Opinion individuelle de M. Kooijmans (traduction)

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110-19990602-ORD-01-05-EN
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110-19990602-ORD-01-00-EN
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OPINION INDIVIDUELLE DE M. KOOIJMANS

[Traduction]

1. J'ai votépour la décisionpar laquelle la Cour estime devoir rejeter
la demande en indication de mesures conservatoires présentéepar la
République fédéralede Yougoslavie. Je souscris également à la décision

de la Cour quand celle-ci dit que l'article de la convention sur le géno-
cide ne constitue pas une base de juridiction, fût-cerimu facie.
En outre, je partage l'avisde la Cour quand celle-cidit ne pas pouvoir
prendre en considération le chef supplémentaire de compétence constitué
par le traité bilatéral conclu entre le Royaume de Yougoslavie et le
Royaume des Pays-Bas le 11mars 1931,que la Yougoslavie n'a invoqué
que lors du second tour de plaidoiries (ordonnance, par. 44).

2. En revanche, je n'accepte pas l'idéeretenue par la Cour que la
déclaration d'acceptation de lajuridiction obligatoire de la Cour faite par
la Yougoslavie le 25 avril 1999ne peut pas constituer de base de juridic-
tion en l'espèce, fût-cerimujucie, à cause de la limitation ratione tem-
poris qui y figure.

A mon sens, c'està cet égard quele raisonnement de la Cour me paraît
manquer de logique et qu'il ne tient donc pas. C'est pourquoi j'estime
devoir exposer mon propre raisonnement qui s'appuie sur les considéra-
tions de fait et de droit ci-après.
3. Dans sa requête,le Gouvernement de la République fédéralede
Yougoslavie invoque l'article 36, paragraphe 2, du Statut, pour fonde-
ment juridique de la compétence dela Cour. On sait que le 25 avril 1999,
la Yougoslavie a reconnu la juridiction obligatoire de la Cour en dépo-
sant une déclaration d'acceptation auprès du Secrétaire général des
Nations Unies. Cette déclaration comprend une limitation ratione tem-
poris: la juridiction de la Cour n'est reconnue qu'en ce qui concerne les
différends((surgissant ou pouvant surgir après la signature de la présente
déclaration, qui ont trait à des situations ou à des faits postérieursà

ladite signature)).
4. Lors de la procédureorale, le défendeur,qui a égalementacceptéla
juridiction obligatoire de la Cour en vertu de l'article 36, paragraphe 2,
du Statut, a soutenu que la Cour n'est pas compétente prima facie et
que, par conséquent, les conditions à remplir aux fins de l'indication de
mesures conservatoires ne sont pas réunies. Au sujetde la déclaration
d'acceptation du 25 avril 1999,le défendeurdit qu'elle n'estpas valable
puisque la Yougoslavie n'est pas membre des Nations Unies et n'est par
conséquent pas partie au Statut, alors que l'article 36, paragraphe 2,
dispose expressémentque les déclarations faites en vertu de cette dispo-
sition ne peuvent l'êtreque par des Etats parties au Statut. Les Pays-Basont soutenu en outre que, mêmesi cette déclaration dela Yougoslavie de-
vait êtreconsidéréecomme valable, elle ne le serait pas pour le différend
en cause en raison de la limitation d'ordre temporel quiy figure.
5. A ce sujet, il est bon de rappeler qu'au moment où a étéproclamée
la République fédéralede Yougoslavie, ses organes parlementaires ont
adopté une déclaration dans laquelle il est dit que «la Républiquefédé-
rale de Yougoslavie, assurant la continuitéde 1'Etatet de la personnalité
juridique et politique internationale de la Républiquefédérativesocialiste

de Yougoslavie, respectera strictement tous les engagements que la
République fédérativesocialiste de Yougoslavie a pris à l'écheloninter-
national )).
6. Après que la mission permanente de la Yougoslavie auprès des
Nations Unies à New York eut adresséau Secrétairegénérad les Nations
Unies une note contenant une déclaration pratiquement identique qui
fut distribuéeaux Etats Membres, le Conseil de sécuritéa décidéde pu-
blier une déclaration présidentielledans laquelle il étaitindiquéque les
membres du Conseil étaientd'avis que cette communication de la Yougo-
slavie ne préjugeaitpas les décisionsque pourraient prendre les organes
compétentsdes Nations Unies.
7. Des décisionsont effectivement étéprises cinq mois plus tard. Le

19 septembre 1992, le Conseil de sécurité aadopté la résolution 777
(1992) dont les extraits pertinents sont les suivants:
«Le Conseil de si.curité,

Considérant que I'Etat antérieurement connu comme la Répu-
blique fédérativesocialiste de Yougoslavie a cesséd'exister,

1. Considère que la Républiquefédérativede Yougoslavie (Serbie
et Monténégro)ne peut assurer automatiquement la continuitéde la
qualitéde Membre de l'ex-République fédérativs eocialiste de You-
goslaviei l'organisation des Nations Unieset par conséquent recom-
mande à l'Assembléegénéralede déciderque la Républiquefédéra-
tive de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) devraitprésenter une

demande d'admission à l'organisation des Nations Unies et qu'elle
ne participera pas aux travaux de l'Assembléegénérale;
2. Décidd ee réexaminerla question avant la fin de la partie prin-
cipale de la quarante-septième session de l'Assemblée générale.)
8. Troisjours plus tard, le 22 septembre 1992,l'Assemblée généraa le
adopté sa résolution4711,qui se lit comme suit:

« L'Assemb1i.e générale,
Ayant reçu la recommandation du Conseil de sécuritée ,n date du

19septembre 1992,selon laquelle la Républiquefédérativede You-
goslavie (Serbie et Monténégro) devrait présenter une demande
d'admission à l'organisation des Nations Unies et ne participera pas
aux travaux de l'Assemblée générale, LICÉITÉ DE L'EMPLOIDE LA FORCE (OP. IND. KOOIJMANS) 593

1. Considèreque la Républiquefédérativede Yougoslavie (Serbie
et Monténégro) nepeut pas assumer automatiquement la qualité de
Membre de I'Organisation desNations Unies a la place de l'ancienne
République fédérativesocialiste de Yougoslavie et, par conséquent,

décideque la Républiquefédérativede Yougoslavie (Serbie et Mon-
ténégro) devrait présenter unedemande d'admission à l'organisa-
tion et qu'elle neparticipera pas aux travaux de l'Assembléegéné-
rale;
2. Prendacte de l'intention du Conseil de sécuritéde reconsidérer
la question avant la fin de la partie principale de la quarante-
septièmesession de l'Assembléegénérale» .
11y a lieu de noter que, dans sa résolution, l'Assembléegénéralene

reprend pas le considérant du Conseil de sécurité suivantlequel «I'Etat
antérieurementconnu comme la Républiquefédérativesocialiste de You-
goslavie a cesséd'exister)).
9. Le 29 septembre 1992,le Secrétaire généraaldjoint aux affaires juri-
diques et conseiller juridique de I'Organisation des Nations Unies a
adresséaux représentants permanents de la Bosnie-Herzégovineet de la
Croatie au~résdes Nations Unies une lettre dans laauelle il leur commu-
niquait ((la position réfléchdu Secrétariatdes Nations Unies en ce qui
concerne les conséquencespratiques de l'adoption par l'Assemblée géné-
rale de la résolution4711D.
Le conseiller juridique disait notamment dans sa lettre:

«La résolution4711de l'Assembléegénérale porte sur une question
d'appartenance a I'Organisation qui n'est pas prévuepar la Charte
des Nations Unies, à savoir les conséquencessur le plan de I'appar-
tenance à I'Organisation de la désintégrationd'un Etat Membre
s'il n'ya pas d'accord àce sujet entre les successeurs immédiatsde
cet Etat ou entre les autres Etats Membres de I'Organisation.»

De l'avisdu conseillerjuridique, «l'unique conséquencepratique de cette
résolution est que la République fédérativede Yougoslavie (Serbie et
Monténégro)ne participera pas aux travaux de l'Assembléegénérale)).
11ajoutait que:
«La résolutionne met pas fin a I'uppartenance de lu Yougosluviea
l'organisation et ne la suspend pas. En conséquence,le siègeet la

plaque portant le nom de la Yougoslavie subsistent mais dans les
organes de l'Assembléeles représentants de la République fédérative
de Yougoslavie (Serbie et Monténégro)ne peuvent occuper la place
réservéeà la «Yougoslavie» ...La résolutionn'enlèvepas a la You-
goslavie le droit de participer aux travaux des organes autres que
ceux de l'Assemblée.L'admission àI'Organisation des Nations Unies
d'une nouvelle Yougoslavie en vertu de l'article 4 de la Charte met-
tra finà la situation crééepar la résolution4711.»

10. Le 5 mai 1993, dans sa résolution 471229,l'Assembléegénérale a
décidéque la République fédéralede Yougoslavie ne participerait pas LICEITÉ DE L'EMPLOI DE LA FORCE (OP. IND.KOOIJMANS) 594

non plus aux travaux du Conseil économiqueet social. 11n'a jamais été
donnésuite à ces résolutionsdes organes compétents.
11. La Cour s'est déjà trouvéeface à la question de savoir si la Répu-
blique fédéralede Yougoslavie est ou non Membre des Nations Unies et,
à ce titre, partie au Statut quand elle a été said'une demande en indi-
cation de mesures conservatoires dans I'affaire relative I'Applicution de
lu convention pour laprdi~entionet lu répressiondu crime de gdnocide.

La Cour a toutefois estimé qu'àce stade de la procédure elle n'avait
pas à statuer définitivementsur la qualité dela Yougoslavie à cet égard.
En formulant ce qui méritecertainement le nom de litote, la Cour a dit
alors que cclasolution adoptée))par l'Assembléegénéraledans sa résolu-
tion 4711«ne laiss[ait]pas de susciter des difficultésjuridiques)) (Applicu-
tion de la convention pour lu prévention et la rgpression du crime de
génocide, mesures conservutoires, ordonnunce du 8 uvril 1993, C.I.J.
Recueil 1993, p. 14, par. 18).
12. Mais, dans cette affaire relativela Convention sur legénocide,il
étaitcompréhensibleque la Cour n'estimât pas indispensable de se pro-
noncer sur la question de savoir si la Yougoslavie étaitou non Membre
des Nations unies, et c'étaitmême logiquepuisque la Cour avait de toute
façon compétence primafucie en vertu de l'article IX de la convention sur

le génocide.
En l'espèce,toutefois, la Cour a considéréque les actes que la You-
goslavie impute au défendeurne sont pas susceptibles d'entrer dans les
prévisions de la convention sur le génocide et que, par conséquent,
l'articleX de ladite convention ne constitue uas une base sur laauelle la
compétence de la Cour pourrait prima fucie être fondée(ordonnance,
par. 41).
13. Dans ces conditions, le seul chefde compétencede la Cour qui sub-
siste et qu'invoque la Yougoslavie est celui de l'acceptation de part et
d'autre de lajuridiction obligatoire de la Cour en vertu de l'articlea-
graphe 2, du Statut. On s'attend par conséquentà ce que la Cour ne puisse
plus échapper à la question assez épineuse de savoirsi la Yoiigoslavie est
ou non Membre des Nations Unies ni, par suite, à la question de savoir si

sa déclarationd'acceptation de la juridiction est ou non valable en droit.
14. Dans l'ordonnance qu'elle rend aujourd'hui, toutefois, la Cour,
de nouveau, comme en 1993, adopte pour position qu'elle n'a pas lieu
d'examiner cette question aux fins de décidersi elle peut ou non indi-
quer des mesures conservatoires, puisqu'elle constate que le différend
entre les Parties a surgi bien avant le 25 avril 1999, dateà laquelle la
Yougoslavie a acceptéla juridiction obligatoire de la Cour sous réserve
d'une condition expresse, qui est qu'elle n'accepte cette juridiction
qu'en cequi concerne les différends quiont surgi ou qui pourraient sur-
gir après la signature de sa déclaration et qui ont trait des situations
ou des faits postérieursà ladite signature (par. 28-29).
15. Sur ce point, la Cour s'appuie sur ce qu'elle a déjàdit dans son
arrêt du 1l juin 1998 en l'affaire de la Frontière terrestre et maritime
entre le Cameroun et le Nigéria : LICÉITÉ DE L'EMPLOI DE LA FORCE (OP.IND.KOOIJMANS) 595

«[d]ès1952, ellea jugédans l'affaire de 1'Anglo-IranianOil Co. que,
lorsque des déclarations sont faites sous condition de réciprocité,
((compétenceest conférée à la Cour seulement dans la mesure où
elles [les deux déclarations] coïncident pour la lui conférer))(C.I.J.
Recueil 1952, p. 103))) (C.1J. Recueil 1998, p. 298, par. 43 ;les ita-
liques sont de moi).

Et la Cour conclut en disant que les déclarations faites par les parties
conformément au paragraphe 2 de I'article 36 du Statut ne constituent
pas une base sur laquelle la compétence dela Cour pourrait primu,facie
être fondéedans le cas d'espèce(ordonnance, par. 30).
16. Je me permets de dire que je trouve en l'occurrence le raisonne-
ment étonnant, sinon illogique et incohérent.Comment la Cour peut-elle
dire qu'il n'y a pas lieu d'examiner la question de la validitéde la déclara-
tion de la Yougoslavie et conclure en mêmetemps que ladite déclaration,
considérée aveccelle du défendeur, ne peut pas constituer une base de

compétence?Pour conclure ainsi, il faut certainement prendre pour hypo-
thèseque la déclaration dela Yougoslavie est valable, tout au moins au
stade actuel de la procédure. Si cette présomption de validitéfait défaut,
la Cour aurait dû tout au moins dire qu'elle accepte cette validitéaux
seules fins du débat puisque, mêmesi elle avait été valable,cette déclara-
tion du demandeur n'aurait pas pu conférer compétence à la Cour en rai-
son de la limitation ratione temporis qu'elle énonce.
17. Sur ce point, je dois avouer que l'allusion a l'affaire Cumeroun
c. Nigéria (référence qui se justifie dans le contexte tel que l'établitla
Cour) ne paraît pas particulièrement bien choisie,car dans cette affaire-là
comme dans la plupart des autres affaires dont la Cour a eu àconnaître
au titre de l'article 36, paragraphe, du Statut, ce n'est pas la validitéde
la déclaration du demandeur qui est en question, c'est de savoir si cette
déclaration peut être invoquée à l'encontre du défendeur.C'est pour cette

raison que deux ans plus tôt, dans son ordonnance portant indication de
mesures conservatoires, la Cour pouvait dire «que les déclarations faites
par les Parties conformément au paragraphe 2 de l'article 36 de son Sta-
tut constituent primufacie une base sur laquelle sa compétencepourrait
être fondéeen l'espèce))(Frontière terrestre et maritime entre Ir Came-
roun et le Nigéria. ordonnuncedu 15 murs 1996, C. 1.J. Recueil 1996 (1),
p. 21, par.31), bien que le Nigériaait soutenu que le Cameroun ne pou-
vait pas s'appuyer sur sa propre déclaration (dont la validitén'était pas
contestée) à l'égarddu Nigéria.
18. Dans l'opinion individuelle qu'il a jointe à l'ordonnance rendue
par la Cour dans l'affaire de l'lnterl~undelà la suite d'une demande en
indication de mesures conservatoires, sir Hersch Lauterpacht a dit ce qui
suit:

«La Cour peut légitimementagir en application de l'article 41,
pourvu qu'il existe un instrument, tel qu'une déclaration d'accepta-
tion de la disposition facultative, émanant des Parties au différend,
conférant à la Cour compétenceprimu facie et ne contenant aucune réserveexcluant manifestement cette compétence.» (C.I.J. Recueil
1957, p. 118-119; les italiques sont de moi.)

19. Cette citation donne l'ordre dans lequel il convient de se pronon-
cer. La Cour doitd'abord établirl'existenced'un instrument qui pourrait
prima facie lui conférercompétence;ce n'est qu'une fois cet élémentéta-
bli qu'il devientpertinent de chercher si lesinstruments en cause qui éma-
nent des parties au différendcontiennent des réservesexcluant manifes-
tement la juridiction de la Cour.
20. Je suis par conséquentd'avis que la Cour n'aurait pas dû éviterde
se pencher sur la question de savoir si la Yougoslavie est ou non Membre
des Nations Unies et de savoir par conséquent si sa déclaration d'accep-
tation de la juridiction de la Cour est valable ou non; cette question
aurait dû êtreexaminée à titre préliminaire.Ce n'est qu'après avoirétabli
que ladite déclaration peut servirà la Cour de base de juridiction prima
fucie que la Cour aurait pu utilement examiner si des réservesaccompa-
gnant l'une ou I'autre desdéclarationsexcluent manifestement sa compé-

tence. En effet, si la Cour avait conclu que la déclaration de la Yougo-
slaviene pouvait pas lui conférer cette compétenceprimajùcie, la seconde
question perdait toute pertinence.
21. Je ne soutiens pas une minute que la Cour aurait d'ores etdéjàdû,
au stade actuel de la procédure,se prononcer définitivementsur une ques-
tion quej'ai plushaut qualifiée d'épineuse.e dossier consacréà cette ques-
tion controverséede savoir si la Républiquefédérale de Yougoslaviehérite
de la personnalitéinternationale de la République fédérativseocialiste de
Yougoslavie est plein de piégejsuridiques. Les décisionsadoptéespar les
organes compétents desNations Unies sont sans précédene tt soulèvent un
certain nombre de questions qui sont toujours sans réponse. Maisil ne faut
pas non plus oublier que cesdécisionsont été adoptéespar lesorganes qui,
aux termes de la Charte, ont le dernier mot en matière d'appartenance à
l'organisation. On ne peut donc pas passer facilementoutreà ces décisions,

ni les laisser de côté,mêmesi les Etats Membres qui ont pris part à leur
adoption en donnent des interprétationslargement divergentes.
22. Les faits et les considérationsjuridiques qui entourent cette ques-
tion imposent à la Cour de les analyser et de les évaluerde façon appro-
fondie, avec beaucoup d'attention, quand elle cherchera par la suite à
déterminersi elleest compétenteau fond. Ce que la Cour aurait dû néan-
moins faire au stade actuel de la procédure,c'est établirsi les interroga-
tions suscitées par les décisions des organes compétents des Nations
Unies au sujet de la qualitéde Membre de l'organisation que la Répu-
blique fédéralede Yougoslavie continue ou non d'avoir, sont assez
sérieusespour empêcherla Cour de présumerqu'elle acompétence prima
facie pour connaître de l'affaire introduite par la Yougoslavie surla base
de sa déclaration d'acceptation de lajuridiction obligatoire.
23. Sur cepoint, il est a mon sens d'une importance primordiale que le

Conseil de sécuritéet l'Assemblée généraa leient'un et l'autre été d'avis
que la Républiquefédéralede Yougoslavie ne peut pas assurer automa-tiquement la continuité de la qualité de Membre de I'ancienne Répu-
blique fédérative socialistede Yougoslavie à l'organisation des Nations
Unies et que pur conséquentla République fédéralede Yougoslavie
devrait présenter une demande d'admission à l'organisation.
La résolution 777 (1992)du Conseil de sécurité etla résolution4711de
l'Assemblée générale paraissené ttablirun lien de causalité entreobliga-

tion de solliciter l'admission et la question de la continuité de la qualité
de Membre de l'ancienne République fédérativesocialiste de Yougosla-
vie. Ce «lien de causalité» semble être sourced'incohérences,tant sur le
plan juridique qu'à d'autres points de vue. Mais il n'est pas pour autant
possible d'en faire totalement abstraction.
24. Sur le mêmepoint, il est intéressant de citer une fois encore la
lettre du 29 septembre 1992émanant du conseiller juridique des Nations
Unies viséeau paragraphe 9 ci-dessus. Le conseiller juridique écritque
«l'admission a l'organisation des Nations Unies d'une nouvelle Yougo-
slavieen vertu de l'article4 de la Charte mettra finla situation créépar
la résolution4711 B.
Au coursdu débat à l'Assemblée généras lur le projet de résolution qui
a été finalement éta édopté sous la forme de la résolution 4711(22 sep-
tembre 1992),le premier ministre de la Républiquefédérative deYougo-

slavie de l'époquea dit: «Je fais ici officiellement une demande d'admis-
sion aux Nations Unies au nom de la nouvelle Yougoslavie, dont je
représentelegouvernement. »L'Organisationdes Nations Uniesn'a toutefois
jamais reçu le moindre document écritfaisant suite à cette déclaration.
25. Telle étant la situation, j'en arrivela conclusion qu'il existede
solides raisons de douter que la Républiquefédéralede Yougoslavie soit
Membre à part entièrede l'organisation des Nations Unies, jouissant de
toutes les qualitésrequisesà cette fin, eà,ce titreà mêmed'accepter la
juridictionobligatoire de la Cour en tant que partie au Statut.
Cela veut dire qu'il existeune possibilité,qui est loin d'êtrenégligeable,
que la Cour doive constater après avoir procédé à une analyse approfon-
die des questions dedroit en jeu qu'elle n'estpas compétente parcequela
déclaration d'acceptation de sa juridiction que la Yougoslavie a faite
n'est pas valable.

26. La contestation relative la validitéde ladite déclaration ébranlele
fondement mêmede la compétence dela Cour et, par suite, prend le pas
sur d'autres questions comme celle, par exemple, de la présencede limi-
tations ratione temporis, ratione rnateriae et ratione personae. Vu les
doutes et les controverses qui entourent cette question, la Cour aurait
étéinattaquable si elle avait conclu que l'incertitude régnant au sujet
de la validitéde la déclaration de la Yougoslavie l'empêchede présumer
qu'elle estcompétente, même prima facie.
27. Dans l'opinion dissidente qu'ilsont jointeà la décisionde la Cour
dans l'affaire de I'Anglo-Iranian Oil Co. (mesures conservatoires), les
juges Winiarski et Badawi Pasha ont mis en évidencel'importance qui
s'attache au consentement des Parties dans le cadre de l'article 41 du Sta-
tut. Et ils disent ensuite: LICEITE DE L'EMPLOI DE LA FORCE (OP. IND. KOO~JMANS) 598

«La Cour ne doit indiquer de mesures conservatoires que si sa
compétence,au cas où elle est contestée,lui paraît néanmoins rai-
sonnublement probable. » (Les italiques sont de moi.)

Et leur conclusion est la suivante
((s'ilexiste de fortes raisons en faveur de la compétence contestée, la
Cour peut indiquer des mesures conservatoires; s'ilexiste des doutes
sérieuxou de fortes raisons contre cette compétence,elle ne peut pas

les accorder))(C.I.J. Recueil 1951, p. 97).
Tout bien réfléchie,n raison des épais nuages quise sont amonceléssur la
question de savoir si la ~ou~oslavie a ou non la qualitéde Membre des
Nations Unies, l'incertitude qui règnede ce fait autour de la validitéde sa
déclarationd'acceptation de lajuridiction de la Cour ne lui permet pas de
franchir ce capde la ((probabilitéraisonnable)).

28. Il est déjà arrivéque la Cour ne veuille pas affronter certaines
questions épineuseset choisisse de retenir pour statuer d'autres motifs
judiciairement préférablesmêmes'ils n'étaient pas logiquement défen-
dables. L'exemple le plus célèbre a cet égard est celui de l'affaire de
l'lnterhandel, dans laquelle la Cour a d'abord rejeté trois exceptions
préliminairessur quatre qui concernaient la compétencede la Cour, puis
a fait droit à une exception préliminaire concernant la recevabilitéet a
finalement décidé qu'iln'y avait pas lieu d'examiner la quatrième excep-
tion relativea la compétence.La Cour a étécritiquéepour avoir statué
sur les exceptions préliminairesdans cet ordre et les critiques étaientjus-
tifiées,mais au moins cette façon de faire est-elle compréhensiblecar les
diverses exceptions étaienttotalement étrangères l'une-à l'autre.
29. Il n'en va pas de mêmedans la présenteespèce.La question de la
validitéde la déclaration conditionne celle de I'applicabilité desréserves

et des limitations de caractère temporel. La seconde question est totale-
ment subordonnée a la premiére.Cela vaut tout particulièrement pour la
limitation ratione temporis qui figure dans la propre déclaration de la
Yougoslavie. Si les membres de la Cour avaient majoritairement estimé
que cette limitation ne faisait pas obstacle sa compétenceprimufucie, la
Cour n'aurait plus pu éviterde s'intéresser à la validitéde la déclaration.
Cela montre que la conclusion en faveur de la compétenceaurait été inté-
gralement conditionnée par cette question liminaire.
30. Je dirai en dernier lieu que je trouve convaincante l'idéeretenue
par la Cour, suivant laquelle la limitation de caractère temporel énoncée
dans la déclaration de la Yougoslavie empêche laCour de présumer
qu'elleest compétenteprima fucie, encore que cette idéene me donne pas
entière satisfaction. Mais je pense que cette conclusion aurait étésuper-

flue si la Cour s'était fondée,pour statuer dans un sens négatif,sur la
question de lavaliditéde la déclaration de la Yougoslavie.

(Signé) Pieter H. KOOIJMANS.

Bilingual Content

SEPARATE OPINION OF JUDGE KOOIJMANS

1. 1have voted in favour of the Court's decision that the request for
the indication of provisional measures submitted by the Federal Republic
of Yugoslavia must be rejected. 1also agree with the Court's finding that

Article IX of the Genocide Convention does not constitute a basis of
jurisdiction, even prima facie.
Moreover, 1share the Court's opinion that the additional ground for
its jurisdiction based upon the bilateral Treaty between the Kingdom of
Yugoslavia and the Kingdom of the Netherlands of 11 March 1931,
which was invoked by Yugoslavia only during the second round of the
oral argument, cannot be taken into consideration in the present stage of
the proceedings. (Order, para. 44.)
2. 1do not agree, however, with the Court's view that Yugoslavia's
declaration of acceptance of the compulsory jurisdiction of the Court of
25 April 1999cannot provide a basis of jurisdiction in the present case,
even prima facie, because of the limitation ratione temporis contained
in it.
It is my opinion that in this respect the Court's reasoning is Aawed
from a logical point of viewand is, therefore, inconsistent1 therefore feel
compelled to set out my arguments which are based on the following fac-
tual and legal considerations.

3. In its Application the Government of the Federal Republic of
Yugoslavia invoked Article 36, paragraph 2, of the Statute as a legal
ground for the Court's jurisdiction. It may be recalled that on 25 April
1999Yugoslavia recognized the compulsory jurisdiction of the Court by
depositing a declaration of acceptance with the Secretary-General of the
United Nations. This declaration contains a limitation ratione temporis:
the jurisdiction of the Court is only recognized with regard to disputes
"arising or which may arise after the signature of the present Declara-
tion, with regard to the situations or facts subsequent to this signature".

4. During the oral hearings the Respondent, which also has accepted
the compulsory jurisdiction of the Court under Article 36, paragraph 2,
of the Statute, contended that the Court lacks prima facie jurisdiction
and that, consequently, the conditions for the indication of interimmeas-
ures of protection are not met. With regard to the declaration of accept-
ance of 25 April 1999the Respondent maintained that it is invalid since
Yugoslavia is not a Member of the United Nations and therefore not a

party to the Statute, whereas Article 36, paragraph 2, explicitly States
that declarations under that provision can only be made by States which
are party to the Statute. The Netherlands further argued that, even if the OPINION INDIVIDUELLE DE M. KOOIJMANS

[Traduction]

1. J'ai votépour la décisionpar laquelle la Cour estime devoir rejeter
la demande en indication de mesures conservatoires présentéepar la
République fédéralede Yougoslavie. Je souscris également à la décision

de la Cour quand celle-ci dit que l'article de la convention sur le géno-
cide ne constitue pas une base de juridiction, fût-cerimu facie.
En outre, je partage l'avisde la Cour quand celle-cidit ne pas pouvoir
prendre en considération le chef supplémentaire de compétence constitué
par le traité bilatéral conclu entre le Royaume de Yougoslavie et le
Royaume des Pays-Bas le 11mars 1931,que la Yougoslavie n'a invoqué
que lors du second tour de plaidoiries (ordonnance, par. 44).

2. En revanche, je n'accepte pas l'idéeretenue par la Cour que la
déclaration d'acceptation de lajuridiction obligatoire de la Cour faite par
la Yougoslavie le 25 avril 1999ne peut pas constituer de base de juridic-
tion en l'espèce, fût-cerimujucie, à cause de la limitation ratione tem-
poris qui y figure.

A mon sens, c'està cet égard quele raisonnement de la Cour me paraît
manquer de logique et qu'il ne tient donc pas. C'est pourquoi j'estime
devoir exposer mon propre raisonnement qui s'appuie sur les considéra-
tions de fait et de droit ci-après.
3. Dans sa requête,le Gouvernement de la République fédéralede
Yougoslavie invoque l'article 36, paragraphe 2, du Statut, pour fonde-
ment juridique de la compétence dela Cour. On sait que le 25 avril 1999,
la Yougoslavie a reconnu la juridiction obligatoire de la Cour en dépo-
sant une déclaration d'acceptation auprès du Secrétaire général des
Nations Unies. Cette déclaration comprend une limitation ratione tem-
poris: la juridiction de la Cour n'est reconnue qu'en ce qui concerne les
différends((surgissant ou pouvant surgir après la signature de la présente
déclaration, qui ont trait à des situations ou à des faits postérieursà

ladite signature)).
4. Lors de la procédureorale, le défendeur,qui a égalementacceptéla
juridiction obligatoire de la Cour en vertu de l'article 36, paragraphe 2,
du Statut, a soutenu que la Cour n'est pas compétente prima facie et
que, par conséquent, les conditions à remplir aux fins de l'indication de
mesures conservatoires ne sont pas réunies. Au sujetde la déclaration
d'acceptation du 25 avril 1999,le défendeurdit qu'elle n'estpas valable
puisque la Yougoslavie n'est pas membre des Nations Unies et n'est par
conséquent pas partie au Statut, alors que l'article 36, paragraphe 2,
dispose expressémentque les déclarations faites en vertu de cette dispo-
sition ne peuvent l'êtreque par des Etats parties au Statut. Les Pays-Basdeclaration were to be considered valid, it would not cover the present
dispute because of the temporal limitation contained in it.

5. In this respect it is relevant to recall that at the time of the procla-
mation of the Federal Republic of Yugoslavia a declaration was adopted
by its parliamentary organs in which it is stated that the "Federal Repub-
lie of Yugoslavia, continuing the State, international, legal and political
personality of the Socialist Federal Republic of Yugoslavia, shall strictly
abide by al1 the commitments that the Socialist Federal Republic of
Yugoslavia assumed internationally".

6. After a note, containing a virtually identical statement, had been
submitted by the Yugoslav Permanent Mission in New York to the Sec-
retary-General of the United Nations and had been circulated to the
member States, the Security Council decided that a presidential statement

be issued in which it was noted that the Council members were of the
opinion that the Yugoslav communication did not prejudge decisions
that might be taken by appropriate United Nations bodies.

7. Such decisions were taken fivemonths later. On 19September 1992
the Security Council adopted resolution 777 (1992); the relevant parts
read as follows:
"The Security Council,
.............................

Considering that the State formerly known as the Socialist Federal
Republic of Yugoslavia has ceased to exist,
.............................
1. Considers that the Federal Republic of Yugoslavia (Serbia and
Montenegro) cannot continue automatically the membership of
the former Socialist Federal Republic of Yugoslavia in the United
Nations; and therefore recommends to the General Assembly that it
decide that the Federal Republic of Yugoslavia (Serbia and Mon-
tenegro) should apply for membership in the United Nations and
that it shall not participate in the work of the General Assembly;

2. Decides to consider the matter again before the end of the
main part of the forty-seventh session of the General Assembly."
S. Three days later, on 22 September 1992, the General Assembly
adopted resolution 4711,which reads as follows:

"The General Assemhly,
Huving receiivd the recommendation of the Security Council of
19September 1992that the Federal Republic of Yugoslavia (Serbia
and Montenegro) should apply for membership in the United
Nations and that it shall not participate in the work of the General
Assembly.ont soutenu en outre que, mêmesi cette déclaration dela Yougoslavie de-
vait êtreconsidéréecomme valable, elle ne le serait pas pour le différend
en cause en raison de la limitation d'ordre temporel quiy figure.
5. A ce sujet, il est bon de rappeler qu'au moment où a étéproclamée
la République fédéralede Yougoslavie, ses organes parlementaires ont
adopté une déclaration dans laquelle il est dit que «la Républiquefédé-
rale de Yougoslavie, assurant la continuitéde 1'Etatet de la personnalité
juridique et politique internationale de la Républiquefédérativesocialiste

de Yougoslavie, respectera strictement tous les engagements que la
République fédérativesocialiste de Yougoslavie a pris à l'écheloninter-
national )).
6. Après que la mission permanente de la Yougoslavie auprès des
Nations Unies à New York eut adresséau Secrétairegénérad les Nations
Unies une note contenant une déclaration pratiquement identique qui
fut distribuéeaux Etats Membres, le Conseil de sécuritéa décidéde pu-
blier une déclaration présidentielledans laquelle il étaitindiquéque les
membres du Conseil étaientd'avis que cette communication de la Yougo-
slavie ne préjugeaitpas les décisionsque pourraient prendre les organes
compétentsdes Nations Unies.
7. Des décisionsont effectivement étéprises cinq mois plus tard. Le

19 septembre 1992, le Conseil de sécurité aadopté la résolution 777
(1992) dont les extraits pertinents sont les suivants:
«Le Conseil de si.curité,

Considérant que I'Etat antérieurement connu comme la Répu-
blique fédérativesocialiste de Yougoslavie a cesséd'exister,

1. Considère que la Républiquefédérativede Yougoslavie (Serbie
et Monténégro)ne peut assurer automatiquement la continuitéde la
qualitéde Membre de l'ex-République fédérativs eocialiste de You-
goslaviei l'organisation des Nations Unieset par conséquent recom-
mande à l'Assembléegénéralede déciderque la Républiquefédéra-
tive de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) devraitprésenter une

demande d'admission à l'organisation des Nations Unies et qu'elle
ne participera pas aux travaux de l'Assembléegénérale;
2. Décidd ee réexaminerla question avant la fin de la partie prin-
cipale de la quarante-septième session de l'Assemblée générale.)
8. Troisjours plus tard, le 22 septembre 1992,l'Assemblée généraa le
adopté sa résolution4711,qui se lit comme suit:

« L'Assemb1i.e générale,
Ayant reçu la recommandation du Conseil de sécuritée ,n date du

19septembre 1992,selon laquelle la Républiquefédérativede You-
goslavie (Serbie et Monténégro) devrait présenter une demande
d'admission à l'organisation des Nations Unies et ne participera pas
aux travaux de l'Assemblée générale, 1. Considersthat the Federal Republic of Yugoslavia (Serbia and

Montenegro) cannot continue automatically the membership of the
former Socialist Federal Republic of Yugoslavia in the United
Nations; and therefore decides that the Federal Republic of Yugo-
slavia (Serbia and Montenegro) should apply for membership in the
United Nations and that it shall not participate in the work of the
General Assembly ;

2. Takes note of the intention of the Security Council to consider
the matter again before the end of the main part of the forty-seventh
session of the General Assembly."

It may be observed that the resolution of the General Assembly does
not reiterate the Security Council's consideration that "the State formerly
known as the Socialist Federal Republic of Yugoslavia has ceased to
exist".
9. On 29 September 1992 the Under-Secretary-General and Legal
Counsel of the United Nations addressed a letter to the Permanent Rep-
resentatives of Bosnia and Herzegovina and of Croatia in which he
expressed "the considered view of the United Nations Secretariat regard-
ing the practical consequences of the adoption by the General Assembly
of resolution 4711".

In this letter the Legal Counsel said that

"General Assembly resolution 4711 deals with a membership issue
which is not foreseen in the Charter of the United Nations, namely,
the consequences for purposes of membership in the United Nations
of the disintegration of a Member State on which there is no agree-
ment among the immediate successors of that State or among the
membership of the Organization at large".
He gave as his view that "the only practical consequence that the resolu-

tion draws is that the Federal Republic of Yugoslavia (Serbia and Mon-
tenegro) shall not participate in the work of the General Assembly".
He added that
"the resolution neither terminates nor suspends Yugoslavia's mem-
bership in the Organization. Consequently, the seat and nameplate
remain as before, but in Assembly bodies representatives of the Fed-
eral Republic of Yugoslavia (Serbia and Montenegro) cannot sit
behind the sign 'Yugoslavia' . ..The resolution does not take away
the right of Yugoslavia to participate in the work of organs other
than Assembly bodies. The admission to the United Nations of a
new Yugoslavia under Article 4 of the Charter will terminate the

situation created by resolution 4711 ."

10. On 5 May 1993the General Assembly in resolution 471229decided
that the Federal Republic of Yugoslavia would not participate in the LICÉITÉ DE L'EMPLOIDE LA FORCE (OP. IND. KOOIJMANS) 593

1. Considèreque la Républiquefédérativede Yougoslavie (Serbie
et Monténégro) nepeut pas assumer automatiquement la qualité de
Membre de I'Organisation desNations Unies a la place de l'ancienne
République fédérativesocialiste de Yougoslavie et, par conséquent,

décideque la Républiquefédérativede Yougoslavie (Serbie et Mon-
ténégro) devrait présenter unedemande d'admission à l'organisa-
tion et qu'elle neparticipera pas aux travaux de l'Assembléegéné-
rale;
2. Prendacte de l'intention du Conseil de sécuritéde reconsidérer
la question avant la fin de la partie principale de la quarante-
septièmesession de l'Assembléegénérale» .
11y a lieu de noter que, dans sa résolution, l'Assembléegénéralene

reprend pas le considérant du Conseil de sécurité suivantlequel «I'Etat
antérieurementconnu comme la Républiquefédérativesocialiste de You-
goslavie a cesséd'exister)).
9. Le 29 septembre 1992,le Secrétaire généraaldjoint aux affaires juri-
diques et conseiller juridique de I'Organisation des Nations Unies a
adresséaux représentants permanents de la Bosnie-Herzégovineet de la
Croatie au~résdes Nations Unies une lettre dans laauelle il leur commu-
niquait ((la position réfléchdu Secrétariatdes Nations Unies en ce qui
concerne les conséquencespratiques de l'adoption par l'Assemblée géné-
rale de la résolution4711D.
Le conseiller juridique disait notamment dans sa lettre:

«La résolution4711de l'Assembléegénérale porte sur une question
d'appartenance a I'Organisation qui n'est pas prévuepar la Charte
des Nations Unies, à savoir les conséquencessur le plan de I'appar-
tenance à I'Organisation de la désintégrationd'un Etat Membre
s'il n'ya pas d'accord àce sujet entre les successeurs immédiatsde
cet Etat ou entre les autres Etats Membres de I'Organisation.»

De l'avisdu conseillerjuridique, «l'unique conséquencepratique de cette
résolution est que la République fédérativede Yougoslavie (Serbie et
Monténégro)ne participera pas aux travaux de l'Assembléegénérale)).
11ajoutait que:
«La résolutionne met pas fin a I'uppartenance de lu Yougosluviea
l'organisation et ne la suspend pas. En conséquence,le siègeet la

plaque portant le nom de la Yougoslavie subsistent mais dans les
organes de l'Assembléeles représentants de la République fédérative
de Yougoslavie (Serbie et Monténégro)ne peuvent occuper la place
réservéeà la «Yougoslavie» ...La résolutionn'enlèvepas a la You-
goslavie le droit de participer aux travaux des organes autres que
ceux de l'Assemblée.L'admission àI'Organisation des Nations Unies
d'une nouvelle Yougoslavie en vertu de l'article 4 de la Charte met-
tra finà la situation crééepar la résolution4711.»

10. Le 5 mai 1993, dans sa résolution 471229,l'Assembléegénérale a
décidéque la République fédéralede Yougoslavie ne participerait paswork of the Economic and Social Council either. No follow-up was ever
given to these resolutions of the appropriate organs.
11. The Court was already confronted with the question whether or not
the Federal Republic of Yugoslavia is a Member of the United Nations
and as such a party to the Statute when it dealt with the request for the
indication of provisional measuresin the case concerningthe Applicationof'

the Conventionon the Prevention undPunishment ofthe Crime of Genocide.
The Court, however, was of the opinion that at that stage of the pro-
ceedings there was no need to determine definitively Yugoslavia's status.
In what certainly must be called an understatement the Court called "the
solution adopted [by the General Assembly in resolution 47/11 . .. not
free from legal difficulties"(Applicution of the Convention on thePreven-
tion and Punishment of the Crime of' Grnocide, Provisional Mrasures,
Order of8 April 1993, 1.C.J. Reports 1993, p. 14, para. 18).

12. In the Genoride case the Court's view that it was not necessary to
deal with the issue of Yugoslavia's membership of the United Nations
was understandable and even logical since the Court had in any event
prima facie jurisdiction under Article IX of the Genocide Convention.

In the present case, however, the Court has found that the acts imputed
by Yugoslavia to the Respondent arenot capable of coming into the pro-
visions of the Genocide Convention and that, consequently, Article IX of
the Convention cannot constitute a basis on which thejurisdiction of the
Court could prima facie be founded. (Order, para. 41.)

13. Thus, the only remaining title for the Court's jurisdiction, invoked
by Yugoslavia, is that of the mutual acceptance of the compulsory juris-
diction of the Court under Article 36, paragraph 2, of the Statute. One
would expect, therefore, that the Court would no longer be able to avoid
the rather thorny question of Yugoslavia's membership of the United
Nations and, therefore, of that of the legal validity of its declaration of
acceptance.

14. In its present Order, however, the Court again - like in 1993 -
takes the position that it need not consider this question for the purpose
of deciding whether or not it can indicate provisional measures in viewof
its finding that the dispute between the Parties arose well before 25 April
1999,the date on which Yugoslavia accepted the compulsory jurisdiction
of the Court with the explicit proviso that it accepted that jurisdiction in
respect only of disputes arising or which may arise after the signature of
its declaration, with regard to situations or facts subsequent to that sig-
nature. (Paras. 28 and 29.)

15. In this respect the Court relies upon what it said in its Judgment of
11 June 1998 in the case concerning the Land and Maritime Boundary
betiveen Cameroon und Nigeria : LICEITÉ DE L'EMPLOI DE LA FORCE (OP. IND.KOOIJMANS) 594

non plus aux travaux du Conseil économiqueet social. 11n'a jamais été
donnésuite à ces résolutionsdes organes compétents.
11. La Cour s'est déjà trouvéeface à la question de savoir si la Répu-
blique fédéralede Yougoslavie est ou non Membre des Nations Unies et,
à ce titre, partie au Statut quand elle a été said'une demande en indi-
cation de mesures conservatoires dans I'affaire relative I'Applicution de
lu convention pour laprdi~entionet lu répressiondu crime de gdnocide.

La Cour a toutefois estimé qu'àce stade de la procédure elle n'avait
pas à statuer définitivementsur la qualité dela Yougoslavie à cet égard.
En formulant ce qui méritecertainement le nom de litote, la Cour a dit
alors que cclasolution adoptée))par l'Assembléegénéraledans sa résolu-
tion 4711«ne laiss[ait]pas de susciter des difficultésjuridiques)) (Applicu-
tion de la convention pour lu prévention et la rgpression du crime de
génocide, mesures conservutoires, ordonnunce du 8 uvril 1993, C.I.J.
Recueil 1993, p. 14, par. 18).
12. Mais, dans cette affaire relativela Convention sur legénocide,il
étaitcompréhensibleque la Cour n'estimât pas indispensable de se pro-
noncer sur la question de savoir si la Yougoslavie étaitou non Membre
des Nations unies, et c'étaitmême logiquepuisque la Cour avait de toute
façon compétence primafucie en vertu de l'article IX de la convention sur

le génocide.
En l'espèce,toutefois, la Cour a considéréque les actes que la You-
goslavie impute au défendeurne sont pas susceptibles d'entrer dans les
prévisions de la convention sur le génocide et que, par conséquent,
l'articleX de ladite convention ne constitue uas une base sur laauelle la
compétence de la Cour pourrait prima fucie être fondée(ordonnance,
par. 41).
13. Dans ces conditions, le seul chefde compétencede la Cour qui sub-
siste et qu'invoque la Yougoslavie est celui de l'acceptation de part et
d'autre de lajuridiction obligatoire de la Cour en vertu de l'articlea-
graphe 2, du Statut. On s'attend par conséquentà ce que la Cour ne puisse
plus échapper à la question assez épineuse de savoirsi la Yoiigoslavie est
ou non Membre des Nations Unies ni, par suite, à la question de savoir si

sa déclarationd'acceptation de la juridiction est ou non valable en droit.
14. Dans l'ordonnance qu'elle rend aujourd'hui, toutefois, la Cour,
de nouveau, comme en 1993, adopte pour position qu'elle n'a pas lieu
d'examiner cette question aux fins de décidersi elle peut ou non indi-
quer des mesures conservatoires, puisqu'elle constate que le différend
entre les Parties a surgi bien avant le 25 avril 1999, dateà laquelle la
Yougoslavie a acceptéla juridiction obligatoire de la Cour sous réserve
d'une condition expresse, qui est qu'elle n'accepte cette juridiction
qu'en cequi concerne les différends quiont surgi ou qui pourraient sur-
gir après la signature de sa déclaration et qui ont trait des situations
ou des faits postérieursà ladite signature (par. 28-29).
15. Sur ce point, la Cour s'appuie sur ce qu'elle a déjàdit dans son
arrêt du 1l juin 1998 en l'affaire de la Frontière terrestre et maritime
entre le Cameroun et le Nigéria : "[als early as 1952,it held in the case concerning Anglo-lranian Oil
Co. that, when declarations are made on condition of reciprocity,
'jurisdictionis conferred on the Court only to the extent to which the
tbvo Declarutions coincide in conferring it' (1.C.J. Reports 1952,
p. 103)" (1.C.J. Reports 1998, p. 298, para. 43; emphasis added).

And the Court concludes by saying that the declarations made by the
Parties under Article 36, paragraph 2, of the Statute do not constitute a
basis on which thejurisdiction of the Court could prima faciebe founded
in this case.(Order, para. 30.)
16. With al1due respect, 1find this reasoning puzzling if not illogical
and inconsistent. How can the Court Saythat there is no need to consider
the question of the validity of Yugoslavia's declaration whereas at the

same time it concludes that this declaration, taken together with that of
the Respondent, cannot constitute a basis of jurisdiction? This conclu-
sion surely is based on the presumption of the validity of Yugoslavia's
declaration, at least for the present stage of the proceedings. If such a
presumption does not exist, the Court should at least have said that it
accepts that validity purely arguendo since, even if it had been valid, it
would not have had the capability to confer jurisdiction on the Court in
view of the limitation ratione temporis in the Applicant's declaration.

17. In this respect 1must confess that the reference to the Cameroonv.
Nigeria case (although correctly made in the context as framed by the
Court) does not seem to be particularly wellchosen, for in that case - as
in most other cases which have come before the Court under Article 36,

paragraph 2, of the Statute - it was not the validity of the Applicant's
declaration which was in issue but the question whether it could be
invoked against the Respondent. It is for that reason that the Court two
years earlier in itsrder indicating provisional measures could find "that
the declarations made by the Parties in accordance with Article 36, para-
graph 2, of the Statute constitute a prima facie basis upon which itsjuris-
diction in the present case might be founded" (Land and Maritime
Boundary betiveen Cameroon and Nigeria, Order of 15 March 1996,
1.C.J. Reports 1996 (I), p. 21, para. 31), in spite of the fact that Nigeria
had contended that Cameroon could not rely upon its own declaration
(the validity of which was not contested) vis-à-vis Nigeria.

18. In his separate opinion joined to the Court's Order on interim
measures of protection in the Interhandel case, Judge Hersch Lauter-
pacht said the following:

"The Court may properly act under the terms of Article 41 pro-
vided that there is in existence an instrument such as a Declaration
of Acceptance of the Optional Clause, emanating from the Parties to
the dispute, which prima facie confers jurisdiction upon the Court LICÉITÉ DE L'EMPLOI DE LA FORCE (OP.IND.KOOIJMANS) 595

«[d]ès1952, ellea jugédans l'affaire de 1'Anglo-IranianOil Co. que,
lorsque des déclarations sont faites sous condition de réciprocité,
((compétenceest conférée à la Cour seulement dans la mesure où
elles [les deux déclarations] coïncident pour la lui conférer))(C.I.J.
Recueil 1952, p. 103))) (C.1J. Recueil 1998, p. 298, par. 43 ;les ita-
liques sont de moi).

Et la Cour conclut en disant que les déclarations faites par les parties
conformément au paragraphe 2 de I'article 36 du Statut ne constituent
pas une base sur laquelle la compétence dela Cour pourrait primu,facie
être fondéedans le cas d'espèce(ordonnance, par. 30).
16. Je me permets de dire que je trouve en l'occurrence le raisonne-
ment étonnant, sinon illogique et incohérent.Comment la Cour peut-elle
dire qu'il n'y a pas lieu d'examiner la question de la validitéde la déclara-
tion de la Yougoslavie et conclure en mêmetemps que ladite déclaration,
considérée aveccelle du défendeur, ne peut pas constituer une base de

compétence?Pour conclure ainsi, il faut certainement prendre pour hypo-
thèseque la déclaration dela Yougoslavie est valable, tout au moins au
stade actuel de la procédure. Si cette présomption de validitéfait défaut,
la Cour aurait dû tout au moins dire qu'elle accepte cette validitéaux
seules fins du débat puisque, mêmesi elle avait été valable,cette déclara-
tion du demandeur n'aurait pas pu conférer compétence à la Cour en rai-
son de la limitation ratione temporis qu'elle énonce.
17. Sur ce point, je dois avouer que l'allusion a l'affaire Cumeroun
c. Nigéria (référence qui se justifie dans le contexte tel que l'établitla
Cour) ne paraît pas particulièrement bien choisie,car dans cette affaire-là
comme dans la plupart des autres affaires dont la Cour a eu àconnaître
au titre de l'article 36, paragraphe, du Statut, ce n'est pas la validitéde
la déclaration du demandeur qui est en question, c'est de savoir si cette
déclaration peut être invoquée à l'encontre du défendeur.C'est pour cette

raison que deux ans plus tôt, dans son ordonnance portant indication de
mesures conservatoires, la Cour pouvait dire «que les déclarations faites
par les Parties conformément au paragraphe 2 de l'article 36 de son Sta-
tut constituent primufacie une base sur laquelle sa compétencepourrait
être fondéeen l'espèce))(Frontière terrestre et maritime entre Ir Came-
roun et le Nigéria. ordonnuncedu 15 murs 1996, C. 1.J. Recueil 1996 (1),
p. 21, par.31), bien que le Nigériaait soutenu que le Cameroun ne pou-
vait pas s'appuyer sur sa propre déclaration (dont la validitén'était pas
contestée) à l'égarddu Nigéria.
18. Dans l'opinion individuelle qu'il a jointe à l'ordonnance rendue
par la Cour dans l'affaire de l'lnterl~undelà la suite d'une demande en
indication de mesures conservatoires, sir Hersch Lauterpacht a dit ce qui
suit:

«La Cour peut légitimementagir en application de l'article 41,
pourvu qu'il existe un instrument, tel qu'une déclaration d'accepta-
tion de la disposition facultative, émanant des Parties au différend,
conférant à la Cour compétenceprimu facie et ne contenant aucune596 LEGALITY OF USE OF FORCE (SEP.OP. KOOIJMANS)

and which incorporates no reservations obviously excluding itsjuris-
diction." (1C.J. Reports 1957, pp. 118-119; emphasis added.)

19. This quotation indicates the correct order in which decisions must

be taken. The Court first has to establish the existence of an instrument
which prima facie is capable of conferring jurisdiction upon the Court; it
is only after this has been established that the question becomes relevant
whether such instruments, emanating from the parties to the dispute,
contain reservations which manifestly exclude the Court's jurisdiction.
20. 1 am, therefore, of the opinion that the Court should not have
avoided the question of Yugoslavia's membership of the United Nations
and the ensuing validity or invalidity of its declaration of acceptance, but
should have dealt with it as a preliminary issue. Only after having estab-

lished that this declaration iscapable of providing the Court with a prima
facie basis for itsjurisdiction could the Court have considered in amean-
ingful way whether reservations made in either of the declarations obvi-
ously exclude itsjurisdiction. For if the Court would have concluded that
the Yugoslav declaration is not capable of conferring this prima facie
jurisdiction, the latter question becomes irrelevant.

21. Not for a moment do 1 contend that the Court alreadv at the
present stage of the proceedings should have taken a definitive Stand on
what 1 called earlier a thorny question. The dossier on the controversy

with regard to the Federal Republic of Yugoslavia's continuation of the
international personality of the Socialist Federal Republic of Yugoslavia
is full of legal snags. The decisions taken by the appropriate United
Nations bodies are without precedent and raise a number of as yet un-
solved questions. Neither should it be forgotten, however, that these deci-
sions have been taken by the organs which according to the Charter have
the exclusiveauthoritv2.n auestions of membershi~. Their decisions there-
fore, cannot easily be overlooked or ignored, even if the interpretations
given to them by the member States which have participated in the deci-
sion-making process are widely divergent.

22. The factual and legal background of this question necessitates a
thorough analysis and a careful evaluation by the Court when it deals
with itsjurisdiction on the merits at alater stage. What the Court should
have done, however, in the present stage of the proceedings, is to deter-
mine whether the doubts, raised by the decisions of thecompetent United
Nations bodies with regard to the continued membership of the Federal
Republic of Yugoslavia, are serious enough to bar the Court from
assuming that it has prima faciejurisdiction to entertain the case brought
by Yugoslavia on the basis of its declaration of acceptance.

23. In this respect it is, in my opinion, of primordial importance that
both the Security Council and the General Assembly expressedthe view
that the Federal Republic of Yugoslavia cannot continue automatically réserveexcluant manifestement cette compétence.» (C.I.J. Recueil
1957, p. 118-119; les italiques sont de moi.)

19. Cette citation donne l'ordre dans lequel il convient de se pronon-
cer. La Cour doitd'abord établirl'existenced'un instrument qui pourrait
prima facie lui conférercompétence;ce n'est qu'une fois cet élémentéta-
bli qu'il devientpertinent de chercher si lesinstruments en cause qui éma-
nent des parties au différendcontiennent des réservesexcluant manifes-
tement la juridiction de la Cour.
20. Je suis par conséquentd'avis que la Cour n'aurait pas dû éviterde
se pencher sur la question de savoir si la Yougoslavie est ou non Membre
des Nations Unies et de savoir par conséquent si sa déclaration d'accep-
tation de la juridiction de la Cour est valable ou non; cette question
aurait dû êtreexaminée à titre préliminaire.Ce n'est qu'après avoirétabli
que ladite déclaration peut servirà la Cour de base de juridiction prima
fucie que la Cour aurait pu utilement examiner si des réservesaccompa-
gnant l'une ou I'autre desdéclarationsexcluent manifestement sa compé-

tence. En effet, si la Cour avait conclu que la déclaration de la Yougo-
slaviene pouvait pas lui conférer cette compétenceprimajùcie, la seconde
question perdait toute pertinence.
21. Je ne soutiens pas une minute que la Cour aurait d'ores etdéjàdû,
au stade actuel de la procédure,se prononcer définitivementsur une ques-
tion quej'ai plushaut qualifiée d'épineuse.e dossier consacréà cette ques-
tion controverséede savoir si la Républiquefédérale de Yougoslaviehérite
de la personnalitéinternationale de la République fédérativseocialiste de
Yougoslavie est plein de piégejsuridiques. Les décisionsadoptéespar les
organes compétents desNations Unies sont sans précédene tt soulèvent un
certain nombre de questions qui sont toujours sans réponse. Maisil ne faut
pas non plus oublier que cesdécisionsont été adoptéespar lesorganes qui,
aux termes de la Charte, ont le dernier mot en matière d'appartenance à
l'organisation. On ne peut donc pas passer facilementoutreà ces décisions,

ni les laisser de côté,mêmesi les Etats Membres qui ont pris part à leur
adoption en donnent des interprétationslargement divergentes.
22. Les faits et les considérationsjuridiques qui entourent cette ques-
tion imposent à la Cour de les analyser et de les évaluerde façon appro-
fondie, avec beaucoup d'attention, quand elle cherchera par la suite à
déterminersi elleest compétenteau fond. Ce que la Cour aurait dû néan-
moins faire au stade actuel de la procédure,c'est établirsi les interroga-
tions suscitées par les décisions des organes compétents des Nations
Unies au sujet de la qualitéde Membre de l'organisation que la Répu-
blique fédéralede Yougoslavie continue ou non d'avoir, sont assez
sérieusespour empêcherla Cour de présumerqu'elle acompétence prima
facie pour connaître de l'affaire introduite par la Yougoslavie surla base
de sa déclaration d'acceptation de lajuridiction obligatoire.
23. Sur cepoint, il est a mon sens d'une importance primordiale que le

Conseil de sécuritéet l'Assemblée généraa leient'un et l'autre été d'avis
que la Républiquefédéralede Yougoslavie ne peut pas assurer automa-the membership of the former Socialist Federal Republic of Yugoslavia
and thrrefore (emphasis added) that the Federal Republic of Yugoslavia
should apply for membership.

Security Council resolution 777 (1992) and General Assembly resolu-
tion 4711seem to establish a causal link between the requirement of an

application of membership and the issue of the continuation of the mem-
bership of the former Socialist Federal Republic of Yugoslavia. This
"causal link" seems to be a breeding-ground of inconsistencies, both
legally and otherwise. Nevertheless it cannot be fully ignored.

24. In this respect it is worthwhile to quote once more from the letter
of 29 September 1992of the United Nations Legal Counsel, referred to in
paragraph 9 above. The Legal Counsel wrote that "the admission to the
United Nations of a new Yugoslavia under Article 4 of the Charter will
terminate the situation created by resolution 4711".

During the debate in the General Assembly on the draft resolution
which was finally adopted as resolution 4711 (22 September 1992) the
then Prime Minister of the Federal Republic of Yugoslavia said :"1here-
with formally request membership in the United Nations on behalf of the
new Yugoslavia, whose Government 1 represent." The United Nations,
however, never received any written document as a follow-up to that
statement.

25. Against this background 1 come to the conclusion that there are
strong reasons for doubt as to whether the Federal Republic of Yugosla-
via is a full-fledged, fully qualified Member of the United Nations and as
such capable of accepting the compulsory jurisdiction of the Court as a
party to the Statute.
That means that there is a probability, which is far from negligible,
that the Court after a thorough analysis of the legal issues involved will
find that is without jurisdiction because of the invalidity of Yugoslavia's
declaration of acceptance.

26. The disputed validity of that declaration touches the very basis of
the Court's jurisdiction and, therefore, takes precedence over other issues,
like, for example, limitations ratione temporis, ratione materiae and
rutione personae. In view of the doubts and the controversies with regard
to this question the Court would have found itself on safe ground if it
had concluded that the uncertainties about the validity of Yugoslavia's
declaration prevent it from assuming that it has jurisdiction, even prima
facie.

27. In their dissenting opinion in the Anglo-lranian Oil Co. case
(interim measures of protection) Judges Winiarski and Badawi Pasha
stressed the importance of the consent of the Parties in the context of
Article 41 of the Statute. They went on to Say:tiquement la continuité de la qualité de Membre de I'ancienne Répu-
blique fédérative socialistede Yougoslavie à l'organisation des Nations
Unies et que pur conséquentla République fédéralede Yougoslavie
devrait présenter une demande d'admission à l'organisation.
La résolution 777 (1992)du Conseil de sécurité etla résolution4711de
l'Assemblée générale paraissené ttablirun lien de causalité entreobliga-

tion de solliciter l'admission et la question de la continuité de la qualité
de Membre de l'ancienne République fédérativesocialiste de Yougosla-
vie. Ce «lien de causalité» semble être sourced'incohérences,tant sur le
plan juridique qu'à d'autres points de vue. Mais il n'est pas pour autant
possible d'en faire totalement abstraction.
24. Sur le mêmepoint, il est intéressant de citer une fois encore la
lettre du 29 septembre 1992émanant du conseiller juridique des Nations
Unies viséeau paragraphe 9 ci-dessus. Le conseiller juridique écritque
«l'admission a l'organisation des Nations Unies d'une nouvelle Yougo-
slavieen vertu de l'article4 de la Charte mettra finla situation créépar
la résolution4711 B.
Au coursdu débat à l'Assemblée généras lur le projet de résolution qui
a été finalement éta édopté sous la forme de la résolution 4711(22 sep-
tembre 1992),le premier ministre de la Républiquefédérative deYougo-

slavie de l'époquea dit: «Je fais ici officiellement une demande d'admis-
sion aux Nations Unies au nom de la nouvelle Yougoslavie, dont je
représentelegouvernement. »L'Organisationdes Nations Uniesn'a toutefois
jamais reçu le moindre document écritfaisant suite à cette déclaration.
25. Telle étant la situation, j'en arrivela conclusion qu'il existede
solides raisons de douter que la Républiquefédéralede Yougoslavie soit
Membre à part entièrede l'organisation des Nations Unies, jouissant de
toutes les qualitésrequisesà cette fin, eà,ce titreà mêmed'accepter la
juridictionobligatoire de la Cour en tant que partie au Statut.
Cela veut dire qu'il existeune possibilité,qui est loin d'êtrenégligeable,
que la Cour doive constater après avoir procédé à une analyse approfon-
die des questions dedroit en jeu qu'elle n'estpas compétente parcequela
déclaration d'acceptation de sa juridiction que la Yougoslavie a faite
n'est pas valable.

26. La contestation relative la validitéde ladite déclaration ébranlele
fondement mêmede la compétence dela Cour et, par suite, prend le pas
sur d'autres questions comme celle, par exemple, de la présencede limi-
tations ratione temporis, ratione rnateriae et ratione personae. Vu les
doutes et les controverses qui entourent cette question, la Cour aurait
étéinattaquable si elle avait conclu que l'incertitude régnant au sujet
de la validitéde la déclaration de la Yougoslavie l'empêchede présumer
qu'elle estcompétente, même prima facie.
27. Dans l'opinion dissidente qu'ilsont jointeà la décisionde la Cour
dans l'affaire de I'Anglo-Iranian Oil Co. (mesures conservatoires), les
juges Winiarski et Badawi Pasha ont mis en évidencel'importance qui
s'attache au consentement des Parties dans le cadre de l'article 41 du Sta-
tut. Et ils disent ensuite: "the Court ought not to indicate interim measures of protection
unless its competence, in the event of this being challenged, appears
to the Court nevertheless reasonablyprobable" (emphasis added).

And they concluded :

"if there exist weighty arguments in favour of the challenged juris-
diction, the Court may indicate interim measures of protection; if
there existserious doubts or weighty arguments against thisjurisdic-
tion such measures cannot be indicated" (I.C.J. Reports 1951,p. 97).
It is my considered view that because of the thick clouds which have
packed around Yugoslavia's membership of the United Nations, the
ensuing uncertainty of the validity of its declarationdoes not pass the test

of "reasonable probability".

28. There have been earlier occasions when the Court shied away from
thorny questions and chose to decide a case on other grounds which were
judicially preferable albeit not logically defensible. The most famous
example is the Interhandel case where the Court first rejected three of
four preliminary objectionsregarding theCourt's jurisdiction, then upheld
a preliminary objection on admissibility and ultimately decided that there
was no need to consider the fourth objection on jurisdiction. This order
of dealing with preliminary objections has been criticized and for good
reasons but it is at least comprehensible as the various objections were
completely different in character.

29. The present case, however, is different. The issue of the declara-
tion's validity is preconditional for that of the applicability of the reser-
vations and time limitations. The latter issue is completely dependent
upon the former. In particular with regard to the limitation ratione tem-
poris in Yugoslavia's owndeclaration this becomes relevant. If the major-
ity of the Court would have found that this limitation did not act as a bar
to the Court's prima facie jurisdiction, the Court could no longer have
avoided to take up the question of the declaration's validity. This shows
that that finding would have been wholly conditioned by this threshold
question.
30. Finally, let me state that 1find the Court's view that the temporal
limitation contained in Yugoslavia's declaration prevents the Court from
assuming that it has prima faciejurisdiction persuasive, although it does
not fully satisfy me. In my view, however, that finding would have been
superfluous if the Court had based its negative conclusion on the ques-

tion of the validity of Yugoslavia's declaration.

(Signed) Pieter H. KOOIJMANS. LICEITE DE L'EMPLOI DE LA FORCE (OP. IND. KOO~JMANS) 598

«La Cour ne doit indiquer de mesures conservatoires que si sa
compétence,au cas où elle est contestée,lui paraît néanmoins rai-
sonnublement probable. » (Les italiques sont de moi.)

Et leur conclusion est la suivante
((s'ilexiste de fortes raisons en faveur de la compétence contestée, la
Cour peut indiquer des mesures conservatoires; s'ilexiste des doutes
sérieuxou de fortes raisons contre cette compétence,elle ne peut pas

les accorder))(C.I.J. Recueil 1951, p. 97).
Tout bien réfléchie,n raison des épais nuages quise sont amonceléssur la
question de savoir si la ~ou~oslavie a ou non la qualitéde Membre des
Nations Unies, l'incertitude qui règnede ce fait autour de la validitéde sa
déclarationd'acceptation de lajuridiction de la Cour ne lui permet pas de
franchir ce capde la ((probabilitéraisonnable)).

28. Il est déjà arrivéque la Cour ne veuille pas affronter certaines
questions épineuseset choisisse de retenir pour statuer d'autres motifs
judiciairement préférablesmêmes'ils n'étaient pas logiquement défen-
dables. L'exemple le plus célèbre a cet égard est celui de l'affaire de
l'lnterhandel, dans laquelle la Cour a d'abord rejeté trois exceptions
préliminairessur quatre qui concernaient la compétencede la Cour, puis
a fait droit à une exception préliminaire concernant la recevabilitéet a
finalement décidé qu'iln'y avait pas lieu d'examiner la quatrième excep-
tion relativea la compétence.La Cour a étécritiquéepour avoir statué
sur les exceptions préliminairesdans cet ordre et les critiques étaientjus-
tifiées,mais au moins cette façon de faire est-elle compréhensiblecar les
diverses exceptions étaienttotalement étrangères l'une-à l'autre.
29. Il n'en va pas de mêmedans la présenteespèce.La question de la
validitéde la déclaration conditionne celle de I'applicabilité desréserves

et des limitations de caractère temporel. La seconde question est totale-
ment subordonnée a la premiére.Cela vaut tout particulièrement pour la
limitation ratione temporis qui figure dans la propre déclaration de la
Yougoslavie. Si les membres de la Cour avaient majoritairement estimé
que cette limitation ne faisait pas obstacle sa compétenceprimufucie, la
Cour n'aurait plus pu éviterde s'intéresser à la validitéde la déclaration.
Cela montre que la conclusion en faveur de la compétenceaurait été inté-
gralement conditionnée par cette question liminaire.
30. Je dirai en dernier lieu que je trouve convaincante l'idéeretenue
par la Cour, suivant laquelle la limitation de caractère temporel énoncée
dans la déclaration de la Yougoslavie empêche laCour de présumer
qu'elleest compétenteprima fucie, encore que cette idéene me donne pas
entière satisfaction. Mais je pense que cette conclusion aurait étésuper-

flue si la Cour s'était fondée,pour statuer dans un sens négatif,sur la
question de lavaliditéde la déclaration de la Yougoslavie.

(Signé) Pieter H. KOOIJMANS.

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Opinion individuelle de M. Kooijmans (traduction)

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