesou
autres interdites par la Constitution des Etats-Unis telle qu'elle est
interprétéepar les Etats-Unis.

Déclarations interprétatives

1) L'expression ((dans l'intention de détruire, ou tout ou en par-
tie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux comme tel»
figurant à I'articlIIdésignel'intention expresse de détruire, en tout
ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux,
comme tel, par des actes spécifiésà I'article II.

2) L'expression ((atteinte à l'intégritémentale)) figuranta I'article
II,alinéah) désigneune détérioration permanente des facultés intel-
lectuelles par le recours des drogues, la torture, ou a des techniques
analogues.
3) L'engagement pris d'accorder l'extradition conformément a la
législationnationale et aux traitésen vigueur qui figure à I'articVI1

porte uniquement sur des actes qui sont qualifiésde criminels aux
termes de la législation tant de I'Etat requérant que de 1'Etat requis,
et aucune disposition de l'articlVI ne porte atteinte au droit detout
Etat de traduire devant ses propres tribunaux l'un quelconque de ses
nationaux du chef d'actes commis à l'extérieurde 1'Etat considéré.
4) Les actes commis au cours des conflits armés sans intention
expresse énoncéeà I'article II ne sont pas suffisants pour constituer

un génocideau sens de la présente convention.
5) En ce qui concerne la mention d'une cour criminelle inter-
nationale a l'articleVI de la convention, les Etats-Unis d'Amé-
rique déclarent qu'ils se réservent le droit de ne participer à un tel
tribunal qu'en vertu d'un traité conclu expressément à cette fin
avec l'avis et le consentement du Sénat.» (Traités rnultiluti >YUU,Y

dépo.résriupvPsdu Secrétuire générul,étut uu 31 décrrnbrr 1997,
doc. ST/LEG/SER.E/16, p. 93.)

9. La première réservedes Etats-Unis à l'article IX de la convention
sur le génocideest exprimée Iege artis. Cet articlIX est par nature une
disposition de procédure a l'égardde laquelle les parties à la convention
se conforment au principe de la totale libertéd'intention.

La question devient plus compliquée en ce qui concerne les ((déclara-
tions interprétatives)) figurant dans ce même texte. IIy a lieu de signaler
qu'en droit, l'«interprétation» est par définition un moyen utile d'expri-
mer une réserve,c'est-à-dire qu'une des parties a un traitéva en interpré-
ter une disposition ou une section en un sens restrictif. En effet, une

réserve,entendue quant au fond, vise non seulement à exclure I'applica-tion d'une disposition ou d'une certaine partie d'un traité mais aussi à
limiter son interprétation ou son application.
L'article 2. paragraphe 1 d) de la convention de Vienne sur le droit des
traités est très clair cet égard et se lit comme suit:

((l'expression «réserve» s'entend d'une déclaration unilatérale, quel
que soit son libellé ou sa désignation, faite par un Etat quand il
signe, ratifie, accepte ou approuve un traitéou y adhère, par laquelle

il viseà exclure ou à modifier l'effet juridique de certaines disposi-
tions du traité dans leur application a cet Etat» (Nations Unies,
Documenfs officiels de lu conférence des Nufions Unies stir le droit
des truités,première et lAcusiPmesession, 1969, p. 311).

Dans son avis consultatif du 28 mai 1951,la Cour a fait observer ceci:
«Les origines de la convention révèlentl'intention des Nations
Unies de condamner et de réprimerle génocidecomme un «crime de

droit des gens» impliquant le refus du droit à l'existence de groupes
humains entiers, refus qui bouleverse la conscience humaine, inflige
de grandes pertes a l'humanité, et qui est contraire à la fois à la loi
morale et à l'esprit et aux fins des Nations Unies (résolution 96, 1)de
l'Assembléegénérale, 11 décembre 1946). Cette conception entraîne
une première conséquence: les principes qui sont à la base de la

convention sont des principes reconnus par les nations civilisées
comme obligeant les Etats mêmeen dehors de tout lien convention-
nel. Une deuxième conséquence est le caractère universel à la fois de
la condamnation du génocideet de la coopération nécessaire«pour
libérer l'humanitéd'un fléauaussi odieux))(préambule de la conven-
tion).)) (Réserves u lu convention sur le génocide. uvis consultut$

C.I.J. Recueil 1951, p. 23).
Dans l'arrêtqu'elle a rendu le 11 juillet 1996dans l'affaire relativea la
Convention sur le génocide, la Cour a déclaréqu'«[il1en résulte que les
droits et obligations consacrés par la convention sont des droits et obli-

gations ergu omnes» (Application de Iciconvention pour lapréventionet lu
rkpression du crime de génocide, exceptions préliminuires, arrêt.C.I.J.
Recueil 1996 (Il), p. 616, par. 3 1).
Il est manifeste que les première et deuxième ((interprétations)) définies
par les Etats-Unis sont en fait des réserves,lesquelles sont incompatibles
avec l'objet et le but de la convention sur le génocide (Jordan Paust,

((Congress and Genocide: They're Not Going to Get Away with It»,
Mic.11igunJournul of Internationcl1Law, vol. 1 1, 1989-1990, p. 92-98).
Car :
((Les articles II, IIet IV au moins de la convention sur le géno-

cide dans lesquels chacun voit une codification du droit international
coutumier, représentent par conséquent le jus cogens. Cela veut dire
qu'il est strictement impossible de dérogerà ces dispositions tant que
la communauté internationale dans son ensemble n'a pas adopté de
nouvelle règle. Par conséquent, dans la mesure où une réserve quel- conquea laconventionsur legénocidea pour objetdedéroger à la portée
ou à la nature même desobligations contractées par un Etat quel-
conque àl'égarddu génocide,tellesqu'ellessont définiesdans lesdis-
positions centrales de la convention sur le génocide,toute réservede

ce type sera nulle sous l'effet mêmede la doctrine du jus cogens.~
(M. M. Sychold.((Ratificationof the Genocide Convention : The Legal
Effectsin Light ofReservations and Objections)),Schir.eireri.rcZeit-
schriftfiir internationales und europiii.rcsecht, no4, 1998,p. 55 1.)

10. Les normes du jus cogens priment sur tout le reste; elles annulent
par conséquent en totalité tout acte qui ne s'y conforme pas, qu'il soit
unilatéral, bilatéralou multilatéral. Cette conclusion logique qui découle
du caractèrecatégorique. absolument impératif,des normes du jus cogens,
lesquelles expriment sur le plan normatif les valeurs fondamentales de la
communauté internationale dans son ensemble, a été confirméd eans les
affaires du Plateau continental de lu rner du Nord. Dans ces affaires en
effet, la Cour étaitface à une thèse suivant laquelle le ((principe d'équi-
distance)) énoncé à l'article 6 de la convention de Genève de 1958sur le
plateau continental était devenu tructu temporis une règlede droit inter-
national coutumier. Or, dans ses arrêts,la Cour a dit ceci:

«il est...caractéristique d'une règleou d'une obligation purement
conventionnelle que la facultéd'y apporter des réservesunilatérales
soit admise dans certaines limites mais il ne saurait en êtreainsi dans

le cas de règleset d'obligations de droit général oucoutumier qui,
par nature, doivent s'appliquer dans des conditions égales à tous les
membres de la communauté internationale et ne peuvent donc être
subordonnées à un droit d'exclusion exercéunilatéralement et à
volonté par l'un quelconque des membres de la communauté à son
propre avantage. Par conséquent.il paraît probable que si pour une
raison quelconque, l'on consacre ou l'on entend traduire des règles
ou des obligations de cet ordre dans certaines dispositions d'une
convention, ces dispositions figureront parmi celles au sujet des-
quelles ledroit de formuler des réservesunilatéralesn'estpas accordé
ou est exclu.))(Pluteuu continental de la mer du Nord, arrkt, C.I.J.

Recueil 1969, p. 38-39, par. 63).
Si nous laissons de côtéune certaine confusion d'ordre théoriquedont
fait preuve cet extrait en ce qui concerne le rapport entre les règles
du droit international général et lesnormes constituant le corpus juris

rogentis, il me semble que la Cour affirmait là, très nettement, que des
principes s'appliquant a des règles et obligations d'origine purement
conventionnelle ne peuvent pas s'appliquer par analogie à des normes
ayant le caractère dejus cogens.
Le seul moyen dont on disposerait pour que la réserve desEtats-Unis
à l'article IX de la convention sur le génocide ne soitpas frappée denul-
litéserait peut-être quecelle-cine puisse viser que les ((déclarationsinter-
prétatives)) sans produire d'effetjuridique sur la réserve elle-même. LICEITÉ DE L'EMPLOI DE LA FORCE (OP. DISS. KRECA) 966

Mais cette interprétation serait contraire à une règle fondamentale,
celle de l'indivisibilitédes actes, quels qu'ils soient, unilatéraux, bilaté-
raux, multilatéraux. qui entrent en conflit avec une norme relevant du

c,orpusjuris cogentis. Dans son commentaire à l'article 44, paragraphe 5
de la convention de Vienne sur le droit des traités, la Commission du
droit international a déclarésans équivoque:

«les règles du jus cogrns ont un caractère si fondamental que, lors-
que les parties concluent un traité dont l'une des clauses est incom-
patible avec une règle déjàexistante du jus cogens, ce traité doit être
considérécomme non valide dans sa totalité. ))(Annuaire de lu Cool-
inission du droit internutionul, 1966, volII, p.260, par. 8).

Comme le disait aussi sir Gerald Fitzmaurice:

cil y a les affaires dans lesquelles les règles primordiales du Jus
cogens créent une situation d'obligation irréductible et imposent de
faire abstraction de l'action illicite parce qu'elle ne doit pas porter

atteinte aux obligations des Etats tiers))(G. Fitzmaurice, «The
Law and Procedure of the International Court of Justice)), 1954-
1959, British Yeur Book oj' Intrrnational LUIL),vol. 35, 1955,
p. 122).

Par suite, le caractère primordial des normes du jus cogens, qui sont les
fondations de la communauté internationale dans son ensemble, interdit
de subdiviser un acte des Etats-Unis qui contient à la fois des réserveset
des ((interprétations)) entrant en conflit avec une norme de caractère

impératif.

IV. COMPÉTENC EE LA COUR RATIONE MATERIAE

11. Je suis d'avis qu'en l'espècela position adoptée par la Cour prête
fortement à critiques.
La Cour considère:

«que les Etats-Unis affirment en outre qu'il n'existe pas de ((lienjuri-
dique suffisant entre les accusations portées contre les Etats-Unis
dans la requêteet la prétendue base de compétence en vertu de la
convention sur le génocide)); et qu'ils exposent que la Yougoslavie
n'a pas présenté d'allégationcrédible de violation de la convention

sur le génocide car elle n'a pas démontrél'existence de l'intention
spécifique requise par la convention de ((détruire,en tout ou en par-
tie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel)),
intention qui ne peut se déduire par inférencede la conduite d'opé-
rations militaires de type classique contre un autre Etat» (ordon-

nance, par. 22).
L'intentionnalité est incontestablement l'élément subjectifqui est cons-

titutif du crime de génocide comme du reste de n'importe quel autre LICÉITÉ DE L'EMPLOI DE LA FORCE (OP. DISS. KRECA) 967

crime. Mais cette question n'est pas I'objet de la prise de décisiondans la
procédure incidente de l'indication de mesures conservatoires et, par sa

nature même,elle ne peut pas l'être.
Il fautàcet égardchercher une preuve fiable dans le différendqui, par
ses principaux traits, est pour l'essentiel identique au différend examiné
ici: il s'agit de l'affaire relative'Application de lu convention pour la
prgvention et la répressiondu critne de gfnocidc).
Dans l'ordonnance qu'elle a rendue le 8 avril 1993 sur I'indication de
mesures conservatoires, souscrivant à l'affirmation du défendeur qui dit
notamment «n'apport[er] aucun appui ni n'encourag[er], d'une façon ou
d'une autre, la perpétration des crimes mentionnésdans la requête ..[et]
que les griefs exposésdans la requêtesont dénués defondement)) (Appli-

cation de lu convention pour la prévention et la r6pression du critne de
gfnocicl~~,mesures c20n.servntoires,ordonnance du 8 avril 1993, C.I.J.
Recueil 1993. p. 21, par. 42), la Cour a considéréque:

«dans le contexte de la présente procédure concernant I'indication
de mesures conservatoires, [elle]doit, conformément àl'article 41 du
Statut, examiner si les circonstances portées à son attention exigent
I'indication de mesures conservatoires, mais n'est pas habilitée a
conclure définitivementsur les faits ou leur imputabilité et que sa
décisiondoit laisser intact le droit de chacune des Parties de contes-
ter les faits alléguéscontre elle, ainsi que la responsabilité qui lui est
imputéequant à ces faits et de faire valoir ses moyens sur le fond»
(ibid,p. 22, par. 44)

et que
(([elle]n'est pas appeléeà ce stade à établirl'existencede violations

de la convention sur le génocide)) (ibid.,par. 46).

La raison d'êtredes mesures conservatoires est par conséquentlimitée
à la préservation des droits des parties pendente lire qui sont l'objet du
différend,droits qui peuvent ultérieurementfaire l'objet de la décisionde
la Cour. Comme celle-ci le dit de nouveau dans l'affaire de la FrontiCre
terrestre et maritime entre le Cumeroun et le Nigéria:

((Considérantque la Cour, dans le cadre de la présente procédure
concernant I'indication de mesures conservatoires, n'est pas habilitée
à conclure définitivementsur les faits ou leur imputabilitéet que sa
décisiondoit laisser intact le droit de chacune des Parties de contes-
ter les faits alléguéscontre elle, ainsi que la responsabilitéqui lui est

imputée quant à ces faits, et de faire valoir, le cas échéant,ses
moyens sur le fond.» (FrontiCrc terrestreet maritime entre le C~ln~e-
roun et le Nigériu, mesures conseri.~atoires,ordonnance (lu 15 murs
1996, C.IJ. Recueil 1996 (1). p. 23, par. 43.) 12. Sur ce point en particulier, il se pose des questions fondamentales
au sujet de la position de la Cour.
On peut considérer de deux façons le lien entre le recours à la force

arméeet le génocide:
a) est-ce que l'emploi de la force est un acte de génocideper se ou non?

h) l'emploi de la force favorise-t-il le génocide et, dans l'affirmative,
qu'est-ce alors au sens juridique?
Indéniablement, l'emploi de la force, en soi et par définition. ne cons-
titue pas un acte de génocide.Nul besoin d'en faire la preuve. Toutefois,

iln'est pas possible d'en déduireque l'emploi de la force est sans rapport
avec la comniission du crime de génocideet qu'il n'est pas possible d'éta-
blir un tel rapport. Pareille conclusion serait contrairea la logique la plus
élémentaire.
L'article II de la convention pour la prévention et la répression du
crime de génocidedéfinitles actes de génocidecomme

((l'un quelconque des actes ci-après, commis dans l'intention de
détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial
ou religieux, comme tel :

u) meurtre de membres du groupe;
h) atteinte grave à l'intégritéphysique ou mentale de membres du
groupe ;
) soumission intentionnelle du groupe à des conditions d'existence
devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle;

cf) mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe;
e) transfert forcé d'enfants du groupe A un autre groupe)).
N'importe lequel des actes ci-dessus peut être commis également au
moyen de la force. L'emploi de la force est par conséquent l'un des

moyens possibles de commettre des actes de génocide.Et, il convient de le
signaler, c'est l'un des moyens les plus efficaces, étant donné les carac-
tères propres de la force armée.
L'emploi étendu de la force armée, en particulier s'il visedes objets et
des infrastructures constituant les conditions de la vie normale, peut
aboutir a ((soumettre le groupe a des conditions d'existence)) entraînant

bel et bien (<sadestruction physique)).
On peut bien entendu objecter que les actes en question ont pour rôle
d'affaiblir la puissance militaire de la République fédéralede Yougosla-
vie. Mais pareille explication peut difficilement représenter un argument
valable. Le raisonnement. en effet. va ravidement emvrunter un cercle
vicieux: la puissance militaire étant après tout composée d'hommes, il est
possible d'aller jusqu'a prétendre que le meurtre collectif d'une foule de

civils tient en quelque sorte lieu de mesure de précaution de nature à
empêcher d'entretenir lapuissance militaire de I'Etat, voire de I'augmen-
ter en cas de mobilisation.
Certes, pour pouvoir parler de génocide, il faut une intention, c'est-
a-dire qu'il faut vouloir ((soumettre intentionnellement le groupe a des LICÉITÉ DE L'EMPLOI DE LA FORCE (OP. DISS. KRECA) 969

conditions d'existence)) entraînant «sa destruction physique totale ou
partielle.
Lors de procédures incidentes, la Cour ne peut pas - et ne doit
d'ailleurs pas- chercher à établirde façon définitive qu'elle esten pré-

sence d'une volontéde soumettre le groupe à des conditions d'existence
de nature à menacer sa survie. Eu égard à l'objet des mesures conserva-
toires, on peut dire qu'à ce stade de la procédure,il suffit d'établirque, le
groupe étant soumis à des bombardements intensifs, on court objective-
ment le risque de voir cette situation aboutirà menacer sa survie.
La Cour a précisémentadoptécette position dans l'ordonnance qu'elle
a rendue le 8avril 1993au sujet de l'indication de mesures conservatoires
dans l'affaire relative l'Application(lelu conventionpour lu prévention
et lu réprrs.riondu crime de gknocide.
Le paragraphe 44 de cette ordonnance se lit comme suit:

((Considérantque la Cour, dans le contexte de la présenteprocé-
dure concernant l'indication de mesures conservatoires, doit, confor-
mément à l'article 41 du Statut, examiner si lescirconstances portées
à son attention exigent l'indication de mesures conservatoires, mais
n'est pas habilitée à conclure définitivement sur les faits ou leur
imputabilité etque sa décisiondoit laisser intact le droit de chacune
des Parties de contester les faits allégcontre elle, ainsi que la res-
ponsabilitéqui lui est imputéequant à ces faits et de faire valoir ses

moyens sur le fond.» (C.1.J. Recueil1993, p. 22.)
La question de l'«intentionnalité» est extrêmement complexe.L'inten-
tion appartient au domaine subjectif, c'est une catégorie psychologique,
mais, dans la législation pénalecontemporaine, l'intention est également
établieà partir de circonstances objectives. L'intention présuméede com-

mettre l'acte fait très communément partie du systèmejuridique. Par
exemple, aux Etats-Unis d'Amérique, la jurisprudence autorise la pré-
somption plausible par opposition àla présomption concluante, mêmeen
matière pénale.
De toute façon, les Parties s'opposent très clairement, semble-t-il, au
sujet de l'«intentionnalité» en tant qu'élément constitutifdu crime de
génocide.
Le demandeur affirme que l'«intention» peut ètre présuméetandis
que le défendeur soutient qu'en tant qu'élément constitutifdu crime de
génocide, l'«intention» doit êtreclairement établie sous forme de do1
spécial.Cette opposition de vues entre les Parties constitue un différend
relatifà l'interprétation, l'application ou l'exécutionde l...convention

[sur le génocide])),les différendsde ce type comprenant aussi les diffé-
rends relatifsà la responsabilité d'un Etat en matière de génocideou
de l'un quelconque des autres actes énumérés à l'article III de ladite
convention.
13. En mêmetemps, il ne faut pas oublier que, «dans certains cas, sur-
tout dans le génocidepar la soumission à des conditions inhumaines de
vie, le crime peut êtreperpétrépar omission)) (Stanislas Plawski. Etude LICÉITÉ DE L'EMPLOI DE LA FORCE (OP. DISS. KRECA) 970

des principesJondun~rntuu.~du droit internutionulpénul, 1972,p. 115.Cité

dans Nations Unies. doc. E/CN.4/Sub.2/416 datédu 4 juillet 1978,p. 28).
En effet,

<[ll'expérienceprouve que l'étatde guerre ou le régimed'occupation
de guerre sont un prétextefacile pour les autorités responsables pour
ne pas fournir à une population ou à un groupe ce qui leur est
nécessaire pour subsister: vivres, médicaments, vêtements, habita-
tions ... On nous dira que c'est lasoumission du groupe à des condi-

tions d'existence susceptibles d'entraîner sa destruction physique
totaleOLI partielle.»(J.Y. Dautricourt, «La prévention du génocide
et ses fondements juridiques)), Etucies internutionu1c.s ci(,psyc.110-
.soc,iologircvirninrllr, nos 14-15, 1969, p. 22-23. Cité dans Nations
Unies, doc. E/CN.4/Sub.2/416 datédu 4 juillet 1978, p. 28.)

II est donc d'une importance primordiale de savoir que, lors de procé-
dures incidentes, la Cour ne peut pas - et ne doit d'ailleurs pa- cher-

cher à établirde façon définitive unevolontéde soumettre le groupe à des
conditions d'existence de nature A menacer sa survie. Eu égard à l'objet
des mesures conservatoires. on peut dire qu'à ce stade de la procédure, il
suffit d'établir que, le groupe étant soumis A des bombardements inten-
sifs, on court objectivement le risque de voir cette situation aboutir à

menacer sa survie.

14. Au paragraphe 15 de son ordonnance, la Cour dit:
((Considérantque la Cour est profondément préoccupéepar le

drame humain, les pertes en vies humaines et les terribles souffrances
que connaît le Kosovo et qui constituent la toile de fond du présent
différend, ainsi que par les victimes et les souffrances humaines que
l'on déplore de façon continue dans l'ensemble de la Yougoslavie. »

Le libelléde cette déclaration me paraît inacceptable pour plusieurs
raisons. La première est que cet énoncéfait part d'une préoccupation
humanitaire double. La Cour dit être ((profondément préoccupée)) et

évoque en même temps<<lespertes en vies humaines)) et <<lesvictimes)).
De sorte qu'en ce qui concerne ((l'ensemble de la Yougoslavie», la Cour
évoque techniquement ((les victimes)) comme un fait qui ne cause pas de
(cpréoccupation profonde)). En outre, l'énoncépermet également de
l'interprétercomme signifiant que le Kosovo ne fait pas partie de la You-

goslavie. C'est-à-dire qu'après avoir mis en relief la situation ail Kosovo-
Metohija, la Cour utilise l'expression «dans l'ensemble de la Yougosla-
vie». Compte tenu de la situation de fait et de la situation de droit, il
aurait fallu dire «dans le reste de la Yougoslat,ie». De surcroît. faire allu-
sion au «Kosovo>) et à «l'ensemble de la Yougoslavie» non seulement

n'a aucun fondement juridique dans la situation actuelle. mais ne reposepas sur les faits non plus. C'est l'ensemble de la Yougoslavie qui est atta-
aué.Les souffrances et les Dertesen vies humaines sont malheureusement
un fait s'appliquant en généralau pays tout entier; dans ces conditions,
mêmesi elle avait eu a sa disposition des chiffres précis concernant le
nombre des victimes et l'ampleur des souffrances de la population de la

Yougoslavie, la Cour n'aurait de toute façon pas eu le droit moral d'éta-
blir la moindre discrimination i cet égard. De plus, dire que «le drame
humain ... et les terribles souffrances que connaît le Kosovo et qui cons-
tituent la toile de fond du présentdifférend))non seulement est une indi-
cation de caractère politique mais représente, ou pourrait représenter,
une sorte de justification de l'attaque arméemenéecontre la Yougoslavie.

11suffit de rappeler à ce propos que 1'Etat défendeur qualifie son action
arméed'intervention humanitaire.
Il appartient à la Cour d'établir à un stade ultérieur de la procédure
quelle est véritablement la situation en droit, c'est-à-dire quels sont les
faits pertinents. Au stade actuel, la question des raisons profondes de
l'attaque armée dirigéecontre la République fédéralede Yougoslavie fait

l'objet d'allégations politiques. Le défendeur soutient qu'il s'agit d'une
intervention humanitaire provoquée par «le drame humain et les terribles
souffrances)), tandis que le demandeur estime que sedes niutel.iucles rai-
sons profondes sont i chercher ailleurs - dans le soutien apporté à
l'organisation terroristei l'Œuvreau Kosovo et dans la volonté politique
de sécessionqui anime le Kosovo-Metohija.
Nous avons donc affaire ici à des qualifications politiques opposées

dans lesquelles la Cour ne devrait pas entrer, cela lui est même interditi
mon avis, si ce n'est dans le cadre d'une procédure judiciaire normale.
15. L'énoncédu paragraphe 33 de l'ordonnance donne l'impression
que la Cour cherche assez élégamment A renvoyer la balle dans le jardin
du Conseil de sécurité.Pour l'essentiel, c'est inutile, parce que, sous sa
forme actuelle, cet énoncén'est qu'une simple paraphrase d'une donnée

élémentairequi est que «le Conseil de sécuritéest investi de responsa-
bilitésspéciales en vertu du chapitre VI1 de la Charte)). Il est possible.
certes, de l'interpréter aussi comme un appel lancé a l'organe des
Nations Unies qui est très précisémentchargé de prendre des mesures
en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix ou d'acte d'agres-
sion et aui a d'ailleurs été concuà cet effet: mais. en l'occurrence. la

Cour devrait rappeler aussi une autre donnée élémentaire:en vertu de l'ar-
ticle 36. paragraphe 3, de la Charte des Nations Unies, un différendjuri-
dique doit être soumisà la Cour internationale de Justice.
16. En utilisant l'appellation «Kosovo)) au lieu de l'appellation offi-
cielle de «Kosovo-Metohija)), la Cour a continué de suivre la pratique
des organes politiques des Nations Unies. pratique dont, d'ailleurs, les
Etats défendeurs ne se départissent jamais.

IIest difficile de justifier pareille pratique, sauf, bien entendu, si nous
admettons que l'opportunité politique, les intérêts politiquesel concrets
sont a cet égard des arguments valables. C'est ce que montre également
de façon éloquente la pratique suivie pour désigner la République fédé-rale de Yougoslavie. A la suite de la sécession de certaines parties de
l'ancienne Fédérationyougoslave, les organes des Nations Unies et les
Etats défendeurs eux-mêmes ontutiliséla formule <<Yougoslavie(Serbie
et Monténégro))).Mais, depuis le 22 novembre 1995, le Conseil de sécu-

rité utilise, dans ses résolutions 1021 et 1022, la formule ((République
fédéralede Yougoslavie» au lieu de l'ancienne formule ((République
fédérativede Yougoslavie (Serbie et Monténégro))),sans qu'il y ait eu de
décision expresseà cet égard etdans une situation de droit inchangéepar
rapport iicelle dans laquelle le Conseil. comme d'autres organes des

Nations Unies, se servait de la formule ((République fédérativede You-
goslavie (Serbie et Monténégro))).Le fait que ce changement de pratique
du Conseil de sécuritédate du lendemain du jour ou a étéparaphé
l'accord de paix de Dayton autorise à soutenir avec assez de fermetéque
cette pratique concréte ne s'inspire pas de critères juridiques objectifs

mais plutôt de critères politiques.
En utilisant le terme <<Kosovo»au lieu du nom «Kosovo-Metohija)),
la Cour, en fait, fait deux choses à la fois:

U) elle adopte l'appellation courante et populaire servant à désignerles
unitésterritoriales d'un Etat indépendant;
h) elle laisse de côté l'appellation officielle de la province méridionale
de Serbie, appellation consacrée par les actes constitutionnels et juri-
diques tant de la Serbie que de la République fédéralede Yougosla-

vie. En outre, la Cour agit ainsi contrairement à la pratique établiepar
les organisations internationales compétentes. Par exemple, la dési-
gnation officielle de la province méridionale de Serbie ((Kosovo-
Metohija)) est celle qui figure dans I'accord conclu par la République
fédérale de Yougoslavie et l'organisation pour la sécurité elta coopéra-

tion en Europe (InterncrtionulLegul Muteriuls, 1999, vol. 38.p. 24).
Mêmesi pareille pratique, laquelle, à mon sens, est totalement incor-

recte, non seulement sur le plan du droit mais aussi du point de vue du
bon usage, pouvait se défendre quand elle émane d'entités qui situent
l'intérêett la commodité au-dessus de la loi, elle est inexplicable quand
elle émaned'un organe judiciaire.
17. L'expression ((droit humanitaire)) que la Cour utilise aux para-

graphes 18 et 31 de son ordonnance prête également à confusion, pour
une double raison : d'un côté.la Cour ne manifeste pas une parfaite cohé-
rence dans l'emploi de cette formule. Dans l'affaire de l'App/ic.atior~do
la roni~eiirinr~ur./c génocillc,la Cour a dit que ladite convention faisait
partie du droit humanitaire. alors qu'il est manifeste qu'en raison de sa
natiire même.ladite convention relèvedu droit pénalinternational (voir

l'opinion dissidente de M. Krei-a dans l'affaire relative à I',lpl~iic~~ittri.
Itrc,oiii~rrltio'iolir. lii pr.c;i~c~olrItrrL;l~r~r.s.stlilc.rir?lde gérzoc.itlc.
~~.\-c~,l)tio~ls~lir~ir~~rirC~./J. Xc'c~~c,1 iI996///J, p. 774-775. par. 108).
D'un autre côté.il me semble clliedans 1;)présenteordonnafice. la for-
mule ((droit humanitaire>) est employéeen ~iiisens différeiit plus proche

du sens généralementaccepte a~io~rrd'hiii.Et iconvient de t'riii-eprécisé-ment état de l'extrait pertinent de l'ordonnance en raison mêmedu libellé
des paragraphes 18et 31. En isolant le droit humanitaire parmi les règles
de droit international que les parties sont tenues de respecter, il est pos-
sible que la Cour veuille, discrètement, voire timidement, justifier impli-
citement l'attaque armée dirigéecontre la République fédéralede You-
goslavie ou tout au moins en atténuer les conséquences sur le plan du

droit.
Dans son premier sens juridique, le droit humanitaire correspond
implicitement aux règles du jus in hello. Si la Cour s'inspirait, comme
je n'en doute nullement, de considérations humanitaires quand elle a
souligné la nécessitéde respecter les règles du droit humanitaire, elle
aurait dû souligner expressément aussi l'importance fondamentale que
revêt la règleénoncée i l'article2,paragraphe 4,de la Charte, laquelle

trace la ligne de démarcation entre une sociétéinternationale primitive,
où le droit fait défaut, et une communauté internationale organisée où
règne le droit.

(Sigrlr) Milenko KRECA.

Bilingual Content

TABLE OF CONTENTS

Parugraph.~

1. COMPOSITI ONTHE COURTINTHISPARTICULA CASE 1-4

II. HUMANITARICANNCER NNTHISPARTICULA CASE 5-7
III. ABSOLUTNULLITY OF THE UNITEDSTATESRESERVATIO TO
ARTICLEIXOF THEGENOCIDCEONVENTION 8-10

IV. JURISDICTIONTHE COURTRATIONMEATERIAE 11-13
V. OTHERRELEVAN ITSUES 14-17 OPINION DISSIDENTE DE M. KRECA

[Truduction j

TABLE DES MATIÈRES

1. LACOMPOSITION DE LCOUR EN L'ESPÈCE

II. LEPROBLÈME HUMANITAIRE EN L'ESPÈCE
III. NULLITEABSOLUE DE LA RESERVE DEETATS-UNI S L'ARTICLIX

DE LA CONVENTION SLlR LE GENOCIDE 8-10
IV. COMP~TENC DEELACOUR RATIONE MATEKIAE 11-13

V. AUTRE SUESTIONS PERTINENTES 14-17 1. In the context of the conceptual difference between the interna-
tional magistrature and the interna1 judicial system within a State, the
institution of judge ad hoc has two basic functions:

"(u) to equalize the situation when the Bench already includes a
Member of the Court having the nationality of one of the parties;
and (h) to create a nominal equality between two litigating States

when there is no Member of the Court having the nationality of
either party" (S.Rosenne, TlzrLaw und Prrrctic~«fthe International
Court, 1920-1996, Vol. III, pp. 1124-1125).

In this particular case room is open for posing the question as to
whether either of these two basic functions of the institution of judge ud
Izochas been fulfilled at all.
It is possible to draw the line between two things.
The first is associated with equalization of the Parties in the part con-
cerning the relations between the Applicant and the respondent States
which have a national judge on the Bench. In concreto, of special interest

is the specific position of the respondent States. They appear in a dual
capacity in these proceedings:

primo, they appear individually in the proceedings considering that
each one of them is in dispute with the Federal Republic of Yugoslavia:
and,
secondo, they are at the same time member States of NATO under
whose institutional umbrella they have undertaken the armed attack on
the Federal Republic of Yugoslavia. Within the framework of NATO,
these respondent States are acting in corpore, as integral parts of an

organizational whole. The corpus of wills of NATO member States, when
the undertaking of military operations is in question, is constituted into a
collective will which is, formally, the will of NATO.

2. The question may be raised whether the respondent States can
qualify as parties in the same interest.
In itsrder of 20 July 1931in the case concerning the Cusroms Rkgime
het~ieenGeïmunj?and Austriu, the Permanent Court of International Jus-
tice established that :

"al1 governments which, in the proceedings before the Court, come
to the same conclusion, must be held to be in the same interest for
the purposes of the present case" (P.C. I.J., Serics AIB, No. 41,

p. 88).
The question of qualification of the "same interest", in the practice of
the Court, has almost uniformly been based on a formal criterion, the

criterion of "the same conclusion" to which the parties have come in the
proceedings before the Court. 1. Compte tenu de la différencede principe entre la magistrature inter-

nationale et le système judiciaire interne de chaque Etat, l'institution du
juge ud l~nca fondamentalement un double rôle:
CU) rétablir I'égalitéquand la Cour comprend d'ores et déjà sur le

siègeun juge ayant la nationalité de l'une desparties; et 6) créer une
égalitésymbolique entre deux Etats en litige quand aucun membre
de la Cour n'a la nationalité de l'une des parties)) (S. Rosenne, Tlie
LLIIV und Practice qf' tlle Internutionul Court, 1920-1996, vol. III,
p. 1124-1125).

En l'espèce,on peut se demander si l'institution du juge ad hoc a bien
exercé l'unequelconque de ces deux fonctions élémentaires.

IIest possible de distinguer deux éléments.

Le premier est liéiice rétablissement de l'égalitéentre les parties en ce
qui concerne les relations entre le demandeur et les Etats défendeurs qui
ont un juge national sur le siège. Zn concreto, il faut s'intéresser a cet
égard à la position particulière des Etats défendeurs. Ces derniers, en
effet. comparaissent à un double titre:

primo, ils comparaissent individuellement puisque chacun d'eux est en
litige avec la République fédéralede Yougoslavie;

secundo, ce sont en même temps desEtats membres de l'OTAN dans le
cadre institutionnel de laquelle ils ont engagé uneattaque arméecontre la

République fédéralede Yougoslavie. Dans ce cadre de l'OTAN, les Etats
défendeursagissent in corpore, en tant que parties intégrantes d'une orga-
nisation constituant un tout. L'ensemble, le corpus, des volontés des
Etats membres de l'OTAN, quand il s'agit de mener des opérations mili-
taires, constitue une volonté collective qui est officiellement celle de
l'OTAN.

2. On peut se demander par ailleurs si les Etats défendeurs peuvent
êtreconsidéréscomme faisant cause commune.
Dans l'ordonnance rendue le 20 juillet 1931 dans l'affaire du Régime

doucrnierentre I'Allemugne et l'Autriche, la Cour permanente de Justice
internationale a énoncéle principe suivant:
<<tousles gouvernements qui, devant la Cour, arrivent à la même

conclusion, doivent être considéréscomme faisant cause commune
aux fins de la présente procédure)) (C.P. J.1. séricAIB no 41, p. 89).

Dans sa pratique, la Cour a quasiment toujours établi qu'il y avait
((cause commune)) en se fondant sur un critère formel, celui de la
((mêmecoriclusion)) à laquelle aboutissent les parties comparaissant
devant elle. In the present case, the question of "the same conclusion" as the rele-
vant criterion for the existence of "the same interest" of the respondent
States is, in my opinion, unquestionable. The same conclusion was, in a
way, inevitable in the present case in view of the identical Application

which the Federal Republic of Yugoslavia has submitted against ten
NATO member States, and was formally consecrated by the outcome of
the proceedings before the Court held on 10, 11 and 12 May 1999, in
which al1the respondent States came to the identical conclusion resting
on the foundation of practically identical argumentation which differed
only in the fashion and style of presentation.
Hence, the inevitable conclusion follows, it appears to me, that al1the
respondent States are in concreto parties in the same interest.
3. What are the implications of this fact for the composition of the
Court in the present case? Article 31, paragraph 2, of the Statute says:
"If the Court includes upon the Bench ajudge of the nationality of one of
the parties, any other party may choose a person to sit as judge."

The Statute, accordingly, refers to the right of "any other party",
namely, a party other than the party which has a judge of its nationality,
in the singular. But, it would be erroneous to draw the conclusion from
theabove-that "any other party", other than the party which has a judge
of its nationality, cannot, under certain circumstances, choose several
judges ad hoc. Such an interpretation would clearly be in sharp contra-
diction with ratio legisof the institution of judge ad hoc, which, in this
particular case, consists of the function "to equalize the situation when
theBench already includes a Member of the Court having the nationality
of one of the parties" (S. Rosenne, The La\v and Pructice of the Interna-
tional Court, 1920-1996, Vol. III, pp. 1124-1125).The singular used in
Article 31,paragraph 2, of the Statute with reference to the institution of

judges ad hoc is,consequently, but individualization of the general, inher-
ent right to equalization in the composition of the Bench in the relations
between litigating parties, one of which has a judge of its nationality on
theBench, while the other has not. The pructical meaning of tlzisprinciple
upplied in casum would imply the right of the Applicant to choose us
muny judges ad hoc to sit on the Bench us is necessury to eyualize the
position of the Applicant und that of tlzose respondent Stutes which have
judges of their nationulity on the Bench und ivhiclzshurc the sume interest.
In concreto, the inherent right to eyualizution in the composition of the
Bench, as an expression offundamental rule of equality of parties, means
that the Federal Republic of Yugosluvia should have the right to clzoose
jve judges ad hoc, since eveizjve out of ten respondent Stutes (the United
States of America, the United Kingdom, France, Germany und the Nether-

Iunds) have tllcir nutional judges sitting on the Brnch.
Regarding the notion of equalization which concerns the relation
between the party entitled to choose its judge ad hoc and the parties
which have their national judges on the Bench, the fact is that the Federal
Republic of Yugoslavia, as can be seen from the Order, did not raise any LICÉITÉ DE L'EMPLOI DE LA FORCE (OP. DISS. KRECA) 953

En l'espèce, il est indubitable que la formulation d'une conclusion
identique est le critère pertinent permettant d'établirque les Etats défen-
deurs font «cause commune)). Il étaiten quelque sorte inévitablede for-

muler la même conclusionen I'espècepuisque la Républiquefédéralede
Yougoslavie a présenté unerequête identique à l'encontre de dix Etats
membres de l'OTAN et l'on en a eu la preuve officiellà l'issuede la pro-
cédureaui s'est déroulée devantla Cour les 10. 11 et 12 mai 1999. les
Etats défendeurs aboutissant tous à une conclusion identique reposant
sur une argumentation pratiquement identique dont les seules variations
concernent la forme et le mode de présentation.
D'ou la conclusion inévitable àmon sens que les Etats défendeurs font
tous in concreto cause commune.
3. Quelles incidences faut-il en tirer pour la composition de la Cour en

I'espèce? L'article31, paragraphe 2, du Statut, dispose: «Si la Cour
compte sur le siègeunjuge de la nationalitéd'une des parties, toute autre
partie peut désigner unepersonne de son choix pour siégeren qualité de
juge.)>
Le Statut, donc, définit ainsile droit de «toute autre partie)), c'est-
à-dire une partie autre que cellequi compte unjuge de sa nationalité surle
siège,et il parle de cette autre partie au singulier. Mais il serait erroné
d'en déduireque ((toute autre partie)) que celle qui compte un juge de sa
nationalité sur le siègene peut pas, dans certains cas, désigner plusieurs
juges ad hoc. Retenir cette interprétation serait manifestement contrairà
la ratio legisde l'institution du juge ad hoc, lequel en l'espècea pour

objet «de rétablirl'égalitéquand la Cour comprend d'ores et déjàsur le
siègeun juge ayant la nationalité del'une desparties))(S. Rosenne, The
Lalv and Practice of the International Court, 1920-1996, vol. III, p. 1124-
1125).L'usage du singulier à l'article 31, paragraphe 2, du Statut,quand
il est question de l'institution du jugead hoc, permet donc simplement
d'individualiser ce droit général, intrinsèque,au rétablissementde I'éga-
litéentre les parties en litige en ce qui concerne la composition de la
Cour, quand l'une des parties compte un juge de sa nationalité sur le
siègetandis que l'autre n'en a pas. Concrètement. appliquéà lu présente
instance, ce principe signifie implicitement que le demandeur a le droit de
désignerautant dejuges ad hoc qu'il lefaut pour rétablirl'égalité entrele

deinundeur et les Etats défendeursqui comptent un juge de leur nutionaliti.
sur le siège et quifont cause commune. Concrctement, ce droit fondumen-
ta1 uu rétablissement de I'égulitédans la composition de la Cour, qui
répond à lu règlefondamentale de l'égalitédes parties, signijïe que la
Républiquefkdérale de Yougoslavie doit avoir le droit de désigner cinq
juges ad hoc, puisque, sur les dix Etats défendeurs, il y en a cinq (les
Etuts- Unis d'Amérique, le Royaume- Uni, la France, I'Allemagne et les
Pays-Bas) qui comptent un juge national sur le siège.
S'agissant de ce rétablissement de l'égalitéentre la partie autoriséeà
désignerun juge ad hoc de son choix, d'une part, et, de l'autre, les parties

qui comptent un juge national sur le siège,le fait est que la République
fédéralede Yougoslavie, comme on peut le constater dans l'ordonnance, objections to the circumstance that as many as five respondent States
have judges of their nationality on the Bench. However, this circum-
stance surely cannot be looked upon as something making the question

irrelevant, or, even as the tacit consent of the Federal Republic of Yugo-
slavia to such an outright departure from the letter and spirit of
Article 31, paragraph 2, of the Statute.
TheCourt has, namely, the obligation to take account esoljïcio of the
question of such a fundamental importance, which directly derives from,

and vice versa, may directly and substantially affect, the equality of the
parties. The Court is the guardian of legality for the parties to the case,
for which presutnptio ,juris et de jure alone is valid - to know the law
(jura novit cuviu). As pointed out by Judges Bedjaoui, Guillaume and
Ranjeva in their joint declaration in the Lockerbie case: "that is for the

Court - not the parties - to take the necessary decision" (Questions qf
lnterpretation and Application qf'the 1971 Montreal Corzventionurising
,fTom the Aericil Incident ut Lockerhie (Lihyun Aruh Jurnuhiriya v. United
Kingclorn), I.C.J. report.^ 1988, p. 36, para. 11).

A contrario, the Court would risk, in a matter which is rutio legis
proper of the Court's existence, bringing itself into the position of a pas-
sive observer, who only takes cognizance of the arguments of the parties
and, then, proceeds to the passing of a decision.
4. The other function is associated with equalization in the part which

is concerned with the relations between the Applicant and those respon-
dent States which have no national judges on the Bench.
The respondent States having no judge of their nationality on the
Bench have chosen, in the usual procedure, their judges ad hoc (Belgium,
Canada, ltaly and Spain). Only Portugal has not designated its judge ud

hoc. The Applicant successively raised objections to the appointment of
the respondent States' judges ud hoc invoking Article 31, paragraph 5,of
the Statute of the Court. The responses of the Court with respect to this
question invariably contained the standard phrase "that the Court . ..
Sound that the choice of a judge ud hoc by the Respondent is justified in

the present phase of the case".
Needless to say, the above formulation is laconic and does not offer
sufficient ground for the analysis of the Court's legal reasoning. The only
element which is subject to the possibility of teleological interpretation
is the qualification that the choice of a judge ud lzoc is "justified in the
present phase of the case". A contrurio, it is, consequently, possible that

such an appointment of a judge ud hoc would 'bot be justified" in some
other phases of the case. The qualification referred to above could be
interpreted as the Court's reserve with respect to the choice of judges ud
hoc. by the respondent States, a reserve which could be justifiable on
account of the impossibility for the Court to perceive the nature of their

interest - whether it is the "same" or "separate" - before the parties set
out their positions on the case.
The meanings of equalization as a rutio lrgis institution of judges ud LICÉITÉ DE L'EMPLOI DE LA FORCE (OP. DISS. KRECA) 954

n'a soulevéaucune objection au cas de figure qui se présentait et qui était
que cinq Etats défendeurs, pas moins, comptaient un juge de leur natio-
nalité sur le siège. Mais iln'est certainement pas possible de considérer

que ce cas de figure ôte toute pertinence à la question, mêmesi la Répu-
blique fédéralede Yougoslavie a tacitement admis une telle dérogation
flagrante à la lettre et à l'esprit de l'article 31,paragraphe 2,du Statut.
La Cour a, quant à elle. l'obligation de prendre en considération, ès
qualité, cette question qui est à ce point cruciale. qui découle directement
de l'égalitédes parties et, à l'inverse, qui risque en outre de porter direc-

tement et sensiblement atteinte à l'égalitédes parties. La Cour est le gar-
dien de la légalitépour les parties. et, à cette fin, seule est valable la
prrclurnptiojrrris et tic jur~- il faut savoir le droit (jura 17ovitcuriu).
Comme l'ont dit trois membres de la Cour, MM. Bedjaoui, Guillaume et
Ranjeva. dans la déclaration commune qu'ils ont faite dans I'affaire Loc-
krrbic: «il appartient à la Cour et non aux parties de prendre la décision

requise)) (Questiorzs d'intcrprPtutior?cJtd'upplicutior7de la coniviztiorz t/e
Moi~trc;u/ (lc1971 rc;sultuntdcjI'inc~idrrilrc;rirndo Lockrrbie (Jurrru/~irij~c~
clrobe libj~cnrzec..Rojuurnr- Uni), C. I.J. Rccuril 1998, p. 36, par. 11).
A contrclrio. la Cour risquerait, alors que la question relèvevéritable-
ment de sa raison d'être,de se cantonner dans l'attitude de l'observateur
passif, qui se contente de prendre connaissance des thèses des parties,

puis se prononce.
4. Le second élémentà étudier est celui du rétablissement de l'égalité
dans les relations entre le demandeur et les Etats défendeurs qui ne
comptent pas de juge national sur le siège.
Les Etats défendeurs ne comptant pas de juge national sur le siègeont,
suivant la procédure habituelle, désignéun juge ud hoc.de leur choix (Bel-

gique. Canada, Espagne et Italie). Seul le Portugal n'a pas désignédejuge
ut/ Iloc. Le demandeur a successivement houlevédes objections à la dési-
gnation de ces juges uclIloc.des Etats demandeurs en invoquant le para-
graphe 5 de l'article 31 du Statut de la Cour. Chaque fois, la Cour a
répondu par la formule habituelle: «La Cour, ... est parvenue à la
conclusion que la désignation d'un juge (rdlzoc par [le défendeur] se jus-

tifiait dans la rése entewhase de l'affaire)).
Certes, la formule est laconique, trop peu détailléepour permettre
d'analyser le raisonnement juridique suivi par la Cour. Le seul élément
qui se prêteà une interprétation téléologiqueest le membre de phrase ser-
vant à qualifier la désignation d'un juge tld Iloc.,laquelle serait «justifi[ée]
dans la présente phase de l'affaire)). 11 contr,urio,il est donc possible que

cette désignation de juges trd hoc ne soit «pas justifiée))dans certaines
autres phases de I'affaire. Cette qualification peut s'interpréter comme
une réserve,de la part de la Cour, quant à la désignation de juges ucl/!oc
par les Etats défendeurs, réservequi s'expliquerait par l'impossibilitéoù
se trouverait la Courde voir, avant qu'elles définissentleur position, quel
est l'intérêdt es parties- font-elles ou non cause commune?

Le sens à donner au rétablissement de l'égalitéentre les parties,hoc, in the case concerning the Applicant and respondent States which
are parties in the same interest, and which do not have a judge ad hoc of
their nationality on the Bench, have been dealt with in the practice of the
Court, in a clear and unambiguous manner.

In the South West Africa case (1961) it was established that, if neither

of the parties in the same interest has a judge of its nationality amongthe
Members of the Court, those parties, acting in concert, will be entitled to
appoint a single judge ud hoc (South West Africu, 1.C. J. Reports 1961,
p 3).
If, on the otherhand, among the Members of the Court there is ajudge
having the nationality of even one of those parties, then no judge ad hoc

will be appointed (Territorial Juri.~dictionof the Interrzutionul Comniis-
sion of the Riva Oder, P. C.1.J., Series C. No. 17-11, p. 8; Customs
Rkgime het,iven Gernzurzy ut~d Au~triu, 1931. P.C.1. J., Srries AIB,
No. 41, p. 88).
This pefictly c,oherrntjurisprudence of the Court upplied to tlzispar-
ticulur case meuns thut nonr of' thc respondent Stutes ivere entitled to
uppoint a judge ad hoc.

Consequently, it may be said that in the present case neither of the two
basic functions of the institution of judged lioc has been applied in the
composition of the Court in a satisfactory way. In my opinion, it is a
question of the utmost specific weight in view of the fact that, obviously,
its meaning is not restricted to the procedure, but that it may have a Far-
reaching concrete meaning.

II. HUMANITARIA CNONCERN IN THISPARTICULA CRASE

5.Humanitarian concern, as a basis for the indication of provisional
measures, has assumed primary importance in the more recent practice of
the Court.
Humanitarian concern has been applied on two parallel tracks in the
Court's practice:

(a) In respect ofthe individuul

In this regard the cases concerning LuCrund (Gertnuny v. United
States of Atnericu) and the Virnna Convrntior~orz Consulur Re1r11ion.s
(Puruguuy v. United Sturrs of'Arnericu) are characteristic.
In both cases the Court evinced the highest degree of sensibility for the
humanitarian aspect of the matter, which probably fouiid its full expres-

sion in the part of the Application submitted by Germany on 2 March
1999 :
"The importance and sanctity of an individual human life are well

established in international law. As recognized by Article 6 of the
International Covenant on Civil and Political Rights, every human LICÉITÉ DE L'EMPLOI DE LA FORCE (OP.DISS.KRECA) 955

puisque c'est laraison d'êtrede l'institution du juge ad hoc dans le cas de
figure où le demandeur et les Etats défendeurs qui font cause commune
ne comptent pas de juge ad hoc de leur nationalité sur le siège,a étédéfini
dans la pratique de la Cour de façon très claire, sans la moindre ambi-
guïté.

Dans l'affaire du Sud-Ouest africuin (1961), il a été décique, au cas
où ni l'une ni l'autre des Parties faisant cause commune ne compterait de
juge de sa nationalité sur le siège,lesdites Parties auraient la faculté de
désigner d'un commun accord un seul juge ad hoc (Sud-Ouest uflicuin,
C.1.J. Recueil 1961, p. 3).
Si. en revanche, la Cour compte parmi ses membres un juge ayant la

nationalité d'une des parties, ne serait-ce que de l'une d'elles, il ne sera
pas désignéde juge ud hoc (Juridiction territoriulc>de la Cotnnlission
internutionul~~de l'Oder, C.P.J.1. série C no 17 (II), p. 8; Rigirnr
douanier entre I'Allernugne et l'Autriche, 1931, C.P.J.I. skrie AIB n41,
p. 88).
Si l'on applique ù la présente instancecette jurisprudence parfuiternent

cohérente.de la Cour, aucun des Etuts défencleursn'étuithubilitt; a dki-
gner unjuge ad hoc.
On peut donc dire qu'en l'espèce, nil'une ni l'autre des deux fonctions
élémentairesde l'institution du juge ad hoc n'aétéremplie de façon satis-
faisante du point de vue de la composition de la Cour. A mon sens, la

question revêtun intérêttout particulier parce que, manifestement, son
importance ne se limite pas à la procédure et pourrait avoir une portée
concrète de très grande ampleur.

II. LE PRORLÈME HUMANITAIRE EN L'ESPÈCE

5. Les problèmes humanitaires en tant que motif d'indication de me-

sures conservatoires revêtent uneimportance primordiale dans la pra-
tique la plus récente de la Cour.
En la matière, la Cour suit deux voies paralléles:

a) L'intCrétparticulier de lu personne

A cet égard, l'affaire LuCrund (Allrrnugne c. Etuts- Unis d'Arnériqur)
et l'affaire relative à la Convention de Vienne sur les relutions con.sukaircs
(Puruguay c. Etuts- Unis d'Arn6rique) sont caractéristiques.
Dans les deux affaires, la Cour s'est montrée extrêmement sensible à
l'aspect humanitaire de la question à examiner, ce qu'exprime probable-

ment au mieux la requêteprésentéepar l'Allemagne le 2 mars 1999:

((L'importance et le caractère sacré de la vie humaine sont des

principes bien établis du droit international. Comme le reconnaît
l'article 6 du pacte international relatif aux droits civils et politiques, being has the inherent right to life and this right shall be protected

by law." (LaCrund (Gernzuny v. United States qf America), Provi-
sionul Meusures, Ordcr of3 Murch 1999, 1.C. J. Reports 1999, p. 12,
para. 8).

The following day, the Court already unanimously indicated provisional
measures because it Sound that in question was "a matter of the greatest
urgency" (ibicl.p. 15, para. 26), which makes it incumbent upon the

Court to activate the mechanism of provisional measures in accordance
with Article 41 of the Statute of the Court and Article75. paragraph 1,of
the Rules of Court in order: "to ensure that Walter LaGrand is not
executed pending the final decision in these proceedings" (ihid., p. 16,
para. 29).
Almost identical provisional measures were indicated by the Court in

the dispute between Paraguay and the United States of America which
had arisen on the basis of the Application submitted by Paraguay on
3 April 1998. On the same day, Paraguay also submitted an "urgent
request for the indication of provisional measures in order to protect its
rights" (Vietznu Convetltion on Cotzsulur Relations (Priruguuy v. United
Stcrtes oj Amrrica), Order of 9 April 1998, 1. C.J. Reports 1998, p. 251.

para. 6). As early as 9 April 1998 the Court unanimously indicated pro-
visional measures so as to: "ensure that Angel Francisco Breard is not
executed pending the final decision in these proceedings" (ihid. p. 258,
para. 41).
Itis evident that humanitarian concern represented an aspect which
brought about unanimity in the Court's deliberations. This is clearly
shown not only by the letter and spirit of both Orders in the above-

entioned cases, but also by the respective declarations and the separate
opinion appended to those Orders. In the process, humanitarian consid-
erations seem to have been sufficiently forceful to put aside obstacles
standing in the way of the indication of provisional measures. In this
respect, the reasoning of the Court's senior judge, Judge Oda, and that of
its President, Judge Schwebel, are indicative.

In paragraph 7 of his declaration appended to the Order of 3 March
1999 in the case concerning LuGr~intl (Grrt?zunj. v. Unitcd Stutes of'
Americu), Judge Oda convincingly put forward a series of reasons of a
conceptual nature which explained why he "formed the view that, given
the fundamental nature of provisional measures. those measures should
not have been indicated upon Germany's request". But, Judge Oda goes

on to "reiterate and emphasize" that he "voted in favour of the Order
solely for humanitarian reasons" (1.C. J. Rc~ports1999, p. 20).
President Schwebel, in his separate opinion, has not explicitly stated
humanitarian considerations as the reason that guided him in voting for
the Order: however, it is reasonable to assume that those were the only
considerations which prevailed in this particular case in view of his
"profound reservations about the procedures followed both by the

Applicant and the Court" (LuGrcind (Grr~nuq. v. Unitrd Stutc..~of' LICÉITE DE L'EMPLOI DE LA FORCE (OP. DISS. KRECA) 956

le droit à la vie est inhérent à la personne humaine et ce droit doit

êtreprotégépar la loi.)) (L~~Grund(Allemugne c. Etuts-Unis d'Ami.-
ri(jucl), n7rsur<.onser.iwtoire~,rc1onnanc.edu 3 murs 1999, C.I. J.
Recueil 1999, p. 12, par. 8.)

Dès le lendemain, iil'unanimité, la Cour a indiqué des mesures conser-
vatoires parce que les circonstances exigeaient qu'elle les ((indique)) de
toute urgence (ihid, p. 15, par. 26), de sorte qu'il lui incombait de mettre

en train le mécanisme voulu conformément à l'article 41 de son Statut et
de l'article 75, paragraphe 1,de son Règlement. ((pour que M. Walter
LaGrand ne soit pas exécutétant que la décisiondéfinitiveen la présente
instance n'aura pas été rendue)) (ihid, p.16.par. 29).

La Cour a indiqué des mesures conservatoires quasiment identiques
dans le différendopposant le Paraguay et les Etats-Unis d'Amérique ila

suite de la requêteprésentéepar le Paraguay le 3 avril 1998. Le même
jour, le Paraguay a égalementprésenté«une demande urgente en indica-
tion de mesures conservatoires à l'effet de protéger ses droits)) (Convn7-
riori (le Vicntie sur. les rc1ution.r consuluir(Puruguuy c.. Etrrts-Unis
d'Arnériquc~)o, vdonnance du 9 uvril 1998, C.I.J. Rrc.ueil 1998, p. 251,
par. 6).Et dès le 9 avril 1998, à l'unanimité, la Cour a indiquédes me-
sures conservatoires «pour que M. Angel Francisco Breard ne soit pas

exécutétant que la décision définitive enla présente instance n'aura pas
étérendue)) rihici.,p. 258, par. 41).
IIest évidentque c'est à cause de l'aspect humanitaire du problème que
l'unanimité a étéréaliséeau sein de la Cour. On en voit clairement la
preuve non seulement dans la lettre et l'esprit des deux ordonnances ren-
dues dans ces deux affaires, mais aussi dans les déclarations ainsi que
dans l'opinion individuelle qui leur ont étéjointes. En l'occurrence, les

considérations humanitaires ont été,semble-t-il, assez fortes pour lever
les obstacles qui s'opposaient à l'indication de mesures conservatoires. Le
raisonnement du doyen de la Cour, M. Oda, et celui de son président,
M. Schwebel, sont significatifs.
Au paragraphe 7 de la déclaration qu'iljoint à l'ordonnance du3mars
1999 dans l'affaire LuCrund (Allenlugne c. Etuts- Utlis d'Arnkriquej,
M. Oda énoncede façon convaincante une sériede motifs d'ordre théo-

rique qui l'«ont conduit A penser qu'il n'y avait pas lieu d'indiquer les
mesures conservatoires demandéespar l'Allemagne, eu égardau caractère
fondamental de telles mesures)). Mais, M. Oda tient ii<(rappel[er]avec
force [que s'il a] votéen faveur de l'ordonnance, c'est uniquement pour
des motifs humanitaires)) (C.I.J. Rt~curil1999. p. 20).
Dans son opinion individuelle, le président de la Cour, M. Schwebel,
n'a pas expressément déclaréqu'il s'était inspirde considérations huma-
nitaires pour voter en faveur de l'ordonnance, mais il est raisonnable de

penser que ce sont les seules considérations qui ont prévalu en l'espèce,
puisqu'il avait ((de profondes réservesquant à la manière de procéder
tant de la Partie requérante que de la Cour)) (LuCrund iAllc~ir~u~~iioAmericu), Provisional Meusures, Order of 3 Murch 1999, 1.C.J. Reports
1999, p. 22).
As far as the Applicant is concerned:

"Germany could have brought its Application years ago, months
ago, weeks ago or days ago. Had it done so, the Court could have
proceeded as it has proceeded since 1922 and held hearings on the
request for provisional measures. But Germany waited until the eve
ofexecution and then brought its Application and request for pro-
visional measures, at the same time arguing that no time remained to
hear the United States and that the Court should act proprio motu."

(Ibid.)
The Court, for its part, indicated provisional measures, as President
Schwebel put it, "on the basis only of Germany's Application".

(b) In respect of u group of indivirluuls or the populution us u consti-
tutive element of the Stute

The protection of the citizens emerged as an issue in the case concern-
ing Military und Purumilitary Activities in und aguinst Nicuruguu (Nicu-

raguu v. United States of Amrricu) :
"In its submission, Nicaragua emphasized the death and harm
that the alleged acts had caused to Nicaraguans and asked the Court

to support, by provisional measures, 'the rights of Nicaraguan citi-
zens to life, liberty and security'." (R. Higgins, "Interim Measures
for the Protection of Human Rights", in Politics, Vulues und Func-
tions, lnternutionul Luit, in the 21st C~~ntury,1997,Charney, Anton,
O'Connell, eds., p. 96).

In the Fronti~r Dispute (Burkinrr FusolRepuhlic of Mali) case, the
Court found the source for provisional measures in:

"incidents . .. which not merely are likely to extend or aggravate the
dispute but comprise a resort to force which is irreconcilable with
the principle of the peaceful settlement of international disputes"
(Frontier Dispute, Proi~isionulMeasures, Order of 10 Junuury 1986.

I.C.J. Reports 1986, p. 9, para. 19).
Humanitarian concern in this particular case was motivated by the risk
of irreparable damage :

"the facts that have given rise to the requests of both Parties for the
indication of provisional measures expose the persons and property
in the disputed area, as well as the interests of both States within

that area, to serious risk of irreparable damage" (ihid, p. 10,
para. 21).c. Etuts- Unis d'Amérique), mesures conseri~atoires.ordonnunce ilu 3 murs
1999, C.IJ. Recueil 1999, p. 22).
Et, en ce qui concerne le demandeur, M. Schwebel a dit ceci:

((L'Allemagneaurait pu présentersa requêtedes années, desmois,
des semaines, voire quelques jours plus tôt. L'eût-elle fait, la Cour
eut pu procédercomme elle le fait depuis 1922et tenir des audiences
sur la demande en indication de mesures conservatoires. Mais I'Alle-

magne a attendu la veillede l'exécutionpour présentersa requête et
sa demande en indication de mesures conservatoires, en faisant
valoir par la mêmeoccasion que la Cour n'avait plus le temps
d'entendre les Etats-Unis et devrait agir d'office.))(Ibid.)
De son côté, la Cour a indiqué des mesures conservatoires en

s'appuyant, comme le dit M. Schwebel, présidentde la Cour, <<exclusive-
ment» sur la requêtede l'Allemagne.

b) L'int4r6t collectij'd'un groupe ou d'une populutior~en tunt qu'klkment
c,onstitutif'de I'Eiut

La protection de la population nationale est devenue question litigieuse
dans l'affaire relative aux Activités milituires et parumi1iraire.suu Nicu-
raguu et à l'encontre de celui-ci (Nicurugua c. Etuts-Unis d'Amérique):

((Dans sa conclusion, le Nicaragua a insistésur les morts, sur les
dommages que les actes alléguésont causéschez les Nicaraguayens
et a demandé à la Cour de soutenir, au inoyen de mesures conser-
vatoires.<<lesdroitsdes citoyensnicaraguayens à la vie,à la libertéet
à la sécurité».»(R. Higgins, ((Interim Measures for the Protection
of Human Rights)), dans Charney, Anton, O'Connel1 (dir. publ.),
Politics. Vulu~s ancl Functions, Internutionul Luit, in the 21st Cen-
turj: 1997,p. 96).

Dans l'affaire du DifjZrenrl ,fiontulier (Burkina FusolRkp~rhliqiie L/L~
Muli), la Cour, pour indiquer des mesures conservatoires, s'est fondée
sur des:

((incidentsqui, non seulement sont susceptiblesd'étendreou d'aggra-
ver le différend, maiscomportent un recours àla force inconciliable
avec le principe du règlement pacifique des différends internatio-
naux » (Difprrnd ,frontalier.. mrsurcs conscri~utoirr.~,rdonnance (lu
10jrirzvic~r1986, C.IJ. Rrcueil 1986. p. 9, par. 19).

En l'espèce.la préoccupation humanitaire étaitmotivéepar le risque de
préjudiceirréparable :

«les faits qui sontà l'origine des demandes des deux Parties en indi-
cation de mesures conservatoires exposent les personnes et les biens
se trouvant dans la zone litigieuse, ainsi que les intérêtsdes deux
Etats dans cette zone. à un risque sérieuxde préjudiceirréparable))
(ihitL,p. 10.par. 21).958 LEGALITY OF USE OF FORCE (DISS. OP. KRECA)

It can be said that in the cases referred to above, in particular those in
which individuals were directly affected, the Court formed a high stand-
ard of humanitarian concern in the proceedings for the indication of
interim measures, a standard which commanded sufficient inherent

strength to brush aside also some relevant, both procedural and material.
rules governing the institution of provisional measures. Thus, humanitar-
ian considerations, independently from the norms of international law
regulating human rights and liberties, have, in a way, gained autonomous
legal significance; they have transcended the moral and philanthropie

sphere, and entered the sphere of law.

6. In the case at hand, it seems that "humanitarian concern" has lost
the acquired autonomous legal position. This fact needs to be stressed in
view of the special circumstances of this case.
Unlike the cases referred to previously,"humanitarian concern" has as

its object the fate of an entire nation, in the literal sense. Suahconclu-
sion may be inferred from at least two elements:

- pritno, the Federal Republic of Yugoslavia and its national and eth-
nie groups have been subjected for more than two months now to con-
tinued attacks of a very strong, highly organized air armada of the most
powerful States of the world. The aim of the attack is horrifying, judging
by the words of the Commander-in-Chief, General Wesley Clark, and he

ought to be believed:

"We're going to systematically and progressively attack, disrupt,
degrade, devastate, and ultimately, unless President MiloseviCcom-
plies with the demands of the international community, we're going
to completely destroy his forces and their facilities and support."
(BBC News, http://1iews.bbc.co.uk1eng1ish1static.NAT0gal1ery/air
default.stmll4 May 1999.)

"Support" is interpreted, in broad terms, extensively; to the point
which raises the question of the true object of the air attacks. In an
article entitled "Belgrade People Must Suffer" Michael Gordon quotes
the words of General Short that he "hopes the distress of the public
will, must undermine support for the authorities in Belgrade" (Intcrnutionul
flcrrrltl Tributle. 16 May 1999,p. 6)and he continued:

"1 think no power to your refrigerator, no gas to your stove, you

can't get to work because bridge is down - the bridge on which you
held your rock concerts and you al1 stood with targets on your
heads. That needs to disappear at three o'clock in the morning."
(Ihid.)

Tliat these are not empty words is testified to by destroyed bridges, powerOn peut dire que, dans les affaires évoquéesci-dessus, en particulier celles
dans lesquelles des individus étaient directement concernés, la Cour s'est

appuyée sur une norme humanitaire supérieure dans le cadre de la pro-
cédureen indication de mesures conservatoires. une norme qui avait suf-
fisamment de force intrinsèque pour que I'on déroge à certaines règles
pertinentes, règles de procédure et règles de fond, qui régissentl'institu-
tion des mesures conservatoires. En somme, les considérations humani-

taires, indépendamment des normes du droit international qui règlent les
droits de l'homme et ses libertés,ont en quelque sorte acquis un rôle juri-
dique autonome; ces considérations ont désormais franchi les limites du
domaine moral et philanthropique pour entrer dans le domaine du droit.
6. En l'espèce,ilsemble pourtant que la préoccupation ((humanitaire))

ait perdu l'autonomie acquise sur le plan juridique. Vu les circonstances
particulières de l'instance, il convient de s'arrêtersur ce fait.
A la différence des affaires évoquées précédemment,le ((problème
humanitaire)) porte ici, littéralement, sur le sort de toute une nation.
Nous aboutissons à cette conclusion à partir de deux élémentsau moins:

En premier lieu, la République fédéralede Yougoslavie et ses groupes
nationaux et ethniques sont soumis depuis plus de deux mois iiprésent

aux attaques constantes d'une armada aérienne très forte, extrêmement
organisée,appartenant aux Etats les plus puissants du monde. La finalité
de cette attaque a de quoi horrifier, si I'on enjuge par les paroles du com-
mandant en chef, le généralWesley Clark, et iln'y a pas lieu dedouter de
ce qu'il dit:

((Systématiquement et progressivement, nous allons attaquer,
ébranler, dégrader, dévaster, et finalement, sauf si le président

Milosevic se lie aux exig"nces de la coinmunauté internationale.
nous allons détruire intégralement ses forces armées et leur ôter
toutes leurs infrastructures et toutes leurs bases de soutien)) (BBC
News, http:llneir~h.hc.(.o.uklcnglishlstuNAc.TOgulI~~~luir~fuuIt.stnil
14 mai 1999).

En l'occurrence, le terme <<soutien»revêtun sens très large, au point
que I'on peut se demander quel est vraiment l'objet des attaques

aériennes. Dans un article intitulé «La population de Belgrade doit
souffrir)), Michael Gordon cite le généralShort qui dit «espérer que la
détresse de la population va saper, qu'elle doit saper, le soutien dont
bénéficient lesautorités de Belgrade)) (Intcrnutionc~l Heruld Trib~~nc.,
16 mai 1999. p. 6) et ilpoursuit:

«II n'y aura plus d'électricitépour votre frigo, plus de gaz pour

votre cuisinière, vous ne pourrez plus aller au travail parce que le
pont est démoli - ce pont sur lequel vous avez organisévos concerts
rock et sur lequel vous vous êtesmassés avecdes cibles sur la tête.
Tout cela disparaît i 3 heures du matin. >)(Ihid )

Il ne s'agissait pas là de paroles en l'air. comme en témoignent lesplants without which there is no electricity, water supply and production
of foodstuffs essential for life; destroyed roads and residential blocks and
family homes; hospitals without electricity and water and, above all,
human beings who are exposed to bombing raids and who, as is rightly

stressed in the Application in the LaCrailu'(Gerinany v. United States of
Americu) case, have the "inherent right to life" (International Covenant
on Civil and Political Rights, Art. 6), whose importance and sanctity are
well established in international law. In the inferno of violence, they are
but "collateral damage".

- secundo, the arsenal used in the attacks on Yugoslavia contains also
weapons whose effects have no limitations either in space or in time. In
the oral proceedings before the Court, the Agent of the United States
explicitly stressed that depleted uranium is in standard use of the United
States Army (CR 99/24, p. 21).

The assessment of the effects of depleted uranium should be left to
science. The report by Marvin Resnikoff of Radioactive Management
Associates on NMI elaborated upon these effects:
"Once inhaled, fine uranium particles can lodge in the lung alveo-
lar and reside there for the remainder of one's life. The dose due to

uranium inhalation is cumulative. A percentage of inhaled particu-
lates may be coughed up, then swallowed and ingested. Smoking is
an additional factor that needs to be taken into account. Since
smoking destroys the cilia, particles caught in a smoker's branchial
passages cannot be expelled. Gofman estimates that smoking
increases the radiation risk by a factor of 10. Uranium emits an
alpha particle, similar to a helium nucleus, with two electrons
removed. Though this type of radiation is not very penetrating, it
causes tremendous tissue damage when internalized. When inhaled,
uranium increases the probability of lung cancer. When ingested,
uranium concentrates in the bone. Within the bone, it increases

the probability of bone cancer, or, in the bone marrow, leukemia.
Uranium also resides in soft tissue, including the gonads, increasing
the probability of genetic health effects, including birth defects and
spontaneous abortions. The relationship between uranium ingested
and the resultant radiation doses to the bone marrow and specific
organs .. .are listed in numerous references.

The health effects are also age-specific. For the same dose, chil-
dren have a greater likelihood than adults of developing cancer."
(Uranium Butflqfields Honw & Ahroud: Dvpleted Uranium Use by
tlie U.S. Depurfmrtzt qf' Drfi.n.sr, Rural Alliance for Military

Accountability ul..March 1993.pp. 47-48.)
A scientific analysis of the concrete effects of armed operations against LICÉITÉ DE L'EMPLOIDE LA FORCE (OP. DIS. KRECA) 959

ponts démolis, la disparition de centrales électriques, de l'adduction
d'eau, des productions alimentaires indispensables a la vie; comme en

témoigne la destruction de routes, d'immeubles résidentiels, de maisons
d'habitation unifamiliales; comme en témoignent les hôpitaux privés
d'électricitéet d'eau et, par-dessus tout, ces êtres humains qui sont
exposés aux bombardements et qui, comme le disait si bien la requête

dans l'affaire LuGrund (Allemagne c. Etuts-Unis d'Amérique), ont un
adroit a la vie inhérent a la personne humaine))(pacte international rela-
tif aux droits civils et politiques, art.,dont l'importance et le caractère
sacrésont des principes bien établisdu droit international. Dans l'enfer
de la violence, ce ne sont plus là que des «dommages collatéraux».

En second lieu, l'arsenal qui sert aux attaques lancéescontre la You-
goslavie contient certaines armes dont les effets sont quasi illimitésdans
l'espace et dans le temps. Au cours de la procédure orale, l'agent des
Etats-Unis a nettement préciséque l'uranium appauvri est régulièrement
utilisépar l'arméedes Etats-Unis (CR 99/24, p. 17).

Il convient de laisser les scientifiques évaluer les effets de l'uranium
appauvri. Le rapport de Marvin Resnikoff, qui travaille pour Radio-
active Management Associates (NMI) dit quels sont ces effets:

«Une fois inhalées,de fines particules d'uranium peuvent se loger
dans les alvéolesdu poumon et y rester jusqu'à la fin de votre vie. La
dose inhalée est cumulative. Une certaine fraction des a articules
inhalées peut êtreexpectorée puis avaléeet ingérée.Si l'intéressé

fume. il faut nrendre cet élément enconsidération. Comme fumer
détruit les franges ciliaires, les particules capturées dans les passages
bronchiques du fumeur ne peuvent pas êtreexpulsées.Gofman estime
que, chez les fumeurs, le risque dû à l'irradiation est ainsi multiplié
par dix. L'uranium émetune particule alpha, analogue i un noyau

d'héliumamputé de deux électrons. Les rayonnements de ce type ne
pénètrent pastrèsprofondément, mais, une fois à l'intérieurdu corps,
ils causent beaucoup de dommages aux tissus. Quand il est inhalé,
l'uranium accroît les probabilités de cancer du poumon. Quand il est
ingérél,'uranium se concentre dans les os. A l'intérieurdes os, il aug-

mente les probabilités de cancer des os, ou bien, dans la moelle, les
probabilités de leucémie.L'uranium résideaussi dans les tissus mous,
y compris les gonades, ce qui accroît les probabilités de conséquences
génétiques,sous forme notamment d'anomalies génétiqueset d'avor-

tements spontanés. Le rapport qui existe entre l'uranium ingéréet les
doses d'irradiation qui en résultent pour la moelle osseuse et certains
organes ...figurent dans beaucoup d'étudescitéesen référence.
-~s effets de l'uranium sur la santé sont égalument fonction de
l'âge.Pour une mêmedose. l'enfantcourt de plus grands risques de can-

cer que l'adulte.)) (UrlrniurnB<rttlrjcltlsHon~r & Abrou~l: Deplrtc~l
Urunium Usr by rlre U.S. Depurtn~entof'Lkfonse, Rural Alliance for
Military Accountability. et al., mars 1993,p. 47-48.)

L'Office fédéral allemandde l'environnement (Umweltbundesamt) a pré-Yugoslavia has been presented by Umweltbundesamt (UBA). The essen-
tials of the expertise are as follows' :

[Translation bjl the Registry]

"The longer the war in Yugoslavia lasts, the greater the risk of
long-term damage to the environment. Such damage threatens to
extend beyond national frontiers, and it may no longer be possible

fully to make it good. The Federal Environmental Agency [Umwelt-
bundesamt (UBA)] comes to this conclusion in an interna1 paper
examining the ecological consequences of the war in Yugoslavia,

prepared for the meeting of European Environment Ministers at the
beginning of May in Weimar. Catastrophes 'like Seveso and Sandoz'
are, in the opinion of the Agency, 'a perfectly probable damage sce-
nario'.

"Je langer der Krieg in Jugoslawien dauert, desto grosser wird die Gefahr von
langfristigen Schadigungen der Umwelt. Diese drohen sich über die Landesgrenzen
hinaus auszubreiten und konnen moglicherweise nicht mehr vollstandig beseitigt wer-
den. Zu dieser Einschatzung kommt das Umweltbundesamt (UBA) in einem internen
Papier. das sich mit den okologischen Auswirkungen des Krieges in Jugoslawien
befasst und für die Vorbereitung des Treffens europaischer UmweltministerAnfang
Mai in Weimar erstellt wurde. Katastrophen 'wie Seveso und Sandoz' sind nach
Ansicht des Amtes 'ein durchaus wahrscheinliches Schadensszenario'.

Umweltgifte, die nach Zerstorungen von Industrieanlagen austreten. konnten sich
weiter ausbreiten. 'BeiSicherstellung sofortigen Handelns. das unter Kriegsbedingun-
een aber unmoelich ist. bleibt die Wirkung dieser Umweltschadieuneen lokal
cegrenzt. ange ; erzogerungen führen zu eynem übertritt der ~chaldsttffe in die
Schutzgüter Boden. Grund-und Oberflichenwasser. erhohen das Gefahrdungso-.en-
tial fü;den Menschen und den Sanierungsaufwand betrachtlich.'
Diese Folgen müssen nicht auf Jugoslawien beschrankt sein. Schadstoffe aus
Grossbranden konnten grenzüberschreitend verteilt werden. Weiter heisst es in dem
Papier: 'Die Einleitung der Gefahrstoffe in Oberflachenwasser kann zur weitraumi-
gen Schadigung der Okosysteme führen. Die Deposition von Gefahrstoffen in Boden
kann je nach Eigenschaft der Stoffe und Boden zu langanhaltenden Versuchungen
mit weitgehenden Nutzungseinschrankungen führen.'
Die Gefahr einer 'tiefgreifenden Zerstorung wesentlicher Bestandteile vonrink-
wasserversorgungssystemen' sei für mittlere und grosse Stadte sowie Ballungsgebiete
am grossten. Schon geringe Mengen von Substanzen der petrochemischen Industrie
konnten 'grosse Grundwasservorrate unbrauchbar machen'.
Wie gefahrlich die freigesetzten Stoffe insgesamt sind. liisst sich nach Ansicht der
UBA-Euperten nur schwer abschiitzen. 'weildurch die Zerstorung ganzer Industrie-
komplexe Mischkontaminationen verschicdenster Schadstoffe gebildet werden'. die
noch wenig erforscht seien. Noch komplizierter sei die Beurtcilung von Umwelt-
schiden durch Braiide und Euplosionen. 'Hier lrcten bezogen a~ifSchadstoffin~entar
und Ausbrcituiig weit weniger kalkulierbiire. Lum Te11grossfliichige Uiiiwcltschidi-
gungen eiii.'
Die Verbrenn~ingsprodiikte scien '7umTeil hoch toxisch und k2inzerogen'.Jc nach
klimatischen Betlingungcn kcinne es 'ziicincr grosstlicliigcn Verteilung ciiescrStoffe'
konimcn. 'die einc vollstiiridige Beseitig~iiignahezii iinmoglich in. . .
Die Wechselwirkuiigen lier Produktc niit deil ciiiyraetztcn W~it'iürften 'vollig
iinbckannt' sein." (TAZ.Bit,Trr,q<~.rz~~itr~q.lii20 May 1999.) LICEITÉ DE L'EMPLOI DE LA FORCE (OP. DISS. KRECA) 960

senté une analyse scientifique des effets concrets imputables aux opéra-
tions armées contre la Yougoslavie. Ce rapport d'expert dit essentielle-

ment ceci [:
(Traducri dounGreffe]

<<Plus la guerre en Yougoslavie dure et plus le risque de dommages

à long terme à l'environnement s'aggrave. Cesdommages menacent de
s'étendre au-delà des frontières dela Yougoslavie et peut-êtreest-il
déjàtrop tard pour qu'on puisse les éradiquer.C'est à cette conclusion
que parvient l'Officefédéraa lllemand de l'environnement (Utnii'eltbun-

desunl drans un document interne examinant les conséquencespour
l'environnement de la guerre en Yougoslavie, établi en vue de la
réunion des ministres européens de l'environnement début mai à

Weimar. Des catastrophes du type de celles de Seveso et de Sandoz
constituent, selon l'Office,«un scénario éminemmentprobable)).

«Je langer der Krieg in Jugoslawien dauert, desto grosser wird die Gefahr von lang-
fristigen Schadigungen der Umwelt. Diese drohen sich über die Landesgrenzen
hinaus auszubreiten und konnen moglicherweise nicht mehr vollstandig beseitigt wer-
den.Zu dieser Einschatzung kommt das Umweltbundesamt (UBA) in einem internen
Papier. das sich mit den okologischen Auswirkungen des Krieges in Jugoslawien
befasst und fiir die Vorbereitung des Treffens europaischer Umweltminister Anfang
Mai in Weimar erstellt wurde. Katastrophen 'wie Seveso und Sando7' sind nach
Ansicht des Amtes 'ein durchaus wahrsclieinliches Schadensszenario'.

.....................................
Umweltgifte, die nach Zerstorungen von Industrieanlagen austreten. konnten sich
weiter ausbreiten. 'Bei Sicherstellung sofortigen Handelns, das unter Kriegsbedin-
gungen aber unmoglich ist, bleibt die Wirkung dieser Umweltschadigungen lokal
begrenzt. Langere Verzogerungen führen zu einem übertritt der Schadstoffe in die
Schutzgüter Boden, Grund- und Oberflachenwasser. erhohen das Gefahrdungspoten-
tial für deil Menschen und den Sanierungsaufwand betrachtlich.'
Diese Folgen müssen nicht auf Jugoslawien beschriinkt sein. Schadstoffe aus
Grossbranden konnten grenzüberschreitend verteilt werden. Weiter heisst es in dem
Papier: 'Die Einleityg der Gefahrstoffe in Oberflachenwasser kann zur weitraumi-
gen Schiidigung der Okosysteme führen. Die Deposition von Gefahrstoffen in Boden
kann je nach Eigenschaft der Stoffe und Boden zii langanhaltenden Versuchungen
mit weitgehenden Nutzungseinschriinkungen führen. '
Die Gefàhr einer 'tiefgreifenden Zerstorung wesentlicher Bestandteile von Trink-
wasserversorgungssystemen' sei für mittlere und grosse Stiidte sowie Ballungsgebiete
am grossten. Schon geringe Mengen von S~ibstanzender petrochemischen Industrie

konnten 'grosse Gr~indwrisservorrite unbrauchbar machen'.
Wie gefihrlich die frcigesetzten Stoffe insgesamt sind. Iisst sich nach Ansicht der
UBA-Expcrten nur schwer ~ihschitzen. 'weil durcli die Zerïtiirung ganzer Industi-ie-
honiple~e h,li\clihontaminationen \crschiedciistrr Schadstoffe gebildet \\erde'.die
iiocli \Leni3 rrforsclit srien. Noch koinl)liïicrter sei die Hcurteilung \on Llrnuclt-
\chiitlen drircli Uiiinde und Explosionen. .Hier treten be7ogeii auf Sch:idrtoftin\eiitar
uncl .-2~ishreitiiii~\\.eit ~\eiiiger k:ilh~~~iiriTcil gro.;.;fliicliipeUin\~eltscliiidi-
iiiiilrli ciii.
Die Vcrbrcii~i~ing\proci~~htcie11'ziiin 'reii li<>cItiosiiiih:irizcroyer'..Iii:icli
hliin:itisclicii Iiediiiguiisen hiiiiiir es 'ri1cilier $1-o-nci'iciluii~iiieser Stof'lb'
hoiiiinen. 'die riiie vollstiindil-.~Rcseitigiiiis ii;iliezu ~inniii~lich11l:icht
Die \\echselwirh~inp~'nder Prodiihte iiiiilrii ciii=eseti.teii \V;ifren diisften '~iillip
~iiibek:iriiit's>>(T:\Z. 17!v iii:.c~\scirii!ii.i.lin.20 iiini 1099.) Environmental toxins released by the destruction of industrial
plant could spread further. 'If immediate action is taken, which is,
however, impossible under war conditions, the effect of this environ-
mental damage will remain restricted to local level. Longer delays
will result in toxic substancesassing into the soil, groundwater and
surface water, and substantially increase the potential danger to
man, and the cost of cleansing operations.'

These consequences are not necessarily limited to Yugoslavia.
Harmful substances deriving from major conflagrations can be dif-
fused beyond frontiers. The paper continues: 'Passage of harmful
substances into surface water can lead to extensive damage to eco-
systems. The deposition of hazardous substances in the soil can,
depending on thenature of those substances and of the soil, result in
long-term contamination, imposing far-reaching limitations upon
utilization.'

The danger of 'extensive destruction of essential components of
drinking-water supply networks' is biggest with regard to middle-
sized and large cities and conurbations. Even small amounts of sub-
stances from the petrochemical industry can render 'extensive
groundwater reserves unusable'.

According to the Federal Environmental Agency experts, the over-
al1risk posed by the substances released isdifficult to assess,'because
the destruction of entire industrial complexes results in mixed con-
tamination by a wide variety of harmful substances' - an area in
which there has as yet been little research. Even more problematic,
in the experts' view, is the assessment of environmental damage
caused by fires and explosions. 'Here, in terms of identification of
the harmful substances involved and the possibility of their diffu-
sion, environmental damage is far harder to predict, but will on
occasion be extensive.'

The substances produced by the fires are described as 'in part
highly toxic and carcinogenic'. Depending on climatic conditions,
'widespread diffusionof these substances' could occur, 'which would
render full cleansing almost impossible'.

The effects of the interaction of those substances with the
weapons employed were said to be 'completely unknown'." (TAZ,
Dic Tugeszritung, Berlin,20 May 1999.)

Therefore, it is my profound conviction, that the Court is, in concreto,
confronted with an uncontestable case of "extreme urgency" and "irre-
parable harm", which perfectly coincides, and significantly transcends LICÉITÉ DE L'EMPLOI DE LA FORCE (OP. DISS. KRECA) 961

Les substances toxiques pour I'environnement libérées à la suite de

la destruction d'installations industrielles pourraient se propager à
une plus grande distance. L'adoption de mesures immédiates -
impossible toutefois en temps de guerre - permettrait de contenir
localement ces atteintes a I'environnement. Plus le temps s'écoulera
et plus ces substances se répandront dans le sol, les eaux souterraines
et les eaux de surface. d'où une augmentation considérable des ris-
"
ques pour l'homme et'du coût des opérations de nettoyage.
Ces conséquences ne sont pas nécessairement limitées a la You-
goslavie. Les substances toxiques dégagées a la suite d'incendies
majeurs peuvent se répandre au-delà des frontières. Et l'auteur du
document d'ajouter: «La migration de substances dangereuses

dans les eaux de surface peut causer de graves dommages aux éco-
systèmes. Le dépôt de substances dangereuses dans le sol peut
entraîner, selon la nature des substances et des sols, une contami-
nation à long terme, faisant radicalement obstacle à l'utilisation
des sols.»

Le risque d'une ((destruction a grande échelledes élémentsessen-
tiels du réseau d'approvisionnement en eau potable)) est plus lourd
pour les villes moyennes, les grandes villes et les zones de concentra-
tion urbaine. De faibles quantités de substances émanant d'installa-
tions pétrochimiques suffisent à rendre inutilisables d'importantes

réservesd'eaux souterraines)).
Selon les experts de l'Office fédéralde I'environnement, ilest très
difficile d'apprécier dans son ensemble le risque que représentent
les substances libéréesdans l'environnement, «car la destruction
de complexes industriels entiers entraîne une pollution provoquée
par un véritable cocktail de substances toxiques)), sur laquelle les

recherches n'ont guère porté jusqu'à présent. L'évaluation des
dommages causés a l'environnement par les incendies et les explo-
sions est encore plus délicate, estiment les experts.<11est beaucoup
plus difficile en pareil cas, du fait des problèmes liés a l'identifi-
cation des substances toxiques et au risque de les voir se répandre,

de prédirelesdommages à l'environnement, quiseront parfois consi-
dérables.»
Certaines des substances libéréesdans l'atmosphère à la suite des
incendies sont qualifiéesde «très toxiques et cancérigènes)).En fonc-
tion des conditions climatiques ambiantes, «ces substances pour-

raient diffuser très largement)), de sorte qu'«une décontamination
complète serait quasi impossible)).
Quant à l'interaction de ces produits avec les armes utilisées,on en
((ignoreraittotalement » les effets.»(TAZ, Dic Ttrgrs:ritur?g, Berlin,
numéro du 20 mai 1999.)

Je suis par conséquent profondément convaincu que la Cour se trouve
concrètement face à une affaire imposant incontestablement d'agir «de
toute urgence)) et ou l'on court le risque d'un ((préjudice irréparable)),the substance of humanitarian standards which the Court has accepted
in previous cases.

7. 1must admit that 1find entirely inexplicable the Court's reluctance
to enter into serious consideration of indicating provisional measures in a
situation such as this crying out with the need to make an attempt,
regardless of possible practical effects, to at least alleviate, if not elimi-

nate, an undeniable humanitarian catastrophe. 1do not have in mind
provisional measures in concrete terms as proposed by the Federalpub-
lic of Yugoslavia, but provisional measures in general: be they provi-
sional measures proprio rnotu, different from those proposed by the Fed-
eral Republic of Yugoslavia or, simply, an appeal by the President of the

Court, as was issued on so many occasions in the past, in less difficult
situations, on the basis of the spirit of Article 74, paragraph 4, of the
Rules of Court.

One, unwillingly, acquires the impression that for the Court in this par-

ticular case the indication of any provisional measures whatever has been
terra prohihitu. E'cempli causa, the Court, in paragraph 18 of the Order,
says that it:

"deems it necessary to emphasize thatal1parties appearing before it
must act in conformity with their obligations under the United
Nations Charter and other rules of international law including
humanitarian law",

or, in paragraph 32 of the Order, that the Parties: "should take care not
to aggravate or extend the dispute", and it is obvious that both the above
pronouncements of the Court have been designed within the mode1 of
general, independent provisional measures.

III. ABSOLUTN EULLITY OF THE UNITEDSTATES RESERVATIO TO
ARTICLE IX OF THE GENOCIDE CONVENTION

8. In its Order, the Court accepts the assertion of the Respondent that
the Court does not have jurisdiction over the Applicant's claim based on
the GenocideConvention due to the fact that the United States entered a
clear reservation to Article IX of the Genocide Convention. As the

United States reservation requires specificconsent before any case regard-
ing genocide can be brought against it and as the United States does not
consent to this particular case. relevant jurisdictional ncvus in the Court's
Order has not been met.

The reservation reads :
"Reservutions:

'(1) That with reference to article IX of the Convention, before
any dispute to which the United States is a party may be submittedaffaire qui répond parfaitement, quant au fond, aux normes humanitaires
que la Cour a retenues dans certains précédents;à cet égard, la présente

instance se situe mêmeà un niveau nettement supérieur.
7. Pour êtrefranc, je dois dire que je trouve totalement inexplicable
que la Cour veuille s'abstenir d'étudier sérieusement la possibilitéd'indi-
quer des mesures conservatoires alors que la situation impose de façon
aussi criante de tenter à tout le moins, indépendamment des effets pra-
tiques éventuels de la tentative, d'atténuer, sinon de supprimer, un dan-

ger incontestable de catastrophe humanitaire. Je n'envisage pas ici des
mesures conservatoires qui prendraient concrètement la forme proposée
par la République fédéralede Yougoslavie, j'envisage des mesures conser-
vatoires en général:la Cour peut proposer d'office d'autres mesures
conservatoires que celles qui sont proposées par la République fédérale
de Yougoslavie, ou elle peut se contenter d'un appel lancé par le pré-

sident, comme elle l'a fait si souvent déjà, dans des situationsmoins diffi-
ciles, en s'inspirant de l'arti74, paragraphe 4, de son Règlement.
Sans le vouloir. on a ici l'impression que, pour la Cour en l'espèce,
l'indication de mesures conservatoires, sousquelqueforme que ce soit, lui
a semblé interdite. Par exemple, au paragraphe 19 de l'ordonnance, la
Cour:

((estime nécessaire de souligner que toutes les parties qui se pré-
sentent devant elle doivent agir conformément à leurs obligations

en vertu de la Charte des Nations Unies et des autres règles du
droit international, y compris du droit humanitaire)),
ou bien elle dit, au paragraphe 49, que les Parties: «doivent veiller à ne

pas aggraver ni étendre le différend)), et il est manifeste que. dans les
deux cas, la Cour s'est inspiréed'un type de mesures conservatoires de
caractère général etindépendant.

III.NULLITE ABSOLUE DE LA RESERVE DES ETATS-UNI S L'ARTICLE IX
DE LA CONVENTION SUR LE GÉNOCIDE

8. Dans son ordonnance, la Cour accepte ce qu'affirme le défendeur

qui dit qu'elle n'a pas compétence pour connaître de la requêteque le
demandeur fonde sur la convention sur le génocideparce que les Etats-
Unis ont formuléà l'article IX de ladite convention une réserveparfaite-
ment claire. Comme cette réservedes Etats-Unis nécessitede leur part un
consentement exprès avant qu'il soit possible d'intenter contre eux la
moindre action ayant trait au génocideet que les Etats-Unis n'ont pas

donné leur consentement en l'espèce,le nrsus juridictionnel voulu n'est
pas établi.
Cette réservese lit comme suit:

«Résrrilrs
1) En ce qui concerne l'article IX de la convention, pour qu'un
différend auquel les Etats-Unis sont partie puisse être soumis à la963 LEGALlTY OF USE OF FORCE (DISS. OP. KRECA)

to the jurisdiction of the International Court of Justice under this
article, the specificconsent of the United States is required in each
case.
(2) That nothing in the Convention requires or authorizes legisla-
tion or other action by the United States of America prohibited by
the Constitution of the United States as interpreted by the United

States.'
Understandings:

'(1) That the term "intent to destroy, in whole or in part, a
national, ethnical, racial, or religious group as such" appearing in
article IIeans the specificintent to destroy, in whole or in substan-
tial part, a national, ethnical, racial or religious groupas such by the
acts specified in article II.
(2) That the term "mental harm" in article II (b) means perma-
nent impairment of mental faculties through drugs, torture or simi-
lar techniques.

(3) That the pledge to grant extradition in accordance with a
state's laws and treaties in force found in articleI1extends only to
acts which are criminal under the laws of both the requesting and the
requested state and nothing in article VI affects the right of any state
to bring to trial before its own tribunals any of its nationals for acts
committed outside a state.

(4) That acts in the course of armed conflicts committed without
the specificintent required by article II are not sufficient to consti-
tute genocide as defined by this Convention.
(5) That with regard to the reference toan international penal tri-
bunal in article VI of the Convention, the United States declares that

it reserves the right to effect its participation in any such tribunal
only by a treaty entered into specifically for that purpose with the
advice and consent of the Senate.' " (Multilaterul Treatirs Deposited
with the Secretary-General, Stutus as ut 31 December 1997, United
Nations Publication ST/LEG/SER.E/16, p. 88.)

9. The first reservation of the United States with respect to Article IX
of the Convention has been expressed lrge urtis.Article IX of the Con-
vention is by its nature a procedural provision in regard to which the
parties to the Convention act in accordance with the principle of the
autonomy of will.
The matter becomes more complicated in respect of "understandings"
contained therein. As a matter of law, it should be pointed out that,
"understandings" are, ex dlfinitione,a relevant form of expressing a res-
ervation in the sense that a party to a treaty is giving a restrictive inter-
pretation of its provision or of a part. For a reservation in a substantive
sense presupposes not only the exclusion of application of a provision or LICÉITÉ DE L'EMPLOI DE LA FORCE (OP. DISS.KRECA) 963

juridiction de la Cour internationale de Justice en vertu de cet
article, le consentement exprès des Etats-Unis est nécessaire dans
chaque cas.

2) Aucune disposition de la convention n'exige ou ne justifie
l'adoption par les Etats-Unis d'Amérique de mesures législativesou
autres interdites par la Constitution des Etats-Unis telle qu'elle est
interprétéepar les Etats-Unis.

Déclarations interprétatives

1) L'expression ((dans l'intention de détruire, ou tout ou en par-
tie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux comme tel»
figurant à I'articlIIdésignel'intention expresse de détruire, en tout
ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux,
comme tel, par des actes spécifiésà I'article II.

2) L'expression ((atteinte à l'intégritémentale)) figuranta I'article
II,alinéah) désigneune détérioration permanente des facultés intel-
lectuelles par le recours des drogues, la torture, ou a des techniques
analogues.
3) L'engagement pris d'accorder l'extradition conformément a la
législationnationale et aux traitésen vigueur qui figure à I'articVI1

porte uniquement sur des actes qui sont qualifiésde criminels aux
termes de la législation tant de I'Etat requérant que de 1'Etat requis,
et aucune disposition de l'articlVI ne porte atteinte au droit detout
Etat de traduire devant ses propres tribunaux l'un quelconque de ses
nationaux du chef d'actes commis à l'extérieurde 1'Etat considéré.
4) Les actes commis au cours des conflits armés sans intention
expresse énoncéeà I'article II ne sont pas suffisants pour constituer

un génocideau sens de la présente convention.
5) En ce qui concerne la mention d'une cour criminelle inter-
nationale a l'articleVI de la convention, les Etats-Unis d'Amé-
rique déclarent qu'ils se réservent le droit de ne participer à un tel
tribunal qu'en vertu d'un traité conclu expressément à cette fin
avec l'avis et le consentement du Sénat.» (Traités rnultiluti >YUU,Y

dépo.résriupvPsdu Secrétuire générul,étut uu 31 décrrnbrr 1997,
doc. ST/LEG/SER.E/16, p. 93.)

9. La première réservedes Etats-Unis à l'article IX de la convention
sur le génocideest exprimée Iege artis. Cet articlIX est par nature une
disposition de procédure a l'égardde laquelle les parties à la convention
se conforment au principe de la totale libertéd'intention.

La question devient plus compliquée en ce qui concerne les ((déclara-
tions interprétatives)) figurant dans ce même texte. IIy a lieu de signaler
qu'en droit, l'«interprétation» est par définition un moyen utile d'expri-
mer une réserve,c'est-à-dire qu'une des parties a un traitéva en interpré-
ter une disposition ou une section en un sens restrictif. En effet, une

réserve,entendue quant au fond, vise non seulement à exclure I'applica-of a part of a treaty but also presupposes a restriction in its interpretation
or application.
It clearly stems from Article 2, paragraph 1 (d), of the Vienna Con-

vention on the Law of Treaties, reading:
"'reservation' means a unilateral statement, however phrased or
named, made by a State, when signing, ratifying, accepting, approv-

ing or acceding to a treaty, whereby it purports to exclude or to
modify the legal effects of certain provisions of the treaty in their
application to that State" (United Nations Conference on the Law oj
Treuties, First and Second Sessions, Official Records, United Nations,
1971. p. 289).

In its Opinion of 28 May 1951, the Court pointed out that:
"The origins of the Convention show that it was the intention of

the United Nations to condemn and punish genocide as 'a crime
under international law' involving a denial of the right of existence
of entire human groups, a denial which shocks the conscience of
mankind and results in great losses to humanity, and which is con-
trary to moral law and to the spirit and aims of the United Nations
(Resolution 96 (1) of the General Assembly, December 1lth, 1946).

The first consequence arising from this conception is that the prin-
ciples underlying the Convention are principles which are recognized
by civilized nations as binding on States, even without any conven-
tional obligation. A second consequence is the universal character
both of the condemnation of genocide and of the co-operation
required 'in order to liberate mankind from such an odious scourge'

(Preamble to the Convention)." (Reserv~~tionsto the Convention on
Genocide, Adilisorj?Opinion, I.C.J. Reports 1951, p. 23.)
In its Judgment of 11 July 1996 in the Genocide case, the Court stated

"[ilt follows that the rights and obligations enshrined by the Convention
are rights and obligations erga omnes" (Application of thr Conllention on
the Prevention and PunisIlinent oj' the Crinîe of Cenocide, Preliminary
Objections, Judgment, I.C.J. Reports 1996 (II), p. 616, para. 31).

It is obvious that the first and second of the "understandings" lodged

by the United States are actually reservations incompatible with the
object and purpose of the Genocide Convention (Jordan Paust, "Con-
gress and Genocide: They're Not Going to Cet Away with It", Miclzigun
Journal of International Law, Vol. 1 1, 1989-1990, pp. 92-98).
Since:

"At least Arts. II, 111and IV of the Genocide Convention, which
are agreed to codify customary international law, therefore represent
jus cogens. This means that no derogation from these provisions is
permissible, so long as the international community of States as a
whole does not develop a new rule. Therefore, to the extent that any

reservations to the Genocide Convention purport to derogate fromtion d'une disposition ou d'une certaine partie d'un traité mais aussi à
limiter son interprétation ou son application.
L'article 2. paragraphe 1 d) de la convention de Vienne sur le droit des
traités est très clair cet égard et se lit comme suit:

((l'expression «réserve» s'entend d'une déclaration unilatérale, quel
que soit son libellé ou sa désignation, faite par un Etat quand il
signe, ratifie, accepte ou approuve un traitéou y adhère, par laquelle

il viseà exclure ou à modifier l'effet juridique de certaines disposi-
tions du traité dans leur application a cet Etat» (Nations Unies,
Documenfs officiels de lu conférence des Nufions Unies stir le droit
des truités,première et lAcusiPmesession, 1969, p. 311).

Dans son avis consultatif du 28 mai 1951,la Cour a fait observer ceci:
«Les origines de la convention révèlentl'intention des Nations
Unies de condamner et de réprimerle génocidecomme un «crime de

droit des gens» impliquant le refus du droit à l'existence de groupes
humains entiers, refus qui bouleverse la conscience humaine, inflige
de grandes pertes a l'humanité, et qui est contraire à la fois à la loi
morale et à l'esprit et aux fins des Nations Unies (résolution 96, 1)de
l'Assembléegénérale, 11 décembre 1946). Cette conception entraîne
une première conséquence: les principes qui sont à la base de la

convention sont des principes reconnus par les nations civilisées
comme obligeant les Etats mêmeen dehors de tout lien convention-
nel. Une deuxième conséquence est le caractère universel à la fois de
la condamnation du génocideet de la coopération nécessaire«pour
libérer l'humanitéd'un fléauaussi odieux))(préambule de la conven-
tion).)) (Réserves u lu convention sur le génocide. uvis consultut$

C.I.J. Recueil 1951, p. 23).
Dans l'arrêtqu'elle a rendu le 11 juillet 1996dans l'affaire relativea la
Convention sur le génocide, la Cour a déclaréqu'«[il1en résulte que les
droits et obligations consacrés par la convention sont des droits et obli-

gations ergu omnes» (Application de Iciconvention pour lapréventionet lu
rkpression du crime de génocide, exceptions préliminuires, arrêt.C.I.J.
Recueil 1996 (Il), p. 616, par. 3 1).
Il est manifeste que les première et deuxième ((interprétations)) définies
par les Etats-Unis sont en fait des réserves,lesquelles sont incompatibles
avec l'objet et le but de la convention sur le génocide (Jordan Paust,

((Congress and Genocide: They're Not Going to Get Away with It»,
Mic.11igunJournul of Internationcl1Law, vol. 1 1, 1989-1990, p. 92-98).
Car :
((Les articles II, IIet IV au moins de la convention sur le géno-

cide dans lesquels chacun voit une codification du droit international
coutumier, représentent par conséquent le jus cogens. Cela veut dire
qu'il est strictement impossible de dérogerà ces dispositions tant que
la communauté internationale dans son ensemble n'a pas adopté de
nouvelle règle. Par conséquent, dans la mesure où une réserve quel- the scope or nature of any State's obligations in respect of genocide,
as set out in thecore provisions of the Genocide Convention, those
reservations would be void under the jus cogrns doctrine." (M. M.
Sychold, "Ratification of the Genocide Convention: The Legal

Effects in Light of Reservations and Objections", Schiveiierischr
Zeitschrift für internationales und europaisches Recht, 411998,
p. 551.)

10. The norms ofjus cogens are of an overriding character; thus, they
make nuIl and void any act, be it unilateral, bilateral or multilateral,
which is not in accordance with them. Such a logical conclusion based on
the peremptory or absolutely binding nature ofjus cogens norms, express-
ing in the normative sphere the fundamental values of the international
community as a whole, have been confirmed in the North Seu Continen-
tal Shelfcases. In those cases, the Court was faced with the contention
that the "equidistance principle" contained in Article 6 of the 1958
Geneva Convention on the Continental Shelfhad become tructu trmporis
a rule of customary international law. The Court in its Judgments said:

"it is characteristicof purely conventional rules and obligations that,
in regard to them, some faculty of making unilateral reservations
may, within certain limits, be admitted; - whereas this cannot be so

in the case of general or customary law rules and obligations which,
by their very nature, must have equal force for al1members of the
international community, and cannot therefore be the subject of any
right of unilateral exclusion exercisableat will byany one of them in
its own favour. Consequently, it is to be expected that when, for
whatever reason, rules or obligations of this order are embodied, or
are intended to be reflected incertain provisions of a convention,
such provisions will figure amongst those in respect of which a right
of unilateral reservationis not conferred, or is excluded."(North Sra
Continental Shelf: Judgrnent, I.C.J. Reports 1969, pp. 38-39,
para. 63.)

Leaving aside some conceptual confusion in this passage regarding the
relation between rules of general international law and norms constitut-
ing corpus juris cogenris, it appears that the Court was quite clear that

rules applying to purely conventional rules and obligations cannot be per
unalogiat applied to norms having the character of jus cogrns.

The only possible way of excluding nullity effects in regard to the
United States' reservation to Article IX of the Genocide Convention may
lie in the interpretation that nullity affects only "understandings" and
that itis has no legal consequences for the reservation itself. conquea laconventionsur legénocidea pour objetdedéroger à la portée
ou à la nature même desobligations contractées par un Etat quel-
conque àl'égarddu génocide,tellesqu'ellessont définiesdans lesdis-
positions centrales de la convention sur le génocide,toute réservede

ce type sera nulle sous l'effet mêmede la doctrine du jus cogens.~
(M. M. Sychold.((Ratificationof the Genocide Convention : The Legal
Effectsin Light ofReservations and Objections)),Schir.eireri.rcZeit-
schriftfiir internationales und europiii.rcsecht, no4, 1998,p. 55 1.)

10. Les normes du jus cogens priment sur tout le reste; elles annulent
par conséquent en totalité tout acte qui ne s'y conforme pas, qu'il soit
unilatéral, bilatéralou multilatéral. Cette conclusion logique qui découle
du caractèrecatégorique. absolument impératif,des normes du jus cogens,
lesquelles expriment sur le plan normatif les valeurs fondamentales de la
communauté internationale dans son ensemble, a été confirméd eans les
affaires du Plateau continental de lu rner du Nord. Dans ces affaires en
effet, la Cour étaitface à une thèse suivant laquelle le ((principe d'équi-
distance)) énoncé à l'article 6 de la convention de Genève de 1958sur le
plateau continental était devenu tructu temporis une règlede droit inter-
national coutumier. Or, dans ses arrêts,la Cour a dit ceci:

«il est...caractéristique d'une règleou d'une obligation purement
conventionnelle que la facultéd'y apporter des réservesunilatérales
soit admise dans certaines limites mais il ne saurait en êtreainsi dans

le cas de règleset d'obligations de droit général oucoutumier qui,
par nature, doivent s'appliquer dans des conditions égales à tous les
membres de la communauté internationale et ne peuvent donc être
subordonnées à un droit d'exclusion exercéunilatéralement et à
volonté par l'un quelconque des membres de la communauté à son
propre avantage. Par conséquent.il paraît probable que si pour une
raison quelconque, l'on consacre ou l'on entend traduire des règles
ou des obligations de cet ordre dans certaines dispositions d'une
convention, ces dispositions figureront parmi celles au sujet des-
quelles ledroit de formuler des réservesunilatéralesn'estpas accordé
ou est exclu.))(Pluteuu continental de la mer du Nord, arrkt, C.I.J.

Recueil 1969, p. 38-39, par. 63).
Si nous laissons de côtéune certaine confusion d'ordre théoriquedont
fait preuve cet extrait en ce qui concerne le rapport entre les règles
du droit international général et lesnormes constituant le corpus juris

rogentis, il me semble que la Cour affirmait là, très nettement, que des
principes s'appliquant a des règles et obligations d'origine purement
conventionnelle ne peuvent pas s'appliquer par analogie à des normes
ayant le caractère dejus cogens.
Le seul moyen dont on disposerait pour que la réserve desEtats-Unis
à l'article IX de la convention sur le génocide ne soitpas frappée denul-
litéserait peut-être quecelle-cine puisse viser que les ((déclarationsinter-
prétatives)) sans produire d'effetjuridique sur la réserve elle-même. Such an interpretation would run counter to the fundamental rule of
inseparability of the acts, be it unilateral, bilateral or multilateral,-
flictingwith a norm belonging to corpusjuris cogentis.In its commentary
to Article 44 (5) of the Vienna Convention on the Law of Treaties, the
International Law Commission stated unequivocally:

"rules ofjus cogens are of so fundamental a character that, when
partiesconclude a treaty which conflicts in any of its clauses with an
already existing rule of jus cogens, the treaty must be considered
totally invalid" (Yrurbook of the Internutionul Lu~i Comtnission,

1966,Vol. II, p. 239, para. 8).
As Sir Gerald Fitzmaurice pointed out:

"there are the cases in which overriding rules of ius cogensproduce
a situation of irreducible obligation and demand that illegal action
be ignored and not allowed to affect the obligations of other States"
(G. Fitzmaurice, "The Law and Procedure of the International
Court of Justice, 1954-1959",35 British Ycur Book of Internutionul
Law, 1955,p. 122).

Accordingly, the overriding characterof norms of jus cogcns which are
the very basis of the international community as a whole makes irnpos-
sible separability of an act of the United States containing both reserva-
tions and "understandings" which are in conflict with the norm having a
peremptory nature.

IV. JURISDICTIO ON THE COURTRATIONE MATERIAE

11. 1am of the opinion that in the matter in hand the Court's position
is strongly open to criticism.
The Court finds :

"and whereas the United States further contends that there is no
'legally sufficien. . .connection between the charges against the
United States contained in the Application and [the]supposed juris-
dictional basis under the Genocide Convention'; and whereas the
United States further asserts that Yugoslavia has failed to make any
credible allegation of violation of the Genocide Convention, by fail-
ing to demonstrate the existenceof the specificintent required by the
Convention to 'destroy, in whole or in part, a national, ethnical,
racial orreligious group, as such'. which intent could not be inferred
from theconduct of conventional military operations against another
State." (Order, para. 22.)

The intent is, without doubt, the subjective element of the being of the
crime of genocide as, indeed, of any other crime. But, this questionis not LICEITÉ DE L'EMPLOI DE LA FORCE (OP. DISS. KRECA) 966

Mais cette interprétation serait contraire à une règle fondamentale,
celle de l'indivisibilitédes actes, quels qu'ils soient, unilatéraux, bilaté-
raux, multilatéraux. qui entrent en conflit avec une norme relevant du

c,orpusjuris cogentis. Dans son commentaire à l'article 44, paragraphe 5
de la convention de Vienne sur le droit des traités, la Commission du
droit international a déclarésans équivoque:

«les règles du jus cogrns ont un caractère si fondamental que, lors-
que les parties concluent un traité dont l'une des clauses est incom-
patible avec une règle déjàexistante du jus cogens, ce traité doit être
considérécomme non valide dans sa totalité. ))(Annuaire de lu Cool-
inission du droit internutionul, 1966, volII, p.260, par. 8).

Comme le disait aussi sir Gerald Fitzmaurice:

cil y a les affaires dans lesquelles les règles primordiales du Jus
cogens créent une situation d'obligation irréductible et imposent de
faire abstraction de l'action illicite parce qu'elle ne doit pas porter

atteinte aux obligations des Etats tiers))(G. Fitzmaurice, «The
Law and Procedure of the International Court of Justice)), 1954-
1959, British Yeur Book oj' Intrrnational LUIL),vol. 35, 1955,
p. 122).

Par suite, le caractère primordial des normes du jus cogens, qui sont les
fondations de la communauté internationale dans son ensemble, interdit
de subdiviser un acte des Etats-Unis qui contient à la fois des réserveset
des ((interprétations)) entrant en conflit avec une norme de caractère

impératif.

IV. COMPÉTENC EE LA COUR RATIONE MATERIAE

11. Je suis d'avis qu'en l'espècela position adoptée par la Cour prête
fortement à critiques.
La Cour considère:

«que les Etats-Unis affirment en outre qu'il n'existe pas de ((lienjuri-
dique suffisant entre les accusations portées contre les Etats-Unis
dans la requêteet la prétendue base de compétence en vertu de la
convention sur le génocide)); et qu'ils exposent que la Yougoslavie
n'a pas présenté d'allégationcrédible de violation de la convention

sur le génocide car elle n'a pas démontrél'existence de l'intention
spécifique requise par la convention de ((détruire,en tout ou en par-
tie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel)),
intention qui ne peut se déduire par inférencede la conduite d'opé-
rations militaires de type classique contre un autre Etat» (ordon-

nance, par. 22).
L'intentionnalité est incontestablement l'élément subjectifqui est cons-

titutif du crime de génocide comme du reste de n'importe quel autreand cannot, by its nature, be the object of decision-making in the inci-
dental proceedings of the indication of provisional measures.

In this respect, areliable proof should be sought in the dispute which,
by its salient features, is essentially identical to the dispute under con-
sideration - the case concerning Applicution of the Convention on the

Preivntion and PunisIlment of the Critne of Genocide.
In its Order on the indication of provisional measures of 8 April 1993,
in support of the assertion of the Respondent that, inter uliu,"it does not
support or abet in any way the commission of crimes cited in the Appli-
cation . . and that the claims presented in the Application are without
foundation" (Applicution of the Convention on the Prciiention and Pun-
ishment oj'rlzeCrime of Genocide, Provisionul Meusures, Order of8 April
1993, 1.C.J. Reports 1993, p. 21, para. 42), the Court stated:

"Whereas the Court, in the context of the present proceedings on
a reauest for ~rovisional measures. has in accordance with Article 41
of théstatut; to consider the circu'mstancesdrawn to its attention as
requiring the indication of provisional measures, but cannot make
definitive findings of fact or of imputability, and the right of each

Party to dispute the facts alleged against it, to challenge the attribu-
tion to it of responsibility forthose facts, and to submit arguments
in respect of the merits, must remain unaffected by the Court's deci-
sion" (ihid.,p. 22, para. 44)

and

"Whereas the Court is not called upon. for the purpose of its
decision on the present request for the indication of provisional
measures, now to establish the existence of breaches of the Geno-
cide Convention" (ibid.,para. 46).

The rationale of provisional measures is, consequently, limited to the
preservation of the respective rights of the parties pendente lite which are
the object of the dispute, rights which may subsequently be adjudged by
the Court. As the Court stated in the Land und Muritime Boundary
beticwen Cameroon und Nigeria case :

"Whereas the Court, in the context of the proceedings concerning
the indication of provisional measures, cannot make definitive find-
ings of fact or of imputability, and the right of each Party to dispute
the facts alleged against it, to challenge the attribution to it of

responsibility for those facts, and to submit arguments, if appropri-
ate, in respect of the merits, must remain unaffected by the Court's
decision" (Lund und Muritinle Boundcr- beticeen Cameroon und
Nigeria, Provisionul Measurcs. Order of 15 Murch 1996, 1.C. J.
Reports 1996 (I), p. 23, para. 43). LICÉITÉ DE L'EMPLOI DE LA FORCE (OP. DISS. KRECA) 967

crime. Mais cette question n'est pas I'objet de la prise de décisiondans la
procédure incidente de l'indication de mesures conservatoires et, par sa

nature même,elle ne peut pas l'être.
Il fautàcet égardchercher une preuve fiable dans le différendqui, par
ses principaux traits, est pour l'essentiel identique au différend examiné
ici: il s'agit de l'affaire relative'Application de lu convention pour la
prgvention et la répressiondu critne de gfnocidc).
Dans l'ordonnance qu'elle a rendue le 8 avril 1993 sur I'indication de
mesures conservatoires, souscrivant à l'affirmation du défendeur qui dit
notamment «n'apport[er] aucun appui ni n'encourag[er], d'une façon ou
d'une autre, la perpétration des crimes mentionnésdans la requête ..[et]
que les griefs exposésdans la requêtesont dénués defondement)) (Appli-

cation de lu convention pour la prévention et la r6pression du critne de
gfnocicl~~,mesures c20n.servntoires,ordonnance du 8 avril 1993, C.I.J.
Recueil 1993. p. 21, par. 42), la Cour a considéréque:

«dans le contexte de la présente procédure concernant I'indication
de mesures conservatoires, [elle]doit, conformément àl'article 41 du
Statut, examiner si les circonstances portées à son attention exigent
I'indication de mesures conservatoires, mais n'est pas habilitée a
conclure définitivementsur les faits ou leur imputabilité et que sa
décisiondoit laisser intact le droit de chacune des Parties de contes-
ter les faits alléguéscontre elle, ainsi que la responsabilité qui lui est
imputéequant à ces faits et de faire valoir ses moyens sur le fond»
(ibid,p. 22, par. 44)

et que
(([elle]n'est pas appeléeà ce stade à établirl'existencede violations

de la convention sur le génocide)) (ibid.,par. 46).

La raison d'êtredes mesures conservatoires est par conséquentlimitée
à la préservation des droits des parties pendente lire qui sont l'objet du
différend,droits qui peuvent ultérieurementfaire l'objet de la décisionde
la Cour. Comme celle-ci le dit de nouveau dans l'affaire de la FrontiCre
terrestre et maritime entre le Cumeroun et le Nigéria:

((Considérantque la Cour, dans le cadre de la présente procédure
concernant I'indication de mesures conservatoires, n'est pas habilitée
à conclure définitivementsur les faits ou leur imputabilitéet que sa
décisiondoit laisser intact le droit de chacune des Parties de contes-
ter les faits alléguéscontre elle, ainsi que la responsabilitéqui lui est

imputée quant à ces faits, et de faire valoir, le cas échéant,ses
moyens sur le fond.» (FrontiCrc terrestreet maritime entre le C~ln~e-
roun et le Nigériu, mesures conseri.~atoires,ordonnance (lu 15 murs
1996, C.IJ. Recueil 1996 (1). p. 23, par. 43.) 12. Fundamental questions arise regarding the position of the Court
on this particular matter.
The relationship between the use of armed force and genocide can be
looked upon in two ways:

(a) is the use of force per se an act of genocide or not? and,
(h) is the use of force conducive to genocide and, if the answer is in the
affirmative, what is it then, in the legal sense?
It is incontrovertible that the use of forceper se et dejrzitione does not

constitute an act of genocide. It is a matter that needs no particular
proving. However, it could not be inferred from this that the use of force
is unrelated and cannot have any relationship with the commission of
the crime of genocide. Such a conclusion would be contrary to ele-
mentary logic.
Article II of the Convention on the Prevention and Punishment of the
Crime of Genocide defines the acts of genocide as

"any of the following acts committed with intent to destroy, in
whole or in part, a national, ethnical, racial or religious group, as
such :
(a) Killing members of the group;
(6) Causing serious bodily or mental harm to members of the
group ;
() Deliberately inflicting on the group conditions of lifecalculated
to bring about its physical destruction in whole or in part;
(d) Imposing measures intended to prevent births within the group;
(e) Forcibly transferring children of the group to another group."

Any of these acts can be committed also by the use of force. The use of
force is, consequently, one of the possible means of committing acts of
genocide. And, it should be pointed out, one of the most efficient means,
due to the immanent characteristics of armed force.

Extensive use of armed force, in particular if it is used against objects
and means constituting conditions of normal life, can be conducive to
"inflicting on the group conditions of life" bringing about "its physical
destruction".

Of course, itcan be argued that such acts are in the function of degrad-
ing the military capacity of the Federal Republic of Yugoslavia. But such
an explanation can hardly be regarded as a serious argument. For, the
spiral ofsuch a line of thinking may easily come to a point when, having
in mind that military power is after al1comprised of people, even mass
killing of civiliansan be claimed to constitute some sort of a precaution-
ary measure that should prevent the maintenance or, in case of mobiliza-
tion, the increase of military power of the State.

Of course, to be able to speak about genocide it is necessary that
there is an intent, namely, of "deliberately inflicting on the group con- 12. Sur ce point en particulier, il se pose des questions fondamentales
au sujet de la position de la Cour.
On peut considérer de deux façons le lien entre le recours à la force

arméeet le génocide:
a) est-ce que l'emploi de la force est un acte de génocideper se ou non?

h) l'emploi de la force favorise-t-il le génocide et, dans l'affirmative,
qu'est-ce alors au sens juridique?
Indéniablement, l'emploi de la force, en soi et par définition. ne cons-
titue pas un acte de génocide.Nul besoin d'en faire la preuve. Toutefois,

iln'est pas possible d'en déduireque l'emploi de la force est sans rapport
avec la comniission du crime de génocideet qu'il n'est pas possible d'éta-
blir un tel rapport. Pareille conclusion serait contrairea la logique la plus
élémentaire.
L'article II de la convention pour la prévention et la répression du
crime de génocidedéfinitles actes de génocidecomme

((l'un quelconque des actes ci-après, commis dans l'intention de
détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial
ou religieux, comme tel :

u) meurtre de membres du groupe;
h) atteinte grave à l'intégritéphysique ou mentale de membres du
groupe ;
) soumission intentionnelle du groupe à des conditions d'existence
devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle;

cf) mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe;
e) transfert forcé d'enfants du groupe A un autre groupe)).
N'importe lequel des actes ci-dessus peut être commis également au
moyen de la force. L'emploi de la force est par conséquent l'un des

moyens possibles de commettre des actes de génocide.Et, il convient de le
signaler, c'est l'un des moyens les plus efficaces, étant donné les carac-
tères propres de la force armée.
L'emploi étendu de la force armée, en particulier s'il visedes objets et
des infrastructures constituant les conditions de la vie normale, peut
aboutir a ((soumettre le groupe a des conditions d'existence)) entraînant

bel et bien (<sadestruction physique)).
On peut bien entendu objecter que les actes en question ont pour rôle
d'affaiblir la puissance militaire de la République fédéralede Yougosla-
vie. Mais pareille explication peut difficilement représenter un argument
valable. Le raisonnement. en effet. va ravidement emvrunter un cercle
vicieux: la puissance militaire étant après tout composée d'hommes, il est
possible d'aller jusqu'a prétendre que le meurtre collectif d'une foule de

civils tient en quelque sorte lieu de mesure de précaution de nature à
empêcher d'entretenir lapuissance militaire de I'Etat, voire de I'augmen-
ter en cas de mobilisation.
Certes, pour pouvoir parler de génocide, il faut une intention, c'est-
a-dire qu'il faut vouloir ((soumettre intentionnellement le groupe a desditions of life" bringing about "its physical destruction in whole or in
part".
In the incidental proceedings the Court cannot and should not concern
itself with the definitive qualification of the intent to impose upon the
group conditions in which the survival of the group is threatened. Having
in mind the purpose of provisional measures, it can be said that at this
stage of the proceedings it is sufficient to establish that, in the conditions
of intensive bombing, there is an objective risk ofbringing about condi-
tions in which the survival of the group is threatened.
The Court took just such a position in the Order of 8 April 1993on the

indication of provisional measures in the Application of'the Convention
on the Prevention und Punishment of the Crirneof Genocide case.

Paragraph 44 of that Order stated:
"Whereas the Court, in the context of the present proceedings on
a request for provisional measures, has in accordance with Article 41
of the Statute to consider the circumstances drawn to its attention as
requiring the indication of provisional measures, but cannot make
definitive findings of fact or of imputability, and the right of each

Party to dispute the facts alleged against it, to challenge the attribu-
tion to it of responsibility forthose facts, and to submit arguments
in respect of the merits, must remain unaffected by the Court's deci-
sion" (1.C.J. Reports 1993, p. 22).
The question of "intent" is a highly complicated one. Although the
intent is a subjective matter, a psychological category, in contemporary
criminal legislation it is established also on the basis of objective circum-
stances. Inferences of intent to commit an act are widely incorporated in
legal systems. Exempli cuusa, permissive inferences as opposed to a man-

datory presumption in thejurisprudence of the United States of America
may be drawn even in a criminal case.

In any event, there appears to be a clear dispute between the Parties
regarding "intent" as the constitutive element of the crime of genocide.

The Applicant asserts that "intent" can be presumed and, on the other
hand, the Respondent maintains that "intent", as an element of the crime
of genocide, should be clearly established as dolus specialis. Such a con-
frontation of views of the Parties concerned leads to a dispute related to
"the interpretation, application or fulfilment of the Convention", includ-
ing disputes relating to the responsibility of a State for genocide or for
any of the other acts enumerated in Article III of the Convention.

13. At the same time, one should have in mind that whether "in cer-
tain cases, particularly that by the infliction of inhuman conditions of
life,the crime may be perpetrated by omission" (Stanislas Plawski, Etude LICÉITÉ DE L'EMPLOI DE LA FORCE (OP. DISS. KRECA) 969

conditions d'existence)) entraînant «sa destruction physique totale ou
partielle.
Lors de procédures incidentes, la Cour ne peut pas - et ne doit
d'ailleurs pas- chercher à établirde façon définitive qu'elle esten pré-

sence d'une volontéde soumettre le groupe à des conditions d'existence
de nature à menacer sa survie. Eu égard à l'objet des mesures conserva-
toires, on peut dire qu'à ce stade de la procédure,il suffit d'établirque, le
groupe étant soumis à des bombardements intensifs, on court objective-
ment le risque de voir cette situation aboutirà menacer sa survie.
La Cour a précisémentadoptécette position dans l'ordonnance qu'elle
a rendue le 8avril 1993au sujet de l'indication de mesures conservatoires
dans l'affaire relative l'Application(lelu conventionpour lu prévention
et lu réprrs.riondu crime de gknocide.
Le paragraphe 44 de cette ordonnance se lit comme suit:

((Considérantque la Cour, dans le contexte de la présenteprocé-
dure concernant l'indication de mesures conservatoires, doit, confor-
mément à l'article 41 du Statut, examiner si lescirconstances portées
à son attention exigent l'indication de mesures conservatoires, mais
n'est pas habilitée à conclure définitivement sur les faits ou leur
imputabilité etque sa décisiondoit laisser intact le droit de chacune
des Parties de contester les faits allégcontre elle, ainsi que la res-
ponsabilitéqui lui est imputéequant à ces faits et de faire valoir ses

moyens sur le fond.» (C.1.J. Recueil1993, p. 22.)
La question de l'«intentionnalité» est extrêmement complexe.L'inten-
tion appartient au domaine subjectif, c'est une catégorie psychologique,
mais, dans la législation pénalecontemporaine, l'intention est également
établieà partir de circonstances objectives. L'intention présuméede com-

mettre l'acte fait très communément partie du systèmejuridique. Par
exemple, aux Etats-Unis d'Amérique, la jurisprudence autorise la pré-
somption plausible par opposition àla présomption concluante, mêmeen
matière pénale.
De toute façon, les Parties s'opposent très clairement, semble-t-il, au
sujet de l'«intentionnalité» en tant qu'élément constitutifdu crime de
génocide.
Le demandeur affirme que l'«intention» peut ètre présuméetandis
que le défendeur soutient qu'en tant qu'élément constitutifdu crime de
génocide, l'«intention» doit êtreclairement établie sous forme de do1
spécial.Cette opposition de vues entre les Parties constitue un différend
relatifà l'interprétation, l'application ou l'exécutionde l...convention

[sur le génocide])),les différendsde ce type comprenant aussi les diffé-
rends relatifsà la responsabilité d'un Etat en matière de génocideou
de l'un quelconque des autres actes énumérés à l'article III de ladite
convention.
13. En mêmetemps, il ne faut pas oublier que, «dans certains cas, sur-
tout dans le génocidepar la soumission à des conditions inhumaines de
vie, le crime peut êtreperpétrépar omission)) (Stanislas Plawski. Etudedes principes jondumrntuux du clvoit internutionul pc;nul,1972, p. 115.
Cited in United Nations doc. E/CN.4/Sub.2/415 of 4 July 1978).
Since,

"Experience provides that a state of war or a military operations
régimegives authorities a convenient pretext not to provide a popu-
lation or a group with what they need to subsist - food, mediciries,
clothing, housing . . .It will be argued that this is inflicting on the
group conditions of lifecalculated to bring about its physical destruc-
tion in whole or in part." (J. Y. Dautricourt, "La prévention du
génocideet ses fondements juridiques", Etudes intrrnutionules de
psychosociologir criminrllr, Nos. 14-15, 1969, pp. 22-23. Cited in
United Nations doc. E/CN.4/Sub.2/415 of 4 July 1978,p. 27.)

Of the utmost importance isthe fact that, in the incidental proceedings,
the Court cannot and should not concern itself with the definitive quali-
fication of the intent to impose upon the group conditions in which the
survival of the group is threatened. Having in mind the purpose of pro-
visional measures, it can be said that at this stage of the proceedings it is
sufficient to establish that, in the conditions of intensive bombing, there
is an objective risk of bring about conditions in which the survival of the
group is threatened.

14. In paragraph 15of the Order the Court states:
"Whereas the Court is deeply concerned with the human tragedy,
the loss of life, and the enormous suffering in Kosovo which form
the background of the present dispute, and with the continuing loss
of life and human suffering in al1parts of Yugoslavia."

The phrasing of the statement seems to me unacceptable for a number
of reasons. First, the formulation introduces dual humanitarian concern.
The Court is, it is stated, "deeply concerned", while at the same time the
Court states "the loss of life". So, it turns out that in the caseofl1parts
of Yugoslavia" the Court technically states "the loss of life" as a fact
which does not cause "deep concern". Furthermore, the wording of the

formulation may also be construed as meaning that Kosovo is not a part
of Yugoslavia. Namely, after emphasizing the situation in Kosovo and
Metohija, the Court uses the phrase "in al1parts of Yugoslavia". Having
in mind the factual and legal state of affairs, the appropriate wording
would be "in al1other parts of Yugoslavia". Also, particular reference to
"Kosovo" and "al1 parts of Yugoslavia", in the present circumstances,
has not only no legal, but has no factual basis either. Yugoslavia, as a
whole, is the object of attack. Human suffering and loss of life are, un- LICÉITÉ DE L'EMPLOI DE LA FORCE (OP. DISS. KRECA) 970

des principesJondun~rntuu.~du droit internutionulpénul, 1972,p. 115.Cité

dans Nations Unies. doc. E/CN.4/Sub.2/416 datédu 4 juillet 1978,p. 28).
En effet,

<[ll'expérienceprouve que l'étatde guerre ou le régimed'occupation
de guerre sont un prétextefacile pour les autorités responsables pour
ne pas fournir à une population ou à un groupe ce qui leur est
nécessaire pour subsister: vivres, médicaments, vêtements, habita-
tions ... On nous dira que c'est lasoumission du groupe à des condi-

tions d'existence susceptibles d'entraîner sa destruction physique
totaleOLI partielle.»(J.Y. Dautricourt, «La prévention du génocide
et ses fondements juridiques)), Etucies internutionu1c.s ci(,psyc.110-
.soc,iologircvirninrllr, nos 14-15, 1969, p. 22-23. Cité dans Nations
Unies, doc. E/CN.4/Sub.2/416 datédu 4 juillet 1978, p. 28.)

II est donc d'une importance primordiale de savoir que, lors de procé-
dures incidentes, la Cour ne peut pas - et ne doit d'ailleurs pa- cher-

cher à établirde façon définitive unevolontéde soumettre le groupe à des
conditions d'existence de nature A menacer sa survie. Eu égard à l'objet
des mesures conservatoires. on peut dire qu'à ce stade de la procédure, il
suffit d'établir que, le groupe étant soumis A des bombardements inten-
sifs, on court objectivement le risque de voir cette situation aboutir à

menacer sa survie.

14. Au paragraphe 15 de son ordonnance, la Cour dit:
((Considérantque la Cour est profondément préoccupéepar le

drame humain, les pertes en vies humaines et les terribles souffrances
que connaît le Kosovo et qui constituent la toile de fond du présent
différend, ainsi que par les victimes et les souffrances humaines que
l'on déplore de façon continue dans l'ensemble de la Yougoslavie. »

Le libelléde cette déclaration me paraît inacceptable pour plusieurs
raisons. La première est que cet énoncéfait part d'une préoccupation
humanitaire double. La Cour dit être ((profondément préoccupée)) et

évoque en même temps<<lespertes en vies humaines)) et <<lesvictimes)).
De sorte qu'en ce qui concerne ((l'ensemble de la Yougoslavie», la Cour
évoque techniquement ((les victimes)) comme un fait qui ne cause pas de
(cpréoccupation profonde)). En outre, l'énoncépermet également de
l'interprétercomme signifiant que le Kosovo ne fait pas partie de la You-

goslavie. C'est-à-dire qu'après avoir mis en relief la situation ail Kosovo-
Metohija, la Cour utilise l'expression «dans l'ensemble de la Yougosla-
vie». Compte tenu de la situation de fait et de la situation de droit, il
aurait fallu dire «dans le reste de la Yougoslat,ie». De surcroît. faire allu-
sion au «Kosovo>) et à «l'ensemble de la Yougoslavie» non seulement

n'a aucun fondement juridique dans la situation actuelle. mais ne reposefortunately, a fact, generally applicable to the country as a whole; so,the
Court, even if it had at its disposal the accurate data on the number of
victims and the scale of suffering of the people of Yugoslavia, it would

still have no moral right to discriminate between them. Further, the
qualification that "human tragedy and the enormous suffering in Kosovo
. .. form the background of the present dispute" not only is political, by
its nature, but has, or may have, an overtone ofjustification of the armed
attack on Yugoslavia. Suffice it to recall the fact that the respondent

State refers to its armed action as humanitarian intervention.

It is upto the Court to establish, at a later stage of the proceedings, the
real legal state of affairs, namely, the relevant facts.At the present stage,
the question of the underlying reasons for the armed attack on the Fed-
eral Republic of Yugoslavia is the object of political allegations. While
the Respondent argues that what is involved is a humanitarian interven-
tion provoked by the "human tragedy and the enormous suffering", the

Applicant finds that sedes rnuteriue the underlying reasons are to be
sought elsewhere - in the support to the terrorist organization in
Kosovo and in the political aim of secession of Kosovo and Metohija
from Yugoslavia.
Consequently, we are dealing here with opposed political qualifications

in which the Court should not, and, in my view, must not, enter except in
the regular court proceedings.
15. The formulation of paragraph 33 of the Order leaves the impres-
sion that the Court is elegantly attempting todrop the bal1in the Security
Council's court. Essentially, it is superfluous because, as it stands now, it

only paraphrases a basic fact that "the Security Council has special
responsibilities under Chapter VI1 of the Charter". It can be interpreted,
it is true, also as an appeal to the United Nations organ, specifically
entrusted with the duty and designed to take measures in case of threat to
the peace, breach of the peace or act of aggression; but, in that case the
Court would need to stress also another basic fact - that a legal dispute

should be referred to the International Court of Justice on the basis of
Article 36, paragraph 3, of the United Nations Charter.

16. The Court, by using the term "Kosovo" instead of the official

name of "Kosovo and Metohija", continued to follow the practice of the
political organs of the United Nations. which. by the way, was also
strictly followed by the respondent States.
It is hard to find a justifiable reason for such a practice. Except of
course if we assume political opportuneness and involved practical, politi-
cal interests to be a justified reason for this practice. This is eloquently

shown also by the practice of the designation of the Federal Republic ofpas sur les faits non plus. C'est l'ensemble de la Yougoslavie qui est atta-
aué.Les souffrances et les Dertesen vies humaines sont malheureusement
un fait s'appliquant en généralau pays tout entier; dans ces conditions,
mêmesi elle avait eu a sa disposition des chiffres précis concernant le
nombre des victimes et l'ampleur des souffrances de la population de la

Yougoslavie, la Cour n'aurait de toute façon pas eu le droit moral d'éta-
blir la moindre discrimination i cet égard. De plus, dire que «le drame
humain ... et les terribles souffrances que connaît le Kosovo et qui cons-
tituent la toile de fond du présentdifférend))non seulement est une indi-
cation de caractère politique mais représente, ou pourrait représenter,
une sorte de justification de l'attaque arméemenéecontre la Yougoslavie.

11suffit de rappeler à ce propos que 1'Etat défendeur qualifie son action
arméed'intervention humanitaire.
Il appartient à la Cour d'établir à un stade ultérieur de la procédure
quelle est véritablement la situation en droit, c'est-à-dire quels sont les
faits pertinents. Au stade actuel, la question des raisons profondes de
l'attaque armée dirigéecontre la République fédéralede Yougoslavie fait

l'objet d'allégations politiques. Le défendeur soutient qu'il s'agit d'une
intervention humanitaire provoquée par «le drame humain et les terribles
souffrances)), tandis que le demandeur estime que sedes niutel.iucles rai-
sons profondes sont i chercher ailleurs - dans le soutien apporté à
l'organisation terroristei l'Œuvreau Kosovo et dans la volonté politique
de sécessionqui anime le Kosovo-Metohija.
Nous avons donc affaire ici à des qualifications politiques opposées

dans lesquelles la Cour ne devrait pas entrer, cela lui est même interditi
mon avis, si ce n'est dans le cadre d'une procédure judiciaire normale.
15. L'énoncédu paragraphe 33 de l'ordonnance donne l'impression
que la Cour cherche assez élégamment A renvoyer la balle dans le jardin
du Conseil de sécurité.Pour l'essentiel, c'est inutile, parce que, sous sa
forme actuelle, cet énoncén'est qu'une simple paraphrase d'une donnée

élémentairequi est que «le Conseil de sécuritéest investi de responsa-
bilitésspéciales en vertu du chapitre VI1 de la Charte)). Il est possible.
certes, de l'interpréter aussi comme un appel lancé a l'organe des
Nations Unies qui est très précisémentchargé de prendre des mesures
en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix ou d'acte d'agres-
sion et aui a d'ailleurs été concuà cet effet: mais. en l'occurrence. la

Cour devrait rappeler aussi une autre donnée élémentaire:en vertu de l'ar-
ticle 36. paragraphe 3, de la Charte des Nations Unies, un différendjuri-
dique doit être soumisà la Cour internationale de Justice.
16. En utilisant l'appellation «Kosovo)) au lieu de l'appellation offi-
cielle de «Kosovo-Metohija)), la Cour a continué de suivre la pratique
des organes politiques des Nations Unies. pratique dont, d'ailleurs, les
Etats défendeurs ne se départissent jamais.

IIest difficile de justifier pareille pratique, sauf, bien entendu, si nous
admettons que l'opportunité politique, les intérêts politiquesel concrets
sont a cet égard des arguments valables. C'est ce que montre également
de façon éloquente la pratique suivie pour désigner la République fédé-Yugoslavia. After the succession of the former Yugoslav federal units,
the organs of the United Nations, and the respondent States themselves,
have used the term Yugoslavia (Serbia and Montenegro). However, since

22 November 1995, the Security Council uses in its resolutions 1021 and
1022 the term "Federal Republic of Yugoslavia" instead of the former
"Federal Republic of Yugoslavia (Serbia and Montenegro)" without any
express decision and in a legally unchanged situation in relation to the
one in which it, like other organs of the United Nations, employed the

term "Federal Republic of Yugoslavia (Serbia and Montenegro)". The
fact that this change in the practice of the Security Council appeared on
the day following the initialling of the Peace Agreement in Dayton gives
a strong basis for the conclusion that the concrete practice is not based
on objective, legal criteria but rather on political criteria.

By using the word "Kosovo"instead of the name "Kosovo and Meto-
hija", the Court, in fact, is doing two things:

u it gives in to the colloquial use of the names of territorial units of an
independent State; and
(h) it ignores the official name of Serbia's southern province, a name

embodied both in the constitutional and legal acts of Serbia and of
the Federal Republic of Yugoslavia. Furthermore, it runs contrary
to the established practice in appropriate international organiza-
tions. Esrmpli cuusu, the official designation of the southern
Serbian province "Kosovo and Metohija" has been used in the

Agreement concluded by the Federal Republic of Yugoslavia and
the Organisation for Security and Co-operation in Europe (Internu-
tionul Legal Muterials, 1999, Vol. 38, p. 24).

Even if such a practice - which, in my opinion, is completely inappro-
priate not only in terms of the law but also in terms of proper usage -
could be understood when resorted to by entities placing interest and
expediency above the law, it is inexplicable in the case of ajudicial organ.

17. A certain confusion is also created by the term "humanitarian law"
referred to in paragraphs 18 and 31 of the Order. The reasons for the
confusion are dual: on the one hand, the Court has not shown great con-
sistency in using this term. In the Gcnoc,irlrcase the Court qualified the

Genocide Convention as a part of humanitarian law, although it is obvi-
ous that. by its nature. the Genocide Convention falls within the field of
international crinlinal law (see dissenting opinion of Judge Kreca, in the
case concerning Ap/~liccltion qf tllr C'otli~c,tltioioin tllr P~ei~rntiLIIIC~
Pli~zislit~ioiof'rli~~Criiiic~of'Gt~noc~ir/rP.t~c~lir~~inrOr~~jjc.tions,I.C.J.

X~~por.t.1s996 fllj. pp. 774-775, para. 108).
On the other liand. it seerns thut in thiOicier the term "humanitarian
law" has been tised with LIdiffei-eilt nieaning, inore appropriate to the
generally acceptecl terminolog).. The rele\.aiit passage in the Order shouldrale de Yougoslavie. A la suite de la sécession de certaines parties de
l'ancienne Fédérationyougoslave, les organes des Nations Unies et les
Etats défendeurs eux-mêmes ontutiliséla formule <<Yougoslavie(Serbie
et Monténégro))).Mais, depuis le 22 novembre 1995, le Conseil de sécu-

rité utilise, dans ses résolutions 1021 et 1022, la formule ((République
fédéralede Yougoslavie» au lieu de l'ancienne formule ((République
fédérativede Yougoslavie (Serbie et Monténégro))),sans qu'il y ait eu de
décision expresseà cet égard etdans une situation de droit inchangéepar
rapport iicelle dans laquelle le Conseil. comme d'autres organes des

Nations Unies, se servait de la formule ((République fédérativede You-
goslavie (Serbie et Monténégro))).Le fait que ce changement de pratique
du Conseil de sécuritédate du lendemain du jour ou a étéparaphé
l'accord de paix de Dayton autorise à soutenir avec assez de fermetéque
cette pratique concréte ne s'inspire pas de critères juridiques objectifs

mais plutôt de critères politiques.
En utilisant le terme <<Kosovo»au lieu du nom «Kosovo-Metohija)),
la Cour, en fait, fait deux choses à la fois:

U) elle adopte l'appellation courante et populaire servant à désignerles
unitésterritoriales d'un Etat indépendant;
h) elle laisse de côté l'appellation officielle de la province méridionale
de Serbie, appellation consacrée par les actes constitutionnels et juri-
diques tant de la Serbie que de la République fédéralede Yougosla-

vie. En outre, la Cour agit ainsi contrairement à la pratique établiepar
les organisations internationales compétentes. Par exemple, la dési-
gnation officielle de la province méridionale de Serbie ((Kosovo-
Metohija)) est celle qui figure dans I'accord conclu par la République
fédérale de Yougoslavie et l'organisation pour la sécurité elta coopéra-

tion en Europe (InterncrtionulLegul Muteriuls, 1999, vol. 38.p. 24).
Mêmesi pareille pratique, laquelle, à mon sens, est totalement incor-

recte, non seulement sur le plan du droit mais aussi du point de vue du
bon usage, pouvait se défendre quand elle émane d'entités qui situent
l'intérêett la commodité au-dessus de la loi, elle est inexplicable quand
elle émaned'un organe judiciaire.
17. L'expression ((droit humanitaire)) que la Cour utilise aux para-

graphes 18 et 31 de son ordonnance prête également à confusion, pour
une double raison : d'un côté.la Cour ne manifeste pas une parfaite cohé-
rence dans l'emploi de cette formule. Dans l'affaire de l'App/ic.atior~do
la roni~eiirinr~ur./c génocillc,la Cour a dit que ladite convention faisait
partie du droit humanitaire. alors qu'il est manifeste qu'en raison de sa
natiire même.ladite convention relèvedu droit pénalinternational (voir

l'opinion dissidente de M. Krei-a dans l'affaire relative à I',lpl~iic~~ittri.
Itrc,oiii~rrltio'iolir. lii pr.c;i~c~olrItrrL;l~r~r.s.stlilc.rir?lde gérzoc.itlc.
~~.\-c~,l)tio~ls~lir~ir~~rirC~./J. Xc'c~~c,1 iI996///J, p. 774-775. par. 108).
D'un autre côté.il me semble clliedans 1;)présenteordonnafice. la for-
mule ((droit humanitaire>) est employéeen ~iiisens différeiit plus proche

du sens généralementaccepte a~io~rrd'hiii.Et iconvient de t'riii-eprécisé-be mentioned precisely because of the wording of its paragraphs 18and
31. The singling out of humanitarian law from the rules of international
law which the Parties are bound to respect may imply low-key and timid
overtones of vindication or at least of diminishment of the legal implica-
tions of the armed attack on the Federal Republic of Yugoslavia.

Humanitarian law, in its legal, original meaning implies the rules ofjus
in bello. If, by stressing the need to respect the rules of humanitarian law,

which 1do not doubt, the Court was guided by humanitarian considera-
tions, then it should have stressed espressis verhis also the fundamental
importance of the rule contained in Article 2, paragraph 4, of the Char-
ter, which constitutes a dividing line between non-legal, primitive inter-
national society and an organized, de jure, international community.

(Signed) Milenko KRECA.ment état de l'extrait pertinent de l'ordonnance en raison mêmedu libellé
des paragraphes 18et 31. En isolant le droit humanitaire parmi les règles
de droit international que les parties sont tenues de respecter, il est pos-
sible que la Cour veuille, discrètement, voire timidement, justifier impli-
citement l'attaque armée dirigéecontre la République fédéralede You-
goslavie ou tout au moins en atténuer les conséquences sur le plan du

droit.
Dans son premier sens juridique, le droit humanitaire correspond
implicitement aux règles du jus in hello. Si la Cour s'inspirait, comme
je n'en doute nullement, de considérations humanitaires quand elle a
souligné la nécessitéde respecter les règles du droit humanitaire, elle
aurait dû souligner expressément aussi l'importance fondamentale que
revêt la règleénoncée i l'article2,paragraphe 4,de la Charte, laquelle

trace la ligne de démarcation entre une sociétéinternationale primitive,
où le droit fait défaut, et une communauté internationale organisée où
règne le droit.

(Sigrlr) Milenko KRECA.

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Opinion dissidente de M. Kreca, juge ad hoc (traduction)

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