Opinion dissidente de M. Kreca, juge ad hoc (traduction)

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110-19990602-ORD-01-09-EN
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[Truduction]

1. LA COMPOSITION DE LACOUR EN L'ESPÈCE
II. LEPROBLEME HUMANITAIRE EN L'ESPECE

III. LESQUESTIONS DI: COMPETENCE
Compétencede la Cour rationr prrsonae

Compétencede la Cour ratione materiae
Compétencede la Cour ratione temporis
IV. UN CHEF SUPPLÉMENTAIRE DE COMPÉTENCE LICEITÉ DE L'EMPLO DIE LA FORCE (OP. DISS. KRECA) 612

1. Compte tenu de la différencede principe entre la magistrature inter-
nationale et le système judiciaire interne de chaque Etat, l'institution du

juge ad hoc a fondamentalement un double rôle:
«a) rétablir l'égalitéquand la Cour comprend d'ores et déjà sur le

siègeun juge ayant la nationalité de l'une desparties; et b) créerune
égalitésymbolique entre deux Etats en litige quand aucun membre
de la Cour n'a la nationalité de l'une des parties))(S.Rosenne, The
Luit1 und Pructice of the Intrrnutionul Court, 1920-1996, vol. III,
p. 1124-1125).

En l'espèce,on peut se demander si l'institution du juge ad hoc a bien
exercéI'une quelconque de ces deux fonctions élémentaires.

Il est possible de distinguer deux éléments.

Le premier est lié: ce rétablissement de l'égalitéentre les parties en ce
qui concerne les relations entre le demandeur et les Etats défendeurs qui
ont un juge national sur le siège. In concrrto, il faut s'intéresser à cet
égard à la positiori particulière des Etats défendeurs. Ces derniers, en
effet, comparaissent à un double titre:

primo, ils comparaissent individuellement puisque chacun d'eux est en
litige avec la République fédéralede Yougoslavie;

secundo, ce sont en mêmetemps des Etats membres de I'OTAN dans le
cadre institutionnel de laquelle ils ont engagéune attaque armée contre la
République fédéralede Yougoslavie. Dans ce cadre de I'OTAN, les Etats
défendeursagissent in corporc, en tant que parties intégrantes d'une orga-
nisation constituant un tout. L'ensemble, le corpus, des volontés des
Etats membres de I'OTAN, quand ils'agit de mener des opérations mili-
taires, constitue une volonté collective qui est officiellement celle de

I'OTAN.
2. On peut se demander par ailleurs si les Etats défendeurs peuvent

êtreconsidéréscomme faisant cause commune.
Dans l'ordonnance rendue le 20 juillet 1931 dans l'affaire du Régime
douunier entre I'Allrmugne et l'Autriche, la Cour permanente de Justice
internationale a énoncéle principe suivant:

((tous les gouvernements qui, devant la Cour, arrivent à la même
conclusion, doivent être considéréscomme faisant cause commune
aux fins de la présente procédure)) (C.P.J.I. sérieAIB no 41, p.89).

Dans sa pratique, la Cour a quasiment toujours établi qu'il y avait
«cause commune)) en se fondant sur un critère formel, celui de la
«même conclusion» à laquelle aboutissent les parties comparaissant
devant elle. En I'espèce,il est indubitable que la formulation d'une conclusion

identique est le critère pertinent permettant d'établir que les Etats défen-
deurs font «cause commune)). Il étaiten quelque sorte inévitablede for-
muler la même conclusionen I'espècepuisque la Républiquefédéralede
Yougoslavie a présentéune requête identique à l'encontre de dix Etats
membres de l'OTAN et l'on en a eu la preuve officiellea l'issuede la pro-
cédure qui s'est déroulée devantla Cour les 10, 11 et 12 mai 1999, les
Etats défendeurs aboutissant tous à une conclusion identique reposant
sur une argumentation pratiquement identique dont les seules variations
concernent la forme et le mode de présentation.
D'ou la conclusion inévitable à mon sens que les Etats défendeurs font
tous in concreto cause commune.

3. Quelles incidencesfaut-il en tirer pour la composition de la Cour en
l'espèce?L'article31,paragraphe 2, du Statut, dispose: «Si la Cour compte
sur le siègeun juge de la nationalité d'unedes parties, toute autre partie
peut désignerune personne de son choix pour siégeren qualité de juge.»
Le Statut, donc, définit ainsile droit de «toute autre partie)), c'est-
à-dire une partie autre que celle qui compte un juge de sa nationalité sur
le siège, etil parlee cette autre partie au singulier. Mais il serait erroné
d'en déduireque «toute autre partie)) que celle qui compte un juge de sa
nationalité sur le siègene peut pas, dans certains cas, désigner plusieurs
juges ad hoc. Retenir cette interprétation serait manifestement contraireà
la ratio legis de l'institution du juge ad hoc, lequel en I'espècea pour

objet «de rétablirl'égalité quand la Cour comprend d'ores et déjàsur le
siège unjuge ayant la nationalité de l'une des parties)) (S. Rosenne, The
Law und Practice of the Internatioizul Court, 1920-1996, vol. III, p. 1124-
1125).L'usage du singulier à l'article 31,paragraphe 2, du Statut, quand
il est question de l'institution du jugead hoc, permet donc simplement
d'individualiser ce droit général,intrinsèque, au rétablissement de I'éga-
litéentre les parties en litige en ce qui concerne la composition de la
Cour, quand l'une des parties compte un juge de sa nationalité sur le
siègetandis que l'autre n'en a pas. Concrètement, appliquéà la présente
instance, ce principe signijïe implicitement que le demandeur a le droit de
désignerautant dejuges ad hoc qu'il lefaut pour rétablir l'égalientre le

demandeur et les Eiats dé/endeursqui comptent unjuge de leur nationalité
sur le siège et quifont cause commune. Concrètement, ce droit fondamen-
tal au rétablissement de l'égalitéduns la composition de la Cour, qui
répond à lu rggle fondamentale de l'égalité des parties,signijïe que la
République ,fédérale de Yougoslavie doit avoir le droit de désigner cinq
juges ad hoc, puisque, sur les dix Etats défendeurs, il y en a cinq (les
Etats-Unis d'Amérique, le Royaume-Uni, la France, l'Allemagne et les
Pays-Bas) qui comptent unjuge national sur le siège.
S'agissant de ce rétablissement de l'égalitéentre la partie autorisée a
désigner un juge ad hoc de son choix, d'une part, et, de l'autre, lesparties
qui comptent un juge national sur le siège, lefait est que la République

fédéralede Yougoslavie, comme on peut le constater dans l'ordonnance,
n'a soulevéaucune objection au cas de figure qui se présentaitet qui étaitque cinq Etats défendeurs, pas moins, comptaient un juge de leur natio-

nalité sur le siège. Mais il n'est certainement pas possible de considérer
que ce cas de figure ôte toute pertinence à la question, mêmesi la Répu-
blique fédéralede Yougoslavie a tacitement admis une telle dérogation
flagrante à la lettre et à l'esprit de l'article 31, paragraphe2, du Statut.
La Cour a, quant à elle, l'obligation de prendre en considération, ès
qualité, cette question qui est à ce point cruciale, qui découledirectement

de l'égalité despariies et, à l'inverse, qui risque en outre de porter direc-
tement et sensiblement atteinte à I'égalité des parties.La Cour est le gar-
dien de la légalitépour les parties, et. à cette fin, seule est valable la
presurnptio juris et de jure - il faut savoir le droit (jura novit curiu).
Comme l'ont dit trois membres de la Cour, MM. Bedjaoui, Guillaume et

Ranidv,. dans la déclaration commune au'ils ont faite dans l'affaire Loc-
kerbie: «il appartient à la Cour et non aux parties de prendre la décision
requise » (Que.stions d'interprktation et d'application de la convention de
Montréal de 1971 résultantde l'incident aérien deLockerbie (Jarnuhiriyu
urubr libyenne c. Royaume- Uni), C. I.J. Recueil 1998, p. 36, par. 1 1).

A contrario, la Cour risquerait, alors que la question relèvevéritable-
ment de sa raison d'être,de se cantonner dans l'attitude de l'observateur
passif, qui se contente de prendre connaissance des thèses des parties,
puis se prononce.
4. Le second élémentà étudier est celui du rétablissement de l'égalité

dans les relations entre le demandeur et les Etats défendeurs qui ne
comptent pas de juge national sur le siège.
Les Etats défendeurs ne comptant pas de juge national sur le siègeont,
suivant la procédure habituelle, désignéun juge ad hoc de leur choix (Bel-
gique, Canada, Espagne et Italie). Seul le Portugal n'a pas désignéde juge
ad hoc. Le demandeur a successivement soulevé des objections à la dési-

gnation de ces juges ad hoc des Etats demandeurs en invoquant le para-
graphe 5 de l'article 31 du Statut de la Cour. Chaque fois, la Cour a
répondu par la formule habituelle: ((La Cour, ...est parvenue à la
conclusion que la désignation d'un juge ad hoc par [le défendeur] se jus-
tifiait dans la présente phase de l'affaire)).

Certes, la formule est laconique, trop peu détailléepour permettre
d'analyser le raisonnement juridique suivi par la Cour. Le seul élément
qui se prêteà une interprétation téléologique estle membre de phrase ser-
vant a qualifier la désignation d'un juge ad hoc, laquelle serait «justifi[ée]
dans la présente phase de l'affaire)). A contrario, il est donc possible que

cette désignation de juges ad hoc ne soit «pas justifiée))dans certaines
autres phases de l'affaire. Cette qualification peut s'interpréter comme
une réserve,de la part de la Cour, quant à la désignation de juges ad hoc
par les Etats défendeurs, réservequi s'expliquerait par l'impossibilitéoù
se trouverait la Cour de voir, avant qu'elles définissent leurposition, quel
est l'intérêt desparties - font-elles ou non cause commune?

Le sens à donner au rétablissement de l'égalitéentre les parties, puis-
que c'est la raison d'être de l'institution du juge ad hoc dans le cas defigure où le demandeur et les Etats défendeurs qui font cause commune
ne comptent pas de juge ad hoc de leur nationalité sur le siège,a été défini
dans la pratique de la Cour de façon très claire, sans la moindre ambi-
guïté.
Dans l'affaire duSud-Ouest africain (1961), il a été décidéue, au cas

où ni l'une ni l'autre des Parties faisant cause commune ne compterait de
juge de sa nationalité sur le siège,lesdites Parties auraient la faculté de
désignerd'un commun accord un seul juge ad hoc (Sud-Ouest africain,
C.I.J. Recueil 1961, p. 3).
Si, en revanche, la Cour compte parmi ses membres un juge ayant la
nationalité d'une des parties, ne serait-ce que de I'une d'elles,l ne sera
pas désignéde juge ud hoc (Juridiction territoriale de la Commission
internationale de l'Oder, C.P.J.I. sérieC no 17 (II), p. 8; Régimedoua-
nier entre l'Allemagne et l'Autriche, 1931, C.P.J.I. série AIB no 41,
p. 88).
Si l'on applique Lilu présente instancecette jurisprudence parfaitement

cohérentede la Cour, aucun des Etats défendeurs n'étaithabilité ridési-
gner unjuge ad hoc.
On peut donc dire qu'en l'espèce,ni I'une nil'autre des deux fonctions
élémentairesde l'institutiondu juge ad hoc n'a été rempliede façon satis-
faisante du point de vue de la composition de la Cour. A mon sens, la
question revêtun intérêttout particulier parce que, manifestement, son
importance ne se limite pas a la procédureet pourrait avoir une portée
concrète de très grande ampleur.

5. Les problèmes humanitaires en tant que motif d'indication de me-
sures conservatoires revêtent uneimportance primordiale dans la pra-
tique la plus récentede la Cour.

En la matière, la Cour suit deux voies parallèles:

a) L'intérêptarticulier de la personne

A cet égard,I'affaireLaCrand (Allemagne c. Etats-Unis d'Amérique)
et l'affaire relative a Convention de Vienne sur les relutions consulaires
(Puruguuy c. Etats-Unis d'Amérique) sont caractéristiques.
Dans les deux affaires, la Cour s'est montrée extrêmementsensible à
l'aspect humanitaire de la question à examiner, ce qu'exprime probable-
ment au mieux la requêteprésentéepar l'Allemagne le 2 mars 1999:

((L'importance et le caractère sacré dela vie humaine sont des
principes bien établis du droit international. Comme le reconnaît
l'article 6 du pacte international relatif aux droits civilset politiques,
le droità la vie est inhérent51la personne humaine et ce droit doit êtreprotégépar la loi.» (LaGrand (Allemagne c. Etats-Unis d'Amé-
rique), mesures conservatoires, ordonnance du 3 murs 1999, C.1.J.
Recueil 1999, p. 12, par. 8.)

Dès le lendemain. à l'unanimité. la Cour a indiaué des mesures conser-
vatoires parce que les circonstances exigeaient 4u'elle les «indique» de
toute urgence (ibid. p. 15, par. 26), de sorte qu'il lui incombait de mettre
en train le mécanismevoulu conformément à l'article 41 de son Statut et
de l'article 75, paragraphe 1, de son Règlement, «pour que M. Walter
LaGrand ne soit pas exécutétant que la décision définitive enla présente
instance n'aura pas été renduen (ibid., p. 16, par. 29).

La Cour a indiqué des mesures conservatoires quasiment identiques
dans le différendopposant le Paraguay et les Etats-Unis d'Amériqueà la
suite de la requêteprésentéepar le Paraguay le 3 avril 1998. Le même
jour, le Paraguay a également présenté«une demande urgente en indica-
tion de mesures coriservatoires à l'effet de protéger ses droits)) (Conven-
tion de Vienne sur les relations consuluires (Puraguay c. Etats-Unis

d'Amérique), ordonnance du 9 avril 1998, C.I.J. Recueil 1998, p. 251,
par. 6). Et dès le 9 avril 1998, à l'unanimité, la Cour a indiqué des me-
sures conservatoires «pour que M. Angel Francisco Breard ne soit pas
exécutétant que la décision définitive enla présente instance n'aura pas
étérenduen (ibid., p. 258, par. 41).
Il est évidentque c'est à cause de l'aspect humanitaire du problème que

I'unanimité a étéréaliséeau sein de la Cour. On en voit clairement la
preuve non seulement dans la lettre et l'esprit des deux ordonnances ren-
dues dans ces deux affaires, mais aussi dans les déclarations ainsi que
dans l'opinion individuelle qui leur ont été jointes. Enl'occurrence, les
considérations humanitaires ont été,semble-t-il, assez fortes pour lever
les obstacles qui s'opposaient à l'indication de mesures conservatoires. Le

raisonnement du doyen de la Cour, M. Oda, et celui de son président,
M. Schwebel, sont significatifs.
Au paragraphe 7 de la déclaration qu'iljoint à l'ordonnance du3mars
1999 dans l'affaire LaCrund (Allemagne c. Etats-Unis d'Amérique),
M. Oda énonce de façon convaincante une sériede motifs d'ordre théo-
rique qui l'«ont conduit à penser qu'il n'y avait pas lieu d'indiquer les
mesures conservatoires demandées par l'Allemagne, eu égard au caractère

fondamental de telles mesures)). Mais, M. Oda tient à <<rappel[er]avec
force [que s'il a] voté enfaveur de l'ordonnance, c'est uniquement pour
des motifs humanitaires)) (C.I.J. Recueil 1999, p. 20).
Dans son opinion individuelle, le président de la Cour, M. Schwebel,
n'a pas expressément déclaréqu'il s'était inspirde considérations huma-
nitaires vour voter en faveur de l'ordonnance. mais il est raisonnable de

penser que ce sont les seules considCrations qui ont prévalu en l'espèce,
puisqu'il avait «de profondes réserves quant à la manière de procéder
tant de la Partie requérante que de la Cour» (LuCrund (Allenzugne
c. Etats-Unis d'Amc:rique), mesures conservutoires, ordonnunce du 3murs
1999, C.I.J. Recueil 1999, p. 22). LICÉITÉ DE L'EMPLOI DE LA FORCE (OP. DISS. KRECA) 617

Et, en ce qui concerne le demandeur, M. Schwebel a dit ceci:

((L'Allemagneaurait pu présenter sarequêtedes années,des mois,
des semaines,voire quelquesjours plus tôt. L'eût-elle fait,la Cour eut
pu procéder commeellele fait depuis 1922et tenir des audiences sur la
demande en indication de mesures conservatoires. Mais l'Allemagne
a attendu la veille de l'exécutionpour présentersa requêteet sa de-
mande en indication de mesures conservatoires, en faisant valoir
par la même occasionque la Cour n'avait plus le temps d'entendre

les Etats-Unis et devrait agir d'office.(C.I.J. Recueil 1999, p. 22.)
De son côté, la Cour a indiqué des mesures conservatoires en
s'appuyant, comme le dit M. Schwebel, présidentde la Cour, «exclusive-
ment» sur la requêtede l'Allemagne.

b) L'intérêc tollect('fd'un groupe ou d'une population en tant qu'élément
constitutif de I'Etat

La protection de la population nationale est devenue question litigieuse
dans l'affaire relative auxActivités militaires et paramilitaires au Nica-
ragua et u l'encontre de celui-ci (Nicaraguu c. Etats-Unis d'Amérique):

«Dans sa conclusion, le Nicaragua a insistésur les morts, sur les
dommages que les actes alléguésont causés chezles Nicaraguayens
et a demandé iila Cour de soutenir, au moyen de mesures conser-
vatoires,«les droits des citoyens nicaraguayens àla vie, a la liberté et
a la sécurité».» (R. Higgins, « Interim Measures for the Protection
of Human Rights», dans Charney, Anton, O'Connel1 (dir. publ.),
Politics, Values and Functions, International Law in the 21st Cen-
tury, 1997,p. 96.)

Dans l'affaire di1 Différend frontalier (Burkina FasolRépublique du
Muli), la Cour, pour indiquer des mesures conservatoires, s'est fondée
sur des:

((incidentsqui, non seulement sont susceptibles d'étendreou d'aggra-
ver le différend, maiscomportent un recours à la force inconciliable
avec le principe du règlement pacifique des différendsinternatio-
naux» (Différendfrontalier, ntesures conservatoires, ordonnance du
IO janvier 1986, C.1.J. Recueil 1986, p. 9, par. 19).

En l'espèce,la préoccupation humanitaire étaitmotivéepar le risque de
préjudiceirréparable :
«les faits qui sontà l'origine desdemandes des deux Parties en indi-
cation de mesures conservatoires exposent les personnes et les biens

se trouvant dans la zone litigieuse, ainsi que les intérêtsdes deux
Etats dans cette zone, à un risque sérieuxde préjudiceirréparable))
(ibid.,p. 10, par. 21).
On peut dire que, dans lesaffaires évoquées ci-dessus, enparticulier celles LICÉITÉ DE L'EMPLOI DE LA FORCE (OP. DISS.KRECA) 618

dans lesquelles des individus étaient directement concernés, laCour s'est

appuyéesur une norme humanitaire supérieuredans le cadre de la pro-
cédure enindication de mesures conservatoires, une norme qui avait suf-
fisamment de force intrinsèque pour que 1'011déroge à certaines règles
pertinentes, règlesde procédureet règlesde fond, qui régissent I'institu-
tion des mesures conservatoires. En somme, les considérations huma-
nitaires, indépendamment des normes du droit international qui règlent
les droits de I'homnie et ses libertés,ont en quelque sorte acquis un rôle
juridique autonome; ces considérations ont désormais franchiles limites
du domaine moral et philanthropique pour entrer dans le domaine du
droit.
6. En l'espèce,il semble pourtant que la préoccupation «humanitaire»
ait perdu l'autonomie acquise sur le plan juridique. Vu les circonstances

particulières de l'instance,l convient de s'arrêtersur ce fait.
A la différence des affaires évoquées précédemmentl,e ((problème
humanitaire)) porte ici, littéralement, sur le sort de toute une nation.
Nous aboutissons à cette conclusion àpartir de deux élémentsau moins:
En premier lieu, la Républiquefédéralede Yougoslavie et ses groupes
nationaux et ethniques sont soumis depuis plus de deux mois à présent

aux attaques constantes d'une armada aérienne très forte, extrêmement
organisée,appartenant aux Etats les plus puissants du monde. La finalité
de cette attaque a de quoi horrifier, si l'on enjuge par les paroles du com-
mandant en chef, le généralWesleyClark, et il n'y a pas lieu dedouter de
ce qu'il dit:
((Systématiquement et progressivement, nous allons attaquer,
ébranler, dégrader, dévaster, et finalement, sauf si le président

Miloseviése plie aux exigences de la communauté internationale,
nous allons détruire intégralement ses forces armées et leur ôter
toutes leurs infrastructures et toutes leurs bases de soutien)) (BBC
News, http:llnei~~b.c.co.uklenglishlstutic.NATOgulle~~yluirdefuult.stml
14mai 1999).
En l'occurrence,le terme «soutien»revêtun senstrès large,au point que
l'on peut se demander quel est vraiment l'objet des attaques aériennes.

Dans un article intitulé «La population de Belgrade doit souffrir)),
Michael Gordon cite le généralShort qui dit «espérerque la détressede
la population va saper, qu'elle doit saper, le soutien dont bénéficient les
autoritésde Belgrade)) (Intel.nutionu1Heruld Tribune, 16mai 1999, p. 6)
et il poursuit:
«Il n'y aura plus d'électricitépour votre frigo, plus de gaz pour
votre cuisinière, vous ne pourrez plus aller au travail parce que le

pont est démoli - ce pont sur lequel vous avezorganisévos concerts
rock et sur lequel vous vous êtesmassés avecdes cibles sur la tête.
Tout cela disparaît à 3 heures du matin. » (Ibid.)
Il ne s'agissait pas là de paroles en l'air, comme en témoignent les
ponts démolis, la disparition de centrales électriques, de l'adduction LICÉITÉ DE L'EMPLOI DE LA FORCE (OP. DISS. KRECA) 619

d'eau, des productions alimentaires indispensables à la vie; comme en
témoignela destruction de routes, d'immeubles résidentiels,de maisons
d'habitation unifanliliales; comme en témoignent les hôpitaux privés
d'électricitéet d'eau et, par-dessus tout, ces êtreshumains qui sont
exposésaux bombardements et qui, comme le disait si bien la requête

dans l'affaire LaGrancf (Allemagne c. Etats-Unis d'Amérique), ont un
((droit a la vie inhérenta la personne humaine» (pacteinternational rela-
tif aux droits civilset politiques, art. 6), dont l'importance et le caractère
sacrésont des principes bien établisdu droit international. Dans l'enfer
de la violence, cene sont plus là que des ((dommagescollatéraux)).
En second lieu, l'arsenal qui sert aux attaques lancéescontre la You-
goslavie contient certaines armes dont les effets sont quasi illimitésdans
l'espace et dans le temps. Au cours de la procédure orale, l'agent des
Etats-Unis a nettement préciséque l'uranium appauvri est régulièrement
utilisépar l'armée desEtats-Unis (CR 99/24, p. 17).
Il convient de laisser les scientifiques évaluer les effets de l'uranium
appauvri. Le rapport de Marvin Resnikoff, qui travaille pour Radio-
active Management Associates (NMI) dit quels sont ces effets:

«Une fois inhalées,de fines particules d'uranium peuvent se loger
dans lesalvéolesdu poumon et y resterjusqu'a la fin de votre vie. La
dose inhalée est cumulative. Une certaine fraction des particules
inhalées peut Ctre expectorée puis avaléeet ingérée.Si l'intéressé
fume, il faut prendre cet élément enconsidération. Comme fumer
détruitles franges ciliaires, les particules capturéesdans les passages
bronchiques du fumeur ne peuvent pas êtreexpulsées. Gofman
estime que, chez les fumeurs, le risque dû à l'irradiation est ainsi

multipliépar dix. L'uranium émetune particule alpha, analogue
un noyau d'héliumamputé de deux électrons.Les rayonnements de
ce type ne pénétrentpas très profondément, mais, une fois a l'inté-
rieur du corps, ilscausent beaucoup de dommages aux tissus. Quand
il est inhalé,l'uranium accroît les probabilitésde cancer du poumon.
Quand il est ingéré,l'uranium se concentre dans les os. A l'intérieur
des os, il augmente lesprobabilitésde cancer des os, ou bien, dans la
moelle, les probabilitésde leucémie.L'uranium résideaussi dans les
tissus mous, y compris les gonades, ce qui accroît les probabilitésde
conséquencesgénétiques,sous forme notamment d'anomalies géné-
tiques et d'avortements spontanés. Le rapport qui existe entre I'ura-
nium ingéréet les doses d'irradiation qui en résultentpour la moelle
osseuse et certains organes...figurent dans beaucoup d'étudescitées
en référence.

Les effets de l'uranium sur la santé sont également fonction de
l'âge. Pour une même dose, l'enfantcourt de plus grands risques de
cancer que l'adulte.»(Uranium Battlejelds Home & Abroad: Deple-
ted Uranium uYe by the U.S. Department ofDefensr, Rural Alliance
for Military Accountability, et al.mars 1993,p. 47-48.)
L'Officefédéralallemand de l'environnement (Umweltbundesamt) a pré- LICEITÉ DE L'EMPLOI DE L.AFORCE (OP. DISS. KRECA) 620

sentéune analyse scientifique des effets concrets imputables aux opéra-

tions armées contre la Yougoslavie. Ce rapport d'expert dit essentielle-
ment ceci ':

[Traduction du Greffr]
«Plus la guerre en Yougoslaviedure et plus le risque de dommages
à long terme à l'environnement s'aggrave. Cesdommages menacent

de s'étendre au-delàdes frontièresde la Yougoslavie et peut-êtreest-il
déjàtrop tard pour qu'on puisse leséradiquer.C'est à cette conclusion
que parvient l'Officefédéral allemandde l'environnement (Um1.i-elt-
bundesamt) dans un document interne examinant les conséquences

pour l'environnementde la guerre en Yougoslavie, établien vue de la
réunion des ministres européens de l'environnement début mai à
Weimar. Des catastrophes du type de celles de Seveso et de Sandoz
constituent, selon l'office, «un scénario éminemmenp t robable)).

' «Je langer der Krieg in Jugoslawien dauert. desto grosser wird die Gefahr von lang-
fristigen Schadigungen der Umwelt. Diese drohen sich über die Landesgrenzen
hinaus auszubreiten und konnen moglicherweisenicht mehr vollstandig beseitigt wer-
den. Zu dieser Einschatzung kommt das Umweltbundesamt (UBA) in einem internen
Papier. das sich mit den okologischen Auswirkungen des Krieges in Jugoslawien
befasst und für die Vorbereitung des Treffens europiiischer Umweltminister Anfang
Mai in Weimar erstellt wurde. Katastrophen 'wie Seveso und Sandoz' sind nach
Ansicht des Amtes 'ein durchaus wahrscheinliches Schadensszenario'.
.....................................
Umweltgifte, die nach Zerstorungen von lndustrieanlagen austreten, konnten sich
weiter ausbreiten. 'Bei Sicherstellung sofortigen Handelns, das unter Krjegsbedin-
gungen aber unmoglich ist, bleibt die Wirkung dieser Umweltschadigungen lokal
begrenzt. Langere Verzogerungen führen zu einem übertritt der Schadstoffe in die
Schutzgüter Boden, Grund- und Oberflachenwasser, erhohen das Gefahrdungspoten-
tiaDiese Folgen müssen nicht auf Jugoslawien beschriinkt sein. Schadstoffe aus
Grossbranden konnten grenzüberschreitend verteilt werden. Weiter heisst esin dem
Papier: 'Die Einleitung der Gefahrstoffe in Oberflachenwasser kann zur weitraumi-
gen Schadigung der Okosysteme führen. Die Deposition von Gefahrstoffen in Boden
kann je nach Eigenschaft der Stoffe und Boden zu langanhaltenden Versuchungen
mit weitgehenden Nutzungseinschrinkungen führen.'
Die Gefahr einer 'tiefgreifenden Zerstorung wesentlicher Bestaiidteile von Trink-
wasserversorgungssystemen' sei für mittlere und grosse Stadte sowie Ballungsgebiete
am grossten. Schon geringe Mengen von Substanzen der petrochemischen Industrie
konnten 'grosse Grundwasservorrate unbrauchbar machen'.
Wie gefihrlich die freigesetzten StolTeinsgesamt sind. Iasst sich nach Ansicht der
UBA-Experten nur schwer abschatzen, 'weil durch dieZerstorung ganzer Industrie-
komplexe Mischkontaminationen verschiedenster Schadstoffe gebildet werden', die
noch wenig erforscht seien. Noch komplizierter sei die Beurteilung von Umwelt-
schaden durch Bfinde und Explosionen. 'Hier treten bezogen auf Schadstoff-
inventar und Ausbreitung weit weniger kalkulierbare. zum Teil grossflachige Um-
weltschadigungen ein.'
Die Verbrennungsprodukte seien 'zum Teil hoch toxisch und kanzerogen'. Je nach
klimatischen Bedingungen konne es 'zu einer grossflachigen Verteilung dieserStoffe'
kommen, 'die eine vollstandige Beseitigung nahezu unmoglich macht...'
Die Wechselwirkungen der Produkte mit den eingesetzten Waffen dürften 'vollig
unbekannt' sein.» (TAZ. Die T(igeszriturzg,Berlin, 20 mai 1999.) LICÉITÉ DE L'EMPLOI DE LA FORCE (OP.DISS.KRECA) 621

Les substancestoxiques pour I'environnement libérée às la suitede
la destruction d'installations industrielles pourraient se propageà
une plus grande distance. L'adoption de mesures immédiates -
impossible toutefois en temps de guerre - permettrait de contenir

localement ces atteintesà I'environnement. Plus le temps s'écoulera
et plus ces substances serépandront dans le sol, leseaux souterraines
et les eaux de surface, d'où une augmentation considérable des
risques pour l'homme et du coût des opérations de nettoyage.
Ces conséquences ne sont pas nécessairement limitées à la You-
goslavie. Les substances toxiques dégagées à la suite d'incendies
majeurs peuvent se répandre au-delà des frontières. Et l'auteur du
document d'ajouter: «La migration de substances dangereuses
dans les eaux de surface peut causer de graves dommages aux éco-

systèmes. Le dépôt de substances dangereuses dans le sol peut
entraîner, selon la nature des substances et des sols, une contami-
nation à long terme, faisant radicalement obstacle à l'utilisation
des sols.
Le risque d'une ((destruction à grande échelle des éléments essen-
tiels du réseaud'approvisionnement en eau potable» est plus lourd
pour les villesoyennes, les grandes villeset les zones de concentra-
tion urbaine. De faibles quantitésde substances émanant d'installa-
tions pétrochimiques suffisent à rendre inutilisables d'importantes
réservesd'eaux souterraines)).

Selon les experts del'Officefédéralde I'environnement, il est très
difficile d'apprécier dans son ensemble le risque que représentent
les substances libéréesdans I'environnement, ((car la destruction
de complexes industriels entiers entraîne une pollution provoquée
par un véritable cocktail de substances toxiques)), sur laquelle les
recherches n'ont guère porté jusqu'à présent. L'évaluation des
dommages causés à I'environnement par les incendies et les explo-
sions est encore plus délicate, estiment les experts. est beaucoup
plus difficile en pareil cas,u fait des problèmes liés à l'identifi-
cation des substances toxiques et au risque de les voir se répandre,

de prédirelesdommages à l'environnement, qui serontparfois consi-
dérables.))
Certaines des substances libéréesdans l'atmosphère à la suite des
incendies sont qualifiéesde «trèstoxiques et cancérigènes)).En fonc-
tion des conditions climatiques ambiantes, «ces substances pour-
raient diffuser très largement)), de sorteu'«une décontamination
complète serait quasi impossible)).
Quant à l'interaction de cesproduits avec les armes utilisées,on en
((ignorerait totalement les effet».(TAZ, Die Tageszeitung, Berlin,
numéro du 20 mai 1999.)

Je suis par conséquent profondément convaincu quela Cour se trouve
concrètement face ilune affaire imposant incontestablement d'agir «de
toute urgence)) et où l'on court le risque d'un ((préjudiceirréparable)),affaire qui répond parfaitement, quant au fond, aux normes humanitaires
que la Cour a retenues dans certains précédents; àcet égard,la présente
instance se situemêmea un niveau nettement supérieur.
7. Pour être franc,je dois dire que je trouve totalement inexplicable
que la Cour veuille s'abstenir d'étudiersérieusementla possibilitéd'indi-
quer des mesures conservatoires alors que la situation impose de façon
aussi criante de tentera tout le moins, indépendamment des effets pra-
tiques éventuelsde la tentative, d'atténuer, sinon de supprimer, un dan-
ger incontestable de catastrophe humanitaire. Je n'envisage pas ici des
mesures conservatoires qui prendraient concrètement la forme proposée
par la Républiquefédéralede Yougoslavie, j'envisage des mesuresconser-
vatoires en général:la Cour peut proposer d'office d'autres mesures

conservatoires que celles qui sont proposées par la République fédérale
de Yougoslavie, ou elle peut se contenter d'un appel lancépar le pré-
sident, comme elle l'a fait si souvent déjà,dans des situations moins diffi-
ciles, en s'inspirant de l'article 74, paragraphe 4, de son Règlement.
Sans le vouloir, on a ici l'impression que, pour la Cour en l'espèce,
l'indication de mesures conservatoires, sous quelque forme que ce soit, lui
a sembléinterdite. Par exemple, au paragraphe 19 de l'ordonnance, la
Cour:
((estime nécessairede souligner que toutes les parties qui se pré-

sentent devant elle doivent agir conformément à leurs obligations
en vertu de la Charte des Nations Unies et des autres règles du
droit international, y compris du droit humanitaire)),
ou bien elle dit, au paragraphe 49, que les Parties: ((doivent veiller a ne
pas aggraver ni étendre le différend)),et il est manifeste que, dans les
deux cas, la Cour s'est inspiréed'un type de mesures conservatoires de
caractéregénéralet indépendant.

III. LES QUESTIONS DE COMPETENCE

La compétencede la Cour ratione personae

8. La qualité d'Etat Membre des Nations Unies de la République
fédéralede Yougoslavie est, dans la présente instance, l'une des ques-
tions cruciales qui se posent pour la compétence dela Cour rutione per-
sonae.
L'Etat défendeur, invoquant la résolution 777 (1992) [du Conseil de
sécurité]en date du 19 septembre 1992 ainsi que la résolution 4711de
l'Assembléegénérale desNations Unies en date du 22 septembre 1992,
soutient que la République fédérale de Yougoslavin ee peut pas êtreconsi-
dérée, contrairement a ce qu'elle prétend, commeI'Etat successeur de
l'ancienne République fédérative socialisdtee Yougoslavie et que, n'ayant
pas dûment adhéré à l'organisation, elle n'en est pas Etat Membre,
n'est pas partie au Statut de la Cour et ne peut pas comparaître devant
celle-ci. LICÉITÉ DE L'EMPLOI DE LA FORCE (OP.DISS.KRECA) 623

Il y a lieu de noter que 1'Etatdéfendeur n'apas invoquéle mêmeargu-
ment au sujet de la convention sur le génocidequi est pour le demandeur
une autre base de compétence,alors qu'il y a manifestement un lien entre
l'identité etla continuité, sur le plan juridique, de la Républiquefédérale
de Yougoslavie, d'une part, et, de l'autre, son statut de partie contrac-
tante à la convention sur le génocide (voir paragraphe 12 ci-après).

On peut deviner les raisons qui expliquent cette attitude deI'Etat deman-
deur.
Sedes materiae, la question de la qualitéd'Etat Membre de I'Organisa-
tion des Nations Unies dont jouit ou non la Républiquefédéralede You-
goslavie peut se ramener a deux éléments.

8.1. La résolution 4711 de l'Assemblée générale aétéadoptée à des
jîns pragmatiques et politiques

Il est impossible àmon avis de dissocier l'adoption de cette résolution
du grand courant politique qui animait les organisations internationales
lors du conflit arméqui a éclatédans l'ex-Yougoslavie. En tant qu'organe
politique, l'Assemblée générad es Nations Unies, de mêmeque leConseil
de sécuritéqui a recommandéque l'Assembléeadopte la résolution4711,
a, semble-t-il, conçu cette résolution commeun moyen politique de par-
venir a résoudrela crise sous ses différents aspects.

J'en donnerai pour preuve qu'en adoptant la résolution4711, l7Assem-

bléegénérale aessentiellement suiviles avis de ce qu'on a appeléla com-
mission Badinter, laquelle a servi d'organe consultatif pendant les tra-
vaux de la conférencesur la Yougoslavie et étaitchargéede trouver une
solution pacifique aux différents problèmes.Dans ses avis no 1 et no 8,
la commission développe la question des transformations territoriales
dans l'ex-Yougoslavie, lesquellesaboutissent a l'apparition de six entités
étatiques égaleset indépendantes correspondant du point de vue terri-
torial aux républiquesqui étaient des éléments constitutifsde la Fédéra-
tion yougoslave. Dans son avis no 9, la commission part de cette désin-
tégration définitive de l'ancienne République fédérativesocialiste de
Yougoslavie et dit en détail quelseffets il faut en attendre du point de
vue de la succession dlEtats. Elle dit notamment a ce sujet que:

«il faut mettre fin à la qualité d'Etat membre de la République
fédérativesocialiste de Yougoslavie dans les organisations interna-
tionales, conformément au statut de ces dernières, et qu'aucun Etat
successeur ne pourra se prévaloir desdroits qu'exerçait jusqu'alors
l'ex-République fédérativseocialiste de Yougoslavie en cette qualité
d'Etat membre)) (conférencede la paix sur la Yougoslavie, commis-
sion arbitrale, aviso 9, par. 4).

En présentant le projet de résolution47lL.1, sir David Hannay (repré-
sentant du Royaume-Uni) a notamment trouvé
((significatifle fait que le Conseil ait a revoir la question a nouveau dans les trois mois à venir. La situation tragique dans I'ex-Yougo-
slavie est une source de profonde inquiétudepour tous les membres
de la communauté internationale. La conférenceinternationale sur
l'ancienne Yougoslavie qui s'est ouverte à Londres le 26 août et qui

se réunit actuellement à Genève conjugue les efforts de l'ONU et
ceux de la Communauté européenne. Nous ne devons rien négliger
pour encouruger les parties, avec I'uidedes coprésidentsde lu confé-
rence, ù régler leursdiffërends ù lu table de négociation, et non pas
sur le chump de bataille. Le fuit que le Conseil a décidéde réexami-
ner la question avant Ia$n de l'année sera,nous en sommes certains,
un moyen d'encourager toutes les parties intéresséeset d'appuyer
efficacement les coprésidents de la conférence sur la Yougosluvie
dans leur tûchtpdifjcile.))(Nations Unies, doc. Al47lPV.7, p. 142-
143 ;les italiques sont de moi.)

8.2. Du point de vuejuridique, la ré.solutio4711 est illogique et contru-
dictoire

Le dispositif de la résolution4711se lit comme suit:
« L'Assemblke générale,

1. Considère que la Républiquefédérativede Yougoslavie (Serbie
et Monténégro)ne peut pas assumer automatiquement la qualitéde
Membre de l'organisation des Nations Unies à la place de l'ancienne
République fédérativesocialiste de Yougoslavie et, par conséquent,
décideque la République fédérative de Yougoslavie (Serbie et Mon-
ténégro)devrait présenter une demande d'admission à l'organisa-
tion et qu'elle ne participera pas aux travaux de l'Assemblée géné-

rale.)
Les principaux élémentsde la solution préconiséepar la résolution4711

de l'Assemblée généralse ont les suivants:
Il est d'abord énoncéun avis. qui est que la République fédéralede

Yougoslavie ne peut pas assumer automatiquement la qualité de Membre
de l'organisation des Nations Unies à la place de la République fédéra-
tive socialiste de Yougoslavie. La position des principaux organes politi-
ques des Nations Unies (leConseil de sécuritéetl'Assembléegénérale) est
définiesous la forme d'un «avis»; c'est la conclusion qui s'imposequand
on constate que l'extrait pertinent de la résolution4711commence par le
mot «considère». Mais il convient de relever que cet avis de l'Assemblée
générale necorrespond pas parfaitement à ce qu'il faut déduiredes avis
no" 1,8 et 9 de la commission arbitrale dite commission Badinter. Dans
ses avisnos1et 8, la commission tire les conclusions de la désintégration
de la République fédérativesocialiste de Yougoslavie qui aboutit, pour

elle,à produire six entitésétatiques indépendanteset égalesdont le terri-
toire est celui des républiques quiétaientauparavant des éléments cons-
titutifs de la Fédérationyougoslave. La résolution4711prend un départplus modéré;apparemment, elle nemet pas fin à la qualitéde Membre de
l'organisation des Nations Unies de la République fédéralede Yougo-
slavie. Elle dit simplement que«la Républiquefédérativede Yougoslavie
ne peut pas assumer automatiquement lu qualitéde Membre de I'Organi-
sation...» (les italiques sont de moi). A contrario, cela signifie que la
République fédéralede Yougoslavie peut encore assumer la qualité de
Membre de I'Organisation, mais non pas automatiquement. Certes, la
résolutionn'expose pas en détailcomment cela peut êtreréalisé, mais,si
nous l'interprétons systématiquement, enlui associant les résolutions 757
et 777 du Conseil de sécurité,nous aboutissons à la conclusion que la

République fédéralede Yougoslavie peut encore assumer la qualité de
Membre de I'Organisation àcondition que la demande présentée à cette
fin soit ((généralement acceptée))Q . ue la résolution ne met donc pas
implicitement fin, sur le plan juridique,la qualité de Membre de I'Orga-
nisation de la République fédéralede Yougoslavie apparaît aussi claire-
ment dans la lettre que le Secrétaire généraaldjoint et conseillerjuridique
des Nations Unies a adresséele 29septembre 1992aux représentants per-
manents de la Bosnie-Herzégovineet de la Croatie auprès des Nations
Unies, lettre dans laquelle il déclaraitnotamment ceci:

«la résolution ne met pas fin a l'uppartenance de la Yougoslavie à
I'Organisation et ne la suspend pas. En conséquence, le siègeet la
plaque portant le nom de la Yougoslavie subsistent ..La mission de
la Yougoslavie auprès du Siègede I'Organisation des Nations Unies
ainsi que les bureaux occupéspar celle-ci peuvent poursuivre leurs
activités,ils peuvent recevoir et distribuer des documents. Au Siège,
le Secrétariatc:ontinuera de hisser le drapeau de l'ancienne Yougo-
slavie.)

8.3.La participation aux truvaux de l'Organisation est interdite

11est clair que l'extrait pertinent de la résolution correspond à une
interdiction, car la forme verbale utilisée estune forme impérative («ne
participera pas))). Mais cette interdiction est limitératione muteriae, à
deux points de vue:

a) l'interdiction vise la participation directe aux travaux de l'Assemblée
générale, maisn'exclut pas une participation indirecte. Cette partici-
pation indirecte:est évoquée implicitementpar le fait que la mission
de la Républiquefédérativede Yougoslavie auprèsdes Nations Unies
peut continuer ses activités eten particulier, «peut recevoir et distri-
buer des documents)). Le Secrétaire généraladjoint a donc utilisé
dans la résolution l'expression «Assemblée générale)a )u sens géné-
rique, qui s'étendaux organes auxiliaires de l'Assemblée générale
ainsi qu'aux conférences et réunions organisées par l'Assemblée;

b) L'interdiction ne vise pas la participation aux débats d'autres organes
de I'Organisation des Nations Unies. 8.4. 11est décidé que luRépublique fédérale de Yougoslaviedevrait
présenter une demande d'admission à l'Organisation

Cette partie de la résolution4711est ambiguë du point de vuejuridique
et contradictoire dans la forme comme au fond.
Du simple point de vue formel, ((décider))que la Républiquefédérale
de Yougoslavie doit présenter unedemande d'admission à I'Organisation
procède d'une hypothèse irréfutable, quiest que la République fédérale
tientà avoir la qualitéde Membre de I'Organisation mêmesi elle n'est
peut-être pas autorisée à rester Membre de I'Organisation. Cette hypo-
thèseest illogique, mêmesi elle se vérifiedans les faits. C'est volontaire-

ment que ses Membres adhèrent à I'Organisation, et par conséquent
aucun Etat n'est tenu de demander son admission. A cet égard, par
conséquent, le libelléde la résolution n'est pas correct du point de vue
juridique ni du point de vue technique, parce qu'il évoquecette hypothèse
qui serait irréfutable. eut étéplus juste d'énoncerune réservequi aurait
subordonné la décision à la volontéexpresse de la Yougoslavie faisant
savoir qu'elle voulait devenir Membre de I'Organisation au cas où cette
qualitélui aurait été retirée de façoirrévocable.
D'un point de vue concret, on ne voit pas bien pourquoi la République
fédéralede Yougoslavie devrait présenter unedemande d'admission si
«la résolution ne metpas fin à l'appartenance de la Yougoslavie à l'Or-
ganisation...)) Une demande d'admission, par définition, est présentée
quand un Etat nori membre veut entrer à I'Organisation. Sur le plan des

relations concrètes, quelle serait l'issue de la procédure qu'engagerait la
Yougoslavie en présentant une demande d'admission? Si la procédure
doit aboutir à conférerla qualité de Membre, il serait en bonne logique
superflu que l'Assemblée généralperenne cette décision, puisquela réso-
lution 4711n'a pas mis fin, pour la Yougoslavie,à sa qualité de Membre
de l'organisation. On peut présumerque les auteurs de la résolution4711
envisageaient donc une autre issue. Ils voulaient peut-êtreconfirmer ou
renforcer au moyen de cette procédure la qualité de Membre de l'Orga-
nisation qu'avait la Yougoslavie. C'est ce que laisse deviner l'énoncéde
la résolutionquand celle-cidit: «la République fédérative de Yougosla-
vie ...ne peut pas assumer automatiquement la qualité de Membre de
l'organisation ...ala place...))Cette formule signifielittéralementque la
procédureviserait àréaffirmerou renforcer, pour la Républiquefédérale

de Yougoslavie, sa qualité de Membre de I'Organisation, mais la con-
firmation de la qualité de Membre n'aurait guèrede sens juridique dans
ce cas de figure particulier, car un Etat est Membre ou il ne l'est pas. La
signification de l'acte en question ne peut êtreque non juridique; c'est-
à-dire qu'elle serait politique. En dernier lieu, la résolutionconseille
Républiquefédéralede Yougoslavie de présenter unedemande d'admis-
sion à I'Organisation et il faut alors, logiquement, se poser la question
suivante: pourquoi un Etat à l'égardduquel l'organisation elle-même
n'estime pas avoir mis fin à sa qualité de Membre présenterait-il une
demande dont l'objet lui est déjàincontestablement acquis? En dernier lieu, il faut tenir dûment compte aussi du dernier para-
graphe de la résolution 4711, aux termes duquel l'Assemblée générale
prend acte «de l'intention du Conseil de sécuritéde reconsidérerla ques-
tion avant la fin de la partie principale de la quarante-septième session de
l'Assembléegénérale)).Une telledéclarationest inutile si lesauteurs de la
résolution avaient l'intentionde mettre fin, au moyen de son adoption, au

débat sur la continuité de la qualitéd'Etat Membre des Nations Unies
de la République fédérativede Yougoslavie. Cette déclaration donne,
semble-t-il,àentendre que la résolution4711a en fait pour objet, au sein
de l'organisation, de préserver la dynamique du débat politique qui
permet de faire régulièrementle point de la crise yougoslave et, dans le
cadre de ce débat,cette question de la qualitéde Membre de I'Organisa-
tion de la République fédéralede Yougoslavie va elle-mêmejusqu'a
acquérir, aux yeux de l'organisation, un certain poids. Cette question a
un caractère formel et elle se pose officiellementdepuis l'adoption par le
Conseil de sécuritéde sa résolution757du 30 mai 1992,qui met en branle
dans son dispositif le mécanismede mesures prévuesau chapitre VI1de
la Charte des Nations Unies après avoir constaté que ((la situation en
Bosnie-Herzégovineet dans d'autres parties de l'ex-République fédéra-

tive socialiste de Yougoslavie constitue une menace pour la paix et la
sécurité..»
Il n'est donc pas difficile d'adhérerau jugement de MmeHiggins qui
étaitencore professeur quand elle disait que, du point de vue juridique,
cette résolution4711produit un effet «anormal au point d'êtreabsurde))
(Rosalyn Higgins, «The United Nations and the Former Yugoslavia»,
Internutionul Ajjuirs,vol. 69, p. 479).

8.5. Lu pratique de 1I'Orgunisutionen ce qui concerne les questions
que soulève lu teneur de lu résolutio4711

Un petit nombre de faits pertinents intéressant la pratique suivie par
l'organisation au sujet de la qualité d'Etat Membre de la République
fédéralede Yougoslavie soulèvent la question de savoir si celle-ci a agi
contru fuctum proprium du moment que:

a) la résolution 4711 a été adoptée à la quarante-septième session de
l'Assembléegénérale.La délégationde la République fédéralede
Yougoslavie a participé activement, en qualitéd'Etat Membre àpart
entière,aux travaux de la quarante-sixième session, et la commission
de vérification despouvoirs a recommandé à l'unanimitéd'approuver
lespouvoirs de la Républiquefédérale de Yougoslavie (Nations Unies,
doc. Al461563en date du 11 octobre 1991).Comme la Croatie et la
Slovénieont fait sécessionet ont quitté la Fédération à la veille de
ladite session, l'attitude adoptée par l'organisation l'égardde la
participation de la République fédéralede Yougoslavie aux travaux
de la quarante-sixième session signifieque l'organisation acceptait la

République fédéralede Yougoslavie comme un Etat prédécesseur
amputéd'une partie de son territoire, conformément à des LICÉITÉ DE L'EMPLOI DE LA FORCE (OP.DISS.KRECA) 628

((critèresdéfinis la suite de la partition de l'Inde en 1947et régu-
lièrement appliqués depuis - des critères qui, dans l'ensemble,
ont étéfort utiles aux Nations Unies età la communauté interna-

tionale au cours des derniéres décennies))(Yehuda Z. Blum, «UN
Membership of the «New» Yugoslavia: Continuity or Break?)),
Amrrican J(1urnu1of Internationul LUIL('1992), vol. 86, p. 833);

b) la délégationde la République fédéralede Yougoslavie a également
pris part aux travaux de la quarante-septième session de l'Assemblée
généralequi a adopté la résolutioncontestant à la Républiquefédé-
rale de Yougoslavie le droit d'assumer automatiquement la qualitéde
Membre de l'organisation à la place de l'ancienne Républiquefédé-
rative socialiste de Yougoslavie. Pas une seule délégationn'a émis
d'objection au fàit que la Républiquefédéralede Yougoslavie occupe,
à l'Assemblée générallee, siègede la Républiquefédérativesocialiste
de Yougoslavie. Il faut en déduireque lesdélégationsont ((tacitement
du moins acceptéque les ((autoritésde Belgrade)) aient le droit de

demander à occuper le siègede la Yougoslavie - le siègede l'un des
Membres originaires des Nations Unies)) (ibid, p. 830);
c) pendant tout le temps qui s'est écoulé depuisl'adoption de la résolu-
tion 4711par l'Assemblée générale l, République fédéralede You-
goslavie a continuéde payer sa contribution financiére à l7Organisa-
tion (voir les annexes au CR 99/25). La Yougoslavie est citéeparmi
les Etats Membres dans le document intitulé « Etat des contributions
verséesau 30 novembre 1998))publiépar le Secrétariat desNations
Unies dans le document portant la cote STlADMlSER.Bl533 datédu
8 décembre 1998. Dans la lettre adressée à Vladislav Jovanovié,
chargéd'affaires de la mission permanente de la Républiquefédérale
de Yougoslavie auprès des Nations Unies, les autorités compétentes

de l'organisation citaient I'article 19de la Charte des Nations Unies
et accompagnaient la citation de la formule ci-après:
«pour que votre gouvernement ne tombe pas sous le coup des dis-

positions de I'article 19de la Charte pendant l'unequelconque des
réunions del'Assemblée généraq leui se tiendront en 1998,il fau-
drait verserà l'organisation un montant minimum de 11776400
dollars des Etats-Unis pour ramener les arriérésen question à un
montant inférieurau montant prévu à l'article 19))(ihid;

d) dans la pratique suivie par le Secrétairegénéral ds ations Unies en
qualité de dépositaire des traités multilatéraux, la Yougoslavie est
citéecomme Etat Membre originaire partie aux traités multilatéraux
déposésauprès du Secrétairegénéral.La date à laquelle la Répu-
blique fédérativesocialiste de Yougoslavie a exprimé son consente-
ment à êtreliéeest indiquéecomme la date à laquelle la Yougoslavie
est effectivement liée par l'instrument considéré.Par exemple, si
l'on considère l'état des ((traités multilatéraux déposésauprès du
Secrétairegénéral))pour 1992.il y figure la liste des ((parties)à la Convention pour la prévention et la répression du crime de géno-
cide, la Yougoslavie figure sur cette liste et le 29 août 1950est la date
qui est indiquéecomme étant celle de l'acceptation de l'obligation
correspondante, c'est-à-dire la date à laquelle la République

fédérativesocialiste de Yougoslavie a ratifiéla convention. Ce modèle
s'applique, mutatis mutandis, aux autres conventions multilatérales
déposéesauprès du Secrétairegénéral desNations Unies.
Compte tenu de la pratique existante, on trouve dans le ((précisde la
pratique du Secrétairegénéral entant que dépositaire de traités multi-

latéraux))la conclusion ci-après:
«[l']indépendancedu nouvel Etat successeur, qui exerce désormais la
souveraineté sur son territoire, est naturellement sans effet sur les
droits et obligations d'origine conventionnelle de 1'Etatprédécesseur
se rapportant à ce qui lui reste de son territoire. Ainsi, aprèsla sépa-

ration de parties du territoire de'Union des républiquessocialistes
soviétiques(qui ont acquis le statutd'Etats indépendants), la Fédé-
ration de Russie a conservétous les droits et obligations d'origine
conventionnelle de 1'EtatprédécesseurI.lenvademêmepour la Répu-
blique fédérativede Yougoslavie (Serbie et Monténégro), quireste
1'Etatprédécesseur aprèsla sécessionde certaines parties du territoire
de l'ancienne Yougoslavie.La résolution 4711de l'Assembléegénérale
en date du 22 septembre 1992,aux termes de laquelle la République
fédérativede Yougoslavie ne peut pas assumer automatiquement la
qualitéde Membre de l'organisation des Nations Unies à la place de
l'ancienne Yougoslavie, a étéadoptéedans lecadre des Nations Unies
et celuide la Charte des Nations Unies, etnon pas pour signalerque la
Républiquefédérativede Yougoslavie ne devait pas êtreconsidérée
comme un Etat prédécesseur.)) (STlLEG.8, p. 89, par. 297.)

Le 9 avril 1996, a la suite de protestations émanant d'un petit nombre
d'Etats Membres des Nations Unies, le conseiller juridique des Nations
Unies a publié des «errata» (doc. LLA41TRl220) consistant notamment
a supprimer, au paragraphe 297 dudit «précis»,le qualificatif d'Etat suc-
cesseur accordé a la République fédéralede Yougoslavie. A mon sens,
cette suppression ne revêtaucun intérêt juridique puisqu'un«précis»n'a

pas en soi la valeur d'un document autonome, d'un document qui établit
ou constitue quelque chose. Il s'agit simplement de l'expressionramassée,
de l'affirmation lapidaire par un observateur extérieurd'un fait qui existe
en dehors du résuniéet tout à fait indépendamment de lui. En ce sens, il
est dit, dans l'introduction au «précis»dela pratique du Secrétairegéné-
ral en tant que dépositairede traitésmultilatéraux»que «le présentdocu-
ment a pour objet d'exposer dans ses grandes lignes la pratique suivie en
la matièrepar le Secrétaire général)()p. 1;les italiques sont de moi) mais
il n'a pas pour objet de constituer la pratique elle-même.
9. En ce qui concerne la qualitéde Membre de l'organisation des Na-
tions Uniesde la République fédérale de Yougoslavie,Clo aur considèreque : «eu égard à la conclusion à laquelle elle est parvenue au para-
graphe 30 ci-dessus, la Cour n'a pas à examiner cette question à
l'effet de décidersi elle peut ou non indiquer des mesures conserva-
toires dans le cas d'espèce))(ordonnance, par. 33).

La Cour adopte donc un stratagème ingénieux (eleguntiue juris proces-
sualis) mais, aux fins de la présente instance, il est peu fructueux. La
compétencede la Cour rutione personae est directement tributaire de la
réponse àla question de savoir si la Républiquefédérale de Yougoslavie
peut êtreconsidéréecomme un Etat Membre des Nations Unies, tant a
l'égardde la clause facultative qu'Al'égardde la convention sur le géno-
cide.
11serait évidemmentdéraisonnablede compter que la Cour statue sur
la question proprement dite de l'appartenance de la Républiquefédérale
de Yougoslavie à l'Organisation. Pareille attente ne serait guèreconforme
à la naturede la fonction judiciaire et reviendrait par aillàus'immiscer
dans le domaine propre des principaux organes politiques de I'organisa-

tion mondiale, le Conseil de sécuritéet l'Assembléegénérale.
Maisje suis profondémentconvaincu que la Cour aurait dû répondre à
la question de savoir si la République fédéralede Yougoslavie peut ou
non, eu égard a la teneur de la résolution4711de l'Assembléegénérale et
à la pratique de l'organisation mondiale, êtreconsidéréecomme un Etat
Membre des Nations Unies et tout particulièrement comme étant partie
au Statut de la Cour; car le texte de la résolution4711ne fait pas mention
de la qualitéde partie au Statut de la Cour internationale de Justice dont
peut se prévaloir la République fédéralede Yougoslavie. C'est là que
résidel'importance de la résolution4711 rutione muteriue. Et il n'y a rien
d'autre que cela. A cet égard,la situation de la Cour est exactement celle
des autres organes des Nations Unies. Dans le cas contraire, il serait par
exemple inutile que l'Assemblée généralfe ormule une recommandation,

comme elle le fait dans sa résolution471229,concernant la participation
de la Républiquefédéralede Yougoslavie aux travaux du Conseil écono-
mique et social. Autrement dit, la résolution4711ne fait aucune mention
ni expresse ni tacite de la Cour internationale de Justice;n va de même
pour les autres documents adoptés sur la base de ladite résolution.l faut
en déduireque cette résolution 4711de l'Assemblée généran le'a produit
aucun effet sur la qualité de partie au Statut dont peut se prévaloir la
République fédéralede Yougoslavie et c'est bien ce que confirment
notamment tous les numérosde l'Annuaire de la Cour internationale de
Justice publiésdepuis 1992.
Je suis également convaincuque tant la teneur de la résolution,celle-ci
représentant une contradictio in adiecto,que la pratique particulière sui-
vie pendant prèsde sept ans par l'organisation mondiale après son adop-
tion apportent beaucoup d'élémentsqui autorisent la Cour à se pronon-

cer sur cette question.
10. Or, en ce qui concerne la qualité'Etat Membre de l'organisation
des Nations Unies dont la République fédéralede Yougoslavie peut se LICÉITÉ DE L'EMPLOI DE LA FORCE (OP. DISS. KRECA) 631

prévaloir,on peut dire que la Cour a conservédans ses grandes lignes la

position qu'elle a adoptée dans son ordonnance du 8 avril 1993 dans
l'affaire de laConilention sur le génocideen statuant sur la demande en
indication de mesures conservatoires.
Au paragraphe 18de ladite ordonnance, la Cour considèreque:
«si la solution adoptée ne laisse pas de susciter des difficultésjuri-

diques, la Cour n'a pas a statuer définitivementau stade actuel de la
procédure sur la question de savoir si la Yougoslavie est ou non
membre de l'organisation des Nations Unies et, à ce titre, partie au
Statut de laCour» (Applicution de la convention pour la prévention
et lu rkpression du crime de génocide,mesures conservatoires, ordon-
nunce du 8 avril 1993,C.I.J. Recueil 1993, p. 14).

On peut objecter que le libellédu paragraphe 18ci-dessus a un carac-
tère technique, que ce n'est pas une réponse pertinente à la question de
savoir si la République fédéralede Yougoslavie est ou non membre de
l'organisation des Nations Unies; toutefois, il est incontestable que cet
énoncé aeu concrètement l'effet voulu parce que, semble-t-il,

«la Cour voulait se déclarercompétentedans cette affaire [Applicu-
tion de lu convention pour lu prkvention et lu répressiondu crime de
génocide] tout en évitant en mêmetemps de se prononcer sur cer-
tains problèmes délicats,du reste assez graves, concernant la situa-
tion de I'Etat défendeur face a la Charte et au Statut» (M. C. R.
Craven, «The Genocide Case, the Law of Treaties and State Succes-
sion», British Yrur Book of Intrrnutional Lait', 1997,p. 137).

La Cour a tacitement conservécette mêmeposition lors des nouvelles
demandes en indication de mesures conservatoires (Application de la
convention pour la prévention et lu répression du crime de génocide,
ordonnance du 13 septembre 1993), de mêmeque dans l'arrêtrendu le
Il juillet 1996sur les exceptions préliminaires.
On peut sans doute estimer que cette position est compréhensible lors
de la seconde procédure en indication de mesures conservatoires, mais
elle soulève desquestions fort complexes dans le cadre de la procédure
relative aux exceptions préliminairesémanant de la Yougoslavie.
Dans ladite procédure, la Cour était notamment face, la aussi, à la

question de savoir si la Yougoslavie est partie à la convention sur le
génocide. Il n'est guère besoin de rappeler que la qualité de partie
contractante a ladite convention étaitla condition sine qua non permet-
tant a la Cour de se déclarer compétentedans l'affaire relative a 1'Appli-
cation de luconvention pour lu prévention et la répressiondu crime de
génocide.
La Cour s'est déclarée compétente ratione personue en donnant a ce
sujet une explication que je trouve peu solide et peu convaincante (voir
mon opinion dissidente, (C.I.J. Recueil 1996 (II), p. 755-760, par. 91-
95). Aux fins de la présente instance, il est intéressant de noter que la
Cour avait observéa cette première occasion «qu'il n'a pas été contesté LICEITÉ DE L'EMPLOI DE LA FORCE (OP.DISS.KRECA) 632

que la Yougoslavie soit partie à la Convention sur le génocide» (Applica-
tion de lu convention pour lapréventionet la répressiondu crime de géno-

cide, exceptions préliminaires, arrêt,C.I.J. Recueil 1996 (II), p. 610,
par. 17). Et l'absence de contestation a représentépour la Cour l'argu-
ment décisifqui lui permettait de dire que «la Yougoslavie étaitliéepar
les dispositions de la convention à la date du dépôt de la requêteen la
rése entaffaire))..hid,.
La Cour s'est abstenue, délibérémenjte présume,de dire qui n'avait
pas contestéque la Yougoslavie soit partie à la convention sur le géno-
cide. Si elle pensait au demandeur (la Bosnie-Herzégovine),il n'est guère
besoin de rappeler que I'Etat introduisant une instance devant la Cour ne
va pas nier l'existencedu titre de compétencevoulu; et, dans l'affaire en

question, la convention sur le génocideétait, pour la Cour, le seul chef de
compétencepossible. Si toutefois la Cour pensait à des Etats tiers, alors
la réalitérie correspond pas à l'absence de contestation dont la Cour
parle. En refusant de reconnaître la Républiquefédéralede Yougoslavie
et d'admettre qu'elle continuait d'assumer automatiquement la qualité
d'Etat Membre de l'organisation des Nations Unies, les Etats Membres
de ladite organisation mondiale contestaient eo ipso que la République
fédérale de Yougoslavie soit automatiquement partie aux traités
multilatéraux conclus sous l'égide desNations Unies et, soit par consé-
quent aussi partie ;ila convention sur le génocide. LaRépublique fédé-

rale de Yougoslavie ne peut êtreconsidéréecomme étant partie à la
convention sur le génocideque s'il y a, du point de vuejuridique, identité
et continuité entre elle et la République fédérativesocialiste de Yougo-
slavie, car, s'il en va autrement, la République fédérale de Yougoslavie
constitue un Etat nouveau et elle n'a pas donnéson consentement à être
liéepar la convention sur le génocidede la façon qui est prescrite à I'ar-
ticle XI de ladite convention et ellen'a pas fait tenir au Secrétaire général
des Nations Unies la notification de succession voulue. Il n'v a tout sim-
plement pas de tertium quid, notamment du point de vue de l'arrêt rendu
le 11juillet 1996dans l'affaire de lConvention sur legénocide, arrêtdans

lequel la Cour ne s'est pas prononcée sur ce qu'on appelle la succession
automatique dans Ilecas de certains traités multilatéraux(Application de
lu convention pour lu privention et lu répressiondu crime de génocide,
exceptions préliminaires, arrêt,C.1.J. Recueil 1996 (II), p. 612,par. 23).
Tout bien considéré,dans la présenteordonnance, la Cour est restée
fidèleà sa volonté d'abstention, disant à nouveau qu'elle «n'a pas à exa-
miner cette question à l'effet de décidersi elle peut ou non indiquer des
mesures conservatoires dans le cas d'espèce ».
Ce silence de la Cour alors qu'il serait si utile de répondre à la ques-
tion, cette hésitationà prendre position risquent de donner une impres-

sion très différentede celle qu'envisage Craven lors de l'affaire relative
l'Application de la conventionpour laprivention et lu rkprrssion du crime de
génocide, quand il dit que (<laCour voulait se déclarercompétentetout
en voulant éviteren même tempsde se prononcer sur les problèmes déli-
cats, d'ailleurs assez sérieux,qui se posent au sujet de laituation» de laYougoslavie face à la Charte et au Statut, et les inévitables conséquences
juridiques de cette situation sur une affaire portée devant la Cour.

Cotnpétencede la Cour ratione materiae

11. Je suis d'avis qu'en l'espèce la positionadoptéepar la Cour prête
fortement à critiques.
La Cour considère:
«que le recours ou la menace du recours à l'emploide la force contre
un Etat ne sauraient en soi constituer un acte de génocideau sens de

l'articleI de la convention sur le génocide;et que, de l'avis de la
Cour, il n'apparaît pas au présentstade de la procédure quelesbom-
bardements qui constituent l'objet de la requêteyougoslave «corn-
porte[nt] effectivement l'élémentd'intentionnalité, dirigécontre un
groupe comme tel, que requiert la disposition sus-citée))(Licéitéde
la menace ou lie l'emploi d'armes nucléaires, avisconsultatiJ C.I.J.
Recueil 1996 (1), p. 240, par. 26)))(ordonnance, par. 40).
L'intentionnalitéest incontestablement l'élément subjectiqfui est cons-

titutif du crime de génocidecomme du reste de n'importe quel autre
crime. Mais cette question n'est pas l'objetde la prise de décisiondans la
procédure incidente de I'indication de mesures conservatoires et, par sa
nature même,elle ne peut pas l'être.
II faut cet égardchercher une preuve fiable dans le différendqui, par
ses principaux traits, est pour l'essentiel identique au différend examiné
ici: il s'agit de l'affaire relative'Applicutionde la convention pour la
prévention etla répressiondu crime u'rgénocide.
Dans l'ordonnance qu'elle a rendue le 8 avril 1993sur I'indication de
mesures conservatoires. souscrivant à l'affirmation du défendeuraui dit
notamment «n'apport[er] aucun appui ni n'encourag[er], d'une façon ou
d'une autre, la perpétration des crimes mentionnésdans la requête ... [et]
que les griefs exposésdans la requêtesont dénués defondement)) (Appli-
cation de la convetzrionoour lu oréventionet lu réoression du crime de
génocide, mesures conservatoires, ordonnance du 8 avril 1993, C.I.J.
Recueil 1993. p. 21, par. 42), la Cour a considéréque:

«dans le contexte de la présenteprocédure concernant I'indication
de mesures conservatoires, [elle]doit, conformément a l'article 41 du
Statut, examiner si les circonstances portéesa son attention exigent
I'indication de mesures conservatoires, mais n'est pas habilitée à
conclure définitivementsur les faits ou leur imputabilité et que sa
décisiondoit laisser intact le droit de chacune des Parties de contes-
ter les faits allégucontre elle, ainsi que la responsabilitéqui lui est
imputéequant à ces faits et de faire valoir ses moyens sur le fond))
(ihid, p. 22, par. 44)

et que:

«[elle] n'est pas appeléà ce stade à établirl'existencede violations LICÉITÉ DE L'EMPLOI DE LA FORCE (OP. DISS.KRECA) 634

de la convention sur le génocide))(Application de la convention pour
la prévention et la répressiondu crime de génocide,mesures conser-
vatoires, ordonnance du 8 uvril 1993, C. 1J. Recueil 1993, p. 22,
par. 46).

La raison d'êtredes mesures conservatoires est par conséquentlimitée
a la préservation desdroits des parties pendente lite qui sont l'objet du
différend,droits qui peuvent ultérieurementfaire l'objet de la décision de
la Cour. Comme celle-ci le dit a nouveau dans l'affaire de la Frontit.re
terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigériu:

((Considérantque la Cour, dans le cadre de la présente procédure
concernant l'indication de mesures conservatoires, n'est pas habilitée
à conclure définitivementsur les faits ou leur imputabilité et que sa
décisiondoit laisser intact le droit de chacune des Parties de contes-
ter les faits allégucontre elle, ainsi que la responsabilitéqui lui est
imputée quant à ces faits, et de faire valoir, le cas échéant,ses
moyens sur le fond.)) (Frontiere terrestre et maritime entre le Came-
roun et le Nigéria, mesures conservatoires, ordonnance du 15 mars
1996, C.1.J. Recueil 1996 (1), p. 23, par. 43.)

12. Sur ce point en particulier, il se pose des questions fondamentales
au sujet de la position de la Cour.
On peut considérer de deux façons le lien entre le recours a la force
arméeet le génocide:

a) est-ce que I'emploide la force est un acte de génocide peu se ou non?
6) l'emploi de la force favorise-t-il le génocide et, dans l'affirmative,
qu'est-ce alors au sens juridique?

Indéniablement, I'emploi de la force, en soi et par définition, necons-
titue pas un acte de génocide.Nul besoin d'en faire la preuve. Toutefois,
il n'est pas possible d'en déduire quel'emploi de la force est sans rapport
avec la commission du crime de génocide et qu'il n'estpas possible d'éta-
blir un tel rapport.Pareille conclusion serait contrairà la logique la plus
élémentaire.
L'article II de la convention pour la prévention et la répression du
crime de génocide définitles actes de génocidecomme

«l'un quelconque des actes ci-après, commis dans l'intention de
détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial
ou religieux, comme tel:

a) meurtre de membres du groupe;
6) atteinte grave à l'intégrité physiqueou mentale de membres du
groupe ;
C) soumission intentionnelle du groupe à des conditions d'existence
devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle;
d) mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe;
e) transfert forcéd'enfants du groupe à un autre groupe)).N'importe lequel des actes ci-dessus peut êtrecommis également au
moyen de la force. L'emploi de la force est par conséquent l'un des
moyens possibles de commettre des actes de génocide.Et, il convient de le

signaler, c'est l'un des moyensles plus efficaces, étant donnéles carac-
tèrespropres de la force armée.
L'emploi étendu dela force armée,en particulier s'il visedes objets et
des infrastructures constituant les conditions de la vie normale, peut
aboutir à ((soumettre le groupe à des conditions d'existence))entraînant
bel et bien «sa destruction physique».
On peut bien entendu objecter que les actes en question ont pour rôle
d'affaiblir la puissance militaire de la Républiquefédéralede Yougosla-
vie. Mais pareille explication peut difficilement représenter un argument
valable. Le raisonnement, en effet, va rapidement emprunter un cercle
vicieux: la puissance militaire étantaprèstout composéed'hommes, il est

possible d'allerjusqu'a prétendre que le meurtre collectif d'une foule de
civils tient en quelque sorte lieu de mesure de précaution de nature
a empêcherd'entretenir la puissance militaire de l'Etat, voire de I'aug-
menter en cas de mobilisation.
Certes, pour pouvoir parler de génocide, ilfaut une intention, c'est-à-
dire qu'ilfaut vouloir ((soumettre intentionnellement legroupe à des condi-
tions d'existence))entraînant «sa destruction physique totale ou partielle)).
Lors de procédures incidentes, la Cour ne peut pas - et ne doit
d'ailleurs pas- chercher a établir de façon définitive qu'elle est en pré-
sence d'une volontéde soumettre le groupe à des conditions d'existence
de nature à menacer sa survie. Eu égard al'objet des mesuresconserva-
toires, on peut dire qu'à ce stade de la procédure,il suffit d'établir que,le

groupe étant soumis a des bombardements intensifs, on court objective-
ment le risque de voir cette situation aboutir à menacer sa survie.
La Cour a préciskmentadoptécette position dans l'ordonnance qu'elle
a rendue le 8 avril 1993au sujet de I'indication de mesures conservatoires
dans l'affaire relative àI'Applicution de lu convention pour la prgvention
et la rkpression du crime ditrgénocidr.
Le paragraphe 44 de cette ordonnance se lit comme suit:

((Considérantque la Cour, dans le contexte de la présente procé-
dure concernant I'indication de mesures conservatoires, doit, confor-
mément à l'article 41 du Statut, examiner si les circonstances portées
a son attention exigent I'indication de mesures conservatoires, mais
n'est pas habilitée à conclure définitivement sur les faits ou leur
imputabilitéet que sa décisiondoit laisser intact le droit de chacune
des Parties de contester les faits alléguécontre elle, ainsi que la res-
ponsabilitéqui lui est imputéequant à ces faits et de faire valoir ses
moyens sur le fond. » (C.I.J. Recueil 1993, p. 22.)

La question de l'(<intentionnalité»est extrêmement complexe.L'inten-
tion appartient au domaine subjectif, c'est une catégoriepsychologique,
mais, dans la législation pénalecontemporaine, l'intention est également
établiea partir de circonstances obiectives. L'intention présuméede com-mettre l'acte fait très communément partie du systèmejuridique. Par
exemple, aux Etats-Unis d'Amérique, la jurisprudence autorise la pré-
somption plausible par opposition a la présomption concluante, mêmeen
matière pénale.

De toute façon, les Parties s'opposent très clairement, semble-t-il, au
sujet de l'((intentionnalité» en tant qu'élément constitutifdu crime de
génocide.
Le demandeur affirme que l'«intention» peut êtreprésuméetandis que
le défendeursoutient qu'en tant qu'élémenc tonstitutif du crime de géno-
cide, l'«intention» doit être clairement établiesous forme de do1spécial.
Cette opposition de vues entre les Parties constitue un différend relatifà
l'interprétation, l'application ou l'exécutionde la ..convention [sur le
génocide])),les différendsde ce type comprenant aussi lesdifférendsrela-
tifsà la responsabilitéd'un Etat en matière de génocideou de l'un quel-
conque des autres actes énumérés à l'article III de ladite convention.

13. En même temps,il ne faut pas oublier que, «dans certains cas, sur-
tout dans le génocidepar la soumission à des conditions inhumaines de
vie, lecrime peut êtreperpétrépar omission))(Stanislas Plawski, Etude des
principes fondamentaux du droit international pinul, 1972, p. 115. Cité
dans Nations Unies, doc. E/CN.4/Sub.2/416 datédu 4juillet 1978, p.28).

En effet,

(([ll'expériencprouve que l'étatde guerre ou le régimed'occupation
de guerre sont un prétextefacilepour lesautoritésresponsables pour
ne pas fournir à une population ou à un groupe ce qui leur est néces-
saire pour subsister: vivres, médicaments,vêtements,habitations ...
On nous dira que c'est la soumission du groupe à des conditions
d'existence susceptiblesd'entraîner sa destruction physique totale ou
partielle.))J. Y. Dautricourt, «La prévention du génocideet ses
fondements juridiques)), Etudes internutionales de psychosociologir
criminelle,nos 14-15, 1969,p. 22-23. Citédans Nations Unies, doc.
E/CN.4/Sub.2/416 datédu 4 juillet 1978,p. 28.)

11est donc d'une importance primordiale de savoir que, lors de procé-
dures incidentes, la Cour ne peut pas - et ne doit d'ailleurs pa- cher-
cher à établirde façon définitiveune volontéde soumettre le groupe à des
conditions d'existence de nature à menacer sa survie. Eu égard à l'objet
des mesures conservatoires, on peut dire qu'à ce stade de la procédure,il
suffit d'établir que,le groupe étant soumis à des bombardements inten-
sifs, on court objectivement le risque de voir cette situation aboutir à

menacer sa survie.

Conzpitence de lu Cour ratione temporis
14. Pour la Cour, l'élémen tatione temporis de sa compétencedonne
la cléde la position qu'elle adopte dans la présente instance,en concluant

qu'ellen'a pascompétence.Dans sonordonnance, la Cour déclarenotam-
ment: ((Considérant qu'il est constant que les bombardements en cause
ont commencéle 24 mars 1999et se sont poursuivis, de façon conti-
nue, au-delà du 25 avril 1999; et qu'il ne fait pas de doute pour la
Cour, au vu notamment des débatsdu Conseil de sécurité des24 et
26 mars 1999 (SlPV.3988 et 3989), qu'un ((différendd'ordre juridi-
que» (Timor oriental (Portugal c. Australie), C. 1.J. Recueil 1995,

p. 100, par. 22) a «surgi» entre la Yougoslavie et I'Etat défendeur,
comme avec les autres Etats membres de l'OTAN, bien avant le
25 avril 1999, au sujet de la licéitéde ces bombardements comme
tels, pris dans leur ensemble;
Considérant que la circonstance que ces bombardements se soient
poursuivis aprèsle 25 avril 1999et que le différendlesconcernant ait
persistédepuis lors n'est pas de nature à modifier la date àlaquelle le

différendavait surgi; que des différendsdistincts n'ont pu naître par
la suiteà l'occasion de chaque attaque aérienne;et qu'à ce stade de
la procédure, la Yougoslavie n'établit pas quedes différendsnou-
veaux, distincts du différend initial,aient surgi entre les Parties après
le 25 avril 1999au sujet de situations ou de faits postérieurs impu-
tables aux Pays-Bas. )>(Ordonnance, par. 28 et 29).

Cette position. de la part de la Cour, me paraît extrêmementcontestable
pour deux raisons principales :

- la première explication a un caractère généralintéressantla jurispru-
dence de la Cour en ce qui concerne la question, d'une part, et, de
l'autre, intéressant le caractère de la procédure de l'indication de
mesures conservatoires;
- la seconde explication a un caractère spécifiquequi tient aux circons-
tances de la présenteinstance.

14.1. S'agissant de sa compétence,il paraît incontestable que la Cour
adopte, quand il est question pour elle d'indiquer des mesures conserva-
toires, une attitude libéraleà l'égardde l'élémenttemporel. La Cour est
en l'occurrence motivéepar un fait qu'elle met assez régulièrement en évi-
dence :

«on ne saurait admettre a priori qu'une demande fondée surun tel
grief échappe complètement à la juridiction internationale;

[cette]constatation ...est suffisante pour autoriser en droit la Courà
examiner la demande en indication de mesures conservatoires:

l'indication de telles mesures ne préjugeen rien la compétence dela
Cour pour connaître au fond de l'affaire et laisseintact le droit du
défendeur de fairevaloir sesmoyens àl'effetde la contester »(Anglo-
Iranian Oil Co.. ordonnance du 5 juillet1951, C.1.J.Recueil 1951,
p. 931, LICÉITÉ L)E L'EMPLOI DE LA FORCE (OP. DISS. KRECA) 638

«lorsqu'elle est saisied'une demande en indication de mesuresconser-
vatoires, la Cour n'a pas besoin, avant d'indiquer ces mesures, de
s'assurer de manièreconcluante de sa compétencequant au fond de
l'affaire, mais..elle ne doit cependant pas appliquer l'article 41 du
Statut lorsque son incompétence au fond est manifeste)) (Compé-

tence en matière de pecheries (Royaume-Uni c. Islande), mesures
conservatoires, ordonnance du 17 août 1972, C. 1.J. Recueil 1972,
p. 14, par. 15; et Compétenceen matière de pêcheries(République
fédéraled'Allemagne c. Islande), mesures conservatoires, ordonnance
du 17 août 1972, C.I.J. Recueil 1972, p. 33, par. 16).
Il n'est guère besoin de relever que le membre de phrase «n'a pas
besoin ...de s'assurer de manière concluante de sa compétence quant
au fond de l'affaire)) vise la compétence in toto et que, par conséquent,
il s'étend aussi à la compétence rutione temporis. Je donnerai deux
exemples caractéristiques pour montrer que la Cour adopte commu-

némentl'attitude définie ci-dessus vis-à-visde la compétence ratione tem-
poris :
a) Dans lesdifférendsrelatifs àl'affaire Lockerbie, la Cour a dit notam-
ment ceci :

((lors de la procédure orale les Etats-Unis ont soutenu qu'il n'y
avait pas lieu d'indiquer les mesures conservatoires demandées
parce que la Libye n'avait pas établi,prima jacie, que les disposi-
tions de la convention de Montréal pouvaient constituer une base
de compétencedans la mesure où le délaide six mois prescrit par
le paragraphe 1 de l'article 14 de ladite convention n'était pas
expiré lors du dépôt de la requêtede la Libye; et ...la Libye
n'avait pas établi que les Etats-Unis eussent refusél'arbitrage))
(Questions d'interprétation et d'application de la convention de
Montréal de 1971 résultant de l'incident uérien de Lockerbie
(Jamahiriya arabe libyenne c. Etuts-Unis d'Amérique), mesures
conservatoires, ordonnance du 14 avril 1992, C.I.J. Recueil 1992,
p. 122,par. 25),

et elle dit encore:
«dans le contexte de la [procédurerelative à l'affaire Lockerhie],

qui concerne une demande en indication de mesures conserva-
toires, [la Cour] doit, conformément à l'article 41 du Statut, exa-
miner si les circonstances portées à son attention exigent l'indi-
cation de telles mesures, mais n'est pas habilitée à conclure
définitivementsur les faits et le droit, et.sa décisiondoit laisser
intact le droit des Parties de contester les faits et de faire valoir
leurs moyens sur le fond» (ibid., p. 126,par. 41).
h) La question de la compétenceratione temporis de la Cour dans la
procédurerelative à l'indication de mesures conservatoires s'est éga- LICÉITE DE L'EMPLOI DE LA FORCE (OP. DISS. KRECA) 639

lement poséedans l'affaire relative à l'Application de la convention
pour la préventionet lu répressiondu crime de génocide.Dans son
ordonnance du 8 avril 1993sur la demande en indication de mesures
conservatoires, la Cour a notamment déclaré:

((Considérantque la Cour constate que le Secrétaire général a
considéré la Bosnie-Herzégovine commeayant non pas adhérém , ais
succédé à la convention sur le génocide, etque, si tel étaitcas, la
question de l'application des articles et XII1 de la convention ne
seposerait pas; considérant toutefoisque la Cour note que, mêmesi
la Bosnie-Herzégovinedevait êtreconsidérée comme ayant adhéré à
la convention sur legénocide,ce qui aurait pour conséquenceque la

requêtepourrait êtretenue pour prématuréeau moment de son
dépôt,«ce fait aurait étcouvert))par l'écoulementdu laps de temps
de quatre-vingt-dixjours qui serait arrivé son terme entre le dépôt
de la requêteet la procédure oralesur la demande (voir Concessions
Muvrommatis en Palestine, arrêtno2, 1924, C.P.J.I. sérieA no2,
p. 34); que la Cour, en décidantsi elle doit ou non indiquer des
mesuresconservatoires,se préoccupe moinsdu passéque du présent
et de l'avenir; que, par conséquent, mêms ei la compétencede la
Cour étaitaffectéepar la limitede temps qu'invoque la Yougoslavie
- point que la Cour n'a pas a trancher dans l'immédiat - cela ne
constituerait pas nécessairement unobstacle al'exercicepar la Cour
des pouvoirs qu'elle tientde l'article 41 de son Statut.)) (Applica-

tion de la conventionpour lupréventionet la répression du crinzede
génocide, mesures conservatoires, ordonnance du 8 avril 1993,
C.1J. Recueil 1993,p. 16,par. 25.)
S'agissant de la nature de la tlrocédurerelativeà l'indication de mesures
conservatoires, celle-ci n'est certainement pas conçue pour établir une

fois pour toutes, de façon définitive, lacompétence de la Cour. C'est
pourquoi celle-ci, dans sa pratique, parle quasiment toujours de ((corn-
pétencepritna facie)) quand il est question pour elle d'indiquer des me-
sures conservatoires. Il est bien entendu difficilede trouver dans la juris-
prudence de la Cour une définition explicitede la ((compétenceprima
fucie)), mais ses élémentsconstitutifs n'en sont pas moins relativement
facilesà établir.Le qualificatif «prima facie)) lui-mêmedit implicitement
qu'il ne s'agit pas d'une compétence établie à titre définitif,il s'agit d'une
compétencedécoulant, ou censéedécoulernormalement, d'un fait juri-
dique pertinent qui est définiin concreto comme le ((titre de compé-
tence)).Mais suffit-ild'invoquer le «titre deompétence»per se pour qu'il
y aitcompétenceprima,facie? 11ne fait aucun doute qu'ilfaut ici répondre

par la négative.
On peut néanmoinsdireque le «titre de compétence))suffitper se pour
constituer une compétenceprima jacie sauf «lorsque [l']incompétenceau
fond est manifeste)) (Compétenceen muti2re depêcheries (Royaume-Uni
c. Islande), mesures conservatoires, ordonnance du 17 août 1972, C. IJ.
Recueil 1972, p. 15,par. 15; Compétence enmatière depêclzeries(Répu- LICÉITÉ I>E L'EMPLOI DE LA FORCE (OP. DISS. KRECA) 640

blique fédérale d'Allemagne c. Islunde), mesures conservatoires, orcion-
nance du t7 août 1072, C.I.J. Rec~~eil1972, p. 33, par. 16).
Autrement dit, le cas de figure envisagéest celui où l'incompétence est

évidentestricto sensu, c'est-à-dire quand les Etats veulent saisir la Cour
alors qu'il n'existe rigoureusement aucun chef de compétence.
11est parfaitement établi dans la pratique de la Cour que l'absence de
l'élémenttemporel de sa compétence, mêmesi elle est évidente,ne lui ôte
pas sa compétence dès lors qu'il peut êtreaisément porté remède au
défaut temporel.

Dans son arrêt sur les exceptions préliminaires soulevéespar la You-
goslavie dans l'affaire relative à l'Application de lu convention pour la
préventionet lu rPpressiondu crime de génocideen date du 11 juillet 1996,
la Cour a déclarénotamment:

((Certes, la compétencede la Cour doit normalement s'apprécier à
la date du dépôt de l'acte introductif d'instance. Cependantla Cour,

comme sa devancière, la Cour permanente de Justice internationale,
a toujours eu recours au principe selon lequel elle ne doit pas sanc-
tionner un défaut qui affecterait un acte de procédure et auquel la
partie requérante pourrait aisément porter remède. Ainsi, dans
l'affaire des Concessions Maviommutis en Palestine, la Cour perma-

nente s'est expriméede la sorte:
«Mêmesi la base de l'introduction d'instance était défectueuse

pour la raison mentionnée, ce ne serait pas une raison suffisante
pour débouter le demandeur de sa requête.La Cour, exerçant une
juridiction internationale, n'est pas tenue d'attacher à des consi-
dérations de forme la mêmeimportance qu'elles pourraient avoir
dans le droit interne. Dans ces conditions, mêmesi l'introduction
avait étéprématurée,parce que le traité de Lausanne n'était pas

encore ratifié, cefait aurait été couvertpar le dépôt ultérieur des
ratifications requises))(C.P.J.I. sérieA no 2, p. 34.)

C'est du même principeque procède le dictum suivant de la Cour
permanente de Justice internationale dans l'affaire relative à Cer-
tuins intérêtsa1lemand.sen Haute-SilPsic polonaise :

Mêmesi la nécessitéd'une contestation formelle ressortait de
l'article 23, cette condition pourrait êtreà tout moment remplie
par un acte unilatéral de la Partie demanderesse. La Cour ne
pourrait s'arrêterà un défautde forme qu'il dépendrait de la seule
Partie intéresséede faire disparaître.)) (C.P.J.I. série A n" 6,

p. 14.)
La présente Cour a fait application de ce principe dans l'affaire du
Cumeroun sc.ptcntrionu1(C.I.J. Recueil 1963, p. 28), ainsi que dans

celle des Activitésmiliaires et purumilituires au Nicaruguu et contre
celui-ci (Nicurugurrc. Etats-Unis d'Amérique), lorsqu'elle a déclaré :
((11n'y aurait aucun sens à obliger maintenant le Nicaragua à enta- LICÉITÉ DE L'EMPLOIDE LA FORCE (OP. DISS.KRECA) 641

mer une nouvelle procédure sur la base du traité - ce qu'il aurait

pleinement le droit de faire.)) (C.I.J. Recueil 1984, p. 428-429,
par. 83.)
En l'occurrence, quand bien mêmeil serait établi que les Parties,
qui étaient liéeschacune par la convention au moment du dépôt de
la requête,ne l'auraient étéentre elles qu'à compter du 14décembre
1995,la Cour riesaurait écartersa compétence sur cettebase dans la
mesure où la Bosnie-Herzégovinepourrait à tout moment déposer
une nouvelle requête, identique à la présente,qui serait de ce point
de vue inattaquable. >)(Application de la convention pour la préven-
tion et la répressiondu crime de génocide,exceptions préliminaires,

arrêt, C.1.J. Recueil 1996 (II), p. 613-614, par. 26.)

Ce n'est pas seulement la nature de la procédureen indication de me-

sures conservatoires qui s'oppose à l'établissement définitif etoncluant
de l'élémenttemporel de la compétence,c'est aussi la nature mêmede la
compétence rutione temporis de la Cour. En effet,
«la compétence ratione temporis n'existe pas en tant que concept

indépendant du droit régissant les décisions judiciaires internatio-
nales, et plus particulièrement encore du droit régissantla juridic-
tion et la compétence de la Cour. C'est un concept subordonné,
donnant lieu a un problème particulier, consistant à déterminer la
nature et l'effetde cette subordination sur la compétencepersonnelle
ou matérielle de la Cour, selon le cas.)) (Shabtai Rosenne, The
LUIVund Practice of the International Court, 1920-1996, vol. II,
p. 583.)

14.2. Est-il possible de soutenir qu'en l'espècela réserve rutione tem-
poris figurant dans la déclarationyougoslave d'acceptation de la juridic-
tion obligatoire de la Cour est de nature à permettre de dire que l'«in-

compétenceau fond» est manifeste?
Il ne fait pas de doute que les Parties s'opposent fondamentalement au
sujet de la qualification de l'attaque arméemenéecontre la République
fédéralede Yougoslavie. Pour le défendeur, deux mois de bombarde-
ments et d'autres actes dirigéscontre la République fédérale deYougo-
slavie représentent «une situation continue)), une unitéorganique inex-
tricable composée d'un grand nombre d'actes, tandis que, pour la
Yougoslavie, il s'agit d'une

((violation d'une obligation internationale ..compos[ée]d'une série
d'actions ou omissions relatives à des cas distincts, [qui] se produit
au moment de la réalisationde celle des actions ou omissions de la
sériequi établit l'existencedu fait composé)) (Projet d'articles de la
Commission du droit international sur la responsabilité des Etuts,
première partie, articles 1-35,art. 25, p. 272, par. 2).

11est d'ailleurs fait étatdans la requêtede ce paragraphe 2 de l'article 25 LICÉITÉ DE L'EMPLOI DE LA FORCE (OP.DISS. KRECA) 642

du projet d'articles sur la responsabilitédes Etats établipar la Commis-
sion du droit international, lequel dispose notamment aussi:
«le temps de perpétration de la violation s'étend sur la période

entière àpartir de la première desactions ou omissions dont I'ensem-
ble constitue le fait composénon conforme àl'obligation internatio-
nale et autant que ces actions ou omissions se répètent)) (Projet
d'articles de la Commission du droit international sur la responsabi-
lité desEtats, premièrepartie, articles 1-35, art. 25, p. 272, par. 2).
Cette opposition fondamentale sur la façon de concevoir l'attaque
arméedirigéecontre la République fédéralede Yougoslavie représente,

du point de vue juridique, «un désaccord sur un point de droit ... une
opposition de thèsesjuridiques ou d'intérêts)s )elon la définitiondonnée
dans l'affaire des Concessions Mavrommatis en Palestine (arrêtno 2,
1924, C.P.J.I. sérieA n" 2, p. 11).
Il s'agit par conséquentd'un différendentre les Parties qui, en soi, ne
porte pas sur la compétence,en particulier pas sur la compétence prima
facie; toutefois, la décisionque la Cour adoptera sur le différendpeut
avoir un effet sur sa compétence ratione temporis.
Face à un différendde ce type, la Cour a en principe le choix entre
deux solutions:

a) trancher le différendlege artis. Cette possibilitéest, du point de vue
de la jurisprudence bien établie dela Cour, exclusivement théorique.
Nous avons en effet affaire ici à une question qui, en règlegénérale,
se résout non pas lors de la procédure en indication de mesures
conservatoires mais lors de la procédure surle fond;
b) dire, comme la Cour en a pris l'habitude, qu'il existe undésaccordsur
un point de droit, mais qu'elle

((n'est pas habilitéeà conclure définitivement sur les faits ou le
droit. et que sa décisiondoit laisser intact le droit des Parties de
contester les faits et de faire valoir leurs moyens sur le fond))
(Questions d'interprétation et d'application de la convention de
Montréalde 1971résultant del'incident aérien de Lockerbie (Jama-
hiriya arabe libyenne c. Etats-Unis d'Amérique), mesures conser-
vatoires, ordonnancedu 14 uvril 1992, C.I.J. Recueil 1992, p. 126,
par. 41).

La Cour a toutefois choisi une troisième solution qui est, a mon avis, la
moins acceptable. La Cour ne s'est pas penchéesur la solution du diffé-
rend; en outre, elle n'a pas mêmeétabli quels sont ses principaux élé-
ments, et n'a pas établi non plus que le différend en question, par sa
nature même,ne saurait êtretraitélors d'une procédure qui a essentiel-
lement pour objet de préserverles droits de chacune des parties, droits
qu'il faudra confronter au stade de l'examen au fond. La Cour a pure-
ment et simplement accepté l'une des thèsesjuridiques opposéeesn prenant
ainsi un curieux virage - c'est-à-dire qu'elle estentréedans le domaine
de la décision provisoiresans pour autant se prononcer formellement. LICÉITÉ DE L'EMPLOI DE LA FORCE (OP. DISS. KRECA)

IV. UN CHEF SUPPLÉMENTAIRE DE COMPÉTENCE

15. Le deuxièmejour de la procédureorale devant la Cour, le deman-
deur a présenté à l'encontre des Pays-Bas, 1'Etatdéfendeur,un nouveau
chef de compétence sous forme de complément, l'article 4 du traité de
règlement judiciaire, d'arbitrage et de conciliation de 1931, qui se lit
comme suit :
((Si, dans le cas d'un des litiges viàéI'article 2,les deux Parties

n'ont pas eu recoursà la Commission permanente de conciliation ou
si celle-ci n'a pas réussiconcilier les Parties, le litige sera soumis
d'un commun accord par voie de compromis soit à la Cour perma-
nente de Justice internationale qui statuera dans les conditions et
suivant la procédureprévuespar son Statut, soit à un tribunal arbi-
tral qui statuera dans les conditionset suivant la procédureprévues
par la convention de La Haye du 18octobre 1907pour le règlement
pacifique des conflits internationaux.

A défaut d'accord entre les Parties sur le choix de la juridiction,
sur les termes du compromis ou, en cas de procédurearbitrale, surla
désignationdes arbitres,l'une ou l'autre d'entre elles après un préa-

vis d'un mois, aura la faculté de porter directement, par voie de
requête, le litige devant la Cour permanente de Justice internatio-
nale.»
Dans son exposé. le conseil des Pays-Basa expliquésystématiquement,
en détail,à la fois les raisons de forme et les raisons de fond qui militent

contre l'idéede fonder la compétencede la Cour sur l'article 4 dudit
traité.
Le motif de forme est liéau moment auquel le demandeur invoque
ledit traitécomme base de compétence. L'Etat défendeur,en l'espèce les
Pays-Bas, estime que le nouveau chef de compétence a été à un
stade tardif de la procédure,(peu avant la clôture des débats))(CR 99/26,
p. 7), et est par conséquentirrecevable
La Cour dit:

((Considérantque l'invocation par une partie d'une nouvelle base
dejuridiction au stadedu second tour de plaidoiries sur une demande
en indication de mesures conservatoires est sans précédentdans la
pratique de la Cour; qu'une démarcheaussi tardive, lorsqu'elle n'est
pas acceptéepar l'autre partie, met gravement en pérille principe du
contradictoire et la bonne administration de la justice; et que, par
suite, la Cour ne saurait, aux fins de décidersi elle peut ou non indi-
quer des mesures conservatoires dans le cas d'espèce, prendre en
considération le nouveau chef de compétencedont la Yougoslavie a
entendu se prévaloirle 12mai 1999.))(Ordonnance, par. 44.) La Cour adopte là une position qui ne tient pas du tout.
En ce qui concerne leschefs supplémentairesde compétence, laCour a
une pratique fort bien établiedans sa jurisprudence. Dans l'arrêtqu'elle
rend le 26 novembre 1984dans l'affaire du Nicaragua, elle dit cec:

«La Cour considèreque le fait de ne pas avoir invoqué le traitéde
1956comme titre de compétencedans la requêten'empêchepas en
soi de s'appuyer sur cet instrument dans le mémoire. LaCour devant
toujours s'assurer de sa compétenceavant d'examiner une affaire au
fond, il est certainement souhaitable queles moyens de droit sur les-
quels le demandeur prétendfonder la compétencedela Cour)) soient
indiqués dans les premiers stades de la procédure, et l'article 38
du Règlement spécifiequ'ils doivent l'être«autant que possible))
dans la requête.Un autre motif de compétence peut néanmoinsêtre
portéultérieurement àl'attention de la Cour, et celle-cipeut en tenir
compte à condition que ledemandeur ait clairementmanifestél'inten-
tion de procédersur cette base(Certains emprunts norvégiens,C.I.J.
Recueil 1957, p. 25),à condition aussi que le différendporté devant

la Cour par requête nese trouve pas transformé en un autre diffé-
rend dont le caractère ne serait pas le mêmeSociétécommerciale de
Belgique, C.P.J.I. sérieAIB no 78, p. 173).» (Activitésmilitaires et
paramilitaires au Nicuraguu et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-
Unis d'Amérique), C.I.J. Recziei1984, p. 426-427, par. 80.)

La Cour a été également appelée à se prononcer sur la recevabilitéde
nouvelles bases de compétence à l'occasion de la seconde demande en
indication de mesuresconservatoires dans l'affaire relative l'Application
de la conventionpour lupréventionet lu répressiondu crime de génocide.
En effet, par une seconde demande déposéeau Greffe le 27juillet 1993,
la Bosnie-Herzégovine ademandé à la Cour l'indication de mesures
conservatoires complémentaires. Par des lettres en date du 6 août, du

10 août et du 13 août 1993, l'agent de la Bosnie-Herzégovine aprécisé
que la compétencede la Cour reposait non pas seulement sur lesbases de
compétencedéfiniesprécédemmentmais égalementsur des bases supplé-
mentaires.
Dans l'ordonnance qu'elle rend à ce sujet le 13 septembre 1993, la
Cour conclut au paragraphe 28 :

«aux fins d'une demande en indication de mesures conservatoires, la
Cour ne doit pas se refuser à priori d'examiner de telles bases sup-
plémentairesde compétence, maiselle doit se demander si, compte
tenu de toutes les circonstances, y compris les considérations énon-
céesdans la décision précitéele,s textes invoquéspourraient consti-
tuer une base sur laquelle sa compétencepour connaître du différend

pourraitprima facie être fondée)()Applicationde la conventionpour
la préventionet lu répressiondu crime de génocide, mesuresconser- LICÉITE DE L'EMPLOI DE LA FORCE (OP.DISS.KRECA) 645

vutoires, ordonnance du 13 septembre 1993, C. 1J. Recueil 1993,
p. 339).

16. On peut par conséquent en déduire que, du point de vue de la
jurisprudence de la Cour, il faut absolument que trois conditions soient
remplies pour que de nouveaux chefs de compétence soientrecevables:

a) le demandeur doit indiquer clairement qu'il entend procédersur cette
base ;
b) l'invocation de chefs supplémentaires de compétence ne doit pas
transformer le différendporté devant la Cour par requêteen un autre
différenddont le caractère ne serait pas le même;
c) les nouveaux chefs de compétence invoqués peuvent constituer une
base sur laquelle la compétencede la Cour pour connaître du diffé-
rend pourrait être fondée primu fucie.

Ilest difficilede nier qu'au regard de ces trois conditionsa remplir, de
nouveaux chefs de compétencesont parfaitement recevables en l'espèce.
Le fait mêmeque le demandeur invoque l'article 4du traitéde 1931en
s'appuyant sur la réserve relativeau droit de modifier la requête,autorise
en soi a conclure qu'il al'intention de procédersur cette base. En outre,
dans sa requête,le demandeur a clairement déclaréqu'il présentait un
complément à ladite requêtecontre les Pays-Bas «pour violation de
l'obligation de ne pas recourir à l'emploi de la force)), ce qui précise

implicitement que ce nouveau chef de compétence netransforme pas le
différend vortédevant la Cour en un autre différenddont le caractère ne
serait pas le même.(On peut citer a titre d'exemple de chef supplémen-
taire decom~étencetransformant obiectivemcnt le différendvortédevant
la Cour en un autre différenddont le caractère n'est pas le mêmemotif
présentépar la Bosnie-Herzégovinedans une seconde demande en indica-
tion de mesures conservatoires déposéeauprès du Greffe de la Cour le
27 juillet 1993 :il est en effet difficile de prouver que le traité de 1919
conclu entre les Puissances alliéeset associéeset le Royaume des Serbes,
Croateset Slovènessur la protection des minorités ou bien

«le droit international de la guerre coutumier et conventionnel et ...
le droit international humanitaire, y compris, mais sans que cette
énumérationsoit limitative, les quatre conventions de Genève de
1949, lepremier protocole additionnel de 1977 à ces conventions, le
règlementannexé a la convention de La Haye de 1907concernant les
lois et coutumes de la guerre sur terre)(Application de la convention
pour lu prévention et lu répression ducrime de génocide, mesures
conservatoires, ordonnunce du 13 septembre 1993, C. 1J. Recueil

1993, p. 341, par. 33)
ont un lien direct avec l'objet du différenddans l'affaire relativel'Appli-
cation de lu converztionpour lu prévention et la répressiondu crime de
génocide et ne transforment pas le différendporté devant la Cour en un
autre différend).
En dernier lieu, il me paraît incontestable que le traitéde 1931,lequel LICÉITÉ DE L'EMPLOI DE LA FORCE (OP. DISS. KRECA) 646

a été conclu etconçu pour réglerles différends éventuelsentre les parties
contractantes par ((la conciliation, le règlement judiciaire et l'arbitrage))
propose par définition une basesur laquelle fonder la compétence de la

Cour pour connaître de la requête.Le premier alinéa del'article 4 dudit
traitéstipule que ((lelitige ser[a]soumis d'un commun accord par voie de
compromis))et, comme tel n'est manifestement pas le cas, c'est le second
alinéadu mêmearticle qui p-ut-normalement conférer compétence à la
Cour pro futuro.
Dans ces conditions, il reste à établir si le demandeur a vraiment
invoqué son nouveau chef de compétence in extremis, àun stade tardif de
la procédure.
L'article 38,paragraphe 2, du Règlementde la Cour, dispose que «[l]a
requête indique autant que possible les moyens de droit sur lesquels le
demandeur prétend fonder la compétence dela Cour» (les italiques sont

de moi). Cette formule, ((autant que possible)), montre clairement qu'il
n'y a pas lieu de préciser nécessairementdans la requêtetous les moyens
de droit sur lesquels le demandeur entend ((fonder la compétence de la
Cour)). Comme on peut le déduiredes exemples cités ci-dessus,la Cour
s'inspire dans sajurisprudence de ce qui me paraît êtreainsi la seuleinter-
prétation possible de l'article38, paragraphe 2, de son Règlement.
Au reste, ni le Statut ni le Règlement de la Cour n'énoncede disposi-
tions aui définissent directementou indirectement ce au'il faut entendre
par stade «précoce» ou «tardif» de la procédure.
Il est certain qu'a cet égard,l'avis desParties en litige ne constitue pas
en soi un critèrefiable et déterminant. Ce qu'ils entendent par «précoce»

ou «opportun», ou bien par «tardif» est évidemmententaché desubjec-
tivité.
C'est pourquoi il me paraît nécessairede faire appel, ne serait-ce que de
façon élémentaire,a un critère objectifpour apprécierce qui peut repré-
senter un «stade tardif de la procédure)).
Au sens du Règlement de la Cour, on peut dire que le ((stade tardif))
ou bien le «dernier stade» de la procédurecoïncide avec la clôture offi-
cielle, tout aumoiris quand il s'agit de la procédurerelative à l'indication
de mesures conservatoires. C'est là l'interprétation quivient a l'esprità la
lecture de l'article74, paragraphe 3, du Règlement, qui dispose notam-
ment que «[l]a Cour reçoit et prend en considération toutes observations

qui peuvent lui êtreprésentées uvant la clôture de cette procédure)) (les
italiques sont de moi). La formule très large, très générale c<toutes obser-
vations» signifie implicitement que ces «observations» peuvent êtrepré-
sentées soitoralement soit par écrit.
Que le droit des parties soit conçu de façon aussi large dans le cadre de
la procédurerelative a l'indication de mesures conservatoires, en particu-
lier quand il s'agit d'établirles chefs de compétence, fait écho aubesoin
impératif, pour la Cour, de trouver dans un délaitrès court, correspon-
dant à l'urgence de la procédure,une solution satisfaisante tant en ce qui
concerne sa compétence prima,fucie qu'en ce qui concerne les autres faits
pertinents. LICÉITÉ DE L'EMPLOI DE LA FORCE (OP. DISS.KRECA) 647

Le libelléimpératifde la disposition pertinente n'autorise aucune déro-
gation. Mais il appartientà la Cour de trouver concrètement une solution
dans chaque cas d'espèce sans pour autant s'écarterde la disposition
quant au fond, une solution qui, respectant l'égalité fondamentale entre

les parties, permettrait la partie adverse d'exposer sa position en ce qui
concerne la question dont il s'agit en l'espèce lechef supplémentairede
compétence.
En l'occurrence, la Cour a procédéde cette façon, donnant à ladite
Partie la possibilitéde réagirdans le délaiaccordéaux Parties au second
tour de plaidoiries pour répondre aux allégations présentéelsors du pre-
mier tour.

L'argument utilisépar la Cour pour soutenir que le chef supplémen-
taire de compétencequ'apporte l'article 4 du traité de1931est irrecevable
correspond à une justification formelle répondant exclusivement à un

souci de commodité.
Si, dans le cadre d'un procès, un acte doit êtredéclaré irrecevable sim-
plement parce qu'il est sans précédentdans la pratique de la juridiction
saisie, en bonne logique, la Cour, après sa création en 1946, aura com-
mencé à fonctionrier dans des conditions extraordinairement difficiles
puisqu'elle n'aura pas eu la possibilitéde se familiariser avec le déroule-
ment d'un procès e:tles initiatives des parties.
17. Outre cette question de forme, il se pose aussi des questions de
fond. A cet égard, la question essentielle est de savoir si la République
fédéralede Yougo:slavieest partie contractante au traité de 1931. Cette
fois, la question se ramèneà celle de savoir quelle est la nature des trans-

formations territoriales de l'ancienne République fédérativesocialiste de
Yougoslavie et quelles ont été leurs conséquencessur le statut de la
Républiquefédérale de Yougoslavie.
Concrètement, or1peut considérerla question de différents points devue:
a) si la Cour estime que la République fédéralede Yougoslavie est
Membre des Nations Unies indépendamment du fondement et des
modalités desa.situation - que cette conclusion concerne exclusive-

ment la procéduredevant la Cour ou que ce soit un principe général
- on peut alors en déduire que la République fédéralede Yougo-
slavie est partie contractante au traité de1931,en s'appuyant surI'ar-
ticle 35 de la convention de Vienne sur la succession d'Etats en ma-
tièrede traitésqui énoncela règlesuivante:
ccLorsque, après séparation de toute partie du territoire d'un

Etat, 1'Etat prédécesseurcontinue d'exister, tout traité qui, à la
date de la succession d'Etats, étaiten vigueur à l'égardde 1'Etat
prédécesseuirreste en vigueur à l'égarddu reste de son territoireà
moins :
a) que les Etats intéressés n'enconviennent autrement;
6) qu'il rie soit établique le traité se rapporte uniquement au
territoire qui s'est séparé de'Etat prédécesseur;ou LICÉITÉ IIE L'EMPLOI DE LA FORCE (OP. DISS.KRECA) 648

c) qu'il ne ressorte du traitéou qu'il ne soit par ailleurs établi
que l'application du traité à l'égardde 1'Etat prédécesseur serait
incompatible: avec l'objet et le but du traitéou changerait radica-
lement lesconditions d'exécutiondu traité))(Convention de Vienne
sur la succession d'Etats en matière de traités,art. 35);

6) si la Cour estime que la Républiquefédéralede Yougoslavie ne peut
pas assumer automatiquement la qualité de Membre des Nations
Unies a la place de la Républiquefédérativesocialiste de Yougosla-
vie, comme l'indique la résolution4711de l'Assemblée généralc e,tte
position de la Cour n'incite pasnécessairementà conclure que la Répu-
blique fédérale de Yougoslavie n'est pas partie contractante au traité
de 1931. Les notions de ((continuité de la qualité d'Etat Membre

des Nations Uriies)) et d'«identité et continuitéjuridiques)) ne sont
pas identiques.
La succession automatique de la qualité d'Etat Membre au sein des
Nations Unies est incontestablement l'une des formes sous lesquelles
s'exprime lapermanence juridique d'un Etat qui subit des modifications
territoriales. Toutefois, il n'endécoulepas automatiquement que cette suc-

cession automatiqui: en ce qui concerne la qualité d'Etat Membre des
Nations Unies couvre intégralementla notion de continuitéjuridique d'un
Etat; mais il s'agitd'un élémenetxtrêmementimportant decettecontinuité
juridique, en particulier pour des raisons politiques, car la qualitéd'Etat
Membre des Nations Unies, en soi, ne peut ni constituer cette continuiténi
l'annuler. Qu'un Etat soit membre d'organisations internationales ne
donne, du point de .vueconstitutionnel, effet a la notion de continuitéque
si cette qualités'accompagned'autres éléments pertinents auxquels elle est
organiquement liée. II s'agit avant tout des relations diplomatiques et du
fait pour ledit Etat d'être partiedes traitésen vigueur.
Par le comportement adopté après la sécessionde certaines unitésde
l'ancienne Fédérationyougoslave, les Pays-Bas ont reconnu, de facto
tout au moins, l'identitéet la continuitéjuridiques de la Républiquefédé-

rale de Yougoslavie. C'est-à-dire que les Pays-Bas figurent au nombre des
pays qui ont en permanence, sans aucune solution de continuité, entre-
tenu des relations diplomatiques avec la Républiquefédéralede Yougo-
slavie, relations qu'ils avaient précédemment établieset entretenues a
diverses périodesavec l'ancienne Républiquefédérativesocialiste de You-
goslavie. Et mêmequand ils ont reconnu que les entitésde la Fédération
yougoslave ayant fait sécessionétaient devenues des Etats souverains et
indépendantset qu'ils ont établiavec ces derniers des relations diploma-
tiques, les Pays-Bas n'ont pas adopté officiellement, sous la forme d'un
instrument adapté aux relations interétatiques, une position juridique
pour indiquer que la République fédéralede Yougoslavie était à leurs
yeux un Etat nouveau et qu'ils rénovaienten conséquence leurs relations
diplomatiques avec ce pays. LICÉITÉ IIE L'EMPLOI DE LA FORCE (OP.DISS.KRECA) 649

Les Pays-Bas ne dissimulent nullement le fait qu'ils étaienten train de
négocier avecla République fédéralede Yougoslavie; qu'ils avaient à
titre préliminaire convenu qu'un certain nombre de traités bilatéraux
conclus avec la République fédérativesocialiste de Yougoslavie reste-
raient en vigueur niais que le traité de 1931 ne faisait pas partie de ce
groupe detraités et(quel'accord réalisn'étaitpas officiellementconfirmé.
Si nous laissonsde côtéle point de savoir si lemaintien en vigueur du
traité de 1931étaitou non en cours de négociation, plusieurs faits n'en
sont pas moins incontestables:

a) dans le cadre de l'accord réalimais non pas confirméofficiellement,
les Pays-Bas ont admis qu'un certain nombre de traités bilatéraux
conclus avec la République fédérativesocialiste de Yougoslavie
demeurent en vigueur avec la République fédéralede Yougoslavie.
C'est-à-dire que les Pays-Bas,nolens-volens,ont tacitement reconnu

l'identité juridique de la République fédéralede Yougoslavie ainsi
que la continuité entre la République fédérativsocialiste de Yougo-
slavie et la République fédéralede Yougoslavie;
b) I'accord réalisésur ce maintien en vigueur d'un certain nombre de
traités bilatéraux.mêmes'il n'est vas officiellement confirmé. n'est
pas dépourvu d'ekets juridiques. CL a^cord relèvede la catégo;iedes
conventions orales, informelles auxquelles la convention de Vienne
sur le droit des. traités reconnaît un caractère obligatoire. Dans le
commentaire de l'article 2 de la convention, intitulé «Expressions
employées)),ilest notamment déclaré:

«[s]il'emploidu terme «traité»dans le projet d'articlesest limité aux
accords internationaux en forme écrite,cen'estpas pour nier lavaleur
juridique des accords verbaux en droit international))nuaire de la
Commission du droit international, 1966vol. II, p206).

En dernier lieu, isn a peineà croire qu'en se préparant a négocierle
maintien en vigueur de traités bilatéraux conclus avec la République
fédérative socialisti: de Yougoslavie, un Etat aussi organisé que les
Pays-Bas ne se soit pas penché sur ce qu'il advenait de ses relations
conventionnelles avec la République fédéralede Yougoslavie. En parti-
culier, on ne doit pas oublier que la Fédérationyougoslave issue de la
seconde guerre mondiale a été égalemeno tfficiellement reconnue par la
communauté internationalecomme le successeur du Royaume de You-
goslavie, et cette reconnaissance signifieimplicitement que la Fédération
de Yougoslavie est liéepar tous les droits et obligations découlant des
traités conclus par le Royaume de Yougoslavie avant la seconde
guerre mondiale.
Le fait que les Pays-Bas ne soient pas partie contractante la conven-
tion sur la succession d'Etats n'a pas d'importance du point de vue de la

règleénoncée à l'article 35 de ladite convention.
Cette règle relèvedu droit coutumier existant et lie lesEtats en l'absence
de ladite convention et indépendamment d'elle. Cette convention sur la LICÉITÉ DE L'EMPLOI DE LA FORCE (OP. DISS.KRECA) 650

succession d'Etats est un ensemble sui generisd'élémentsde codification
et de développementprogressif du droit international. La règleénoncée à
l'article 35 de ladite convention, en tant que manifestation de la codifica-
tion du droit coutumier existant, n'a guèrequ'une valeur déclaratoire.
Il faut donc en déduire inévitablement que les Pays-Bas savaient, ou
qu'ils étaient obligés de savoir que le traité de 1931 est toujours en

vigueur et a par conséquent valeur obligatoire en ce qui les concerne. Il
serait difficilede croire qu'un Etat qui est un sujet de droit international
aussi bien organisé, professionnellement et intellectuellement, que les
Pays-Bas n'a pas pleinement consciencede ses droits et obligations.
Sur un plan généirali,l est possible de formuler deux hypothèses:

a) les Pays-Bas n'avaient pas conscience que le traité de 1931 étaiten
vigueur. Sil'hypothèseestjuste, les Pays-Bas commettaient une erreur
en ce qui concerne leurs droits (erreur in jus). D'après le principe
généralde droit qui s'énonce ignorantia legis nocet, lequel appartient
égalementau droit des traités (1969), cette erreur est dénuée de per-
tinence ;
6) les Pays-Bas avaient conscience que le traité de1931étaiten vigueur,
mais, pour une raison ou une autre, ils n'en ont pas fait étatau cours
de la procédure devant la Cour. Pour des raisons pratiques tenant à
cette procédure devant la Cour, la différenceentre les hypothèses a)
et b) est ici San!;aucune importance.

La position que la Cour adopte au paragraphe 44 de son ordonnance
n'est absolument pas acceptable.
Vu les indications claires, dépourvues d'ambiguïté,que donne à cet
égard le paragraphe 3 de l'article 74 de son Règlement, la Cour était

tenue d'entendre les observations de la République fédéralede Yougo-
slavie qui présentaient le traitéde 1931comme une base additionnelle de
compétenceet d'en tenir compte. L'article 4 de ce traitéest une base de
compétence prima jrctciede la Cour dans la procédure en indication de
mesures conservatoires requises par le demandeur. Pratiquant la logique
qu'ellea suivie dans l'affaire del'Application de lu convention sur le gPno-
cide, la Cour n'aurait pas eu besoin de se pencher sur la question de la
succession dlEtats. Dans la seconde procédureen indication de mesures
conservatoires, dans cette mêmeaffaire relative à l'Application de la
convention sur le g&ocide, au sujet des thèsesde la Bosnie-Herzégovine
qui voulait faire du traitéde 1919un chef de compétence,la Cour a en
effet énoncéla conclusion suivante:

«la Cour ...n'aura à se prononcer ni sur le maintien en vigueur, ni
sur l'interprétation des articles 11et 16 dudit traité; ...à première
vue, le texte di1 traité de 1919impose une obligation au Royaume
des Serbes, Croates et Slovènes de protéger les minorités sur son
propre territoire; ...en conséquence ...si, et dans la mesure où la

Yougoslavie est aujourd'hui liéepar le traité de 1919 en tant que
successeur de ce royaume, ses obligations en vertu de ce traité seraient apparemment limitées à l'actuel territoire de la Yougoslavie»
(Application de la conventionpour la préventionet la répressiondu
crime de génocide, mesures conservatoires, ordonnance du13 sep-
tembre 1993, CI. J. Recueil 1993, p. 340, par. 31).

En sus de la cohérence dont la Cour témoigne dans sa jurisprudence
quand les situation:; sont pour l'essentiel identiques, il faut aussi noter
que la ressemblance entre la présenteinstance et l'affaire citée ci-dessus
tient au fait que le traité de 1931peut êtreconsidérécomme une expres-
sion conventionnelle de l'obligation impérative de caractère général
imposant aux partilcs contractantes de régler leurs différendsde façon
pacifique.
Mêmesi le document dans lequel le demandeur a fait valoir que le

traité de 1931 était un chef supplémentaire de compétencedevait être
déclaré«irrecevable», la Cour ne pouvait pas faire abstraction de I'exis-
tence dudit traité. En l'occurrence, elle aurait pu faire une distinction
entre le document lui-même etle traité de1931,en tant que base de com-
pétence.

18. Au paragraphe 16de son ordonnance, la Cour dit:
((Considérant que la Cour est profondément préoccupéepar le
drame humain, lespertes en vieshumaines et lesterribles souffrances

que connaît le :Kosovoet qui constituent la toile de fond du présent
différend,ainsi que par les victimes et les souffrances humaines que
l'on déplore defaçon continue dans l'ensemble de la Yougoslavie. ))
Le libelléde cett'edéclaration me paraît inacceptable pour plusieurs
raisons. La première est que cet énoncé faitpart d'une préoccupation
humanitaire double. La Cour dit être((profondément préoccupée))et
évoqueen même teinps «les pertes en vies humaines)) et «les victimes)).

De sorte qu'en ce qui concerne «l'ensemble de la Yougoslavie», la Cour
évoque techniquement «les victimes))comme un fait qui ne cause pas de
((préoccupation profonde)). En outre, l'énoncépermet également de
l'interpréter commesignifiant que le Kosovo ne fait pas partie de la You-
goslavie.C'est-à-dire qu'aprèsavoir mis en relief la situation au Kosovo-
Metohija, la Cour utilise l'expression «dans l'ensemble de la Yougosla-
vie». Compte tenu de la situation de fait et de la situation de droit, il
aurait fallu dire «dans le reste de la Yougoslavie)).De surcroît, faire allu-
sion au «Kosovo» et à ((l'ensemblede la Yougoslavie» non seulement
n'a aucun fondement juridique dans la situation actuelle, mais ne repose
pas sur les faits non plus. C'est I'ensemblede la Yougoslavie qui est atta-
qué.Les souffrance:;et les pertes en vieshumaines sont malheureusement
un fait s'appliquant en généralau pays tout entier; dans ces conditions,

mêmesi elle avait icuà sa disposition des chiffres précisconcernant le
nombre des victimes et l'ampleur des souffrances de la population de la LICÉITÉ DE L'EMPLOI DE LA FORCE (OP.DISS. KRECA) 652

Yougoslavie, la Cour n'aurait de toute façon pas eu le droit moral d'éta-
blir la moindre discrimination à cet égard. De plus, dire que «le drame
humain ... et les terribles souffrances que connaît le Kosovo et qui cons-
tituent la toile de fond du présentdifférend))non seulement est une indi-
cation de caractère politique mais représente, ou pourrait représenter,

une sorte de justifica.tion de l'attaque armée menéecontre la Yougoslavie.
Il suffit de rappeler à ce propos que 1'Etat défendeur qualifie son action
armée d'intervention humanitaire.
11appartient a la Cour d'établir à un stade ultérieur de la procédure
quelle est véritablement la situation en droit, c'est-à-dire quels sont les
faits pertinents. Au stade actuel, la question des raisons profondes de

l'attaque armée dirigéecontre la République fédéralede Yougoslavie fait
l'objet d'allégations politiques. Le défendeur soutient qu'il s'agit d'une
intervention humanitaire provoquée par «le drame humain et les terribles
souffrances)),tandis que le demandeur estime que sedes nluteriue les rai-
sons profondes sont à chercher ailleurs - dans le soutien apporté à
l'organisation terroriste à l'Œuvreau Kosovo et dans la volonté politique

de sécessionqui anime le Kosovo-Metohija.
Nous avons donc affaire ici a des qualifications politiques opposées
dans lesquelles la Cour ne devrait pas entrer, cela lui est mêmeinterdit à
mon avis, si ce n'est.dans le cadre d'une procédure judiciaire normale.
19. L'énoncédu paragraphe 50 de l'ordonnance donne l'impression
que la Cour cherche assez élégamment arenvoyer la balle dans le jardin

du Conseil de sécurité.Pour l'essentiel, c'estinutile, parce que, sous sa
forme actuelle, cetknoncén'est qu'une simple paraphrase d'une donnée
élémentairequi est que «le Conseil de sécuritéest investi de responsa-
bilitésspéciales en vertu du chapitre VI1 de la Charte)). Ilest possible,
certes, de l'interprkter aussi comme un appel lancé A l'organe des
Nations Unies qui est très précisémentchargé de prendre des mesures

en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix ou d'acte d'agres-
sion et qui a d'ailleurs été conçuà cet effet; mais, en l'occurrence, la
Cour devrait rappeler aussi une autre donnéeélémentaire:en vertu de I'ar-
ticle36,paragraphe 3, de la Charte des Nations Unies, un différendjuri-
dique doit être soumis a la Cour internationale de Justice.
20. En utilisant l'appellationcKosovo)) au lieu de l'appellation offi-
cielle de«Kosovo-?vletohija», la Cour a continué de suivre la pratique

des organes politiques des Nations Unies, pratique dont, d'ailleurs, les
Etats défendeurs ne se départissent jamais.
Il est difficile de justifier pareille pratique. sauf, bien entendu, si nous
admettons que l'opportunité politique, les intérêts politiques et concrets
sont a cet égard der;arguments valables. C'est ce que montre également
de façon éloquente la pratique suivie pour désigner la République fédé-

rale de Yougoslavit:. A la suite de la sécessionde certaines parties de
l'ancienne Fédérationyougoslave, les organes des Nations Unies et les
Etats défendeurs eux-mêmesont utilisé laformule «Yougoslavie (Serbie
et Monténégro))).Mais, depuis le 22 novembre 1995, le Conseil de sécu-
rité utilise, dans se:; résolutions 1021 et 1022, la formule ((République LICÉITE DIE L'EMPLOI DE LA FORCE (OP.DISS. KRECA) 653

fédéralede Yougoslavie)) au lieu de l'ancienne formule ((République
fédérativede Yougoslavie (Serbie et Monténégro))),sans qu'il y ait eu de
décision expresse àc:etégardet dans une situation dedroit inchangéepar
rapport à celle dans laquelle le Conseil, comme d'autres organes des
Nations Unies, se servait de la formule ((Républiquefédérativede You-
goslavie (Serbie et Monténégro))).Le fait que ce changement de pratique
du Conseil de sécuritédate du lendemain du jour où a étéparaphé
l'accord de paix de Dayton autorise à soutenir avec assez de fermetéque

cette pratique concrète ne s'inspire pas de critères juridiques objectifs
mais plutôt de critères politiques.
En utilisant le terme((Kosovo)) au lieu du nom « Kosovo-Metohija)),
la Cour, en fait, fait deux chosesàla fois:
a) elle adopte l'appellation courante et populaire servant à désignerles
unitésterritoriales d'un Etat indépendant;

6) elle laisse de côti: l'appellation officiellede la province méridionalede
Serbie,appellati,on consacréepar les actes constitutionnels et juridi-
ques tant de la Serbie que de la Républiquefédéralede Yougoslavie.
En outre, la Cour agit ainsi contrairementàla pratique établiepar les
organisations internationales compétentes. Par exemple, la désigna-
tion officielle de la province méridionalede Serbie ((Kosovo-Meto-
hija)) est celle qu.ifigure dans l'accord conclupar la Républiquefédé-
ralede Yougoslavie et l'organisation pour la sécurité etcoopération
en Europe (Internutionul Legul Materials, 1999,vol. 38, p. 24).

Mêmesi pareille ]pratique, laquelle,à mon sens, est totalement incor-
recte, non seulemenitsur le plan du droit mais aussi du point de vue du
bon usage, pouvait se défendre quand elle émane d'entités qui situent
l'intérêt et laommodité au-dessus de la loi. elle est inexplicable quand
elle émaned'un organe judiciaire.
21. L'expression «droit humanitaire)) que la Cour utilise aux para-
graphes 19 et 48 de son ordonnance prêteégalement à confusion, pour
une doubleraison: d.'uncôté,la Cour ne manifeste pas une parfaite cohé-
rence dans l'emploi de cette formule. Dans l'affaire de l'Application de
lu convention sur le génocide, laCour a dit que ladite convention faisait

partie du droit humanitaire, alors qu'il est manifeste qu'en raison de
sa nature même, la'diteconvention relève du droit pénal international
(voir l'opinion dissidente de M. Kreca dans l'affaire relative à l7Appli-
cation de la convenrbionpour la prévention etlu rkpression du crime de
génocide, exceptionspréliminaires, C.I.J. Recueil 1996 (II), p. 774-775,
par. 108).
D'un autre côté,il me semble que dans la présenteordonnance, la for-
mule ((droit humanitaire)) est employée enun sens différent plusproche
du sens généralementacceptéaujourd'hui. Et il convient de faire précisé-
ment étatde l'extrait:pertinent de l'ordonnance en raison mêmedu libellé
des paragraphes 19 t:t 48. En isolant le droit humanitaire parmi les règles
de droit international que les parties sont tenues de respecter, il est pos-
sible que la Cour vcuille, discrètement, voire timidement, justifier impli- LICEITE DE L'EMPLOI DE LA FORCE (OP.DISS.KRECA) 654

citement l'attaque a.rméedirigéecontre la République fédéralede You-
goslavie ou tout au moins en atténuer les conséquencessur le plan du
droit.
Dans son premier sens juridique, le droit humanitaire correspond
implicitement aux rkgles dujus in bello. Si la Cour s'inspirait, comme je
n'en doute nullement, de considérations humanitaires quand elle a sou-
ligné la nécessitde respecter les règlesdu droit humanitaire, elle aurait
dû souligner expresisémentaussi l'importance fondamentale que revêtla

règleénoncée à l'article 2, paragraphe 4, de la Charte, laquelle trace la
ligne de démarcation entre une sociétéinternationale primitive, où le
droit fait défaut, etnecommunauté internationale organiséeoù régnele
droit.

(Signé) Milenko KRECA.

Bilingual Content

TABLE OF CONTENTS

Purugruphs
1. COMPOSITIO ONTHE COURT INTHISPAKTICULA CRASE 1-4

II. HUMANITARIC ANNCERN INTHISPARTICULA CRASE 5-7
Ill. JURISDICTIONIASLUES 8-14

Jurisdiction of the Courtone personuc 8-10
Jurisdiction of the Court rutione materiae 11-13
Jurisdiction of the Court rutione temporis 14
15-17
IV. ADDITIONA GLROUND OFJURISDICTION
18-21[Truduction]

1. LA COMPOSITION DE LACOUR EN L'ESPÈCE
II. LEPROBLEME HUMANITAIRE EN L'ESPECE

III. LESQUESTIONS DI: COMPETENCE
Compétencede la Cour rationr prrsonae

Compétencede la Cour ratione materiae
Compétencede la Cour ratione temporis
IV. UN CHEF SUPPLÉMENTAIRE DE COMPÉTENCE 1. In the context of the conceptual difference between the interna-
tional magistrature and the interna1judicial system within a State, the
institution of judge ad hoc has two basic functions:

"(a) to equalize the situation when the Bench already includes a
Member of the Court having the nationality of one of the parties;
and (b) to create a nominal equality between two litigating States
when there is no Member of the Court having the nationality of
either party" (S. Rosenne, The Law1and Practice of the International
Court, 1920-1996, Vol. III, pp. 1124-1125).

In this particular case room is open for posing the question as to
whether either of these two basic functions of the institution of judge ad
hoc has been fulfilled at all.
It is possible to draw the line between two things.
The first is associated with equalization of the Parties in the parton-
cerning the relations between the Applicant and the respondent States
which have a national judge on the Bench. In concreto, of special interest

is the specific position of the respondent States. They appear in a dual
capacity in these proceedings :
primo, they appear individually in the proceedings considering that
each one of them is in dispute with the Federal Republic of Yugoslavia:
and,
secondo, they are at the same time member States of NATO under

whose institutional umbrella they have undertaken the armed attack on
the Federal Republic of Yugoslavia. Within the framework of NATO,
these respondent States are acting in corporr, as integral parts of an
organizational whole. The corpus of willsof NATO member States, when
the undertaking of military operations is in question, is constituted into a
collective will which is, formally, the will of NATO.

2. The question may be raised whether the respondent States can
qualify as parties in the same interest.
In itsrder of 20 July 1931in the case concerningthe Customs R6gime
between Germany and Austria, the Permanent Court of International Jus-
tice established that:

"al1governments which, in the proceedings before the Court, come
to the same conclusion, must be held to be in the same interest for
the purposes of the present case" (P.C.I.J., Series AIB, No. 41,
p. 88).
The question of qualification of the "same interest", in the practice of
the Court, has almost uniformly been based on a formal criterion, the

criterion of"the same conclusion" to which the parties have come in the
proceedings before the Court. LICEITÉ DE L'EMPLO DIE LA FORCE (OP. DISS. KRECA) 612

1. Compte tenu de la différencede principe entre la magistrature inter-
nationale et le système judiciaire interne de chaque Etat, l'institution du

juge ad hoc a fondamentalement un double rôle:
«a) rétablir l'égalitéquand la Cour comprend d'ores et déjà sur le

siègeun juge ayant la nationalité de l'une desparties; et b) créerune
égalitésymbolique entre deux Etats en litige quand aucun membre
de la Cour n'a la nationalité de l'une des parties))(S.Rosenne, The
Luit1 und Pructice of the Intrrnutionul Court, 1920-1996, vol. III,
p. 1124-1125).

En l'espèce,on peut se demander si l'institution du juge ad hoc a bien
exercéI'une quelconque de ces deux fonctions élémentaires.

Il est possible de distinguer deux éléments.

Le premier est lié: ce rétablissement de l'égalitéentre les parties en ce
qui concerne les relations entre le demandeur et les Etats défendeurs qui
ont un juge national sur le siège. In concrrto, il faut s'intéresser à cet
égard à la positiori particulière des Etats défendeurs. Ces derniers, en
effet, comparaissent à un double titre:

primo, ils comparaissent individuellement puisque chacun d'eux est en
litige avec la République fédéralede Yougoslavie;

secundo, ce sont en mêmetemps des Etats membres de I'OTAN dans le
cadre institutionnel de laquelle ils ont engagéune attaque armée contre la
République fédéralede Yougoslavie. Dans ce cadre de I'OTAN, les Etats
défendeursagissent in corporc, en tant que parties intégrantes d'une orga-
nisation constituant un tout. L'ensemble, le corpus, des volontés des
Etats membres de I'OTAN, quand ils'agit de mener des opérations mili-
taires, constitue une volonté collective qui est officiellement celle de

I'OTAN.
2. On peut se demander par ailleurs si les Etats défendeurs peuvent

êtreconsidéréscomme faisant cause commune.
Dans l'ordonnance rendue le 20 juillet 1931 dans l'affaire du Régime
douunier entre I'Allrmugne et l'Autriche, la Cour permanente de Justice
internationale a énoncéle principe suivant:

((tous les gouvernements qui, devant la Cour, arrivent à la même
conclusion, doivent être considéréscomme faisant cause commune
aux fins de la présente procédure)) (C.P.J.I. sérieAIB no 41, p.89).

Dans sa pratique, la Cour a quasiment toujours établi qu'il y avait
«cause commune)) en se fondant sur un critère formel, celui de la
«même conclusion» à laquelle aboutissent les parties comparaissant
devant elle. 613 LEGALlTY OF USE OF FORCE (DISS .P. KRECA)

In the present case, the question of "the same conclusion" as the rele-
vant criterion for the existence of "thesame interest" of the respondent
States is, in my opinion, unquestionable. The same conclusion was, in a
way, inevitable in the present case in view of the identical Application

which the Federal Republic of Yugoslavia has submitted against ten
NATO member States, and was formally consecrated by the outcome of
the proceedings before the Court held on 10, 11 and 12 May 1999, in
which al1the respondent States came to the identical conclusion resting
on the foundation of practically identical argumentation which differed
only in the fashion and style of presentation.
Hence, the inevitable conclusion follows, it appears to me, that al1the
respondent States are in concreto parties in the same interest.
3. What are the implications of this fact for the composition of the
Court in the present case? Article 31, paragraph 2, of the Statute says:
"If the Court includes upon the Benchajudge of the nationality of one of

the parties, any other party may choose a person to sit as judge."
The Statute, accordingly, refers to the right of "any other party",
namely, a party other than the party which has a judge of its nationality,
in the singular. But, it would be erroneous to draw the conclusion from
theabove that "any other party", other than the party which has a judge
of its nationality, cannot, under certain circumstances, choose several
judges ad hoc. Such an interpretation would clearly be in sharp contra-
diction with ratio legisof the institution of judge ad hoc, which, in this
particular case, consists of the function "to equalize the situation when
theBench already includes a Member of the Court having the nationality
of one of the parties" (S. Rosenne, The Luiv und Pructice of the Internu-
tionul Court, 1920-1996, Vol. III, pp. 1124-1125).The singular used in

Article 31,paragraph 2, of the Statute with reference to the institution of
judges ad hoc is,consequently, but individualization of the general, inher-
ent right to equalization in the composition of the Bench in the relations
between litigating parties, one of which has a judge of its nationality on
theBench, whiletheother has not. Thepractical meaning of this principle
applied in casum ~vouldimply the right of the Applicant to choose as
many judges ad hoc to sit on the Bench as is necessary to equalize the
position of the Applicunt und that of those respondent States ivhich have
judges of their nationality on the Bench and rvhichshure the sume interest.
In concreto, the inherent right to equalization in the composition of the
Bench, us un expression of fundamental rule of equulity of parties, means

that the Federal Repuhlic of Yugoslavia should have the right to choose
jive judges ad hoc, since evenjive out of ten respondent States (the United
States of America, the United Kingdom, France, Germany and the Neth-
erlunds) have their nationul judges sitting on the Bench.
Regarding the notion of equalization which concerns the relation
between the party entitled to choose its judge ad hoc and the parties
which have their national judges on the Bench, the fact is that the Federal
Republic of Yugoslavia, as can be seen from the Order, did not raise any
objections to the circumstance that as many as five respondent States En I'espèce,il est indubitable que la formulation d'une conclusion

identique est le critère pertinent permettant d'établir que les Etats défen-
deurs font «cause commune)). Il étaiten quelque sorte inévitablede for-
muler la même conclusionen I'espècepuisque la Républiquefédéralede
Yougoslavie a présentéune requête identique à l'encontre de dix Etats
membres de l'OTAN et l'on en a eu la preuve officiellea l'issuede la pro-
cédure qui s'est déroulée devantla Cour les 10, 11 et 12 mai 1999, les
Etats défendeurs aboutissant tous à une conclusion identique reposant
sur une argumentation pratiquement identique dont les seules variations
concernent la forme et le mode de présentation.
D'ou la conclusion inévitable à mon sens que les Etats défendeurs font
tous in concreto cause commune.

3. Quelles incidencesfaut-il en tirer pour la composition de la Cour en
l'espèce?L'article31,paragraphe 2, du Statut, dispose: «Si la Cour compte
sur le siègeun juge de la nationalité d'unedes parties, toute autre partie
peut désignerune personne de son choix pour siégeren qualité de juge.»
Le Statut, donc, définit ainsile droit de «toute autre partie)), c'est-
à-dire une partie autre que celle qui compte un juge de sa nationalité sur
le siège, etil parlee cette autre partie au singulier. Mais il serait erroné
d'en déduireque «toute autre partie)) que celle qui compte un juge de sa
nationalité sur le siègene peut pas, dans certains cas, désigner plusieurs
juges ad hoc. Retenir cette interprétation serait manifestement contraireà
la ratio legis de l'institution du juge ad hoc, lequel en I'espècea pour

objet «de rétablirl'égalité quand la Cour comprend d'ores et déjàsur le
siège unjuge ayant la nationalité de l'une des parties)) (S. Rosenne, The
Law und Practice of the Internatioizul Court, 1920-1996, vol. III, p. 1124-
1125).L'usage du singulier à l'article 31,paragraphe 2, du Statut, quand
il est question de l'institution du jugead hoc, permet donc simplement
d'individualiser ce droit général,intrinsèque, au rétablissement de I'éga-
litéentre les parties en litige en ce qui concerne la composition de la
Cour, quand l'une des parties compte un juge de sa nationalité sur le
siègetandis que l'autre n'en a pas. Concrètement, appliquéà la présente
instance, ce principe signijïe implicitement que le demandeur a le droit de
désignerautant dejuges ad hoc qu'il lefaut pour rétablir l'égalientre le

demandeur et les Eiats dé/endeursqui comptent unjuge de leur nationalité
sur le siège et quifont cause commune. Concrètement, ce droit fondamen-
tal au rétablissement de l'égalitéduns la composition de la Cour, qui
répond à lu rggle fondamentale de l'égalité des parties,signijïe que la
République ,fédérale de Yougoslavie doit avoir le droit de désigner cinq
juges ad hoc, puisque, sur les dix Etats défendeurs, il y en a cinq (les
Etats-Unis d'Amérique, le Royaume-Uni, la France, l'Allemagne et les
Pays-Bas) qui comptent unjuge national sur le siège.
S'agissant de ce rétablissement de l'égalitéentre la partie autorisée a
désigner un juge ad hoc de son choix, d'une part, et, de l'autre, lesparties
qui comptent un juge national sur le siège, lefait est que la République

fédéralede Yougoslavie, comme on peut le constater dans l'ordonnance,
n'a soulevéaucune objection au cas de figure qui se présentaitet qui étaithave judges of their nationality on the Bench. However, this circum-
stance surely cannot be looked upon as something making the question

irrelevant, or, even as the tacit consent of the Federal Republic of Yugo-
slavia to such an outright departure from the letter and spirit of
Article 31, paragraph 2, of the Statute.
The Court has, namely, the obligation to take account ex oficio of the
question of such a fundamental importance, which directly derives from,
and vice versa, may directly and substantially affect, the equality of the
parties. The Court is the guardian of legality for the parties to the case,
for which presumptio juris et de jure alone is valid - to know the law
(jura novit curiu). As pointed out by Judges Bedjaoui, Guillaume and
Ranjeva in their joint declaration in the Lockerhie case: "that is for the
Court - not the parties - to take the necessary decision" (Questions of

lnterpretation and Application of the 1971 Montreul Convention arising
from the Aerial Incident ut Lockerbie (Libyun Arab Jamahirij~av. United
Kingdom), 1.C.J. Reports 1998, p. 36, para. 11).

A contrario, the Court would risk, in a matter which is ratio legis
proper of the Court's existence, bringing itself into the position of a pas-
sive observer, who only takes cognizance of the arguments of the parties
and, then, proceeds to the passing of a decision.
4. The other function is associated with equalization in the part which
is concerned with the relations between the Applicant and those respon-
dent States which have no national judges on the Bench.

The respondent States having no judge of their nationality on the
Bench have chosen, in the usual procedure, their judges ad hoc (Belgium,
Canada, Italy and Spain). Only Portugal has not designated itsjudge ud
hoc. The Applicant successivelyraised objections to the appointment of
the respondent States'judges ad hoc invoking Article 31, paragraph 5, of
the Statute of the Court. The responses of the Court with respect to this
question invariably contained the standard phrase "that the Court . . .
found that the choice of a judge ad hoc by the Respondent isjustified in
the present phase of the case".
Needless to say, the above formulation is laconic and does not offer
sufficient ground for the analysis of the Court's legal reasoning. The only

element which is subject to the possibility of teleological interpretation
is the qualification that the choice of a judge ad hoc is "justified in the
present phase of the case". A contrurio, it is, consequently, possible that
such an appointment of a judge ad hoc would "not be justified" insome
other phases of the case. The qualification referred to above could be
interpreted as the Court's reserve with respect to the choice of judges ad
hoc by the respondent States, a reserve which could be justifiable on
account of the impossibility for the Court to perceive the nature of their
interest - whether it is the "same" or "sevarate" - before the ~arties set
out their positions on the case.
The meanings of equalization as a ratio legis institution of judges ad
hoc, in the case concerning the Applicant and respondent States whichque cinq Etats défendeurs, pas moins, comptaient un juge de leur natio-

nalité sur le siège. Mais il n'est certainement pas possible de considérer
que ce cas de figure ôte toute pertinence à la question, mêmesi la Répu-
blique fédéralede Yougoslavie a tacitement admis une telle dérogation
flagrante à la lettre et à l'esprit de l'article 31, paragraphe2, du Statut.
La Cour a, quant à elle, l'obligation de prendre en considération, ès
qualité, cette question qui est à ce point cruciale, qui découledirectement

de l'égalité despariies et, à l'inverse, qui risque en outre de porter direc-
tement et sensiblement atteinte à I'égalité des parties.La Cour est le gar-
dien de la légalitépour les parties, et. à cette fin, seule est valable la
presurnptio juris et de jure - il faut savoir le droit (jura novit curiu).
Comme l'ont dit trois membres de la Cour, MM. Bedjaoui, Guillaume et

Ranidv,. dans la déclaration commune au'ils ont faite dans l'affaire Loc-
kerbie: «il appartient à la Cour et non aux parties de prendre la décision
requise » (Que.stions d'interprktation et d'application de la convention de
Montréal de 1971 résultantde l'incident aérien deLockerbie (Jarnuhiriyu
urubr libyenne c. Royaume- Uni), C. I.J. Recueil 1998, p. 36, par. 1 1).

A contrario, la Cour risquerait, alors que la question relèvevéritable-
ment de sa raison d'être,de se cantonner dans l'attitude de l'observateur
passif, qui se contente de prendre connaissance des thèses des parties,
puis se prononce.
4. Le second élémentà étudier est celui du rétablissement de l'égalité

dans les relations entre le demandeur et les Etats défendeurs qui ne
comptent pas de juge national sur le siège.
Les Etats défendeurs ne comptant pas de juge national sur le siègeont,
suivant la procédure habituelle, désignéun juge ad hoc de leur choix (Bel-
gique, Canada, Espagne et Italie). Seul le Portugal n'a pas désignéde juge
ad hoc. Le demandeur a successivement soulevé des objections à la dési-

gnation de ces juges ad hoc des Etats demandeurs en invoquant le para-
graphe 5 de l'article 31 du Statut de la Cour. Chaque fois, la Cour a
répondu par la formule habituelle: ((La Cour, ...est parvenue à la
conclusion que la désignation d'un juge ad hoc par [le défendeur] se jus-
tifiait dans la présente phase de l'affaire)).

Certes, la formule est laconique, trop peu détailléepour permettre
d'analyser le raisonnement juridique suivi par la Cour. Le seul élément
qui se prêteà une interprétation téléologique estle membre de phrase ser-
vant a qualifier la désignation d'un juge ad hoc, laquelle serait «justifi[ée]
dans la présente phase de l'affaire)). A contrario, il est donc possible que

cette désignation de juges ad hoc ne soit «pas justifiée))dans certaines
autres phases de l'affaire. Cette qualification peut s'interpréter comme
une réserve,de la part de la Cour, quant à la désignation de juges ad hoc
par les Etats défendeurs, réservequi s'expliquerait par l'impossibilitéoù
se trouverait la Cour de voir, avant qu'elles définissent leurposition, quel
est l'intérêt desparties - font-elles ou non cause commune?

Le sens à donner au rétablissement de l'égalitéentre les parties, puis-
que c'est la raison d'être de l'institution du juge ad hoc dans le cas deare parties in the same interest, and which do not have a judge ad hoc of
their nationality on theBench, have been dealt with in the practice of the
Court, in a clear and unambiguous manner.

In the South West Africa case (1961) it was established that, if neither

of the parties in theame interest has ajudge of its nationality among the
Members of the Court, those parties, acting in concert, will beentitled to
appoint a singlejudge ad hoc (South West Africa, 1.C.J. Reports 1961,
P. 3).
If,on the other hand, among the Members of the Court there is ajudge
having the nationality of even one of those parties, then no judge ad hoc
will be appointed (Territorial Jurisdiction of the International Commis-
sion of the River Oder, P.C.I.J., Series C, No. 17-11,p. 8; Customs
Régime between Germany and Austria, 1931, P.C.I. J., Serirs AIB,
No. 41, p. 88).
This perfectly coherent jurisprudence of the Court upplied to this par-
ticular case means thut none of the respondent States were entitled to
appoint a judge ad hoc.
Consequently, it may be said that in the present case neither of the two

basic functions of the institution ofjudge ud hoc has been applied in the
composition of the Court in a satisfactory way. In my opinion, it is a
question of the utmost specific weight in view of the fact that, obviously,
its meaning is not restricted to the procedure, but that it may have afar-
reaching concrete meaning.

II. HUMANITARIAN CONCERN INTHISPARTICULA CRASE

5. Humanitarian concern, as a basis for the indication of provisional
measures, has assumed primary importance in the more recent practice of
the Court.
Humanitarian concern has been applied on two parallel tracks in the
Court's practice :

(a) In respect of the individual

In this regard the cases concerning LaGrand (Germany v. United
States of America) and the Vienna Convention on Consular Relations
(Paraguay v. Unitrd Stutes of America) are characteristic.
In both cases the Court evinced the highest degree of sensibility for the

humanitarian aspect of the matter, which probably found its full expres-
sion in the part of the Application submitted by Germany on 2 March
1999 :
"The importance and sanctity of an individual human lifeare well
established in international law. As recognized by Article 6 of the
International Covenant on Civil and Political Rights, every human
being has the inherent right to life and this right shall be protectedfigure où le demandeur et les Etats défendeurs qui font cause commune
ne comptent pas de juge ad hoc de leur nationalité sur le siège,a été défini
dans la pratique de la Cour de façon très claire, sans la moindre ambi-
guïté.
Dans l'affaire duSud-Ouest africain (1961), il a été décidéue, au cas

où ni l'une ni l'autre des Parties faisant cause commune ne compterait de
juge de sa nationalité sur le siège,lesdites Parties auraient la faculté de
désignerd'un commun accord un seul juge ad hoc (Sud-Ouest africain,
C.I.J. Recueil 1961, p. 3).
Si, en revanche, la Cour compte parmi ses membres un juge ayant la
nationalité d'une des parties, ne serait-ce que de I'une d'elles,l ne sera
pas désignéde juge ud hoc (Juridiction territoriale de la Commission
internationale de l'Oder, C.P.J.I. sérieC no 17 (II), p. 8; Régimedoua-
nier entre l'Allemagne et l'Autriche, 1931, C.P.J.I. série AIB no 41,
p. 88).
Si l'on applique Lilu présente instancecette jurisprudence parfaitement

cohérentede la Cour, aucun des Etats défendeurs n'étaithabilité ridési-
gner unjuge ad hoc.
On peut donc dire qu'en l'espèce,ni I'une nil'autre des deux fonctions
élémentairesde l'institutiondu juge ad hoc n'a été rempliede façon satis-
faisante du point de vue de la composition de la Cour. A mon sens, la
question revêtun intérêttout particulier parce que, manifestement, son
importance ne se limite pas a la procédureet pourrait avoir une portée
concrète de très grande ampleur.

5. Les problèmes humanitaires en tant que motif d'indication de me-
sures conservatoires revêtent uneimportance primordiale dans la pra-
tique la plus récentede la Cour.

En la matière, la Cour suit deux voies parallèles:

a) L'intérêptarticulier de la personne

A cet égard,I'affaireLaCrand (Allemagne c. Etats-Unis d'Amérique)
et l'affaire relative a Convention de Vienne sur les relutions consulaires
(Puruguuy c. Etats-Unis d'Amérique) sont caractéristiques.
Dans les deux affaires, la Cour s'est montrée extrêmementsensible à
l'aspect humanitaire de la question à examiner, ce qu'exprime probable-
ment au mieux la requêteprésentéepar l'Allemagne le 2 mars 1999:

((L'importance et le caractère sacré dela vie humaine sont des
principes bien établis du droit international. Comme le reconnaît
l'article 6 du pacte international relatif aux droits civilset politiques,
le droità la vie est inhérent51la personne humaine et ce droit doit616 LEGALITY OF USE OF FORCE (DIS. OP. KRECA)

by law." (LaGrand (Germany v. United States of Arnerica), Provi-
sional Meusures, Order of 3 Murch 1999, I.C.J. Reports 1999, p. 12,
para. 8).

The following day, the Court already unanimously indicated provisional
measures because it found that in question was "a matter of the greatest

urgency" (ihid.p. 15,para. 26),which makes it incumbent upon the Court
to activate the mechanism of provisional measures in accordance with
Article 41 of theStatute of the Court and Article 75, paragraph 1, of the
Rules of Court in order: "to ensure that Walter LaGrand is not executed
pending the final decision in these proceedings" (ibid,p. 16,para. 29).
Almost identical provisional measures were indicated by the Court in
the dispute between Paraguay and the United States of America which
had arisen on the basis of the Application submitted by Paraguay on
3 April 1998. On the same day, Paraguay also submitted an "urgent
request for the indication of provisional measures in order to protect its
rights" (Viennu Convention on Consulur Relutions (Paraguuy v. United
States of Americu), Order of 9 April 1998, 1.C.J. Reports 1998, p. 251,

para. 6). As early as 9 April 1998the Court unanimously indicated pro-
visional measures so as to: "ensure that Angel Francisco Breard is not
executed pending the final decision in these proceedings" (ibid.,p. 258,
para. 41).
It is evident that humanitarian concern represented an aspect which
brought about unanimity in the Court's deliberations. This is clearly
shown not only by the letter and spirit of both Orders in the above-
mentioned cases, but also by the respective declarations and the separate
opinion appended to those Orders. In the process, humanitarian consid-
erations seem to have been sufficiently forceful to put aside obstacles
standing in the way of the indication of provisional measures. In this

respect, the reasoning of the Court's senior judge, Judge Oda, and that of
its President, Judge Schwebel, are indicative.
In paragraph 7 of his declaration appended to the Order of 3 March
1999 in the case concerning LaGrand (Germuny v. United Stutes of
Americu), Judge Oda convincingly put forward a series of reasons of a
conceptual nature which explained why he "formed the view that, given
the fundamental nature of provisional measures, those measures should
not have been indicated upon Germany's request". But, Judge Oda goes
on to "reiterate and emphasize" that he "voted in favour of the Order
solely for humanitarian reasons" (I.C.J. Reports 1999, p.20).
President Schwebel, in his separate opinion, has not explicitly stated
humanitarian considerations as the reason that guided him in voting for

the Order; however, it is reasonable to assume that those were the only
considerations which prevailed in this particular case in viewof his"pro-
found reservations about the procedures followed both by the Applicant
and the Court" (LaGrand (Germany v. United States of America), Pro-
visional Measures, Order of 3 March 1999, I.C.J. Reports 1999, p. 22). êtreprotégépar la loi.» (LaGrand (Allemagne c. Etats-Unis d'Amé-
rique), mesures conservatoires, ordonnance du 3 murs 1999, C.1.J.
Recueil 1999, p. 12, par. 8.)

Dès le lendemain. à l'unanimité. la Cour a indiaué des mesures conser-
vatoires parce que les circonstances exigeaient 4u'elle les «indique» de
toute urgence (ibid. p. 15, par. 26), de sorte qu'il lui incombait de mettre
en train le mécanismevoulu conformément à l'article 41 de son Statut et
de l'article 75, paragraphe 1, de son Règlement, «pour que M. Walter
LaGrand ne soit pas exécutétant que la décision définitive enla présente
instance n'aura pas été renduen (ibid., p. 16, par. 29).

La Cour a indiqué des mesures conservatoires quasiment identiques
dans le différendopposant le Paraguay et les Etats-Unis d'Amériqueà la
suite de la requêteprésentéepar le Paraguay le 3 avril 1998. Le même
jour, le Paraguay a également présenté«une demande urgente en indica-
tion de mesures coriservatoires à l'effet de protéger ses droits)) (Conven-
tion de Vienne sur les relations consuluires (Puraguay c. Etats-Unis

d'Amérique), ordonnance du 9 avril 1998, C.I.J. Recueil 1998, p. 251,
par. 6). Et dès le 9 avril 1998, à l'unanimité, la Cour a indiqué des me-
sures conservatoires «pour que M. Angel Francisco Breard ne soit pas
exécutétant que la décision définitive enla présente instance n'aura pas
étérenduen (ibid., p. 258, par. 41).
Il est évidentque c'est à cause de l'aspect humanitaire du problème que

I'unanimité a étéréaliséeau sein de la Cour. On en voit clairement la
preuve non seulement dans la lettre et l'esprit des deux ordonnances ren-
dues dans ces deux affaires, mais aussi dans les déclarations ainsi que
dans l'opinion individuelle qui leur ont été jointes. Enl'occurrence, les
considérations humanitaires ont été,semble-t-il, assez fortes pour lever
les obstacles qui s'opposaient à l'indication de mesures conservatoires. Le

raisonnement du doyen de la Cour, M. Oda, et celui de son président,
M. Schwebel, sont significatifs.
Au paragraphe 7 de la déclaration qu'iljoint à l'ordonnance du3mars
1999 dans l'affaire LaCrund (Allemagne c. Etats-Unis d'Amérique),
M. Oda énonce de façon convaincante une sériede motifs d'ordre théo-
rique qui l'«ont conduit à penser qu'il n'y avait pas lieu d'indiquer les
mesures conservatoires demandées par l'Allemagne, eu égard au caractère

fondamental de telles mesures)). Mais, M. Oda tient à <<rappel[er]avec
force [que s'il a] voté enfaveur de l'ordonnance, c'est uniquement pour
des motifs humanitaires)) (C.I.J. Recueil 1999, p. 20).
Dans son opinion individuelle, le président de la Cour, M. Schwebel,
n'a pas expressément déclaréqu'il s'était inspirde considérations huma-
nitaires vour voter en faveur de l'ordonnance. mais il est raisonnable de

penser que ce sont les seules considCrations qui ont prévalu en l'espèce,
puisqu'il avait «de profondes réserves quant à la manière de procéder
tant de la Partie requérante que de la Cour» (LuCrund (Allenzugne
c. Etats-Unis d'Amc:rique), mesures conservutoires, ordonnunce du 3murs
1999, C.I.J. Recueil 1999, p. 22). As far as the Applicant is concerned:
"Germany could have brought its Application years ago, months
ago, weeks ago or days ago. Had it done so, the Court could have

proceeded as it has proceeded since 1922and held hearings on the
request for provisional measures. But Germany waited until the eve
of execution and then brought its Application and request for pro-
visional measures, at the same time arguing that no time remained to
hear the United States and that the Court should act proprio motu."
(I.C.J. Reports 1999, p. 22.)
The Court, for its part, indicated provisional measures, as President
Schwebel put it, "on the basis only of Germany's Application".

(b) In respect of a group of individuals or the population as a consti-
tutive element of'the State

The protection of the citizens emerged as an issue in the case concern-
ing Military and Puramilitury Activities in and against Nicuragua (Nica-
ragua v. United States of America) :
"In its submission, Nicaragua emphasized the death and harm

that the alleged acts had caused to Nicaraguans and asked the Court
to support, by provisional measures, 'the rights of Nicaraguan citi-
zens to life, liberty and security'." (R. Higgins, "Interim Measures
for the Protection of Human Rights", in Politics, Values and Func-
fions, International Law in the 21st Century, 1997,Charney, Anton,
O'Connell, eds., p. 96.)

In the Frontier Dispute (Burkina FasolRepublic of Mali) case, the

Court found the source for provisional measures in:

"incidents .. .which not merely are likely to extend or aggravate the
dispute but comprise a resort to force which is irreconcilable with
the principle of the peaceful settlement of international disputes"
(Frontier Dispute, Provisional Measures, Order of IO Junuary 1986,
I.C.J. Reports 1986, p. 9, para. 19).

Humanitarian concern in this particular case was motivated by the risk
of irreparable damage :

"the facts that have given rise to the requests of both Parties for the
indication of provisional measures expose the persons and property
in the disputed area, as well as the interests of both States within
that area, to serious risk of irreparable damage" (ibid., p. 10,
para. 21).
It can be said that in the cases referred to above, in particular those in LICÉITÉ DE L'EMPLOI DE LA FORCE (OP. DISS. KRECA) 617

Et, en ce qui concerne le demandeur, M. Schwebel a dit ceci:

((L'Allemagneaurait pu présenter sarequêtedes années,des mois,
des semaines,voire quelquesjours plus tôt. L'eût-elle fait,la Cour eut
pu procéder commeellele fait depuis 1922et tenir des audiences sur la
demande en indication de mesures conservatoires. Mais l'Allemagne
a attendu la veille de l'exécutionpour présentersa requêteet sa de-
mande en indication de mesures conservatoires, en faisant valoir
par la même occasionque la Cour n'avait plus le temps d'entendre

les Etats-Unis et devrait agir d'office.(C.I.J. Recueil 1999, p. 22.)
De son côté, la Cour a indiqué des mesures conservatoires en
s'appuyant, comme le dit M. Schwebel, présidentde la Cour, «exclusive-
ment» sur la requêtede l'Allemagne.

b) L'intérêc tollect('fd'un groupe ou d'une population en tant qu'élément
constitutif de I'Etat

La protection de la population nationale est devenue question litigieuse
dans l'affaire relative auxActivités militaires et paramilitaires au Nica-
ragua et u l'encontre de celui-ci (Nicaraguu c. Etats-Unis d'Amérique):

«Dans sa conclusion, le Nicaragua a insistésur les morts, sur les
dommages que les actes alléguésont causés chezles Nicaraguayens
et a demandé iila Cour de soutenir, au moyen de mesures conser-
vatoires,«les droits des citoyens nicaraguayens àla vie, a la liberté et
a la sécurité».» (R. Higgins, « Interim Measures for the Protection
of Human Rights», dans Charney, Anton, O'Connel1 (dir. publ.),
Politics, Values and Functions, International Law in the 21st Cen-
tury, 1997,p. 96.)

Dans l'affaire di1 Différend frontalier (Burkina FasolRépublique du
Muli), la Cour, pour indiquer des mesures conservatoires, s'est fondée
sur des:

((incidentsqui, non seulement sont susceptibles d'étendreou d'aggra-
ver le différend, maiscomportent un recours à la force inconciliable
avec le principe du règlement pacifique des différendsinternatio-
naux» (Différendfrontalier, ntesures conservatoires, ordonnance du
IO janvier 1986, C.1.J. Recueil 1986, p. 9, par. 19).

En l'espèce,la préoccupation humanitaire étaitmotivéepar le risque de
préjudiceirréparable :
«les faits qui sontà l'origine desdemandes des deux Parties en indi-
cation de mesures conservatoires exposent les personnes et les biens

se trouvant dans la zone litigieuse, ainsi que les intérêtsdes deux
Etats dans cette zone, à un risque sérieuxde préjudiceirréparable))
(ibid.,p. 10, par. 21).
On peut dire que, dans lesaffaires évoquées ci-dessus, enparticulier celleswhich individuals were directly affected, the Court formed a high stand-
ard of humanitarian concern in the proceedings for the indication of
interim measures, a standard which commanded sufficient inherent
strength to brush aside also some relevant, both procedural and material,

rules governingthe institution of provisional measures. Thus, humanitar-
ian considerations, independently from the norms of international law
regulating human rights and liberties, have, in a way, gained autonomous
legal significance; they have transcended the moral and philanthropic
sphere, and entered the sphere of law.

6. In the case at hand, it seems that "humanitarian concern" has lost
the acquired autonomous legal position. This fact needs to be stressed in
view of the special circumstances of this case.
Unlike the cases referred to previously, "humanitarian concern" has as

its object thefate of an entire nation, in the literal sense. Such a conclu-
sion may be inferred from at least two elements:
-primo, the Federal Republic of Yugoslavia and its national and eth-
nie groups have been subjected for more than two months now to con-
tinued attacks of a very strong, highly organized air armada of the most
powerful States of the world. The aim of the attack is horrifying, judging
by the words of the Commander-in-Chief, General Wesley Clark, and he

ought to be believed:

"We're going to systematically and progressively attack, disrupt,
degrade, devastate, and ultimately, unless President MiloseviEcom-
plies with the demands of the international community, we'regoing
to completely destroy his forces and their facilities and support."
(BBC News, http://news.bbc.co.uk/english/static.NATOgallery/air

default.stm/l4 May 1999.)

"Support" is interpreted, in broad terms, extensively; to the point
which raises the question of the true object of the air attacks. In an
article entitled "Belgrade People Must Suffer" Michael Gordon quotes
the words of General Short that he "hopes the distress of the public will,

must undermine support for the authorities in Belgrade" (Intc.rnutiona1
Hrrald Tribune, 16May 1999,p. 6)and he continued :

"1 think no power to your refrigerator, no gas to your stove, you
can't get to work because bridge is down - the bridge on which you
held your rock concerts and you al1 stood with targets on your
heads. That needs to disappear at three o'clock in the morning."

(Ibid.)
That these arenot empty words is testifiedto by destroyed bridges, power
plants without which there is no electricity, water supply and production LICÉITÉ DE L'EMPLOI DE LA FORCE (OP. DISS.KRECA) 618

dans lesquelles des individus étaient directement concernés, laCour s'est

appuyéesur une norme humanitaire supérieuredans le cadre de la pro-
cédure enindication de mesures conservatoires, une norme qui avait suf-
fisamment de force intrinsèque pour que 1'011déroge à certaines règles
pertinentes, règlesde procédureet règlesde fond, qui régissent I'institu-
tion des mesures conservatoires. En somme, les considérations huma-
nitaires, indépendamment des normes du droit international qui règlent
les droits de I'homnie et ses libertés,ont en quelque sorte acquis un rôle
juridique autonome; ces considérations ont désormais franchiles limites
du domaine moral et philanthropique pour entrer dans le domaine du
droit.
6. En l'espèce,il semble pourtant que la préoccupation «humanitaire»
ait perdu l'autonomie acquise sur le plan juridique. Vu les circonstances

particulières de l'instance,l convient de s'arrêtersur ce fait.
A la différence des affaires évoquées précédemmentl,e ((problème
humanitaire)) porte ici, littéralement, sur le sort de toute une nation.
Nous aboutissons à cette conclusion àpartir de deux élémentsau moins:
En premier lieu, la Républiquefédéralede Yougoslavie et ses groupes
nationaux et ethniques sont soumis depuis plus de deux mois à présent

aux attaques constantes d'une armada aérienne très forte, extrêmement
organisée,appartenant aux Etats les plus puissants du monde. La finalité
de cette attaque a de quoi horrifier, si l'on enjuge par les paroles du com-
mandant en chef, le généralWesleyClark, et il n'y a pas lieu dedouter de
ce qu'il dit:
((Systématiquement et progressivement, nous allons attaquer,
ébranler, dégrader, dévaster, et finalement, sauf si le président

Miloseviése plie aux exigences de la communauté internationale,
nous allons détruire intégralement ses forces armées et leur ôter
toutes leurs infrastructures et toutes leurs bases de soutien)) (BBC
News, http:llnei~~b.c.co.uklenglishlstutic.NATOgulle~~yluirdefuult.stml
14mai 1999).
En l'occurrence,le terme «soutien»revêtun senstrès large,au point que
l'on peut se demander quel est vraiment l'objet des attaques aériennes.

Dans un article intitulé «La population de Belgrade doit souffrir)),
Michael Gordon cite le généralShort qui dit «espérerque la détressede
la population va saper, qu'elle doit saper, le soutien dont bénéficient les
autoritésde Belgrade)) (Intel.nutionu1Heruld Tribune, 16mai 1999, p. 6)
et il poursuit:
«Il n'y aura plus d'électricitépour votre frigo, plus de gaz pour
votre cuisinière, vous ne pourrez plus aller au travail parce que le

pont est démoli - ce pont sur lequel vous avezorganisévos concerts
rock et sur lequel vous vous êtesmassés avecdes cibles sur la tête.
Tout cela disparaît à 3 heures du matin. » (Ibid.)
Il ne s'agissait pas là de paroles en l'air, comme en témoignent les
ponts démolis, la disparition de centrales électriques, de l'adduction619 LEGALITY OF USE OF FORCE (DISS . P. KRECA)

of foodstuffs essential for life; destroyed roads and residential blocks and
family homes; hospitals without electricity and water and, above al],

human beings who are exposed to bombing raids and who, as is rightly
stressed in the Application in theLaGrand (Germany v. United States of
America) case, have the "inherent right to life" (International Covenant
on Civil and Political Rights, Art.6), whose importance and sanctity are
well established in international law. In the inferno of violence, they are
but "collateral damage".

- secundo, the arsenal used in the attacks on Yugoslavia contains also
weapons whose effects have no limitations either in space or in time. In
the oral proceedings before the Court, the Agent of the United States
explicitly stressed that depleted uranium is in standard use of the United

States Army (CR99/24, p. 21).
The assessrnent of the effects of depleted uranium should be left to
science. The report by Marvin Resnikoff of Radioactive Management
Associates on NMI elaborated upon these effects:
"Once inhaled, fine uranium particles can lodge in the lung alveo-

lar and reside there for the remainder of one's life. The dose due to
uranium inhalation is cumulative. A percentage of inhaled particu-
lates may be coughed up, then swallowed and ingested. Smoking is
an additional factor that needs to be taken into account. Since
smoking destroys the cilia, particles caught in a smoker's branchial
passages cannot be expelled. Gofman estimates that smoking
increases the radiation risk by a factor of 10. Uranium emits an
alpha particle, similar to a helium nucleus, with two electrons
removed. Though this type of radiation is not very penetrating, it
causes tremendous tissue damage when internalized. When inhaled,
uranium increases the probability of lung cancer. When ingested,
uranium concentrates in the bone. Within the bone, it increases the

probability of bone cancer, or, in the bone marrow, leukemia. Ura-
nium also resides in soft tissue, including the gonads, increasing the
probability of genetic health effects, including birth defects and
spontaneous abortions. The relationship between uranium ingested
and the resultant radiation doses to the bone marrow and specific
organs . . .are listed in numerous references.

The health effects are also age-specific. For the same dose, chil-
dren have a greater likelihood than adults of developing cancer."
(Uranium Battlefields Home & Abroad: Depleted Uranium Use by

the U.S. Deparrment of Defense, Rural Alliance for Military
Accountability et al.March 1993,pp. 47-48.)
A scientific analysis of the concrete effects of armed operations against

81 LICÉITÉ DE L'EMPLOI DE LA FORCE (OP. DISS. KRECA) 619

d'eau, des productions alimentaires indispensables à la vie; comme en
témoignela destruction de routes, d'immeubles résidentiels,de maisons
d'habitation unifanliliales; comme en témoignent les hôpitaux privés
d'électricitéet d'eau et, par-dessus tout, ces êtreshumains qui sont
exposésaux bombardements et qui, comme le disait si bien la requête

dans l'affaire LaGrancf (Allemagne c. Etats-Unis d'Amérique), ont un
((droit a la vie inhérenta la personne humaine» (pacteinternational rela-
tif aux droits civilset politiques, art. 6), dont l'importance et le caractère
sacrésont des principes bien établisdu droit international. Dans l'enfer
de la violence, cene sont plus là que des ((dommagescollatéraux)).
En second lieu, l'arsenal qui sert aux attaques lancéescontre la You-
goslavie contient certaines armes dont les effets sont quasi illimitésdans
l'espace et dans le temps. Au cours de la procédure orale, l'agent des
Etats-Unis a nettement préciséque l'uranium appauvri est régulièrement
utilisépar l'armée desEtats-Unis (CR 99/24, p. 17).
Il convient de laisser les scientifiques évaluer les effets de l'uranium
appauvri. Le rapport de Marvin Resnikoff, qui travaille pour Radio-
active Management Associates (NMI) dit quels sont ces effets:

«Une fois inhalées,de fines particules d'uranium peuvent se loger
dans lesalvéolesdu poumon et y resterjusqu'a la fin de votre vie. La
dose inhalée est cumulative. Une certaine fraction des particules
inhalées peut Ctre expectorée puis avaléeet ingérée.Si l'intéressé
fume, il faut prendre cet élément enconsidération. Comme fumer
détruitles franges ciliaires, les particules capturéesdans les passages
bronchiques du fumeur ne peuvent pas êtreexpulsées. Gofman
estime que, chez les fumeurs, le risque dû à l'irradiation est ainsi

multipliépar dix. L'uranium émetune particule alpha, analogue
un noyau d'héliumamputé de deux électrons.Les rayonnements de
ce type ne pénétrentpas très profondément, mais, une fois a l'inté-
rieur du corps, ilscausent beaucoup de dommages aux tissus. Quand
il est inhalé,l'uranium accroît les probabilitésde cancer du poumon.
Quand il est ingéré,l'uranium se concentre dans les os. A l'intérieur
des os, il augmente lesprobabilitésde cancer des os, ou bien, dans la
moelle, les probabilitésde leucémie.L'uranium résideaussi dans les
tissus mous, y compris les gonades, ce qui accroît les probabilitésde
conséquencesgénétiques,sous forme notamment d'anomalies géné-
tiques et d'avortements spontanés. Le rapport qui existe entre I'ura-
nium ingéréet les doses d'irradiation qui en résultentpour la moelle
osseuse et certains organes...figurent dans beaucoup d'étudescitées
en référence.

Les effets de l'uranium sur la santé sont également fonction de
l'âge. Pour une même dose, l'enfantcourt de plus grands risques de
cancer que l'adulte.»(Uranium Battlejelds Home & Abroad: Deple-
ted Uranium uYe by the U.S. Department ofDefensr, Rural Alliance
for Military Accountability, et al.mars 1993,p. 47-48.)
L'Officefédéralallemand de l'environnement (Umweltbundesamt) a pré-Yugoslavia has been presented by Umweltbundesamt (UBA). The essen-
tials of the expertise are as follows' :

[Translution by the Registry J

"The longer the war in Yugoslavia lasts, the greater the risk of
long-term damage to the environment. Such damage threatens to
extend beyond national frontiers, and it may no longer be possible
fully to make it good. The Federal Environmental Agency [Umwelt-

bundesamt (UBA)] cornes to this conclusion in an interna1 paper
examining the ecoiogical consequences of the war in Yugoslavia,
prepared for the meeting of European Environment Ministers at the
beginning of May in ~ëimar. catastrophes 'like Sevesoand Sandoz'
are, in the opinion of the Agency, 'a perfectly probable damage sce-

nario'.

"Je langer der Krieg in Jugoslawien dauert, desto grosser wird die Gefahr von lang-
fristigen Schidigungen der Umwelt. Diese drohen sich über die Landesgrenzen
hinaus auszubreiten und konnen moglicherweise nicht mehr vollstandig beseitigt wer-
den. Zu dieser Einschatzung kommt das Umweltbundesamt (UBA) in einem internen
Papier. das sich mit den okologischen Auswirkungen des Krieges in Jugoslawien
befasst und für die Vorbereitung des Treffens europaischer Umweltminister Anfang
Mai in Weimar erstellt wurde. Katastrophen 'wie Seveso und Sandoz' sind nach
Ansicht des Amtes 'ein durchaus wahrscheinliches Schadensszenario'.
.....................................

Umweltgifte, die nach Zerstorungen von Industrieanlagen austreten, konntesich
weiter ausbreiten. 'BeiSicherstellung sofortigen Handelns, das unter Kriegsbedingun-
gen aber unmoglich ist, bleibt dieWirkung dieser Umweltschadigungen lokal begrenzt.
Boden,e Grund- und Oberflichenwasser. erhohen das Gefahrdungspotential für denüter
Menschen und den Sanierungsaufwand betrachtlich.'
Diese Folgen müssen nicht auf Jugoslawien beschrinkt sein. Schadstoffe aus
Grossbranden konnten grenzüberschreitend verteilt werden. Weiter heisst es in dem
Papier: 'Die Einleitu,ng der Geîahrstoffe in Oberflichenwasser kann zur weitraumi-
gen Schadigung der Okosysteme führen. Die Deposition von Gefahrstoffen in Boden
kann ie nach Eieenschaft der Stoffe und Boden zu laneanhaltenden Versuchuneen

wasserversorgungssyst&en' sei für mittlere und grosse Stiidte sowie Ballungsgebiete
am grossten. Schon geringe Mengen von Substanzen der petrochemischen Industrie
konnten 'grosse Grundwasservorrite unbrauchbar machen'.
Wie gefahrlich die freigesetzten Stoffe insgesamt sind. Iasst sich nach Ansicht der
UBA-Experten nur schwer abschitzen, 'weildurch die Zerstorung ganzer Industrie-
komplexe Mischkontaminationen verschiedenster Schadstoffe gebildet werden'. die
noch wenig erforscht seien. Noch komplizierter aei die Beurteilung von Umwelt-
schaden durch Brinde und Explosionen. 'Hier treten bezogen auf Schadstoffinventar
und Ausbreitung weit weniger kalkulierbare. zum Teil grossflichige Umweltschidi-
gungen ein.'
Die Verbrennungsprodukte seien 'zum Teil hoch toxisch und kanzerogen'. Je nach
klimatischen Bedingungen konne es 'zu einer grossflachigen Verteilung dieser Stoffe'
kommen. 'die eine vollstandige Beseitigungnahezu unmoglich macht' ...
Die Wechselwirkungen der Produkte mit den eingesetzten Waffen dürften 'vollig
unbekannt' sein." (TAZ. Die Tugrszc,itirng,Berlin. 20 May 1999.) LICEITÉ DE L'EMPLOI DE L.AFORCE (OP. DISS. KRECA) 620

sentéune analyse scientifique des effets concrets imputables aux opéra-

tions armées contre la Yougoslavie. Ce rapport d'expert dit essentielle-
ment ceci ':

[Traduction du Greffr]
«Plus la guerre en Yougoslaviedure et plus le risque de dommages
à long terme à l'environnement s'aggrave. Cesdommages menacent

de s'étendre au-delàdes frontièresde la Yougoslavie et peut-êtreest-il
déjàtrop tard pour qu'on puisse leséradiquer.C'est à cette conclusion
que parvient l'Officefédéral allemandde l'environnement (Um1.i-elt-
bundesamt) dans un document interne examinant les conséquences

pour l'environnementde la guerre en Yougoslavie, établien vue de la
réunion des ministres européens de l'environnement début mai à
Weimar. Des catastrophes du type de celles de Seveso et de Sandoz
constituent, selon l'office, «un scénario éminemmenp t robable)).

' «Je langer der Krieg in Jugoslawien dauert. desto grosser wird die Gefahr von lang-
fristigen Schadigungen der Umwelt. Diese drohen sich über die Landesgrenzen
hinaus auszubreiten und konnen moglicherweisenicht mehr vollstandig beseitigt wer-
den. Zu dieser Einschatzung kommt das Umweltbundesamt (UBA) in einem internen
Papier. das sich mit den okologischen Auswirkungen des Krieges in Jugoslawien
befasst und für die Vorbereitung des Treffens europiiischer Umweltminister Anfang
Mai in Weimar erstellt wurde. Katastrophen 'wie Seveso und Sandoz' sind nach
Ansicht des Amtes 'ein durchaus wahrscheinliches Schadensszenario'.
.....................................
Umweltgifte, die nach Zerstorungen von lndustrieanlagen austreten, konnten sich
weiter ausbreiten. 'Bei Sicherstellung sofortigen Handelns, das unter Krjegsbedin-
gungen aber unmoglich ist, bleibt die Wirkung dieser Umweltschadigungen lokal
begrenzt. Langere Verzogerungen führen zu einem übertritt der Schadstoffe in die
Schutzgüter Boden, Grund- und Oberflachenwasser, erhohen das Gefahrdungspoten-
tiaDiese Folgen müssen nicht auf Jugoslawien beschriinkt sein. Schadstoffe aus
Grossbranden konnten grenzüberschreitend verteilt werden. Weiter heisst esin dem
Papier: 'Die Einleitung der Gefahrstoffe in Oberflachenwasser kann zur weitraumi-
gen Schadigung der Okosysteme führen. Die Deposition von Gefahrstoffen in Boden
kann je nach Eigenschaft der Stoffe und Boden zu langanhaltenden Versuchungen
mit weitgehenden Nutzungseinschrinkungen führen.'
Die Gefahr einer 'tiefgreifenden Zerstorung wesentlicher Bestaiidteile von Trink-
wasserversorgungssystemen' sei für mittlere und grosse Stadte sowie Ballungsgebiete
am grossten. Schon geringe Mengen von Substanzen der petrochemischen Industrie
konnten 'grosse Grundwasservorrate unbrauchbar machen'.
Wie gefihrlich die freigesetzten StolTeinsgesamt sind. Iasst sich nach Ansicht der
UBA-Experten nur schwer abschatzen, 'weil durch dieZerstorung ganzer Industrie-
komplexe Mischkontaminationen verschiedenster Schadstoffe gebildet werden', die
noch wenig erforscht seien. Noch komplizierter sei die Beurteilung von Umwelt-
schaden durch Bfinde und Explosionen. 'Hier treten bezogen auf Schadstoff-
inventar und Ausbreitung weit weniger kalkulierbare. zum Teil grossflachige Um-
weltschadigungen ein.'
Die Verbrennungsprodukte seien 'zum Teil hoch toxisch und kanzerogen'. Je nach
klimatischen Bedingungen konne es 'zu einer grossflachigen Verteilung dieserStoffe'
kommen, 'die eine vollstandige Beseitigung nahezu unmoglich macht...'
Die Wechselwirkungen der Produkte mit den eingesetzten Waffen dürften 'vollig
unbekannt' sein.» (TAZ. Die T(igeszriturzg,Berlin, 20 mai 1999.)621 LEGALITYOF USE OF FORCE (DISS . P. KRECA)

Environmental toxins released by the destruction of industrial
plant could spread further. 'If immediate action is taken, which is,
however, impossible under war conditions, the effect of this environ-
mental damage will remain restricted to local level. Longer delays

will resultn toxic substances passing into the soil, groundwater and
surface water, and substantially increase the potential danger to
man, and the cost of cleansing operations.'

These consequences are not necessarily limited to Yugoslavia.
Harmful substances deriving from major conflagrations can be dif-
fused beyond frontiers. The paper continues: 'Passage of harmful
substances into surface water can lead to extensive damage to eco-
systems. The deposition of hazardous substances in the soil can,
depending on the nature of those substances and of the soil, result in
long-term contamination, imposing far-reaching limitations upon
utilization.'

The danger of 'extensive destruction of essential components of
drinking-water supply networks' is biggest with regard to middle-
sized and large cities and conurbations. Even small amounts of sub-
stances from the petrochemical industry can render 'extensive
groundwater reserves unusable'.

According to the Federal Environmental Agency experts, the over-
al1risk posed by the substances released isdifficultto assess, 'because
the destruction of entire industrial complexes results in mixed con-
tamination by a wide variety of harmful substances' - an area in

which there has as yet been little research. Even more problematic,
in the experts' view, is the assessment of environmental damage
caused by fires and explosions. 'Here, in terms of identification of
the harmful substances involved and the possibility of their diffu-
sion, environmental damage is far harder to predict, but will on
occasion be extensive.'

The substances produced by the fires are described as 'in part
highly toxic and carcinogenic'. Depending on climatic conditions,
'widespread diffusion of these substances' could occur, 'which would
render full cleansing almost impossible'.

The effects of the interaction of those substances with the
weapons employed were said to be 'completely unknown'." (TAZ,
Die Tugeszeitung, Berlin, 20 May 1999.)

Therefore, it is my profound conviction, that the Court is, in concveto,
confronted with an uncontestable case of "extreme urgency" and "irrepa-
rable harm", which perfectly coincides, and significantly transcends the LICÉITÉ DE L'EMPLOI DE LA FORCE (OP.DISS.KRECA) 621

Les substancestoxiques pour I'environnement libérée às la suitede
la destruction d'installations industrielles pourraient se propageà
une plus grande distance. L'adoption de mesures immédiates -
impossible toutefois en temps de guerre - permettrait de contenir

localement ces atteintesà I'environnement. Plus le temps s'écoulera
et plus ces substances serépandront dans le sol, leseaux souterraines
et les eaux de surface, d'où une augmentation considérable des
risques pour l'homme et du coût des opérations de nettoyage.
Ces conséquences ne sont pas nécessairement limitées à la You-
goslavie. Les substances toxiques dégagées à la suite d'incendies
majeurs peuvent se répandre au-delà des frontières. Et l'auteur du
document d'ajouter: «La migration de substances dangereuses
dans les eaux de surface peut causer de graves dommages aux éco-

systèmes. Le dépôt de substances dangereuses dans le sol peut
entraîner, selon la nature des substances et des sols, une contami-
nation à long terme, faisant radicalement obstacle à l'utilisation
des sols.
Le risque d'une ((destruction à grande échelle des éléments essen-
tiels du réseaud'approvisionnement en eau potable» est plus lourd
pour les villesoyennes, les grandes villeset les zones de concentra-
tion urbaine. De faibles quantitésde substances émanant d'installa-
tions pétrochimiques suffisent à rendre inutilisables d'importantes
réservesd'eaux souterraines)).

Selon les experts del'Officefédéralde I'environnement, il est très
difficile d'apprécier dans son ensemble le risque que représentent
les substances libéréesdans I'environnement, ((car la destruction
de complexes industriels entiers entraîne une pollution provoquée
par un véritable cocktail de substances toxiques)), sur laquelle les
recherches n'ont guère porté jusqu'à présent. L'évaluation des
dommages causés à I'environnement par les incendies et les explo-
sions est encore plus délicate, estiment les experts. est beaucoup
plus difficile en pareil cas,u fait des problèmes liés à l'identifi-
cation des substances toxiques et au risque de les voir se répandre,

de prédirelesdommages à l'environnement, qui serontparfois consi-
dérables.))
Certaines des substances libéréesdans l'atmosphère à la suite des
incendies sont qualifiéesde «trèstoxiques et cancérigènes)).En fonc-
tion des conditions climatiques ambiantes, «ces substances pour-
raient diffuser très largement)), de sorteu'«une décontamination
complète serait quasi impossible)).
Quant à l'interaction de cesproduits avec les armes utilisées,on en
((ignorerait totalement les effet».(TAZ, Die Tageszeitung, Berlin,
numéro du 20 mai 1999.)

Je suis par conséquent profondément convaincu quela Cour se trouve
concrètement face ilune affaire imposant incontestablement d'agir «de
toute urgence)) et où l'on court le risque d'un ((préjudiceirréparable)),622 LEGALlTY OF USE OF FORCE (DISSO. P.KRECA)

substance of humanitarian standards which the Court has accepted in
previous cases.

7. 1 must admit that 1 find entirely inexplicable the Court's reluctance
to enter intoserious consideration of indicating provisional measures in a
situation such as this crying out with the need to make an attempt,
regardless of possible practical effects, to at least alleviate, if notmi-
nate, an undeniable humanitarian catastrophe. I do not have in mind
provisional measures in concrete terms as proposed by the Federal
Republic of Yugoslavia, but provisional measures in general: be they

provisional measures proprio motu, different from those proposed by the
Federal Republic of Yugoslavia or, simply, an appeal by the President
of the Court, as was issued on so many occasions in the past, in less
difficult situations, on the basis of the spirit of Article paragraph 4,
of the Rules of Court.

One, unwillingly, acquires the impression that for the Court in thisar-
ticular case the indication of any provisional measures whatever has been
terraprohibitu. Exempli causa, the Court, in paragraph 19of the Order,
says that it:

"deems it necessary to emphasize that al1parties appearing before it
must act in conformity with their obligations under the United
Nations Charter and other rules of international law including
humanitarian law",
or, in paragraph 49 of the Order, that the Parties: "should take care not

to aggravate or extend the dispute", and it is obvious that both the above
pronouncements of the Court have been designed within the mode1 of
general, independent provisional measures.

III. JURISDICTIONIA SLUES

Jurisdiction of the Court Ratione Personae
8. The membership of Federal Republic of Yugoslavia in the United
Nations is in the present case one of the crucial issues within the jurisdic-
tion of the Court rationepersonue.

The respondent State, when referring to the United Nations resolu-
tion 777(1992)of 19September 1992and to the United Nations General
Assembly resolution 4711of 22 September 1992,also contends that "the
Federal Republic of Yugoslavia cannot be considered, as it claims, to be
the continuator State of the former Socialist Federative Republic of
Yugoslavia", and that, not having duly acceded to the Organization, it is
not a Member thereof, is not a party to the Statute of the Court and can-
not appear before the Court.affaire qui répond parfaitement, quant au fond, aux normes humanitaires
que la Cour a retenues dans certains précédents; àcet égard,la présente
instance se situemêmea un niveau nettement supérieur.
7. Pour être franc,je dois dire que je trouve totalement inexplicable
que la Cour veuille s'abstenir d'étudiersérieusementla possibilitéd'indi-
quer des mesures conservatoires alors que la situation impose de façon
aussi criante de tentera tout le moins, indépendamment des effets pra-
tiques éventuelsde la tentative, d'atténuer, sinon de supprimer, un dan-
ger incontestable de catastrophe humanitaire. Je n'envisage pas ici des
mesures conservatoires qui prendraient concrètement la forme proposée
par la Républiquefédéralede Yougoslavie, j'envisage des mesuresconser-
vatoires en général:la Cour peut proposer d'office d'autres mesures

conservatoires que celles qui sont proposées par la République fédérale
de Yougoslavie, ou elle peut se contenter d'un appel lancépar le pré-
sident, comme elle l'a fait si souvent déjà,dans des situations moins diffi-
ciles, en s'inspirant de l'article 74, paragraphe 4, de son Règlement.
Sans le vouloir, on a ici l'impression que, pour la Cour en l'espèce,
l'indication de mesures conservatoires, sous quelque forme que ce soit, lui
a sembléinterdite. Par exemple, au paragraphe 19 de l'ordonnance, la
Cour:
((estime nécessairede souligner que toutes les parties qui se pré-

sentent devant elle doivent agir conformément à leurs obligations
en vertu de la Charte des Nations Unies et des autres règles du
droit international, y compris du droit humanitaire)),
ou bien elle dit, au paragraphe 49, que les Parties: ((doivent veiller a ne
pas aggraver ni étendre le différend)),et il est manifeste que, dans les
deux cas, la Cour s'est inspiréed'un type de mesures conservatoires de
caractéregénéralet indépendant.

III. LES QUESTIONS DE COMPETENCE

La compétencede la Cour ratione personae

8. La qualité d'Etat Membre des Nations Unies de la République
fédéralede Yougoslavie est, dans la présente instance, l'une des ques-
tions cruciales qui se posent pour la compétence dela Cour rutione per-
sonae.
L'Etat défendeur, invoquant la résolution 777 (1992) [du Conseil de
sécurité]en date du 19 septembre 1992 ainsi que la résolution 4711de
l'Assembléegénérale desNations Unies en date du 22 septembre 1992,
soutient que la République fédérale de Yougoslavin ee peut pas êtreconsi-
dérée, contrairement a ce qu'elle prétend, commeI'Etat successeur de
l'ancienne République fédérative socialisdtee Yougoslavie et que, n'ayant
pas dûment adhéré à l'organisation, elle n'en est pas Etat Membre,
n'est pas partie au Statut de la Cour et ne peut pas comparaître devant
celle-ci. It is worth noting that the respondent State did not invoke this argu-
ment with respect to the Genocide Convention as another basis of
jurisdiction invoked by the Applicant, although the connection between
the legal identity and continuity of the Federal Republic of Yugoslavia
with the status of the Contracting Party of the Genocide Convention is
obvious (see para. 12,below). One can guess the reasons for the State to
take such a position.

Sedes materiae the question of the Federal Republic of Yugoslavia's
membership in the United Nations can be reduced to a couple of quali-
fications:

8.1. General Assembly resolution 4711 was adopted for pragmatic,
politicalpurposes
The adoption of that resolution cannot, in my opinion, be divorced
from the main political stream taking place in international institutions
during the armed conflict in the former Yugoslavia. It appears that as a
political body the General Assembly of the United Nations, as wellas the

Security Council which recommended that the Assembly adopt resolu-
tion 4711,perceived such a resolution as one of political means to achieve
the desirable solution to the relevant issues in the crisis unfolding in the
former Yugoslavia.
Such a conclusion relies on the fact that in adopting resolution 4711,
the General Assembly basically followed the opinions of the so-called
Badinter Commission engaged as an advisory body in the work of the
Conference on Yugoslavia with the aim of finding a peaceful solution to
the relevant issues. In its Opinions No. 1 and No. 8, the Commission
elaborates the point on territorial changes in the former Yugoslavia
which has, in its opinion, resulted in the emergence of six equal, inde-
pendent State entities corresponding in territory to the Republics as the
constituent parts of the Yugoslav Federation. In its Opinion No. 9 the
Commission proceeds from the point of finalization of the "process of
break up of SFRY" and elaborates on the effects of the alleged break up
from the standpoint of succession of States. In that context, it,inter dia,
established

"the need to terminate SFRY's membership status in international
organizations in keepingwith their statutes and that not a single suc-
cessor state may claim for itself the rights enjoyed until then by the
former SFRY as its member state" (The Peace Conference on Yugo-
slavia, Arbitration Commission, Opinion No. 9, para. 4).

Introducing draft resolution 47lL.1, Sir David Hannay (United King-
dom) said, inter alia,
"the fact that the Council is ready to consider the matter again LICÉITÉ DE L'EMPLOI DE LA FORCE (OP.DISS.KRECA) 623

Il y a lieu de noter que 1'Etatdéfendeur n'apas invoquéle mêmeargu-
ment au sujet de la convention sur le génocidequi est pour le demandeur
une autre base de compétence,alors qu'il y a manifestement un lien entre
l'identité etla continuité, sur le plan juridique, de la Républiquefédérale
de Yougoslavie, d'une part, et, de l'autre, son statut de partie contrac-
tante à la convention sur le génocide (voir paragraphe 12 ci-après).

On peut deviner les raisons qui expliquent cette attitude deI'Etat deman-
deur.
Sedes materiae, la question de la qualitéd'Etat Membre de I'Organisa-
tion des Nations Unies dont jouit ou non la Républiquefédéralede You-
goslavie peut se ramener a deux éléments.

8.1. La résolution 4711 de l'Assemblée générale aétéadoptée à des
jîns pragmatiques et politiques

Il est impossible àmon avis de dissocier l'adoption de cette résolution
du grand courant politique qui animait les organisations internationales
lors du conflit arméqui a éclatédans l'ex-Yougoslavie. En tant qu'organe
politique, l'Assemblée générad es Nations Unies, de mêmeque leConseil
de sécuritéqui a recommandéque l'Assembléeadopte la résolution4711,
a, semble-t-il, conçu cette résolution commeun moyen politique de par-
venir a résoudrela crise sous ses différents aspects.

J'en donnerai pour preuve qu'en adoptant la résolution4711, l7Assem-

bléegénérale aessentiellement suiviles avis de ce qu'on a appeléla com-
mission Badinter, laquelle a servi d'organe consultatif pendant les tra-
vaux de la conférencesur la Yougoslavie et étaitchargéede trouver une
solution pacifique aux différents problèmes.Dans ses avis no 1 et no 8,
la commission développe la question des transformations territoriales
dans l'ex-Yougoslavie, lesquellesaboutissent a l'apparition de six entités
étatiques égaleset indépendantes correspondant du point de vue terri-
torial aux républiquesqui étaient des éléments constitutifsde la Fédéra-
tion yougoslave. Dans son avis no 9, la commission part de cette désin-
tégration définitive de l'ancienne République fédérativesocialiste de
Yougoslavie et dit en détail quelseffets il faut en attendre du point de
vue de la succession dlEtats. Elle dit notamment a ce sujet que:

«il faut mettre fin à la qualité d'Etat membre de la République
fédérativesocialiste de Yougoslavie dans les organisations interna-
tionales, conformément au statut de ces dernières, et qu'aucun Etat
successeur ne pourra se prévaloir desdroits qu'exerçait jusqu'alors
l'ex-République fédérativseocialiste de Yougoslavie en cette qualité
d'Etat membre)) (conférencede la paix sur la Yougoslavie, commis-
sion arbitrale, aviso 9, par. 4).

En présentant le projet de résolution47lL.1, sir David Hannay (repré-
sentant du Royaume-Uni) a notamment trouvé
((significatifle fait que le Conseil ait a revoir la question a nouveau within the next three months is significant.The tragic situation in the
former Yugoslavia is a matter of the highest concern to al1members
of the international community. The International Conference on
the Former Yugoslavia, which opened in London on 26 August and
which now meets in Geneva, brings together the efforts of the
United Nations and the European Community. We must do every-
thing in ourpoii1erto encouruge theparties, iuith the assi.stunceof the

Conference Co-Clzuirmun, to settle their diffrrences ut fhe negotiat-
ing table, not on the buttle3eld. Thut the Council has decided to con-
sider the matter aguin hejore the end ofthe yeur will, ive trust, be
helpful incentive to al1the parties concerned,us un eflective mrans oj
supporting the Co-Chuirmurz of the Confirence on Yugo.sla~~ia in
their heuvy task." (United Nations doc. Al471Pv.7,p. 161 ;emphasis
added).

8.2. From a legal uspect, resolution 4711 is inconsistent and contru-
dictory

The operative part of resolution 4711reads as follows:

" The General Assrmbly,
1. Considers the Federal Republic of Yugoslavia (Serbia and
Montenegro) cannot automatically continue the membership of
the former Socialist Federal Republic of Yugoslavia in the United
Nations; and, therefore, decides that the Federal Republic of Yugo-
slavia should apply for membership in the United Nations and shall
not participate in the work of the General Assembly."

The main elements of the solution in General Assembly resolution 4711
are the following :

The opinion that the Federal Republic of Yugoslavia cannot automati-
cally continue the membership of the SFRY in the United Nations. The
stand of the main political bodies of the United Nations (the Security

Council and the General Assembly) was formulated in terms of an "opin-
ion"; namely, such a conclusion clearly stems from the fact that the rele-
vant part of General Assembly resolution 4711 begins with the words
"considers". It is significant to note that the General Assembly'sopinion
does not conform fully with the meaning of the Opinions Nos. 1,8 and 9
of the so-called Badinter Arbitration Commission. Namely, in its Opin-
ions 1 and 8 the Commission elaborates the point on the break up of
SFRY which has, in its opinion, resulted in the emergence of six equal,
independent State entities corresponding in territory to the Republics as
the constituent parts of the Yugoslav Federation. Resolution 4711 pro-
ceeds from a more moderate starting point. It apparently does not termi-
nate the Federal Republic of Yugoslavia's membership in the Organi- dans les trois mois à venir. La situation tragique dans I'ex-Yougo-
slavie est une source de profonde inquiétudepour tous les membres
de la communauté internationale. La conférenceinternationale sur
l'ancienne Yougoslavie qui s'est ouverte à Londres le 26 août et qui

se réunit actuellement à Genève conjugue les efforts de l'ONU et
ceux de la Communauté européenne. Nous ne devons rien négliger
pour encouruger les parties, avec I'uidedes coprésidentsde lu confé-
rence, ù régler leursdiffërends ù lu table de négociation, et non pas
sur le chump de bataille. Le fuit que le Conseil a décidéde réexami-
ner la question avant Ia$n de l'année sera,nous en sommes certains,
un moyen d'encourager toutes les parties intéresséeset d'appuyer
efficacement les coprésidents de la conférence sur la Yougosluvie
dans leur tûchtpdifjcile.))(Nations Unies, doc. Al47lPV.7, p. 142-
143 ;les italiques sont de moi.)

8.2. Du point de vuejuridique, la ré.solutio4711 est illogique et contru-
dictoire

Le dispositif de la résolution4711se lit comme suit:
« L'Assemblke générale,

1. Considère que la Républiquefédérativede Yougoslavie (Serbie
et Monténégro)ne peut pas assumer automatiquement la qualitéde
Membre de l'organisation des Nations Unies à la place de l'ancienne
République fédérativesocialiste de Yougoslavie et, par conséquent,
décideque la République fédérative de Yougoslavie (Serbie et Mon-
ténégro)devrait présenter une demande d'admission à l'organisa-
tion et qu'elle ne participera pas aux travaux de l'Assemblée géné-

rale.)
Les principaux élémentsde la solution préconiséepar la résolution4711

de l'Assemblée généralse ont les suivants:
Il est d'abord énoncéun avis. qui est que la République fédéralede

Yougoslavie ne peut pas assumer automatiquement la qualité de Membre
de l'organisation des Nations Unies à la place de la République fédéra-
tive socialiste de Yougoslavie. La position des principaux organes politi-
ques des Nations Unies (leConseil de sécuritéetl'Assembléegénérale) est
définiesous la forme d'un «avis»; c'est la conclusion qui s'imposequand
on constate que l'extrait pertinent de la résolution4711commence par le
mot «considère». Mais il convient de relever que cet avis de l'Assemblée
générale necorrespond pas parfaitement à ce qu'il faut déduiredes avis
no" 1,8 et 9 de la commission arbitrale dite commission Badinter. Dans
ses avisnos1et 8, la commission tire les conclusions de la désintégration
de la République fédérativesocialiste de Yougoslavie qui aboutit, pour

elle,à produire six entitésétatiques indépendanteset égalesdont le terri-
toire est celui des républiques quiétaientauparavant des éléments cons-
titutifs de la Fédérationyougoslave. La résolution4711prend un départzation. It simply establishes that "the Federal Republic of Yugoslavia
cannot automatically continue the membership . . in the United Nations

Organization" (emphasis added). A contrurio, this means that the Fed-
eral Republic of Yugoslavia's membership in the Organization can be
continued but not automatically. True, the resolution does not elaborate
how that can be achieved but, if we interpret it systematically and
together with Security Council resolutions 757 and 777, we will come to
the conclusion that the Federal Republic of Yugoslavia's membership in
the Organization can be continued in case such a request is "generally
accepted". That the legal rneaning of the resolution does not imply the
termination of the Federal Republic of Yugoslavia's membership in the
Organization is also clear from the letter of the Under-Secretary-General
and Legal Counsel of the United Nations addressed on 29 September
1992to the Permanent Representatives to the United Nations of Bosnia
and Herzegovina and Croatia in which he stated, inter uliu,

"the resolution does not terminate nor suspends Yugoslavia's mem-
bership in the Organization. Consequently, the seat and the name-
plate remain as before . .. Yugoslav mission at United Nations
Headquarters and officesmay continue to function and may receive
and circulate documents. At Headquarters, the Secretariat will con-
tinue to fly the flag of theold Yugoslavia."

8.3. A ban on participation in the Organization's ivork

That the relevant part of the resolution refers to a ban is borne out by
the use of the imperative wording ("shall not participate"). This ban is,
ratione materiae, limited along two different lines:

(a) it refers to the direct participation in the General Assembly. Indirect
participation in the work of the General Assembly is not excluded.
Elements of indirect participation are implied given that the Mission
of the Federal Republic of Yugoslavia to the United Nations con-
tinues to operate and, in particular, "may receive and circulate
documents". It follows from the Under-Secretary-General's inter-
pretation that the term "General Assembly" has been used in the
resolution in its generic sense, considering that it also includes the
auxiliary bodies of the General Assembly and conferences and meet-
ings convened by the Assembly;
jh) the ban does not apply to participation in the deliberations of other
bodies in the United Nations Organization.plus modéré;apparemment, elle nemet pas fin à la qualitéde Membre de
l'organisation des Nations Unies de la République fédéralede Yougo-
slavie. Elle dit simplement que«la Républiquefédérativede Yougoslavie
ne peut pas assumer automatiquement lu qualitéde Membre de I'Organi-
sation...» (les italiques sont de moi). A contrario, cela signifie que la
République fédéralede Yougoslavie peut encore assumer la qualité de
Membre de I'Organisation, mais non pas automatiquement. Certes, la
résolutionn'expose pas en détailcomment cela peut êtreréalisé, mais,si
nous l'interprétons systématiquement, enlui associant les résolutions 757
et 777 du Conseil de sécurité,nous aboutissons à la conclusion que la

République fédéralede Yougoslavie peut encore assumer la qualité de
Membre de I'Organisation àcondition que la demande présentée à cette
fin soit ((généralement acceptée))Q . ue la résolution ne met donc pas
implicitement fin, sur le plan juridique,la qualité de Membre de I'Orga-
nisation de la République fédéralede Yougoslavie apparaît aussi claire-
ment dans la lettre que le Secrétaire généraaldjoint et conseillerjuridique
des Nations Unies a adresséele 29septembre 1992aux représentants per-
manents de la Bosnie-Herzégovineet de la Croatie auprès des Nations
Unies, lettre dans laquelle il déclaraitnotamment ceci:

«la résolution ne met pas fin a l'uppartenance de la Yougoslavie à
I'Organisation et ne la suspend pas. En conséquence, le siègeet la
plaque portant le nom de la Yougoslavie subsistent ..La mission de
la Yougoslavie auprès du Siègede I'Organisation des Nations Unies
ainsi que les bureaux occupéspar celle-ci peuvent poursuivre leurs
activités,ils peuvent recevoir et distribuer des documents. Au Siège,
le Secrétariatc:ontinuera de hisser le drapeau de l'ancienne Yougo-
slavie.)

8.3.La participation aux truvaux de l'Organisation est interdite

11est clair que l'extrait pertinent de la résolution correspond à une
interdiction, car la forme verbale utilisée estune forme impérative («ne
participera pas))). Mais cette interdiction est limitératione muteriae, à
deux points de vue:

a) l'interdiction vise la participation directe aux travaux de l'Assemblée
générale, maisn'exclut pas une participation indirecte. Cette partici-
pation indirecte:est évoquée implicitementpar le fait que la mission
de la Républiquefédérativede Yougoslavie auprèsdes Nations Unies
peut continuer ses activités eten particulier, «peut recevoir et distri-
buer des documents)). Le Secrétaire généraladjoint a donc utilisé
dans la résolution l'expression «Assemblée générale)a )u sens géné-
rique, qui s'étendaux organes auxiliaires de l'Assemblée générale
ainsi qu'aux conférences et réunions organisées par l'Assemblée;

b) L'interdiction ne vise pas la participation aux débats d'autres organes
de I'Organisation des Nations Unies. 8.4. The decision that the Federal Republic of Yugoslavia should
upply for membership

This part of resolution 4711 is legally ambiguous and contradictory
both in form and in substance.
From the formal point of view, the "decision" that the Federal Repub-
lic of Yugoslavia should apply for membership in the Organization pro-
ceeds from the irrefutable assumption that the Federal Republic of
Yugoslavia wishes to have the status of a member even if it may not con-
tinue the membership in the Organization. Such an assumption is illogi-
cal, although it may prove correct in fact. Membership in the Organiza-
tion is voluntary and therefore no State is under obligation to seek

admission. The relevant wording in the resolution has not been correctly
drafted from a legal and technical point of view for it has a connotation
of such an irrefutable assumption. A correct wording would have to state
a reservation which would make such a decision conditional upon Yugo-
slavia'se.uplicitly expressed tvisto become a member in case it is irrevo-
cably disallowed from continuing its membership in the Organization.

From the actual point of view, it is unclear why the Federal Republic
of Yugoslavia should submit an application for membership if "the reso-
lution does not terminate . . .Yugoslavia's membership in the Organiza-
tion". An application for admission to membership is, ex definitione,
made if a non-member State wishes to join the Organization. What could
in terms of concrete relations be the outcome of a procedure initiated by

Yugoslavia by way of application for membership? If the outcome of the
procedure were admission to membership, such a decision by the General
Assembly would be superfluous from the point of view of logic, given
that resolution 4711has not terminated Yugoslavia's membership in the
Organization. Presumably, the authors of resolution 4711have another
outcome in mind. Maybe to confirm orto strengthen Yugoslavia's mem-
bership in the Organization by such a procedure. This could be guessed
fromthe wording in the resolution which says that "the Federal Republic
of Yugoslavia cannot automatically continue the membership". This
term or phrase literally means that the idea behind the procedure would
be to re-assert or strengthen the Federal Republic of Yugoslavia's mem-
bership in the Organization but, confirmation of membership could
hardly have any legal meaning in this particular case - for a State is
either a member or not. It appears that the meaning of such an act could

be only non-legal; namely, political. Finally, the resolution advises the
Federal Republic of Yugoslavia to apply for admission to membership.
The logical question arises: why would a State whose membership in the
Organization has, in that very same Organization's view, not been termi-
nated, submit a request for the establishment of something that is in the
nature of an indisputable fact? 8.4. 11est décidé que luRépublique fédérale de Yougoslaviedevrait
présenter une demande d'admission à l'Organisation

Cette partie de la résolution4711est ambiguë du point de vuejuridique
et contradictoire dans la forme comme au fond.
Du simple point de vue formel, ((décider))que la Républiquefédérale
de Yougoslavie doit présenter unedemande d'admission à I'Organisation
procède d'une hypothèse irréfutable, quiest que la République fédérale
tientà avoir la qualitéde Membre de I'Organisation mêmesi elle n'est
peut-être pas autorisée à rester Membre de I'Organisation. Cette hypo-
thèseest illogique, mêmesi elle se vérifiedans les faits. C'est volontaire-

ment que ses Membres adhèrent à I'Organisation, et par conséquent
aucun Etat n'est tenu de demander son admission. A cet égard, par
conséquent, le libelléde la résolution n'est pas correct du point de vue
juridique ni du point de vue technique, parce qu'il évoquecette hypothèse
qui serait irréfutable. eut étéplus juste d'énoncerune réservequi aurait
subordonné la décision à la volontéexpresse de la Yougoslavie faisant
savoir qu'elle voulait devenir Membre de I'Organisation au cas où cette
qualitélui aurait été retirée de façoirrévocable.
D'un point de vue concret, on ne voit pas bien pourquoi la République
fédéralede Yougoslavie devrait présenter unedemande d'admission si
«la résolution ne metpas fin à l'appartenance de la Yougoslavie à l'Or-
ganisation...)) Une demande d'admission, par définition, est présentée
quand un Etat nori membre veut entrer à I'Organisation. Sur le plan des

relations concrètes, quelle serait l'issue de la procédure qu'engagerait la
Yougoslavie en présentant une demande d'admission? Si la procédure
doit aboutir à conférerla qualité de Membre, il serait en bonne logique
superflu que l'Assemblée généralperenne cette décision, puisquela réso-
lution 4711n'a pas mis fin, pour la Yougoslavie,à sa qualité de Membre
de l'organisation. On peut présumerque les auteurs de la résolution4711
envisageaient donc une autre issue. Ils voulaient peut-êtreconfirmer ou
renforcer au moyen de cette procédure la qualité de Membre de l'Orga-
nisation qu'avait la Yougoslavie. C'est ce que laisse deviner l'énoncéde
la résolutionquand celle-cidit: «la République fédérative de Yougosla-
vie ...ne peut pas assumer automatiquement la qualité de Membre de
l'organisation ...ala place...))Cette formule signifielittéralementque la
procédureviserait àréaffirmerou renforcer, pour la Républiquefédérale

de Yougoslavie, sa qualité de Membre de I'Organisation, mais la con-
firmation de la qualité de Membre n'aurait guèrede sens juridique dans
ce cas de figure particulier, car un Etat est Membre ou il ne l'est pas. La
signification de l'acte en question ne peut êtreque non juridique; c'est-
à-dire qu'elle serait politique. En dernier lieu, la résolutionconseille
Républiquefédéralede Yougoslavie de présenter unedemande d'admis-
sion à I'Organisation et il faut alors, logiquement, se poser la question
suivante: pourquoi un Etat à l'égardduquel l'organisation elle-même
n'estime pas avoir mis fin à sa qualité de Membre présenterait-il une
demande dont l'objet lui est déjàincontestablement acquis? Finally, due regard should be paid to the concluding paragraph of
resolution 4711which says that the General Assembly takes note "of the
Security Council's intention to review the matter before the end of the

main part of the 47th Session of the General Assembly". A statement like
this is unnecessary if it was the intention of the authors of the resolution
to bring, by its adoption, to an end the debate on the continuity of the
Federal Republic of Yugoslavia's membership in the Organization. It
seems to suggest that the idea behind resolution 4711was to maintain the
Pace of updating the Organization's political approach to the Yugoslav
crisis in the framework of which even the question of the Federal Repub-
lic of Yugoslavia's membership in the Organization carries, in the latter's
opinion, a certain specific weight. The question of the Federal Republic
of Yugoslavia's membership in the United Nations Organization is a for-
mal one and was opened by Security Council resolution 757 of 30 May
1992, which in its operative part has set into motion the mechanism of
measures stipulated in Chapter VI1of the United Nations Charter relying
on the assessment that "the situation in Bosnia-Herzegovina and in other
parts of the former Socialist Federal Republic of Yugoslavia poses a
threat to peace and security".

It is not difficult to agree with Professor Higgins (as she then was) that,
judged from the legal point of view, the consequence arising out of reso-
lution 4711"is abnormal to absurdity" (Rosalyn Higgins, "The United
Nations and the Former Yugoslavia", International Affairh Vol. 69,

p. 479).
8.5 The practice of the Organizution relating to the issues raised by
the content of resolution 4711

A couple of relevant facts regarding the practice of the Organization
concerning membership of the Federal Republic of Yugoslavia raise the
question of whether the Organization acted contrafactum proprium if:

(a) resolution 4711 was adopted at the 47th Session of the General
Assembly. The delegation of the Federal Republic of Yugoslavia
took an active part as a full member in the proceedings of the 46th
Session, and the Credentials Committee unanimously recommended
approval of the credentials of the Federal Republic of Yugoslavia
(United Nations doc. Aî461563,dated 11October 1991).In the light
of the fact that Croatia and Slovenia had seceded from Yugoslavia
on the eve of that Session, the Organization's attitude to the Federal
Republic of Yugoslavia's participation in the 46th Session means
that the Organization accepted the Federal Republic of Yugoslavia
as a territorially diminished predecessor State according to En dernier lieu, il faut tenir dûment compte aussi du dernier para-
graphe de la résolution 4711, aux termes duquel l'Assemblée générale
prend acte «de l'intention du Conseil de sécuritéde reconsidérerla ques-
tion avant la fin de la partie principale de la quarante-septième session de
l'Assembléegénérale)).Une telledéclarationest inutile si lesauteurs de la
résolution avaient l'intentionde mettre fin, au moyen de son adoption, au

débat sur la continuité de la qualitéd'Etat Membre des Nations Unies
de la République fédérativede Yougoslavie. Cette déclaration donne,
semble-t-il,àentendre que la résolution4711a en fait pour objet, au sein
de l'organisation, de préserver la dynamique du débat politique qui
permet de faire régulièrementle point de la crise yougoslave et, dans le
cadre de ce débat,cette question de la qualitéde Membre de I'Organisa-
tion de la République fédéralede Yougoslavie va elle-mêmejusqu'a
acquérir, aux yeux de l'organisation, un certain poids. Cette question a
un caractère formel et elle se pose officiellementdepuis l'adoption par le
Conseil de sécuritéde sa résolution757du 30 mai 1992,qui met en branle
dans son dispositif le mécanismede mesures prévuesau chapitre VI1de
la Charte des Nations Unies après avoir constaté que ((la situation en
Bosnie-Herzégovineet dans d'autres parties de l'ex-République fédéra-

tive socialiste de Yougoslavie constitue une menace pour la paix et la
sécurité..»
Il n'est donc pas difficile d'adhérerau jugement de MmeHiggins qui
étaitencore professeur quand elle disait que, du point de vue juridique,
cette résolution4711produit un effet «anormal au point d'êtreabsurde))
(Rosalyn Higgins, «The United Nations and the Former Yugoslavia»,
Internutionul Ajjuirs,vol. 69, p. 479).

8.5. Lu pratique de 1I'Orgunisutionen ce qui concerne les questions
que soulève lu teneur de lu résolutio4711

Un petit nombre de faits pertinents intéressant la pratique suivie par
l'organisation au sujet de la qualité d'Etat Membre de la République
fédéralede Yougoslavie soulèvent la question de savoir si celle-ci a agi
contru fuctum proprium du moment que:

a) la résolution 4711 a été adoptée à la quarante-septième session de
l'Assembléegénérale.La délégationde la République fédéralede
Yougoslavie a participé activement, en qualitéd'Etat Membre àpart
entière,aux travaux de la quarante-sixième session, et la commission
de vérification despouvoirs a recommandé à l'unanimitéd'approuver
lespouvoirs de la Républiquefédérale de Yougoslavie (Nations Unies,
doc. Al461563en date du 11 octobre 1991).Comme la Croatie et la
Slovénieont fait sécessionet ont quitté la Fédération à la veille de
ladite session, l'attitude adoptée par l'organisation l'égardde la
participation de la République fédéralede Yougoslavie aux travaux
de la quarante-sixième session signifieque l'organisation acceptait la

République fédéralede Yougoslavie comme un Etat prédécesseur
amputéd'une partie de son territoire, conformément à des "criteria laid down in the wake in the partitioning of India in 1947
and consistently applied ever since - criteria that by and large
have served the United Nations and the international community
well over the past decades" (Yehuda Z. Blum, "UN Membership

of the 'New'Yugoslavia: Continuity or Break?", American Jour-
nal oJ'Internutionu1 Lari. (1992), Vol. 86, p. 833);
(b) the delegation of the Federal Republic of Yugoslavia also took part

in the 47th Session of the General Assembly which adopted the reso-
lution contesting the right of Federal Republic of Yugoslavia to
continue automatically membership in the Organization. Not one
delegation made any objection to the delegation of Federal Republic
of Yugoslavia taking the seat of SFRY in the General Assembly. It
follows from that that the delegations had "at least tacitly accepted
the right of the 'Belgradeauthorities' to request Yugoslavia's seat -
the seat of one of the founding members of the United Nations"
(ibid, p. 830);

(c) during al1 the time since the General Assembly passed resolution
4711,the Federal Republic of Yugoslavia has continued to pay its
financial contributions to the Organization (see Annexes to CR 991
25). Yugoslavia is mentioned as a Member State in the document
entitled "Status of contributions to the United Nations regular
budget as at 30 November 1998" published by the United Nations
Secretariat in its document ST/ADM/SER.B/533 of 8 December
1998. In the letter addressed to Vladislav Jovanovii., Chargé
d'Affaires of the Permanent Mission of the Federal Republic of
Yugoslavia to the United Nations, the competent authorities of the
Organization cited Article 19 of the United Nations Charter and
accompanied the citation with the formulation :

"in order for your Government not to fall under the provisions of
Article 19 of the Charter during any meetings of the General
Assembly to be held in 1998, itwould be necessary that a mini-

mum payment of $11,776,400 be received bythe Organization to
bring such arrears to an amount below that specified under the
terms of Article 19" (ibid.);

(d) in the practice of the United Nations Secretary-General as the
depositary of multilateral treaties, Yugoslavia figures as a party to
the multilateral treaties deposited with the Secretary-General as an
original party. The date when the SFRY expressed its consent to be
bound is mentioned as a day on which Yugoslavia is bound by that
specificinstrument. E'camplicausa inthe "multilateral treaties depos-
ited with the Secretary-General" for 1992,and in the list of "partici-
pants'' of the Convention on the Prevention and Punishment of the
Crime of Genocide, Yugoslavia is included and 29 August 1950 is LICÉITÉ DE L'EMPLOI DE LA FORCE (OP.DISS.KRECA) 628

((critèresdéfinis la suite de la partition de l'Inde en 1947et régu-
lièrement appliqués depuis - des critères qui, dans l'ensemble,
ont étéfort utiles aux Nations Unies età la communauté interna-

tionale au cours des derniéres décennies))(Yehuda Z. Blum, «UN
Membership of the «New» Yugoslavia: Continuity or Break?)),
Amrrican J(1urnu1of Internationul LUIL('1992), vol. 86, p. 833);

b) la délégationde la République fédéralede Yougoslavie a également
pris part aux travaux de la quarante-septième session de l'Assemblée
généralequi a adopté la résolutioncontestant à la Républiquefédé-
rale de Yougoslavie le droit d'assumer automatiquement la qualitéde
Membre de l'organisation à la place de l'ancienne Républiquefédé-
rative socialiste de Yougoslavie. Pas une seule délégationn'a émis
d'objection au fàit que la Républiquefédéralede Yougoslavie occupe,
à l'Assemblée générallee, siègede la Républiquefédérativesocialiste
de Yougoslavie. Il faut en déduireque lesdélégationsont ((tacitement
du moins acceptéque les ((autoritésde Belgrade)) aient le droit de

demander à occuper le siègede la Yougoslavie - le siègede l'un des
Membres originaires des Nations Unies)) (ibid, p. 830);
c) pendant tout le temps qui s'est écoulé depuisl'adoption de la résolu-
tion 4711par l'Assemblée générale l, République fédéralede You-
goslavie a continuéde payer sa contribution financiére à l7Organisa-
tion (voir les annexes au CR 99/25). La Yougoslavie est citéeparmi
les Etats Membres dans le document intitulé « Etat des contributions
verséesau 30 novembre 1998))publiépar le Secrétariat desNations
Unies dans le document portant la cote STlADMlSER.Bl533 datédu
8 décembre 1998. Dans la lettre adressée à Vladislav Jovanovié,
chargéd'affaires de la mission permanente de la Républiquefédérale
de Yougoslavie auprès des Nations Unies, les autorités compétentes

de l'organisation citaient I'article 19de la Charte des Nations Unies
et accompagnaient la citation de la formule ci-après:
«pour que votre gouvernement ne tombe pas sous le coup des dis-

positions de I'article 19de la Charte pendant l'unequelconque des
réunions del'Assemblée généraq leui se tiendront en 1998,il fau-
drait verserà l'organisation un montant minimum de 11776400
dollars des Etats-Unis pour ramener les arriérésen question à un
montant inférieurau montant prévu à l'article 19))(ihid;

d) dans la pratique suivie par le Secrétairegénéral ds ations Unies en
qualité de dépositaire des traités multilatéraux, la Yougoslavie est
citéecomme Etat Membre originaire partie aux traités multilatéraux
déposésauprès du Secrétairegénéral.La date à laquelle la Répu-
blique fédérativesocialiste de Yougoslavie a exprimé son consente-
ment à êtreliéeest indiquéecomme la date à laquelle la Yougoslavie
est effectivement liée par l'instrument considéré.Par exemple, si
l'on considère l'état des ((traités multilatéraux déposésauprès du
Secrétairegénéral))pour 1992.il y figure la liste des ((parties)à la mentioned as the date of the acceptance of the obligation - the date
on which SFRY ratified that Convention. Such a mode1is applied,
mutatis mutandis, to other multilateral conventions deposited with
the Secretary-General of the United Nations.

On the basis of existing practice, the "Summary of practice of the
Secretary-General as depositary of multilateral treaties" concludes:

"[tlhe independence of the new successor State, which then exercises
its sovereignty on its territory,s of course without effect as concerns
the treaty rights and obligations of the predecessor State as concerns
its own (remaining) territory. Thus, after the separation of parts of
the territory of the Union of Soviet Socialist Republics (which became
independent States), the Union of Soviet Socialist Republics (as the
Russian Federation) continued to existas a predecessor State, and al1
its treaty rights and obligations continued in force in respect of its
territory. The same applies to the Federal Republic of Yugoslavia

(Serbia and Montenegro), which remains as the predecessor State
upon separation of parts of the territory of the former Yugoslavia.
General Assembly resolution 4711of 22 September 1992,to the effect
that the Federal Republic of Yugoslavia could not automatically
continue the membership of the former Yugoslavia in the United
Nations . . . was adopted within the framework of the United
Nations and the context of the Charter of the United Nations, and
not as an indication that the Federal Republic of Yugoslavia wasnot
to be considered a predecessor State." (STlLEG.8, p. 89, para. 297.)

On 9 April 1996,on the basis of protest raised by a few Members of the
United Nations, the Legal Counsel of the United Nations issued under
"Errata" (doc. LLA41TRl220) which, inter uliu, deleted the qualification
of the Federal Republic of Yugoslavia as a predecessor State contained
in paragraph 297 of the "Summary". In my view, such a deletion is
devoid of any legal relevance since a "Summary" by itself does not have
the value of an autonomous document, a document which determines or
constitutes something. It is just the condensed expression, the external
lapidary assertion of a fact which exists outside it and independently
from it. In that sense, the Introduction to the "Summary of the practice
of the Secretary-General as the depositary of multilateral treaties" says,
inter uliu,that "the purpose of the present summary is to highlight the
main features of the practice folloived by the Secretary-General in this

field" (p.1, emphasis added) but not to constitute the practice itself.

9. As regards the membership of the Federal Republic of Yugoslavia
of the United Nations, the Court takes the position that Convention pour la prévention et la répression du crime de géno-
cide, la Yougoslavie figure sur cette liste et le 29 août 1950est la date
qui est indiquéecomme étant celle de l'acceptation de l'obligation
correspondante, c'est-à-dire la date à laquelle la République

fédérativesocialiste de Yougoslavie a ratifiéla convention. Ce modèle
s'applique, mutatis mutandis, aux autres conventions multilatérales
déposéesauprès du Secrétairegénéral desNations Unies.
Compte tenu de la pratique existante, on trouve dans le ((précisde la
pratique du Secrétairegénéral entant que dépositaire de traités multi-

latéraux))la conclusion ci-après:
«[l']indépendancedu nouvel Etat successeur, qui exerce désormais la
souveraineté sur son territoire, est naturellement sans effet sur les
droits et obligations d'origine conventionnelle de 1'Etatprédécesseur
se rapportant à ce qui lui reste de son territoire. Ainsi, aprèsla sépa-

ration de parties du territoire de'Union des républiquessocialistes
soviétiques(qui ont acquis le statutd'Etats indépendants), la Fédé-
ration de Russie a conservétous les droits et obligations d'origine
conventionnelle de 1'EtatprédécesseurI.lenvademêmepour la Répu-
blique fédérativede Yougoslavie (Serbie et Monténégro), quireste
1'Etatprédécesseur aprèsla sécessionde certaines parties du territoire
de l'ancienne Yougoslavie.La résolution 4711de l'Assembléegénérale
en date du 22 septembre 1992,aux termes de laquelle la République
fédérativede Yougoslavie ne peut pas assumer automatiquement la
qualitéde Membre de l'organisation des Nations Unies à la place de
l'ancienne Yougoslavie, a étéadoptéedans lecadre des Nations Unies
et celuide la Charte des Nations Unies, etnon pas pour signalerque la
Républiquefédérativede Yougoslavie ne devait pas êtreconsidérée
comme un Etat prédécesseur.)) (STlLEG.8, p. 89, par. 297.)

Le 9 avril 1996, a la suite de protestations émanant d'un petit nombre
d'Etats Membres des Nations Unies, le conseiller juridique des Nations
Unies a publié des «errata» (doc. LLA41TRl220) consistant notamment
a supprimer, au paragraphe 297 dudit «précis»,le qualificatif d'Etat suc-
cesseur accordé a la République fédéralede Yougoslavie. A mon sens,
cette suppression ne revêtaucun intérêt juridique puisqu'un«précis»n'a

pas en soi la valeur d'un document autonome, d'un document qui établit
ou constitue quelque chose. Il s'agit simplement de l'expressionramassée,
de l'affirmation lapidaire par un observateur extérieurd'un fait qui existe
en dehors du résuniéet tout à fait indépendamment de lui. En ce sens, il
est dit, dans l'introduction au «précis»dela pratique du Secrétairegéné-
ral en tant que dépositairede traitésmultilatéraux»que «le présentdocu-
ment a pour objet d'exposer dans ses grandes lignes la pratique suivie en
la matièrepar le Secrétaire général)()p. 1;les italiques sont de moi) mais
il n'a pas pour objet de constituer la pratique elle-même.
9. En ce qui concerne la qualitéde Membre de l'organisation des Na-
tions Uniesde la République fédérale de Yougoslavie,Clo aur considèreque : "Whereas, in view of its finding in paragraph 30 above, the Court

need not consider this question for the purpose of deciding whether
or not it can indicate provisional measures in the present case"
(Order, para. 33).

The Court retained the position of an ingenious but, for the purposes of
the present proceedings, unproductive elegantiae juris processualis.The
Court's jurisdiction ratione personae is directly dependent on the answer
to the question whether the Federal Republic of Yugoslavia can be con-
sidered to be a member state of the United Nations, both vis-à-vis the
optional clause and vis-à-vis the Genocide Convention.

It would of course be unreasonable to expect the Court to decide on
whether or not the Federal Republic of Yugoslavia is a Member of the
United Nations. Such an expectation would not be in accord with the

nature of the judicial function and would mean entering the province of
the main political organs of the world Organization - the Security
Council and the General Assembly.
But it is my profound conviction that the Court should have answered
the question whether the Federal Republic of Yugoslavia can or cannot,
in the light of the content of General Assembly resolution 4711and of the
practice of the world Organization, be considered to be a Member of the
United Nations and especially party to the Statute of the Court; namely,
the text of resolution 4711makes no mention of the status of the Federal
Republic of Yugoslavia as a party to the Statute of the International
Court of Justice. That is the import of resolution 4711 ratione materiur.
And nothing beyond that. In that respect the position of the Court is
identical to the position of other organs of the United Nations. A con-
trurio there would, exempli causa, be no need for a General Assembly

recommendation by resolution 471229concerning the participation of the
Federal Republic of Yugoslavia in the work of the Economic and Social
Council. In other words, resolution 4711makes no mention, explicitly or
tacitly, of the International Court of Justice; theame is true of the other
documents adopted on the basis of the above-mentioned resolution. It
follows from this that General Assembly resolution 4711has produced no
effect on the status of the Federal Republic of Yugoslavia as a party to
the Statute and this is confirmed, inter uliuby al1issues of the Yearbook
of the International Court of Justice since 1992.

1am equally convinced that, both the content of the resolution, which
represents contradictio in adiecto,and the particular practice of the world
Organization after its adoption over a period of nearly seven years,

offered ample arguments for it to pronounce itself on this matter.

10. The position of the Court with respect to the Federal Republic of
Yugoslavia membership of the United Nations can be said to have «eu égard à la conclusion à laquelle elle est parvenue au para-
graphe 30 ci-dessus, la Cour n'a pas à examiner cette question à
l'effet de décidersi elle peut ou non indiquer des mesures conserva-
toires dans le cas d'espèce))(ordonnance, par. 33).

La Cour adopte donc un stratagème ingénieux (eleguntiue juris proces-
sualis) mais, aux fins de la présente instance, il est peu fructueux. La
compétencede la Cour rutione personae est directement tributaire de la
réponse àla question de savoir si la Républiquefédérale de Yougoslavie
peut êtreconsidéréecomme un Etat Membre des Nations Unies, tant a
l'égardde la clause facultative qu'Al'égardde la convention sur le géno-
cide.
11serait évidemmentdéraisonnablede compter que la Cour statue sur
la question proprement dite de l'appartenance de la Républiquefédérale
de Yougoslavie à l'Organisation. Pareille attente ne serait guèreconforme
à la naturede la fonction judiciaire et reviendrait par aillàus'immiscer
dans le domaine propre des principaux organes politiques de I'organisa-

tion mondiale, le Conseil de sécuritéet l'Assembléegénérale.
Maisje suis profondémentconvaincu que la Cour aurait dû répondre à
la question de savoir si la République fédéralede Yougoslavie peut ou
non, eu égard a la teneur de la résolution4711de l'Assembléegénérale et
à la pratique de l'organisation mondiale, êtreconsidéréecomme un Etat
Membre des Nations Unies et tout particulièrement comme étant partie
au Statut de la Cour; car le texte de la résolution4711ne fait pas mention
de la qualitéde partie au Statut de la Cour internationale de Justice dont
peut se prévaloir la République fédéralede Yougoslavie. C'est là que
résidel'importance de la résolution4711 rutione muteriue. Et il n'y a rien
d'autre que cela. A cet égard,la situation de la Cour est exactement celle
des autres organes des Nations Unies. Dans le cas contraire, il serait par
exemple inutile que l'Assemblée généralfe ormule une recommandation,

comme elle le fait dans sa résolution471229,concernant la participation
de la Républiquefédéralede Yougoslavie aux travaux du Conseil écono-
mique et social. Autrement dit, la résolution4711ne fait aucune mention
ni expresse ni tacite de la Cour internationale de Justice;n va de même
pour les autres documents adoptés sur la base de ladite résolution.l faut
en déduireque cette résolution 4711de l'Assemblée généran le'a produit
aucun effet sur la qualité de partie au Statut dont peut se prévaloir la
République fédéralede Yougoslavie et c'est bien ce que confirment
notamment tous les numérosde l'Annuaire de la Cour internationale de
Justice publiésdepuis 1992.
Je suis également convaincuque tant la teneur de la résolution,celle-ci
représentant une contradictio in adiecto,que la pratique particulière sui-
vie pendant prèsde sept ans par l'organisation mondiale après son adop-
tion apportent beaucoup d'élémentsqui autorisent la Cour à se pronon-

cer sur cette question.
10. Or, en ce qui concerne la qualité'Etat Membre de l'organisation
des Nations Unies dont la République fédéralede Yougoslavie peut seremained within the framework of the position taken in the Order on the
indication of provisional measures in the Genocide case of 8 April 1993.

Paragraph 18of that Order states:

"Whereas, while the solution adopted is not free from legal diffi-
culties, the question whether or not Yugoslavia is a Member of the
United Nations and as such a party to the Statute of the Court is
one which the Court does not need to determine definitively at the
present stage of the proceedings" (Applicution of the Convention on
the Prevention and Punishrnent of the Crime of Genocide, Provi-
sional Measures, Order of SIApril 1993, 1. C.J. Reports 1993, p. 14).

The objection may be raised that the wording of paragraph 18 is of a
technical nature, that it is not a relevant answer to the question of Fed-
eral Republic of Yugoslavia membership of the United Nations; how-
ever, it is incontestable that it has served its practical purpose because, it
seems,

"the Court was determined to establish its jurisdiction in this case
(Application of the Convention on the Prevention and Punishment of
the Crime of Genocide] whilst at the same time avoiding some of the
more delicate, and indeed profound, concerns about the position of
the respondent State vis-à-vis the Charter and Statute" (M. C. R.
Craven, "The Genocide Case, the Law of Treaties and State Succes-
sion", British Yeur Book of International Law, 1997,p. 137).

The Court tacitly persisted in maintaining this position also in the
further requests for the indication of provisional measures (Application
of the Convention on the Prevention and Punishment of the Crime of
Grnocide, Order of 13 September 1993), as well as in the Judgment on
preliminary objections of 11July 1996.
Even if such a position can be considered to be understandable in the
second proceedings for the indication of provisional measures, it never-
theless gives rise to some complicated questions in the proceedings con-
ducted in the wake of the preliminary objections raised by Yugoslavia.
In these proceedings, the Court was confronted, inter alia, also with
the question as to whether Yugoslavia is a party to the Genocide Con-
vention. It is hardly necessary to mention that the status of a Contracting
Party to the Genocide Convention was conditio sine qua non for the
Court to proclaim its jurisdiction in the case concerning Applicution of
the Convention on the Prevention and Punishment of the Crime of Geno-
cide.

The Court found that it has jurisdiction rutione personae, supporting
this position, in my opinion, with a shaky, unconvincing explanation (see
dissenting opinion of Judge Kreka, I.C.J. Reports 1996, pp. 755-760,
paras. 91-95). For the purposes of this case, of particular interest is the
position of the Court "that ithas not been contested that Yugoslavia was LICÉITÉ DE L'EMPLOI DE LA FORCE (OP. DISS. KRECA) 631

prévaloir,on peut dire que la Cour a conservédans ses grandes lignes la

position qu'elle a adoptée dans son ordonnance du 8 avril 1993 dans
l'affaire de laConilention sur le génocideen statuant sur la demande en
indication de mesures conservatoires.
Au paragraphe 18de ladite ordonnance, la Cour considèreque:
«si la solution adoptée ne laisse pas de susciter des difficultésjuri-

diques, la Cour n'a pas a statuer définitivementau stade actuel de la
procédure sur la question de savoir si la Yougoslavie est ou non
membre de l'organisation des Nations Unies et, à ce titre, partie au
Statut de laCour» (Applicution de la convention pour la prévention
et lu rkpression du crime de génocide,mesures conservatoires, ordon-
nunce du 8 avril 1993,C.I.J. Recueil 1993, p. 14).

On peut objecter que le libellédu paragraphe 18ci-dessus a un carac-
tère technique, que ce n'est pas une réponse pertinente à la question de
savoir si la République fédéralede Yougoslavie est ou non membre de
l'organisation des Nations Unies; toutefois, il est incontestable que cet
énoncé aeu concrètement l'effet voulu parce que, semble-t-il,

«la Cour voulait se déclarercompétentedans cette affaire [Applicu-
tion de lu convention pour lu prkvention et lu répressiondu crime de
génocide] tout en évitant en mêmetemps de se prononcer sur cer-
tains problèmes délicats,du reste assez graves, concernant la situa-
tion de I'Etat défendeur face a la Charte et au Statut» (M. C. R.
Craven, «The Genocide Case, the Law of Treaties and State Succes-
sion», British Yrur Book of Intrrnutional Lait', 1997,p. 137).

La Cour a tacitement conservécette mêmeposition lors des nouvelles
demandes en indication de mesures conservatoires (Application de la
convention pour la prévention et lu répression du crime de génocide,
ordonnance du 13 septembre 1993), de mêmeque dans l'arrêtrendu le
Il juillet 1996sur les exceptions préliminaires.
On peut sans doute estimer que cette position est compréhensible lors
de la seconde procédure en indication de mesures conservatoires, mais
elle soulève desquestions fort complexes dans le cadre de la procédure
relative aux exceptions préliminairesémanant de la Yougoslavie.
Dans ladite procédure, la Cour était notamment face, la aussi, à la

question de savoir si la Yougoslavie est partie à la convention sur le
génocide. Il n'est guère besoin de rappeler que la qualité de partie
contractante a ladite convention étaitla condition sine qua non permet-
tant a la Cour de se déclarer compétentedans l'affaire relative a 1'Appli-
cation de luconvention pour lu prévention et la répressiondu crime de
génocide.
La Cour s'est déclarée compétente ratione personue en donnant a ce
sujet une explication que je trouve peu solide et peu convaincante (voir
mon opinion dissidente, (C.I.J. Recueil 1996 (II), p. 755-760, par. 91-
95). Aux fins de la présente instance, il est intéressant de noter que la
Cour avait observéa cette première occasion «qu'il n'a pas été contestéparty to the Genocide Convention" (Application of the Convention on the
Prevention and Punishment of the Crime of Genocide, Preliminury Objec-
tions, Judgment, I.C.J. Reports 1996 (II), p. 610, para. 17).The absence
of contest was the decisive argument for the Court to state that "Yugo-
slavia was bound by the provisions of the Convention on the date of the

filing of the Application in the present case" (ibid.).

TheCourt has, deliberately, 1presume, failed to state who did not con-
test that Yugoslavia is a party to the Genocide Convention. If it had in
mind the Applicant (Bosnia and Herzegovina), it is hardly necessary to
note that the State which is initiating proceedings before the Court would
not deny the existence ofthe title ofjurisdiction; and, in the case in ques-
tion, the Genocide Convention was the only possible ground of the
Court's jurisdiction. If, however, the Court had third States in mind, then
things do not stand as described by the Court, stating that "it has not
been contested". By refusing to recognize the Federal Republic of Yugo-
slavia and its automatic continuation of membership of the United
Nations, the member States of the world Organization contested eo ipso
that the Federal Republic of Yugoslavia is automatically a party to

multilateral treaties concluded under the aegis of the United Nations
and, consequently, also a party to the Genocide Convention. The Federal
Republic of Yugoslavia can be considered to be a party to the Genocide
Convention only on the grounds of legal identity and continuity with the
Socialist Federal Republic of Yugoslavia because, otherwise, it consti-
tutes a new State, and it did not express its consent to be bound by the
Genocide Convention in the manner prescribed by Article XI of the Con-
vention. nor did it send to the Secretarv-General of the United Nations
the notification of succession. A tertiuh quid is simply non-existent, in
particular from the standpoint of the Judgment of 11 July 1996 in the
Genocidr case, in which the Court did not declare its position on the so-
called automatic succession in relation to certain multilateral treaties
(Application of the Convention on the Prevention and Punishment of tl~e

Crime of Grnocide, Preliminary Objections, Judgment, I. C.J. Reports
1996 (II), p. 612, para. 23).

Al1in all, the Court in the present Order remained consistent with its
"avoidance" position, persisting in its statement that it "need not con-
sider this question for the purpose of deciding whether or not it can indi-
cate provisional measures in the present case".
Such is the Court's restraint with respect to this highly relevant issue
and its reluctance to make its position known may wellcreate the impres-
sion quite differently from that expressed by Craven in regard to the
Applicution of the Convention on the Prevention and Punishment of the
Crime of Genocidecase - that "the Court was determined to establish its
jurisdiction [over the] case whilst at theame time avoiding some of more
delicate, and indeed profound, concerns about the position" of Yugosla- LICEITÉ DE L'EMPLOI DE LA FORCE (OP.DISS.KRECA) 632

que la Yougoslavie soit partie à la Convention sur le génocide» (Applica-
tion de lu convention pour lapréventionet la répressiondu crime de géno-

cide, exceptions préliminaires, arrêt,C.I.J. Recueil 1996 (II), p. 610,
par. 17). Et l'absence de contestation a représentépour la Cour l'argu-
ment décisifqui lui permettait de dire que «la Yougoslavie étaitliéepar
les dispositions de la convention à la date du dépôt de la requêteen la
rése entaffaire))..hid,.
La Cour s'est abstenue, délibérémenjte présume,de dire qui n'avait
pas contestéque la Yougoslavie soit partie à la convention sur le géno-
cide. Si elle pensait au demandeur (la Bosnie-Herzégovine),il n'est guère
besoin de rappeler que I'Etat introduisant une instance devant la Cour ne
va pas nier l'existencedu titre de compétencevoulu; et, dans l'affaire en

question, la convention sur le génocideétait, pour la Cour, le seul chef de
compétencepossible. Si toutefois la Cour pensait à des Etats tiers, alors
la réalitérie correspond pas à l'absence de contestation dont la Cour
parle. En refusant de reconnaître la Républiquefédéralede Yougoslavie
et d'admettre qu'elle continuait d'assumer automatiquement la qualité
d'Etat Membre de l'organisation des Nations Unies, les Etats Membres
de ladite organisation mondiale contestaient eo ipso que la République
fédérale de Yougoslavie soit automatiquement partie aux traités
multilatéraux conclus sous l'égide desNations Unies et, soit par consé-
quent aussi partie ;ila convention sur le génocide. LaRépublique fédé-

rale de Yougoslavie ne peut êtreconsidéréecomme étant partie à la
convention sur le génocideque s'il y a, du point de vuejuridique, identité
et continuité entre elle et la République fédérativesocialiste de Yougo-
slavie, car, s'il en va autrement, la République fédérale de Yougoslavie
constitue un Etat nouveau et elle n'a pas donnéson consentement à être
liéepar la convention sur le génocidede la façon qui est prescrite à I'ar-
ticle XI de ladite convention et ellen'a pas fait tenir au Secrétaire général
des Nations Unies la notification de succession voulue. Il n'v a tout sim-
plement pas de tertium quid, notamment du point de vue de l'arrêt rendu
le 11juillet 1996dans l'affaire de lConvention sur legénocide, arrêtdans

lequel la Cour ne s'est pas prononcée sur ce qu'on appelle la succession
automatique dans Ilecas de certains traités multilatéraux(Application de
lu convention pour lu privention et lu répressiondu crime de génocide,
exceptions préliminaires, arrêt,C.1.J. Recueil 1996 (II), p. 612,par. 23).
Tout bien considéré,dans la présenteordonnance, la Cour est restée
fidèleà sa volonté d'abstention, disant à nouveau qu'elle «n'a pas à exa-
miner cette question à l'effet de décidersi elle peut ou non indiquer des
mesures conservatoires dans le cas d'espèce ».
Ce silence de la Cour alors qu'il serait si utile de répondre à la ques-
tion, cette hésitationà prendre position risquent de donner une impres-

sion très différentede celle qu'envisage Craven lors de l'affaire relative
l'Application de la conventionpour laprivention et lu rkprrssion du crime de
génocide, quand il dit que (<laCour voulait se déclarercompétentetout
en voulant éviteren même tempsde se prononcer sur les problèmes déli-
cats, d'ailleurs assez sérieux,qui se posent au sujet de laituation» de lavia vis-à-vis the Charter and the Statute and its inevitable legal conse-
quences upon proceedings pending before the Court.

Jurisdiction of the Court Ratione Materiae

11. 1am of the opinion that in the matter in hand the Court's position
is strongly open to criticism.
The Court finds :
"whereas the threat or use of force against a State cannot in itself

constitute an act of genocide within the meaning of Article 11of the
Genocide Convention; and whereas, in the opinion of the Court, it
does not appear at the present stage of the proceedings that the
bombings which form the subject of the Yugoslav Application
'indeed entai1the element of intent, towards a group as such, required
by the provision quoted above' (Legality of the Threat or Use of
Nuclear Weupons,Advisory Opinion,1.C.J. Reports 1996 (1) , p. 240,
para. 26)" (Order, para. 40).

The intent is, without doubt, the subjective element of the being of the
crime of genocide as, indeed, of any other crime. But, this question is not
and cannot, by its nature, be the object of decision-making in the inci-
dental proceedings of the indication of provisional measures.

In this respect, a reliable proof should be sought in the dispute which,
by its salient features, is essentially identical to the dispute under consid-
eration - the case concerning Application of the Convention on the Pre-
vention und Punishment of the Crime of Genocide.
In its Order on the indication of provisional measures of 8 April 1993,
in support of the assertion of the Respondent that, inter aliu, "it does not
support or abet in any way the commission of crimes cited in the Appli-
cation .. .and that the claims presented in the Application are without

foundation" (Application of the Convention on the Prevention und Pun-
ishment of the Crime of Genocide, ProvisionulMeusures, Orderof 8 April
1993, 1.C.J. Reports 1993, p. 21, para. 42), the Court stated :

"Whereas the Court, in the context of the present proceedings on
a request for provisional measures, has in accordance with Article 41

of the Statute to consider the circumstances drawn to its attention as
requiring the indication of provisional measures, but cannot make
definitive findings of fact or of imputability, and the right of each
Party to dispute the facts alleged against it, to challenge the attribu-
tion to it of responsibility for those facts, and to submit arguments
in respect of the merits, must remain unaffected by the Court's deci-
sion" (ibid, p. 22, para. 44)

and
"Whereas the Court is not called upon, for the purpose of its deci-Yougoslavie face à la Charte et au Statut, et les inévitables conséquences
juridiques de cette situation sur une affaire portée devant la Cour.

Cotnpétencede la Cour ratione materiae

11. Je suis d'avis qu'en l'espèce la positionadoptéepar la Cour prête
fortement à critiques.
La Cour considère:
«que le recours ou la menace du recours à l'emploide la force contre
un Etat ne sauraient en soi constituer un acte de génocideau sens de

l'articleI de la convention sur le génocide;et que, de l'avis de la
Cour, il n'apparaît pas au présentstade de la procédure quelesbom-
bardements qui constituent l'objet de la requêteyougoslave «corn-
porte[nt] effectivement l'élémentd'intentionnalité, dirigécontre un
groupe comme tel, que requiert la disposition sus-citée))(Licéitéde
la menace ou lie l'emploi d'armes nucléaires, avisconsultatiJ C.I.J.
Recueil 1996 (1), p. 240, par. 26)))(ordonnance, par. 40).
L'intentionnalitéest incontestablement l'élément subjectiqfui est cons-

titutif du crime de génocidecomme du reste de n'importe quel autre
crime. Mais cette question n'est pas l'objetde la prise de décisiondans la
procédure incidente de I'indication de mesures conservatoires et, par sa
nature même,elle ne peut pas l'être.
II faut cet égardchercher une preuve fiable dans le différendqui, par
ses principaux traits, est pour l'essentiel identique au différend examiné
ici: il s'agit de l'affaire relative'Applicutionde la convention pour la
prévention etla répressiondu crime u'rgénocide.
Dans l'ordonnance qu'elle a rendue le 8 avril 1993sur I'indication de
mesures conservatoires. souscrivant à l'affirmation du défendeuraui dit
notamment «n'apport[er] aucun appui ni n'encourag[er], d'une façon ou
d'une autre, la perpétration des crimes mentionnésdans la requête ... [et]
que les griefs exposésdans la requêtesont dénués defondement)) (Appli-
cation de la convetzrionoour lu oréventionet lu réoression du crime de
génocide, mesures conservatoires, ordonnance du 8 avril 1993, C.I.J.
Recueil 1993. p. 21, par. 42), la Cour a considéréque:

«dans le contexte de la présenteprocédure concernant I'indication
de mesures conservatoires, [elle]doit, conformément a l'article 41 du
Statut, examiner si les circonstances portéesa son attention exigent
I'indication de mesures conservatoires, mais n'est pas habilitée à
conclure définitivementsur les faits ou leur imputabilité et que sa
décisiondoit laisser intact le droit de chacune des Parties de contes-
ter les faits allégucontre elle, ainsi que la responsabilitéqui lui est
imputéequant à ces faits et de faire valoir ses moyens sur le fond))
(ihid, p. 22, par. 44)

et que:

«[elle] n'est pas appeléà ce stade à établirl'existencede violationssion on the present request for the indication of provisional measures,
now to establish the existence of breaches of the Genocide Convention"
(Application of the Convention on the Prevention and Punishment of the

Crime of Genocide, Provisional Measures, Order of 8 April 1993, I.C. J.
Reports 1993, p. 22, para. 46).
The rationale of provisional measures is, consequently, limited to the
preservation of the respective rights of the parties pendente lite which are
the object of the dispute, rights which may subsequently be adjudged by
the Court. As the Court stated in the Land and Maritime Boundary

between Camrroon and Nigeria case :
"Whereas the Court, in the context of the proceedings concerning
the indication of provisional measures, cannot make definitive find-
ings of fact or of imputability, and the right of each Party to dispute
the facts alleged against it, to challenge the attribution to it of
responsibility for those facts, and to submit arguments, if appropri-

ate, in respect of the merits, must remain unaffected by the Court's
decision" (Lund and Maritime Boundury hetween Camrroon and
Nigeria, Provisional Measures, Order of 15 March 1996, 1.C. J.
Reports 1996 (1), p. 23, para. 43).
12. Fundamental questions arise regarding the position of the Court
on this particular matter.

The relationship between the use of armed force and genocide can be
looked upon in two ways:
(a) is the use of force per se an act of genocide or not? and,
(6) is the use of force conducive to genocide and, if the answer is in the
affirmative, what is it then, in the legal sense?

It is incontrovertible that the use of force per se et dejinitione does
not constitute an act of genocide. It is a matter that needs no particular
proving. However, it could not be inferred from this that the use of
force is unrelated and cannot have any relationship with the commission
of the crime of genocide. Such a conclusion would be contrary to ele-
mentary logic.
Article Ilof the Convention on the Prevention and Punishment of the

Crime of Genocide defines the acts of genocide as
"any of the following acts committed with intent to destroy, in
whole or in part, a national, ethnical, racial or religious group, as
such :

(a) Killing members of the group;
(h) Causing serious bodily or mental harm to members of the
group ;
(c) Deliberately inflictingon the group conditions of lifecalculated
to bring about its physical destruction in whole or in part;
(d) Imposing measures intended to prevent births within the group;
(e) Forcibly transferring children of the group to another group." LICÉITÉ DE L'EMPLOI DE LA FORCE (OP. DISS.KRECA) 634

de la convention sur le génocide))(Application de la convention pour
la prévention et la répressiondu crime de génocide,mesures conser-
vatoires, ordonnance du 8 uvril 1993, C. 1J. Recueil 1993, p. 22,
par. 46).

La raison d'êtredes mesures conservatoires est par conséquentlimitée
a la préservation desdroits des parties pendente lite qui sont l'objet du
différend,droits qui peuvent ultérieurementfaire l'objet de la décision de
la Cour. Comme celle-ci le dit a nouveau dans l'affaire de la Frontit.re
terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigériu:

((Considérantque la Cour, dans le cadre de la présente procédure
concernant l'indication de mesures conservatoires, n'est pas habilitée
à conclure définitivementsur les faits ou leur imputabilité et que sa
décisiondoit laisser intact le droit de chacune des Parties de contes-
ter les faits allégucontre elle, ainsi que la responsabilitéqui lui est
imputée quant à ces faits, et de faire valoir, le cas échéant,ses
moyens sur le fond.)) (Frontiere terrestre et maritime entre le Came-
roun et le Nigéria, mesures conservatoires, ordonnance du 15 mars
1996, C.1.J. Recueil 1996 (1), p. 23, par. 43.)

12. Sur ce point en particulier, il se pose des questions fondamentales
au sujet de la position de la Cour.
On peut considérer de deux façons le lien entre le recours a la force
arméeet le génocide:

a) est-ce que I'emploide la force est un acte de génocide peu se ou non?
6) l'emploi de la force favorise-t-il le génocide et, dans l'affirmative,
qu'est-ce alors au sens juridique?

Indéniablement, I'emploi de la force, en soi et par définition, necons-
titue pas un acte de génocide.Nul besoin d'en faire la preuve. Toutefois,
il n'est pas possible d'en déduire quel'emploi de la force est sans rapport
avec la commission du crime de génocide et qu'il n'estpas possible d'éta-
blir un tel rapport.Pareille conclusion serait contrairà la logique la plus
élémentaire.
L'article II de la convention pour la prévention et la répression du
crime de génocide définitles actes de génocidecomme

«l'un quelconque des actes ci-après, commis dans l'intention de
détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial
ou religieux, comme tel:

a) meurtre de membres du groupe;
6) atteinte grave à l'intégrité physiqueou mentale de membres du
groupe ;
C) soumission intentionnelle du groupe à des conditions d'existence
devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle;
d) mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe;
e) transfert forcéd'enfants du groupe à un autre groupe)).Any of these acts can be committed also by the use of force. The use of
force is, consequently, one of the possible means of committing acts of
genocide. And, it should be pointed out, one of the most efficient means,
due to the immanent characteristics of armed force.

Extensive use of armed force, in particular if it is used against objects
and means constituting conditions of normal life, can be conducive to
"inflicting on the group conditions of life" bringing about "its physical
destruction".

Of course, it can be argued that such acts are in the function of degrad-
ing the military capacity of the Federal Republic of Yugoslavia. But such
an explanation can hardly be regarded as a serious argument. For, the
spiral of such a line of thinking may easily corne to a point when, having
in mind that military power is after al1comprised of people, even mass
killing of civiliansan be claimed to constitute some sort of a precaution-
ary measure that should prevent the maintenance or, in case of mobiliza-
tion, the increase of military power of the State.

Of course, to be able to speak about genocide it is necessary that there
is an intent, namely, of "deliberately inflicting on the group conditions of
life" bringing about "its physical destruction in whole or in part".
In the incidental proceedings the Court cannot and should not concern
itself with the definitive qualification of the intent to impose upon the
group conditions in which the survival of the group is threatened. Having
in mind the purpose of provisional measures, it can be said that at this
stage of the proceedings it issufficient to establish that, in the conditions
of intensive bombing, there is an objective risk of bringing about condi-

tions in which the survival of the group is threatened.
The Court took just such a position in the Order of 8April 1993on the
indication of provisional measures in the Application of the Convention
on the Prevention and Punishment of the Crime of Genocide case.

Paragraph 44 of that Order stated
"Whereas the Court, in the context of the present proceedings on
a request for provisional measures, has in accordance with Article 41

of the Statute to consider the circumstances drawn to its attention as
requiring the indication of provisional measures, but cannot make
definitive findings of fact or of imputability, and the right of each
Party to dispute the facts alleged against it, to challenge the attribu-
tion to it of responsibility forthose facts, and to submit arguments
in respect of the merits, must remain unaffected by the Court's deci-
sion" (I.C.J. Reports 1993, p. 22).
The question of "intent" is a highly complicated one. Although the
intent is a subjective matter, a psychological category, in contemporary

criminal legislation it isestablished also on the basis of objective circum-
stances. Inferences of intent to commit an act are widely incorporated inN'importe lequel des actes ci-dessus peut êtrecommis également au
moyen de la force. L'emploi de la force est par conséquent l'un des
moyens possibles de commettre des actes de génocide.Et, il convient de le

signaler, c'est l'un des moyensles plus efficaces, étant donnéles carac-
tèrespropres de la force armée.
L'emploi étendu dela force armée,en particulier s'il visedes objets et
des infrastructures constituant les conditions de la vie normale, peut
aboutir à ((soumettre le groupe à des conditions d'existence))entraînant
bel et bien «sa destruction physique».
On peut bien entendu objecter que les actes en question ont pour rôle
d'affaiblir la puissance militaire de la Républiquefédéralede Yougosla-
vie. Mais pareille explication peut difficilement représenter un argument
valable. Le raisonnement, en effet, va rapidement emprunter un cercle
vicieux: la puissance militaire étantaprèstout composéed'hommes, il est

possible d'allerjusqu'a prétendre que le meurtre collectif d'une foule de
civils tient en quelque sorte lieu de mesure de précaution de nature
a empêcherd'entretenir la puissance militaire de l'Etat, voire de I'aug-
menter en cas de mobilisation.
Certes, pour pouvoir parler de génocide, ilfaut une intention, c'est-à-
dire qu'ilfaut vouloir ((soumettre intentionnellement legroupe à des condi-
tions d'existence))entraînant «sa destruction physique totale ou partielle)).
Lors de procédures incidentes, la Cour ne peut pas - et ne doit
d'ailleurs pas- chercher a établir de façon définitive qu'elle est en pré-
sence d'une volontéde soumettre le groupe à des conditions d'existence
de nature à menacer sa survie. Eu égard al'objet des mesuresconserva-
toires, on peut dire qu'à ce stade de la procédure,il suffit d'établir que,le

groupe étant soumis a des bombardements intensifs, on court objective-
ment le risque de voir cette situation aboutir à menacer sa survie.
La Cour a préciskmentadoptécette position dans l'ordonnance qu'elle
a rendue le 8 avril 1993au sujet de I'indication de mesures conservatoires
dans l'affaire relative àI'Applicution de lu convention pour la prgvention
et la rkpression du crime ditrgénocidr.
Le paragraphe 44 de cette ordonnance se lit comme suit:

((Considérantque la Cour, dans le contexte de la présente procé-
dure concernant I'indication de mesures conservatoires, doit, confor-
mément à l'article 41 du Statut, examiner si les circonstances portées
a son attention exigent I'indication de mesures conservatoires, mais
n'est pas habilitée à conclure définitivement sur les faits ou leur
imputabilitéet que sa décisiondoit laisser intact le droit de chacune
des Parties de contester les faits alléguécontre elle, ainsi que la res-
ponsabilitéqui lui est imputéequant à ces faits et de faire valoir ses
moyens sur le fond. » (C.I.J. Recueil 1993, p. 22.)

La question de l'(<intentionnalité»est extrêmement complexe.L'inten-
tion appartient au domaine subjectif, c'est une catégoriepsychologique,
mais, dans la législation pénalecontemporaine, l'intention est également
établiea partir de circonstances obiectives. L'intention présuméede com-legal systems. Exempli causa, permissive inferencesas opposed to a man-
datory presumption in thejurisprudence of the United States of America
may be drawn even in a criminal case.

In any event, there appears to be a clear dispute between the Parties
regarding "intent" as the constitutive element of the crime of genocide.

The Applicant asserts that "intent" can be presumed and, on the other
hand, the Respondent maintains that "intent", as an element of the crime
of genocide, should be clearly established as dolus specialis.Such a con-
frontation of viewsof the Parties concerned leads to a dispute related to
"the interpretation, application or fulfilment of the Convention", includ-
ing disputes relating to the responsibility of a State for genocide or for
any of the other acts enumerated in Article III of the Convention.

13. At the same time, one should have in mind that whether "in cer-
tain cases, particularly that by the infliction of inhuman conditions of
life, the crime may be perpetrated by omission" (Stanislas Plawski, Etude
des principes fonda ment au.^du droit internationul pénal, 1972, p. 115.
Cited in United Nations doc. E/CN.4/Sub.2/415 of 4 July 1978).

"Experience provides that a state of war or a military operations
régime givesauthorities a convenient pretext not to provide a popu-
lation or a group with what they need to subsist - food, medicines,
clothing, housing . . .It will be argued that this is inflicting on the
group conditions of lifecalculated to bring about its physical destruc-
tion in whole or in part." (J. Y. Dautricourt, "La prévention du
génocideet ses fondements juridiques", Etudes internationales de

psychosociologie criminelle, Nos. 14-15, 1969, pp. 22-23. Cited in
United Nations doc. E/CN.4/Sub.2/415 of 4 July 1978,p. 27.)

Of the utmost importance is the fact that, in the incidental proceedings,
the Court cannot and should not concern itself with the definitive quali-
fication of the intent to impose upon the group conditions in which the
survival of the group is threatened. Having in mind the purpose of pro-
visional measures, it can be said that at this stage of the proceedings it is
sufficient to establish that, in the conditions of intensive bombing, there

is an objective risk of bring about conditions in which the survival of the
group is threatened.

Jurisdiction of the Court Ratione Temporis
14. The ratione temporis element of jurisdiction is considered by the
Court to be the linchpin of its position regarding the absence ofjurisdic-

tion in this particular case. In its Order the Court States, inter alia:mettre l'acte fait très communément partie du systèmejuridique. Par
exemple, aux Etats-Unis d'Amérique, la jurisprudence autorise la pré-
somption plausible par opposition a la présomption concluante, mêmeen
matière pénale.

De toute façon, les Parties s'opposent très clairement, semble-t-il, au
sujet de l'((intentionnalité» en tant qu'élément constitutifdu crime de
génocide.
Le demandeur affirme que l'«intention» peut êtreprésuméetandis que
le défendeursoutient qu'en tant qu'élémenc tonstitutif du crime de géno-
cide, l'«intention» doit être clairement établiesous forme de do1spécial.
Cette opposition de vues entre les Parties constitue un différend relatifà
l'interprétation, l'application ou l'exécutionde la ..convention [sur le
génocide])),les différendsde ce type comprenant aussi lesdifférendsrela-
tifsà la responsabilitéd'un Etat en matière de génocideou de l'un quel-
conque des autres actes énumérés à l'article III de ladite convention.

13. En même temps,il ne faut pas oublier que, «dans certains cas, sur-
tout dans le génocidepar la soumission à des conditions inhumaines de
vie, lecrime peut êtreperpétrépar omission))(Stanislas Plawski, Etude des
principes fondamentaux du droit international pinul, 1972, p. 115. Cité
dans Nations Unies, doc. E/CN.4/Sub.2/416 datédu 4juillet 1978, p.28).

En effet,

(([ll'expériencprouve que l'étatde guerre ou le régimed'occupation
de guerre sont un prétextefacilepour lesautoritésresponsables pour
ne pas fournir à une population ou à un groupe ce qui leur est néces-
saire pour subsister: vivres, médicaments,vêtements,habitations ...
On nous dira que c'est la soumission du groupe à des conditions
d'existence susceptiblesd'entraîner sa destruction physique totale ou
partielle.))J. Y. Dautricourt, «La prévention du génocideet ses
fondements juridiques)), Etudes internutionales de psychosociologir
criminelle,nos 14-15, 1969,p. 22-23. Citédans Nations Unies, doc.
E/CN.4/Sub.2/416 datédu 4 juillet 1978,p. 28.)

11est donc d'une importance primordiale de savoir que, lors de procé-
dures incidentes, la Cour ne peut pas - et ne doit d'ailleurs pa- cher-
cher à établirde façon définitiveune volontéde soumettre le groupe à des
conditions d'existence de nature à menacer sa survie. Eu égard à l'objet
des mesures conservatoires, on peut dire qu'à ce stade de la procédure,il
suffit d'établir que,le groupe étant soumis à des bombardements inten-
sifs, on court objectivement le risque de voir cette situation aboutir à

menacer sa survie.

Conzpitence de lu Cour ratione temporis
14. Pour la Cour, l'élémen tatione temporis de sa compétencedonne
la cléde la position qu'elle adopte dans la présente instance,en concluant

qu'ellen'a pascompétence.Dans sonordonnance, la Cour déclarenotam-
ment: "Whereas it is an established fact that the bombings in question
began on 24 March 1999 and have been conducted continuously
over a period extending beyond 25 April 1999; and whereas the
Court has no doubt, in the light, inter ulia, of the discussions at the
Security Council meetings of 24 and 26 March 1999 (SlPV.3988and
3989), that a 'legal dispute' (East Timor (Portugal v. Australia),
I.C.J. Reports 1995, p. 100, para. 22) 'arose' between Yugoslavia

and the Respondent, as it did also with the other NATO member
States, well before 25 April 1999 concerning the legality of those
bombings as such, taken as a whole;
Whereas the fact that the bombings have continued after 25 April
1999and that the dispute concerning them has persisted since that
date is not such as to alter the date on which the dispute arose;
whereas each individual air attack could not have given rise to a
separate subsequent dispute; and whereas, at this stage of the pro-
ceedings, Yugoslavia has not established that new disputes, distinct

from the initial one, have arisen between the Parties since 25 April
1999 in respect of subsequent situations or facts attributable to the
Netherlands" (Order, paras. 28 and 29).
It appears that such a stance of the Court is highly questionable for two
basic reasons :

- firstly, for reasons of a general nature to do withjurisprudence of the
Court in this particular matter, on the one hand, and with the nature
of the proceedings for the indication of provisional measures, on the
other; and,
- secondly, for reasons of a specific nature deriving from the circum-

stances of the case in hand.
14.1. As far as the jurisdiction of the Court is concerned, it seems
incontestable that a liberal attitude towards the temporal element of the
Court's jurisdiction in the indication of provisional measures has become
apparent. The ground of such an attitude is the fact stressed by the Court

almost regularly, so that:
"it cannot be accepted a priori that a claim based on such a com-
plaint falls completely outside the scope of internationaljurisdiction;

the[se]considerations ... sufficeto empower the Court to entertain
the Request for interim measures of protection;

the indication of such measures in no way prejudges the question of
the jurisdiction of the Court to deal with the merits of the case and
leaves unaffected the right of the Respondent to submit arguments
against such jurisdiction" (Anglo-Irunian Oil Co., Order of 5 July
1951, I.C. J. Reports 1951, p. 93), ((Considérant qu'il est constant que les bombardements en cause
ont commencéle 24 mars 1999et se sont poursuivis, de façon conti-
nue, au-delà du 25 avril 1999; et qu'il ne fait pas de doute pour la
Cour, au vu notamment des débatsdu Conseil de sécurité des24 et
26 mars 1999 (SlPV.3988 et 3989), qu'un ((différendd'ordre juridi-
que» (Timor oriental (Portugal c. Australie), C. 1.J. Recueil 1995,

p. 100, par. 22) a «surgi» entre la Yougoslavie et I'Etat défendeur,
comme avec les autres Etats membres de l'OTAN, bien avant le
25 avril 1999, au sujet de la licéitéde ces bombardements comme
tels, pris dans leur ensemble;
Considérant que la circonstance que ces bombardements se soient
poursuivis aprèsle 25 avril 1999et que le différendlesconcernant ait
persistédepuis lors n'est pas de nature à modifier la date àlaquelle le

différendavait surgi; que des différendsdistincts n'ont pu naître par
la suiteà l'occasion de chaque attaque aérienne;et qu'à ce stade de
la procédure, la Yougoslavie n'établit pas quedes différendsnou-
veaux, distincts du différend initial,aient surgi entre les Parties après
le 25 avril 1999au sujet de situations ou de faits postérieurs impu-
tables aux Pays-Bas. )>(Ordonnance, par. 28 et 29).

Cette position. de la part de la Cour, me paraît extrêmementcontestable
pour deux raisons principales :

- la première explication a un caractère généralintéressantla jurispru-
dence de la Cour en ce qui concerne la question, d'une part, et, de
l'autre, intéressant le caractère de la procédure de l'indication de
mesures conservatoires;
- la seconde explication a un caractère spécifiquequi tient aux circons-
tances de la présenteinstance.

14.1. S'agissant de sa compétence,il paraît incontestable que la Cour
adopte, quand il est question pour elle d'indiquer des mesures conserva-
toires, une attitude libéraleà l'égardde l'élémenttemporel. La Cour est
en l'occurrence motivéepar un fait qu'elle met assez régulièrement en évi-
dence :

«on ne saurait admettre a priori qu'une demande fondée surun tel
grief échappe complètement à la juridiction internationale;

[cette]constatation ...est suffisante pour autoriser en droit la Courà
examiner la demande en indication de mesures conservatoires:

l'indication de telles mesures ne préjugeen rien la compétence dela
Cour pour connaître au fond de l'affaire et laisseintact le droit du
défendeur de fairevaloir sesmoyens àl'effetde la contester »(Anglo-
Iranian Oil Co.. ordonnance du 5 juillet1951, C.1.J.Recueil 1951,
p. 931,and
"on a request for provisional measures the Court need not, before

indicating them, finally satisfy itself that it has jurisdiction on the
merits of the case . . .it ought not to act under Article 41 of the
Statute if the absence ofjurisdiction on the merits is manifest" (Fish-
eries Jurisdiction (United Kingdom v. Icelund), Interim Protection,
Order of17 August 1972, 1.C.J. Reports 1972, p. 15,para. 15;and,
Fisheries Jurisdiction (Federal Republic of Germany v. Icelund),
Interim Protection, Order of 17 August 1972, I.C.J. Reports 1972,
p. 33, para. 16).

It is hardly necessary to note that the formulation "need not . . finally
satisfy itself that it has jurisdiction on the merits of the case" relates to
jurisdiction in toto and that, consequently, it includes also jurisdiction
rutione temporis. The application of the above general attitude of the
Court towards jurisdiction ratione teniporis may be illustrated by two
characteristic cases :

(a) In the disputes concerning Lockerbie, the Court established, inter
alia that :

"in the course of the oral proceedings the United States contended
that the requested provisional measures should not be indicated
because Libya had not presented a prima facie case that the pro-
visions of the Montreal Convention provide a possible basis for
jurisdiction inasmuch as the six-month period prescribed by Ar-
ticle 14,paragraph 1,of the Convention had not yet expired when
Libya's Application was filed; and that Libya had not established
that the United States had refused to arbitrate" (Questions of
Interpretation and Application of the 1971 Montreal Convention
arisingfrom the Aerial Incident at Lockerhie (Libyan Arab Jama-
hiriyu v. United States of Americu), Provisional Measures, Order

of 14 April 1992, I.C.J. Reports 1992, p. 122,para. 25),

and that,

"in the context of the [proceedings in the Lockerhie case] on a
request for provisional measures, [the Court] has, in accordance
with Article 41 of the Statute, to consider the circumstances drawn
to its attention as requiring the indication of such measures, but
cannot make definitive findings either of fact or of law on the
issues relating to the merits, and the right of the Parties tocontest
such issues at the stage of the merits must remain unaffected by
the Court's decision" (ibid.,p. 126, para. 41).

(b) The question of jurisdiction of the Court ratione temporis in the
proceedings for the indication of provisional measures also arose in LICÉITÉ L)E L'EMPLOI DE LA FORCE (OP. DISS. KRECA) 638

«lorsqu'elle est saisied'une demande en indication de mesuresconser-
vatoires, la Cour n'a pas besoin, avant d'indiquer ces mesures, de
s'assurer de manièreconcluante de sa compétencequant au fond de
l'affaire, mais..elle ne doit cependant pas appliquer l'article 41 du
Statut lorsque son incompétence au fond est manifeste)) (Compé-

tence en matière de pecheries (Royaume-Uni c. Islande), mesures
conservatoires, ordonnance du 17 août 1972, C. 1.J. Recueil 1972,
p. 14, par. 15; et Compétenceen matière de pêcheries(République
fédéraled'Allemagne c. Islande), mesures conservatoires, ordonnance
du 17 août 1972, C.I.J. Recueil 1972, p. 33, par. 16).
Il n'est guère besoin de relever que le membre de phrase «n'a pas
besoin ...de s'assurer de manière concluante de sa compétence quant
au fond de l'affaire)) vise la compétence in toto et que, par conséquent,
il s'étend aussi à la compétence rutione temporis. Je donnerai deux
exemples caractéristiques pour montrer que la Cour adopte commu-

némentl'attitude définie ci-dessus vis-à-visde la compétence ratione tem-
poris :
a) Dans lesdifférendsrelatifs àl'affaire Lockerbie, la Cour a dit notam-
ment ceci :

((lors de la procédure orale les Etats-Unis ont soutenu qu'il n'y
avait pas lieu d'indiquer les mesures conservatoires demandées
parce que la Libye n'avait pas établi,prima jacie, que les disposi-
tions de la convention de Montréal pouvaient constituer une base
de compétencedans la mesure où le délaide six mois prescrit par
le paragraphe 1 de l'article 14 de ladite convention n'était pas
expiré lors du dépôt de la requêtede la Libye; et ...la Libye
n'avait pas établi que les Etats-Unis eussent refusél'arbitrage))
(Questions d'interprétation et d'application de la convention de
Montréal de 1971 résultant de l'incident uérien de Lockerbie
(Jamahiriya arabe libyenne c. Etuts-Unis d'Amérique), mesures
conservatoires, ordonnance du 14 avril 1992, C.I.J. Recueil 1992,
p. 122,par. 25),

et elle dit encore:
«dans le contexte de la [procédurerelative à l'affaire Lockerhie],

qui concerne une demande en indication de mesures conserva-
toires, [la Cour] doit, conformément à l'article 41 du Statut, exa-
miner si les circonstances portées à son attention exigent l'indi-
cation de telles mesures, mais n'est pas habilitée à conclure
définitivementsur les faits et le droit, et.sa décisiondoit laisser
intact le droit des Parties de contester les faits et de faire valoir
leurs moyens sur le fond» (ibid., p. 126,par. 41).
h) La question de la compétenceratione temporis de la Cour dans la
procédurerelative à l'indication de mesures conservatoires s'est éga-639 LEGALlTY OF USE OF FORCE (DISS .P. KRECA)

the case concerning the Applicution of the Convention on the Preven-
tion and Punishment of the Crime of Genocide. In its Order on the
request for the indication of provisional measures of 8 April 1993,
the Court stated, inter aliu:

"Whereas the Court observes that the Secretary-General has
treated Bosnia-Herzegovina, not as acceding, but as succeeding to
the Genocide Convention, and if this be so the question of the
application of Articles XI and XII1 of the Convention would not
arise; whereas however the Court notes that even if Bosnia-Herze-
govina were to be treated as having acceded to the Genocide Con-
vention, with the result that the Application might be said to be
premature when filed, 'this circumstance would now be covered'

by the fact that the 90-day period elapsed between the filingof the
Application and the oral proceedings on the request (cf. Muv-
rommutis Palestine Concessions, Judgment No. 2, 1924, P.C.I.J.,
Series A, No. 2, p. 34); whereas the Court, in deciding whether to
indicate provisional measures, is concerned not so much with the
past as with the present and with the future; whereas, accordingly
even if itsjurisdiction suffers from the temporal limitation asserted
by Yugoslavia - which it does not now have to decide - this is
not necessarily a bar to the exercise of its powers under Article 41
of the Statute" (Application of the Convention on the Prevention
and Punishment of the Crime of Genocide, Provisionul Meusures,

Order of 8 April 1993, I.C.J. Reports 1993, p. 16, para. 25).

As far as the nature of the proceedings for the indication of provisional
measures is concerned, they are surely not designed for the purpose of the

final and definitive establishment of the jurisdiction of the Court. That is
why in the practice of the Court "prima facie jurisdiction" is almost
uniformly referred to when the indication of provisional measures is
involved. Although the explicit definition of "prima faciejurisdiction" is
of course hard to find in the Court's jurisprudence, its constitutive ele-
ments are relatively easy to determine. The determinant "prima facie"
itself implies that what is involved is not a definitely established jurisdic-
tion, but ajurisdiction deriving or supposed to be normally deriving from
a relevant legal fact which is defined in concret0 as the "title of jurisdic-
tion". 1sreference to the "title ofjurisdiction" sufficientper se for prima
facie jurisdiction to be constituted? It is obvious that the answer to this
question must be in the negative.

But, it could be said that the "title ofjurisdiction" is sufficientper se to
constitute prima faciejurisdiction except in case "the absence of jurisdic-
tion on the merits is manifest" (Fisheries Jurisdiction (United Kingdom
v. Iceland), Interim Protection. Order of 17 August 1972, I.C.J. Reports
1972, p. 15, para. 15; Fisheries Jurisdiction (Federul Republic of Ger- LICÉITE DE L'EMPLOI DE LA FORCE (OP. DISS. KRECA) 639

lement poséedans l'affaire relative à l'Application de la convention
pour la préventionet lu répressiondu crime de génocide.Dans son
ordonnance du 8 avril 1993sur la demande en indication de mesures
conservatoires, la Cour a notamment déclaré:

((Considérantque la Cour constate que le Secrétaire général a
considéré la Bosnie-Herzégovine commeayant non pas adhérém , ais
succédé à la convention sur le génocide, etque, si tel étaitcas, la
question de l'application des articles et XII1 de la convention ne
seposerait pas; considérant toutefoisque la Cour note que, mêmesi
la Bosnie-Herzégovinedevait êtreconsidérée comme ayant adhéré à
la convention sur legénocide,ce qui aurait pour conséquenceque la

requêtepourrait êtretenue pour prématuréeau moment de son
dépôt,«ce fait aurait étcouvert))par l'écoulementdu laps de temps
de quatre-vingt-dixjours qui serait arrivé son terme entre le dépôt
de la requêteet la procédure oralesur la demande (voir Concessions
Muvrommatis en Palestine, arrêtno2, 1924, C.P.J.I. sérieA no2,
p. 34); que la Cour, en décidantsi elle doit ou non indiquer des
mesuresconservatoires,se préoccupe moinsdu passéque du présent
et de l'avenir; que, par conséquent, mêms ei la compétencede la
Cour étaitaffectéepar la limitede temps qu'invoque la Yougoslavie
- point que la Cour n'a pas a trancher dans l'immédiat - cela ne
constituerait pas nécessairement unobstacle al'exercicepar la Cour
des pouvoirs qu'elle tientde l'article 41 de son Statut.)) (Applica-

tion de la conventionpour lupréventionet la répression du crinzede
génocide, mesures conservatoires, ordonnance du 8 avril 1993,
C.1J. Recueil 1993,p. 16,par. 25.)
S'agissant de la nature de la tlrocédurerelativeà l'indication de mesures
conservatoires, celle-ci n'est certainement pas conçue pour établir une

fois pour toutes, de façon définitive, lacompétence de la Cour. C'est
pourquoi celle-ci, dans sa pratique, parle quasiment toujours de ((corn-
pétencepritna facie)) quand il est question pour elle d'indiquer des me-
sures conservatoires. Il est bien entendu difficilede trouver dans la juris-
prudence de la Cour une définition explicitede la ((compétenceprima
fucie)), mais ses élémentsconstitutifs n'en sont pas moins relativement
facilesà établir.Le qualificatif «prima facie)) lui-mêmedit implicitement
qu'il ne s'agit pas d'une compétence établie à titre définitif,il s'agit d'une
compétencedécoulant, ou censéedécoulernormalement, d'un fait juri-
dique pertinent qui est définiin concreto comme le ((titre de compé-
tence)).Mais suffit-ild'invoquer le «titre deompétence»per se pour qu'il
y aitcompétenceprima,facie? 11ne fait aucun doute qu'ilfaut ici répondre

par la négative.
On peut néanmoinsdireque le «titre de compétence))suffitper se pour
constituer une compétenceprima jacie sauf «lorsque [l']incompétenceau
fond est manifeste)) (Compétenceen muti2re depêcheries (Royaume-Uni
c. Islande), mesures conservatoires, ordonnance du 17 août 1972, C. IJ.
Recueil 1972, p. 15,par. 15; Compétence enmatière depêclzeries(Répu-640 LEGALlTY OF USE OF FORCE (DISS .P. KRECA)

many v. Iceland), Interim Protection, Order of 17 August 1972, I.C.J.
Reports 1972, p. 33, para. 16).
In other words, in question is the case when absence of jurisdiction is
obvious and manifest stricto sensu, i.e., when States try to use the Court
in situations when there is no ground for jurisdiction whatsoever.
Well-established jurisprudence of the Court clearly shows that the
absence of temporal element of jurisdiction of the Court, even if mani-
fest, does not excludejurisdiction of the Court if the temporal defect can
be easily remedied.
In its Judgment on preliminary objections raised by Yugoslavia in the

case concerning Application of the Convention on the Prevention and
Punishment of the Crime of Genocide of 11 July 1996,the Court stated
inter aliu:

"It is the case that the jurisdiction of the Court must normally be
assessed on the date of the filing of the act instituting proceedings.
However, the Court, like its predecessor, the Permanent Court of
International Justice, has alwayshad recourse to the principleaccord-
ing to which it should not penalize a defect in a procedural act which
the applicant could easily remedy. Hence, in the case concerning the
Mavrommatis Palestine Concessions, the Permanent Court said:

'Evenif the grounds on which the institution of proceedings was
based were defective for the reason stated, this would not be an
adequate reason for the dismissalof the applicant's suit.TheCourt,
whose jurisdiction is international, is not bound to attach to mat-
ters of form the same degree of importance which they might pos-
sess inmunicipal law. Even, therefore, if the application were pre-
mature because the Treaty of Lausanne had not yet been ratified,
this circumstance would now be covered by the subsequent deposit
of the necessary ratifications.'P.C.I.J., Series A, No. 2, p. 34.)

The same principle liesat the root of the followingdictum of the Per-
manent Court of International Justice in the caseconcerning Certain
German Interests in Polish Upper Silesiu :

'Even if, under Article 23, the existence of a definite dispute
were necessary, this condition could at any time be fulfilled by
means of unilateral action on the part of the applicant Party. And
the Court cannot allow itself to be hampered by a mere defect of
form, the removal of which depends solely on the Party con-
cerned.' (P.C.I.J., Series A, No. 6, p. 14.)

The present Court applied this principle in the case concerning the
Novthern Cameroons (I.C.J. Reports 1963, p. 28), as wellas Military
und Parumilitary Activities in und aguinst Nicurugua (Nicaragua
v. United Stutes of America) when it stated: 'It would make no
sense to require Nicaragua now to institute fresh proceedings based LICÉITÉ I>E L'EMPLOI DE LA FORCE (OP. DISS. KRECA) 640

blique fédérale d'Allemagne c. Islunde), mesures conservatoires, orcion-
nance du t7 août 1072, C.I.J. Rec~~eil1972, p. 33, par. 16).
Autrement dit, le cas de figure envisagéest celui où l'incompétence est

évidentestricto sensu, c'est-à-dire quand les Etats veulent saisir la Cour
alors qu'il n'existe rigoureusement aucun chef de compétence.
11est parfaitement établi dans la pratique de la Cour que l'absence de
l'élémenttemporel de sa compétence, mêmesi elle est évidente,ne lui ôte
pas sa compétence dès lors qu'il peut êtreaisément porté remède au
défaut temporel.

Dans son arrêt sur les exceptions préliminaires soulevéespar la You-
goslavie dans l'affaire relative à l'Application de lu convention pour la
préventionet lu rPpressiondu crime de génocideen date du 11 juillet 1996,
la Cour a déclarénotamment:

((Certes, la compétencede la Cour doit normalement s'apprécier à
la date du dépôt de l'acte introductif d'instance. Cependantla Cour,

comme sa devancière, la Cour permanente de Justice internationale,
a toujours eu recours au principe selon lequel elle ne doit pas sanc-
tionner un défaut qui affecterait un acte de procédure et auquel la
partie requérante pourrait aisément porter remède. Ainsi, dans
l'affaire des Concessions Maviommutis en Palestine, la Cour perma-

nente s'est expriméede la sorte:
«Mêmesi la base de l'introduction d'instance était défectueuse

pour la raison mentionnée, ce ne serait pas une raison suffisante
pour débouter le demandeur de sa requête.La Cour, exerçant une
juridiction internationale, n'est pas tenue d'attacher à des consi-
dérations de forme la mêmeimportance qu'elles pourraient avoir
dans le droit interne. Dans ces conditions, mêmesi l'introduction
avait étéprématurée,parce que le traité de Lausanne n'était pas

encore ratifié, cefait aurait été couvertpar le dépôt ultérieur des
ratifications requises))(C.P.J.I. sérieA no 2, p. 34.)

C'est du même principeque procède le dictum suivant de la Cour
permanente de Justice internationale dans l'affaire relative à Cer-
tuins intérêtsa1lemand.sen Haute-SilPsic polonaise :

Mêmesi la nécessitéd'une contestation formelle ressortait de
l'article 23, cette condition pourrait êtreà tout moment remplie
par un acte unilatéral de la Partie demanderesse. La Cour ne
pourrait s'arrêterà un défautde forme qu'il dépendrait de la seule
Partie intéresséede faire disparaître.)) (C.P.J.I. série A n" 6,

p. 14.)
La présente Cour a fait application de ce principe dans l'affaire du
Cumeroun sc.ptcntrionu1(C.I.J. Recueil 1963, p. 28), ainsi que dans

celle des Activitésmiliaires et purumilituires au Nicaruguu et contre
celui-ci (Nicurugurrc. Etats-Unis d'Amérique), lorsqu'elle a déclaré :
((11n'y aurait aucun sens à obliger maintenant le Nicaragua à enta- on the Treaty, which it would be fully entitled to do.' (1C.J. Reports
1984, pp. 428-429, para. 83.)

In the present case, even if it were established that the Parties,
each of which was bound by the Convention when the Application
was filed, had only been bound as between themselves with effect
from 14 December 1995, the Court could not set aside its jurisdic-
tion on this basis, inasmuch as Bosnia and Herzegovina might at any
time filea new application, identical to the present one, which would
be unassailable in this respect." (Application of the Convention on
the Prevention and Punishment of the Crime of Genocide, Prelimi-
nary Objections, Judgment, I.C.J. Reports 1996 (II), pp. 613-614,
para. 26.)

The definitive and final establishment of the temporal element of juris-
diction in the proceedings for the indication of provisional measures is
resisted, in addition to the nature of the proceedings as such, also by the
nature of ratione temporis jurisdiction of the Court. Namely,

"jurisdiction ratione temporis does not exist as an independent con-
cept of the law governing international adjudication, and more spe-
cificallyof the law governing the jurisdiction and competence of the
Court. It is a dependent concept, giving rise to a particular problem
of determining the nature and effect of that dependency on the per-
sonal or the material jurisdiction of the Court, as the case may be."
(Shabtai Rosenne, The Laiv and Pructice of the International Court,
1920-1996, Vol. II, p. 583.)

14.2. 1sit possible to argue that in the case in hand the reserve ratione
temporis in the Yugoslav declaration of acceptance of compulsory juris-
diction of the Court is of such a nature that one could say that the

"absence of jurisdiction on the merits" - is manifest?
There is no doubt that there exists a fundamental difference between
the Parties concerning the qualification of the nature of the armed attack
on the Federal Republic of Yugoslavia. The Respondent finds that two
months of bombing and other acts aimed against the Federal Republic of
Yugoslavia represent "a continued situation", an inextricable organic
unity of a variety of acts, while Yugoslavia maintains that in question
isa

"breach of an international obligation . . composed of a series of
actions or omissions in respect of separate cases, [that] occurs at the
moment when that action or omission of the series is accomplished
which establishes the existence of the composite act" (The Interna-
tional Law Commission's Druft Articles on State Responsibility,
Part 1, Articles 1-35, Art. 25 (2), p. 272).
In this respect, the Application has invoked Article 25 (2) of the Draft LICÉITÉ DE L'EMPLOIDE LA FORCE (OP. DISS.KRECA) 641

mer une nouvelle procédure sur la base du traité - ce qu'il aurait

pleinement le droit de faire.)) (C.I.J. Recueil 1984, p. 428-429,
par. 83.)
En l'occurrence, quand bien mêmeil serait établi que les Parties,
qui étaient liéeschacune par la convention au moment du dépôt de
la requête,ne l'auraient étéentre elles qu'à compter du 14décembre
1995,la Cour riesaurait écartersa compétence sur cettebase dans la
mesure où la Bosnie-Herzégovinepourrait à tout moment déposer
une nouvelle requête, identique à la présente,qui serait de ce point
de vue inattaquable. >)(Application de la convention pour la préven-
tion et la répressiondu crime de génocide,exceptions préliminaires,

arrêt, C.1.J. Recueil 1996 (II), p. 613-614, par. 26.)

Ce n'est pas seulement la nature de la procédureen indication de me-

sures conservatoires qui s'oppose à l'établissement définitif etoncluant
de l'élémenttemporel de la compétence,c'est aussi la nature mêmede la
compétence rutione temporis de la Cour. En effet,
«la compétence ratione temporis n'existe pas en tant que concept

indépendant du droit régissant les décisions judiciaires internatio-
nales, et plus particulièrement encore du droit régissantla juridic-
tion et la compétence de la Cour. C'est un concept subordonné,
donnant lieu a un problème particulier, consistant à déterminer la
nature et l'effetde cette subordination sur la compétencepersonnelle
ou matérielle de la Cour, selon le cas.)) (Shabtai Rosenne, The
LUIVund Practice of the International Court, 1920-1996, vol. II,
p. 583.)

14.2. Est-il possible de soutenir qu'en l'espècela réserve rutione tem-
poris figurant dans la déclarationyougoslave d'acceptation de la juridic-
tion obligatoire de la Cour est de nature à permettre de dire que l'«in-

compétenceau fond» est manifeste?
Il ne fait pas de doute que les Parties s'opposent fondamentalement au
sujet de la qualification de l'attaque arméemenéecontre la République
fédéralede Yougoslavie. Pour le défendeur, deux mois de bombarde-
ments et d'autres actes dirigéscontre la République fédérale deYougo-
slavie représentent «une situation continue)), une unitéorganique inex-
tricable composée d'un grand nombre d'actes, tandis que, pour la
Yougoslavie, il s'agit d'une

((violation d'une obligation internationale ..compos[ée]d'une série
d'actions ou omissions relatives à des cas distincts, [qui] se produit
au moment de la réalisationde celle des actions ou omissions de la
sériequi établit l'existencedu fait composé)) (Projet d'articles de la
Commission du droit international sur la responsabilité des Etuts,
première partie, articles 1-35,art. 25, p. 272, par. 2).

11est d'ailleurs fait étatdans la requêtede ce paragraphe 2 de l'article 25Articles on State Responsibility, prepared by the International Law
Commission, which stipulates, inter alia, that:
"the time of commission of the breach extends over the entire period
from the first of the actions or omissions constituting the compo-
site act not in conformity with the international obligation and so

long as such actions or omissions are repeated" (The International
La~v CotrrmissionS Draft Articles on State Responsihility, Part 1,
Articles 1-35, Art. 25 (2), p. 272).
This fundamental difference in the outlook on the armed attack on the
Federal Republic of Yugoslavia, represents, legally speaking, "a disagree-
ment over a point of law . . .a conflict of legal views or of interests
between two persons" as defined in the Mavrommatis Palestine Conces-
sions (Judgment No. 2, 1924, P.C.I.J., Series A, No. 2, p. 11).

Consequently, in question is a dispute between the Parties, which is

not, per se, a matter of jurisdiction, in particular not a matter of prima
faciejurisdiction; however, the Court's decision on this dispute may have
an effect on its jurisdiction ratione temporis.
The Court, faced by a dispute of this kind, theoretically had two
options at its disposal:
(a) to resolve it lege artis. This possibility is, from the aspect of the
Court's well-settled jurisprudence, only theoretical. Because we are
dealing here with a matter which, as a rule, is not solved in the pro-
ceedings for the indication of provisional measures but in the pro-
cedure dealing with the merits of the case;

(b) to establish, as it has become customary for the Court, that there is
a disagreement over a point of law, but that it
"cannot make definitive findings either of fact or of law on the
issues relating to the merits, and the right of the Parties toontest
such issues at the stage of the merits must remain unaffected by
the Court's decision" (Questions of lnterpretation and Application
of the 1971 Montreal Convention arisingfrom the Aerial Incident
ut Lockerbie (Libyan Arab Jamahiriya v. United States of
America), Provisional Measures, Order of 14 April 1992, 1.C.J.

Reports 1992, p. 126,para. 41).
However, the Court has chosen a third, and, in my opinion, the least
acceptable solution. The Court did not enter into the resolution of the
case in hand; moreover, it has not even determined its basic features, nor
established that the dispute, by its nature, is not appropriate for being
dealt with in the proceedings the main purpose of which is to preserve the
rights of either Party, rights to be confronted at the merits stage of the
case. But, it has simply accepted one of the conflicting legal views and
thus made an interesting turnaround - by entering the sphere of interim
judgment, without a formal judgment. LICÉITÉ DE L'EMPLOI DE LA FORCE (OP.DISS. KRECA) 642

du projet d'articles sur la responsabilitédes Etats établipar la Commis-
sion du droit international, lequel dispose notamment aussi:
«le temps de perpétration de la violation s'étend sur la période

entière àpartir de la première desactions ou omissions dont I'ensem-
ble constitue le fait composénon conforme àl'obligation internatio-
nale et autant que ces actions ou omissions se répètent)) (Projet
d'articles de la Commission du droit international sur la responsabi-
lité desEtats, premièrepartie, articles 1-35, art. 25, p. 272, par. 2).
Cette opposition fondamentale sur la façon de concevoir l'attaque
arméedirigéecontre la République fédéralede Yougoslavie représente,

du point de vue juridique, «un désaccord sur un point de droit ... une
opposition de thèsesjuridiques ou d'intérêts)s )elon la définitiondonnée
dans l'affaire des Concessions Mavrommatis en Palestine (arrêtno 2,
1924, C.P.J.I. sérieA n" 2, p. 11).
Il s'agit par conséquentd'un différendentre les Parties qui, en soi, ne
porte pas sur la compétence,en particulier pas sur la compétence prima
facie; toutefois, la décisionque la Cour adoptera sur le différendpeut
avoir un effet sur sa compétence ratione temporis.
Face à un différendde ce type, la Cour a en principe le choix entre
deux solutions:

a) trancher le différendlege artis. Cette possibilitéest, du point de vue
de la jurisprudence bien établie dela Cour, exclusivement théorique.
Nous avons en effet affaire ici à une question qui, en règlegénérale,
se résout non pas lors de la procédure en indication de mesures
conservatoires mais lors de la procédure surle fond;
b) dire, comme la Cour en a pris l'habitude, qu'il existe undésaccordsur
un point de droit, mais qu'elle

((n'est pas habilitéeà conclure définitivement sur les faits ou le
droit. et que sa décisiondoit laisser intact le droit des Parties de
contester les faits et de faire valoir leurs moyens sur le fond))
(Questions d'interprétation et d'application de la convention de
Montréalde 1971résultant del'incident aérien de Lockerbie (Jama-
hiriya arabe libyenne c. Etats-Unis d'Amérique), mesures conser-
vatoires, ordonnancedu 14 uvril 1992, C.I.J. Recueil 1992, p. 126,
par. 41).

La Cour a toutefois choisi une troisième solution qui est, a mon avis, la
moins acceptable. La Cour ne s'est pas penchéesur la solution du diffé-
rend; en outre, elle n'a pas mêmeétabli quels sont ses principaux élé-
ments, et n'a pas établi non plus que le différend en question, par sa
nature même,ne saurait êtretraitélors d'une procédure qui a essentiel-
lement pour objet de préserverles droits de chacune des parties, droits
qu'il faudra confronter au stade de l'examen au fond. La Cour a pure-
ment et simplement accepté l'une des thèsesjuridiques opposéeesn prenant
ainsi un curieux virage - c'est-à-dire qu'elle estentréedans le domaine
de la décision provisoiresans pour autant se prononcer formellement. IV. ADDITIONA GLROUND OF JURISDICTION

15.During the second day of the oral proceedings before the Court,
the Applicant presented, vis-à-vis the Netherlands as the respondent
State, an additional, new basis of jurisdiction; namely, Article 4 of the
Treaty of Judicial Settlement, Arbitration and Conciliation between the
Netherlands and the Kingdom of Yugoslavia, 1931,which reads:

"If, in the case of one of the disputes referred to in Article 2, the
two Parties have not had recourse to the Permanent Conciliation
Commission, or if that Commission has not succeeded in bringing
about a settlement between them, the dispute shall be submitted
jointly under a special agreement, either to the Permanent Court of
International Justice, which shalleal with the dispute subject to the
conditions and in accordance with the procedure laid down in its
Statute, or to an arbitral tribunal which shall deal with it subject to

the conditions and in accordance with the procedure laid down by
the Hague Convention of October 18, 1907,for the Pacific Settle-
ment of International Disputes.
If the Partiesfail to agree as to the choice of a Court, the terms of
the special agreement, or in the case of arbitral procedure, the
appointment of arbitrators, either Party shall be at liberty, after
giving one month's notice, to bring the dispute, by an application,
direct before the Permanent Court of International Justice."

In his presentation counsel of the Netherlands explained, systemati-
cally and in detail, both forma1 and substantive, reasons against estab-
lishing jurisdiction of the Court on the basis of Article 4 of the said
Treaty.
The formal reason is associated with the time of the Applicant's invok-
ing of the above Treaty as a basis ofjurisdiction. The Netherlands, as the
respondent State, finds that it has been submitted at a late stage in the
proceedings "shortly before the close of the hearings" (CR99126, p. 3),
and that, therefore, it is inadmissible.
The Court finds :

"Whereas the invocation by a party of a new basis ofjurisdiction
in the second round of oral argument on a request for the indication
of provisional measures has never before occurred in the Court's
practice; whereas such action at this late stage, when it is not
accepted by the other party, seriously jeopardizes the principle of
procedural fairness and the sound administration of justice; and
whereas in consequence the Court cannot, for the purpose of decid-
ing whether it may or may not indicate provisional measures in the
present case, take into consideration the new title of jurisdiction

which Yugoslavia sought to invoke on 12 May 1999." (Order,
para. 44.) LICÉITÉ DE L'EMPLOI DE LA FORCE (OP. DISS. KRECA)

IV. UN CHEF SUPPLÉMENTAIRE DE COMPÉTENCE

15. Le deuxièmejour de la procédureorale devant la Cour, le deman-
deur a présenté à l'encontre des Pays-Bas, 1'Etatdéfendeur,un nouveau
chef de compétence sous forme de complément, l'article 4 du traité de
règlement judiciaire, d'arbitrage et de conciliation de 1931, qui se lit
comme suit :
((Si, dans le cas d'un des litiges viàéI'article 2,les deux Parties

n'ont pas eu recoursà la Commission permanente de conciliation ou
si celle-ci n'a pas réussiconcilier les Parties, le litige sera soumis
d'un commun accord par voie de compromis soit à la Cour perma-
nente de Justice internationale qui statuera dans les conditions et
suivant la procédureprévuespar son Statut, soit à un tribunal arbi-
tral qui statuera dans les conditionset suivant la procédureprévues
par la convention de La Haye du 18octobre 1907pour le règlement
pacifique des conflits internationaux.

A défaut d'accord entre les Parties sur le choix de la juridiction,
sur les termes du compromis ou, en cas de procédurearbitrale, surla
désignationdes arbitres,l'une ou l'autre d'entre elles après un préa-

vis d'un mois, aura la faculté de porter directement, par voie de
requête, le litige devant la Cour permanente de Justice internatio-
nale.»
Dans son exposé. le conseil des Pays-Basa expliquésystématiquement,
en détail,à la fois les raisons de forme et les raisons de fond qui militent

contre l'idéede fonder la compétencede la Cour sur l'article 4 dudit
traité.
Le motif de forme est liéau moment auquel le demandeur invoque
ledit traitécomme base de compétence. L'Etat défendeur,en l'espèce les
Pays-Bas, estime que le nouveau chef de compétence a été à un
stade tardif de la procédure,(peu avant la clôture des débats))(CR 99/26,
p. 7), et est par conséquentirrecevable
La Cour dit:

((Considérantque l'invocation par une partie d'une nouvelle base
dejuridiction au stadedu second tour de plaidoiries sur une demande
en indication de mesures conservatoires est sans précédentdans la
pratique de la Cour; qu'une démarcheaussi tardive, lorsqu'elle n'est
pas acceptéepar l'autre partie, met gravement en pérille principe du
contradictoire et la bonne administration de la justice; et que, par
suite, la Cour ne saurait, aux fins de décidersi elle peut ou non indi-
quer des mesures conservatoires dans le cas d'espèce, prendre en
considération le nouveau chef de compétencedont la Yougoslavie a
entendu se prévaloirle 12mai 1999.))(Ordonnance, par. 44.) Such a position of the Court is far from being tenable.
The position of the Court with respect to additional grounds seems
well settled in the Court's jurisprudence. In its Judgment of 26 November
1984in the Nicaragua case, the Court stated that:

"The Court considers that the fact that the 1956Treaty was not
invoked in the Application as a title ofjurisdiction does not in itself
constitute a bar to reliance being placed upon it in the Memorial.
Since the Court must always be satisfied that it has jurisdiction
before proceeding to examine the merits of a case, it is certainly
desirable that 'the legal grounds upon which the jurisdiction of the
Court is said to be based' should be indicated at an early stage in the
proceedings, and Article 38 of the Rules of Court therefore provides
for these to be specified 'as far as possible' in the application. An
additional ground of jurisdiction may however be brought to the

Court's attention later, and the Court may take it into account pro-
vided the Applicant makes it clear that it intends to proceed upon
that basis (Certain Nor1t9egianLoans, 1.C. J. Reports 1957, p. 25),
and provided also that the result is not to transform the dispute
brought before the Court by the application into another dispute
which is different in character (Socit.té Commerciale de Belgique,
P.C. I.J.,Series AIB, No. 78, p. 173)." (Military and Paramilitary
Activities in and against Nicaragua (Nicaragua v. United States of
America), I.C.J. R~~ports 1984, pp. 426-427, para. 80.)

The question of admissibility of additional grounds was considered by
the Court also in the second request for the indication of provisional

measures in the case concerning the Application of the Convention on the
Prevention und Punishment of the Crime of Genocide.
By a second request filed in the Registry on 27 July 1993, Bosnia and
Herzegovina requested that the Court indicate additional provisional
measures. By letters dated 6 August, 10August and 13August 1993,the
Agent of Bosnia and Herzegovina submitted that the Court's jurisdiction
was grounded not only on thejurisdictional bases previously put forward
but also on additional grounds.

In itsOrder of 13 September 1993, in paragraph 28, the Court con-
cluded that :

"for the purposes of a request for indication of provisional mea-
sures, it should therefore not exclude a priorisuch additional bases
of jurisdiction from consideration, but that it should consider
whether the texts relied on may, in al1the circumstances, including
the considerations stated in thedecision quoted above, afford a basis
on which the jurisdiction of the Court to entertain the Application
might prima facie be established" (Application of the Convention on
the Prrvention urzd Punislzn~rnt qf the Crime uf Genocide. Provi- La Cour adopte là une position qui ne tient pas du tout.
En ce qui concerne leschefs supplémentairesde compétence, laCour a
une pratique fort bien établiedans sa jurisprudence. Dans l'arrêtqu'elle
rend le 26 novembre 1984dans l'affaire du Nicaragua, elle dit cec:

«La Cour considèreque le fait de ne pas avoir invoqué le traitéde
1956comme titre de compétencedans la requêten'empêchepas en
soi de s'appuyer sur cet instrument dans le mémoire. LaCour devant
toujours s'assurer de sa compétenceavant d'examiner une affaire au
fond, il est certainement souhaitable queles moyens de droit sur les-
quels le demandeur prétendfonder la compétencedela Cour)) soient
indiqués dans les premiers stades de la procédure, et l'article 38
du Règlement spécifiequ'ils doivent l'être«autant que possible))
dans la requête.Un autre motif de compétence peut néanmoinsêtre
portéultérieurement àl'attention de la Cour, et celle-cipeut en tenir
compte à condition que ledemandeur ait clairementmanifestél'inten-
tion de procédersur cette base(Certains emprunts norvégiens,C.I.J.
Recueil 1957, p. 25),à condition aussi que le différendporté devant

la Cour par requête nese trouve pas transformé en un autre diffé-
rend dont le caractère ne serait pas le mêmeSociétécommerciale de
Belgique, C.P.J.I. sérieAIB no 78, p. 173).» (Activitésmilitaires et
paramilitaires au Nicuraguu et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-
Unis d'Amérique), C.I.J. Recziei1984, p. 426-427, par. 80.)

La Cour a été également appelée à se prononcer sur la recevabilitéde
nouvelles bases de compétence à l'occasion de la seconde demande en
indication de mesuresconservatoires dans l'affaire relative l'Application
de la conventionpour lupréventionet lu répressiondu crime de génocide.
En effet, par une seconde demande déposéeau Greffe le 27juillet 1993,
la Bosnie-Herzégovine ademandé à la Cour l'indication de mesures
conservatoires complémentaires. Par des lettres en date du 6 août, du

10 août et du 13 août 1993, l'agent de la Bosnie-Herzégovine aprécisé
que la compétencede la Cour reposait non pas seulement sur lesbases de
compétencedéfiniesprécédemmentmais égalementsur des bases supplé-
mentaires.
Dans l'ordonnance qu'elle rend à ce sujet le 13 septembre 1993, la
Cour conclut au paragraphe 28 :

«aux fins d'une demande en indication de mesures conservatoires, la
Cour ne doit pas se refuser à priori d'examiner de telles bases sup-
plémentairesde compétence, maiselle doit se demander si, compte
tenu de toutes les circonstances, y compris les considérations énon-
céesdans la décision précitéele,s textes invoquéspourraient consti-
tuer une base sur laquelle sa compétencepour connaître du différend

pourraitprima facie être fondée)()Applicationde la conventionpour
la préventionet lu répressiondu crime de génocide, mesuresconser- sionul Measures, Order of 13 September 1993, 1.C. J. Reports 1993,
p. 339).

16. Consequently, it follows that, from the standpoint of the Court's
jurisprudence, three conditions are essential for additional grounds to
qualify as admissible :
(a) that the Applicant makes it clear that it intends to proceed upon
that basis;

(6) that the result of invoking additional grounds is not to transform
the dispute brought before the Court by the application intoanother
dispute which is different in character; and
(c) that additional grounds afford a basis on which the jurisdiction of
the Court to entertain the application might be prima facie estab-
lished.
It is difficult to deny that al1the three relevant conditions have con-
curred in the case in hand for additional grounds to be admissible.

The very fact that the Applicant invoked Article 4 of the Treaty of
1931,with relianceon the reserve regarding the right to amend the Appli-
cation, offers peu se sufficient ground for the conclusion that it intends
to proceed upon that basis. Furthermore, in the request the Applicant
clearly stated that in question is a Supplement to the Application against
the Netherlands "for violation of the obligation not to use force", which
implies that additional ground does not transform the dispute brought
before the Court into another dispute which is different in character. (As
an example of additional grounds objectively leading to the transforma-
tion of the dispute before the Court into another dispute which is differ-
ent in character, one may mention grounds presented by Bosnia and
Herzegovina in a second request for the indication of provisional meas-
ures filed with the Registry of the Court on 27 July 1993: namely, that it

is difficult to prove that the 1919 Treaty concluded between the Allied
and Associated Powers and the Kingdom of the Serbs, Croats and
Slovenes on the Protection of Minorities or the
"Customary and Conventional International Laws ofWar and Inter-
national Humanitarian Law, including but not limited to the four
Geneva Conventions of 1949, their First Additional Protocol of
1977, the Hague Regulations on Land Warfare of 1907" (Applica-
tion of the Convention on the Prevention und Punishment of the

Crime of Genocide, Provisionul Measures, Order of 13 September
1993, 1.C. J. Reports 1993, p. 341, para. 33)

are directly linked with the object of the dispute in the case concerning
Applicution of the Convention on the Prevention and Punishment of the
Crime of Genocide and do not transform the dispute brought before the
Court into another one.)

And finally it seemsto me to be indisputable that the 1931Treaty was LICÉITE DE L'EMPLOI DE LA FORCE (OP.DISS.KRECA) 645

vutoires, ordonnance du 13 septembre 1993, C. 1J. Recueil 1993,
p. 339).

16. On peut par conséquent en déduire que, du point de vue de la
jurisprudence de la Cour, il faut absolument que trois conditions soient
remplies pour que de nouveaux chefs de compétence soientrecevables:

a) le demandeur doit indiquer clairement qu'il entend procédersur cette
base ;
b) l'invocation de chefs supplémentaires de compétence ne doit pas
transformer le différendporté devant la Cour par requêteen un autre
différenddont le caractère ne serait pas le même;
c) les nouveaux chefs de compétence invoqués peuvent constituer une
base sur laquelle la compétencede la Cour pour connaître du diffé-
rend pourrait être fondée primu fucie.

Ilest difficilede nier qu'au regard de ces trois conditionsa remplir, de
nouveaux chefs de compétencesont parfaitement recevables en l'espèce.
Le fait mêmeque le demandeur invoque l'article 4du traitéde 1931en
s'appuyant sur la réserve relativeau droit de modifier la requête,autorise
en soi a conclure qu'il al'intention de procédersur cette base. En outre,
dans sa requête,le demandeur a clairement déclaréqu'il présentait un
complément à ladite requêtecontre les Pays-Bas «pour violation de
l'obligation de ne pas recourir à l'emploi de la force)), ce qui précise

implicitement que ce nouveau chef de compétence netransforme pas le
différend vortédevant la Cour en un autre différenddont le caractère ne
serait pas le même.(On peut citer a titre d'exemple de chef supplémen-
taire decom~étencetransformant obiectivemcnt le différendvortédevant
la Cour en un autre différenddont le caractère n'est pas le mêmemotif
présentépar la Bosnie-Herzégovinedans une seconde demande en indica-
tion de mesures conservatoires déposéeauprès du Greffe de la Cour le
27 juillet 1993 :il est en effet difficile de prouver que le traité de 1919
conclu entre les Puissances alliéeset associéeset le Royaume des Serbes,
Croateset Slovènessur la protection des minorités ou bien

«le droit international de la guerre coutumier et conventionnel et ...
le droit international humanitaire, y compris, mais sans que cette
énumérationsoit limitative, les quatre conventions de Genève de
1949, lepremier protocole additionnel de 1977 à ces conventions, le
règlementannexé a la convention de La Haye de 1907concernant les
lois et coutumes de la guerre sur terre)(Application de la convention
pour lu prévention et lu répression ducrime de génocide, mesures
conservatoires, ordonnunce du 13 septembre 1993, C. 1J. Recueil

1993, p. 341, par. 33)
ont un lien direct avec l'objet du différenddans l'affaire relativel'Appli-
cation de lu converztionpour lu prévention et la répressiondu crime de
génocide et ne transforment pas le différendporté devant la Cour en un
autre différend).
En dernier lieu, il me paraît incontestable que le traitéde 1931,lequel646 LEGALITYOF USE OF FORCE (DISS O.P. KRECA)

concluded and designed for the purpose of dealing with disputes which
rnay arise between the Contracting Parties through "conciliation, judicial
settlement and arbitration" per de$nitionem affords a basis on which the
jurisdiction of the Court to entertain the Application rnay be established.

Article 4 (1) stipulated that "the dispute shall be submitted jointly under
a special agreement" and, as that obviously is not the case, only para-
graph 2 of the said Article rnay be the appropriate basis ofjurisdiction of
the Court pro futuro.
Accordingly, it remains to beestablishedwhether theApplicant invoked
additional grounds in extremis at a late stage of the proceedings.

Article 38, paragraph 2, of the Rules of Court provides that "[tlhe
Application shall specifyasfur aspossible the legal grounds upon which
the jurisdiction of the Court is said to be based" (emphasis added). The
phrase "as far as possible" clearly indicates that the Application need not
necessarily specify al1the legal grounds upon which thejurisdiction of the
Court is "said to be based". The jurisprudence of the Court, as rnay be
seen from the cases referred to above, has been established in accordance

with this, 1would Say,the only possible interpretation of Article 38, para-
graph 2, of the Rules of Court.
Neither the Statute nor the Rules of Court contain provisions which,
directly or indirectly,define what is an "early" or a "late" stage of the
proceedings.
Itis certain that the standpoints of litigating parties cannot per se be
taken as a reliable and convincing criterion. Their perception of "the
early or timely" and "late" is, quite understandably, burdened with sub-
jectivism.
Hence, it seems necessary to resort to some, at least basically, objective
criterion for the assessrnent of what is a "late stage of the proceedings".

From the aspect of the Rules of Court it rnay be contended that the
"late or latest" stage of the proceedings coincides withthe formal closure,

at least when the proceedings for the indication of provisional measures
are involved. Such an interpretation seems suggested by Article 74, para-
graph 3, of the Rules of Court which, inter aliu, provides that "[tlhe
Court shall receive and take into account any observations that rnay be
presented to it befove the closure of the oral proceedings" (emphasis
added.)The broad, general formulation "any observations" implies that
"observations" rnay be presented either orally or in written form.

Such a broadly conceived right of the parties in the proceedings for the
indication of provisional measures, in particular when grounds for juris-
diction are in question, must be brought into correspondence with the
essential need for the Court to find, within a short time-limit commensu-
rate with the urgency of the proceedings, a satisfactory solution both
with respect to prima faciejurisdiction and with respect to other relevant

facts. LICÉITÉ DE L'EMPLOI DE LA FORCE (OP. DISS. KRECA) 646

a été conclu etconçu pour réglerles différends éventuelsentre les parties
contractantes par ((la conciliation, le règlement judiciaire et l'arbitrage))
propose par définition une basesur laquelle fonder la compétence de la

Cour pour connaître de la requête.Le premier alinéa del'article 4 dudit
traitéstipule que ((lelitige ser[a]soumis d'un commun accord par voie de
compromis))et, comme tel n'est manifestement pas le cas, c'est le second
alinéadu mêmearticle qui p-ut-normalement conférer compétence à la
Cour pro futuro.
Dans ces conditions, il reste à établir si le demandeur a vraiment
invoqué son nouveau chef de compétence in extremis, àun stade tardif de
la procédure.
L'article 38,paragraphe 2, du Règlementde la Cour, dispose que «[l]a
requête indique autant que possible les moyens de droit sur lesquels le
demandeur prétend fonder la compétence dela Cour» (les italiques sont

de moi). Cette formule, ((autant que possible)), montre clairement qu'il
n'y a pas lieu de préciser nécessairementdans la requêtetous les moyens
de droit sur lesquels le demandeur entend ((fonder la compétence de la
Cour)). Comme on peut le déduiredes exemples cités ci-dessus,la Cour
s'inspire dans sajurisprudence de ce qui me paraît êtreainsi la seuleinter-
prétation possible de l'article38, paragraphe 2, de son Règlement.
Au reste, ni le Statut ni le Règlement de la Cour n'énoncede disposi-
tions aui définissent directementou indirectement ce au'il faut entendre
par stade «précoce» ou «tardif» de la procédure.
Il est certain qu'a cet égard,l'avis desParties en litige ne constitue pas
en soi un critèrefiable et déterminant. Ce qu'ils entendent par «précoce»

ou «opportun», ou bien par «tardif» est évidemmententaché desubjec-
tivité.
C'est pourquoi il me paraît nécessairede faire appel, ne serait-ce que de
façon élémentaire,a un critère objectifpour apprécierce qui peut repré-
senter un «stade tardif de la procédure)).
Au sens du Règlement de la Cour, on peut dire que le ((stade tardif))
ou bien le «dernier stade» de la procédurecoïncide avec la clôture offi-
cielle, tout aumoiris quand il s'agit de la procédurerelative à l'indication
de mesures conservatoires. C'est là l'interprétation quivient a l'esprità la
lecture de l'article74, paragraphe 3, du Règlement, qui dispose notam-
ment que «[l]a Cour reçoit et prend en considération toutes observations

qui peuvent lui êtreprésentées uvant la clôture de cette procédure)) (les
italiques sont de moi). La formule très large, très générale c<toutes obser-
vations» signifie implicitement que ces «observations» peuvent êtrepré-
sentées soitoralement soit par écrit.
Que le droit des parties soit conçu de façon aussi large dans le cadre de
la procédurerelative a l'indication de mesures conservatoires, en particu-
lier quand il s'agit d'établirles chefs de compétence, fait écho aubesoin
impératif, pour la Cour, de trouver dans un délaitrès court, correspon-
dant à l'urgence de la procédure,une solution satisfaisante tant en ce qui
concerne sa compétence prima,fucie qu'en ce qui concerne les autres faits
pertinents.647 LEGALlTY OF USE OF FORCE (DISSO. P.KRECA)

The imperative wording of the relevant provision does not allow
departure. However, it is up to the Court to find a practical solution in
each particular case, without derogating from the substance of this provi-
sion, a solution in which, in keeping with the fundamental equality of the
parties, would make it possible for the other party to state its position

with respect to the relevant matter - in this particular case with respect
to additional grounds of jurisdiction.
In the case in hand the Court proceeded in this way, affording an
opportunity for the party within the appropriate time-limit which corre-
sponded to the time-limit in which the parties in the second round of
hearing had to respond to the allegations of the parties submitted in the
first round.
The argument used by the Court, inter alia, to vindicate the qualifica-
tion that additional ground of jurisdiction, as contained in Article 4 of
the Treaty of 1930,is inadmissible is nothing more than just a forma1jus-
tification of convenience.

If one follows the logic that an action in a litigation is inadmissibleust
because the Court is confronted with it for the first time, then one might
well presume that the Court, after being constituted in 1946,would have
found itself commencing its function in an exceptionally difficult situa-
tion without previously having had the opportunity to familiarize itself
with the course of the litigation and with the actions of the parties.
17. In addition to the formal question, questions of a substantive
nature arise. The basic question of a substantive nature is whether the
Federal Republic of Yugoslavia is a Contracting Party to the 1931
Treaty. The matter this time boils down to the qualification of the terri-
torial changes which have occurred in the former Socialist Federal Repub-
lic of Yugoslavia and their consequences for the status of the Federal

Republic of Yugoslavia.
In concreto, the matter may be viewed on several levels:
(a) if the Court has found that the Federal Republic of Yugoslavia is a
Member of the United Nations irrespective of the basis and modali-
ties of its position - whether from the standpoint of the proceed-
ings before the Court or in general - then ipsofucto it may be
inferred that the Federal Republic of Yugoslavia is a Contracting

Party to the Treaty of 1931,with reliance on the rule embodied in
Article 35 of the Convention on the Succession of States with
respect to international treaties which establishes that:
"When, after separation of any part of the territory of a State,
the predecessor State continues to exist, any treaty which at the
date of succession of States was in force in respect of the predeces-

sor State continues in force in respect of its remaining territory
unless:
(a) the States concerned otherwise agree;
(b) it is established that the treaty related only to the territory
which has separated from the predecessor State; or LICÉITÉ DE L'EMPLOI DE LA FORCE (OP. DISS.KRECA) 647

Le libelléimpératifde la disposition pertinente n'autorise aucune déro-
gation. Mais il appartientà la Cour de trouver concrètement une solution
dans chaque cas d'espèce sans pour autant s'écarterde la disposition
quant au fond, une solution qui, respectant l'égalité fondamentale entre

les parties, permettrait la partie adverse d'exposer sa position en ce qui
concerne la question dont il s'agit en l'espèce lechef supplémentairede
compétence.
En l'occurrence, la Cour a procédéde cette façon, donnant à ladite
Partie la possibilitéde réagirdans le délaiaccordéaux Parties au second
tour de plaidoiries pour répondre aux allégations présentéelsors du pre-
mier tour.

L'argument utilisépar la Cour pour soutenir que le chef supplémen-
taire de compétencequ'apporte l'article 4 du traité de1931est irrecevable
correspond à une justification formelle répondant exclusivement à un

souci de commodité.
Si, dans le cadre d'un procès, un acte doit êtredéclaré irrecevable sim-
plement parce qu'il est sans précédentdans la pratique de la juridiction
saisie, en bonne logique, la Cour, après sa création en 1946, aura com-
mencé à fonctionrier dans des conditions extraordinairement difficiles
puisqu'elle n'aura pas eu la possibilitéde se familiariser avec le déroule-
ment d'un procès e:tles initiatives des parties.
17. Outre cette question de forme, il se pose aussi des questions de
fond. A cet égard, la question essentielle est de savoir si la République
fédéralede Yougo:slavieest partie contractante au traité de 1931. Cette
fois, la question se ramèneà celle de savoir quelle est la nature des trans-

formations territoriales de l'ancienne République fédérativesocialiste de
Yougoslavie et quelles ont été leurs conséquencessur le statut de la
Républiquefédérale de Yougoslavie.
Concrètement, or1peut considérerla question de différents points devue:
a) si la Cour estime que la République fédéralede Yougoslavie est
Membre des Nations Unies indépendamment du fondement et des
modalités desa.situation - que cette conclusion concerne exclusive-

ment la procéduredevant la Cour ou que ce soit un principe général
- on peut alors en déduire que la République fédéralede Yougo-
slavie est partie contractante au traité de1931,en s'appuyant surI'ar-
ticle 35 de la convention de Vienne sur la succession d'Etats en ma-
tièrede traitésqui énoncela règlesuivante:
ccLorsque, après séparation de toute partie du territoire d'un

Etat, 1'Etat prédécesseurcontinue d'exister, tout traité qui, à la
date de la succession d'Etats, étaiten vigueur à l'égardde 1'Etat
prédécesseuirreste en vigueur à l'égarddu reste de son territoireà
moins :
a) que les Etats intéressés n'enconviennent autrement;
6) qu'il rie soit établique le traité se rapporte uniquement au
territoire qui s'est séparé de'Etat prédécesseur;ou (c) it appears from the treaty or is otherwise established that
the application of the treaty in respect of the predecessor State
would be incompatible with the object and purpose of the treaty
or would radically change the conditions for its operation."
(Vienna Convention on Succession of States in Respect of Trea-
ties, Art. 35, United Nations Conference on Succession of States
in Respect of Treaties, OfJicialRecords, Vol. III, p. 194.)

(6) if the Court has found that the Federal Republic of Yugoslavia can-
not automatically continue the membership of the Socialist Federal
Republic of Yugoslavia in the United Nations on the basis of Gen-
eral Assembly resolution 4711,such a position of the Court need not
necessarily lead to a conclusion that the Federal Republic of Yugo-
slavia is not a Contracting Party to the Treaty of 1931.The notions
of "continuity of membership in the United Nations" and "legal
identity and continuity" are not identical.

The automatic continuation of membership in the United Nations is,
undoubtedly, one of the forms in which the legal continuity of a State
affected by territorial changes is expressed. However, it does not auto-
matically follow from the above that the continuity of membership in the
United Nations covers fully the notion of legal continuity of a State;
namely, although it may be a very important component of legal conti-
nuity of a State, especially for political reasons, the membership in the
United Nations taken per se can neither constitute that continuity nor
nullify it. A State's membership in international organizations givescon-
stitutional effect to the notion of continuity but only in Company with
other relevant elements to which it isorganically linked. This refers in the
first place to diplomatic relations and the status of a party to treaties in
force.

By its conduct after the secession of the former Yugoslav federal units
the Netherlands recognized, at least de fucto, the legal identity and con-
tinuity of the Federal Republic of Yugoslavia. Namely, the Netherlands
ranks among the group of countries which have in continuo and without
any interruption in time at al1continued to maintain diplomatic relations
with the Federal Republic of Yugoslavia, relations which it had previ-
ously established and maintained in various periods of time with the
former Socialist Federal Republic of Yugoslavia. Even when it recog-
nized the seceded Yugoslav federal units as sovereign and independent
States, and established diplomatic relations with them, the Netherlands
did not, in the form of an instrument appropriate to inter-State relations,
express an official, legallyrelevant, position to the effect that it considers
the Federal Republic of Yugoslavia a new State and that it is bringing
diplomatic relations in line in accordance with that fact. LICÉITÉ IIE L'EMPLOI DE LA FORCE (OP. DISS.KRECA) 648

c) qu'il ne ressorte du traitéou qu'il ne soit par ailleurs établi
que l'application du traité à l'égardde 1'Etat prédécesseur serait
incompatible: avec l'objet et le but du traitéou changerait radica-
lement lesconditions d'exécutiondu traité))(Convention de Vienne
sur la succession d'Etats en matière de traités,art. 35);

6) si la Cour estime que la Républiquefédéralede Yougoslavie ne peut
pas assumer automatiquement la qualité de Membre des Nations
Unies a la place de la Républiquefédérativesocialiste de Yougosla-
vie, comme l'indique la résolution4711de l'Assemblée généralc e,tte
position de la Cour n'incite pasnécessairementà conclure que la Répu-
blique fédérale de Yougoslavie n'est pas partie contractante au traité
de 1931. Les notions de ((continuité de la qualité d'Etat Membre

des Nations Uriies)) et d'«identité et continuitéjuridiques)) ne sont
pas identiques.
La succession automatique de la qualité d'Etat Membre au sein des
Nations Unies est incontestablement l'une des formes sous lesquelles
s'exprime lapermanence juridique d'un Etat qui subit des modifications
territoriales. Toutefois, il n'endécoulepas automatiquement que cette suc-

cession automatiqui: en ce qui concerne la qualité d'Etat Membre des
Nations Unies couvre intégralementla notion de continuitéjuridique d'un
Etat; mais il s'agitd'un élémenetxtrêmementimportant decettecontinuité
juridique, en particulier pour des raisons politiques, car la qualitéd'Etat
Membre des Nations Unies, en soi, ne peut ni constituer cette continuiténi
l'annuler. Qu'un Etat soit membre d'organisations internationales ne
donne, du point de .vueconstitutionnel, effet a la notion de continuitéque
si cette qualités'accompagned'autres éléments pertinents auxquels elle est
organiquement liée. II s'agit avant tout des relations diplomatiques et du
fait pour ledit Etat d'être partiedes traitésen vigueur.
Par le comportement adopté après la sécessionde certaines unitésde
l'ancienne Fédérationyougoslave, les Pays-Bas ont reconnu, de facto
tout au moins, l'identitéet la continuitéjuridiques de la Républiquefédé-

rale de Yougoslavie. C'est-à-dire que les Pays-Bas figurent au nombre des
pays qui ont en permanence, sans aucune solution de continuité, entre-
tenu des relations diplomatiques avec la Républiquefédéralede Yougo-
slavie, relations qu'ils avaient précédemment établieset entretenues a
diverses périodesavec l'ancienne Républiquefédérativesocialiste de You-
goslavie. Et mêmequand ils ont reconnu que les entitésde la Fédération
yougoslave ayant fait sécessionétaient devenues des Etats souverains et
indépendantset qu'ils ont établiavec ces derniers des relations diploma-
tiques, les Pays-Bas n'ont pas adopté officiellement, sous la forme d'un
instrument adapté aux relations interétatiques, une position juridique
pour indiquer que la République fédéralede Yougoslavie était à leurs
yeux un Etat nouveau et qu'ils rénovaienten conséquence leurs relations
diplomatiques avec ce pays.649 LEGALlTY OF USE OF FORCE (DISS .P. KRECA)

The Netherlands makes no bones of the fact that it was in negotiations
with the Federal Republic of Yugoslavia; that preliminary agreement
was reached for a certain number of bilateral treaties concluded with the
Socialist Federal Republic of Yugoslavia to continue in force, but that
the Treaty of 1931was not in that group of treaties, and that the agree-
ment arrived at was not formally confirmed.
Leaving aside the question whether the continuation in force of the
Treaty of 193 1was addressed or not, a number of facts are indisputable:

(a) that, on the basis of the agreement reached, but not confirmed
formally, the Netherlands agreed that a certain number of bilateral
treaties concluded with the Socialist Federal Republic of Yugoslavia
continue in force also with the Federal Republic of Yugoslavia.
Thus, the Netherlands, volens-nolens, tacitly recognized the legal

identity of the Federal Republic of Yugoslavia and the continuity
between the Socialist Federal Republic of Yugoslavia and the Fed-
eral Republic of Yugoslavia;
(6) the agreement reached on the continuation in effect of a certain
number of bilateral treaties, although without formal confirmation,
is not without legal effects. It could besaid to fall within the cat-
egory of oral, informal treaties which the Convention on the Law of
Treaties recognizes as being of binding character. In the commen-
tary on Article 2, "Use of Terms", of the Convention it is stated,
inter alia:

"[tlhe restriction of the use of the term 'treaty' in the draft
articles to international agreements expressed in writing is not
intended to deny the legal force of oral agreements under inter-
national law" (Yearbook of the International Law Commission,
1996,Vol. II, p. 189).

Finally, it is hard to presume that, in the preparations for negotiations
on the continuation in force of bilateral treaties concluded with the
Socialist Federal Republic of Yugoslavia, a highly organized State such
as the Netherlands did not look into the state of its treaty relations with
the Federal Republic of Yugoslavia. In particular, the fact should be
borne in mind that the federal Yugoslavia that emerged from the Second
World War was also formally recognized by the international community
as continuator of the Kingdom of Yugoslavia, and such a recognition
implied, inter alia, that federal Yugoslavia is bound by al1 rights and
obligations under the treaties concluded by the Kingdom of Yugoslavia
before the Second World War.
The fact that the Netherlands is not a Contracting Party to the Con-
vention on Succession is not relevant in terms of the rule embodied in
Article 35 of the Convention.

The rule is associated with the existing, customary law and is binding
on States over and above, and independently of, the Convention. The LICÉITÉ IIE L'EMPLOI DE LA FORCE (OP.DISS.KRECA) 649

Les Pays-Bas ne dissimulent nullement le fait qu'ils étaienten train de
négocier avecla République fédéralede Yougoslavie; qu'ils avaient à
titre préliminaire convenu qu'un certain nombre de traités bilatéraux
conclus avec la République fédérativesocialiste de Yougoslavie reste-
raient en vigueur niais que le traité de 1931 ne faisait pas partie de ce
groupe detraités et(quel'accord réalisn'étaitpas officiellementconfirmé.
Si nous laissonsde côtéle point de savoir si lemaintien en vigueur du
traité de 1931étaitou non en cours de négociation, plusieurs faits n'en
sont pas moins incontestables:

a) dans le cadre de l'accord réalimais non pas confirméofficiellement,
les Pays-Bas ont admis qu'un certain nombre de traités bilatéraux
conclus avec la République fédérativesocialiste de Yougoslavie
demeurent en vigueur avec la République fédéralede Yougoslavie.
C'est-à-dire que les Pays-Bas,nolens-volens,ont tacitement reconnu

l'identité juridique de la République fédéralede Yougoslavie ainsi
que la continuité entre la République fédérativsocialiste de Yougo-
slavie et la République fédéralede Yougoslavie;
b) I'accord réalisésur ce maintien en vigueur d'un certain nombre de
traités bilatéraux.mêmes'il n'est vas officiellement confirmé. n'est
pas dépourvu d'ekets juridiques. CL a^cord relèvede la catégo;iedes
conventions orales, informelles auxquelles la convention de Vienne
sur le droit des. traités reconnaît un caractère obligatoire. Dans le
commentaire de l'article 2 de la convention, intitulé «Expressions
employées)),ilest notamment déclaré:

«[s]il'emploidu terme «traité»dans le projet d'articlesest limité aux
accords internationaux en forme écrite,cen'estpas pour nier lavaleur
juridique des accords verbaux en droit international))nuaire de la
Commission du droit international, 1966vol. II, p206).

En dernier lieu, isn a peineà croire qu'en se préparant a négocierle
maintien en vigueur de traités bilatéraux conclus avec la République
fédérative socialisti: de Yougoslavie, un Etat aussi organisé que les
Pays-Bas ne se soit pas penché sur ce qu'il advenait de ses relations
conventionnelles avec la République fédéralede Yougoslavie. En parti-
culier, on ne doit pas oublier que la Fédérationyougoslave issue de la
seconde guerre mondiale a été égalemeno tfficiellement reconnue par la
communauté internationalecomme le successeur du Royaume de You-
goslavie, et cette reconnaissance signifieimplicitement que la Fédération
de Yougoslavie est liéepar tous les droits et obligations découlant des
traités conclus par le Royaume de Yougoslavie avant la seconde
guerre mondiale.
Le fait que les Pays-Bas ne soient pas partie contractante la conven-
tion sur la succession d'Etats n'a pas d'importance du point de vue de la

règleénoncée à l'article 35 de ladite convention.
Cette règle relèvedu droit coutumier existant et lie lesEtats en l'absence
de ladite convention et indépendamment d'elle. Cette convention sur laConvention on Succession isa sui generis mixture of elements of codifica-
tion and progressive development. The rule contained in Article 35 of the
Convention, as an expression of the codification of the existing, custom-
ary law, has only a declarative meaning.
Hence there follows the inevitable conclusion that the Netherlands
knew or was obliged to know that the Treaty of 1931 is in force and that,
consequently, it is binding on it. It is hard to believe that a State, as a

professionally and intellectually highly organized international legal sub-
ject, is not aware of its rights and obligations.

Generally speaking, two assumptions are possible :

(a) that the Netherlands was not aware that the Treaty of 1931 is in
force. If this assumption is correct, the Netherlands was mistaken
with respect to its rights (errorinjus).According to the general legal
principle- ignorantia legis nocet - also embodied in the Law of
Treaties (1969), such a mistake is irrelevant;

(6) the Netherlands was aware of the fact that the Treaty of 1931was in
force but, for some reasons, it did not disclose it in the proceedings
before the Court. For practical purposes of the proceedings before
the Court, the difference between assumptions under (a) and (6) is
here "immaterial".

The position of the Court expressed in paragraph 44 of the Order is far
from being acceptable.
Bythe clear and unambiguous indication in that regard of the wording
of Article 74, paragraph 3, of the Rules of Court, the Court was under
the obligation to receive and take into account observations of the Fed-
eral Republic of Yugoslavia which relates to the Treaty of 1931as addi-

tional grounds of jurisdiction. Article 4 of the Treaty is a prima facie
basis of the jurisdiction of the Court in the proceedings for the indication
of provisional measures requested by the Applicant. The Court, pursuing
the logic which it implemented in the Genocide case, need not have
entered into the matter of succession of States. In the second proceedings
for the indication of provisional measures in the Genocide case, in con-
nection with the contentions of Bosnia and Herzegovina as to the 1919
Treaty as a basis of jurisdiction, the Court concluded:

"the Court will not have to pronounce on the question whether
Articles 11 and 16 of the 1919 Treaty are still in force, nor on
their interpretation; whereas the 1919Treaty on the face of its text
imposes an obligation on the Kingdom of the Serbs, Croats and
Slovenes to protect minorities within its own territory; whereas
accordingly, if, and in so far as, Yugoslavia is now bound by the
1919 Treaty as successor of that Kingdom, its obligations under it LICÉITÉ DE L'EMPLOI DE LA FORCE (OP. DISS.KRECA) 650

succession d'Etats est un ensemble sui generisd'élémentsde codification
et de développementprogressif du droit international. La règleénoncée à
l'article 35 de ladite convention, en tant que manifestation de la codifica-
tion du droit coutumier existant, n'a guèrequ'une valeur déclaratoire.
Il faut donc en déduire inévitablement que les Pays-Bas savaient, ou
qu'ils étaient obligés de savoir que le traité de 1931 est toujours en

vigueur et a par conséquent valeur obligatoire en ce qui les concerne. Il
serait difficilede croire qu'un Etat qui est un sujet de droit international
aussi bien organisé, professionnellement et intellectuellement, que les
Pays-Bas n'a pas pleinement consciencede ses droits et obligations.
Sur un plan généirali,l est possible de formuler deux hypothèses:

a) les Pays-Bas n'avaient pas conscience que le traité de 1931 étaiten
vigueur. Sil'hypothèseestjuste, les Pays-Bas commettaient une erreur
en ce qui concerne leurs droits (erreur in jus). D'après le principe
généralde droit qui s'énonce ignorantia legis nocet, lequel appartient
égalementau droit des traités (1969), cette erreur est dénuée de per-
tinence ;
6) les Pays-Bas avaient conscience que le traité de1931étaiten vigueur,
mais, pour une raison ou une autre, ils n'en ont pas fait étatau cours
de la procédure devant la Cour. Pour des raisons pratiques tenant à
cette procédure devant la Cour, la différenceentre les hypothèses a)
et b) est ici San!;aucune importance.

La position que la Cour adopte au paragraphe 44 de son ordonnance
n'est absolument pas acceptable.
Vu les indications claires, dépourvues d'ambiguïté,que donne à cet
égard le paragraphe 3 de l'article 74 de son Règlement, la Cour était

tenue d'entendre les observations de la République fédéralede Yougo-
slavie qui présentaient le traitéde 1931comme une base additionnelle de
compétenceet d'en tenir compte. L'article 4 de ce traitéest une base de
compétence prima jrctciede la Cour dans la procédure en indication de
mesures conservatoires requises par le demandeur. Pratiquant la logique
qu'ellea suivie dans l'affaire del'Application de lu convention sur le gPno-
cide, la Cour n'aurait pas eu besoin de se pencher sur la question de la
succession dlEtats. Dans la seconde procédureen indication de mesures
conservatoires, dans cette mêmeaffaire relative à l'Application de la
convention sur le g&ocide, au sujet des thèsesde la Bosnie-Herzégovine
qui voulait faire du traitéde 1919un chef de compétence,la Cour a en
effet énoncéla conclusion suivante:

«la Cour ...n'aura à se prononcer ni sur le maintien en vigueur, ni
sur l'interprétation des articles 11et 16 dudit traité; ...à première
vue, le texte di1 traité de 1919impose une obligation au Royaume
des Serbes, Croates et Slovènes de protéger les minorités sur son
propre territoire; ...en conséquence ...si, et dans la mesure où la

Yougoslavie est aujourd'hui liéepar le traité de 1919 en tant que
successeur de ce royaume, ses obligations en vertu de ce traité651 LEGALlTY OF USE OF FORCE (DISS . P. KRECA)

would appear to be limited to the present territory of Yugoslavia"
(Applicationof the Convention on the Prevention and Punishinent of
the Crime of Genocide, Provisional Measures, Order of 13 Septem-
ber 1993, I.C.J. Reports 1993, p. 340,para. 3 1).

In addition to the reasons associated with the consistency of the Court's
jurisprudence in essentially identical situations, analogy in the present
case derives also from the fact that the Treaty of 1931may be considered
as a treaty implementation of the general cogent obligation to settle dis-
putes between the Contracting Parties in a peaceful way.

Even if the document in which the Applicant pointed to the Treaty of
193 1as additional grounds of jurisdiction were declared "inadmissible",
the Court could not have ignored the fact that the Treaty exists. In that

case, the Court could have differentiated between the document as such
and the Treaty of 1931,per se, as a basis of jurisdiction.

18. In paragraph 16 of the Order the Court states:
"Whereas the Court is deeply concerned with the human tragedy,
the loss of life, and theenormous suffering in Kosovo which form
the background of the present dispute, and with the continuing loss
of life andhuman suffering in al1parts of Yugoslavia."

The phrasing of the statement seems to me unacceptable for a number
of reasons. First, the formulation introduces dual humanitarian concern.
The Court is, it is stated, "deeply concerned", while at the same time the
Court states "the loss of life". So, it turns out that in the of "al1parts
of Yugoslavia" the Court technically states "the loss of life" as a fact
which does not cause "deep concern". Furthermore, the wording of the
formulation may also be construed as meaning that Kosovo is not a part

of Yugoslavia. Namely, after emphasizing the situation in Kosovo and
Metohija, the Court uses the phrase "in al1parts of Yugoslavia". Having
in mind the factual and legal state of affairs, the appropriate wording
would be "in al1other parts of Yugoslavia". Also, particular reference to
"Kosovo" and "al1 parts of Yugoslavia", in the present circumstances,
has not only no legal, but has no factual basis either. Yugoslavia, as a
whole, is the object of attack. Human suffering and loss of life are, un-
fortunately, a fact, generally applicable to the country as a whole; so, the
Court, even if it had at itsdisposa1 the accurate data on the number of
victims and the scale of suffering of the people of Yugoslavia, it would
still have no moral right to discriminate between them. Further, the
qualification that "human tragedy and the enormous suffering in Kosovo seraient apparemment limitées à l'actuel territoire de la Yougoslavie»
(Application de la conventionpour la préventionet la répressiondu
crime de génocide, mesures conservatoires, ordonnance du13 sep-
tembre 1993, CI. J. Recueil 1993, p. 340, par. 31).

En sus de la cohérence dont la Cour témoigne dans sa jurisprudence
quand les situation:; sont pour l'essentiel identiques, il faut aussi noter
que la ressemblance entre la présenteinstance et l'affaire citée ci-dessus
tient au fait que le traité de 1931peut êtreconsidérécomme une expres-
sion conventionnelle de l'obligation impérative de caractère général
imposant aux partilcs contractantes de régler leurs différendsde façon
pacifique.
Mêmesi le document dans lequel le demandeur a fait valoir que le

traité de 1931 était un chef supplémentaire de compétencedevait être
déclaré«irrecevable», la Cour ne pouvait pas faire abstraction de I'exis-
tence dudit traité. En l'occurrence, elle aurait pu faire une distinction
entre le document lui-même etle traité de1931,en tant que base de com-
pétence.

18. Au paragraphe 16de son ordonnance, la Cour dit:
((Considérant que la Cour est profondément préoccupéepar le
drame humain, lespertes en vieshumaines et lesterribles souffrances

que connaît le :Kosovoet qui constituent la toile de fond du présent
différend,ainsi que par les victimes et les souffrances humaines que
l'on déplore defaçon continue dans l'ensemble de la Yougoslavie. ))
Le libelléde cett'edéclaration me paraît inacceptable pour plusieurs
raisons. La première est que cet énoncé faitpart d'une préoccupation
humanitaire double. La Cour dit être((profondément préoccupée))et
évoqueen même teinps «les pertes en vies humaines)) et «les victimes)).

De sorte qu'en ce qui concerne «l'ensemble de la Yougoslavie», la Cour
évoque techniquement «les victimes))comme un fait qui ne cause pas de
((préoccupation profonde)). En outre, l'énoncépermet également de
l'interpréter commesignifiant que le Kosovo ne fait pas partie de la You-
goslavie.C'est-à-dire qu'aprèsavoir mis en relief la situation au Kosovo-
Metohija, la Cour utilise l'expression «dans l'ensemble de la Yougosla-
vie». Compte tenu de la situation de fait et de la situation de droit, il
aurait fallu dire «dans le reste de la Yougoslavie)).De surcroît, faire allu-
sion au «Kosovo» et à ((l'ensemblede la Yougoslavie» non seulement
n'a aucun fondement juridique dans la situation actuelle, mais ne repose
pas sur les faits non plus. C'est I'ensemblede la Yougoslavie qui est atta-
qué.Les souffrance:;et les pertes en vieshumaines sont malheureusement
un fait s'appliquant en généralau pays tout entier; dans ces conditions,

mêmesi elle avait icuà sa disposition des chiffres précisconcernant le
nombre des victimes et l'ampleur des souffrances de la population de la652 LEGALITY OF USE OF FORCE (DISS . P.KRECA)

. . form the background of the present dispute" not only is political, by
its nature, but has, or may have, an overtone of justification of the armed
attack on Yugoslavia. Suffice it to recall the fact that the respondent
State refers to its armed action as humanitarian intervention.

It is up to the Court to establish, at a later stage of the proceedings, the
real legal state of affairs, namely, the relevant facts. At the present stage,
the question of the underlying reasons for the armed attack on the Fed-
eral Republic of Yugoslavia is the object of political allegations. While
the Respondent argues that what is involved is a humanitarian interven-
tion provoked by the "human tragedy and the enormous suffering", the
Applicant finds that sedes materiue the underlying reasons are to be
sought elsewhere - in the support to the terrorist organization in

Kosovo and in the political aim of secession of Kosovo and Metohija
from Yugoslavia.
Consequently, we are dealing here with opposed political qualifications
in which the Court should not, and, in my view, must not, enter except in
the regular court proceedings.
19. The formulation of paragraph 50 of the Order leaves the impres-
sion that the Court iselegantly attempting todrop the bal1in the Security
Council's court. Essentially, it is superfluousbecause, as it stands now, it
only paraphrases a basic fact that "the Security Council has special
responsibilitiesunder Chapter VI1of the Charter". It can be interpreted,
it is true, also as an appeal to the United Nations organ, specifically

entrusted with the dutyand designed to take measures in case of threat to
the peace, breach of the peace or act of aggression; but, in that case the
Court would need to stress also another basic fact - that a legal dispute
should be referred to the International Court of Justice on the basis of
Article 36, paragraph 3, of the United Nations Charter.

20. The Court, by using the term "Kosovo" instead of the official
name of "Kosovo and Metohija", continued to follow the practice of the
political organs of the United Nations, which, by the way, was also
strictly followed by the respondent States.

It ishard to find a justifiable reason for such a practice. Except of
course if weassume political opportuneness and involved practical, politi-
cal interests to be a justified reason for this practice. This is eloquently
shown also by the practice of the designation of the Federal Republic of
Yugoslavia. After the succession of the former Yugoslav federal units,
the organs of the United Nations, and the respondent States themselves,
have used the term Yugoslavia (Serbia and Montenegro). However, since
22 November 1995,the Security Council uses in its resolutions 1021and
1022 the term "Federal Republic of Yugoslavia" instead of the former LICÉITÉ DE L'EMPLOI DE LA FORCE (OP.DISS. KRECA) 652

Yougoslavie, la Cour n'aurait de toute façon pas eu le droit moral d'éta-
blir la moindre discrimination à cet égard. De plus, dire que «le drame
humain ... et les terribles souffrances que connaît le Kosovo et qui cons-
tituent la toile de fond du présentdifférend))non seulement est une indi-
cation de caractère politique mais représente, ou pourrait représenter,

une sorte de justifica.tion de l'attaque armée menéecontre la Yougoslavie.
Il suffit de rappeler à ce propos que 1'Etat défendeur qualifie son action
armée d'intervention humanitaire.
11appartient a la Cour d'établir à un stade ultérieur de la procédure
quelle est véritablement la situation en droit, c'est-à-dire quels sont les
faits pertinents. Au stade actuel, la question des raisons profondes de

l'attaque armée dirigéecontre la République fédéralede Yougoslavie fait
l'objet d'allégations politiques. Le défendeur soutient qu'il s'agit d'une
intervention humanitaire provoquée par «le drame humain et les terribles
souffrances)),tandis que le demandeur estime que sedes nluteriue les rai-
sons profondes sont à chercher ailleurs - dans le soutien apporté à
l'organisation terroriste à l'Œuvreau Kosovo et dans la volonté politique

de sécessionqui anime le Kosovo-Metohija.
Nous avons donc affaire ici a des qualifications politiques opposées
dans lesquelles la Cour ne devrait pas entrer, cela lui est mêmeinterdit à
mon avis, si ce n'est.dans le cadre d'une procédure judiciaire normale.
19. L'énoncédu paragraphe 50 de l'ordonnance donne l'impression
que la Cour cherche assez élégamment arenvoyer la balle dans le jardin

du Conseil de sécurité.Pour l'essentiel, c'estinutile, parce que, sous sa
forme actuelle, cetknoncén'est qu'une simple paraphrase d'une donnée
élémentairequi est que «le Conseil de sécuritéest investi de responsa-
bilitésspéciales en vertu du chapitre VI1 de la Charte)). Ilest possible,
certes, de l'interprkter aussi comme un appel lancé A l'organe des
Nations Unies qui est très précisémentchargé de prendre des mesures

en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix ou d'acte d'agres-
sion et qui a d'ailleurs été conçuà cet effet; mais, en l'occurrence, la
Cour devrait rappeler aussi une autre donnéeélémentaire:en vertu de I'ar-
ticle36,paragraphe 3, de la Charte des Nations Unies, un différendjuri-
dique doit être soumis a la Cour internationale de Justice.
20. En utilisant l'appellationcKosovo)) au lieu de l'appellation offi-
cielle de«Kosovo-?vletohija», la Cour a continué de suivre la pratique

des organes politiques des Nations Unies, pratique dont, d'ailleurs, les
Etats défendeurs ne se départissent jamais.
Il est difficile de justifier pareille pratique. sauf, bien entendu, si nous
admettons que l'opportunité politique, les intérêts politiques et concrets
sont a cet égard der;arguments valables. C'est ce que montre également
de façon éloquente la pratique suivie pour désigner la République fédé-

rale de Yougoslavit:. A la suite de la sécessionde certaines parties de
l'ancienne Fédérationyougoslave, les organes des Nations Unies et les
Etats défendeurs eux-mêmesont utilisé laformule «Yougoslavie (Serbie
et Monténégro))).Mais, depuis le 22 novembre 1995, le Conseil de sécu-
rité utilise, dans se:; résolutions 1021 et 1022, la formule ((République LICÉITE DIE L'EMPLOI DE LA FORCE (OP.DISS. KRECA) 653

fédéralede Yougoslavie)) au lieu de l'ancienne formule ((République
fédérativede Yougoslavie (Serbie et Monténégro))),sans qu'il y ait eu de
décision expresse àc:etégardet dans une situation dedroit inchangéepar
rapport à celle dans laquelle le Conseil, comme d'autres organes des
Nations Unies, se servait de la formule ((Républiquefédérativede You-
goslavie (Serbie et Monténégro))).Le fait que ce changement de pratique
du Conseil de sécuritédate du lendemain du jour où a étéparaphé
l'accord de paix de Dayton autorise à soutenir avec assez de fermetéque

cette pratique concrète ne s'inspire pas de critères juridiques objectifs
mais plutôt de critères politiques.
En utilisant le terme((Kosovo)) au lieu du nom « Kosovo-Metohija)),
la Cour, en fait, fait deux chosesàla fois:
a) elle adopte l'appellation courante et populaire servant à désignerles
unitésterritoriales d'un Etat indépendant;

6) elle laisse de côti: l'appellation officiellede la province méridionalede
Serbie,appellati,on consacréepar les actes constitutionnels et juridi-
ques tant de la Serbie que de la Républiquefédéralede Yougoslavie.
En outre, la Cour agit ainsi contrairementàla pratique établiepar les
organisations internationales compétentes. Par exemple, la désigna-
tion officielle de la province méridionalede Serbie ((Kosovo-Meto-
hija)) est celle qu.ifigure dans l'accord conclupar la Républiquefédé-
ralede Yougoslavie et l'organisation pour la sécurité etcoopération
en Europe (Internutionul Legul Materials, 1999,vol. 38, p. 24).

Mêmesi pareille ]pratique, laquelle,à mon sens, est totalement incor-
recte, non seulemenitsur le plan du droit mais aussi du point de vue du
bon usage, pouvait se défendre quand elle émane d'entités qui situent
l'intérêt et laommodité au-dessus de la loi. elle est inexplicable quand
elle émaned'un organe judiciaire.
21. L'expression «droit humanitaire)) que la Cour utilise aux para-
graphes 19 et 48 de son ordonnance prêteégalement à confusion, pour
une doubleraison: d.'uncôté,la Cour ne manifeste pas une parfaite cohé-
rence dans l'emploi de cette formule. Dans l'affaire de l'Application de
lu convention sur le génocide, laCour a dit que ladite convention faisait

partie du droit humanitaire, alors qu'il est manifeste qu'en raison de
sa nature même, la'diteconvention relève du droit pénal international
(voir l'opinion dissidente de M. Kreca dans l'affaire relative à l7Appli-
cation de la convenrbionpour la prévention etlu rkpression du crime de
génocide, exceptionspréliminaires, C.I.J. Recueil 1996 (II), p. 774-775,
par. 108).
D'un autre côté,il me semble que dans la présenteordonnance, la for-
mule ((droit humanitaire)) est employée enun sens différent plusproche
du sens généralementacceptéaujourd'hui. Et il convient de faire précisé-
ment étatde l'extrait:pertinent de l'ordonnance en raison mêmedu libellé
des paragraphes 19 t:t 48. En isolant le droit humanitaire parmi les règles
de droit international que les parties sont tenues de respecter, il est pos-
sible que la Cour vcuille, discrètement, voire timidement, justifier impli-654 LEGALITY OF USE OF FORCE (DISS . P. KRECA)

of the legal implications of the armed attack on the Federal Republic of
Yugoslavia.

Humanitarian law, in its legal, original meaning implies therules ofjus
in bello. If, by stressingthe need to respect the rules of humanitarian law,
which 1do not doubt, the Court was guided by humanitarian considera-
tions, then it should have stressed expressis verbis also the fundamental
importance of the rule contained in Article 2, paragraph 4, of the Char-
ter, which constitutes a dividing line between non-legal, primitive inter-
national society and an organized, dejure, international community.

(Signed) Milenko KRECA. LICEITE DE L'EMPLOI DE LA FORCE (OP.DISS.KRECA) 654

citement l'attaque a.rméedirigéecontre la République fédéralede You-
goslavie ou tout au moins en atténuer les conséquencessur le plan du
droit.
Dans son premier sens juridique, le droit humanitaire correspond
implicitement aux rkgles dujus in bello. Si la Cour s'inspirait, comme je
n'en doute nullement, de considérations humanitaires quand elle a sou-
ligné la nécessitde respecter les règlesdu droit humanitaire, elle aurait
dû souligner expresisémentaussi l'importance fondamentale que revêtla

règleénoncée à l'article 2, paragraphe 4, de la Charte, laquelle trace la
ligne de démarcation entre une sociétéinternationale primitive, où le
droit fait défaut, etnecommunauté internationale organiséeoù régnele
droit.

(Signé) Milenko KRECA.

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Opinion dissidente de M. Kreca, juge ad hoc (traduction)

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