Opinion dissidente de M. Kreca, juge ad hoc (traduction)

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1.LA COMPOSITION DE LACOUR EN L'ESPECE 1-4

II. LEPROBLEME HUMANITAIRE EN L'ESPECE 5-7
III. LESQUESTIONS DE COMPETENCE 8-14

Compétencede la (Courrutione personae 8-10
Compétencede la Cour rutione muteriae 11-13
Compétencede la Cour ratione temporis 14

IV. AUTRE QSUESTIONS I'ERTINENTES 15-18 1. Compte tenu de la différencede principe entre la magistrature inter-
nationale et le système judiciaire interne de chaque Etat, l'institution du
juge ud hoc a fondamentalement un double rôle:

((a) rétablir l'égaliquand la Cour comprend d'ores et déjàsur le
siège unjuge ayant la nationalitéde l'une desparties; et) créerune
égalité symboliqw:entre deux Etats en litige quand aucun membre
de la Cour n'a la nationalité del'une des parties» (S. Rosenne, The
Luit and Pructice of the Intevnationril Court, 1920-1996, vol. III.
p. 1124-1125).

En l'espèce,on peut se demander si I'institution du juge ud hoc a bien
exercél'une quelconque de ces deux fonctions élémentaires.

Il est possible de distinguer deux éléments.
Le premier est lié ce rétablissementde l'égalitéentre les parties en ce
qui concerne les relations entre le demandeur et les Etats défendeurs qui
ont un juge national :sur le siège. In concreto, il faut s'intéresàecet
égard à la position particulière des Etats défendeurs. Ces derniers, en

effet, comparaissent à un double titre:
primo, ils comparaissent individuellement puisque chacun d'eux est en
litige avec la Républiquefédérale deYougoslavie;

secundo, ce sont en mêmetemps des Etats membres de l'OTAN dans le
cadre institutionnel de laquelle ilsont engagé uneattaque arméecontre la
Républiquefédéralede Yougoslavie. Dans ce cadre de l'OTAN, les Etats

défendeursagissent in corpore, en tant que parties intégrantes d'une orga-
nisation constituant lin tout. L'ensemble, le corpus, des volontés des
Etats membres de l'OTAN, quand il s'agit de mener des opérations mili-
taires, constitue une volonté collective qui est officiellement celle de
l'OTAN.
2. On peut se dem,ander par ailleurs si les Etats défendeurs peuvent
êtreconsidéréscomme faisant cause commune.

Dans l'ordonnance rendue le 20 juillet 1931 dans l'affaire duRégime
douunier entre ['Alleniugne et ['Autriche, la Cour permanente de Justice
internationale a énoncéle principe suivant:
«tous les gouvernements qui, devant la Cour, arrivent à la même
conclusion. doivent êtreconsidéréscomme faisant cause commune
aux fins de la présenteprocédure)) (C.P.J.I. sGrieAIB no41, p. 89).

Dans sa pratique, la Cour a quasiment toujours établi qu'il y avait
((cause commune)) en se fondant sur un critère formel, celui de la
«mème conclusion» à laquelle aboutissent les parties comparaissant
devant elle. LICÉITÉDE L'EMPLOIDE LA FORCE (OP. DISS. KRECA) 727

En l'espèce, il est indubitable que la formulation d'une conclusion
identique est le critère pertinent permettant d'établirque les Etats défen-
deurs font «cause cornimune)).Il étaiten quelque sorte inévitablede for-

muler la mêmeconclusion en l'espèce puisque laRépublique fédéralede
Yougoslavie a présentciune requête identique à l'encontre de dix Etats
membres de l'OTAN el.l'on en a eu la preuve officiellà l'issuede la pro-
cédurequi s'est déroul.ée devant la Cour les 10, 11 et 12 mai 1999, les
Etats défendeurs aboutissant tous à une conclusion identique reposant
sur une argumentation pratiquement identique dont les seules variations
concernent la forme et le mode de présentation.
D'où la conclusion inévitable àmon sens que les Etats défendeursfont
tous in concreto cause commune.
3. Quelles incidence:;faut-il en tirer pour la composition de la Cour en
l'espèce? L'article31,p,aragraphe2,du Statut, dispose: «Si la Cour compte

sur le siègeun juge de la nationalité d'unedes parties, toute autre partie
peut désignerune personne de son choix pour siégeren qualitédejuge.))
Le Statut. donc. définit ainsile droit de «toute autre ~artie)). c'est-
à-dire une partie autre que celle qui compte un juge de sa kitionalité sur
le siège,etil parle de cette autre partie au singulier. Mais il serait erroné
d'en déduireque «touiteautre partie)) que celle qui compte un juge de sa
nationalité sur le siègene peut pas, dans certains cas, désigner plusieurs
juges ad hoc. Retenir cette interprétation serait manifestement contrairà
la ratio legisde l'institution du juge ad hoc, lequel en I'espècea pour
objet ((de rétablirI'égalitquand la Cour comprend d'ores et déjàsur le
siège unjuge ayant la nationalité del'une desparties)) (S. Rosenne, The

Law and Pructice of the International Court, 1920-1996, vol. III, p. 1124-
1125).L'usage du singulier à l'article 31, paragraphe 2, du Statut,quand
il est question de l'institution du jugead hoc, permet donc simplement
d'individualiser ce droit général,intrinsèque, au rétablissementde l'éga-
litéentre les parties en litige en ce qui concerne la composition de la
Cour, quand l'une des parties compte un juge de sa nationalité sur le
siègetandis que l'autre n'en a pas. Concrètement, appliquéà la présente
instance, ce principe signijîe implicitement que le demandeur a le droit de
désignerautant dejuges ad hoc qu'il lefaut pour rétablir I'égalientre le
demandeur et les Etut:;défendeursqui comptent unjuge de leur nationalité

sur le siège et quifont cause commune. Concrètement, ce droitfondamen-
tal au rétablissetnent de I'égalitédans la composition de la Cour, qui
répond à la r2gle fondamentale de l'égalité des parties,signiJie que la
République ,fédéralecle Yougoslavie doit avoir ie droit de désigner cinq
juges ad hoc, puisqut: sur les dix Etats défendeurs, il y en a cinq (les
Etats- Unis d'Ambrique, le Royaume- Uni, la France, l'Allemagne et les
Pays-Bus) qui comptent unjuge national sur le siège.
S'agissant de ce retablissement de I'égalitéentre la partie autoriséeà
désignerun juge ad hoc de son choix, d'une part, et, de l'autre, les parties
qui comptent un juge national sur le siège, lefait est que la République
fédéralede Yougoslavie, comme on peut le constater dans l'ordonnance,
n'a soulevéaucune objection au cas de figure qui se présentaitet qui était LICÉITE DE L'EMPLOI DE LA FORCE (OP.DISS. KRECA) 728

que cinq Etats défendeurs,pas moins, comptaient un juge de leur natio-
nalitésur le siège.Mailsil n'est certainement pas possible de considérer
que ce cas de figure ôte toute pertinenceà la question, mêmesi la Répu-

blique fédéralede Yoiigoslavie a tacitement admis une telle dérogation
flagrante à la lettre eà l'esprit de l'article31, paragraphe 2, du Statut.
La Cour a, quant à elle, l'obligation de prendre en considération, ès
qualité,cette question qui està ce point cruciale, qui découledirectement
de l'égalité depsarties et, l'inverse, qui risque en outre de porter direc-
tement et sensiblement atteinte à l'égalité des partie. a Cour est le gar-
dien de la légalité pour les parties, et,à cette fin, seule est valable la
presurrrptiojuris et de jure- il faut savoir le droit (jura novit curiu).
Comme l'ont dit trois membres de la Cour, MM. Bedjaoui, Guillaume et
Ranjeva, dans la déclaration commune qu'ils ont faite dans l'affaire Loc-
kerhie: «il appartient;ila Cour et non aux parties de prendre la décision

requise)) (Questions d'interprétation et d'upplication de lu convention de
Montréalde 1971 résultantde l'incidentaérien deLockerbie (Jamahiriyu
urabe libyenne c.Royaume-Uni), C.I.J. Recueil 1998, p. 36, par. II).
A contrario, la Cour risquerait, alors que la question relève véritable-
ment de sa raison d'être, dese cantonner dans l'attitude de l'observateur
passif, qui se content(: de prendre connaissance des thèses des parties,
puis se prononce.
4. Le second élément à étudierest celui du rétablissement de l'égalité
dans les relations entre le demandeur et les Etats défendeurs qui ne
comptent pas de juge national sur le siège.
Les Etats défendeursne comptant pas dejuge national sur le siègeont,

suivant la procédurehabituelle, désignéunjuge ad hoc de leur choix (Bel-
gique, Canada, Espagne et Italie). Seulle Portugal n'a pas désignédejuge
ad hoc. Le demandewr a successivement soulevé desobiections à la dési-
gnation de cesjuges ad hoc des Etats demandeurs en invoquant le para-
graphe 5 de l'article 31 du Statut de la Cour. Chaque fois, la Cour a
répondu par la forniule habituelle: «La Cour, ... est parvenue à la
conclusion que la désignationd'un juge ad hoc par [le défendeur]sejus-
tifiait dans la présentephase de l'affaire)).
Certes, la formule est laconique, trop peu détailléepour permettre
d'analyser le raisonni:ment juridique suivi par la Cour. Le seul élément

qui se prêteà une interprétation téléologique estle membre de phrase ser-
vant à qualifier la désignationd'un jugead hoc, laquelle serait «justifi[ée]
dans la présente phasede l'affaire)).A contrario, il est donc possible que
cette désignation de juges ud hoc ne soit «pas justifiée))dans certaines
autres phases de l'affaire. Cette qualification peut s'interpréter comme
une réserve,de la part de la Cour, quant à la désignation dejuges ad hoc
par les Etats défendeurs,réserve qui s'expliqueraitpar l'impossibilitéoù
se trouverait la Cour de voir, avant qu'elles définissent leurposition, quel
est l'intérêt depsarties- font-elles ou non cause commune?

Le sens à donner au rétablissement de l'égalité entre les parties, puis-
que c'est la raison d'être del'institution du juge ad hoc dans le cas defigure ou le demandeur et les Etats défendeurs qui font cause commune

ne comptent pas dejuge ad hoc de leur nationalitésur le siège,a étédéfini
dans la pratique de la Cour de façon très claire, sans la moindre ambi-
guïté.
Dans l'affaire duSu,d-Ouestafricain (1961), il a étédécidéque, au cas
où ni l'une nil'autre des Parties faisant cause commune ne compterait de
juge de sa nationalité sur le siège,lesdites Parties auraient la facultéde
désignerd'un commuri accord un seul juge ad hoc (Sud-Ouest africain,
C.I.J. Recueil 1961, p. 3).
Si, en revanche, la Cour compte parmi ses membres un juge ayant la
nationalité d'une des parties, ne serait-ce que de l'une d'elles,il ne sera
pas désignéde juge ad hoc (Juridiction territoriale de la Comn?ission
internationale de l'Oder, C.P.J.1.sérieC no 17 (II), p. 8; Rlgime doua-
nier entrel'Allemagne et l'Autriche. 1931, C.P.J.I. sérieAIB no41, p. 88).

Si l'on applique u laprésente instancecettejurisprudence parfaitement
cohérentede lu Cour, aucun des Etats défendeursn'étaithabilité à dési-
gner unjuge ad hoc.
On peut donc dire qu'en l'espèce,ni l'une nil'autre des deux fonctions
élémentairesde l'institutiondu juge ad hoc n'a étéremplie de façon satis-
faisante du point de vue de la composition de la Cour. A mon sens, la
question revêtun intérêttout particulier parce que, manifestement, son
importance ne se limite pas a la procédure et pourrait avoir une portée
concrète de trèsgrande ampleur.

II. LE PROBLÈME HUMANITAIRE EN L'ESPÈCE

5. Les problèmes humanitaires en tant que motif d'indication de me-
sures conservatoires revêtentune importance primordiale dans la pra-

tique la plus récenteclela Cour.
En la matière, la Cour suit deux voies parallèles:

a) L'intérêp tarticulier de lapersonne

A cet égard,l'affaire LaGrand (Allemagne c. Etats-Unis d'Amérique)
et l'affaire relatiàela Convention de Viennesur les relations consulaires
(Puruguuy c. Etats- Clnisd'Amérique)sont caractéristiques.
Dans les deux affaires, la Cour s'est montrée extrêmement sensible à
l'aspect humanitaire de la question à examiner, ce qu'exprime probable-
ment au mieux la requête présentép ear l'Allemagne le 2 mars 1999:

«L'importanci: et le caractère sacréde la vie humaine sont des
principes bien etablis du droit international. Comme le reconnaît
l'article 6 du pacte international relatif aux droits civilset politiques,
le droità la vie est inhérentà la personne humaine et ce droit doit LICEITÉ DE L.'EMPLOI DE LA FORCE (OP. DISS. KRECA) 730

être protégé par la loi))(LaGrand (Allemagne c. Etats-Unis d'Amé-
rique), mesures conser~~utoires,orrlonnance du 3 murs 1999, C.I.J.

Recueil 1999, p. 12,par. 8.)

Dès le lendemain, à l'unanimité,la Cour a indiquédes mesures conser-
vatoires parce que les circonstances exigeaient qu'elle les «indique» de
toute urgence (ibid, p. 15,par. 26), de sorte qu'il lui incombait de mettre
en train le mécanisme vouluconformément à l'article 41 de son Statut et
de l'article 75, paragraphe 1, de son Règlement, «pour que M. Walter
LaCrand ne soit pas exécutétant que la décision définitive enla présente
instance n'aura pas été:rendue)) (ibid.,p. 16, par. 29).
La Cour a indiqué des mesures conservatoires quasiment identiques
dans le différendopposant le Paraguay et les Etats-Unis d'Amérique à la

suite de la requêteprésentéepar le Paraguay le 3 avril 1998. Le même
jour, le Paraguay a également présenté «une demande urgente en indica-
tion de mesures conservatoires à l'effet de protégerses droits))(Conven-
tion de Vienne .sur k.s re1ution.s consulaires fPuruguu~)~ c. Etats- Unis
d'Amérique), ordonnance du 9 avril 1998, C.I. J. Recueil 1998, p. 251,
par. 6). Et dèsle 9 avril 1998, a l'unanimité,la Cour a indiquédes me-
sures conservatoires «pour que M. Angel Francisco Breard ne soit pas
exécutétant que la décision définitive enla présente instance n'aura pas
étérendue» (ibid.p. 258, par. 41).
IIest évidentque c'està cause de l'aspect humanitaire du problèmeque
l'unanimitéa été réaliséeau sein de la Cour. On en voit clairement la

preuve non seulement dans la lettre et l'esprit des deuxordonnances ren-
dues dans ces deux affaires, mais aussi dans les déclarations ainsi que
dans l'opinion individuelle qui leur ont étéjointes. En l'occurrence, les
considérations humanitaires ont été,semble-t-il, assez fortes pour lever
les obstaclesqui s'opposaient à l'indication de mesures conservatoires. Le
raisonnement du doy1:n de la Cour, M. Oda, et celui de son président,
M. Schwebel, sont significatifs.
Au paragraphe 7 de la déclarationqu'iljoint à l'ordonnance du 3 mars
1999 dans l'affaire 1:aCrund (Allemagne c. Etats-Unis d'Amkrique),
M. Oda énonce defa1;onconvaincante une sériede motifs d'ordre théo-
rique qui l'«ont condluit à penser qu'il n'y avait pas lieu d'indiquer les

mesures conservatoires demandéespar l'Allemagne,eu égardau caractère
fondamental de telles mesures)). Mais, M. Oda tient à «rappel[er] avec
force [que s'il a] voté en faveur del'ordonnance, c'est uniquement pour
des motifs humanitaires)) (C. 1J. Recueil 1999, p. 20).
Dans son opinion individuelle, le présidentde la Cour, M. Schwebel,
n'a pas expressémentdéclaréqu'il s'était inspiré de considérations huma-
nitaires pour voter en faveur de l'ordonnance, mais il est raisonnable de
penser que ce sont les seules considérations qui ont prévaluen l'espèce,
puisqu'il avait «de profondes réservesquant à la manière de procéder
tant de la Partie requérante que de la Cour)) (LuGrand (Alleinugne
c. Etuts- Unis d'Amérique), mesures conscrvutoires, oudonnuncc di* 3 murs

1999, C.I.J.Recueil 1999, p. 22). Et, en ce qui concerne le demandeur, M. Schwebel a dit ceci:

((L'Allemagneaurait pu présentersa requêtedes années,des mois,
des semaines,voire quelquesjours plus tôt. L'eût-ellefait, la Cour eut
pu procéder commeellele fait depuis 1922et tenir des audiences sur la
demande en indication de mesures conservatoires. Mais l'Allemagne
a attendu la veille de l'exécutionpour présentersa requêteet sa de-
mande en indication de mesures conservatoires, en faisant valoir

par la mêmeoccasion que la Cour n'avait plus le temps d'entendre
les Etats-Unis et devrait agir d'office. (C.1J. Recueil 1999, p. 22.)
De son côté, la Cour a indiqué des mesures conservatoires en
s'appuyant, comme le dit M. Schwebel, présidentde la Cour, «exclusive-
ment)) sur la requète de l'Allemagne.

b) L'intérêctollectij'd'un groupe ou d'une populution en tant qu'Clément
constitzitij de I'Etat

La protection de la population nationale est devenuequestion litigieuse
dans I'affaire relative auxActivités militaires et paramilitaires au Nicu-
ruguu et à l'encontre de celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d'Amérique):

«Dans sa conclusion, le Nicaragua a insistésur les morts, sur les
dommages que les actes allégués ont causéschez les Nicaraguayens et
a demandé à la Cour de soutenir, au moyen de mesuresconservatoires,
«les droits des citoyens nicaraguayensà la vieà la libertéetà la sécu-
rité».»(R. Higgins, ((Interim Measures for the Protection of Human
Rights)),dans Charney, Anton, O'Connel1(dir. publ.), Politics, Vulucs
and Functions, International Law in the Zlst Century, 1997,p. 96.)

Dans l'affaire du Différend fiontulier (Burkinu FusolRépublique du
Muli), la Cour, pour indiquer des mesures conservatoires, s'est fondée
sur des:
((incidentsqui,non seulement sont susceptibles d'étendreou d'aggra-

ver le différend,rnais comportent un recours A la force inconciliable
avec le principe du règlement pacifique des différendsinternatio-
naux)) (D$férenaffrontalier, mesures conservutoires, ordonnance du
10junrvier 1986, 1C.I.J.Recueil 1986, p. 9, par. 19).
En l'espèce,la préoccupation humanitaire étaitmotivéepar le risque de
préjudiceirriparable :

«les faits qui sontà l'origine desdemandes des deux Parties en indi-
cation de mesures conservatoires exposent les personnes et les biens
se trouvant dans, la zone litigieuse, ainsi que les intérêtsdes deux
Etats dans cette zone, à un risque sérieuxde préjudiceirréparable>)
(ihid.,p. 10, par. 21).

On peut dire que, dans les affaires évoquées ci-dessuse,n particulier celles
dans lesquelles des in'dividusétaient directement concernés,la Cour s'est LICÉITÉ DE L''EMPLOIDE LA FORCE (OP.DISS. KRECA) 732

appuyée sur une norme humanitaire supérieuredans le cadre de la pro-
cédure enindication de mesures conservatoires, une norme qui avait suf-

fisamment de force intrinsèque pour que l'on déroge à certaines règles
pertinentes, règlesde procédureet règlesde fond, qui régissent l'institu-
tion des mesures conservatoires. En somme, les considérations humani-
taires, indépendamment des normes du droit international qui règlentles
droits de l'homme et se!libertés,ont en quelque sorte acquisun rôle juri-
dique autonome; ces considérations ont désormais franchi les limites
du domaine moral et philanthropique pour entrer dans le domaine du
droit.
6. En l'espèce,il semble pourtant que la préoccupation ((humanitaire))
ait perdu l'autonomie acquise sur le plan juridique. Vu les circonstances
particulières de l'instance,il convient de s'arrêtersur ce fait.
A la différence des affaires évoquées précédemmentl,e ((problème

humanitaire)) porte ici, littéralement, sur le sort de toute une nation.
Nous aboutissons à cette conclusion à partir de deux élémentsau moins:
En premier lieu, la FLépubliquefédéralede Yougoslavie et ses groupes
nationaux et ethniques sont soumis depuis plus de deux mois à présent

aux attaques constantes d'une armada aérienne trèsforte, extrêmement
organisée,appartenant aux Etats les plus puissants du monde. La finalité
de cette attaque a de quoi horrifier, si l'on enjuge par lesparoles du com-
mandant en chef, legénéralWesleyClark, et il n'y a pas lieu de douter de
ce qu'il dit:

((Systématiquennent et progressivement, nous allons attaquer,
ébranler, dégrade:r, dévaster, et finalement, sauf si le président
Milosevic se plie aux exigences de la communauté internationale,
nous allons détruire intégralement ses forces armées et leur ôter
toutes leurs infrastructures et toutes leurs bases de soutien)) (BBC
News, http:llne,i~sb.bc.co.uklenglishlst. ATOgulleryluir.default.stml
14 mai 1999).

En l'occurrence,le terme ((soutien»revêtun sens trèslarge, au point que
l'on peut se demander quel est vraiment l'objet des attaques aériennes.
Dans un article intitulé ((La population de Belgrade doit souffrir)),
Michael Gordon cite le généralShort qui dit ((espérerque la détressede
la population va saper, qu'elle doit saper, le soutien dont bénéficient les
autoritésde Belgrade » (/nter.nationu/ H~.raldTribune, 16mai 1999,p. 6)
et il poursuit:

((11n'y aura plus d'électricitépour votre frigo, plus de gaz pour
votre cuisiniére,vous ne pourrez plus aller au travail parce que le
pont est démoli -- ce pont sur lequel vous avez organisé vos concerts
rock et sur lequel vous vous êtesmassés avecdes cibles sur la tête.
Tout cela disparaît a 3 heures du matin.)) (Ibid)

II ne s'agissait pas là de paroles en l'air, comme en témoignentles ponts
démolis, ladisparition de centrales électriques,de l'adduction d'eau, des LICEITÉ DE L'EMPLOI DE LA FORCE (OP.DISS. KRECA) 733

productions alimentaires indispensables à la vie; comme en témoigne la
destruction de routes, d'immeubles résidentiels,de maisons d'habitation
unifamiliales; comme en témoignent les hôpitaux privés d'électricité et
d'eau et, par-dessus toiut, ces êtreshumains qui sont exposésaux bom-
bardements et qui, comme le disait si bien la requêtedans l'affaire
LaGrand (Allemagne c. Etats-Unis d'Amérique), ont un ((droità la vie
inhérent à la personne humaine)) (pacte international relatif aux droits

civilset politiques, art.,dont l'importance et le caractère sacrésont des
principes bien établisdu droit international. Dans l'enfer de la violence,
ce ne sont plus là que des ((dommagescollatéraux».
En second lieu, l'arsenal qui sert aux attaques lancéescontre la You-
goslavie contient certaines armes dont les effets sont quasi illimitésdans
l'espace et dans le temps. Au cours de la procédure orale, l'agent des
Etats-Unis a nettement préciséque l'uranium appauvri est régulièrement
utilisépar l'armée desEtats-Unis (CR 99/24, p. 17).
II convient de laisser les scientifiques évaluer les effets de l'uranium
appauvri. Le rapport de Marvin Resnikoff, qui travaille pour Radio-
active Management Associates (NMI) dit quels sont ces effets:

«Une fois inhalées,de fines particules d'uranium peuvent se loger
dans lesalvéolesdu poumon et y rester jusqu'à lafin de votre vie. La
dose inhalée est cumulative. Une certaine fraction des particules
inhalées peut êtrcexpectorée puisavalée et ingérée.Si l'intéressé
fume, il faut preridre cet élément enconsidération. Comme fumer
détruitles franges ciliaires, les particules capturéesdans les passages
bronchiques du fumeur ne peuvent pas être expulsées. Gofman

estime que, chez les fumeurs, le risque dû à l'irradiation est ainsi
multipliépar dix. L'uranium émetune particule alpha, analogue à
un noyau d'héliumamputé de deux électrons.Les rayonnements de
ce type ne pénètrentpas très profondément, mais, une fois à I'inté-
rieur du corps, ilscausent beaucoup de dommages aux tissus. Quand
il est inhalé,l'uranium accroît les probabilitésde cancer du poumon.
Quand il est ingéré,l'uranium se concentre dans les os. A l'intérieur
des os,ilaugmente les probabilitésde cancer des os, ou bien, dans la
moelle, les probabilitésde leucémie.L'uranium réside aussidans les
tissus mous, y compris lesgonades, ce qui accroît les probabilitésde
conséquencesgénétiques,sous forme notamment d'anomalies géné-
tiques et d'avortements spontanés. Le rapport qui existe entre I'ura-

nium ingéréet les doses d'irradiation qui en résultentpour la moelle
osseuse et certains organes...figurent dans beaucoup d'étudescitées
en référence.
Leseffetsde l'uranium sur la santé sontégalementfonction de l'âge.
Pour une même idose,l'enfant court de plus grands risques de can-
cer que l'adulte.))(Uruniunf BattlefieldsHome & Abroud: Depleted
Uranium Use hy the U.S. Department of Defense. Rural Alliance for
Military Accountability,et al.,mars 1993,p. 47-48.)

L'Office fédéralalleinand de l'environnement (Umweltbundesamt) aprésentéune analyse scientifique des effets concrets imputables aux opé-
rations arméescontre la Yougoslavie. Ce rapport d'expert dit essentielle-

ment ceci ':
(Traduction du Grt.fe/

«Plus la guerre en Yougoslavie dure et plus le risque de dommages
a long terme i I'environnement s'aggrave. Cesdommages menacent de
s'étendreau-dela des frontières de la Yougoslavie et peut-êtreest-il

déjàtrop tard pour qu'on puisse leséradiquer.C'est iicette conclusion
que parvient l'Officefédéralallemand de I'environnement (Umiceltbun-
desumt) dans un clocument interne examinant les conséquencespour
I'environnement de la guerre en Yougoslavie, établien vue de la réu-

nion des ministres européensde I'environnement débutmai à Weimar.
Des catastrophes du type de cellesde Seveso etde Sandoz constituent,
selon I'Oi'fice,«un scénario éminemment probable)).

' «Je langer der Krieg in Jugoslawien dauert. desto grosser wird die Gefahr von
langfristigen Schadigurigen der Umwelt. Diese drohen sich über die Landesgrenzen
hinaus auszubreiten und konnen moelicherweise nicht mehr vollstandig beseitigt wer-
den. Zu dieser Einschatzung kommtdas Umweltbundesamt (UBA) ineinem internen
Papier. das sich mit den okologischen Auswirkungen des Krieges in Juroslawien
befasst und für die Voi-bereitungdes Treffens europaischer ~mweltminist~r Anfang
Mai in Weimar erstellt wurde. Katastropheii 'wie Seveso und Sandoz' sind nach
Ansicht des Amtes 'ein durchaus wahrscheinliches Schadensszenario'.
.....................................
Umweltgifte. die nach Zerstorungen von lndustrieanlagen austreten. konnten sich
weiter ausbreiten. 'Beiljicherstellung sofortigen Handelns. das unter Kriegsbedingun-
gen aber unmoglich ist, bleibt die Wirkung dieser Umweltschiidigungen lokal
begrenzt. Liingere Verzogerungen führen zu einem übertritt der Schadstoffe in die
Schutzgüter Boden, Grund- und Oberflachenwasser. erhohen das Gefahrdungspoten-
tial für den Menschen und den Sanierungsaufwand betrachtlich.'
Diese Folgeii müssen nicht auf Jugoslawien beschrankt sein. Schadstoffe aus
Grossbranden konnteri grenzüberschreitend verteilt werden. Weiter heisst es in dem
Papier: 'Die Einleitu,nl;der Gefahrstoffe in Oberfliichenwasser kann zur weitriumi-
gen Schadig~iiigder Okosysteme führen. Die Deposition von Gefahrstoffen in Boden
kann je nach Eigensckiaftder Stoffe und Boden zu langanhaltenden Versuchungen
mit weitgehenden Nutzungseinschrankungen führen.'
Die Gefahr einer 'tiefgreifenden Zerstorung wesentlicher Bestandteile von Trink-
wasserversorgungssyst~men' sei für mittlere und grosse Stadte sowie Ballungsgebiete
am grossten. Schon geringe Mengen von Substanzen der petrochemischen Industrie
konnten 'grosse Grun(iwasservorrate unbrauchbar machen'.
Wie gefahrlich die freigesetzten Stoffe insgesamt sind, Iasst sich nach Ansicht der
IIBA-Exoerten nur schwer abscliiitzen. 'weildurch die Zersto--ne eanzer Industrie-
komplexe Mischkontaminationen verschiedenster Schadstoffe gebildet werden'. die
noch wenig erforscht seien. Noch komplizierter sei die Beurteilung von Umwelt-
schaden durch Brande und Explosionen.'~ier treten bezogen auf ~ch:ddstoffinventar
und Ausbreitung weit weniger kalkulierbare. zum Teil grossflachige Umweltschadi-
gungen ein.'
Die Verbrennungsprodukte seien 'zumTeil hoch toxisch und kanzerogen'. Je nach
klimatischen Bedingurigen konne es 'zu einergrossflichigen Verteilung dieser Stoffe'
kommen, 'die rine vollstandige Beseitigung nahezu unmoglich macht'...
unbekaniit' sein>>(TAZ, Die PTugr.siriturrBerlin. 20 mai 1999.)n dürften 'vollig Les substances toxiques pour I'environnement libéréesà la suite de
la destruction d'iristallations industrielles pourraient se propager à
une plus grande distance. L'adoption de mesures immédiates -
impossible toutefois en temps de guerre - permettrait de contenir
localement ces atteintes à I'environnement. Plus le temps s'écoulera

et plus ces substances se répandront dans le sol, les eaux-souterraines
et les eaux de surface, d'où une augmentation considérable des
risques pour I'hornme et du coût des opérations de nettoyage.
Ces conséquences ne sont pas nécessairement limitéesà la You-

goslavie. Les substances toxiques dégagées ala suite d'incendies
majeurs peuvent :jerépandre au-delà des frontières. Et l'auteur du
document d'ajouter: <<Lamigration de substances dangereuses
dans les eaux de surface peut causer de graves dommages aux éco-

systèmes. Le dépôt de substances dangereuses dans le sol peut
entraîner, selon la nature des substances et des sols, une contami-
nation à long terme, faisant radicalement obstacle à l'utilisation
des sols. ))
Le risque d'une ((destruction à grande échelledes élémentsessen-

tiels du réseaud'approvisionnement en eau potable)) est plus lourd
pour les villes moyennes, les grandes villes et les zones de concentra-
tion urbaine. De faibles quantités de substances émanant d'installa-
tions pétrochimiclues suffisent à rendre inutilisables d'importantes

réservesd'eaux souterraines)).
Selon les exnerts de l'Office fédéralde l'environnement. il est très
difficile d'apprécier dans son ensemble le risque que représentent
les substances libéréesdans I'environnement, «car la destruction
de complexes inclustriels entiers entraîne une pollution provoquée

par un véritable cocktail de substances toxiques)), sur laquelle les
recherches n'ont guère porté jusq~i'à présent. L'évaluatiori des
dommages causéisa I'environnement par les incendies et les explo-
sions est encore plus délicate,estiment les experts. «II est beaucoup

plus difficile en ]pareil cas, du fait des problèmes liésà l'identifi-
cation des substances toxiques et au risque de les voir se répandre,
de prédirelesdonimages àl'environnement, qui seront parfois consi-
dérables. ))
Certaines des substances libéréesdans l'atmosphère à la suite des

incendies sont qualifiéesde «très toxiques et cancérigènes)).En fonc-
tion des conditions clirnatiques ambiantes, «ces substances pour-
raient diff~iser tr'èslar"ement)). de sorte au'«une décontamination
complète serait quasi impossible».

Quant a 1'inter:actionde ces produits avec les armes utilisées,on en
((ignoreraittotalement » les effets. ))(TAZ, Die Tugeszcitung. Berlin,
numéro du 20 m,ai 1999.)

Je suis par conséquent profondément convaincu que la Cour se trouve
concrètement face à une affaire imposant incontestablement d'agir «de
toute urgence)) et où l'on court le risque d'un ((préjudiceirréparable)),affaire qui répond parfaitement, quant au fond, aux normes humanitaires
que la Cour a retenues dans certains précédents; à cet égard. la présente
instance se situe mêmeà un niveau nettement supérieur.

7. Pour être franc,je dois dire que je trouve totalement inexplicable
que la Cour veuille s'abstenir d'étudier sérieusement la possibilitéd'indi-
quer des mesures conservatoires alors que la situation impose de façon
aussi criante de tenter à tout le moins, indépendamment des effets pra-
tiques éventuelsde la tentative, d'atténuer, sinon de supprimer, un dan-
ger incontestable de catastrophe humanitaire. Je n'envisage pas ici des
mesures conservatoire:; qui prendraient concrètement la forme proposée

par la République fédéralede Yougoslavie, j'envisage des mesures conser-
vatoires en général: la Cour peut proposer d'office d'autres mesures
conservatoires que celles qui sont proposées par la République fédérale
de Yougoslavie, ou elle peut se contenter d'un appel lancé par le pré-
sident, comme elle l'a làit si souvent déjà, dans des situationsmoins diffi-
ciles, en s'inspirant de l'article 74, paragraphe 4, de son Règlement.

Sans le vouloir, on a ici l'impression que, pour la Cour en l'espèce,
l'indication de mesures conservatoires, sous quelque forme que ce soit, lui
a semblé interdite. Par exemple. au paragraphe 19 de l'ordonnance, la
Cour:

((estime nécessaire de souligner que toutes les parties qui se pré-
sentent devant elle doivent agir conformément à leurs obligations
en vertu de la Charte des Nations Unies et des autres règles du droit
international,y compris du droit humanitaire)),

ou bien elle dit, au paragraphe 49, que les Parties: «doivent veiller à ne
pas aggraver ni étendre le différend)). et il est manifeste que, dans les
deux cas, la Cour s'est inspiréed'un type de mesures conservatoires de
caractère général etindépendant.

III.LES QUESTIONS DE COMPÉTENCE

Lu coinpéterzccd ~e lu Cour.ratione personae

8. La qualité d'Etat Membre des Nations Unies de la République

fédéralede Yougosla.vie est, dans la présente instance, l'une des ques-
tions cruciales qui se posent pour la compétence de la Cour vutionrprr-
SO~LIC.
L'Etat défendeur, invoquant la résolution 777 (1992) [du Conseil de
sécurité]en date du 119septembre 1992 ainsi que la résolution 4711 de
l'Assemblée générale des Nations Unies en date du 22 septembre 1992,

soutient que la République fédéralede Yougoslavie ne peut pas être
considérée,contrairement à ce qu'elle prétend, comme I'Etat successeur
de l'ancienne République fédérative socialistede Yougoslavie et que,
n'ayant pas dûment adhéré A l'Organisation, elle n'en est pas Etat
Membre, n'est pas partie au Statut de la Cour et ne peut pas compa-
raître devant celle-ci. LIC'ÉITÉDE I~'EMPLOIDE LA FORCE (OP. DISS. KRE~A) 737

Il y a lieu de noter que 1'Etatdéfendeur n'a pas invoqué le même argu-
ment au sujet de la convention sur le génocidequi est pour le demandeur
une autre base de compétence, alors qu'il y a manifestement un lien entre
l'identitéet la continuité, sur le plan juridique, de la République fédérale

de Yougoslavie, d'une part, et, de l'autre, son statut de partie contrac-
tante à la convention sur le génocide (voir paragraphe 12 ci-après).
On peut deviner les raisons qui expliquent cette attitude de I'Etat deman-
deur.
Scrk~smutrricrc, la question de la qualitéd'Etat Membre de l'organisa-
tion des Nations Unies dont jouit ou non la République fédéralede You-

goslavie peut se ramener à deux éléments.

8.1. Ltr rCsolirtiot~4711 tic 1'A.ssemhlCc~énc;rulrLI CtéudoptCe Li dc1.s
finsprcrgn7utiy~.reest poiitirprs

IIest impossible à nion avis de dissocier l'adoption de cette résolution
du grand courant politique qui animait les organisations internationales

lors du conflit arméqui a éclatédans l'ex-Yougoslavie. En tant qu'organe
politique, l'AssembléegénéraledesNations Unies, de mêmeque le Conseil
de sécuritéqui a recon-imandéque l'Assembléeadopte la résolution 4711,
a, semble-t-il. conçu cette résolution comme un moyen politique de par-
venir à résoudre la crise sous ses différents aspects.

J'en donnerai pour preuve qu'en adoptant la résolution 4711, l'Assem-
bléegénérale aessenti~:llementsuivi les avis de ce qu'on a appelé lacom-
mission Badinter, laqilelle a servi d'organe consultatif pendant les tra-
vaux de la conférence sur la Yougoslavie et était chargéede trouver une
solution pacifique aux différents problèmes. Dans ses avis no 1et no 8,
la coinmission développe la question des transformations territoriales

dans l'ex-Yougoslavie, lesquelles aboutissent à l'apparition de six entités
étatiques égaleset indépendantes correspondant du point de vue terri-
torial aux républiques qui étaient des élémentsconstitutifs de la Fédé-
ration yougoslave. Dans son avis nu 9, la commission part de cette désin-
tégration définitive de l'ancienne République fédérativesocialiste de
Yougoslavie et dit en détail quels effets il faut en attendre du point de

vue de la succession d'Etats. Elle dit notamment à ce sujet que:
<<ilFdut mettre fin A la qualité d'Etat membre de la République
fédérative socialistede Yougoslavie dans les organisations interna-

tionales,conformiémentau statut de ces dernières, et qu'aucun Etat
successeur ne pourra se prévaloir des droits qu'exerçait jusqu'alors
l'ex-République fëdérative socialiste de Yougoslavie en cette qualité
d'Etat membre)) (conférencede la paix sur la Yougoslavie, commis-
sion arbitrale, avis no 9, par.4).

En présentant le prcojetde résolution 47lL. 1.sir David Hannay (repré-
sentant du Royaume-Uni) a notamment trouvé

((significatif le fait que le Conseil ait à revoir la question à nouveau LIC,ÉITE DE L.'EMPLO DI LA FORCE (OP.DISS.KRECA) 738

dans les trois moi:, à venir. La situation tragique dans I'ex-Yougo-

slavie est une source de profonde inquiétude pour tous les membres
de la communautt internationale. La conférence internationale sur
l'ancienne Yougoslavie qui s'est ouverte à Londres le 26 août et qui
se réunit actuellernent à Genève conjugue les efforts de l'ONU et

ceux de la Communauté européenne. NOUS ne devons rirr~ négliger
pour eilcaourager 1r.spur tic^a,vecxl'aide dc~.copr(;siden/s de lu confi;-
r.ct7c.firégler.1eur.rtlifï2reizttùsIcr/uhle (le négociution, et ilon pus
sur 111(./lump de hutuillc~. Lc',fui/ quICCorzseil u dkc.iu'C.e rkesumi-
17e~Il (luestion rrvtrilt lu,den1'~rnnPrsotr, r~ouscn somtnrs certuins,

url rno~,c~r~l'er~c~o~irugrrt.outcs les purti~.~ infé~~.s.s~ts d'uppuyer'
eifiicucemerzt les (~opr.c;sit/entscke lu corzfér-cwce.suItr Yougosltrvic~
tl(in.s lcwr. trichc dgfir,il(Nations Unies. doc. Al47lPV.7, p. 142-
143: les italiques sont de moi.)

8.2. Du poirit delv~rc,ur.iclicl~teI,tr rCsoli4711trc..illogicluc ct con/r.ri-
(1ic.toir.e

Le dispositif de la rksolution 4711se lit comme suit

1.C'onsirlére que la République fédérativede Yougoslavie (Serbie
et Monténégro)ni: peut pas assumer automatiquement la qualitéde
Membre de l'organisation des Nations Unies à la place de l'ancienne
République fédérativesocialiste de Yoiigoslavie et, par conséquent,
décide que la République fédérative de Yougoslavie (Serbie et

Monténégro)devrait présenter une demande d'admission à l'Orga-
nisation et qu'elle ne participera pas aux travaux de l'Assemblée
générale» .

Les principaux éléml-nts de la solution préconiséepar la résolution 4711
de l'Assembléegénéralesont les suivants:

II est d'abord énoncéun avis, qui est que la République fédéralede

Yougoslavie ne peut pas assumer automatiquement la qualitéde Membre
de l'organisation des Nations Unies à la place de la République fédéra-
tive socialiste de Yougoslavie. La position des principaux organes politi-
ques des Nations Unies (leConseil de sécuritéet l'Assembléegénérale)est
définiesous la forme d'un ((avis)); c'est la conclusion qui s'impose quand

on constate que l'extrait pertinent de la résolution 4711commence par le
mot <<considère»M . ais il convient de relever que cet avis de l'Assemblée
généralene correspond pas parfaitement à ce qu'il faut déduire des avis
no' 1, 8 et 9 de la commission arbitrale dite commission Badinter. Dans
ses avis no" 1 et8. la commission tire les conclusions de la désintégration

de la République fédkrative socialiste de Yougoslavie qui aboutit, pour
elle, à produire six entités étatiques indépendantes etégalesdont le terri-
toire est celui des républiques qui étaient auparavant des éléments cons-
titutifs de la Fédérationyougoslave. La résolution 4711prend un départplus modéré;apparemment, elle ne met pas fin à la qualitéde Membre de
l'organisation des Naliions Unies de la République fédéralede Yougo-
slavie. Elle dit sirrlplen~~enqtue «la République fédérativede Yougoslavie
ne peut pas ~~.s,sumcazrtornutiquementlu qzruliti.de Mrmhre de l'organi-
sation ... (les italiques sont de moiA contrurio, cela signifie que la Répu-

blique fédéralede Yougoslavie peut encore assumer la qualitéde Membre
de l'organisation, mais non pas automatiquement. Certes. la résolution
n'expose pas en déta.11 comment cela peut être réalisé,mais, si nous
l'interprétons systématiquement, en lui associant les résolutions 757 et
777 du Conseil de sécurité,i-iousaboutissons à la conclusion que la Répu-
blique fédéralede Yougoslavie peut encoreassumer la qualitéde Membre
de l'organisation à condition que la demande présentéeà cette fin soit

((généralement accepttSe». Que la résolution ne met donc pas implicite-
ment fin, sur le plan juridique, à la qualité de Membre de l'organisation
de la République fédéralede Yougoslavie apparaît aussi clairement dans
la lettre que le Secrétaire généraladjoint et conseiller juridique des
Nations Unies a adresséele 29 septembre 1992aux représentants perma-
nents de la Bosnie-Herzégovine et de la Croatie auprès des Nations

Unies. lettre dans laquelle ildéclarait notamment ceci:
«la résolution ne met pas fin à l'upport~>t1~11 de(~a Yougoslavie à
l'organisation et ne la suspend pas. En conséquence, le siègeet la

plaque portant le nom de la Yougoslavie subsistent ..La mission de
la Yougoslavie auprès du Siègede l'organisation des Nations Unies
ainsi que les bureaux occupés par celle-ci peuvent poursuivre leurs
activités,ils peuvent recevoir et distribuer des documents. Au Siège,
le Secrétariat coritinuera de hisser le drapeau de l'ancienne Yougo-
slavie.))

8.3. LLIptrrticiprrtiouu.u trurluus de lI'Ovguni.satiot~J.rtintcvditr

IIest clair que l'extrait pertinent de la résolution correspond A une
interdiction. car la forme verbale ~itiliséeest une forme impérative (((ne
participera pas))). Miaiscette interdiction est limitée rrrtionr177~1tc~vi ~ro.
deux poii-itsde vue:

u) I'interdiction vise la participation directe aux travaux de l'Assemblée
générale,mais n'exclut pas une participation indirecte. Cette partici-
pation indirecte est évoquéeimplicitement par le fait que la mission

de la République fédérativede Yougoslavie auprès des Nations Unies
peut continuer ses activitéset en particulier. «peut recevoir et distri-
buer des documents)). Le Secrétaire généraladjoint a donc utilisé
dans la résolution l'expression ((Assembléegénérale))au sens géné-
rique, qui s'étend aux organes auxiliaires de l'Assemblée générale
ainsi qu'aux coniërences et réunions organisées par l'Assemblée;

hj I'interdiction ne vise pas la participation aux débats d'autres organes
de l'orgaiiisatiori des Nations Unies. 8.4. 11est tftci~féq~ic lu Rtpuhliquc ,fid6ru/r tle Yougos/ui~ic~ rfevruif
prc;.rrnr~unr IAc.r?~undd'udnzission 1'Orguni.sution

Cette partie de la résolution 47/1 est ambiguë du point de vuejuridique

et contradictoire dans la forme comme au fond.
Du simple point de vue formel, «décider» que la République fédérale
de Yougoslavie doit présenter une demande d'admission à I'Organisation
procède d'une l-iypothkseirréfutable, qui est que la République fédérale
tient à avoir la qualitt-bde Membre de I'Organisation mêmesi elle n'est

peut-êtrepas autorisée à rester Membre de I'Organisation. Cette hypo-
thèse est illogique, mêmesi elle se vérifiedans les faits. C'est volontaire-
ment que ses Membres adhèrent à I'Organisation, et par conséquent
aucun Etat n'est tenu de demander son admission. A cet égard. par
conséquent. le libellétie la résolution n'estpas correct du point de vue
juridique ni du point de vue technique, parce qu'il évoquecette hypothèse

qui serait irréfutable. II eut étéplus juste d'énoncer uneréservequi aurait
subordonné la décision à la iiolontCr.rpresse de la Yougoslavie faisant
savoir qu'elle voulait devenir Membre de I'Organisation au cas où cette
aualité lui aurait étéretiréede facon irrévocable.
' D'un point de vue c'oncret,on n'evoit pas bien pourquoi la République

fédéralede Yougoslavie devrait présenter une demande d'admission si
<<larésolution ne met pas fin à I'uppurtrnance de la Yougoslavie à l'Or-
ganisation ..)) Une demande d'admission, par définition, est présentée
quand un Etat non membre veut entrer à I'Organisation. Sur le plan des
relations concrètes, quelle serait l'issue de la procédure qu'engagerait la
Yougoslavie en présentant une demande d'admission? Si la procédure

doit aboutir à confércr la qualité de Membre. il serait en bonne logique
superflu que l'Assembléegénérale prenne cette décision,puisque la réso-
lution 4711n'a pas mis fin, pour la Yougoslavie, à sa qualité de Membre
de l'Organisation. On peut présumer que les auteurs de la résolution4711
envisageaient donc une autre issue. Ils voulaient peut-être confirmer ou

renforcer au moyen de cette procédure la qualité de Membre de l'Orga-
nisation qu'avait la Yougoslavie. C'est ce que laisse deviner l'énoncéde
la résolution quand celle-ci dit: <<laRépublique fédérativede Yougosla-
vie ... ne peut pas assumer automatiquement la qualité de Membre de
l'organisation ...à la place..» Cette formule signifie littéralement que la
procédure viserait à réaffirmerou renforcer, pour la République fédérale

de Yougoslavie, sa qualitéde Membre de I'Organisation. mais la confir-
mation de la qualité de Membre n'aurait guère de sens juridique dans
ce cas de figure parti<:ulier,car un Etat est Membre ou il ne l'est pas. La
signification de l'acte en question ne peut êtreque non juridique: c'est-
à-dire qu'elle serait politique. En dernier lieu, la résolution conseille à la

République fkdéralede Yougoslavie de présenter une demande d'admis-
sion à I'Organisation et il faut alors, logiquement. se poser la question
suivante: pourquoi un Etat à l'égard duquel I'Organisation elle-même
n'estime pas avoir mis fin à sa qualité de Membre présenterait-il une
demande dont I'objei,lui est déjàincontestablemerlt acquis? LICEITÉ DE L.'EMPLOI DE LA FORCE (OP. DISS. KRE~A) 74 1

En dernier lieu, il faut tenir dûment compte aussi du dernier para-
graphe de la résolution 4711, aux termes duquel l'Assemblée générale
prend acte ttde l'intention du Conseil de sécuritéde reconsidérer la ques-
tion avant la fin de la partie principale de la quarante-septième session de

l'Assembléegénérale)).Une telle déclaration est inutile si les auteurs de la
résolution avaient l'intention de mettre fin, au moyen de son adoption. au
débat sur la continuitè de la qualité d'Etat Membre des Nations Unies
de la République fédkrative de Yougoslavie. Cette déclaration donne,
semble-t-il, à entendre que la résolution 4711a en fait pour objet, au sein
de l'organisation. de préserver la dynamique du débat politique qui
permet de faire régulièrementle point de la crise yougoslave et, dans le

cadre de ce débat, cette question de la qualité de Membre de l'organi-
sation de la République fédéralede Yougoslavie va elle-mêmejusqu'à
acquérir, aux yeux de l'organisation, un certain poids. Cette question a
un caractère formel et elle se pose officiellement depuis l'adoption par le
Conseil de sécuritéde :;arésolution 757 du 30 mai 1992,qui met en branle
dans son dispositif le mécanismede mesures prévues au chapitre VJJ de

la Charte des Nation:; Unies après avoir constaté que «la situation en
Bosnie-Herzégovine ei. dans d'autres parties de l'ex-République fédéra-
tive socialiste de Yougoslavie constitue une menace pour la paix et la
sécurité..»
11n'est donc pas difficile d'adhérer au jugement de Mme Higgins qui
était encore professeur quand elle disait que, du point de vue juridique,
cette résolution4711produit un effet «anormal au point d'êtreabsurde))

(Rosalyn Higgins, «The United Nations and the Former Yugoslavia)>,
Intrrnationul AfJri~irs, ol. 69, p. 479).

8.5. La pi.uticluede l'Organisation en ce qui concerne les questions
cluesoulè~~ la teneur (le lu résolutio4711

Un petit nombre d,r faits pertinents intéressant la pratique suivie par
l'organisation au sujet de la qualité d'Etat Membre de la République
fédérativede Yougoslavie soulèvent la question de savoir si celle-ci a agi
contra fucturn propriurn du moment que:

a) la résolution 4711 a étéadoptée à la quarante-septième session de
l'Assemblée générale. La délégationde la République fédéralede
Yougoslavie a participé activement, en qualité d'Etat Membre à part

entière, aux travaux de la quarante-sixième session. et la commission
de vérificationdes pouvoirs a recommandé à l'unanimitéd'approuver
lespouvoirs de la Républiquefédéralede Yougoslavie (Nations Unies,
doc. Al461563en date du 11 octobre 1991 ). Comme la Croatie et la
Slovénieont fait sécessionet ont quitté la Fédérationà la veille de
ladite session, l'attitude adoptée par l'organisation à l'égard de la

participation de la République fédéralede Yougoslavie aux travaux
de la quarante-sixième session signifie que l'organisation acceptait la
République fédéralede Yougoslavie comme un Etat prédécesseur
amputé d'une partie de son territoire, conformément à des ((critères définisà la suite de la partition de I'lnde en 1947 et régu-
lièrement appliqut~sdepuis - des critères qui, dans l'ensemble, ont
étéfort utiles aux Nations Unies et à la communauté internationale
au cours des dernières décennies))(Yehuda Z. Blum, «UN Mem-
bership of the <<r\le» Yugoslavia :Continuity or Break?)). Ameri-

cun Jourrzuloj'Inrcr.nntionr1Lrrii(1992), vol. 86. p. 833);

h) la délégationde la République fédéralede Yougoslavie a également
pris part aux travaux de la quarante-septième session de l'Assemblée
généralequi a adopté la résolution contestant à la République fédé-
rale de Yougoslavie le droit d'assumer automatiquement la qualitéde
Membre de l'organisation à la place de l'ancienne République fédé-
rative socialiste de Yougoslavie. Pas une seule délégationn'a émis
d'objection au fait que la République fédérativede Yougoslavie

occupe, à I'Asseml~lée générale,le siègede la République fédérative
socialiste de Yougoslavie. 11faut en déduire que les délégationsont
((tacitement du moins acceptéque les ((autoritésde Belgrade)) aient le
droit de demander à occuper le siègede la Yougoslavie - le siègede
l'un des Membres originaires des Nations Unies» (ihid, p. 830):
c) pendant tout le ternps qui s'est écoulédepuis l'adoption de la résolu-

tion 4711 par 1'As:semblée générale,la République fédéralede You-
goslavie a continué de payer sa contribution financiére à I'Organisa-
tion (voir les anncxes au CR 99/25). La Yougoslavie est citéeparmi
les Etats Membres dans le document intitulé «Etat des contributions
verséesau 30 novczmbre 1998)) publiépar le Secrétariat des Nations
Unies dans le document portant la cote ST/ADM/SER.B/533 datédu
8 décembre 1998. Dans la lettre adressée à Vladislav Jovanovit,

chargé d'affaires de la mission permanente de la République fédé-
rale de Yougoslavie auprès des Nations Unies, les autorités compé-
tentes de 1'Organi:;ation citaient l'article 19 de la Charte des Nations
Unies et accompagnaient la citation de la formule ci-après:

«pour que votre gouvernement ne tombe pas sous le coup des dis-
positions de l'article 19 de la Charte pendant l'une quelconque des
réunionsde l'Assemblée généralq eui se tiendront en 1998,il faudrait
verser à l'organisation un montant minimum de 11776400 dollars

des Etats-Unis pour ramener les arriérésen question à un montant
inférieur au montant prévuà l'article 19)) (ihid :)

d) dans la pratique suivie par le Secrétaire généradles Nations Unies en
qualitéde dépositairedes traitésmultilatéraux,la Yougoslavie est citée
comme Etat Membre originaire partie aux traitésmultilatéraux déposés
auprèsdu Secrétaire généraL l.a date à laquelle la Républiquefédérative
socialistede Yougoslavie a exprimé sonconsentement àêtreliéeest indi-
quée commela date IIlaquelle la Yougoslavie est effectivementliéepar

l'instrument considéré.Par exemple. si l'on considèrel'étatdes ((traités
multilatéraux déposés auprès du Secrétairegénéral))pour 1992, il y
figure la liste des «partiesA la Convention pour la prévention et la LICEITE DE L'EMPLOI DE LA FORCE (OP. DISS.KRECA) 743

répressiondu crimede génocide,la Yougoslaviefiguresur cette listeet le
29 août 1950est lad.atequi est indiquée commeétantcellede l'accepta-
tion de l'obligation correspondante, c'est-à-dire la date laquelle la
République fédérative socialiste de Yougoslava ieratifié laconvention.
Ce modèle s'appliquiemutatis mutandis, aux autres conventions multi-
latérales déposéesuprèsdu Secrétaire généra dles Nations Unies.

Compte tenu de la pratique existante, on trouve dans le ((précisde la
pratique du Secrétaire générae ln tant que dépositaire de traités multi-
latéraux» la conclusionici-après:

«[l']indépendancedu nouvel Etat successeur, qui exerce désormaisla
souveraineté sur son territoire, est naturellement sans effet sur les
droits et obligations d'origine conventionnelle de'Etatprédécesseur
se rapportant àce qui lui reste de son territoire. Ainsi, après la sépa-
ration de parties du territoire de'Union des républiquessocialistes
soviétiques(qui ont acquis le statutd'Etats indépendants), la Fédé-
ration de Russie a conservétous les droits et obligations d'origine
conventionnelle de1'EtatprédécesseurI.Ienvademêmepour la Répu-

blique fédérativede Yougoslavie (Serbie et Monténégro), quireste
I'Etat prédécesseuraprèsla sécessionde certaines parties du territoire
de l'ancienne Yougoslavie. La résolution4711de l'Assemblée générale
en date du 22 septembre 1992,aux termes de laquelle la République
fédérative de Yougoslavie ne peut pas assumer automatiquement la
qualitéde Membre de l'organisation des Nations Unies à la place de
I'ancienne Yougoslavie,a étéadoptéedanslecadre des Nations Unies
et celui de la Charte des Nations Unies, et non pas pour signaler que
la République fédkrativede Yougoslavie ne devait pas êtreconsidérée
comme un Etat prédécesseur.)()STlLEG.8, p. 89, par. 297.)

Le 9 avril 1996, à la suite de protestations émanant d'un petit nombre
d7Etats Membres des Nations Unies, le conseiller juridique des Nations
Unies a publié des «errata» (doc. LLA41TRl220) consistant notamment
à supprimer, au paragraphe 297 dudit ((précis)),le qualificatif d'Etat suc-
cesseur accordé à la République fédéralede Yougoslavie. A mon sens,
cette suppression ne revêtaucun intérêt juridique puisqu'un «précis»n'a

Dasen soi la valeur d'un document autonome. d'un document aui établit
Lu constitue quelque chose. Il s'agit simplement de l'expression ;amassée,
de l'affirmation lapidaire par un observateur extérieurd'un fait qui existe
en dehors du résumé ettout à fait indépendamment de lui. En ce sens, il
est dit, dans l'introduction au ((précis))de la pratique du Secrétairegéné-
ral en tant que dépositairede traitésmultilatéraux))que«le présentdocu-
ment a pour objet d'exposer dans ses grandes lignes la pratique suivi en
la matière par le Secrétaire général)()p.; les italiques sont de moi) mais
il n'a pas pour objet de constituer la pratique elle-même.
9. En ce qui concerne la qualité de Membre de l'organisation des
Nations Unies de la Fképubliquefédéralede Yougoslavie, la Cour consi-
dère que, ((eu égard à la conclusion à laquelle elle est parvenue au para-
graphe 29 ci-dessus, la Cour n'a pas à examiner cette question à
l'effet de décidersi elle peut ou non indiquer des mesures conserva-
toires dans le cas.d'espèce))(ordonnance, par.32).

La Cour adopte donc un stratagème ingénieux (eleguntiue juris proces-
sualis) mais, aux fins de la présente instance, il est peu fructueux. La
compétencede la Cour rationr persanue est directement tributaire de la
réponse ala question de savoir si la Républiquefédéralede Yougoslavie
peut être considérée comme un Etat Membre des Nations Unies, tant
à I'égard dela clausi: facultative qu'à I'égardde la convention sur le
génocide.
Il serait évidemmentdéraisonnable de compter que la Cour statue sur
la question proprement dite de l'appartenance de la Républiquefédérale
de Yougoslavie a l'organisation. Pareille attente ne serait guèreconforme
a la nature de la fonction judiciaire et reviendrait par ailleursmmiscer
dans le domaine propre des principaux organes politiques de I'organisa-
tion mondiale, le Conseil de sécuritéet l'Assemblée générale.
Maisje suis profonclémentconvaincu que la Cour aurait dû répondre à
la question de savoir si la République fédéralede Yougoslavie peut ou

non, eu égard à la teneur de la résolution4711de l'Assembléegénéraleet
A la pratique de l'organisation mondiale, êtreconsidéréecomme un Etat
Membre des Nations Unies et tout particulièrement comme étantpartie
au Statut de la Cour; car le texte de la résolution4711ne fait pas mention
de la qualité de partie au Statut de la Cour internationale de Justice dont
peut se prévaloir la FLépubliquefédéralede Yougoslavie. C'est la que
résidel'importance de la résolution4711 rutionc materiae. Et il n'ya rien
d'autre que cela. A cet égard,la situation de la Cour est exactement celle
des autres organes des Nations Unies. Dans le cas contraire, il serait par
exemple inutile que l'Assemblée généralfeormule une recommandation,
comme elle le faitdan:ssa résolution471229,concernant la participation
de la République fédéralede Yougoslavie aux travaux du Conseil éco-
nomique et social. Autrement dit, la résolution4711ne fait aucune men-
tion ni expresse ni tacite de la Cour internationale de Justice; il en va de

mêmepour les autres clocuments adoptéssur la base de ladite résolution.
II faut en déduireque cette résolution 4711de l'Assemblée généraln e'a
produit aucun effet sur la qualité de partie au Statut dont peut serèva-
loir la Républiquefédéralede Yougoslavie et c'est bience que confirment
notamment tous les numéros de l'Annuaire de la Cour internationale de
Justicepubliésdepuis 1992.
Je suis égalementconvaincu que tant la teneur de la résolution,celle-ci
représentant une contmdictio in adiecto, que la pratique particuliéresui-
vie pendant prèsde sept ans par l'organisation mondiale aprèsson adop-
tion apportent beaucoup d'éléments qua iutorisent la Cour àse pronon-
cer sur cette question.
10. Or, en ce qui concerne la qualitéd'Etat Membre de l'organisation
des Nations Unies dont la République fédéralede Yougoslavie peut se LICÉITÉ DEI L'EMPLOI DE LA FORCE (OP. DISS. KRECA) 745

prévaloir,on peut dire que la Cour a conservédans ses grandes lignes la

position qu'elle a adoptée dans son ordonnance du 8 avril 1993 dans
l'affaire de laConvention sur le génocide en statuant sur la demande en
indication de mesure:;conservatoires.
Au paragraphe 18de ladite ordonnance, la Cour considère que:
«si la solution adoptée ne laisse pas de susciter des difficultésjuri-

diques, la Cour n'a pas àstatuer définitivementau stade actuel de la
procédure sur la question de savoir si la Yougoslavie est ou non
membre de l'organisation des Nations Unies et, à ce titre, partie au
Statut de laCour)) (Application de la convention pour lu prévention
et la répressiodE rrime de génocide,nzesures conservutoires, ordon-
nance du 8 avril 1993, C.I.J. Recueil 1993, p. 14).

On peut objecter que le libellé du paragraphe 18ci-dessus a un carac-
tère technique, que ci: n'est pas une réponse pertinente à la question de
savoir si la République fédéralede Yougoslavie est ou non membre de
l'organisation des Nations Unies; toutefois, il est incontestable que cet
énoncé aeu concrètement l'effet voulu parce que, semble-t-il,

«la Cour voulait se déclarercompétentedans cette affaire (Applica-
tion de la convention pour lu prévention et lu répressiondu crime de
génocide,]tout en évitanten mêmetemps de se prononcer sur cer-
tains problèmes délicats,du reste assez graves, concernant la situa-
tion de 1'Etat défendeur face à la Charte et au Statut)) (M. C. R.
Craven, «The Genocide Case, the Law of Treaties and State Succes-
sion», Bristish Kpur Book of'International Laii, 1997,p. 137).

La Cour a tacitement conservécette mêmeposition lors des nouvelles
demandes en indication de mesures conservatoires lAu.'ication de la
convention pow lu prévention et la répression du crime de génocide,
ordonnunce du 13 septembre 1993), de mêmeque dans l'arrêt rendule
1I juillet 1996sur les exceptions préliminaires.
On peut sans doute estimer que cette position est compréhensible lors
de la seconde procédilre en indication de mesures conservatoires, mais
elle soulève des questions fort complexes dans le cadre de la procédure
relative aux exceptions préliminairesémanant de la Yougoslavie.
Dans ladite procédure, la Cour était notamment face, là aussi, a la

question de savoir si la Yougoslavie est partie a la convention sur le
génocide. II n'est guère besoin de rappeler que la qualité de partie
contractante à ladite convention était la condition sine qua non permet-
tant a la Cour de se dliclarer compétentedans l'affaire relativeà l'Appli-
cation de lu convention pour lu prkvention et lu répressiondu crirne de
génocide.
La Cour s'est déclaréecom~étente rutione uersonue en donnant à ce
sujet une explication que je trouve peu solide et peu convaincante (voir
mon opinion dissidente, C.1J. Recueil 1996 (II), p. 755-760,par. 91-95).
Aux fins de la présenteinstance, il est intéressant de noter que la Cour
avait observé à cette première occasion «qu'il n'a pas étécontesté quelaYougoslavie soit partie à la Convention sur le génocide)) (Application de
la convention pour la prévention et la répressiondu crimede génocide,
excvptions préliminaires,arrêt,C.I. J. Recueil 1996 (II), p. 610, par. 17).
Et l'absence de contestation a représentépour la Cour l'argument décisif
qui lui permettait de dire que «la Yougoslavie étaitliéepar les disposi-
tions de la convention à la date du dépôt de la requêteen la présente
affaire))(ihid).
La Cour s'est abstenue, délibérémenjte présume, de dire qui n'avait
pas contestéque la Yougoslavie soit partie à la convention sur le géno-
cide. Si elle pensaitu demandeur (la Bosnie-Herzégovine),il n'est guère

besoin de rappeler que:1'Etatintroduisant une instance devant la Cour ne
va wasnier l'existencedu titre de comwétencevoulu: et. dans I'affaire en
quéstion,la convention sur le @nocidéétait,pour laCour, le seul chef de
comdtence ~ossible. Si toutefois la Cour wensait à des Etats tiers. alors
la réaliténe correspond pas a I'absence de contestation dont la Cour
parle. En refusant de reconnaître la Républiquefédéralede Yougoslavie
et d'admettre qu'elle continuait d'assumer automatiquement la qualité
d'Etat Membre de l'clrganisation des Nations Unies, les Etats Membres
de ladite organisation mondiale contestaient eo ipso que la République
fédérale de Yougoslavie soit automatiquement partie aux traités

multilatéraux conclus sous l'égidedes Nations Unies et, soit par consé-
quent aussi partie à la convention sur le génocide. La Républiquefédé-
rale de Yougoslavie ne peut êtreconsidéréecomme étant partie à la
convention sur le génocideque s'il y a, du point de vuejuridique, identité
et continuité entre elle et la République fédérativesocialiste de Yougo-
slavie, car, s'il en vaautrement,la République fédéralede Yougoslavie
constitue un Etat nouveau et elle n'a pas donnéson consentement àêtre
liéepar la convention sur le génocidede la façon qui est prescrite à I'ar-
ticle XI de ladite convention et ellen'a pas fait tenir au Secrétairegénéral

des Nations Unies la notification de succession voulue. II n'y a tout sim-
plement pas de tertiun~quid, notamment du point de vue de l'arrêtrendu
le 11juillet 1996dans Il'affairede lConvention sur le génocide, arrêtdans
lequel la Cour ne s'esitpas prononcée sur ce qu'on appelle la succession
automatique dans le cas de certains traités multilatéraux (Appliccltion clr
lu convention pour la prévention et lu répression du crime de ginocide,
ricr~eptionspréli~ninuir~os.rrêtC. IJ. Recueil 1996 (II), p. 612, par. 23).
Tout bien considérk,dans la présenteordonnance, la Cour est restée
fidèleà sa volontéd'abstention, disant iinouveau qu'elle «n'a pas à exa-
miner cette question a l'effet de décidersi elle peut ou non indiquer des

mesures conservatoires dans le cas d'espèce)).
Ce silence de la Cour alors qu'il serait si utile de répondreà la ques-
tion, cette hésitationZiprendre position risquent de donner une impres-
sion très différentede celle qu'envisage Craven lors de l'affaire relative
1'Applicution lu con~c~ntioprlour luprPilt,ntionIriréprrssiondu crinledc>
génoc.ic/e. uand ildit que <<laCour voulait se déclarercompétente tout
en voulant ékiteren mêmetemps de se prononcer sur les problèmesdéli-
cats, d'ailleurs assezkrieux, qui se posent au sujet de la situation)) de laYougoslavie face à la Charte et au Statut, et les inévitables conséquences
juridiques de cette situation sur une affaire portéedevant la Cour.

Compétencede lu Cour ratione materiae

II. Je suis d'avis qu'en l'espècela position adoptée par la Cour prête
fortement à critiques.
La Cour considère .:

«que le recours ou la menace du recours à l'emploi de la force contre
un Etat ne sauraient en soi constituer un acte de génocideau sens de
l'articleII de la convention sur le génocide;et que, de l'avis de la
Cour, il n'apparaît pas au présentstade de la procédureque lesbom-
bardements qui (:onstituent l'objet de la requêteyougoslave «corn-
porte[nt] effectivement l'élémentd'intentionnalité, dirigécontre un
groupe comme tel, que requiert la disposition sus-citée» (Licéitéde
lu menace ou de l'emploi durmes nucléuires,avis consultut$ C.I.J.
Recueil 1996 (Z), p. 240, par. 26))) (ordonnance, par. 39).

L'intentionnalitéest incontestablement l'élément subjectiq fui est cons-
titutif du crime de ginocide comme du reste de n'importe quel autre
crime. Mais cette question n'est pas l'objet de la prise de décisiondans la
procédure incidente de l'indication de mesures conservatoires et, par sa
nature même,elle ne peut pas l'être.
Il fautà cet égardchercher une preuve fiable dans le différendqui, par
ses principaux traits, est pour l'essentiel identique au différendexaminé

ici:il s'agit de l'affaire relative I'Applicution de lu convention pour lu
prévention et lu répre~siondu crime de génocide.
Dans l'ordonnance qu'elle a rendue le 8 avril 1993sur l'indication de
mesures conservatoires, souscrivant a l'affirmation du défendeurqui dit
notamment «nlapport[er] aucun appui ni n'encourag[er], d'une façon ou
d'une autre, la perpétration des crimes mentionnésdans la requête ...[et]
que les griefs exposés dans la requêtesont dénués de fondement» (Appli-
cution de lu convention pour lu prévention et larépressiondu crime de
génocide, mesures corzservutoires, ordonnunce du 8 avril 1993. C.I.J.
Recueil 1993, p. 21, par. 42), la Cour a considéréque:

«dans le contexte de la présenteprocédure concernant I'indication
de mesures conservatoires, [elle]doit, conformément à l'article 41 du
Statut, examiner si les circonstances portées ë son attention exigent
l'indication de mesures conservatoires, mais n'est pas habilitée à
conclure définitivementsur les faits ou leur imputabilité et que sa
décisiondoit laisser intact le droit de chacune des Parties de contes-
ter les faitsllégukscontre elle, ainsi que la responsabilité qui lui est
imputéequant à ces faits et de faire valoir ses moyens sur le fond))

(ihid,p. 22, par. 4.4)
et que:

[elle]n'est pas appelée à ce stade à établirl'existence de violationsde la convention sur le génocide)) (Application de la convention pour la
prévention et la répressiondu crime de génocide,mesures conservatoires,
ordonnance du 8 avriI 1993, C.I.J. Recueil 1993, p. 22, par. 46).

La raison d'être desmesures conservatoires est par conséquentlimitée
i la préservation des droits des parties pendente lite qui sont l'objet du
différend,droits qui peuvent ultérieurementfaire l'objet de la décisionde
la Cour. Comme celle-ci le dit de nouveau dans l'affaire de la Frontière
terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria:

((Considérantque la Cour, dans le cadre de la présenteprocédure
concernant l'indication de mesures conservatoires, n'est pas habilitée
à conclure définitivementsur les faits ou leur im~utabilitéet aue sa
décisiondoit laisser intact le droit de chacuned& Parties de &tes-
ter les faits alléguéscontre elle, ainsi que la responsabilitéqui lui est
imputée quant Ii ces faits, et de faire valoir, le cas échéant,ses
moyens sur le foi~d.))(Frontière terrestre et maritime entre le Cume-

roun et le Nigériiu,mesures conservatoires, ordonnance du 15 mars
1996, C.I.J. Recueil 1996 (11,p. 23, par. 43.)
12. Sur ce point en,particulier, il se pose des questions fondamentales
au sujet de la position de la Cour.
On peut considérer de deux façons le lien entre le recours à la force

arméeet le génocide:
a) est-ce que I'emploide la force est un acte de génocide per seou non?
b) I'emploi de la force favorise-t-il le génocide et, dans l'affirmative,
qu'est-ce alors au sens juridique?

Indéniablement, I'emploi de la force, en soi et par définition, necons-
titue pas un acte de génocide. Nul besoin d'enfaire la preuve. Toutefois,
il n'est pas possible d'endéduire queI'emploide la force est sans rapport
avec la commission di1crime de génocideet qu'il n'est pas possible d'éta-
blir un tel rapport. Pareille conclusion serait contrairela logique la plus
élémentaire.
L'articleII de la convention pour la prévention et la répression du
crime de génocide définit lesactes de génocidecomme

«l'un quelconqulr des actes ci-après, commis dans l'intention de
détruire. en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial
ou religieux, comme tel:

a) meurtre de membres du groupe;
b) atteinte graveà l'intégrité physiqueou mentale de membres du
groupe;
c) soumission intentionnelle du groupe à des conditions d'existence
devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle;
d) mesures visarità entraver les naissances au sein du groupe;
e) transfert forcéd'enfants du groupe i un autre groupe)). I.ICÉITÉ DE L'EMPLOI DE LA FORCE (OP. DISS. KRE~A) 749

N'importe lequel des actes ci-dessus peut être commis également au
moyen de la force. L'emploi de la force est par conséquent l'un des
moyens possibles de commettre des actes de génocide.Et, il convient de le
signaler, c'est l'un des moyensles plus efficaces, étant donné les carac-
tèrespropres de la force armée.
L'emploi étendude la force armée,en particulier s'ilvise des objets et

des infrastructures constituant les conditions de la vie normale, peut
aboutir à ((soumettre le groupe a des conditions d'existence))entraînant
bel et bien <<sadestruction physique)).
On peut bien enteridu objecter que les actes en question ont pour rôle
d'affaiblir la puissance militaire de la Républiquefédéralede Yougosla-
vie. Mais pareille explication peut difficilement représenterun argument
valable. Le raisonnement, en effet, va rapidement emprunter un cercle
vicieux: la puissance militaire étantaprèstout composéed'hommes, il est
possible d'aller jusqu'à prétendreque le meurtre collectif d'une foule de
civils tient en quelque sorte lieu de mesure de précaution de nature
a empêcherd'entretenir la puissance militaire de l'Etat, voire de l'aug-

menter en cas de mobilisation.
Certes, pour pouvoir parler de génocide,il faut une intention, c'est-à-dire
qu'il faut vouloir((soumettre intentionnellement le groupe a des conditions
d'existence))entraînanit «sa destruction physique totale ou partielle)).
Lors de procédures incidentes, la Cour ne peut pas - et ne doit
d'ailleurs pas- chercher a établir de façon définitive qu'elle esten pré-
sence d'une volonté de soumettre le groupe à des conditions d'existence
de nature à menacer sa survie. Eu égarda l'objet des mesures conserva-
toires, on peut direqu'à ce stade de la procédure,il suffit d'établir que,le
groupe étant soumis ;ides bombardements intensifs, on court objective-
ment le risque de voir cette situation aboutir à menacer sa survie.
La Cour a précisémentadoptécette position dans l'ordonnance qu'elle

a rendue le 8 avril 1903au sujet de I'indication de mesures conservatoires
dans l'affaire relativeà l'Application de lu convention pour lu prévention
et lu répressiondu crime de génocide.
Le paragraphe 44 de cette ordonnance se lit comme suit:
((Considérantque la Cour, dans le contexte de la présente procé-
dure concernant Il'indicationde mesures conservatoires, doit, confor-

mément àl'article 41 du Statut, examiner si les circonstances portées
à son attention exigent I'indication de mesures conservatoires, mais
n'est pas habilitke à conclure définitivement sur les faits ou leur
imputabilitéet que sa décisiondoit laisser intact le droit de chacune
des Parties de contester les faits alléguécontre elle, ainsi que la res-
ponsabilité qui lui est imputéequant à ces faits et de faire valoir ses
moyens sur le fond.)) (C.I.J.Recueil 1993, p. 22.)

La question de l'«iritentionnalité» est extrêmementcomplexe. L'inten-
tion appartient au domaine subjectif, c'est une catégoriepsychologique,
mais, dans la législation pénalecontemporaine, l'intention est également
établieà partir de circonstances objectives. L'intention présuméede com-mettre l'acte fait très communément partie du système juridique. Par
exemple, aux Etats-1Jnis d'Amérique, la jurisprudence autorise la pré-
somption plausible p;wopposition à la présomption concluante, mêmeen
matière ~énale.
De toute façon, les Parties s'opposent très clairement, semble-t-il, au
sujet de l'«intentioninalité»en tant qu'élémentconstitutif du crime de

génocide.
Le demandeur affirme que I'«intention »peut êtreprésuméetandis que
le défendeursoutient qu'en tant qu'élément constitutifdu crime de géno-
cide, l'«intention» doit êtreclairement établiesous forme de do1spécial.
Cette opposition de vues entre les Parties constitue un différendrelatif à
l'interprétation, l'application ou l'exécutionde la ...convention [sur le
génocide])),les différendsde ce type comprenant aussi les différendsrela-
tifsà la responsabilitéd'un Etat en matière de génocideou de l'un quel-
conque des autres actes énumérés à l'article III de ladite convention.
13. En même temps, il ne faut pas oublier que, «dans certains cas, sur-

tout dans le génocidepar la soumission à des conditions inhumainesde vie,
le crime peut êtreperpétrépar omission)) (Stanislas Plawski, Etude des
principes fondunientuus du droit internutionul pénul, 1972, p. 115. Cité
dans Nations Unies, ,dot.E/CN.4/Sub.2/416 daté du4 juillet 1978,p. 28).
En effet,

«[ll'expérienceprouve que l'étatde guerre ou le régimed'occupation
de guerre sont un prétextefacile pour lesautoritésresponsables pour
ne pas fournir à une population ou à un groupe ce qui leur est néces-
saire pour subsister: vivres, médicaments, vêtementsh , abitations ...
On nous dira que c'est la soumission du groupe à des conditions
d'existence susceptiblesd'entraîner sa destruction physique totale ou
partielle.)(J. Y. Dautricourt, «La prévention du génocide et ses
fondements juridiques)), Etudes internationules de psychosociologie
criminelle,n0V14-15, 1969,p. 22-23. Citédans Nations Unies, doc.

E/CN.4/Sub.2/416 datédu 4 juillet 1978,p. 28.)
II est donc d'une importance primordiale de savoir que, lors de procé-
dures incidentes, la Cour ne peut pas - et ne doit d'ailleurs pas- cher-
cher à établirde façon définitive unevolontéde soumettre le groupe à des

conditions d'existence de nature à menacer sa survie. Eu égard à l'objet
des mesures conservatoires, on peut dire qu'à ce stadede la procédure,il
suffit d'établirque, 11:groupe étant soumis à des bombardements inten-
sifs, on court objectivement le risque de voir cette situation aboutir à
menacer sa survie.

Compétencede lu Cour ratione temporis

14. Pour la Cour, l'élémen tatione temporis de sa compétencedonne

la cléde la position qu'elleadopte dans la présente instance,en concluant
qu'elle n'apas compétence.Dans sonordonnance, la Cour déclarenotam-
ment : ((Considérant qu'il est constant que les bombardements en cause
ont commencé II:24 mars 1999et se sont poursuivis, de façon conti-
nue, au-delà du 25 avril 1999; et qu'il ne fait pas de doute pour la
Cour, au vu notamment des débatsdu Conseil de sécuritédes 24 et
26 mars 1999 (S/PV.3988 et 3989), qu'un ((différendd'ordre juridi-

que)) (Tinzor oriental (Portugal c. Australie), C.I.J. Recueil 1995,
p. 100, par. 22) a ((surgi))entre la Yougoslavie et 1'Etatdéfendeur,
comme avec les autres Etats membres de l'OTAN, bien avant le
25 avril 1999, au sujet de la licéitéde ces bombardements comme
tels, pris dans leur ensemble;
Considérant que la circonstance que ces bombardements se soient

poursuivis aprèsle 25 avril 1999et que le différendlesconcernant ait
persistédepuis lors n'est pas denature à modifier la date à laquelle le
différendavait surgi; que des différends distincts n'ont pu naître par
la suiteà 1'occar;ionde chaque attaque aérienne;et qu'à ce stade de
la procédure, la Yougoslavie n'établit pas que des différendsnou-
veaux, distincts du différend initial, aient surgientre les Parties après
le 25 avril 1999au sujet de situations ou de faits postérieurs impu-
tables au Portugal.)) (Ordonnance, par. 27 et 28.)

Cette position, de la part de la Cour, me paraît extrêmement contestable
pour deux raisons principales :

- la première explication a un caractère général intéressant lajurispru-
dence de la Couir en ce qui concerne la question, d'une part, et, de
l'autre, intéressant le caractère de la procédure de I'indication de
mesures conservatoires;
- la seconde explication a un caractère spécifiquequi tient aux circons-

tances de la présente instance.
14.1. S'agissant de sa compétence,il paraît incontestable que la Cour
adopte, quand il est question pour elle d'indiquer des mesures conserva-
toires, une attitude libéraleà l'égardde l'élémenttemporel. La Cour est

en l'occurrence motivéepar un fait qu'elle metassez régulièrement enévi-
dence :
«on ne saurait admettre a priori qu'une demande fondée sur un tel

grief échappecomplètement à la juridiction internationale;

[cette]constatation ...est suffisante pour autoriser en droit la Cour à

examiner la demande en indication de mesures conservatoires;

l'indication de telles mesures ne préjuge en rienla compétencede la

Cour pour connaître au fond de l'affaire et laisse intact le droit du
défendeurde faire valoir sesmoyens à l'effetde la contester))(Anglo-
Iranian Oil Co., ordonnance du 5 juillet 1951, C.1.J. Recueil 1951,
p. 93), «lorsqu'elle estsa.isied'une demande en indication demesures conser-
vatoires, la Cour n'a pas besoin, avant d'indiquer ces mesures, de

s'assurer de manière concluante de sa compétencequant au fond de
l'affaire. mais...elle ne doit cependant pas appliquer l'article 41 du
Statut lorsque son incompétence au fond est manifeste)) (Compé-
tence en matière de pecheries (Royaume-Uni c. Islande), mesures
conservatoires, ordonnance du 17 août 1972, C.I.J. Recueil 1972,
p. 14, par. 15; ei.Compktence en matière de pêcheries(République
fédkrale d'Allemagne c. Islande), mesures conservatoires, ordon-
nance di*17 août 1972, C.1.J. Recueil 1972, p. 33, par. 16).

II n'est guère besoin de relever que le membre de phrase «n'a pas
besoin ...de s'assurer de manière concluante de sa compétence quant
au fond de l'affaire)}vise la compétence in totoet que, par conséquent,
il s'étend aussi à la compétence ratione temporis. Je donnerai deux
exemples caractéristiqluespour montrer que la Cour adopte communé-
ment l'attitude définit:ci-dessus vis-à-vis de la compétence rutione tem-
poris:

a) Dans lesdifférends relatifs à l'affairLockerbie, la Cour a dit notam-
ment ceci :

«lors de la procédure orale les Etats-Unis ont soutenu qu'il n'y
avait pas lieu d'indiquer les mesures conservatoires demandées
parce que la Liibyen'avait pas établi,prima facie, que les disposi-
tions de la convention de Montréal pouvaient constituer une base
de compétencedans la mesure où le délaide six mois prescrit par
le paragraphe 1 de l'article 14 de ladite convention n'était pas
expiré lors du dépôt de la requêtede la Libye; et ...la Libye
n'avait pas établi que les Etats-Unis eussent refusél'arbitrage))
(Questions d'interprétation et d'applicution de la convention de
Montréal de ,1971 résultant de l'incident aérien de Lorkerhie
(Jamal~iriya a,rabe libyenne c. Etats- Unis d'Amérique), mesures

conservatoires, ordonnance du 14 avril 1992, C.I.J. Recueil 1992,
p. 122, par. 25),
et elle dit encore:

«dans le contexte de la [procédurerelative à l'affaireLockerbie],
qui concerne une demande en indication de mesures conserva-
toires. [la Cour] doit, conformément à l'article 41 du Statut,
examiner si lescirconstances portées à son attention exigent I'indi-
cation de telle:;mesures, mais n'est pas habilitée à conclure défi-
nitivement sur les faits et le droit, et ...sa décisiondoit laisser
intact le droii: des Parties de contester les faits et de faire
valoir leurs moyens sur le fond» (ibid.p. 126, par. 41).

b) La question de la compétence ratione temporis de la Cour dans la
procédure relative à l'indication de mesures conservatoires s'est éga- lement poséedanis l'affaire relative a l'Application de la convention
pour la prévention et la répressiondu crime de génocide. Dans son
ordonnance du 8 avril 1993sur la demande en indication de mesures
conservatoires, la Cour a notamment déclaré:

((Considérant que la Cour constate que le Secrétaire général a
considéréla Bosnie-Herzégovinecomme ayant non pas adhéré,
mais succédé à la convention sur le génocide,et que, si tel étaitle
cas, la question de l'application des articles XI et XII1 de la
convention ne se poserait pas; considérant toutefois que la Cour
note que, mêmesi la Bosnie-Herzégovinedevait êtreconsidérée
comme ayant adhéré a la convention sur le génocide,ce qui aurait
pour conséqueinceque la requêtepourrait être tenuepour préma-
turéeau moment de son dépôt, «ce fait aurait étécouvert)) par
l'écoulement dilaps de temps de quatre-vingt-dix jours qui serait

arrivé a son terme entre le dépôt de la requête et laprocédure
orale sur la demande (voir Concessions Mavrommatis en Pales-
tine, arrr^tn2. 1924,C.P.J.I. sérieA no 2, p. 34); que la Cour, en
décidant si elle doit ou non indiquer des mesures conservatoires,
se préoccupe moins du passéque du présent etde l'avenir; que,
par conséqueni;, même si la compétencede la Cour étaitaffectée
par la limite de temps qu'invoque la Yougoslavie - point que la
Cour n'a inasà.trancher dans l'immédiat - cela ne constituerait
pas néceçsairernentun obstacle a l'exercice par la Cour des pou-
voirs qu'elle tientde l'article 41 de son Statut.))plication de lu
conveiition pour lu prévention et la répressiondu&ime de géno-

cide, mesures cionservatoires, ordonnance du 8 avril 1993, C.I. J.
Recueil 1993, p. 16, par. 25.)
S'agissant de la nature de la procédurerelative a l'indication de mesures
conservatoires, celle-ci n'est certainement pas conçue pour établir une
fois pour toutes, de façon définitive,la compétence de la Cour. C'est

pourquoi celle-ci, dans sa pratique, parle quasiment toujours de «com-
pétence primu fucie)) quand il est question pour elle d'indiquer des me-
sures conservatoires. II est bien entendu difficilede trouver dans la juris-
prudence de la Cour une définition explicitede la ((compétence prima
fucie», mais ses élémirnts constitutifs n'en sont pas moins relativement
facilesà établir.Le qualificatif«primufucie» lui-mêmedit implicitement
qu'il ne s'agit pasd'une compétence établiea titre définitif,il s'agit d'une
compétencedécoulani.,ou censéedécoulernormalement, d'un fait juri-
dique pertinent qui est défini in concret0 comme le ((titre de compé-
tence». Mais suffit-ild'invoquer le «titrede compétence)) per sepour qu'il
y ait compétence primtzfacie? Il ne fait aucun doute qu'ilfaut icirépondre

par la négative.
On peut néanmoinsdireque le ((titre de compétence))suffit per se pour
constituer une compétence prima facie sauf ((lorsque [l']incompétenceau
fond est manifeste)) (Compétenceen matière de pêcheries(Royaume- Uni
c. Islande), tnesures conservatoires, ordonnance du 17 août 1972, C.1J. LICÉITÉDE L'EMPLOI DE LA FORCE (OP. DISS. KRECA)
754

Recueil 1972,p. 15,par. 15; Compétenceen matière de pêcheries(Répu-
blique fédéraled'Allemagne c. Islande), mesures conservatoires, ordon-
nance du 17 août 1972, C.I.J. Recueil 1972, p. 33, par. 16).
Autrement dit, le cas de figure envisagé estcelui où l'incompétence est
évidente stricto sensu, c'est-à-dire quand les Etats veulent saisir la Cour
alors qu'il n'existeig;oureusement aucun chef de compétence.
11est parfaitement établi dans la pratique de la Cour que l'absence de
l'élémenttemporel de sa compétence,mêmesi elle est évidente, nelui ôte
pas sa compétence dès lors qu'il peut être aisément portéremède au
défaut temporel.
Dans son arrêt surles exceptions préliminaires soulevéespar la You-

goslavie dans l'affaire relativà l'Application de la convention pour lu
préventionet lu rkpression du crime de ginocide en date du 1Ijuillet 1996,
la Cour a déclarénotamment:

((Certes, la compétencede la Cour doit normalement s'apprécier à
la date du dépôt de l'acte introductif d'instance. Cependant la Cour,
comme sa devancière, laCour permanente de Justice internationale,
a toujours eu recours au principe selon lequel elle ne doit pas sanc-
tionner un défaut qui affecterait un acte de procédure et auquel la
partie requérante pourrait aisément porter remède. Ainsi, dans
l'affaire desoncessions Mavrommatis en Palestine, la Cour perma-
nente s'est exprirnéede la sorte:

«Mêmesi la base de l'introduction d'instance étaitdéfectueuse
pour la raison mentionnée, ce ne serait pas une raison suffisante
pour débouter le demandeur de sa requête. LaCour, exerçant une
juridiction internationale, n'est pas tenue d'attacherà des consi-
dérations de forme la mêmeimportance qu'elles pourraient avoir
dans le droit interne. Dans ces conditions, mêmesi I'introduction
avait été prématurée, parce que le traitéde Lausanne n'étaitpas
encore ratifié,ce fait aurait étécouvert par le dépôt ultérieur des
ratificationsrecquises.»(C.P.J.I. sirie A, no2, p. 34.)

C'est du même principeque procède le dictum suivant de la Cour
permanente de Justice internationale dans l'affaire relative a Cer-
tains intérêtsallemands en Haute-Silisie polonaise:

«Mêmesi la nécessitéd'une contestation formelle ressortait de
l'article 23,ette condition pourrait être à tout moment remplie
par un acte unilatéral de la Partie demanderesse. La Cour ne
pourrait s'arrêtera un défaut de formequ'il dépendraitde la seule
Partie intéresséede faire disparaître. » (C.P.J.I. série A n" 6,
p. 14.)

La présenteCour a fait application de ce principe dans l'affaire du
Canzerounseptentrional (C.I.J. Recueil 1963, p. 28), ainsi que dans
celle desActivités miliaires et paramilitaire.^au Nicaragua et contre LICÉITÉ DE L'EMPLOI DE LA FORCE (OP. DISS.KRECA) 755

celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d'Amérique), lorsqu'elle a déclaré:
«Il n'y aurait aucun sens à obliger maintenant le Nicaragua à enta-
mer une nouvelle procédure sur la base du traité - ce qu'il aurait
pleinement le diroit de faire.)) (C.I.J. Recueil 1984, p. 428-429,
par. 83.)
En l'occurrence, quand bien mêmeil serait établi que les Parties,
qui étaientliéeschacune par la convention au moment du dépôt de
la requête,ne l'auraient étéentre elles qu'à compter du 14décembre
1995,la Cour ne saurait écartersa compétencesur cette base dans la
mesure où la Bosnie-Herzégovinepourrait à tout moment déposer

une nouvelle requête, identique à la présente,qui serait de ce point
de vue inattaquable.)) (Applic~ztionde lu convention pour lapréven-
tion et lu répressiondu crime de génocide, e.uceptionspréliminaires,
arret, C.I.J. Recueil 1996 (II),p. 613-614, par. 26.)

Ce n'est pas seulement la nature de la procédureen indication de me-
sures conservatoires qui s'oppose à l'établissement définitift concluant
de l'élément tempored l e la compétence,c'est aussi lanature mêmede la

compétence rutione ttvnporis de la Cour. En effet,
«la compétence rutione temporis n'existe pas en tant que concept
indépendant du droit régissant les décisions judiciaires internatio-
nales, et plus particulièrement encore du droit régissant la juridic-
tion et laompétcence de la Cour. C'est un concept subordonné, don-
nant lieuà un problème particulier, consistantà déterminerla nature
et l'effetde cettesubordination sur la compétencepersonnelle ou ma-
tériellede laCoiur, selon le cas.» (Shabtai Rosenne, The Law and
Practicclofthe I,aternational Court, 1920-1996, vol. II, p. 583.)

14.2. Est-il possible de soutenir qu'en l'espèce,la réserveatione tem-
poris figurant dans la déclaration yougoslave d'acceptation de la juridic-
tion obligatoire de la Cour est de nature à permettre de dire que l'«in-
compétenceau fond est manifeste))?
Il ne fait pas de doute que les Parties s'opposent fondamentalement
au sujet de la qualification de l'attaque armée menéecontre la Répu-
blique fédéralede Yougoslavie. Pour le défendeur, deux mois de bom-
bardements et d'autres actes dirigés contre la République fédéralede

Yougoslavie représentent «une situation continue)), une unité organique
inextricable composé,ed'un grand nombre d'actes, tandis que, pour
la Yougoslavie, il s'agit d'une
((violation d'une obligation internationale...compos[ée]d'une série
d'actions ou omiissionsrelatives à des cas distincts, [qui] se produit
au moment de la réalisation decelle des actions ou omissions de la
sériequi établit l'existencedu fait composé)) (Projet d'articles de la
Commission du droit international sur la responsabilité desEtats,
première partie, articles 1-35, art. 25, p. 272, par. 2).

II est d'ailleurs fait état dans la requêtede ce paragraphe 2 de l'article 25 LICÉITÉ DE L'EMPLOI DE LA FORCE (OP.DISS. KRECA) 756

du projet d'articles sur la responsabilitédes Etats établipar la Commis-
sion du droit international, lequel dispose notamment aussi:

(<letemps de perpétration de la violation s'étend sur la période
entière à partir cle la première des actions ou omissions dont I'en-
semble constitue lefait composé non conforme àl'obligation interna-
tionale et autant que ces actions ou omissions se répètent))(Projct
d'articles de lu ïommission du droit international sur lu responsuhi-
lité desEtats, première partie, articles 1-35, art. 25, p. 272, par. 2).

Cette opposition fondamentale sur la façon de concevoir l'attaque
arméedirigéecontre la République fédéralede Yougoslavie représente,
du point de vue juridlique, «un désaccord sur un point de droit ...une
opposition de thèses jiuridiques ou d'intérêts))selon la définitiondonnée
dans l'affaire des Concessions Muvrommutis en Palestine (arrêtn" 2,
1924, C.P.J. 1. sCrieAl no2, p. 11).
Il s'agit par conséquentd'un différendentre les Parties qui, en soi, ne
porte pas sur la compétence,en particulier pas sur la compétence prima
,facie; toutefois, la dkcision que la Cour adoptera sur le différend peut
avoir un effet sur sa compétence ratione temporis.
Face à un différencdde ce type, la Cour a en principe le choix entre
:
deux solutions
a) trancher le différendlege artis. Cette possibilitéest, du point de vue
de la jurisprudence bien établie dela Cour, exclusivement théorique.
Nous avons en effet affaire ici à une question qui, en règle générale,
se résout non pals lors de la procédure en indication de mesures
conservatoires mais lors de la procéduresur le fond;

b) dire, comme la Cour en a pris l'habitude, qu'il existeun désaccordsur
un point de droit., mais qu'elle
«n'est pas habilitée à conclure définitivementsur les faits ou le
droit, et que sa décisiondoit laisser intact le droit des Parties de
contester les faits et de faire valoir leurs moyens sur le» (Ques-
tions d'interprétationet d'application de la convention de Monontréal
de 1971 résultunt u'e I'incidenf &rien de Lockerbie fJarnuhiriva

arabe lihyenn c. Etats-Unis d'Amérique), mesures coiservutoiris,
ordot~rzancedu 14 avril 1992, C.1.J. Recueil 1992, p. 126, par. 41).

La Cour a toutefois choisi une troisième solution qui est, à mon avis, la
moins acceptable. La Cour ne s'est pas penchéesur la solution du diffé-
rend; en outre, elle n'a pas mêmeétabli quels sont ses principaux élé-

ments, et n'a pas établi non plus que le différend en question, par sa
nature même,ne saurait êtretraité lors d'une procédure qui aessentiel-
lement pour objet de:préserverles droits de chacune des parties, droits
qu'il faudra confronter au stade de l'examen au fond. La Cour a pure-
ment et simplement acceptél'une des thèsesjuridiques opposées en pre-
nant ainsi un curieux.virage - c'est-à-dire qu'elleest entréedans le do-
maine de la décisionprovisoiresans pour autant seprononcer formellement. LICÉITÉ DE L'EMPLOI DE LA FORCE (OP.DISS.KRECA) 757

IV. AUTRES QUESTIONS PERTINENTES

15. Au paragraphe 15 de son ordonnance, la Cour dit:

((Considérant que la Cour est profondément préoccupéepar le
drame humain, letspertes en vies humaines et les terribles souffrances
que connaît le Kosovo et qui constituent la toile de fond du présent
différend, ainsi que par les victimes et les souffrances humaines que
l'on déplore de façon continue dans I'ensemble de la Yougoslavie.))

Le libelléde cette déclaration me paraît inacceptable pour plusieurs
raisons. La première est que cet énoncé faitpart d'une préoccupation
humanitaire double. La Cour dit être ((profondémentpréoccupée)) et
évoqueen mêmetemps «les pertes en vies humaines)) et ((les victimes)).
De sorte qu'en ce qui concerne ((l'ensemble de la Yougoslavie)), la Cour
évoquetechniquement ((lesvictimes))comme un fait qui ne cause pas de
((préoccupation profonde)). En outre, l'énoncé permet égalementde

l'interprétercomme signifiant que le Kosovo ne fait pas partie de la You-
goslavie. C'est-à-dire qu'après avoir mis en relief la situation auovo-
Metohija, la Cour utilise l'expression «dans l'ensemble de la Yougosla-
vie)). Compte tenu de la situation de fait et de la situation de droit, il
aurait fallu diredans le reste de la Yougoslavie». De surcroît, faire allu-
sion au «Kosovo~) et à «l'ensemble de la Yougoslavie» non seulement
n'a aucun fondement juridique dans la situation actuelle, mais ne repose
pas sur les faits non plus. C'est l'ensemblede la Yougoslavie qui est atta-
qué.Les souffrances et les pertes en vies humaines sont malheureusement
un fait s'appliquant en généralau pays tout entier; dans ces conditions,
mêmesi elle avait eu à sa disposition des chiffres précisconcernant le

nombre des victimes i:tl'ampleur des souffrances de la population de la
Yougoslavie. la Cour n'aurait de toute façon pas eu le droit moral d'éta-
blir la moindre discrimination à cet égard. De plus, dire que «le drame
humain ...et les terribles souffrances que connaît le Kosovo et qui cons-
tituent la toile deond du présentdifférend))non seulement est une indi-
cation de caractère politique mais représente, ou pourrait représenter,
une sorte de justification de l'attaque arméemenéecontre la Yougoslavie.
11suffit de rappelerà ce propos que 1'Etat défendeur qualifie son action
armée d'intervention humanitaire.
Il appartientà la Cour d'établir à un stade ultérieur de la procédure
quelle est véritablement la situation en droit, c'est-à-dire quels sont les

faits pertinents. Au stade actuel, la question des raisons profondes de
l'attaque arméedirigéecontre la République fédéralede Yougoslavie fait
I'ob,jetd'allégations politiques. Le défendeur soutient qu'il s'agit d'une
intervention humanitaire provoquée par «le drame humain et les terribles
souffrances)),tandis que le demandeur estime que sedes rnateriae les rai-
sons profondes sont à chercher ailleurs- dans le soutien apporté à
l'organisation terroristà l'Œuvreau Kosovo et dans la volontépolitique
de sécessionqui anime le Kosovo-Metohija.
Nous avons donc affaire ici a des qualifications politiques opposéesdans lesquelles la Cour ne devrait pas entrer, cela lui est mêmeinterdit à
mon avis, si ce n'est dlans le cadre d'une procédure judiciaire normale.
16. L'énoncédu paragraphe 49 de l'ordonnance donne l'impression
que la Cour cherche assez élégammentà renvoyer la balle dans le jardin
du Conseil de sécuritk. Pour l'essentiel, c'est inutile, parce que, sous sa

forme actuelle, cet énoncén'est qu'une simple paraphrase d'une donnée
élémentairequi est que ((le Conseil de sécurité est investide responsa-
bilités spéciales enve.rtu du chapitre VI1 de la Charte)). Il est possible,
certes, de l'interpréter aussi comme un appel lancé à l'organe des Nations
Unies qui est très précisémentchargé de prendre des mesures en cas de
menace contre la paix, de rupture de la paix ou d'acte d'agression et qui

a d'ailleurs été conçuà cet effet; mais, en l'occurrence, la Cour devrait
rappeler aussi une autiredonnéeélémentaire:en vertu de l'article 36, para-
graphe 3,de la Charte des Nations Unies, un différendjuridique doit être
soumis à la Cour internationale de Justice.
17. En utilisant l'appellation «Kosovo» au lieu de l'appellation offi-
cielle de ((Kosovo-M~:tohija», la Cour a continué de suivre la pratique

des organes politiques des Nations Unies, pratique dont, d'ailleurs, les
Etats défendeurs ne SI:départissent jamais.
Il est difficile de justifier pareille pratique, sauf, bien entendu, si nous
admettons que l'opportunité politique, les intérêts politiques et concrets
sont à cet égard des arguments valables. C'est ce que montre également
de façon éloquente la pratique suivie pour désigner la République fédé-

rale de Yougoslavie. A la suite de la sécessionde certaines parties de
l'ancienne Fédérationyougoslave, les organes des Nations Unies et les
Etats défendeurs eux-mêmesont utiliséla formule <(Yougoslavie(Serbie
et Monténégro))).Mais, depuis le 22 novembre 1995, le Conseil de sécu-
rité utilise, dans ses irésolutions 101 et 1022, la formule ((République
fédéralede Yougosla~vie)>au lieu de l'ancienne formule ((République
fédérativede Yougoslavie (Serbie et Monténégro))),sans qu'il y ait eu de

décision expresse à cet égard etdans une situation de droit inchangéepar
rapport à celle dans laquelle le Conseil, comme d'autres organes des
Nations Unies, se servait de la formule ((République fédérativede You-
goslavie (Serbie et Monténégro))).Le fait que ce changement de pratique
du Conseil de sécuritédate du lendemain du jour ou a étéparaphé
l'accord de paix de Dayton autorise à soutenir avec assez de fermetéque

cette pratique concrète ne s'inspire pas de critères juridiques objectifs
mais plutôt de critères politiques.
En utilisant letertrie(Kosovo)) au lieu du nom «Kosovo-Metohijan.
la Cour, en fait, fait deux choses a la fois:

u) elle adopte l'appellation courante et populaire servant à désignerles
unités territoriales d'un Etat indépendant;
h) elle laisse de côtél'appellation officiellede la province méridionale de
Serbie, appellation consacrée par les actes constitutionnels et juri-
diques tant de la Serbie que de la République fédéralede Yougosla-
vie. En outre, la Cour agit ainsi contrairement à la pratique établie par LICÉITÉ DE L'EMPLOI DE LA FORCE (OP. DISS. KRECA) 759

les organisations internationales compétentes. Par exemple, la dési-
gnation officielle de la province méridionale de Serbie ((Kosovo-
Metohija)) est celle qui figure dans l'accord conclu par la République
fédérale de Yougoslavie et l'Organisation pour la sécuritéet la coopé-
ration en Europe (Internutional Legul Materiuls, 1999,vol. 38,p. 24).

Mêmesi pareille pratique, laquelle, à mon sens, est totalement incor-
recte, non seulement ijur le plan du droit mais aussi du point de vue du
bon usage, pouvait se défendre quand elle émane d'entitésqui situent
l'intérêett la commoditéau-dessus de la loi, elle est inexplicable quand
elle émane d'un organe judiciaire.
18. L'expression (((droithumanitaire)) que la Cour utilise aux para-
graphes 18 et 47 de son ordonnance prête également à confusion, pour
une double raison :d'un côté,la Cour ne manifeste pas une parfaite cohé-
rence dans l'emploi de cette formule. Dans l'affaire del'Application de lu
conilrntion sur le génocidela Cour a dit que ladite convention faisait par-

tie du droit humanitaire, alors qu'il est manifeste qu'en raison de sa
nature même,ladite convention relèvedu droit pénalinternational (voir
l'opinion dissidente di: M.KreLadans l'affaire relativea I'Applicution de
lu coni~entiorzpour la prévention et lu répr~ssiondzdcrime de génocide,
e.uceptionspréliminaires, C.I.J. Recueil 1996 (II), p. 774-775, par. 108).
D'un autre côté,il imesemble quedans la présenteordonnance, la for-
mule ((droit humanitaire)) est employée en un sensdifférentplus proche
du sens généralement accepté aujourd'hui. Et il convient de faire précisé-
ment étatdel'extrait pertinent de l'ordonnance en raison mêmedu libellé
des paragraphes 18et 47. En isolant le droit humanitaire parmi les règles
de droit international que les parties sont tenues de respecter, il est pos-
sible que la Cour veuille, discrètement, voire timidement, justifier impli-
citement l'attaque arinéedirigéecontre la République fédéralede You-
goslavie ou tout au moins en atténuer les conséquencessur le plan du

droit.
Dans son premier sens juridique, le droit humanitaire correspond
implicitement aux règlesdu jus in bello. Si la Cour s'inspirait, comme
je n'en doute nullement, de considérations humanitaires quand elle a
souligné la nécessitéde respecter les règlesdu droit humanitaire, elle
aurait dû souligner expressément aussil'importance fondamentale que
revêtla règleénoncéea l'article 2, paragraphe 4, de la Charte, laquelle
trace la ligne de démarcation entre une sociétéinternationale primitive,
où le droit fàit défaut, et une communauté internationale organiséeoù
régnele droit.

(Signé) Milenko KRECA.

Bilingual Content

DISSENTING OPINION OF JUDGE KRECA

TABLE OF CONTENTS

Paragruphs

1. COMPOSITIO ONTHE COURT INTHISPARTICULA CRASE 1-4
II. HUMANITARIC ANNCER N THISPARTICULA CRASE 5-7

III. JURISDICTIONASLUES 8-14
Jurisdiction of the Court iatione personae 8-10
Jurisdiction of the Court ratione materirie 11-13
Jurisdictiofthe Court ratione temporis 14

IV. OTHERRELEVAN SSUES 15-18 Paragraphes

1.LA COMPOSITION DE LACOUR EN L'ESPECE 1-4

II. LEPROBLEME HUMANITAIRE EN L'ESPECE 5-7
III. LESQUESTIONS DE COMPETENCE 8-14

Compétencede la (Courrutione personae 8-10
Compétencede la Cour rutione muteriae 11-13
Compétencede la Cour ratione temporis 14

IV. AUTRE QSUESTIONS I'ERTINENTES 15-18 1. In the context of the conceptual difference between the interna-
tional magistrature and the interna1 judicial system within a State, the

institution of judgead hoc has two basic functions:
"(a) to equalize the situation when the Bench already includes a
Member of the Court having the nationality of one of the parties;
and (b) to create a nominal equality between two litigating States
when there is no Member of the Court having the nationality of
either party" (S. Rosenne, The LUHI und Practice oj'the International

Court, 1920-1996, Vol. III, pp. 1124-1125).
In this particular case room is open for posing the question as to
whether either of these two basic functions of the institution of judgead
hoc has been fulfilled at all.
It is possible to draw the line between two things.
The first is associated with equalization of the Parties in the part con-

cerning the relations between the Applicant and the respondent States
which have a national judge on the Bench. In concreto,of special interest
is the specific position of the respondent States. They appear in a dual
capacity in these proceedings:
primo, they appear individually in the proceedings considering that
each one of them is in dispute with the Federal Republic of Yugoslavia:

and,
secondo, they are at the same time member States of NATO under
whose institutional umbrella they have undertaken the armed attack on
the Federal Republic of'Yugoslavia. Within the framework of NATO,
these respondent States are acting in corpore, as integral parts of an
organizational whole. The corpus of willsof NATO member States, when
the undertaking of military operations is in question, is constituted into a
collectivewill which is, formally, the will of NATO.

2. The question may be raised whether the respondent States can
qualify as parties in the same interest.
Inits Order of 20 July 1931in the case concerningthe Customs Régime
betpveenGermany and Austriu, the Permanent Court of International Jus-
tice established that:

"al1 governments which, in the proceedings before the Court, come
to the same conclusion, must be held to be in the same interest for
the purposes of the present case" (P. C.I.J., Series AIB, No. 41,
p. 88).

The question of qualification of the "same interest", in the practice of
the Court, has almost uniformly been based on a formal criterion, the
criterion of "thesame conclusion" to which the parties have come in the
proceedings before the Court. 1. Compte tenu de la différencede principe entre la magistrature inter-
nationale et le système judiciaire interne de chaque Etat, l'institution du
juge ud hoc a fondamentalement un double rôle:

((a) rétablir l'égaliquand la Cour comprend d'ores et déjàsur le
siège unjuge ayant la nationalitéde l'une desparties; et) créerune
égalité symboliqw:entre deux Etats en litige quand aucun membre
de la Cour n'a la nationalité del'une des parties» (S. Rosenne, The
Luit and Pructice of the Intevnationril Court, 1920-1996, vol. III.
p. 1124-1125).

En l'espèce,on peut se demander si I'institution du juge ud hoc a bien
exercél'une quelconque de ces deux fonctions élémentaires.

Il est possible de distinguer deux éléments.
Le premier est lié ce rétablissementde l'égalitéentre les parties en ce
qui concerne les relations entre le demandeur et les Etats défendeurs qui
ont un juge national :sur le siège. In concreto, il faut s'intéresàecet
égard à la position particulière des Etats défendeurs. Ces derniers, en

effet, comparaissent à un double titre:
primo, ils comparaissent individuellement puisque chacun d'eux est en
litige avec la Républiquefédérale deYougoslavie;

secundo, ce sont en mêmetemps des Etats membres de l'OTAN dans le
cadre institutionnel de laquelle ilsont engagé uneattaque arméecontre la
Républiquefédéralede Yougoslavie. Dans ce cadre de l'OTAN, les Etats

défendeursagissent in corpore, en tant que parties intégrantes d'une orga-
nisation constituant lin tout. L'ensemble, le corpus, des volontés des
Etats membres de l'OTAN, quand il s'agit de mener des opérations mili-
taires, constitue une volonté collective qui est officiellement celle de
l'OTAN.
2. On peut se dem,ander par ailleurs si les Etats défendeurs peuvent
êtreconsidéréscomme faisant cause commune.

Dans l'ordonnance rendue le 20 juillet 1931 dans l'affaire duRégime
douunier entre ['Alleniugne et ['Autriche, la Cour permanente de Justice
internationale a énoncéle principe suivant:
«tous les gouvernements qui, devant la Cour, arrivent à la même
conclusion. doivent êtreconsidéréscomme faisant cause commune
aux fins de la présenteprocédure)) (C.P.J.I. sGrieAIB no41, p. 89).

Dans sa pratique, la Cour a quasiment toujours établi qu'il y avait
((cause commune)) en se fondant sur un critère formel, celui de la
«mème conclusion» à laquelle aboutissent les parties comparaissant
devant elle. In the present case, the question of "the same conclusion" as the rele-
vant criterion for the existence of "the same interest" of the respondent
States is, in my opinion, unquestionable. The same conclusion was, in a

way, inevitable in the present case in view of the identical Application
which the Federal Republic of Yugoslavia has submitted against ten
NATO member States, and was formally consecrated by the outcome of
the proceedings before the Court held on 10, 11 and 12 May 1999, in
which al1the respondent States came to the identical conclusion resting
on the foundation of practically identical argumentation which differed
only in the fashion and style of presentation.
Hence, the inevitable conclusion follows, it appears to me, that al1the
respondent States are in concreto parties in the same interest.
3. What are the implications of this fact for the composition of the
Court in the present case? Article 31, paragraph 2, of the Statute says:
"If the Court includes upon the Bench ajudge of the nationality of one of
the parties, any other party may choose a person to sit as judge."

The Statute, accordingly, refers to the right of "any other party",
namely, a party other than the party which has a judge of its nationality,
in the singular. But, it would be erroneous to draw the conclusion from
theabove that "any other party", other than the party which has a judge
of its nationality, cannot, under certain circumstances, choose several
judges ad hoc. Such an interpretation would clearly be in sharp contra-
diction with ratio legisof the institution of judge ad hoc, which, in this
particular case, consists of the function "to equalize the situation when
the Bench already includes a Member of the Court having the nationality
of one of the parties" (S. Rosenne, The Law and Practice of the Interna-
tional Court, 1920-1996, Vol. III, pp. 1124-1125). The singular used in
Article31, paragraph 2, of the Statute with reference to the institution of
judges ad hoc is, consequently, but individualization of the general, inher-

ent right to equalization in the composition of the Bench in the relations
between litigating parties, one of which has a judge of its nationality on
theBench, whilethe other has not. Thepructical meaning of thisprinciple
applied in casum ivould imply the right of' the Applicant to choose us
many judges ad hoc to sir on the Bench as is necessary to equalize the
position of the Applicant and that of those respondent States which have
judges of their nationality on the Bench und tvhichshare the sume interest.
In concreto, the inherent right to equalization in the composition of the
Bench, as an e-rpressionoffundamental rule of equality of parties, meuns
that the Federal Republic of Yugoslavia should have the right to choose
jive judges ad hoc, since evenjve out oftrn respondent States (the United
Stutes of America, the United Kingdom, France, Germuny and the Nether-
lands) have their nationaljudges sitting on the Bench.

Regarding the notion of equalization which concerns the relation
between the party entitled to choose its judge ad hoc and the parties
which have their national judges on the Bench, the fact is that the Federal
Republic of Yugoslavia, as can be seen from the Order, did not raise any
objections to the circumstance that as many as five respondent States LICÉITÉDE L'EMPLOIDE LA FORCE (OP. DISS. KRECA) 727

En l'espèce, il est indubitable que la formulation d'une conclusion
identique est le critère pertinent permettant d'établirque les Etats défen-
deurs font «cause cornimune)).Il étaiten quelque sorte inévitablede for-

muler la mêmeconclusion en l'espèce puisque laRépublique fédéralede
Yougoslavie a présentciune requête identique à l'encontre de dix Etats
membres de l'OTAN el.l'on en a eu la preuve officiellà l'issuede la pro-
cédurequi s'est déroul.ée devant la Cour les 10, 11 et 12 mai 1999, les
Etats défendeurs aboutissant tous à une conclusion identique reposant
sur une argumentation pratiquement identique dont les seules variations
concernent la forme et le mode de présentation.
D'où la conclusion inévitable àmon sens que les Etats défendeursfont
tous in concreto cause commune.
3. Quelles incidence:;faut-il en tirer pour la composition de la Cour en
l'espèce? L'article31,p,aragraphe2,du Statut, dispose: «Si la Cour compte

sur le siègeun juge de la nationalité d'unedes parties, toute autre partie
peut désignerune personne de son choix pour siégeren qualitédejuge.))
Le Statut. donc. définit ainsile droit de «toute autre ~artie)). c'est-
à-dire une partie autre que celle qui compte un juge de sa kitionalité sur
le siège,etil parle de cette autre partie au singulier. Mais il serait erroné
d'en déduireque «touiteautre partie)) que celle qui compte un juge de sa
nationalité sur le siègene peut pas, dans certains cas, désigner plusieurs
juges ad hoc. Retenir cette interprétation serait manifestement contrairà
la ratio legisde l'institution du juge ad hoc, lequel en I'espècea pour
objet ((de rétablirI'égalitquand la Cour comprend d'ores et déjàsur le
siège unjuge ayant la nationalité del'une desparties)) (S. Rosenne, The

Law and Pructice of the International Court, 1920-1996, vol. III, p. 1124-
1125).L'usage du singulier à l'article 31, paragraphe 2, du Statut,quand
il est question de l'institution du jugead hoc, permet donc simplement
d'individualiser ce droit général,intrinsèque, au rétablissementde l'éga-
litéentre les parties en litige en ce qui concerne la composition de la
Cour, quand l'une des parties compte un juge de sa nationalité sur le
siègetandis que l'autre n'en a pas. Concrètement, appliquéà la présente
instance, ce principe signijîe implicitement que le demandeur a le droit de
désignerautant dejuges ad hoc qu'il lefaut pour rétablir I'égalientre le
demandeur et les Etut:;défendeursqui comptent unjuge de leur nationalité

sur le siège et quifont cause commune. Concrètement, ce droitfondamen-
tal au rétablissetnent de I'égalitédans la composition de la Cour, qui
répond à la r2gle fondamentale de l'égalité des parties,signiJie que la
République ,fédéralecle Yougoslavie doit avoir ie droit de désigner cinq
juges ad hoc, puisqut: sur les dix Etats défendeurs, il y en a cinq (les
Etats- Unis d'Ambrique, le Royaume- Uni, la France, l'Allemagne et les
Pays-Bus) qui comptent unjuge national sur le siège.
S'agissant de ce retablissement de I'égalitéentre la partie autoriséeà
désignerun juge ad hoc de son choix, d'une part, et, de l'autre, les parties
qui comptent un juge national sur le siège, lefait est que la République
fédéralede Yougoslavie, comme on peut le constater dans l'ordonnance,
n'a soulevéaucune objection au cas de figure qui se présentaitet qui étaithave judges of their nationality on the Bench. However, this circum-
stance surely cannot be looked upon as something making the question
irrelevant, or, even as the tacit consent of the Federal Republic of Yugo-
slavia to such an outright departure from the letter and spirit of
Article 31, paragraph 2, of the Statute.
The Court has, namely, the obligation to take account ex ofJici0of the
question of such a fundamental importance, which directly derives from,
and vice versa, may directly and substantially affect, the equality of the
parties. The Court is the guardian of legality for the parties to the case,
for which presumptio juris et de jure alone is valid - to know the law
(jura novit curia). As pointed out by Judges Bedjaoui, Guillaume and

Ranjeva in their joint declaration in the Lockerbie case: "that is for the
Court - not the parties - to take the necessary decision" (Questions of
Interpretation and Application of the 1971 Montreal Convention arising
from the Aerial Incident ut Lockerbie (Libyan Arab Jamuhiriya v. United
Kingdom), I.C.J. Reports 1998, p. 36, para. 11).

A contrario, the Court would risk, in a matter which is ratio legis
proper of the Court's existence, bringing itself into the position of a pas-
sive observer, who only takes cognizance of the arguments of the parties
and, then, proceeds to the passing of a decision.
4. The other function is associated with equalization in the part which
is concerned with the relations between the Applicant and those respon-
dent States which have no national judges on the Bench.
The respondent States having no judge of their nationality on the
Bench have chosen, in the usual procedure, their judges ad hoc (Belgium,

Canada, Italy and Spain). Only Portugal has not designated its judge ad
hoc. The Applicant successivelyraised objections to the appointment of
the respondent States' judges ad hoc invoking Article 31,paragraph 5, of
the Statute of the Court. The responses of the Court with respect to this
question invariably contained the standard phrase "that the Court . . .
found that the choice of a judge ad hoc by the Respondent isjustified in
the present phase of the case".
Needless to Say, the above formulation is laconic and does not offer
sufficient ground for the analysis of the Court's legal reasoning. The only
element which is subject to the possibility of teleological interpretation
is the qualification that the choice of a judge ad hoc is "justified in the
present phase of the case". A contrurio, it is, consequently, possible that
such an appointment of a judge ad hoc would "not be justified" in some
other phases of the case. The qualification referred to above could be
interpreted as the Court's reserve with respect to the choice of judges ad
hoc by the respondent States, a reserve which could be justifiable on

account of the impossibility for the Court to perceive the nature of their
interest - whether it is the "same" or "separate" - before the parties set
out their positions on the case.
The meanings of equalization as a ratio legis institution of judges ad
hoc, in the case concerning the Applicant and respondent States which LICÉITE DE L'EMPLOI DE LA FORCE (OP.DISS. KRECA) 728

que cinq Etats défendeurs,pas moins, comptaient un juge de leur natio-
nalitésur le siège.Mailsil n'est certainement pas possible de considérer
que ce cas de figure ôte toute pertinenceà la question, mêmesi la Répu-

blique fédéralede Yoiigoslavie a tacitement admis une telle dérogation
flagrante à la lettre eà l'esprit de l'article31, paragraphe 2, du Statut.
La Cour a, quant à elle, l'obligation de prendre en considération, ès
qualité,cette question qui està ce point cruciale, qui découledirectement
de l'égalité depsarties et, l'inverse, qui risque en outre de porter direc-
tement et sensiblement atteinte à l'égalité des partie. a Cour est le gar-
dien de la légalité pour les parties, et,à cette fin, seule est valable la
presurrrptiojuris et de jure- il faut savoir le droit (jura novit curiu).
Comme l'ont dit trois membres de la Cour, MM. Bedjaoui, Guillaume et
Ranjeva, dans la déclaration commune qu'ils ont faite dans l'affaire Loc-
kerhie: «il appartient;ila Cour et non aux parties de prendre la décision

requise)) (Questions d'interprétation et d'upplication de lu convention de
Montréalde 1971 résultantde l'incidentaérien deLockerbie (Jamahiriyu
urabe libyenne c.Royaume-Uni), C.I.J. Recueil 1998, p. 36, par. II).
A contrario, la Cour risquerait, alors que la question relève véritable-
ment de sa raison d'être, dese cantonner dans l'attitude de l'observateur
passif, qui se content(: de prendre connaissance des thèses des parties,
puis se prononce.
4. Le second élément à étudierest celui du rétablissement de l'égalité
dans les relations entre le demandeur et les Etats défendeurs qui ne
comptent pas de juge national sur le siège.
Les Etats défendeursne comptant pas dejuge national sur le siègeont,

suivant la procédurehabituelle, désignéunjuge ad hoc de leur choix (Bel-
gique, Canada, Espagne et Italie). Seulle Portugal n'a pas désignédejuge
ad hoc. Le demandewr a successivement soulevé desobiections à la dési-
gnation de cesjuges ad hoc des Etats demandeurs en invoquant le para-
graphe 5 de l'article 31 du Statut de la Cour. Chaque fois, la Cour a
répondu par la forniule habituelle: «La Cour, ... est parvenue à la
conclusion que la désignationd'un juge ad hoc par [le défendeur]sejus-
tifiait dans la présentephase de l'affaire)).
Certes, la formule est laconique, trop peu détailléepour permettre
d'analyser le raisonni:ment juridique suivi par la Cour. Le seul élément

qui se prêteà une interprétation téléologique estle membre de phrase ser-
vant à qualifier la désignationd'un jugead hoc, laquelle serait «justifi[ée]
dans la présente phasede l'affaire)).A contrario, il est donc possible que
cette désignation de juges ud hoc ne soit «pas justifiée))dans certaines
autres phases de l'affaire. Cette qualification peut s'interpréter comme
une réserve,de la part de la Cour, quant à la désignation dejuges ad hoc
par les Etats défendeurs,réserve qui s'expliqueraitpar l'impossibilitéoù
se trouverait la Cour de voir, avant qu'elles définissent leurposition, quel
est l'intérêt depsarties- font-elles ou non cause commune?

Le sens à donner au rétablissement de l'égalité entre les parties, puis-
que c'est la raison d'être del'institution du juge ad hoc dans le cas deare parties in the same interest, and which do not have ajudge ad hoc of
their nationality on theBench, have been dealt with in the practice of the
Court, in a clear and unambiguous manner.

In the South West Africa case (1961) it was established that, if neither
of the parties in thesame interest has a judge of its nationality among the
Members of the Court, those parties, acting in concert, will be entitled to
appoint a singlejudge ad hoc (South West Africa, 1.C.J. Reports 1961,

p. 3).
If, on the other hand, among the Members of the Court there is ajudge
having the nationality of even one of those parties, then no judge ad hoc
will be appointed (Territorial Jurisdiction of the International Commis-
sion of the River Oder, P.C. 1.J., Series C, No. 17-11,p. 8; Customs
Régime between Germuny and Austria, 1931, P.C.I. J., Series AIB,
No. 41, p. 88).
This perfectly coherent jurisprudence of the Court applied to tlzispar-
ticular case means that none of the respondent States wrre entitled to
appoint ajudge ad hoc.
Consequently, it may be said that in the present case neither of the two
basic functions of the institution of judgead hoc has been applied in the
composition of the Court in a satisfactory way. In my opinion. it is a
question of the utmost specificweight in view of the fact that, obviously,
its meaning is not restricted to the procedure, but that it may have a far-
reaching concrete meaning.

5. Humanitarian concern, as a basis for the indication of provisional
measures, has assumed primary importance in the more recent practice of

the Court.
Humanitarian concern has been applied on two parallel tracks in the
Court's practice:

(a) In respect of the individual

In this regard the cases concerning LaGrand (Germany v. United
States of America) and the Vienna Convention on Consular Relations
(Paraguay v. United States of America) are characteristic.
In both cases the Court evinced the highest degree of sensibility for the
humanitarian aspect of the matter, which probably found its full expres-
sion in the part of the Application submitted by Germany on 2 March
1999:

"The importance and sanctity of an individual human lifeare well
established in international law. As recognized by Article 6 of the
International Covenant on Civil and Political Rights, every human
being has the inherent right to life and this right shall be protectedfigure ou le demandeur et les Etats défendeurs qui font cause commune

ne comptent pas dejuge ad hoc de leur nationalitésur le siège,a étédéfini
dans la pratique de la Cour de façon très claire, sans la moindre ambi-
guïté.
Dans l'affaire duSu,d-Ouestafricain (1961), il a étédécidéque, au cas
où ni l'une nil'autre des Parties faisant cause commune ne compterait de
juge de sa nationalité sur le siège,lesdites Parties auraient la facultéde
désignerd'un commuri accord un seul juge ad hoc (Sud-Ouest africain,
C.I.J. Recueil 1961, p. 3).
Si, en revanche, la Cour compte parmi ses membres un juge ayant la
nationalité d'une des parties, ne serait-ce que de l'une d'elles,il ne sera
pas désignéde juge ad hoc (Juridiction territoriale de la Comn?ission
internationale de l'Oder, C.P.J.1.sérieC no 17 (II), p. 8; Rlgime doua-
nier entrel'Allemagne et l'Autriche. 1931, C.P.J.I. sérieAIB no41, p. 88).

Si l'on applique u laprésente instancecettejurisprudence parfaitement
cohérentede lu Cour, aucun des Etats défendeursn'étaithabilité à dési-
gner unjuge ad hoc.
On peut donc dire qu'en l'espèce,ni l'une nil'autre des deux fonctions
élémentairesde l'institutiondu juge ad hoc n'a étéremplie de façon satis-
faisante du point de vue de la composition de la Cour. A mon sens, la
question revêtun intérêttout particulier parce que, manifestement, son
importance ne se limite pas a la procédure et pourrait avoir une portée
concrète de trèsgrande ampleur.

II. LE PROBLÈME HUMANITAIRE EN L'ESPÈCE

5. Les problèmes humanitaires en tant que motif d'indication de me-
sures conservatoires revêtentune importance primordiale dans la pra-

tique la plus récenteclela Cour.
En la matière, la Cour suit deux voies parallèles:

a) L'intérêp tarticulier de lapersonne

A cet égard,l'affaire LaGrand (Allemagne c. Etats-Unis d'Amérique)
et l'affaire relatiàela Convention de Viennesur les relations consulaires
(Puruguuy c. Etats- Clnisd'Amérique)sont caractéristiques.
Dans les deux affaires, la Cour s'est montrée extrêmement sensible à
l'aspect humanitaire de la question à examiner, ce qu'exprime probable-
ment au mieux la requête présentép ear l'Allemagne le 2 mars 1999:

«L'importanci: et le caractère sacréde la vie humaine sont des
principes bien etablis du droit international. Comme le reconnaît
l'article 6 du pacte international relatif aux droits civilset politiques,
le droità la vie est inhérentà la personne humaine et ce droit doit730 LEGALITYOF USE OF FORCE (DISS .P. KRECA)

by law." (LaCrand (Germany v. United Stutes of America), Provi-
sional Measures, Order of 3 March 1999, l.C.j. Reports 1999, p. 12,
para. 8).

The following day, the Court already unanimously indicated provisional
measures because it found that in question was "a matter of the greatest
urgency" (ibid.p. 15,para. 26),which makes it incumbent upon the Court
to activate the mechanism of provisional measures in accordance with
Article 41 of the Statute of the Court and Article 75, paragraph 1, of the
Rules of Court in order: "to ensure that Walter LaGrand is not executed
pending the final decision in these proceedings" (ibid, p. 16,para. 29).

Almost identical provisional measures were indicated by the Court in
the dispute between Paraguay and the United States of America which
had arisen on the basis of the Application submitted by Paraguay on
3 April 1998. On the same day, Paraguay also submitted an "urgent
request for the indication of provisional measures in order to protect its
rights" (Vienna Convention on Consular Relutions (Paruguay v. United
States of Americu), Order of Y April 1998, 1.C.J. Reports 1998, p. 251,
para. 6). As early as 9 April 1998the Court unanimously indicated pro-
visional measures so as to: "ensure that Angel Francisco Breard is not
executed pending the final decision in these proceedings" (ibid.p. 258,
para. 41).

It is evident that humanitarian concern represented an aspect which
brought about unanimity in the Court's deliberations. This is clearly
shown not only by the letter and spirit of both Orders in the above-
mentioned cases, but also by the respective declarations and the separate
opinion appended to those Orders. In the process, humanitarian consid-
erations seem to have been sufficiently forceful to put aside obstacles
standing in the way of the indication of provisional measures. In this
respect, the reasoning of the Court's seniorjudge, Judge Oda, and that of
its President, Judge Scliwebel,are indicative.
In paragraph 7 of his declaration appended to the Order of 3 March
1999 in the case concerning LuCrund (Germany v. United States of

Ainerica), Judge Oda convincingly put forward a series of reasons of a
conceptual nature which explained why he "formed the view that, given
the fundamental nature of provisional measures, those measures should
not have been indicated upon Germany's request". But, Judge Oda goes
on to "reiterate and emphasize" that he "voted in favour of the Order
solely for humanitarian reasons" (1C.J. Reports 1999, p. 20).
President Schwebel, in his separate opinion, has not explicitly stated
humanitarian considerations as the reason that guided him in voting for
the Order; however, it is reasonable to assume that those were the only
considerations which prevailed in this particular case in viewof his "pro-
found reservations about the procedures followed both by the Applicant

and the Court" (LaCrand (Germuny v. United States of America), Pro-
visional Meusures. Order of3 March 1999, 1.C.J. Reports 1999, p. 22). LICEITÉ DE L.'EMPLOI DE LA FORCE (OP. DISS. KRECA) 730

être protégé par la loi))(LaGrand (Allemagne c. Etats-Unis d'Amé-
rique), mesures conser~~utoires,orrlonnance du 3 murs 1999, C.I.J.

Recueil 1999, p. 12,par. 8.)

Dès le lendemain, à l'unanimité,la Cour a indiquédes mesures conser-
vatoires parce que les circonstances exigeaient qu'elle les «indique» de
toute urgence (ibid, p. 15,par. 26), de sorte qu'il lui incombait de mettre
en train le mécanisme vouluconformément à l'article 41 de son Statut et
de l'article 75, paragraphe 1, de son Règlement, «pour que M. Walter
LaCrand ne soit pas exécutétant que la décision définitive enla présente
instance n'aura pas été:rendue)) (ibid.,p. 16, par. 29).
La Cour a indiqué des mesures conservatoires quasiment identiques
dans le différendopposant le Paraguay et les Etats-Unis d'Amérique à la

suite de la requêteprésentéepar le Paraguay le 3 avril 1998. Le même
jour, le Paraguay a également présenté «une demande urgente en indica-
tion de mesures conservatoires à l'effet de protégerses droits))(Conven-
tion de Vienne .sur k.s re1ution.s consulaires fPuruguu~)~ c. Etats- Unis
d'Amérique), ordonnance du 9 avril 1998, C.I. J. Recueil 1998, p. 251,
par. 6). Et dèsle 9 avril 1998, a l'unanimité,la Cour a indiquédes me-
sures conservatoires «pour que M. Angel Francisco Breard ne soit pas
exécutétant que la décision définitive enla présente instance n'aura pas
étérendue» (ibid.p. 258, par. 41).
IIest évidentque c'està cause de l'aspect humanitaire du problèmeque
l'unanimitéa été réaliséeau sein de la Cour. On en voit clairement la

preuve non seulement dans la lettre et l'esprit des deuxordonnances ren-
dues dans ces deux affaires, mais aussi dans les déclarations ainsi que
dans l'opinion individuelle qui leur ont étéjointes. En l'occurrence, les
considérations humanitaires ont été,semble-t-il, assez fortes pour lever
les obstaclesqui s'opposaient à l'indication de mesures conservatoires. Le
raisonnement du doy1:n de la Cour, M. Oda, et celui de son président,
M. Schwebel, sont significatifs.
Au paragraphe 7 de la déclarationqu'iljoint à l'ordonnance du 3 mars
1999 dans l'affaire 1:aCrund (Allemagne c. Etats-Unis d'Amkrique),
M. Oda énonce defa1;onconvaincante une sériede motifs d'ordre théo-
rique qui l'«ont condluit à penser qu'il n'y avait pas lieu d'indiquer les

mesures conservatoires demandéespar l'Allemagne,eu égardau caractère
fondamental de telles mesures)). Mais, M. Oda tient à «rappel[er] avec
force [que s'il a] voté en faveur del'ordonnance, c'est uniquement pour
des motifs humanitaires)) (C. 1J. Recueil 1999, p. 20).
Dans son opinion individuelle, le présidentde la Cour, M. Schwebel,
n'a pas expressémentdéclaréqu'il s'était inspiré de considérations huma-
nitaires pour voter en faveur de l'ordonnance, mais il est raisonnable de
penser que ce sont les seules considérations qui ont prévaluen l'espèce,
puisqu'il avait «de profondes réservesquant à la manière de procéder
tant de la Partie requérante que de la Cour)) (LuGrand (Alleinugne
c. Etuts- Unis d'Amérique), mesures conscrvutoires, oudonnuncc di* 3 murs

1999, C.I.J.Recueil 1999, p. 22). As far as the Applicant is concerned:

"Germany could have brought its Application years ago, months
ago, weeks ago or days ago. Had it done so, the Court could have
proceeded as it has proceeded since 1922and held hearings on the
request for provisional measures. But Germany waited until the eve
of execution and then brought its Application and request for pro-
visional measures, at the same time arguing that no time remained to
hear the United States and that the Court should act proprio tnotu."
(1.C.J. Reports 1999, p. 22.)

The Court, for its part, indicated provisional measures, as President
Schwebel put it, "on the basis only of Germany's Application".

(b) In respect of a group of individuals or the population as a consti-
tutive element of the State

The protection of the citizens emerged as an issue in the case concern-

ing Military and Puramilitury Activities in and ugainst Nicaragua (Nica-
ragua v. United States of America) :
"In its submission, Nicaragua emphasized the death and harm
that the alleged acts had caused to Nicaraguans and asked the Court
to support, by provisional measures, 'the rights of Nicaraguan citi-
zens to life, liberty and security'." (R. Higgins, "Interim Measures

for the Protection of Human Rights", in Politics, Values and Func-
tions, International Lait) in the 2Jst Century, 1997,Charney, Anton,
O'Connell, eds., p. 96.)
In the Frontier Dispute (Burkina FasolRepublic of Mali) case, the
Court found the source for provisional measures in:

"incidents ... which not merely are likely to extend or aggravate the
dispute but comprise a resort to force which is irreconcilable with
the principle of the peaceful settlement of international disputes"
(Frontier Dispute, Provisionul Meusures, Order oj 1OJanuury 1986,
I.C.J. Reports 1986, p. 9, para. 19).

Humanitarian concern in this particular case was motivated by the risk
of irreparable damage :

"the 'factsthat have given rise to the requests of both Parties for the
indication of provisional measures expose the perçons and property
in the disputed area, as well as the interests of both States within
that area, to serious risk of irreparable damage" (ibid., p. 10,
para. 21).

It can be said that in the cases referred to above, in particular those in
which individuals were directly affected, the Court formed a high stand- Et, en ce qui concerne le demandeur, M. Schwebel a dit ceci:

((L'Allemagneaurait pu présentersa requêtedes années,des mois,
des semaines,voire quelquesjours plus tôt. L'eût-ellefait, la Cour eut
pu procéder commeellele fait depuis 1922et tenir des audiences sur la
demande en indication de mesures conservatoires. Mais l'Allemagne
a attendu la veille de l'exécutionpour présentersa requêteet sa de-
mande en indication de mesures conservatoires, en faisant valoir

par la mêmeoccasion que la Cour n'avait plus le temps d'entendre
les Etats-Unis et devrait agir d'office. (C.1J. Recueil 1999, p. 22.)
De son côté, la Cour a indiqué des mesures conservatoires en
s'appuyant, comme le dit M. Schwebel, présidentde la Cour, «exclusive-
ment)) sur la requète de l'Allemagne.

b) L'intérêctollectij'd'un groupe ou d'une populution en tant qu'Clément
constitzitij de I'Etat

La protection de la population nationale est devenuequestion litigieuse
dans I'affaire relative auxActivités militaires et paramilitaires au Nicu-
ruguu et à l'encontre de celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d'Amérique):

«Dans sa conclusion, le Nicaragua a insistésur les morts, sur les
dommages que les actes allégués ont causéschez les Nicaraguayens et
a demandé à la Cour de soutenir, au moyen de mesuresconservatoires,
«les droits des citoyens nicaraguayensà la vieà la libertéetà la sécu-
rité».»(R. Higgins, ((Interim Measures for the Protection of Human
Rights)),dans Charney, Anton, O'Connel1(dir. publ.), Politics, Vulucs
and Functions, International Law in the Zlst Century, 1997,p. 96.)

Dans l'affaire du Différend fiontulier (Burkinu FusolRépublique du
Muli), la Cour, pour indiquer des mesures conservatoires, s'est fondée
sur des:
((incidentsqui,non seulement sont susceptibles d'étendreou d'aggra-

ver le différend,rnais comportent un recours A la force inconciliable
avec le principe du règlement pacifique des différendsinternatio-
naux)) (D$férenaffrontalier, mesures conservutoires, ordonnance du
10junrvier 1986, 1C.I.J.Recueil 1986, p. 9, par. 19).
En l'espèce,la préoccupation humanitaire étaitmotivéepar le risque de
préjudiceirriparable :

«les faits qui sontà l'origine desdemandes des deux Parties en indi-
cation de mesures conservatoires exposent les personnes et les biens
se trouvant dans, la zone litigieuse, ainsi que les intérêtsdes deux
Etats dans cette zone, à un risque sérieuxde préjudiceirréparable>)
(ihid.,p. 10, par. 21).

On peut dire que, dans les affaires évoquées ci-dessuse,n particulier celles
dans lesquelles des in'dividusétaient directement concernés,la Cour s'est732 LEGALITYOF USE OF FORCE (DISS. OP. KRECA)

ard of humanitarian concern in the proceedings for the indication of
interim measures, a standard which commanded sufficient inherent

strength to brush aside also some relevant, both procedural and material,
rules governing the institution of provisional measures. Thus, humanitar-
ian considerations, independently from the norms of international law
regulating human rights and liberties, have, in a way, gained autonomous
legal significance; they have transcended the moral and philanthropie
sphere, and entered the sphere of law.

6. In the case at hand, it seems that "humanitarian concern" has lost
the acquired autonomous legal position. This fact needs to be stressed in
view of the special circumstances of this case.
Unlike the cases referred to previously, "humanitarian concern" has as
itsobject the fate of an entire nation, in the literal sense. Such a conclu-

sion may be inferred from at least two elements:
-primo, the Federal Republic of Yugoslavia and its national and eth-
nie groups have been subjected for more than two months now to con-
tinued attacks of a very strong, highly organized air armada of the most

powerful Statesof the world. The aim of the attack is horrifying, judging
by the words of the Commander-in-Chief, General WesleyClark, and he
ought to be believed :

"We're going to systematically and progressively attack, disrupt,

degrade, devastate, and ultimately, unless President Milosevit com-
plies with the demands of the international community, we'regoing
to completely destroy his forces and their facilities and support."
(BBC News, http://news.bbc.co.uk/english/static.NATOgallery/air
default.stm/l4 May 1999).

"Support" is interpreted, in broad terms, extensively; to the point
which raises the question of the true object of the air attacks. In an
article entitled "Belgrade People Must Suffer" Michael Gordon quotes
the words of General Short that he "hopes the distress of the public will,
must undermine support for the authorities in Belgrade" (Internutional
Heruld Tribune, 16 May 1999,p. 6)and he continued:

''1think no power to your refrigerator, no gas to your stove, you
can't get to work because bridge is down - the bridge on which you
held your rock concerts and you al1 stood with targets on your
heads. That needs to disappear at three o'clock in the morning."
(Ihid.)

That these are not empty words is testifiedto by destroyed bridges, power
plants without which there is no electricity, water supply and production LICÉITÉ DE L''EMPLOIDE LA FORCE (OP.DISS. KRECA) 732

appuyée sur une norme humanitaire supérieuredans le cadre de la pro-
cédure enindication de mesures conservatoires, une norme qui avait suf-

fisamment de force intrinsèque pour que l'on déroge à certaines règles
pertinentes, règlesde procédureet règlesde fond, qui régissent l'institu-
tion des mesures conservatoires. En somme, les considérations humani-
taires, indépendamment des normes du droit international qui règlentles
droits de l'homme et se!libertés,ont en quelque sorte acquisun rôle juri-
dique autonome; ces considérations ont désormais franchi les limites
du domaine moral et philanthropique pour entrer dans le domaine du
droit.
6. En l'espèce,il semble pourtant que la préoccupation ((humanitaire))
ait perdu l'autonomie acquise sur le plan juridique. Vu les circonstances
particulières de l'instance,il convient de s'arrêtersur ce fait.
A la différence des affaires évoquées précédemmentl,e ((problème

humanitaire)) porte ici, littéralement, sur le sort de toute une nation.
Nous aboutissons à cette conclusion à partir de deux élémentsau moins:
En premier lieu, la FLépubliquefédéralede Yougoslavie et ses groupes
nationaux et ethniques sont soumis depuis plus de deux mois à présent

aux attaques constantes d'une armada aérienne trèsforte, extrêmement
organisée,appartenant aux Etats les plus puissants du monde. La finalité
de cette attaque a de quoi horrifier, si l'on enjuge par lesparoles du com-
mandant en chef, legénéralWesleyClark, et il n'y a pas lieu de douter de
ce qu'il dit:

((Systématiquennent et progressivement, nous allons attaquer,
ébranler, dégrade:r, dévaster, et finalement, sauf si le président
Milosevic se plie aux exigences de la communauté internationale,
nous allons détruire intégralement ses forces armées et leur ôter
toutes leurs infrastructures et toutes leurs bases de soutien)) (BBC
News, http:llne,i~sb.bc.co.uklenglishlst. ATOgulleryluir.default.stml
14 mai 1999).

En l'occurrence,le terme ((soutien»revêtun sens trèslarge, au point que
l'on peut se demander quel est vraiment l'objet des attaques aériennes.
Dans un article intitulé ((La population de Belgrade doit souffrir)),
Michael Gordon cite le généralShort qui dit ((espérerque la détressede
la population va saper, qu'elle doit saper, le soutien dont bénéficient les
autoritésde Belgrade » (/nter.nationu/ H~.raldTribune, 16mai 1999,p. 6)
et il poursuit:

((11n'y aura plus d'électricitépour votre frigo, plus de gaz pour
votre cuisiniére,vous ne pourrez plus aller au travail parce que le
pont est démoli -- ce pont sur lequel vous avez organisé vos concerts
rock et sur lequel vous vous êtesmassés avecdes cibles sur la tête.
Tout cela disparaît a 3 heures du matin.)) (Ibid)

II ne s'agissait pas là de paroles en l'air, comme en témoignentles ponts
démolis, ladisparition de centrales électriques,de l'adduction d'eau, desof foodstuffs essential for life; destroyed roads and residential blocks and
family homes; hospitals without electricity and water and, above all,

human beings who are exposed to bombing raids and who, as is rightly
stressed in the Application in the LaGrand (Germany v. United States of
America) case, have the "inherent right to life" (International Covenant
on Civil and Political Rights, Art. 6),whose importance and sanctity are
well established in international law. In the inferno of violence, they are
but "collateral damage".

- secundo, the arsenal used in the attacks on Yugoslavia contains also
weapons whose effects have no limitations either in space or in time. In
the oral proceedings before the Court, the Agent of the United States
explicitly stressed that depleted uranium is in standard use of the United
States Amy (CR99124, p. 21).

The assessment of the effects of depleted uranium should be left to
science. The report by Marvin Resnikoff of Radioactive Management
Associates on NMI elaborated upon these effects:
"Once inhaled, fine uranium particles can lodge in the lung alveo-
lar and reside there for the remainder of one's life. The dose due to
uranium inhalation is cumulative. A percentage of inhaled particu-

lates may be coughed up, then swallowed and ingested. Smoking is
an additional factor that needs to be taken into account. Since
smoking destroys the cilia, particles caught in a smoker's bronchial
passages cannot be expelled. Gofman estimates that smoking
increases the radiation risk by a factor of 10. Uranium emits an
alpha particle, similar to a helium nucleus, with two electrons
removed. Though this type of radiation is not very penetrating, it
causes tremendous tissue damage when internalized. When inhaled,
uranium increases the probability of lung cancer. When ingested,
uranium concentrates in the bone. Within the bone, it increases the
probability of bone cancer, or, in the bone marrow, leukemia. Ura-
nium also resides in soft tissue, including the gonads, increasing the
probability of genetic health effects, including birth defects and

spontaneous abortions. The relationship between uranium ingested
and the resultant radiation doses to the bone marrow and specific
organs .. .are listed in numerous references.

The health effects are also age-specific. For the same dose, chil-
dren have a greater likelihood than adults of developing cancer."
(Uranium BattlrJields Home & Abroad: Depleted Urunium Use by
the U.S. Depurtrnent of Definse, Rural Alliance for Military
Accouniability et al., March 1993,pp. 47-48.)

A scientific analysis of the concrete effects of armed operations against

81 LICEITÉ DE L'EMPLOI DE LA FORCE (OP.DISS. KRECA) 733

productions alimentaires indispensables à la vie; comme en témoigne la
destruction de routes, d'immeubles résidentiels,de maisons d'habitation
unifamiliales; comme en témoignent les hôpitaux privés d'électricité et
d'eau et, par-dessus toiut, ces êtreshumains qui sont exposésaux bom-
bardements et qui, comme le disait si bien la requêtedans l'affaire
LaGrand (Allemagne c. Etats-Unis d'Amérique), ont un ((droità la vie
inhérent à la personne humaine)) (pacte international relatif aux droits

civilset politiques, art.,dont l'importance et le caractère sacrésont des
principes bien établisdu droit international. Dans l'enfer de la violence,
ce ne sont plus là que des ((dommagescollatéraux».
En second lieu, l'arsenal qui sert aux attaques lancéescontre la You-
goslavie contient certaines armes dont les effets sont quasi illimitésdans
l'espace et dans le temps. Au cours de la procédure orale, l'agent des
Etats-Unis a nettement préciséque l'uranium appauvri est régulièrement
utilisépar l'armée desEtats-Unis (CR 99/24, p. 17).
II convient de laisser les scientifiques évaluer les effets de l'uranium
appauvri. Le rapport de Marvin Resnikoff, qui travaille pour Radio-
active Management Associates (NMI) dit quels sont ces effets:

«Une fois inhalées,de fines particules d'uranium peuvent se loger
dans lesalvéolesdu poumon et y rester jusqu'à lafin de votre vie. La
dose inhalée est cumulative. Une certaine fraction des particules
inhalées peut êtrcexpectorée puisavalée et ingérée.Si l'intéressé
fume, il faut preridre cet élément enconsidération. Comme fumer
détruitles franges ciliaires, les particules capturéesdans les passages
bronchiques du fumeur ne peuvent pas être expulsées. Gofman

estime que, chez les fumeurs, le risque dû à l'irradiation est ainsi
multipliépar dix. L'uranium émetune particule alpha, analogue à
un noyau d'héliumamputé de deux électrons.Les rayonnements de
ce type ne pénètrentpas très profondément, mais, une fois à I'inté-
rieur du corps, ilscausent beaucoup de dommages aux tissus. Quand
il est inhalé,l'uranium accroît les probabilitésde cancer du poumon.
Quand il est ingéré,l'uranium se concentre dans les os. A l'intérieur
des os,ilaugmente les probabilitésde cancer des os, ou bien, dans la
moelle, les probabilitésde leucémie.L'uranium réside aussidans les
tissus mous, y compris lesgonades, ce qui accroît les probabilitésde
conséquencesgénétiques,sous forme notamment d'anomalies géné-
tiques et d'avortements spontanés. Le rapport qui existe entre I'ura-

nium ingéréet les doses d'irradiation qui en résultentpour la moelle
osseuse et certains organes...figurent dans beaucoup d'étudescitées
en référence.
Leseffetsde l'uranium sur la santé sontégalementfonction de l'âge.
Pour une même idose,l'enfant court de plus grands risques de can-
cer que l'adulte.))(Uruniunf BattlefieldsHome & Abroud: Depleted
Uranium Use hy the U.S. Department of Defense. Rural Alliance for
Military Accountability,et al.,mars 1993,p. 47-48.)

L'Office fédéralalleinand de l'environnement (Umweltbundesamt) aYugoslavia has been presented by Umweltbundesamt (UBA). The essen-
tials of the expertise are as follows ':

[Translation by the Registry]
"The longerthe war in Yugoslavialasts, the greater the risk of long-

term damage to the environment. Such damage threatens to extend
beyond national frontiers, and it may no longer be possible fully to
make it good. The Federal Environmental Agency[Umweltbundesamt
(UBA)] comes to this conclusion in an interna1paper examining the

ecological consequencesof the war in Yugoslavia, prepared for the
meeting of European Environment Ministers at the beginningof May
in Weimar. Catastrophes 'likeSevesoand Sandoz' are, in the opinion
of the Agency, 'a perfectly probable damage scenario'.

'
"Je langer der Krieg in Jugoslawien dauert. desto grosser wird die Gefahr von lang-
fristigen Schadigungen der Umwelt. Diese drohen sich über die Landesgrenzen
hinaus auszubreiten und konnen moglicherweise nicht mehr vollstiindig beseitigt wer-
den. Zu dieser Einschatzung kommt das Umweltbundesamt (UBA) in einem internen
Papier, das sich mit den okologischen Auswirkungen des Krieges in Jugoslawien
befasst und für die Vorbereitung des Treffens europaischer UmweltministerAilfang
Mai in Weimar erstellt wurde. Katastrophen 'wie Seveso und Sandoz' sind nach
Ansicht des Amtes 'ein durchaus wahrscheinliches Schadensszenario'.
.....................................
Umweltgifte, die nach Zerstorungen von lndustrieanlagen austreten, konnten sich
weiter ausbreiten. 'BeiSicherstellung sofortigen Handelns, das unter Kriegsbedingun-
gen aber unmoglich ist. bleibt die Wirkung dieser Umweltschadigungen lokal
begrenzt. Langere Verzogerungen führen zu einem übertritt der Schadstoffe in die
Schutzgüter Boden, Grund- und Oberflachenwasser, erhohen das Gefahrdungspoten-
tial für den Menschen und den Sanierungsaufwand betriichtlich.'
Diese Folgen müssen nicht auf Jugoslawien beschrankt sein. Schadstoffe aus
Grossbranden konnten grenzübersçhreitend verteilt werden. Weiter heisst es in dem
Papier: 'DieEinleitu.ng der Gefahrstoffe in Oberflachenwasser kann zur weitriiumi-
gen Schadigung der Okosysteme führen. Die Deposition von Gefahrstoffen in Boden
kann je nach Eigenschaft der Stoffe und Boden zu langanhaltenden Versuchungen
mit weitgehetiden Nutzungseinschrankungen führen.'
Die Gefahr einer 'tiefgreifenden Zerstorung wesentlicher Bestandteile von Trink-
wasserversorgungssystemen'sei für mittlere und grosse Stadte sowie Ballungsgebiete
am grossten. Schon geringe Mengen von Substanzen der petrochemischen Industrie
konnten 'grosseGrundwasservorrate unbrauchbar machen'.
Wie gefahrlich die freigesetzten Stoffe insgesamt sind. Iasst sich nach Ansicht der
UBA-Experten nur schwer abschitzen. 'weildurch die Zerstorung ganzer Industrie-
komplexe Mischkontaminationen verschiedenster Schadstoffe gebildet werden', die
noch wenig erforscht seien. Noch koniplizierter sei die Beurteilung von Umwelt-
schaden durch Brande und Explosionen. 'Hier treten bezogen auf Schadstoffinventar
und Ausbreitung weit weniger kalkulierbare, zum Teil grossflachige Umweltschadi-
gungen ein.'
Die Verbrennungsprodukte seien 'zumTeil hoch toxisch und kanzerogen'. Je nach
klimatischen Bedingungen konne es 'zu einer grossfliichigen Verteilung dieser Stoffe'
kommen, 'die eine vollstandige Beseitigung nahezu unmoglich macht' ...
Die Wechselwirkungen der Produkte mit den eitigesetzten Waffen dürften 'vollig
unbekannt' sein." (TAZ, Dic Tugrsirirrrng, Berlin. 20 May 1999.)présentéune analyse scientifique des effets concrets imputables aux opé-
rations arméescontre la Yougoslavie. Ce rapport d'expert dit essentielle-

ment ceci ':
(Traduction du Grt.fe/

«Plus la guerre en Yougoslavie dure et plus le risque de dommages
a long terme i I'environnement s'aggrave. Cesdommages menacent de
s'étendreau-dela des frontières de la Yougoslavie et peut-êtreest-il

déjàtrop tard pour qu'on puisse leséradiquer.C'est iicette conclusion
que parvient l'Officefédéralallemand de I'environnement (Umiceltbun-
desumt) dans un clocument interne examinant les conséquencespour
I'environnement de la guerre en Yougoslavie, établien vue de la réu-

nion des ministres européensde I'environnement débutmai à Weimar.
Des catastrophes du type de cellesde Seveso etde Sandoz constituent,
selon I'Oi'fice,«un scénario éminemment probable)).

' «Je langer der Krieg in Jugoslawien dauert. desto grosser wird die Gefahr von
langfristigen Schadigurigen der Umwelt. Diese drohen sich über die Landesgrenzen
hinaus auszubreiten und konnen moelicherweise nicht mehr vollstandig beseitigt wer-
den. Zu dieser Einschatzung kommtdas Umweltbundesamt (UBA) ineinem internen
Papier. das sich mit den okologischen Auswirkungen des Krieges in Juroslawien
befasst und für die Voi-bereitungdes Treffens europaischer ~mweltminist~r Anfang
Mai in Weimar erstellt wurde. Katastropheii 'wie Seveso und Sandoz' sind nach
Ansicht des Amtes 'ein durchaus wahrscheinliches Schadensszenario'.
.....................................
Umweltgifte. die nach Zerstorungen von lndustrieanlagen austreten. konnten sich
weiter ausbreiten. 'Beiljicherstellung sofortigen Handelns. das unter Kriegsbedingun-
gen aber unmoglich ist, bleibt die Wirkung dieser Umweltschiidigungen lokal
begrenzt. Liingere Verzogerungen führen zu einem übertritt der Schadstoffe in die
Schutzgüter Boden, Grund- und Oberflachenwasser. erhohen das Gefahrdungspoten-
tial für den Menschen und den Sanierungsaufwand betrachtlich.'
Diese Folgeii müssen nicht auf Jugoslawien beschrankt sein. Schadstoffe aus
Grossbranden konnteri grenzüberschreitend verteilt werden. Weiter heisst es in dem
Papier: 'Die Einleitu,nl;der Gefahrstoffe in Oberfliichenwasser kann zur weitriumi-
gen Schadig~iiigder Okosysteme führen. Die Deposition von Gefahrstoffen in Boden
kann je nach Eigensckiaftder Stoffe und Boden zu langanhaltenden Versuchungen
mit weitgehenden Nutzungseinschrankungen führen.'
Die Gefahr einer 'tiefgreifenden Zerstorung wesentlicher Bestandteile von Trink-
wasserversorgungssyst~men' sei für mittlere und grosse Stadte sowie Ballungsgebiete
am grossten. Schon geringe Mengen von Substanzen der petrochemischen Industrie
konnten 'grosse Grun(iwasservorrate unbrauchbar machen'.
Wie gefahrlich die freigesetzten Stoffe insgesamt sind, Iasst sich nach Ansicht der
IIBA-Exoerten nur schwer abscliiitzen. 'weildurch die Zersto--ne eanzer Industrie-
komplexe Mischkontaminationen verschiedenster Schadstoffe gebildet werden'. die
noch wenig erforscht seien. Noch komplizierter sei die Beurteilung von Umwelt-
schaden durch Brande und Explosionen.'~ier treten bezogen auf ~ch:ddstoffinventar
und Ausbreitung weit weniger kalkulierbare. zum Teil grossflachige Umweltschadi-
gungen ein.'
Die Verbrennungsprodukte seien 'zumTeil hoch toxisch und kanzerogen'. Je nach
klimatischen Bedingurigen konne es 'zu einergrossflichigen Verteilung dieser Stoffe'
kommen, 'die rine vollstandige Beseitigung nahezu unmoglich macht'...
unbekaniit' sein>>(TAZ, Die PTugr.siriturrBerlin. 20 mai 1999.)n dürften 'vollig Environmental toxins released bv the destruction of industrial
plant could spread further. 'If immédiate action is taken, which is,
however. ,m~o.sibleunder war conditions, the effect of this environ-
mental damage will remain restricted to local level. Longer delays
will result in toxic substances passing into the soil, groundwater and
surface water, and substantially increase the potential danger to
man, and the cost of cleansing operations.'

These consequences are not necessarily limited to Yugoslavia.
Harmful substances deriving from major conflagrations can be dif-
fused beyond frontiers. The paper continues: 'Passage of harmful
substances into surface water can lead to extensive damage to eco-
systems. The deposition of hazardous substances in the soi1 can,
depending on the nature of those substances and of the soil, result in

long-term contamination, imposing far-reaching limitations upon
utilization.'

The danger of 'extensive destruction of essential components of
drinking-water supply networks' is biggest with regard to middle-
sized and large cities and conurbations. Even small amounts of sub-
stances from the petrochemical industry can render 'extensive
groundwater reserves unusable'.

According to the Federal Environmental Agency experts, the over-
al1risk posed by the substances released isdifficult to assess, 'because
the destruction of entire industrial complexes results in mixed con-
tamination by a wide variety of harmful substances' - an area in
which there has as yet been little research. Even more problematic,
in the experts' view, is the assessment of environmental damage

caused by fires and explosions. 'Here, in terms of identification of
the harmful substances involved and the possibility of their diffu-
sion, environmental damage is far harder to predict, but will on
occasion be extensive.'

The substances produced by the fires are described as 'in part
highly toxic and carcinogenic'. Depending on climatic conditions,
'widespread diffusionof these substances' couldoccur, 'whichwould
render full cleansing almost impossible'.

The effects of the interaction of those substances with the
weapons employed were said to be 'completely unknown'." (TAZ,
Die Tageszeitung, Berlin, 20 May 1999.)

Therefore, it is my profound conviction, that the Court is, in concreto,

confronted with an uncontestable case of "extreme urgency" and "irrepa-
rable harm", which perfectly coincides, and significantly transcends the Les substances toxiques pour I'environnement libéréesà la suite de
la destruction d'iristallations industrielles pourraient se propager à
une plus grande distance. L'adoption de mesures immédiates -
impossible toutefois en temps de guerre - permettrait de contenir
localement ces atteintes à I'environnement. Plus le temps s'écoulera

et plus ces substances se répandront dans le sol, les eaux-souterraines
et les eaux de surface, d'où une augmentation considérable des
risques pour I'hornme et du coût des opérations de nettoyage.
Ces conséquences ne sont pas nécessairement limitéesà la You-

goslavie. Les substances toxiques dégagées ala suite d'incendies
majeurs peuvent :jerépandre au-delà des frontières. Et l'auteur du
document d'ajouter: <<Lamigration de substances dangereuses
dans les eaux de surface peut causer de graves dommages aux éco-

systèmes. Le dépôt de substances dangereuses dans le sol peut
entraîner, selon la nature des substances et des sols, une contami-
nation à long terme, faisant radicalement obstacle à l'utilisation
des sols. ))
Le risque d'une ((destruction à grande échelledes élémentsessen-

tiels du réseaud'approvisionnement en eau potable)) est plus lourd
pour les villes moyennes, les grandes villes et les zones de concentra-
tion urbaine. De faibles quantités de substances émanant d'installa-
tions pétrochimiclues suffisent à rendre inutilisables d'importantes

réservesd'eaux souterraines)).
Selon les exnerts de l'Office fédéralde l'environnement. il est très
difficile d'apprécier dans son ensemble le risque que représentent
les substances libéréesdans I'environnement, «car la destruction
de complexes inclustriels entiers entraîne une pollution provoquée

par un véritable cocktail de substances toxiques)), sur laquelle les
recherches n'ont guère porté jusq~i'à présent. L'évaluatiori des
dommages causéisa I'environnement par les incendies et les explo-
sions est encore plus délicate,estiment les experts. «II est beaucoup

plus difficile en ]pareil cas, du fait des problèmes liésà l'identifi-
cation des substances toxiques et au risque de les voir se répandre,
de prédirelesdonimages àl'environnement, qui seront parfois consi-
dérables. ))
Certaines des substances libéréesdans l'atmosphère à la suite des

incendies sont qualifiéesde «très toxiques et cancérigènes)).En fonc-
tion des conditions clirnatiques ambiantes, «ces substances pour-
raient diff~iser tr'èslar"ement)). de sorte au'«une décontamination
complète serait quasi impossible».

Quant a 1'inter:actionde ces produits avec les armes utilisées,on en
((ignoreraittotalement » les effets. ))(TAZ, Die Tugeszcitung. Berlin,
numéro du 20 m,ai 1999.)

Je suis par conséquent profondément convaincu que la Cour se trouve
concrètement face à une affaire imposant incontestablement d'agir «de
toute urgence)) et où l'on court le risque d'un ((préjudiceirréparable)),736 LEGALITY OF USE OF FORCE (DISS. OP. KRE~A)

substance of humanitarian standards which the Court has accepted in
previous cases.

7. 1must admit that 1find entirely inexplicable the Court's reluctance

to enter into serious consideration of indicating provisional measures in a
situation such as this crying out with the need to make an attempt,
regardless of possible practical effects, to at least alleviate, if not elimi-
nate, an undeniable humanitarian catastrophe. 1 do not have in mind
provisional measures in concrete terms as proposed by the Federal
Republic of Yugoslavia, but provisional measures in general: be they

provisional measures proprio riiotu, different from those proposed by the
Federal Republic of Yugoslavia or, simply, an appeal by the President
of the Court. as was issued on so many occasions in the past, in less
difficult situations, on the basis of the spirit of Arti74. paragraph 4,
of the Rules of Court.

One, unwillingly, acquires the impression that forthe Court in this par-
ticular case the indication of any provisional measures whatever has been
term prolzihitu. E.uempli cuusa, the Court, in paragraph 18of the Order,
says that it:

"deems it necessary to emphasize that al1parties appearing before it
must act in conformity with their obligations under the United
Nations Charter and other rules of international law including
humanitarian law",

or, in paragraph 48 of the Order, that the Parties: "should take care not
to aggravate or extend the dispute", and it is obvious that both the above
pronouncements of the Court have been designed within the model of
general, independent provisional measures.

III. JURISDICTION ASLUES

Jurisdictionqf'fhc Court Ratione Personae

8. The membership of Federal Republic of Yugoslavia in the United
Nations is in the present case one of the crucial issues within the jurisdic-
tion of the Court rutione prrsonue.

The respondent State, when referring to the United Nations resolu-

tion 777 (1992)of 19September 1992and to the United Nations General
Assembly resolution 4711of 22 September 1992, also contends that "the
Federal Republic of Yugoslavia cannot be considered, as it claims, to be
the continuator State of the former Socialist Federative Republic of
Yugoslavia", and that, not having duly acceded to the Organization, it is
not a Member thereof, is not a party to the Statute of the Court and can-
not appear before the Court.affaire qui répond parfaitement, quant au fond, aux normes humanitaires
que la Cour a retenues dans certains précédents; à cet égard. la présente
instance se situe mêmeà un niveau nettement supérieur.

7. Pour être franc,je dois dire que je trouve totalement inexplicable
que la Cour veuille s'abstenir d'étudier sérieusement la possibilitéd'indi-
quer des mesures conservatoires alors que la situation impose de façon
aussi criante de tenter à tout le moins, indépendamment des effets pra-
tiques éventuelsde la tentative, d'atténuer, sinon de supprimer, un dan-
ger incontestable de catastrophe humanitaire. Je n'envisage pas ici des
mesures conservatoire:; qui prendraient concrètement la forme proposée

par la République fédéralede Yougoslavie, j'envisage des mesures conser-
vatoires en général: la Cour peut proposer d'office d'autres mesures
conservatoires que celles qui sont proposées par la République fédérale
de Yougoslavie, ou elle peut se contenter d'un appel lancé par le pré-
sident, comme elle l'a làit si souvent déjà, dans des situationsmoins diffi-
ciles, en s'inspirant de l'article 74, paragraphe 4, de son Règlement.

Sans le vouloir, on a ici l'impression que, pour la Cour en l'espèce,
l'indication de mesures conservatoires, sous quelque forme que ce soit, lui
a semblé interdite. Par exemple. au paragraphe 19 de l'ordonnance, la
Cour:

((estime nécessaire de souligner que toutes les parties qui se pré-
sentent devant elle doivent agir conformément à leurs obligations
en vertu de la Charte des Nations Unies et des autres règles du droit
international,y compris du droit humanitaire)),

ou bien elle dit, au paragraphe 49, que les Parties: «doivent veiller à ne
pas aggraver ni étendre le différend)). et il est manifeste que, dans les
deux cas, la Cour s'est inspiréed'un type de mesures conservatoires de
caractère général etindépendant.

III.LES QUESTIONS DE COMPÉTENCE

Lu coinpéterzccd ~e lu Cour.ratione personae

8. La qualité d'Etat Membre des Nations Unies de la République

fédéralede Yougosla.vie est, dans la présente instance, l'une des ques-
tions cruciales qui se posent pour la compétence de la Cour vutionrprr-
SO~LIC.
L'Etat défendeur, invoquant la résolution 777 (1992) [du Conseil de
sécurité]en date du 119septembre 1992 ainsi que la résolution 4711 de
l'Assemblée générale des Nations Unies en date du 22 septembre 1992,

soutient que la République fédéralede Yougoslavie ne peut pas être
considérée,contrairement à ce qu'elle prétend, comme I'Etat successeur
de l'ancienne République fédérative socialistede Yougoslavie et que,
n'ayant pas dûment adhéré A l'Organisation, elle n'en est pas Etat
Membre, n'est pas partie au Statut de la Cour et ne peut pas compa-
raître devant celle-ci. It is worth noting that the respondent State did not invoke this argu-
ment with respect to the Genocide Convention as another basis of
jurisdiction invoked by the Applicant, although the connection between
the legal identity and continuity of the Federal Republic of Yugoslavia

with the status of the Contracting Party of the Genocide Convention is
obvious (see para. 12, below). One can guess the reasons for the State to
take such a position.

Sedes rnuteriuc the question of the Federal Republic of Yugoslavia's
membership in the United Nations can be reduced to a couple of
qualifications :

8.1. Generul Assemhly re.rolution 4711 \(,as cldopted fOr pragnîutic,
political purposes

The adoption of that resolution cannot, in my opinion, be divorced
from the main political Stream taking place in international institutions
during the armed conflict in the former Yugoslavia. It appears that as a
political body the General Assembly of the United Nations, as well as the

Security Council which recommended that the Assembly adopt resolu-
tion 4711,perceived such a resolution as one of political means to achieve
the desirable solution to the relevant issues in the crisis unfolding in the
former Yugoslavia.
Such a conclusion relies on the fact that in adopting resolution 4711,
the General Assembly basically followed the opinions of the so-called

Badinter Commission engaged as an advisory body in the work of the
Conference on Yugoslavia with the aim of finding a peaceful solution to
the relevant issues. In its Opinions No. I and No. 8, the Commission
elaborates the point on territorial changes in the former Yugoslavia
which has, in its opinion, resulted in the emergence of six equal, inde-
pendent State entities corresponding in territory to the Republics as the
constituent parts of the Yugoslav Federation. In its Opinion No. 9 the

Commission proceeds from the point of finalization of the "process of
break up of SFRY" and elaborates on the effects of the alleged break up
from the standpoint of succession of States. In that context, it. inter uliu,
established

"the need to terminate SFRY's membership status in international
organizations in keeping with their statutes and that not a single suc-
cessor state may claim for itself the rights enjoyed until then by the
former SFRY as its member state" (The Peace Conference on Yugo-
slavia, Arbitration Commission, Opinion No. 9, para. 4).

Introducing draft resolution 47lL.1, Sir David Hannay (United King-
dom) said, inter ulii~,

"the fact that the Council is ready to consider the matter again LIC'ÉITÉDE I~'EMPLOIDE LA FORCE (OP. DISS. KRE~A) 737

Il y a lieu de noter que 1'Etatdéfendeur n'a pas invoqué le même argu-
ment au sujet de la convention sur le génocidequi est pour le demandeur
une autre base de compétence, alors qu'il y a manifestement un lien entre
l'identitéet la continuité, sur le plan juridique, de la République fédérale

de Yougoslavie, d'une part, et, de l'autre, son statut de partie contrac-
tante à la convention sur le génocide (voir paragraphe 12 ci-après).
On peut deviner les raisons qui expliquent cette attitude de I'Etat deman-
deur.
Scrk~smutrricrc, la question de la qualitéd'Etat Membre de l'organisa-
tion des Nations Unies dont jouit ou non la République fédéralede You-

goslavie peut se ramener à deux éléments.

8.1. Ltr rCsolirtiot~4711 tic 1'A.ssemhlCc~énc;rulrLI CtéudoptCe Li dc1.s
finsprcrgn7utiy~.reest poiitirprs

IIest impossible à nion avis de dissocier l'adoption de cette résolution
du grand courant politique qui animait les organisations internationales

lors du conflit arméqui a éclatédans l'ex-Yougoslavie. En tant qu'organe
politique, l'AssembléegénéraledesNations Unies, de mêmeque le Conseil
de sécuritéqui a recon-imandéque l'Assembléeadopte la résolution 4711,
a, semble-t-il. conçu cette résolution comme un moyen politique de par-
venir à résoudre la crise sous ses différents aspects.

J'en donnerai pour preuve qu'en adoptant la résolution 4711, l'Assem-
bléegénérale aessenti~:llementsuivi les avis de ce qu'on a appelé lacom-
mission Badinter, laqilelle a servi d'organe consultatif pendant les tra-
vaux de la conférence sur la Yougoslavie et était chargéede trouver une
solution pacifique aux différents problèmes. Dans ses avis no 1et no 8,
la coinmission développe la question des transformations territoriales

dans l'ex-Yougoslavie, lesquelles aboutissent à l'apparition de six entités
étatiques égaleset indépendantes correspondant du point de vue terri-
torial aux républiques qui étaient des élémentsconstitutifs de la Fédé-
ration yougoslave. Dans son avis nu 9, la commission part de cette désin-
tégration définitive de l'ancienne République fédérativesocialiste de
Yougoslavie et dit en détail quels effets il faut en attendre du point de

vue de la succession d'Etats. Elle dit notamment à ce sujet que:
<<ilFdut mettre fin A la qualité d'Etat membre de la République
fédérative socialistede Yougoslavie dans les organisations interna-

tionales,conformiémentau statut de ces dernières, et qu'aucun Etat
successeur ne pourra se prévaloir des droits qu'exerçait jusqu'alors
l'ex-République fëdérative socialiste de Yougoslavie en cette qualité
d'Etat membre)) (conférencede la paix sur la Yougoslavie, commis-
sion arbitrale, avis no 9, par.4).

En présentant le prcojetde résolution 47lL. 1.sir David Hannay (repré-
sentant du Royaume-Uni) a notamment trouvé

((significatif le fait que le Conseil ait à revoir la question à nouveau within the next three months is significant. The tragic situation in the
former Yugoslavia is a matter of the highest concern to al1members
of the international community. The International Conference on
the Former Yugoslavia, which opened in London on 26 August and
which now meets in Geneva. brings together the efforts of the
United Nations and the European Community. We musr do rilerj'-

thing in our powrr to enc,ourtrgethe purties, with the nssi.stut~cof'the
Corlfi.rc11c.co-Cl~uirr~~ritno, settlc~their c/~fi~r.o~ceast the nc~gotiut-
ing table, not on the buttltlficlrl. Thrit thc Cout~cilllas ~/ecic/edto con-
.siric.rthe tnutter- agcrinbefor-ethe rndof'tfze jvur ii'ilii'rtrust, he
Iîclpf~tlinc.rtitii9eto ull the purries cor~ceru,s ut1ej'bctiiv rnerrr.cf.'
sirpporting thc Co-Chairniun of' tlic Conjbrer~ceon Yugo.slui.ia in

their 11eu1.tysk." (United Nations doc. Al471Pv.7, p. 161 ;emphasis
added).

8.2. From u legcrlu.spec.t,resolirtiorî 4711 is inc~on.sistcvitn(/ c>ontrcr-
dictorj-

The operative part of resolution 4711reads as follows:

1. Consiciers the Federal Republic of Yugoslavia (Serbia and
Montenegro) cannot automatically continue the membership of
the former Socialist Federal Republic of Yugoslavia in the United
Nations; and, therefore, decides that the Federal Republic of Yugo-
slavia should apply for membership in the United Nations and shall
not participate in the work of the General Assembly."

The main elements of the solution in General Assembly resolution 4711
are the following:

The opinion that the Federal Republic of Yugoslavia cannot automati-
cally continue the membership of the SFRY in the United Nations. The
stand of the main political bodies of the United Nations (the Security
Council and the General Assembly) was formulated in terms of an "opin-
ion"; namely, such a conclusion clearly stems from the fact that the rele-
vant part of General Assembly resolution 4711 begins with the words

"considers". Itis significant to note that the General Assembly's opinion
does not conform fully with the nieaning of the Opinions Nos. 1, 8 and 9
of the so-called Badinter Arbitration Comniission. Namely, in its Opin-
ions 1 and 8 the Commission elaborates the point on the break up of
SFRY which has, in its opinion, resulted in the emergence of six equal,
independent State entities corresponding in territory to the Republics as
the constituent parts of the Yugoslav Federation. Resolution 4711 pro-

ceeds from a more moderate starting point. It apparently does not termi-
nate the Federal Republic of Yugoslavia's membership in the Organi- LIC,ÉITE DE L.'EMPLO DI LA FORCE (OP.DISS.KRECA) 738

dans les trois moi:, à venir. La situation tragique dans I'ex-Yougo-

slavie est une source de profonde inquiétude pour tous les membres
de la communautt internationale. La conférence internationale sur
l'ancienne Yougoslavie qui s'est ouverte à Londres le 26 août et qui
se réunit actuellernent à Genève conjugue les efforts de l'ONU et

ceux de la Communauté européenne. NOUS ne devons rirr~ négliger
pour eilcaourager 1r.spur tic^a,vecxl'aide dc~.copr(;siden/s de lu confi;-
r.ct7c.firégler.1eur.rtlifï2reizttùsIcr/uhle (le négociution, et ilon pus
sur 111(./lump de hutuillc~. Lc',fui/ quICCorzseil u dkc.iu'C.e rkesumi-
17e~Il (luestion rrvtrilt lu,den1'~rnnPrsotr, r~ouscn somtnrs certuins,

url rno~,c~r~l'er~c~o~irugrrt.outcs les purti~.~ infé~~.s.s~ts d'uppuyer'
eifiicucemerzt les (~opr.c;sit/entscke lu corzfér-cwce.suItr Yougosltrvic~
tl(in.s lcwr. trichc dgfir,il(Nations Unies. doc. Al47lPV.7, p. 142-
143: les italiques sont de moi.)

8.2. Du poirit delv~rc,ur.iclicl~teI,tr rCsoli4711trc..illogicluc ct con/r.ri-
(1ic.toir.e

Le dispositif de la rksolution 4711se lit comme suit

1.C'onsirlére que la République fédérativede Yougoslavie (Serbie
et Monténégro)ni: peut pas assumer automatiquement la qualitéde
Membre de l'organisation des Nations Unies à la place de l'ancienne
République fédérativesocialiste de Yoiigoslavie et, par conséquent,
décide que la République fédérative de Yougoslavie (Serbie et

Monténégro)devrait présenter une demande d'admission à l'Orga-
nisation et qu'elle ne participera pas aux travaux de l'Assemblée
générale» .

Les principaux éléml-nts de la solution préconiséepar la résolution 4711
de l'Assembléegénéralesont les suivants:

II est d'abord énoncéun avis, qui est que la République fédéralede

Yougoslavie ne peut pas assumer automatiquement la qualitéde Membre
de l'organisation des Nations Unies à la place de la République fédéra-
tive socialiste de Yougoslavie. La position des principaux organes politi-
ques des Nations Unies (leConseil de sécuritéet l'Assembléegénérale)est
définiesous la forme d'un ((avis)); c'est la conclusion qui s'impose quand

on constate que l'extrait pertinent de la résolution 4711commence par le
mot <<considère»M . ais il convient de relever que cet avis de l'Assemblée
généralene correspond pas parfaitement à ce qu'il faut déduire des avis
no' 1, 8 et 9 de la commission arbitrale dite commission Badinter. Dans
ses avis no" 1 et8. la commission tire les conclusions de la désintégration

de la République fédkrative socialiste de Yougoslavie qui aboutit, pour
elle, à produire six entités étatiques indépendantes etégalesdont le terri-
toire est celui des républiques qui étaient auparavant des éléments cons-
titutifs de la Fédérationyougoslave. La résolution 4711prend un départ739 LEGALITY OF LISE 01' FORCE (DISS.OP. KRE~A)

zation. It simply establishes that "the Federal Republic of Yugoslavia
cannot uutot~~utic~ullycontinue the r~ienzhcrshi. ..in the United Nations

Organization" (emphasis added). A c.ontrr~viothis means that the Fed-
eral Republic of Yugoslavia's membership in the Organization can be
continued but not automatically. True. the resolution does not elaborate
how that can be achieved but, if we interpret it systematically and
together with Security Council resolutions 757 and 777, we will come to

the conclusion that the Federal Republic of Yugoslavia's membership in
the Organization can be continued in case such a request is "generally
accepted". That the legal meaning of the resolution does not imply the
termination of the Federal Republic of Yugoslavia's membership in the
Organization is also clear from the letter of the Under-Secretary-General

and Legal Counsel of the United Nations addressed on 29 September
1992 to the Permanent Representatives to the United Nations of Bosnia
and Herzegovina and Croatia in which he stated, intcr rrliu,

"the resolution does not terminate nor suspends Yugoslavia's mcm-
bership in the Organization. Consequently, the seat and the name-
plate remain as before . . . Yugoslav mission at United Nations
Headquarters and offices may continue to function and may receive
and circulate documents. At Headquarters, the Secretariat will con-

tinue to fly the flag of the old Yugoslavia."

8.3. A bun on prrrticipcrtionin tlzc Orgrrni:trtion'.~ work

Tl-iatthe relevant part of the resolution refers to a ban is borne out by
the use of the imperative wording ("shall not participate"). This ban is,
rutiotze I?ILI~PY~LIm,ited along two different lines:

((O it refers to the direct participation in the General Assembly. Indirect
participation in the work of the General Assembly is not excluded.

Elements of indirect participation are implied given that the Mission
of the Federal Republic of Yugoslavia to the United Nations con-
tinues to operate and. in particular, "may receive and circulate
docunîents". It follows from the Under-Secretary-General's inter-
pretation that the term "General Assembly" has been used in the

resolution in its generic sense, consideringthat it also includes the
auxiliary bodies of the General Assembly and conferences and meet-
ings convened by the Assembly;
(h) the ban does not apply to participation in the deliberations of other
bodies in the United Nations Organization.plus modéré;apparemment, elle ne met pas fin à la qualitéde Membre de
l'organisation des Naliions Unies de la République fédéralede Yougo-
slavie. Elle dit sirrlplen~~enqtue «la République fédérativede Yougoslavie
ne peut pas ~~.s,sumcazrtornutiquementlu qzruliti.de Mrmhre de l'organi-
sation ... (les italiques sont de moiA contrurio, cela signifie que la Répu-

blique fédéralede Yougoslavie peut encore assumer la qualitéde Membre
de l'organisation, mais non pas automatiquement. Certes. la résolution
n'expose pas en déta.11 comment cela peut être réalisé,mais, si nous
l'interprétons systématiquement, en lui associant les résolutions 757 et
777 du Conseil de sécurité,i-iousaboutissons à la conclusion que la Répu-
blique fédéralede Yougoslavie peut encoreassumer la qualitéde Membre
de l'organisation à condition que la demande présentéeà cette fin soit

((généralement accepttSe». Que la résolution ne met donc pas implicite-
ment fin, sur le plan juridique, à la qualité de Membre de l'organisation
de la République fédéralede Yougoslavie apparaît aussi clairement dans
la lettre que le Secrétaire généraladjoint et conseiller juridique des
Nations Unies a adresséele 29 septembre 1992aux représentants perma-
nents de la Bosnie-Herzégovine et de la Croatie auprès des Nations

Unies. lettre dans laquelle ildéclarait notamment ceci:
«la résolution ne met pas fin à l'upport~>t1~11 de(~a Yougoslavie à
l'organisation et ne la suspend pas. En conséquence, le siègeet la

plaque portant le nom de la Yougoslavie subsistent ..La mission de
la Yougoslavie auprès du Siègede l'organisation des Nations Unies
ainsi que les bureaux occupés par celle-ci peuvent poursuivre leurs
activités,ils peuvent recevoir et distribuer des documents. Au Siège,
le Secrétariat coritinuera de hisser le drapeau de l'ancienne Yougo-
slavie.))

8.3. LLIptrrticiprrtiouu.u trurluus de lI'Ovguni.satiot~J.rtintcvditr

IIest clair que l'extrait pertinent de la résolution correspond A une
interdiction. car la forme verbale ~itiliséeest une forme impérative (((ne
participera pas))). Miaiscette interdiction est limitée rrrtionr177~1tc~vi ~ro.
deux poii-itsde vue:

u) I'interdiction vise la participation directe aux travaux de l'Assemblée
générale,mais n'exclut pas une participation indirecte. Cette partici-
pation indirecte est évoquéeimplicitement par le fait que la mission

de la République fédérativede Yougoslavie auprès des Nations Unies
peut continuer ses activitéset en particulier. «peut recevoir et distri-
buer des documents)). Le Secrétaire généraladjoint a donc utilisé
dans la résolution l'expression ((Assembléegénérale))au sens géné-
rique, qui s'étend aux organes auxiliaires de l'Assemblée générale
ainsi qu'aux coniërences et réunions organisées par l'Assemblée;

hj I'interdiction ne vise pas la participation aux débats d'autres organes
de l'orgaiiisatiori des Nations Unies. 8.4. The deci.siio tilut tlze Fc~tkerrr lepuhlic of' Yugosl~iviu should
upplv ,for ri~etiîbership

This part of resolution 4711 is legally ambiguous and contradictory
both in form and in substance.

From the formal point of view, the "decision" that the Federal Repub-
lic of Yugoslavia should apply for membership in the Organization pro-
ceeds from the irrefutable assumption that the Federal Republic of
Yugoslavia wishes to have the status of a member even if it may not con-
tinue the membership in the Organization. Such an assumption is illogi-
cal, although it may prove correct in fact. Membership in the Organiza-

tion is voluntary and therefore no State is Linder obligation to seek
admission. The relevant wording in the resolution has not been correctly
drafted from a legal and technical point of view for it has a connotation
of such an irrefutable assumption. A correct wording would have to state
a reservation which would make such a decision conditional upon Yugo-
slavia's e.~p/icit/y~.~pre,ssiif,i.rhto become a member in case it is irrevo-

cably disallowed from continuing its membership in the Organization.

From the actual point of view. it is unclear why the Federal Republic
of Yugoslavia should submit an application for membership if "the reso-
lution does not terminate . .. Yugoslavia's rlien~hel:\liipin the Organiza-
tion". An application for admission to membership is, e.\- u'cif;nitionc,

made if a non-member State wishes to join the Organization. What could
in terms of concrete relations be the outcome of a procedure initiated by
Yugoslavia by way of application for meinbership? If the outcome of the
procedure were admission to membership, such a decision by the General
Assembly would be superfluous from the point of view of logic, given
that resolution 4711has not terminated Yugoslavia's membership in the

Organization. Presumably, the authors of resolution 4711 have another
outcome in mind. Maybe to confirm or to strengthen Yugoslavia's mem-
bership in the Organization by such a procedure. This could be guessed
from the wording in the resolution which says that "the Federal Republic
of Yugoslavia cannot automatically continue the membership". This
term or phrase literally means that the idea behind the procedure would

be to se-assert or strengthen the Federal Republic of Yugoslavia's mem-
bership in the Organization but, confirmation of membership could
hardly have any legal meaning in this particular case - for a State is
either a member or not. It appears that the meaning of such an act could
be only non-legal; namely, political. Finally, the resolution advises the
Federal Republic of Yugoslavia to apply for admission to membership.
The logical question arises: why would a State whose membership in the

Organization has, in that very same Organization's view, not been tei-mi-
nated, submit a request for the establishment of something that is in the
nature of an indisputable fact? 8.4. 11est tftci~féq~ic lu Rtpuhliquc ,fid6ru/r tle Yougos/ui~ic~ rfevruif
prc;.rrnr~unr IAc.r?~undd'udnzission 1'Orguni.sution

Cette partie de la résolution 47/1 est ambiguë du point de vuejuridique

et contradictoire dans la forme comme au fond.
Du simple point de vue formel, «décider» que la République fédérale
de Yougoslavie doit présenter une demande d'admission à I'Organisation
procède d'une l-iypothkseirréfutable, qui est que la République fédérale
tient à avoir la qualitt-bde Membre de I'Organisation mêmesi elle n'est

peut-êtrepas autorisée à rester Membre de I'Organisation. Cette hypo-
thèse est illogique, mêmesi elle se vérifiedans les faits. C'est volontaire-
ment que ses Membres adhèrent à I'Organisation, et par conséquent
aucun Etat n'est tenu de demander son admission. A cet égard. par
conséquent. le libellétie la résolution n'estpas correct du point de vue
juridique ni du point de vue technique, parce qu'il évoquecette hypothèse

qui serait irréfutable. II eut étéplus juste d'énoncer uneréservequi aurait
subordonné la décision à la iiolontCr.rpresse de la Yougoslavie faisant
savoir qu'elle voulait devenir Membre de I'Organisation au cas où cette
aualité lui aurait étéretiréede facon irrévocable.
' D'un point de vue c'oncret,on n'evoit pas bien pourquoi la République

fédéralede Yougoslavie devrait présenter une demande d'admission si
<<larésolution ne met pas fin à I'uppurtrnance de la Yougoslavie à l'Or-
ganisation ..)) Une demande d'admission, par définition, est présentée
quand un Etat non membre veut entrer à I'Organisation. Sur le plan des
relations concrètes, quelle serait l'issue de la procédure qu'engagerait la
Yougoslavie en présentant une demande d'admission? Si la procédure

doit aboutir à confércr la qualité de Membre. il serait en bonne logique
superflu que l'Assembléegénérale prenne cette décision,puisque la réso-
lution 4711n'a pas mis fin, pour la Yougoslavie, à sa qualité de Membre
de l'Organisation. On peut présumer que les auteurs de la résolution4711
envisageaient donc une autre issue. Ils voulaient peut-être confirmer ou

renforcer au moyen de cette procédure la qualité de Membre de l'Orga-
nisation qu'avait la Yougoslavie. C'est ce que laisse deviner l'énoncéde
la résolution quand celle-ci dit: <<laRépublique fédérativede Yougosla-
vie ... ne peut pas assumer automatiquement la qualité de Membre de
l'organisation ...à la place..» Cette formule signifie littéralement que la
procédure viserait à réaffirmerou renforcer, pour la République fédérale

de Yougoslavie, sa qualitéde Membre de I'Organisation. mais la confir-
mation de la qualité de Membre n'aurait guère de sens juridique dans
ce cas de figure parti<:ulier,car un Etat est Membre ou il ne l'est pas. La
signification de l'acte en question ne peut êtreque non juridique: c'est-
à-dire qu'elle serait politique. En dernier lieu, la résolution conseille à la

République fkdéralede Yougoslavie de présenter une demande d'admis-
sion à I'Organisation et il faut alors, logiquement. se poser la question
suivante: pourquoi un Etat à l'égard duquel I'Organisation elle-même
n'estime pas avoir mis fin à sa qualité de Membre présenterait-il une
demande dont I'objei,lui est déjàincontestablemerlt acquis? Finally, due regard should be paid to the concluding paragraph of
resolution 4711which says that the General Assembly takes note "of the
Seciirity Council's intention to review the matter before the end of the
main part of the 47th Session of the General Assembly". A statement like
this is unnecessary if it was the intention of the authors of the resolution
to bring, by its adoption, to an end the debate on the continuity of the

Federal Republic of Yugoslavia's membership in the Organization. It
seems to suggest that the idea behind resolution 4711was to maintain the
pace of updating the Organization's political approach to the Yugoslav
crisis in the framework of wlîich even the auestioil of the Federal Re~ub-
lic of Yugoslavia's membership in the Organization carries, in the latter's
opinion, a certain specific weight. The question of the Federal Repub-
lic of Yugoslavia's membership in the United Nations Organization is a

formal one and was opened by Security Council resolution 757 of 30 May
1992, which in its operative part has set into motion the mechanism of
measures stipulated in Chapter VI1of the United Nations Charter relying
on the assessment that "the situation in Bosnia-Herzegovina and in other
parts of the former Socialist Federal Republic of Yugoslavia poses a
threat to peace and security".

It is not difficult to agree with Professor Higgins (as she then was) that,
judged from the legal point of view, the consequence arising out of reso-
lution 4711 "is abnormal to absurdity" (Rosalyn Higgins, "The United
Nations and the Former Yugoslavia", IntcrrzntioncrlA,f;fuir.Vol. 69,
p. 479).

8.5. Tl~r prwcticc uf'tlic Orgmliicltiorzrclcrtirto tlzr issrresruisrll

tlir contrnl oj're.sol~ltion4711

A couple of relevant facts regarding the practice of the Organization
concerning membership of the Federal Republic of Yugoslavia raise the
question of whether the Organization acted contrc~ficcturî?propriun~if:

(u) resolution 4711 was adopted at the 47th Session of the General
Assembly. The delegatioii of the Federal Republic of Yugoslavia
took an active part as a full member in the proceedings of the 46th
Session, and the Credentials Committee unanimously recommended
approval of the credentials of the Federal Republic of Yugoslavia
(United Nations doc. Al461563,dated 11 October 1991). In the light

of the fact that Croatia and Slovenia had seceded from Yugoslavia
on the eve of that Session, the Organization's attitude to the Federal
Republic of Yugoslavia's participation in the 46th Session means
that the Organization accepted the Federal Republic of Yugoslavia
as a territnrially diminished predecessor State according to LICEITÉ DE L.'EMPLOI DE LA FORCE (OP. DISS. KRE~A) 74 1

En dernier lieu, il faut tenir dûment compte aussi du dernier para-
graphe de la résolution 4711, aux termes duquel l'Assemblée générale
prend acte ttde l'intention du Conseil de sécuritéde reconsidérer la ques-
tion avant la fin de la partie principale de la quarante-septième session de

l'Assembléegénérale)).Une telle déclaration est inutile si les auteurs de la
résolution avaient l'intention de mettre fin, au moyen de son adoption. au
débat sur la continuitè de la qualité d'Etat Membre des Nations Unies
de la République fédkrative de Yougoslavie. Cette déclaration donne,
semble-t-il, à entendre que la résolution 4711a en fait pour objet, au sein
de l'organisation. de préserver la dynamique du débat politique qui
permet de faire régulièrementle point de la crise yougoslave et, dans le

cadre de ce débat, cette question de la qualité de Membre de l'organi-
sation de la République fédéralede Yougoslavie va elle-mêmejusqu'à
acquérir, aux yeux de l'organisation, un certain poids. Cette question a
un caractère formel et elle se pose officiellement depuis l'adoption par le
Conseil de sécuritéde :;arésolution 757 du 30 mai 1992,qui met en branle
dans son dispositif le mécanismede mesures prévues au chapitre VJJ de

la Charte des Nation:; Unies après avoir constaté que «la situation en
Bosnie-Herzégovine ei. dans d'autres parties de l'ex-République fédéra-
tive socialiste de Yougoslavie constitue une menace pour la paix et la
sécurité..»
11n'est donc pas difficile d'adhérer au jugement de Mme Higgins qui
était encore professeur quand elle disait que, du point de vue juridique,
cette résolution4711produit un effet «anormal au point d'êtreabsurde))

(Rosalyn Higgins, «The United Nations and the Former Yugoslavia)>,
Intrrnationul AfJri~irs, ol. 69, p. 479).

8.5. La pi.uticluede l'Organisation en ce qui concerne les questions
cluesoulè~~ la teneur (le lu résolutio4711

Un petit nombre d,r faits pertinents intéressant la pratique suivie par
l'organisation au sujet de la qualité d'Etat Membre de la République
fédérativede Yougoslavie soulèvent la question de savoir si celle-ci a agi
contra fucturn propriurn du moment que:

a) la résolution 4711 a étéadoptée à la quarante-septième session de
l'Assemblée générale. La délégationde la République fédéralede
Yougoslavie a participé activement, en qualité d'Etat Membre à part

entière, aux travaux de la quarante-sixième session. et la commission
de vérificationdes pouvoirs a recommandé à l'unanimitéd'approuver
lespouvoirs de la Républiquefédéralede Yougoslavie (Nations Unies,
doc. Al461563en date du 11 octobre 1991 ). Comme la Croatie et la
Slovénieont fait sécessionet ont quitté la Fédérationà la veille de
ladite session, l'attitude adoptée par l'organisation à l'égard de la

participation de la République fédéralede Yougoslavie aux travaux
de la quarante-sixième session signifie que l'organisation acceptait la
République fédéralede Yougoslavie comme un Etat prédécesseur
amputé d'une partie de son territoire, conformément à des LEGALITY OF USE OF FORCE (DISS. OP. KRECA)

"criteria laid down in the wake in the partitioning of India in 1947

and consistently applied ever since - criteria that by and large
have served the United Nations and the international community
well over the past decades" (Yehuda Z. Blum, "UN Membership
of the 'New' Yugoslavia: Continuity or Break?", Anlericon Jour-

nul of Intrrizutional Law (1992), Vol. 86, p. 833);

(h) the delegation of the Federal Republic of Yugoslavia also took part
in the 47th Session of the General Assembly which adopted the reso-
lution contesting the right of Federal Republic of Yugoslavia to
continue automatically membership in the Organization. Not one
delegation made any objection to the delegation of Federal Republic

of Yugoslavia taking the seat of SFRY in the General Assembly. It
follows from that that the delegations had "at least tacitly accepted
the right of the 'Belgrade authorities' to request Yugoslavia's seat -
the seat of one of the founding mernbers of the United Nations"
(ihid.,p. 830);

(c) during al1 the time since the General Assembly passed resolution
4711, the Federal Republic of Yugoslavia has continued to pay its
financial contributions to the Organization (see Annexes to CR 991

25). Yugoslavia is mentioned as a Member State in the document
entitled "Status of contributions to the United Nations regular
budget as at 30 November 1998" published by the United Nations
Secretariat in its document STIADMISER.BI533 of 8 December
1998. In the letter addressed to Vladislav JovanoviC, Chargé

d'Affaires of the Permanent Mission of the Federal Republic of
Yugoslavia to the United Nations, the competent authorities of the
Organization cited Article 19 of the United Nations Charter and
accompanied the citation with the formulation:

"in order for your Government not to fall under the provisions of

Article 19 of the Charter during any meetings of the General
Assembly to be held in 1998, it would be necessary that a mini-
mum payment of $11,776,400 be received by the Organization to
bring such arrears to an amount below that specified under the
terms of Article 19" (ibid ) ;

(dl in the practice of the United Nations Secretary-General as the

depositary of multilateral treaties, Yugoslavia figures as a party to
the multilateral treaties deposited with the Secretary-General as an
original party. The date when the SFRY expressed its consent to be
bound is mentioned as a day on which Yugoslavia is bound by that
specificinstrument. Esan~plicc~usuin the "multilateral treaties depos-

ited with the Secretary-General" for 1992,and in the list of "partici-
pants" of the Convention on the Prevention and Punishment of the
Crime of Genocide, Yugoslavia is included and 29 August 1950 is ((critères définisà la suite de la partition de I'lnde en 1947 et régu-
lièrement appliqut~sdepuis - des critères qui, dans l'ensemble, ont
étéfort utiles aux Nations Unies et à la communauté internationale
au cours des dernières décennies))(Yehuda Z. Blum, «UN Mem-
bership of the <<r\le» Yugoslavia :Continuity or Break?)). Ameri-

cun Jourrzuloj'Inrcr.nntionr1Lrrii(1992), vol. 86. p. 833);

h) la délégationde la République fédéralede Yougoslavie a également
pris part aux travaux de la quarante-septième session de l'Assemblée
généralequi a adopté la résolution contestant à la République fédé-
rale de Yougoslavie le droit d'assumer automatiquement la qualitéde
Membre de l'organisation à la place de l'ancienne République fédé-
rative socialiste de Yougoslavie. Pas une seule délégationn'a émis
d'objection au fait que la République fédérativede Yougoslavie

occupe, à I'Asseml~lée générale,le siègede la République fédérative
socialiste de Yougoslavie. 11faut en déduire que les délégationsont
((tacitement du moins acceptéque les ((autoritésde Belgrade)) aient le
droit de demander à occuper le siègede la Yougoslavie - le siègede
l'un des Membres originaires des Nations Unies» (ihid, p. 830):
c) pendant tout le ternps qui s'est écoulédepuis l'adoption de la résolu-

tion 4711 par 1'As:semblée générale,la République fédéralede You-
goslavie a continué de payer sa contribution financiére à I'Organisa-
tion (voir les anncxes au CR 99/25). La Yougoslavie est citéeparmi
les Etats Membres dans le document intitulé «Etat des contributions
verséesau 30 novczmbre 1998)) publiépar le Secrétariat des Nations
Unies dans le document portant la cote ST/ADM/SER.B/533 datédu
8 décembre 1998. Dans la lettre adressée à Vladislav Jovanovit,

chargé d'affaires de la mission permanente de la République fédé-
rale de Yougoslavie auprès des Nations Unies, les autorités compé-
tentes de 1'Organi:;ation citaient l'article 19 de la Charte des Nations
Unies et accompagnaient la citation de la formule ci-après:

«pour que votre gouvernement ne tombe pas sous le coup des dis-
positions de l'article 19 de la Charte pendant l'une quelconque des
réunionsde l'Assemblée généralq eui se tiendront en 1998,il faudrait
verser à l'organisation un montant minimum de 11776400 dollars

des Etats-Unis pour ramener les arriérésen question à un montant
inférieur au montant prévuà l'article 19)) (ihid :)

d) dans la pratique suivie par le Secrétaire généradles Nations Unies en
qualitéde dépositairedes traitésmultilatéraux,la Yougoslavie est citée
comme Etat Membre originaire partie aux traitésmultilatéraux déposés
auprèsdu Secrétaire généraL l.a date à laquelle la Républiquefédérative
socialistede Yougoslavie a exprimé sonconsentement àêtreliéeest indi-
quée commela date IIlaquelle la Yougoslavie est effectivementliéepar

l'instrument considéré.Par exemple. si l'on considèrel'étatdes ((traités
multilatéraux déposés auprès du Secrétairegénéral))pour 1992, il y
figure la liste des «partiesA la Convention pour la prévention et la mentioned as the date of the acceptance of the obligation -the date
on which SFRY ratified that Convention. Such a mode1 is applied,
mututis tnutunu'is,to other multilateral conventions deposited with
the Secretary-General of the United Nations.

On the basis of existing practice, the "Summary of practice of the

Secretary-General as depositary of multilateral treaties" concludes:

"[tlhe independence of the new successor State, which then exercises
its sovereignty on its territory, is of course without effect as concerns
the treaty rights and obligations of the predecessor State as concerns
its own (remaining) territory. Thus, after the separation of parts of
the territory of the Union of Soviet Socialist Republics (which became
independent States), the Union of Soviet Socialist Republics (as the

Russian Federation) continued to exist as a predecessor State, and al1
its treaty rights and obligations continued in force in respect of its
territory. The same applies to the Federal Republic of Yugoslavia
(Serbia and Montenegro). which remains as the predecessor State
upon separation of parts of the territory of the former Yugoslavia.
General Assembly resolution 4711of 22 September 1992,to the effect
that the Federal Republic of Yugoslavia could not automatically

continue the membership of the former Yugoslavia in the United
Nations . . . was adopted within the framework of the United
Nations and the context of the Charter of the United Nations, and
not as an indication that the Federal Republic of Yugoslavia was not
to be considered a predecessor State." (STlLEG.8, p. 89, para. 297.)

On 9 April 1996, on the basis of protest raised by a few Members of the
United Nations, the Legal Counsel of the United Nations issued under
"Errata" (doc. LLA41TRl220) which, inter uliu, deleted the qualification

of the Federal Republic of Yugoslavia as a predecessor State contained
in paragraph 297 of the "Summary". In my view, such a deletion is
devoid of any legal relevance since a "Summary" by itself does not have
the value of an autonomous document, a document which determines or
constitutes something. It is just the condensed expression, the external
lapidary assertion of a fact which exists outside it and independently

from it. In that sense, the Introduction to the "Summary of the practice
of the Secretary-General as the depositary of multilateral treaties" says,
itîtrr aliu, that "the purpose of the present summary is to highlight the
main features of the pructicr jolloii~ed by the Secretary-General in this
field" (p.1, emphasis added) but not to constitute the practice itself.

9. As regards the membership of the Federal Republic of Yugoslavia

of the United Nations, the Court takes the position that LICEITE DE L'EMPLOI DE LA FORCE (OP. DISS.KRECA) 743

répressiondu crimede génocide,la Yougoslaviefiguresur cette listeet le
29 août 1950est lad.atequi est indiquée commeétantcellede l'accepta-
tion de l'obligation correspondante, c'est-à-dire la date laquelle la
République fédérative socialiste de Yougoslava ieratifié laconvention.
Ce modèle s'appliquiemutatis mutandis, aux autres conventions multi-
latérales déposéesuprèsdu Secrétaire généra dles Nations Unies.

Compte tenu de la pratique existante, on trouve dans le ((précisde la
pratique du Secrétaire générae ln tant que dépositaire de traités multi-
latéraux» la conclusionici-après:

«[l']indépendancedu nouvel Etat successeur, qui exerce désormaisla
souveraineté sur son territoire, est naturellement sans effet sur les
droits et obligations d'origine conventionnelle de'Etatprédécesseur
se rapportant àce qui lui reste de son territoire. Ainsi, après la sépa-
ration de parties du territoire de'Union des républiquessocialistes
soviétiques(qui ont acquis le statutd'Etats indépendants), la Fédé-
ration de Russie a conservétous les droits et obligations d'origine
conventionnelle de1'EtatprédécesseurI.Ienvademêmepour la Répu-

blique fédérativede Yougoslavie (Serbie et Monténégro), quireste
I'Etat prédécesseuraprèsla sécessionde certaines parties du territoire
de l'ancienne Yougoslavie. La résolution4711de l'Assemblée générale
en date du 22 septembre 1992,aux termes de laquelle la République
fédérative de Yougoslavie ne peut pas assumer automatiquement la
qualitéde Membre de l'organisation des Nations Unies à la place de
I'ancienne Yougoslavie,a étéadoptéedanslecadre des Nations Unies
et celui de la Charte des Nations Unies, et non pas pour signaler que
la République fédkrativede Yougoslavie ne devait pas êtreconsidérée
comme un Etat prédécesseur.)()STlLEG.8, p. 89, par. 297.)

Le 9 avril 1996, à la suite de protestations émanant d'un petit nombre
d7Etats Membres des Nations Unies, le conseiller juridique des Nations
Unies a publié des «errata» (doc. LLA41TRl220) consistant notamment
à supprimer, au paragraphe 297 dudit ((précis)),le qualificatif d'Etat suc-
cesseur accordé à la République fédéralede Yougoslavie. A mon sens,
cette suppression ne revêtaucun intérêt juridique puisqu'un «précis»n'a

Dasen soi la valeur d'un document autonome. d'un document aui établit
Lu constitue quelque chose. Il s'agit simplement de l'expression ;amassée,
de l'affirmation lapidaire par un observateur extérieurd'un fait qui existe
en dehors du résumé ettout à fait indépendamment de lui. En ce sens, il
est dit, dans l'introduction au ((précis))de la pratique du Secrétairegéné-
ral en tant que dépositairede traitésmultilatéraux))que«le présentdocu-
ment a pour objet d'exposer dans ses grandes lignes la pratique suivi en
la matière par le Secrétaire général)()p.; les italiques sont de moi) mais
il n'a pas pour objet de constituer la pratique elle-même.
9. En ce qui concerne la qualité de Membre de l'organisation des
Nations Unies de la Fképubliquefédéralede Yougoslavie, la Cour consi-
dère que, "Whereas, in view of its finding in paragraph 29 above, the Court
need not consider this question for the purpose of deciding whether
or not it can indicate provisional measures in the present case"
(Order, para. 32).

The Court retained the position of an ingenious but, for the purposes of
the present proceedings, unproductive elegantiar juris processualis.The
Court's jurisdiction ratione personue is directly dependent on the answer
to the question whether the Federal Republic of Yugoslavia can be con-
sidered to be a member state of the United Nations, both vis-à-vis the
optional clause and vis-à-vis the Genocide Convention.

It would of course be unreasonable to expect the Court to decide on
whether or not the Federal Republic of Yugoslavia is a Member of the
United Nations. Such an expectation would not be in accord with the
nature of the judicial function and would mean entering the province of

the main political organs of the world Organization - the Security
Council and the General Assembly.
But it is my profound conviction that the Court should have answered
the question whether the Federal Republic of Yugoslavia can or cannot,
in the light of the content of General Assembly resolution 4711and of the
practice of the world Organization, be considered to be a Member of the
United Nations and especially party to the Statute of the Court; namely,
the text of resolution4711makes no mention of the status of the Federal
Republic of Yugoslavia as a party to the Statute of the International
Court of Justice. That is the import of resolution 4711 ratione materiae.
And nothing beyond that. In that respect the position of the Court is
identical to the position of other organs of the United Nations. .4 con-
trario there would, r.vempli cuusa, be no need for a General Assembly
recommendation by resolution 471229concerning the participation of the
Federal Republic of Yugoslavia in the work of the Economic and Social
Council. In other words, resolution 4711makes no mention, explicitly or

tacitly, of the International Court of Justice; theame is true of the other
documents adopted on the basis of the above-mentioned resolution. It
follows from this that General Assembly resolution 4711has produced no
effect on the status of the Federal Republic of Yugoslavia as a party to
the Statute and this is confirmed, inter aliaby al1issues of the Yearbook
of the International Court of Justice since 1992.

1am equally convinced that, both the content of the resolution, which
represents contrudictio in adiecto,and the particular practice of the world
Organization after its adoption over a period of nearly seven years,
offered ample arguments for it to pronounce itself on this matter.

10. The position of the Court with respect to the Federal Republic of
Yugoslavia membership of the United Nations can be said to have ((eu égard à la conclusion à laquelle elle est parvenue au para-
graphe 29 ci-dessus, la Cour n'a pas à examiner cette question à
l'effet de décidersi elle peut ou non indiquer des mesures conserva-
toires dans le cas.d'espèce))(ordonnance, par.32).

La Cour adopte donc un stratagème ingénieux (eleguntiue juris proces-
sualis) mais, aux fins de la présente instance, il est peu fructueux. La
compétencede la Cour rationr persanue est directement tributaire de la
réponse ala question de savoir si la Républiquefédéralede Yougoslavie
peut être considérée comme un Etat Membre des Nations Unies, tant
à I'égard dela clausi: facultative qu'à I'égardde la convention sur le
génocide.
Il serait évidemmentdéraisonnable de compter que la Cour statue sur
la question proprement dite de l'appartenance de la Républiquefédérale
de Yougoslavie a l'organisation. Pareille attente ne serait guèreconforme
a la nature de la fonction judiciaire et reviendrait par ailleursmmiscer
dans le domaine propre des principaux organes politiques de I'organisa-
tion mondiale, le Conseil de sécuritéet l'Assemblée générale.
Maisje suis profonclémentconvaincu que la Cour aurait dû répondre à
la question de savoir si la République fédéralede Yougoslavie peut ou

non, eu égard à la teneur de la résolution4711de l'Assembléegénéraleet
A la pratique de l'organisation mondiale, êtreconsidéréecomme un Etat
Membre des Nations Unies et tout particulièrement comme étantpartie
au Statut de la Cour; car le texte de la résolution4711ne fait pas mention
de la qualité de partie au Statut de la Cour internationale de Justice dont
peut se prévaloir la FLépubliquefédéralede Yougoslavie. C'est la que
résidel'importance de la résolution4711 rutionc materiae. Et il n'ya rien
d'autre que cela. A cet égard,la situation de la Cour est exactement celle
des autres organes des Nations Unies. Dans le cas contraire, il serait par
exemple inutile que l'Assemblée généralfeormule une recommandation,
comme elle le faitdan:ssa résolution471229,concernant la participation
de la République fédéralede Yougoslavie aux travaux du Conseil éco-
nomique et social. Autrement dit, la résolution4711ne fait aucune men-
tion ni expresse ni tacite de la Cour internationale de Justice; il en va de

mêmepour les autres clocuments adoptéssur la base de ladite résolution.
II faut en déduireque cette résolution 4711de l'Assemblée généraln e'a
produit aucun effet sur la qualité de partie au Statut dont peut serèva-
loir la Républiquefédéralede Yougoslavie et c'est bience que confirment
notamment tous les numéros de l'Annuaire de la Cour internationale de
Justicepubliésdepuis 1992.
Je suis égalementconvaincu que tant la teneur de la résolution,celle-ci
représentant une contmdictio in adiecto, que la pratique particuliéresui-
vie pendant prèsde sept ans par l'organisation mondiale aprèsson adop-
tion apportent beaucoup d'éléments qua iutorisent la Cour àse pronon-
cer sur cette question.
10. Or, en ce qui concerne la qualitéd'Etat Membre de l'organisation
des Nations Unies dont la République fédéralede Yougoslavie peut seremained within the framework of the position taken in the Order on the
indication of provisional measures in the Genocidecase of 8 April 1993.

Paragraph 18of that Order States:

"Whereas, while the solution adopted is not free from legal diffi-
culties, the question whether or not Yugoslavia is a Member of the
United Nations and as such a party to the Statute of the Court is
one which the Court does not need to determine definitively at the
present stage of the proceedings" (Application of the Convention on
the Prevention and Punishmrnt of the Crime ef Genocide, Provi-
sional Meusures, Order of8 April 1993, I.C.J. Reports 1993, p. 14).

The objection may be raised that the wording of paragraph 18is of a
technical nature, that it is not a relevant answer to the question ofFed-
eral Republic of Yugoslavia membership of the United Nations; how-
ever, it is incontestable that it has served its practical purpose because, it
seems,
"the Court was determined to establish its jurisdiction in this case

[Application of the Convention on the Prrvention and Punishment of
the Crime of Genocide] whilst at the same time avoiding some of the
more delicate, and indeed profound, concerns about the position of
the respondent State vis-à-vis the Charter and Statute" (M. C. R.
Craven, "The Genocide Case, the Law of Treaties and State Succes-
sion", British Year Book of International Law, 1997, p. 137).
The Court tacitly persisted in maintaining this position also in the
further requests for the indication of provisional measures (Application
of the Convention on the Prevention and Punishment of the Crime of

Genocide, Order of13 September 1993), as well as in the Judgment on
preliminary objections of 11July 1996.
Even if such a position can be considered to be understandable in the
second proceedings for the indication of provisional measures, it never-
theless gives rise to some complicated questions in the proceedings con-
ducted in the wake of the preliminary objections raised by Yugoslavia.
In these proceedings, the Court was confronted, inter ulia, also with
the question as to whether Yugoslavia is a party to the Genocide Con-
vention. It is hardly necessary to mention that the status of a Contracting
Party to the Genocide Convention was conditio sine qua non for the
Court to proclaim its jurisdiction in the case concerning Application of
the Convention on the Prevention and Punishn~entof the Crime of Geno-
cide.
The Court found that it has jurisdiction ratione personae, supporting
this position, in my opinion, with a shaky, unconvincing explanation (see
dissenting opinion of Judge Kreca, 1.C.J. Reports 1996 (II), pp. 755-760,
paras. 91-95). For the purposes of this case, of particular interest is the
position of the Court "that it has not been contested that Yugoslavia was LICÉITÉ DEI L'EMPLOI DE LA FORCE (OP. DISS. KRECA) 745

prévaloir,on peut dire que la Cour a conservédans ses grandes lignes la

position qu'elle a adoptée dans son ordonnance du 8 avril 1993 dans
l'affaire de laConvention sur le génocide en statuant sur la demande en
indication de mesure:;conservatoires.
Au paragraphe 18de ladite ordonnance, la Cour considère que:
«si la solution adoptée ne laisse pas de susciter des difficultésjuri-

diques, la Cour n'a pas àstatuer définitivementau stade actuel de la
procédure sur la question de savoir si la Yougoslavie est ou non
membre de l'organisation des Nations Unies et, à ce titre, partie au
Statut de laCour)) (Application de la convention pour lu prévention
et la répressiodE rrime de génocide,nzesures conservutoires, ordon-
nance du 8 avril 1993, C.I.J. Recueil 1993, p. 14).

On peut objecter que le libellé du paragraphe 18ci-dessus a un carac-
tère technique, que ci: n'est pas une réponse pertinente à la question de
savoir si la République fédéralede Yougoslavie est ou non membre de
l'organisation des Nations Unies; toutefois, il est incontestable que cet
énoncé aeu concrètement l'effet voulu parce que, semble-t-il,

«la Cour voulait se déclarercompétentedans cette affaire (Applica-
tion de la convention pour lu prévention et lu répressiondu crime de
génocide,]tout en évitanten mêmetemps de se prononcer sur cer-
tains problèmes délicats,du reste assez graves, concernant la situa-
tion de 1'Etat défendeur face à la Charte et au Statut)) (M. C. R.
Craven, «The Genocide Case, the Law of Treaties and State Succes-
sion», Bristish Kpur Book of'International Laii, 1997,p. 137).

La Cour a tacitement conservécette mêmeposition lors des nouvelles
demandes en indication de mesures conservatoires lAu.'ication de la
convention pow lu prévention et la répression du crime de génocide,
ordonnunce du 13 septembre 1993), de mêmeque dans l'arrêt rendule
1I juillet 1996sur les exceptions préliminaires.
On peut sans doute estimer que cette position est compréhensible lors
de la seconde procédilre en indication de mesures conservatoires, mais
elle soulève des questions fort complexes dans le cadre de la procédure
relative aux exceptions préliminairesémanant de la Yougoslavie.
Dans ladite procédure, la Cour était notamment face, là aussi, a la

question de savoir si la Yougoslavie est partie a la convention sur le
génocide. II n'est guère besoin de rappeler que la qualité de partie
contractante à ladite convention était la condition sine qua non permet-
tant a la Cour de se dliclarer compétentedans l'affaire relativeà l'Appli-
cation de lu convention pour lu prkvention et lu répressiondu crirne de
génocide.
La Cour s'est déclaréecom~étente rutione uersonue en donnant à ce
sujet une explication que je trouve peu solide et peu convaincante (voir
mon opinion dissidente, C.1J. Recueil 1996 (II), p. 755-760,par. 91-95).
Aux fins de la présenteinstance, il est intéressant de noter que la Cour
avait observé à cette première occasion «qu'il n'a pas étécontesté quelaparty to the Genocide Convention" (Application of the Convention on the

Preiiention and Punishment of the Crime of Genocide, Preliminury Objec-
tions, Judgment, I.C.J. Reports 1996 (II), p. 610, para. 17).The absence
of contest was the decisive argument for the Court to state that "Yugo-
slavia was bound by the provisions of the Convention on the date of the
filing of the Application in the present case" (ibid.) .

The Court has, deliberately, 1presume, failed to state who did not con-
test that Yugoslavia is a party to the Genocide Convention. If it had in
mind the Applicant (Bosnia and Herzegovina), it is hardly necessary to
note that the State which is initiating proceedings before the Court would
not deny the existence of the title ofjurisdiction; and, in the case in ques-
tion, the Genocide Convention was the only possible ground of the

Court's jurisdiction. If, however, the Court had third States in mind, then
things do not stand as described by the Court, stating that "it has not
been contested". By refusing to recognize the Federal Republic of Yugo-
slavia and its automatic continuation of membership of the United
Nations, the member States of the world Organization contested eo ipso
that the Federal Republic of Yugoslavia is automatically a party to
multilateral treaties concluded under the aegis of the United Nations
and, consequently, also a party to the Genocide Convention. The Federal
Republic of Yugoslavia can be considered to be a party to the Genocide
Convention only on the grounds of legal identity and continuity with the
Socialist Federal Republic of Yugoslavia because, otherwise, it consti-
tutes a new State, and it did not express its consent to be bound by the

Genocide Convention in the manner prescribed by Article XI of the Con-
vention, nor djd it send to the Secretary-General of the United Nations
the notification of succession. A tcrtiurn quid is simply non-existent, in
particular from the standpoint of the Judgment of 11 July 1996 in the
Genocide case, in which the Court did not declare its position on the so-
called automatic succession in relation to certain multilateral treaties
(Application of the Convention on the Prrvention und Punishmrnt of the
Crime of Genocide, Preliminury Objections. Judgment, 1.C.J. Reports
1996 (Il), p. 612, para. 23).

Al1in all, the Court in the present Order remained consistent with its
"avoidance" position, persisting in its statement that it "need not con-

sider this question for the purpose of deciding whether or not it can indi-
cate provisional measures in the present case".
Such is the Court's restraint with respect to this highly relevant issue
and its reluctance to make its position known may wellcreate the impres-
sion quite differently from that expressed by Craven in regard to the
Application uf'the Convention otz the Prevrntion und Punishmcnt uf thp
Crime of Cenocide case - that "the Court was determined to establish its
jurisdiction [over the] case whilst at the same time avoiding some of more
delicate, and indeed profound, concerns about the position" of Yugosla-Yougoslavie soit partie à la Convention sur le génocide)) (Application de
la convention pour la prévention et la répressiondu crimede génocide,
excvptions préliminaires,arrêt,C.I. J. Recueil 1996 (II), p. 610, par. 17).
Et l'absence de contestation a représentépour la Cour l'argument décisif
qui lui permettait de dire que «la Yougoslavie étaitliéepar les disposi-
tions de la convention à la date du dépôt de la requêteen la présente
affaire))(ihid).
La Cour s'est abstenue, délibérémenjte présume, de dire qui n'avait
pas contestéque la Yougoslavie soit partie à la convention sur le géno-
cide. Si elle pensaitu demandeur (la Bosnie-Herzégovine),il n'est guère

besoin de rappeler que:1'Etatintroduisant une instance devant la Cour ne
va wasnier l'existencedu titre de comwétencevoulu: et. dans I'affaire en
quéstion,la convention sur le @nocidéétait,pour laCour, le seul chef de
comdtence ~ossible. Si toutefois la Cour wensait à des Etats tiers. alors
la réaliténe correspond pas a I'absence de contestation dont la Cour
parle. En refusant de reconnaître la Républiquefédéralede Yougoslavie
et d'admettre qu'elle continuait d'assumer automatiquement la qualité
d'Etat Membre de l'clrganisation des Nations Unies, les Etats Membres
de ladite organisation mondiale contestaient eo ipso que la République
fédérale de Yougoslavie soit automatiquement partie aux traités

multilatéraux conclus sous l'égidedes Nations Unies et, soit par consé-
quent aussi partie à la convention sur le génocide. La Républiquefédé-
rale de Yougoslavie ne peut êtreconsidéréecomme étant partie à la
convention sur le génocideque s'il y a, du point de vuejuridique, identité
et continuité entre elle et la République fédérativesocialiste de Yougo-
slavie, car, s'il en vaautrement,la République fédéralede Yougoslavie
constitue un Etat nouveau et elle n'a pas donnéson consentement àêtre
liéepar la convention sur le génocidede la façon qui est prescrite à I'ar-
ticle XI de ladite convention et ellen'a pas fait tenir au Secrétairegénéral

des Nations Unies la notification de succession voulue. II n'y a tout sim-
plement pas de tertiun~quid, notamment du point de vue de l'arrêtrendu
le 11juillet 1996dans Il'affairede lConvention sur le génocide, arrêtdans
lequel la Cour ne s'esitpas prononcée sur ce qu'on appelle la succession
automatique dans le cas de certains traités multilatéraux (Appliccltion clr
lu convention pour la prévention et lu répression du crime de ginocide,
ricr~eptionspréli~ninuir~os.rrêtC. IJ. Recueil 1996 (II), p. 612, par. 23).
Tout bien considérk,dans la présenteordonnance, la Cour est restée
fidèleà sa volontéd'abstention, disant iinouveau qu'elle «n'a pas à exa-
miner cette question a l'effet de décidersi elle peut ou non indiquer des

mesures conservatoires dans le cas d'espèce)).
Ce silence de la Cour alors qu'il serait si utile de répondreà la ques-
tion, cette hésitationZiprendre position risquent de donner une impres-
sion très différentede celle qu'envisage Craven lors de l'affaire relative
1'Applicution lu con~c~ntioprlour luprPilt,ntionIriréprrssiondu crinledc>
génoc.ic/e. uand ildit que <<laCour voulait se déclarercompétente tout
en voulant ékiteren mêmetemps de se prononcer sur les problèmesdéli-
cats, d'ailleurs assezkrieux, qui se posent au sujet de la situation)) de lavia vis-à-vis the Charter and the Statute and its inevitable legal conse-
quences upon proceedings pending before the Court.

Jurisdiction of the Court Ratione Materiae

11. 1 am of the opinion that in the matter in hand the Court's position
is strongly open to criticism.
The Court finds :
"whereas the threat or use of force against a State cannot in itself
constitute an act of genocide within the meaning of Article II of the

Genocide Convention; and whereas, in the opinion of the Court, it
does not appear at the present stage of the proceedings that the
bombings which form the subject of the Yugoslav Application
'indeed entai1the element of intent, towards a group as such, required
by the provision quoted above' (Legality of the Threat or Use of
Nuclear Weupons,Advisory Opinion, I.C.J. Reports 1996 (1), p. 240,
para. 26)" (Order, para. 39).

The intent is, without doubt, the subjective element of the being of the
crime of genocide as, indeed, of any other crime. But, this question is not
and cannot, by its nature, be the object of decision-making in the inci-
dental proceedings of the indication of provisional measures.

In this respect, a reliableproof should be sought in the dispute which,
by its salient features, is essentially identical to the dispute under consid-
eration - the case concerning Application of the Convention on the Pre-
vention and Punishment of'the Crime of Genocide.
In its Order on the indication of provisional measures of 8 April 1993,
in support of the assertion of the Respondent that, inter alia, "it does not
support or abet in any way the commission of crimes cited in the Appli-
cation . . and that the claims presented in the Application are without
foundation" (Application of the Convention on the Prevention and Pun-

ishment of the Crime of Genocide, ProvisionalMeasures, Orderof 8 April
1993, I.C.J. Reports 1993, p. 21, para. 42), the Court stated:

"Whereas the Court, in the context of the present proceedings on
a request for provisional measures, has in accordance with Article 41
of the Statute to consider the circumstances drawn to its attention as
requiring the indication of provisional measures, but cannot make

definitive findings of fact or of imputability, and the right of each
Party to dispute the facts alleged against it, to challenge the attribu-
tion to it of responsibility for those facts, and to submit arguments
in respect of the merits, must remain unaffected by the Court's deci-
sion" (ihid., p. 22, para. 44)
and

"Whereas the Court is not called upon, for the purpose of its deci-Yougoslavie face à la Charte et au Statut, et les inévitables conséquences
juridiques de cette situation sur une affaire portéedevant la Cour.

Compétencede lu Cour ratione materiae

II. Je suis d'avis qu'en l'espècela position adoptée par la Cour prête
fortement à critiques.
La Cour considère .:

«que le recours ou la menace du recours à l'emploi de la force contre
un Etat ne sauraient en soi constituer un acte de génocideau sens de
l'articleII de la convention sur le génocide;et que, de l'avis de la
Cour, il n'apparaît pas au présentstade de la procédureque lesbom-
bardements qui (:onstituent l'objet de la requêteyougoslave «corn-
porte[nt] effectivement l'élémentd'intentionnalité, dirigécontre un
groupe comme tel, que requiert la disposition sus-citée» (Licéitéde
lu menace ou de l'emploi durmes nucléuires,avis consultut$ C.I.J.
Recueil 1996 (Z), p. 240, par. 26))) (ordonnance, par. 39).

L'intentionnalitéest incontestablement l'élément subjectiq fui est cons-
titutif du crime de ginocide comme du reste de n'importe quel autre
crime. Mais cette question n'est pas l'objet de la prise de décisiondans la
procédure incidente de l'indication de mesures conservatoires et, par sa
nature même,elle ne peut pas l'être.
Il fautà cet égardchercher une preuve fiable dans le différendqui, par
ses principaux traits, est pour l'essentiel identique au différendexaminé

ici:il s'agit de l'affaire relative I'Applicution de lu convention pour lu
prévention et lu répre~siondu crime de génocide.
Dans l'ordonnance qu'elle a rendue le 8 avril 1993sur l'indication de
mesures conservatoires, souscrivant a l'affirmation du défendeurqui dit
notamment «nlapport[er] aucun appui ni n'encourag[er], d'une façon ou
d'une autre, la perpétration des crimes mentionnésdans la requête ...[et]
que les griefs exposés dans la requêtesont dénués de fondement» (Appli-
cution de lu convention pour lu prévention et larépressiondu crime de
génocide, mesures corzservutoires, ordonnunce du 8 avril 1993. C.I.J.
Recueil 1993, p. 21, par. 42), la Cour a considéréque:

«dans le contexte de la présenteprocédure concernant I'indication
de mesures conservatoires, [elle]doit, conformément à l'article 41 du
Statut, examiner si les circonstances portées ë son attention exigent
l'indication de mesures conservatoires, mais n'est pas habilitée à
conclure définitivementsur les faits ou leur imputabilité et que sa
décisiondoit laisser intact le droit de chacune des Parties de contes-
ter les faitsllégukscontre elle, ainsi que la responsabilité qui lui est
imputéequant à ces faits et de faire valoir ses moyens sur le fond))

(ihid,p. 22, par. 4.4)
et que:

[elle]n'est pas appelée à ce stade à établirl'existence de violationssion on the present request for the indication of provisional measures,
now to establish the existence of breaches of the Genocide Convention"
(Application of'the Convention on the Prevention and Punishment of the
Crime of Genocide, Provisional Meusures, Order of 8 April 1993, 1.C.J.
Reports 1993, p. 22, para. 46).

The rationale of provisional measures is, consequently, limited to the
preservation of the respective rights of the parties pendente lite which are
the object of the dispute, rights which may subsequently be adjudged by
the Court. As the Court stated in the Land and Maritime Boundary
betiveen Cameroon and Nigeria case:

"Whereas the Court, in the context of the proceedings concerning
the indication of provisional measures, cannot make definitive find-
ings of fact or of imputability, and the right of each Party to dispute
the facts alleged against it, to challenge the attribution to it of
responsibility forthose facts, and to submit arguments, if appropri-
ate, in respect of the merits, must remain unaffected by the Court's
decision" (Lund und Maritime Boundary betiveen Cameroon and
Nigeria, Provisional Measures, Order of 15 March 1996, I. C.J.
Reports 1996 (I), p. 23, para. 43).

12. Fundamental questions arise regarding the position of the Court
on this particular matter.
The relationship between the use of armed force and genocide can be
looked upon in two ways:

(a) is the use of force per se an act of genocide or not? and,
(b) is the use of force conducive to genocide and, if the answer is in the
affirmative, what is it then, in the legal sense?
It is incontrovertible that the use of force per se et dejnitione does
not constitute an act of genocide. It is a matter that needs no particular

proving. However, it could not be inferred from this that the use of
force is unrelated and cannot have any relationship with the commission
of the crime of genocide. Such a conclusion would be contrary to ele-
mentary logic.
Article II of the Convention on the Prevention and Punishment of the
Crime of Genocide defines the acts of genocide as
"any of the following acts committed with intent to destroy, in
whole or in part, a national, ethnical, racial or religious group, as

such :
(a) Killing members of the group;
(6) Causing serious bodily or mental harm to members of the
group ;
(c) Deliberately inflicting on the group conditions of lifecalculated
to bring about its physical destruction in whole or in part;
d) Imposing measures intended to prevent births within the group;
/e) Forcibly transferring children of the group to another group."de la convention sur le génocide)) (Application de la convention pour la
prévention et la répressiondu crime de génocide,mesures conservatoires,
ordonnance du 8 avriI 1993, C.I.J. Recueil 1993, p. 22, par. 46).

La raison d'être desmesures conservatoires est par conséquentlimitée
i la préservation des droits des parties pendente lite qui sont l'objet du
différend,droits qui peuvent ultérieurementfaire l'objet de la décisionde
la Cour. Comme celle-ci le dit de nouveau dans l'affaire de la Frontière
terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria:

((Considérantque la Cour, dans le cadre de la présenteprocédure
concernant l'indication de mesures conservatoires, n'est pas habilitée
à conclure définitivementsur les faits ou leur im~utabilitéet aue sa
décisiondoit laisser intact le droit de chacuned& Parties de &tes-
ter les faits alléguéscontre elle, ainsi que la responsabilitéqui lui est
imputée quant Ii ces faits, et de faire valoir, le cas échéant,ses
moyens sur le foi~d.))(Frontière terrestre et maritime entre le Cume-

roun et le Nigériiu,mesures conservatoires, ordonnance du 15 mars
1996, C.I.J. Recueil 1996 (11,p. 23, par. 43.)
12. Sur ce point en,particulier, il se pose des questions fondamentales
au sujet de la position de la Cour.
On peut considérer de deux façons le lien entre le recours à la force

arméeet le génocide:
a) est-ce que I'emploide la force est un acte de génocide per seou non?
b) I'emploi de la force favorise-t-il le génocide et, dans l'affirmative,
qu'est-ce alors au sens juridique?

Indéniablement, I'emploi de la force, en soi et par définition, necons-
titue pas un acte de génocide. Nul besoin d'enfaire la preuve. Toutefois,
il n'est pas possible d'endéduire queI'emploide la force est sans rapport
avec la commission di1crime de génocideet qu'il n'est pas possible d'éta-
blir un tel rapport. Pareille conclusion serait contrairela logique la plus
élémentaire.
L'articleII de la convention pour la prévention et la répression du
crime de génocide définit lesactes de génocidecomme

«l'un quelconqulr des actes ci-après, commis dans l'intention de
détruire. en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial
ou religieux, comme tel:

a) meurtre de membres du groupe;
b) atteinte graveà l'intégrité physiqueou mentale de membres du
groupe;
c) soumission intentionnelle du groupe à des conditions d'existence
devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle;
d) mesures visarità entraver les naissances au sein du groupe;
e) transfert forcéd'enfants du groupe i un autre groupe)).Any of these acts can be committed also by the use of force. The use of
force is, consequently, one of the possible means of committing acts of
genocide. And, it should be pointed out, one of the most efficient means,
due to the immanent characteristics of armed force.

Extensive use of armed force, in particular if it is used against objects
and means constituting conditions of normal life, can be conducive to
"inflicting on the group conditions of life" bringing about "its physical
destruction".
Of course, it can be argued that such acts are in the function of degrad-
ing the military capacity of the Federal Republic of Yugoslavia. But such
an explanation can hardly be regarded as a serious argument. For, the
spiral ofsuch a line of thinking may easily come to a point when, having
in mind that military power is after al1comprised of people, even mass

killing of civiliansan be claimed to constitute some sort of a precaution-
ary measure that should prevent the maintenance or, in case of mobiliza-
tion, the increase of military power of the State.

Of course, to be able to speak about genocide it is necessary that there
is an intent, namely, of "deliberately inflictingon the group conditions of
life" bringing about "its physical destruction in whole or in part".
In the incidental proceedings the Court cannot and should not concern
itself with the definitive qualification of the intent to impose upon the
group conditions in which the survival of the group is threatened. Having
in mind the purpose of provisional measures, it can be said that at this
stage of the proceedings it is sufficient to establish that, in the conditions
of intensive bombing, there is an objective risk of bringing about condi-
tions in which the survival of the group is threatened.
TheCourt took just such a position in the Order of 8April 1993 on the
indication of provisional measures in the Application of the Convention
on the Prevention und Punishment of the Crime of Genocidecase.

Paragraph 44 of that Order stated:
"Whereas the Court, in the context of the present proceedings on
a request for provisional measures, has in accordance with Article 41
of the Statute to consider the circumstances drawn to its attention as
requiring the indication of provisional measures, but cannot make
definitive findings of fact or of imputability, and the right of each
Party to dispute the facts alleged against it, to challenge the attribu-
tion to it of responsibility forthose facts, and to submit arguments

in respect of the merits, must remain unaffected by the Court's deci-
sion" (I.C.J. Reports 1993, p. 22).
The question of "intent" is a highly complicated one. Although the
intent is a subjective matter, a psychological category, in contemporary
criminal legislation it is established also on the basis of objective circum-
stances. Inferences of intent to commit an act are widely incorporated in I.ICÉITÉ DE L'EMPLOI DE LA FORCE (OP. DISS. KRE~A) 749

N'importe lequel des actes ci-dessus peut être commis également au
moyen de la force. L'emploi de la force est par conséquent l'un des
moyens possibles de commettre des actes de génocide.Et, il convient de le
signaler, c'est l'un des moyensles plus efficaces, étant donné les carac-
tèrespropres de la force armée.
L'emploi étendude la force armée,en particulier s'ilvise des objets et

des infrastructures constituant les conditions de la vie normale, peut
aboutir à ((soumettre le groupe a des conditions d'existence))entraînant
bel et bien <<sadestruction physique)).
On peut bien enteridu objecter que les actes en question ont pour rôle
d'affaiblir la puissance militaire de la Républiquefédéralede Yougosla-
vie. Mais pareille explication peut difficilement représenterun argument
valable. Le raisonnement, en effet, va rapidement emprunter un cercle
vicieux: la puissance militaire étantaprèstout composéed'hommes, il est
possible d'aller jusqu'à prétendreque le meurtre collectif d'une foule de
civils tient en quelque sorte lieu de mesure de précaution de nature
a empêcherd'entretenir la puissance militaire de l'Etat, voire de l'aug-

menter en cas de mobilisation.
Certes, pour pouvoir parler de génocide,il faut une intention, c'est-à-dire
qu'il faut vouloir((soumettre intentionnellement le groupe a des conditions
d'existence))entraînanit «sa destruction physique totale ou partielle)).
Lors de procédures incidentes, la Cour ne peut pas - et ne doit
d'ailleurs pas- chercher a établir de façon définitive qu'elle esten pré-
sence d'une volonté de soumettre le groupe à des conditions d'existence
de nature à menacer sa survie. Eu égarda l'objet des mesures conserva-
toires, on peut direqu'à ce stade de la procédure,il suffit d'établir que,le
groupe étant soumis ;ides bombardements intensifs, on court objective-
ment le risque de voir cette situation aboutir à menacer sa survie.
La Cour a précisémentadoptécette position dans l'ordonnance qu'elle

a rendue le 8 avril 1903au sujet de I'indication de mesures conservatoires
dans l'affaire relativeà l'Application de lu convention pour lu prévention
et lu répressiondu crime de génocide.
Le paragraphe 44 de cette ordonnance se lit comme suit:
((Considérantque la Cour, dans le contexte de la présente procé-
dure concernant Il'indicationde mesures conservatoires, doit, confor-

mément àl'article 41 du Statut, examiner si les circonstances portées
à son attention exigent I'indication de mesures conservatoires, mais
n'est pas habilitke à conclure définitivement sur les faits ou leur
imputabilitéet que sa décisiondoit laisser intact le droit de chacune
des Parties de contester les faits alléguécontre elle, ainsi que la res-
ponsabilité qui lui est imputéequant à ces faits et de faire valoir ses
moyens sur le fond.)) (C.I.J.Recueil 1993, p. 22.)

La question de l'«iritentionnalité» est extrêmementcomplexe. L'inten-
tion appartient au domaine subjectif, c'est une catégoriepsychologique,
mais, dans la législation pénalecontemporaine, l'intention est également
établieà partir de circonstances objectives. L'intention présuméede com-legal systems. Exempli causa, permissive inferences as opposed to a man-
datory presumption in thejurisprudence of the United States of America
may be drawn even in a criminal case.

In any event, there appears to be a clear dispute between the Parties
regarding "intent" as the constitutive element of the crime of genocide.

The Applicant asserts that "intent" can be presumed and, on the other
hand, the Respondent maintains that "intent", as an element of the crime
of genocide, should be clearly established as dolus specialis.Such a con-
frontation of viewsof the Parties concerned leads to a dispute related to

"the interpretation, application or fulfilment of the Convention", includ-
ing disputes relating to the responsibility of a State for genocide or for
any of the other acts enumerated in Article III of the Convention.

13. At the same time, one should have in mind that whether "in cer-
tain cases, particularly that by the infliction of inhuman conditions of
life, the crime may be perpetrated by omission" (Stanislas Plawski, Etude
des principes fondamentaux du droit international pénal, 1972, p. 115.
Cited in United Nations doc. E/CN.4/Sub.2/415 of 4 July 1978).
Since,

"Experience provides that a state of war or a military operations
régimegives authorities a convenient pretext not to provide a popu-
lation or a group with what they need to subsist - food, medicines,
clothing, housing . . .It will be argued that this is inflicting on the
group conditions of lifecalculated to bring about its physical destruc-
tion in whole or in part." (J. Y. Dautricourt, "La prévention du
génocide et ses fondements juridiques", Etitdes internationales de
psychosociologie criminelle, Nos. 14-15, 1969, pp. 22-23. Cited in
United Nations doc. E/CN.4/Sub.2/415 of 4 July 1978,p. 27.)

Of the utmost importance is the fact that, in the incidental proceedings,
the Court cannot and should not concern itself with the definitive quali-
fication of the intent to impose upon the group conditions in which the
survival of the group is threatened. Having in mind the purpose of pro-
visional measures, it can be said that at this stage of the proceedings it is
sufficient to establish that, in the conditions of intensive bombing, there
is an objective risk of bring about conditions in which the survival of the

group is threatened.

Jurisdiction of the Court Ratione Temporis

14. The ratione temporis element of jurisdiction is considered by the
Court to be the linchpin of its position regarding the absence ofjurisdic-
tion in this particular case. In its Order the Court States, inter ulia:mettre l'acte fait très communément partie du système juridique. Par
exemple, aux Etats-1Jnis d'Amérique, la jurisprudence autorise la pré-
somption plausible p;wopposition à la présomption concluante, mêmeen
matière ~énale.
De toute façon, les Parties s'opposent très clairement, semble-t-il, au
sujet de l'«intentioninalité»en tant qu'élémentconstitutif du crime de

génocide.
Le demandeur affirme que I'«intention »peut êtreprésuméetandis que
le défendeursoutient qu'en tant qu'élément constitutifdu crime de géno-
cide, l'«intention» doit êtreclairement établiesous forme de do1spécial.
Cette opposition de vues entre les Parties constitue un différendrelatif à
l'interprétation, l'application ou l'exécutionde la ...convention [sur le
génocide])),les différendsde ce type comprenant aussi les différendsrela-
tifsà la responsabilitéd'un Etat en matière de génocideou de l'un quel-
conque des autres actes énumérés à l'article III de ladite convention.
13. En même temps, il ne faut pas oublier que, «dans certains cas, sur-

tout dans le génocidepar la soumission à des conditions inhumainesde vie,
le crime peut êtreperpétrépar omission)) (Stanislas Plawski, Etude des
principes fondunientuus du droit internutionul pénul, 1972, p. 115. Cité
dans Nations Unies, ,dot.E/CN.4/Sub.2/416 daté du4 juillet 1978,p. 28).
En effet,

«[ll'expérienceprouve que l'étatde guerre ou le régimed'occupation
de guerre sont un prétextefacile pour lesautoritésresponsables pour
ne pas fournir à une population ou à un groupe ce qui leur est néces-
saire pour subsister: vivres, médicaments, vêtementsh , abitations ...
On nous dira que c'est la soumission du groupe à des conditions
d'existence susceptiblesd'entraîner sa destruction physique totale ou
partielle.)(J. Y. Dautricourt, «La prévention du génocide et ses
fondements juridiques)), Etudes internationules de psychosociologie
criminelle,n0V14-15, 1969,p. 22-23. Citédans Nations Unies, doc.

E/CN.4/Sub.2/416 datédu 4 juillet 1978,p. 28.)
II est donc d'une importance primordiale de savoir que, lors de procé-
dures incidentes, la Cour ne peut pas - et ne doit d'ailleurs pas- cher-
cher à établirde façon définitive unevolontéde soumettre le groupe à des

conditions d'existence de nature à menacer sa survie. Eu égard à l'objet
des mesures conservatoires, on peut dire qu'à ce stadede la procédure,il
suffit d'établirque, 11:groupe étant soumis à des bombardements inten-
sifs, on court objectivement le risque de voir cette situation aboutir à
menacer sa survie.

Compétencede lu Cour ratione temporis

14. Pour la Cour, l'élémen tatione temporis de sa compétencedonne

la cléde la position qu'elleadopte dans la présente instance,en concluant
qu'elle n'apas compétence.Dans sonordonnance, la Cour déclarenotam-
ment : "Whereas it is an established fact that the bombings in question
began on 24 March 1999 and have been conducted continuously
over a period extending beyond 25 April 1999; and whereas the
Court has no doubt, in the light, inter alia, of the discussions at the
Security Council meetings of 24 and 26 March 1999(SlPV.3988and
3989), that a 'legal dispute' (East Timor (Portugal v. Australia),
1.C.J. Reports 1995, p. 100, para. 22) 'arose' between Yugoslavia
and the Respondent, as it did also with the other NATO member
States, well before 25 April 1999 concerning the legality of those
bombings as such, taken as a whole;

Whereas the fact that the bombings have continued after 25 April
1999 and that the dispute concerning them has persisted since that
date is not such as to alter the date on which the dispute arose;
whereas each individual air attack could not have given rise to a
separate subsequent dispute; and whereas, at this stage of the pro-
ceedings, Yugoslavia has not established that new disputes, distinct
from the initial one, have arisen between the Parties since 25 April
1999in respect of subsequent situations or facts attributable to Por-
tugal" (Order, paras. 27 and 28).

It appears that such a stance of the Court is highly questionable for two
basic reasons :

- firstly, for reasons of a general nature to do with jurisprudence of the
Court in this particular matter, on the one hand, and with the nature
of the proceedings for the indication of provisional measures, on the
other; and,
- secondly, for reasons of a specific nature deriving from the circum-
stances of the case in hand.

14.1. As far as the jurisdiction of the Court is concerned, it seems
incontestable that a liberal attitude towards the temporal element of the
Court's jurisdiction in the indication of provisional measures has become
apparent.The ground of such an attitude is the fact stressed by the Court
almost regularly, so that :

"it cannot be accepted a priori that a claim based on such a com-
plaint falls completely outside the scope of international jurisdiction;

the[se]considerations ... sufficeto empower the Court to entertain
the Request for interim measures of protection;

the indication of such measures in no way prejudges the question of
the jurisdiction of the Court to deal with the merits of the case and
leaves unaffected the right of the Respondent to submit arguments
against such jurisdiction" (Anglo-lrunian Oil Co., Order of 5 July
1951, I.C.J. Reports 1951, p. 93), ((Considérant qu'il est constant que les bombardements en cause
ont commencé II:24 mars 1999et se sont poursuivis, de façon conti-
nue, au-delà du 25 avril 1999; et qu'il ne fait pas de doute pour la
Cour, au vu notamment des débatsdu Conseil de sécuritédes 24 et
26 mars 1999 (S/PV.3988 et 3989), qu'un ((différendd'ordre juridi-

que)) (Tinzor oriental (Portugal c. Australie), C.I.J. Recueil 1995,
p. 100, par. 22) a ((surgi))entre la Yougoslavie et 1'Etatdéfendeur,
comme avec les autres Etats membres de l'OTAN, bien avant le
25 avril 1999, au sujet de la licéitéde ces bombardements comme
tels, pris dans leur ensemble;
Considérant que la circonstance que ces bombardements se soient

poursuivis aprèsle 25 avril 1999et que le différendlesconcernant ait
persistédepuis lors n'est pas denature à modifier la date à laquelle le
différendavait surgi; que des différends distincts n'ont pu naître par
la suiteà 1'occar;ionde chaque attaque aérienne;et qu'à ce stade de
la procédure, la Yougoslavie n'établit pas que des différendsnou-
veaux, distincts du différend initial, aient surgientre les Parties après
le 25 avril 1999au sujet de situations ou de faits postérieurs impu-
tables au Portugal.)) (Ordonnance, par. 27 et 28.)

Cette position, de la part de la Cour, me paraît extrêmement contestable
pour deux raisons principales :

- la première explication a un caractère général intéressant lajurispru-
dence de la Couir en ce qui concerne la question, d'une part, et, de
l'autre, intéressant le caractère de la procédure de I'indication de
mesures conservatoires;
- la seconde explication a un caractère spécifiquequi tient aux circons-

tances de la présente instance.
14.1. S'agissant de sa compétence,il paraît incontestable que la Cour
adopte, quand il est question pour elle d'indiquer des mesures conserva-
toires, une attitude libéraleà l'égardde l'élémenttemporel. La Cour est

en l'occurrence motivéepar un fait qu'elle metassez régulièrement enévi-
dence :
«on ne saurait admettre a priori qu'une demande fondée sur un tel

grief échappecomplètement à la juridiction internationale;

[cette]constatation ...est suffisante pour autoriser en droit la Cour à

examiner la demande en indication de mesures conservatoires;

l'indication de telles mesures ne préjuge en rienla compétencede la

Cour pour connaître au fond de l'affaire et laisse intact le droit du
défendeurde faire valoir sesmoyens à l'effetde la contester))(Anglo-
Iranian Oil Co., ordonnance du 5 juillet 1951, C.1.J. Recueil 1951,
p. 93),752 LEGALlTY OF USE OF FORCE (DISS .P. KRECA)

and
"on a request for provisional measures the Court need not, before
indicating them, finally satisfy itself that it has jurisdiction on the

merits of the case . .. it ought not to act under Article 41 of the
Statute if the absence ofjurisdiction on the merits is manifest" (Fish-
eries Jurisdiction (United Kingdom v. Iceland), Interim Protection,
Order of 17 August 1972, I.C.J. Reports 1972, p. 15, para. 15;and,
Fisheries Jurisdiction (Fe~leral Republic of Grrmany v. Iceland),
Interim Protection, Order of 17 August 1972, I.C.J. Reports 1972,
p. 33, para. 16).

It is hardly necessary to note that the formulation "need not . . . finally
satisfy itself that it has jurisdiction on the merits of the case" relates to
jurisdiction in toto and that, consequently, it includes also jurisdiction
rutione temporis. The application of the above general attitude of the
Court towards jurisdiction ratione trmporis may be illustrated by two
characteristic cases :

(a) In the disputes concerning Lockerbie, the Court established, inter
aliathat :
"in thecourseof the oral proceedings the Unitea States contended

that the requested provisional measures should not be indicated
because Libya had not presented a prima facie case that the pro-
visions of the Montreal Convention provide a possible basis for
jurisdiction inasmuch as the six-month period prescribed by Ar-
ticle 14,paragraph 1,of the Convention had not yet expired when
Libya's Application was filed; and that Libya had not established
that the United States had refused to arbitrate" (Questions of'
Interpretation and Application of the 1971 Montreal Convention
arisingfi.om the Aerial Incident ut Lockerbie (Lihyan Arab Jama-
hiriya v. United States of Americu), Provisional Measures, Order
of 14 April 1992, I.C.J. Reports 1992, p. 122,para. 25),

and that,

"in the context of the [proceedings in the Lockerbie case] on a
request for provisional measures, [the Court] has, in accordance
with Article 41 of the Statute, to consider the circumstances drawn
to its attention as requiring the indication of such measures, but
cannot make definitive findings either of fact or of law on the
issues relating to the merits, and the right of the Parties to contest
such issues at the stage of the merits must remain unaffected by
the Court's decision" (ibid.,p. 126,para. 41).

(b) The question of jurisdiction of the Court ratione temporis in the
proceedings for the indication of provisional measures also arose in «lorsqu'elle estsa.isied'une demande en indication demesures conser-
vatoires, la Cour n'a pas besoin, avant d'indiquer ces mesures, de

s'assurer de manière concluante de sa compétencequant au fond de
l'affaire. mais...elle ne doit cependant pas appliquer l'article 41 du
Statut lorsque son incompétence au fond est manifeste)) (Compé-
tence en matière de pecheries (Royaume-Uni c. Islande), mesures
conservatoires, ordonnance du 17 août 1972, C.I.J. Recueil 1972,
p. 14, par. 15; ei.Compktence en matière de pêcheries(République
fédkrale d'Allemagne c. Islande), mesures conservatoires, ordon-
nance di*17 août 1972, C.1.J. Recueil 1972, p. 33, par. 16).

II n'est guère besoin de relever que le membre de phrase «n'a pas
besoin ...de s'assurer de manière concluante de sa compétence quant
au fond de l'affaire)}vise la compétence in totoet que, par conséquent,
il s'étend aussi à la compétence ratione temporis. Je donnerai deux
exemples caractéristiqluespour montrer que la Cour adopte communé-
ment l'attitude définit:ci-dessus vis-à-vis de la compétence rutione tem-
poris:

a) Dans lesdifférends relatifs à l'affairLockerbie, la Cour a dit notam-
ment ceci :

«lors de la procédure orale les Etats-Unis ont soutenu qu'il n'y
avait pas lieu d'indiquer les mesures conservatoires demandées
parce que la Liibyen'avait pas établi,prima facie, que les disposi-
tions de la convention de Montréal pouvaient constituer une base
de compétencedans la mesure où le délaide six mois prescrit par
le paragraphe 1 de l'article 14 de ladite convention n'était pas
expiré lors du dépôt de la requêtede la Libye; et ...la Libye
n'avait pas établi que les Etats-Unis eussent refusél'arbitrage))
(Questions d'interprétation et d'applicution de la convention de
Montréal de ,1971 résultant de l'incident aérien de Lorkerhie
(Jamal~iriya a,rabe libyenne c. Etats- Unis d'Amérique), mesures

conservatoires, ordonnance du 14 avril 1992, C.I.J. Recueil 1992,
p. 122, par. 25),
et elle dit encore:

«dans le contexte de la [procédurerelative à l'affaireLockerbie],
qui concerne une demande en indication de mesures conserva-
toires. [la Cour] doit, conformément à l'article 41 du Statut,
examiner si lescirconstances portées à son attention exigent I'indi-
cation de telle:;mesures, mais n'est pas habilitée à conclure défi-
nitivement sur les faits et le droit, et ...sa décisiondoit laisser
intact le droii: des Parties de contester les faits et de faire
valoir leurs moyens sur le fond» (ibid.p. 126, par. 41).

b) La question de la compétence ratione temporis de la Cour dans la
procédure relative à l'indication de mesures conservatoires s'est éga- the caseconcerning the Application of the Conventionon the Preven-
tion and Punishment of the Crime of Genocide. In its Order on the
request for the indication of provisional measures of 8 April 1993,
the Court stated, inter dia:
"Whereas the Court observes that the Secretary-General has

treated Bosnia-Herzegovina, not as acceding, but as succeeding to
the Genocide Convention, and if this be so the question of the
application of Articles XI and XII1of the Convention would not
arise; whereas however the Court notes that even if Bosnia-Herze-
govina were to be treated as having acceded to the Genocide Con-
vention, with the result that the Application might be said to be
premature when filed, 'this circumstance would now be covered'
by the fact that the 90-day period elapsed between the filingof the
Application and the oral proceedings on the request (cf. Mav-
rommatis Palestine Concessions, Judgment No.2, 1924, P.C.1.J.,
Series A, No. 2, p. 34); whereas the Court, in deciding whether to
indicate provisional measures, is concerned not so much with the
past as with the present and with the future; whereas, accordingly

even if itsjurisdiction suffersfrom thetemporal limitation asserted
by Yugoslavia - which it does not now have to decide - this is
not necessarily abar to the exercise of its powers under Article 41
of the Statute" (Application of the Convention on the Prevention
and Punishment of the Crime of Genocide, Provisionul Meusures,
Order of 8 April 1993, I.C.J. Reports 1993, p. 16,para. 25).

As far as the nature of the proceedings for the indication of provisional
measures isconcerned, they are surely not designed for the purpose ofthe
final and definitive establishment of the jurisdiction of the Court. That is
why in the practice of the Court "prima facie jurisdiction" is almost
uniformly referred to when the indication of provisional measures is
involved. Although the explicit definition of "prima faciejurisdiction" is
of course hard to find in the Court's jurisprudence, its constitutive ele-
ments are relatively easy to determine. The determinant "prima facie"
itself implies that what is involved is not a definitely established jurisdic-
tion, but ajurisdiction deriving or supposed to be normally deriving from

a relevant legal fact which is defined in concreto as the "title of jurisdic-
tion". 1sreference to the "title of jurisdiction" sufficientper sr for prima
faciejurisdiction to be constituted? It is obvious that the answer to this
question must be in the negative.

But, it could besaid that the "title ofjurisdiction" is sufficientpeuse to
constituteprima faciejurisdiction except in case "the absence ofjurisdic-
tion on the merits is manifest" (Fisheries Jurisdiction (United Kingdom
v. Iceland), Interim Protection, Order of 17 August 1972. I.C.J. Reports lement poséedanis l'affaire relative a l'Application de la convention
pour la prévention et la répressiondu crime de génocide. Dans son
ordonnance du 8 avril 1993sur la demande en indication de mesures
conservatoires, la Cour a notamment déclaré:

((Considérant que la Cour constate que le Secrétaire général a
considéréla Bosnie-Herzégovinecomme ayant non pas adhéré,
mais succédé à la convention sur le génocide,et que, si tel étaitle
cas, la question de l'application des articles XI et XII1 de la
convention ne se poserait pas; considérant toutefois que la Cour
note que, mêmesi la Bosnie-Herzégovinedevait êtreconsidérée
comme ayant adhéré a la convention sur le génocide,ce qui aurait
pour conséqueinceque la requêtepourrait être tenuepour préma-
turéeau moment de son dépôt, «ce fait aurait étécouvert)) par
l'écoulement dilaps de temps de quatre-vingt-dix jours qui serait

arrivé a son terme entre le dépôt de la requête et laprocédure
orale sur la demande (voir Concessions Mavrommatis en Pales-
tine, arrr^tn2. 1924,C.P.J.I. sérieA no 2, p. 34); que la Cour, en
décidant si elle doit ou non indiquer des mesures conservatoires,
se préoccupe moins du passéque du présent etde l'avenir; que,
par conséqueni;, même si la compétencede la Cour étaitaffectée
par la limite de temps qu'invoque la Yougoslavie - point que la
Cour n'a inasà.trancher dans l'immédiat - cela ne constituerait
pas néceçsairernentun obstacle a l'exercice par la Cour des pou-
voirs qu'elle tientde l'article 41 de son Statut.))plication de lu
conveiition pour lu prévention et la répressiondu&ime de géno-

cide, mesures cionservatoires, ordonnance du 8 avril 1993, C.I. J.
Recueil 1993, p. 16, par. 25.)
S'agissant de la nature de la procédurerelative a l'indication de mesures
conservatoires, celle-ci n'est certainement pas conçue pour établir une
fois pour toutes, de façon définitive,la compétence de la Cour. C'est

pourquoi celle-ci, dans sa pratique, parle quasiment toujours de «com-
pétence primu fucie)) quand il est question pour elle d'indiquer des me-
sures conservatoires. II est bien entendu difficilede trouver dans la juris-
prudence de la Cour une définition explicitede la ((compétence prima
fucie», mais ses élémirnts constitutifs n'en sont pas moins relativement
facilesà établir.Le qualificatif«primufucie» lui-mêmedit implicitement
qu'il ne s'agit pasd'une compétence établiea titre définitif,il s'agit d'une
compétencedécoulani.,ou censéedécoulernormalement, d'un fait juri-
dique pertinent qui est défini in concret0 comme le ((titre de compé-
tence». Mais suffit-ild'invoquer le «titrede compétence)) per sepour qu'il
y ait compétence primtzfacie? Il ne fait aucun doute qu'ilfaut icirépondre

par la négative.
On peut néanmoinsdireque le ((titre de compétence))suffit per se pour
constituer une compétence prima facie sauf ((lorsque [l']incompétenceau
fond est manifeste)) (Compétenceen matière de pêcheries(Royaume- Uni
c. Islande), tnesures conservatoires, ordonnance du 17 août 1972, C.1J.1972, p. 15, para. 15; Fisheries Jurisdiction (Federal Republic of Ger-
many v. Iceland), Interim Protection, Order of 17 August 1972, I.C.J.

Reports 1972, p. 33, para. 16).
In other words, in question is the case when absence of jurisdiction is
obvious and manifest stricto sensu. Le.. when States trv to use the Court
in situations when there is no grodnd for jurisdiction whatsoever.
Well-established jurisprudence of the Court clearly shows that the
absence of temporal element of jurisdiction of the Court, even if mani-
fest, does not excludejurisdiction of the Court if the temporal defect can
be easily remedied.
In its Judgment on preliminary objections raised by Yugoslavia in the
case concerning Application of the Convention on the Prevention and
Punishment of the Crime of Genocide of 11July 1996,the Court stated
inter alia

"It is the case that the jurisdiction of the Court must normally be
assessed on the date of the filing of the act instituting proceedings.
However, the Court, like its predecessor, the Permanent Court of
International Justice, has always had recourse to the principleccord-
ing to which it should not penalize a defect in a procedural act which

the applicant could easily remedy. Hence, in the case concerning the
Mavrommatis Palestine Concessions, the Permanent Court said:

'Even if the grounds on which the institution of proceedings
was based were defectivefor the reason stated, this would not be
an adequate reason for the dismissal of the applicant's suit. The
Court, whose jurisdiction is international, is not bound to attach
to matters of form the same degree of importance which they

might possess in municipal law. Even, therefore, if the application
were premature because the Treaty of Lausanne had not yet been
ratified, this circumstance would now be covered by the subse-
quent deposit of the necessary ratifications.' (P.C.I.J., Series A,
No. 2, p. 34.)
The same principle liesat the root of the following dictum of the Per-
manent Court of International Justice in the case concerning Certuin

German Interests in Polish Upper Silesia :
'Even if, under Article 23, the existence of a definite dispute
were necessary, this condition could at any time be fulfilled by
means of unilateral action on the part of the applicant Party. And
the Court cannot allow itself to be hampered by a mere defect of
form, the removal of which depends solely on the Party con-
cerned.' (P.C.I.J., Series A, No. 6, p. 14.)

The present Court applied this principle in the case concerning the
Northern Cameroons (I.C.J. Reports 1963, p. 28), as wellas Military
und Paramilitary Activities in and uguinst Nicuruguu (Nicuruguu LICÉITÉDE L'EMPLOI DE LA FORCE (OP. DISS. KRECA)
754

Recueil 1972,p. 15,par. 15; Compétenceen matière de pêcheries(Répu-
blique fédéraled'Allemagne c. Islande), mesures conservatoires, ordon-
nance du 17 août 1972, C.I.J. Recueil 1972, p. 33, par. 16).
Autrement dit, le cas de figure envisagé estcelui où l'incompétence est
évidente stricto sensu, c'est-à-dire quand les Etats veulent saisir la Cour
alors qu'il n'existeig;oureusement aucun chef de compétence.
11est parfaitement établi dans la pratique de la Cour que l'absence de
l'élémenttemporel de sa compétence,mêmesi elle est évidente, nelui ôte
pas sa compétence dès lors qu'il peut être aisément portéremède au
défaut temporel.
Dans son arrêt surles exceptions préliminaires soulevéespar la You-

goslavie dans l'affaire relativà l'Application de la convention pour lu
préventionet lu rkpression du crime de ginocide en date du 1Ijuillet 1996,
la Cour a déclarénotamment:

((Certes, la compétencede la Cour doit normalement s'apprécier à
la date du dépôt de l'acte introductif d'instance. Cependant la Cour,
comme sa devancière, laCour permanente de Justice internationale,
a toujours eu recours au principe selon lequel elle ne doit pas sanc-
tionner un défaut qui affecterait un acte de procédure et auquel la
partie requérante pourrait aisément porter remède. Ainsi, dans
l'affaire desoncessions Mavrommatis en Palestine, la Cour perma-
nente s'est exprirnéede la sorte:

«Mêmesi la base de l'introduction d'instance étaitdéfectueuse
pour la raison mentionnée, ce ne serait pas une raison suffisante
pour débouter le demandeur de sa requête. LaCour, exerçant une
juridiction internationale, n'est pas tenue d'attacherà des consi-
dérations de forme la mêmeimportance qu'elles pourraient avoir
dans le droit interne. Dans ces conditions, mêmesi I'introduction
avait été prématurée, parce que le traitéde Lausanne n'étaitpas
encore ratifié,ce fait aurait étécouvert par le dépôt ultérieur des
ratificationsrecquises.»(C.P.J.I. sirie A, no2, p. 34.)

C'est du même principeque procède le dictum suivant de la Cour
permanente de Justice internationale dans l'affaire relative a Cer-
tains intérêtsallemands en Haute-Silisie polonaise:

«Mêmesi la nécessitéd'une contestation formelle ressortait de
l'article 23,ette condition pourrait être à tout moment remplie
par un acte unilatéral de la Partie demanderesse. La Cour ne
pourrait s'arrêtera un défaut de formequ'il dépendraitde la seule
Partie intéresséede faire disparaître. » (C.P.J.I. série A n" 6,
p. 14.)

La présenteCour a fait application de ce principe dans l'affaire du
Canzerounseptentrional (C.I.J. Recueil 1963, p. 28), ainsi que dans
celle desActivités miliaires et paramilitaire.^au Nicaragua et contre v. United States of America) when it stated: 'It would make no
sense to require Nicaragua now to institute fresh proceedings based
on the Treaty, which it would be fullyentitled to do.' (1.C.J. Reports
1984, pp. 428-429, para. 83.)

In the present case, even if it were established that the Parties,
each of which was bound by the Convention when the Application
was filed, had only been bound as between themselves with effect
from 14 December 1995,the Court could not set aside its jurisdic-
tion on this basis, inasmuch as Bosnia and Herzegovina might at any
time filea new application, identical to the present one, which would
be unassailable in this respect." (Application of the Convention on
the Prevention und Punishment of the Crime of Genocide, Prelimi-
nary Objections. Judgment, I.C.J. Reports 1996 (II), pp. 613-614,
para. 26.)

The definitive and final establishment of the temporal element of juris-
diction in the proceedings for the indication of provisional measures is
resisted, in addition to the nature of the proceedings as such, also by the
nature of ratione temporis jurisdiction of the Court. Namely,
"jurisdiction rutione temporis does not exist as an independent con-
cept of the law governing international adjudication, and more spe-
cifically of the law governing the jurisdiction and competence of the

Court. It is a dependent concept, giving rise to a particular problem
of determining the nature and effect of that dependency on the per-
sonal or the material jurisdiction of the Court, as the case may be."
(Shabtai Rosenne, The Luiv und Pructice oj'the International Court,
1920-1996, Vol. II, p. 583.)
14.2.1sit possible to argue that in the case in hand the reserve ratione
temporis in the Yugoslav declaration of acceptance of compulsory juris-
diction of the Court is of such a nature that one could sav that the
"absence ofjurisdiction on the merits" - is manifest?
There is no doubt that there exists a fundamental difference between
the Parties concerning the qualification of the nature of the armed attack

on the Federal Republic of Yugoslavia. The Respondent finds that two
months of bombing and other acts aimed againstthe Federal Republic of
Yugoslavia represent "a continued situation", an inextricable organic
unity of a variety of acts, while Yugoslavia maintains that in question
is a
"breach of an international obligation . . composed of a series of
actions or omissions in respect of separate cases, [that] occurs at the
moment when that action or omission of the series is accomplished
which establishes the existence of the composite act" (The Internu-
tionul Law Commission's Druft Articles on State Responsibiliv,
Part 1, Articles 1-35, Art. 25 (2), p. 272).

In this respect, the Application has invoked Article 25 (2) of the Draft LICÉITÉ DE L'EMPLOI DE LA FORCE (OP. DISS.KRECA) 755

celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d'Amérique), lorsqu'elle a déclaré:
«Il n'y aurait aucun sens à obliger maintenant le Nicaragua à enta-
mer une nouvelle procédure sur la base du traité - ce qu'il aurait
pleinement le diroit de faire.)) (C.I.J. Recueil 1984, p. 428-429,
par. 83.)
En l'occurrence, quand bien mêmeil serait établi que les Parties,
qui étaientliéeschacune par la convention au moment du dépôt de
la requête,ne l'auraient étéentre elles qu'à compter du 14décembre
1995,la Cour ne saurait écartersa compétencesur cette base dans la
mesure où la Bosnie-Herzégovinepourrait à tout moment déposer

une nouvelle requête, identique à la présente,qui serait de ce point
de vue inattaquable.)) (Applic~ztionde lu convention pour lapréven-
tion et lu répressiondu crime de génocide, e.uceptionspréliminaires,
arret, C.I.J. Recueil 1996 (II),p. 613-614, par. 26.)

Ce n'est pas seulement la nature de la procédureen indication de me-
sures conservatoires qui s'oppose à l'établissement définitift concluant
de l'élément tempored l e la compétence,c'est aussi lanature mêmede la

compétence rutione ttvnporis de la Cour. En effet,
«la compétence rutione temporis n'existe pas en tant que concept
indépendant du droit régissant les décisions judiciaires internatio-
nales, et plus particulièrement encore du droit régissant la juridic-
tion et laompétcence de la Cour. C'est un concept subordonné, don-
nant lieuà un problème particulier, consistantà déterminerla nature
et l'effetde cettesubordination sur la compétencepersonnelle ou ma-
tériellede laCoiur, selon le cas.» (Shabtai Rosenne, The Law and
Practicclofthe I,aternational Court, 1920-1996, vol. II, p. 583.)

14.2. Est-il possible de soutenir qu'en l'espèce,la réserveatione tem-
poris figurant dans la déclaration yougoslave d'acceptation de la juridic-
tion obligatoire de la Cour est de nature à permettre de dire que l'«in-
compétenceau fond est manifeste))?
Il ne fait pas de doute que les Parties s'opposent fondamentalement
au sujet de la qualification de l'attaque armée menéecontre la Répu-
blique fédéralede Yougoslavie. Pour le défendeur, deux mois de bom-
bardements et d'autres actes dirigés contre la République fédéralede

Yougoslavie représentent «une situation continue)), une unité organique
inextricable composé,ed'un grand nombre d'actes, tandis que, pour
la Yougoslavie, il s'agit d'une
((violation d'une obligation internationale...compos[ée]d'une série
d'actions ou omiissionsrelatives à des cas distincts, [qui] se produit
au moment de la réalisation decelle des actions ou omissions de la
sériequi établit l'existencedu fait composé)) (Projet d'articles de la
Commission du droit international sur la responsabilité desEtats,
première partie, articles 1-35, art. 25, p. 272, par. 2).

II est d'ailleurs fait état dans la requêtede ce paragraphe 2 de l'article 25Articles on State Responsibility, prepared by the International Law
Commission, which stipulates, inter alia,that :

"the time of commission of the breach extends over the entire period
from the first of the actions or omissions constituting the composite
act not in conformity with the international obligation and so
long as such actions or omissions are repeated" (The International
Law Commission's Druft Articles on State Responsibility, Part 1,
Articles 1-35, Art. 25 (2), p. 272).

This fundamental difference in the outlook on the armed attack on the
Federal Republic of Yugoslavia, represents, legallyspeaking, "a disagree-
ment over a point of law . . . a conflict of legal views or of interests
between two persons" as defined in the Mavrornmutis Palestine Conces-
sions (Judgment No. 2, 1924, P.C.I.J.. Series A, No. 2, p. 11).

Consequently, in question is a dispute between the Parties, which is
not, per se, a matter of jurisdiction, in particular not a matter of prima
faciejurisdiction; however, the Court's decision on this dispute may have
an effect on itsjurisdiction ratione temporis.
The Court, faced by a dispute of this kind, theoretically had two

options at its disposal:
(a) to resolve it lege urtis. This possibility is, from the aspect of the
Court's well-settledjurisprudence, only theoretical. Because we are
dealing here with a matter which, as a rule, is not solved in the pro-
ceedings for the indication of provisional measures but in the pro-
cedure dealing with the merits of the case;

(6) to establish, as it has become customary for the Court, that there is
a disagreement over a point of law, but that it
"cannot make definitive findings either of fact or of law on the
issues relating to the merits, and the right of the Parties tocontest
such issues at the stage of the merits must remain unaffected by
the Court's decision" (Questions of Interpretation and Application
of the 1971 Montreal Convention arisingfrom the Aerial Incident
at Lockerbie (Libyan Arub Jumahiriya v. United States of

America), Provisionul Meusures, Order of 14 Apvil 1992, I.C.J.
Reports 1992, p. 126, para. 41).
However, the Court has chosen a third, and, in my opinion, the least
acceptable solution. The Court did not enter into the resolution of the
case in hand; moreover, it has not even determined its basic features, nor
established that the dispute, by its nature, is not appropriate for being
dealt with in the proceedings the main purpose of which is to preserve the

rights of either Party, rights to be confronted at the merits stage of the
case. But, it has simply accepted one of the conflicting legal views and
thus made an interesting turnaround - by entering the sphere of interim
judgment, without a formal judgment. LICÉITÉ DE L'EMPLOI DE LA FORCE (OP.DISS. KRECA) 756

du projet d'articles sur la responsabilitédes Etats établipar la Commis-
sion du droit international, lequel dispose notamment aussi:

(<letemps de perpétration de la violation s'étend sur la période
entière à partir cle la première des actions ou omissions dont I'en-
semble constitue lefait composé non conforme àl'obligation interna-
tionale et autant que ces actions ou omissions se répètent))(Projct
d'articles de lu ïommission du droit international sur lu responsuhi-
lité desEtats, première partie, articles 1-35, art. 25, p. 272, par. 2).

Cette opposition fondamentale sur la façon de concevoir l'attaque
arméedirigéecontre la République fédéralede Yougoslavie représente,
du point de vue juridlique, «un désaccord sur un point de droit ...une
opposition de thèses jiuridiques ou d'intérêts))selon la définitiondonnée
dans l'affaire des Concessions Muvrommutis en Palestine (arrêtn" 2,
1924, C.P.J. 1. sCrieAl no2, p. 11).
Il s'agit par conséquentd'un différendentre les Parties qui, en soi, ne
porte pas sur la compétence,en particulier pas sur la compétence prima
,facie; toutefois, la dkcision que la Cour adoptera sur le différend peut
avoir un effet sur sa compétence ratione temporis.
Face à un différencdde ce type, la Cour a en principe le choix entre
:
deux solutions
a) trancher le différendlege artis. Cette possibilitéest, du point de vue
de la jurisprudence bien établie dela Cour, exclusivement théorique.
Nous avons en effet affaire ici à une question qui, en règle générale,
se résout non pals lors de la procédure en indication de mesures
conservatoires mais lors de la procéduresur le fond;

b) dire, comme la Cour en a pris l'habitude, qu'il existeun désaccordsur
un point de droit., mais qu'elle
«n'est pas habilitée à conclure définitivementsur les faits ou le
droit, et que sa décisiondoit laisser intact le droit des Parties de
contester les faits et de faire valoir leurs moyens sur le» (Ques-
tions d'interprétationet d'application de la convention de Monontréal
de 1971 résultunt u'e I'incidenf &rien de Lockerbie fJarnuhiriva

arabe lihyenn c. Etats-Unis d'Amérique), mesures coiservutoiris,
ordot~rzancedu 14 avril 1992, C.1.J. Recueil 1992, p. 126, par. 41).

La Cour a toutefois choisi une troisième solution qui est, à mon avis, la
moins acceptable. La Cour ne s'est pas penchéesur la solution du diffé-
rend; en outre, elle n'a pas mêmeétabli quels sont ses principaux élé-

ments, et n'a pas établi non plus que le différend en question, par sa
nature même,ne saurait êtretraité lors d'une procédure qui aessentiel-
lement pour objet de:préserverles droits de chacune des parties, droits
qu'il faudra confronter au stade de l'examen au fond. La Cour a pure-
ment et simplement acceptél'une des thèsesjuridiques opposées en pre-
nant ainsi un curieux.virage - c'est-à-dire qu'elleest entréedans le do-
maine de la décisionprovisoiresans pour autant seprononcer formellement. IV. OTHER RELEVANT ISSUES

15. In paragraph 15of the Order the Court states:
"Whereas the Court is deeply concerned with the human tragedy,
the loss of life, and theenormous suffering in Kosovo which form

the background of the present dispute, and with the continuing loss
of life andhuman suffering in al1parts of Yugoslavia."

The phrasing of the statement seems to me unacceptable for a number
of reasons. First, the formulation introduces dual humanitarian concern.
TheCourt is, it is stated, "deeply concerned", while at the same time the
Court states "the loss of life". So, it turns out that in the case ofparts
of Yugoslavia" the Court technically states "the loss of life" as a fact

which does not cause "deep concern". Furthermore, the wording of the
formulation may also be construed as meaning that Kosovo is not a part
of Yugoslavia. Namely, after emphasizing the situation in Kosovo and
Metohija, the Court uses the phrase "in al1parts of Yugoslavia". Having
in mind the factual and legal state of affairs, the appropriate wording
would be "in al1other parts of Yugoslavia". Also, particular reference to
"Kosovo" and "al1 parts of Yugoslavia", in the present circumstances,
has not only no legal, but has no factual basis either. Yugoslavia, as a
whole, is the object of attack. Human suffering and loss of life are, un-
fortunately, a fact, generally applicable to the country as a whole; so,the
Court, even if it had at itsdisposal the accurate data on the number of
victims and the scale of suffering of the people of Yugoslavia, it would
still have no moral right to discriminate between them. Further, the
qualification that "human tragedy and the enormous suffering in Kosovo
. ..form the background of the present dispute" not only is political, by
its nature, but has, or may have, an overtone ofjustification of the armed
attack on Yugoslavia. Suffice it to recall the fact that the respondent
State refers to its armed action as humanitarian intervention.

It is up to the Court to establish, at a later stage of the proceedings, the
real legal state of affairs, namely, the relevant facts. At the present stage,
the question of the underlying reasons for the armed attack on the Fed-
eral Republic of Yugoslavia is the object of political allegations. While
the Respondent argues that what is involved is a humanitarian interven-
tion provoked by the "human tragedy and the enormous suffering", the
Applicant finds that sedes rnuteriac the underlying reasons are to be
sought elsewhere - in the support to the terrorist organization in
Kosovo and in the political aim of secession of Kosovo and Metohija
from Yugoslavia.
Consequently, we are dealing here with opposed political qualifications LICÉITÉ DE L'EMPLOI DE LA FORCE (OP.DISS.KRECA) 757

IV. AUTRES QUESTIONS PERTINENTES

15. Au paragraphe 15 de son ordonnance, la Cour dit:

((Considérant que la Cour est profondément préoccupéepar le
drame humain, letspertes en vies humaines et les terribles souffrances
que connaît le Kosovo et qui constituent la toile de fond du présent
différend, ainsi que par les victimes et les souffrances humaines que
l'on déplore de façon continue dans I'ensemble de la Yougoslavie.))

Le libelléde cette déclaration me paraît inacceptable pour plusieurs
raisons. La première est que cet énoncé faitpart d'une préoccupation
humanitaire double. La Cour dit être ((profondémentpréoccupée)) et
évoqueen mêmetemps «les pertes en vies humaines)) et ((les victimes)).
De sorte qu'en ce qui concerne ((l'ensemble de la Yougoslavie)), la Cour
évoquetechniquement ((lesvictimes))comme un fait qui ne cause pas de
((préoccupation profonde)). En outre, l'énoncé permet égalementde

l'interprétercomme signifiant que le Kosovo ne fait pas partie de la You-
goslavie. C'est-à-dire qu'après avoir mis en relief la situation auovo-
Metohija, la Cour utilise l'expression «dans l'ensemble de la Yougosla-
vie)). Compte tenu de la situation de fait et de la situation de droit, il
aurait fallu diredans le reste de la Yougoslavie». De surcroît, faire allu-
sion au «Kosovo~) et à «l'ensemble de la Yougoslavie» non seulement
n'a aucun fondement juridique dans la situation actuelle, mais ne repose
pas sur les faits non plus. C'est l'ensemblede la Yougoslavie qui est atta-
qué.Les souffrances et les pertes en vies humaines sont malheureusement
un fait s'appliquant en généralau pays tout entier; dans ces conditions,
mêmesi elle avait eu à sa disposition des chiffres précisconcernant le

nombre des victimes i:tl'ampleur des souffrances de la population de la
Yougoslavie. la Cour n'aurait de toute façon pas eu le droit moral d'éta-
blir la moindre discrimination à cet égard. De plus, dire que «le drame
humain ...et les terribles souffrances que connaît le Kosovo et qui cons-
tituent la toile deond du présentdifférend))non seulement est une indi-
cation de caractère politique mais représente, ou pourrait représenter,
une sorte de justification de l'attaque arméemenéecontre la Yougoslavie.
11suffit de rappelerà ce propos que 1'Etat défendeur qualifie son action
armée d'intervention humanitaire.
Il appartientà la Cour d'établir à un stade ultérieur de la procédure
quelle est véritablement la situation en droit, c'est-à-dire quels sont les

faits pertinents. Au stade actuel, la question des raisons profondes de
l'attaque arméedirigéecontre la République fédéralede Yougoslavie fait
I'ob,jetd'allégations politiques. Le défendeur soutient qu'il s'agit d'une
intervention humanitaire provoquée par «le drame humain et les terribles
souffrances)),tandis que le demandeur estime que sedes rnateriae les rai-
sons profondes sont à chercher ailleurs- dans le soutien apporté à
l'organisation terroristà l'Œuvreau Kosovo et dans la volontépolitique
de sécessionqui anime le Kosovo-Metohija.
Nous avons donc affaire ici a des qualifications politiques opposéesin which the Court should not, and, in my view, must not, enter except in
the regular court proceedings.
16. The formulation of paragraph 49 of the Order leaves the impres-
sion that the Court is elegantly attempting to drop the bal1in the Security
Council's court. Essentiallv. it is su~erfluous because. as it stands now. it

only paraphrases a basi; fact that "the Security ~ouncil has special
responsibilities under Chapter VI1 of the Charter". It can be interpreted,
it is true, also as an appeal to the United Nations organ, specifically
entrusted with the duty and designed to take measures in case of threat to
the peace, breach of the peace or act of aggression; but, in that case the
Court would need to stress also another basic fact - that a legal dispute

should be referred to the International Court of Justice on the basis of
Article 36, paragraph 3, of the United Nations Charter.

17. The Court, by using the term "Kosovo" instead of the official
name of "Kosovo and Metohija", continued to follow the practice of the

political organs of the United Nations, which, by the way, was also
strictly followed by the respondent States.
It is hard to find a justifiable reason for such a practice. Except of
course if we assume political opportuneness and involved practical, politi-
cal interests to be a justified reason for this practice. This is eloquently
shown also by the practice of the designation of the Federal Republic of
Yugoslavia. After the succession of the former Yugoslav federal units,

the organs of the United Nations, and the respondent States themselves,
have used the term Yugoslavia (Serbia and Montenegro). However, since
22 November 1995, the Security Council uses in its resolutions 1021and
1022 the term "Federal Republic of Yugoslavia" instead of the former
"Federal Republic of Yugoslavia (Serbia and Montenegro)" without any
express decision and in a legally unchanged situation in relation to the

one in which it, like other organs of the United Nations, employed the
term "Federal Republic of Yugoslavia (Serbia and Montenegro)". The
fact that this change in the practice of the Security Council appeared on
the day following the initialling of the Peace Agreement in Dayton gives
a strong basis for the conclusion that the concrete practice is not based
on objective, legal criteria but rather on political criteria.

By using the word "Kosovo" instead of the name "Kosovo and Meto-
hija", the Court, in fact, is doing two things:

(a) it gives in to the colloquial use of the names of territorial units of an

independent State; and
(6) it ignores the official name of Serbia's southern province, a name
embodied both in the constitutional and legal acts of Serbia and
of the Federal Republic of Yugoslavia. Furthermore, it runs
contrary to the established practice in appropriate international orga-dans lesquelles la Cour ne devrait pas entrer, cela lui est mêmeinterdit à
mon avis, si ce n'est dlans le cadre d'une procédure judiciaire normale.
16. L'énoncédu paragraphe 49 de l'ordonnance donne l'impression
que la Cour cherche assez élégammentà renvoyer la balle dans le jardin
du Conseil de sécuritk. Pour l'essentiel, c'est inutile, parce que, sous sa

forme actuelle, cet énoncén'est qu'une simple paraphrase d'une donnée
élémentairequi est que ((le Conseil de sécurité est investide responsa-
bilités spéciales enve.rtu du chapitre VI1 de la Charte)). Il est possible,
certes, de l'interpréter aussi comme un appel lancé à l'organe des Nations
Unies qui est très précisémentchargé de prendre des mesures en cas de
menace contre la paix, de rupture de la paix ou d'acte d'agression et qui

a d'ailleurs été conçuà cet effet; mais, en l'occurrence, la Cour devrait
rappeler aussi une autiredonnéeélémentaire:en vertu de l'article 36, para-
graphe 3,de la Charte des Nations Unies, un différendjuridique doit être
soumis à la Cour internationale de Justice.
17. En utilisant l'appellation «Kosovo» au lieu de l'appellation offi-
cielle de ((Kosovo-M~:tohija», la Cour a continué de suivre la pratique

des organes politiques des Nations Unies, pratique dont, d'ailleurs, les
Etats défendeurs ne SI:départissent jamais.
Il est difficile de justifier pareille pratique, sauf, bien entendu, si nous
admettons que l'opportunité politique, les intérêts politiques et concrets
sont à cet égard des arguments valables. C'est ce que montre également
de façon éloquente la pratique suivie pour désigner la République fédé-

rale de Yougoslavie. A la suite de la sécessionde certaines parties de
l'ancienne Fédérationyougoslave, les organes des Nations Unies et les
Etats défendeurs eux-mêmesont utiliséla formule <(Yougoslavie(Serbie
et Monténégro))).Mais, depuis le 22 novembre 1995, le Conseil de sécu-
rité utilise, dans ses irésolutions 101 et 1022, la formule ((République
fédéralede Yougosla~vie)>au lieu de l'ancienne formule ((République
fédérativede Yougoslavie (Serbie et Monténégro))),sans qu'il y ait eu de

décision expresse à cet égard etdans une situation de droit inchangéepar
rapport à celle dans laquelle le Conseil, comme d'autres organes des
Nations Unies, se servait de la formule ((République fédérativede You-
goslavie (Serbie et Monténégro))).Le fait que ce changement de pratique
du Conseil de sécuritédate du lendemain du jour ou a étéparaphé
l'accord de paix de Dayton autorise à soutenir avec assez de fermetéque

cette pratique concrète ne s'inspire pas de critères juridiques objectifs
mais plutôt de critères politiques.
En utilisant letertrie(Kosovo)) au lieu du nom «Kosovo-Metohijan.
la Cour, en fait, fait deux choses a la fois:

u) elle adopte l'appellation courante et populaire servant à désignerles
unités territoriales d'un Etat indépendant;
h) elle laisse de côtél'appellation officiellede la province méridionale de
Serbie, appellation consacrée par les actes constitutionnels et juri-
diques tant de la Serbie que de la République fédéralede Yougosla-
vie. En outre, la Cour agit ainsi contrairement à la pratique établie par759 LEGALITY OF USE OF FORCE (DISS .P. KRECA)

nizations. Exempli causa, the official designation of the southern
Serbian province "Kosovo and Metohija" has been used in the
Agreement concluded by the Federal Republic of Yugoslavia and
the Organisation for Security and Co-operation in Europe (Inter-
national Legal Materials, 1999, Vol. 38, p. 24).

Even if such a practice- which, in my opinion, is completely inappro-
priate not only in terms of the law but also in terms of proper usage -
could be understood when resorted to by entities placing interest and
expediency above the law, it isinexplicable in the case of ajudicial organ.

18. A certain confusion is also created by the term "humanitarian law"

referred to in paragraphs 18 and 47 of the Order. The reasons for the
confusion are dual: on the onehand, the Court has not shown great con-
sistency in using this term. In the Genocide case the Court qualified the
Genocide Convention as a part of humanitarian law, although it is obvi-
ous that, by its nature, the Genocide Convention falls within the field of
international criminal law (seedissenting opinion of Judge KreCa,in the
case concerning Application of the Convention on the Prevention und
Punishment of the Crime of Genocide, Preliminary Objections. I.C.J.
Reports 1996 (II), pp. 774-775, para. 108).
On the other hand, it seems that in this Order the term "humanitarian
law" has been used with a different meaning, more appropriate to the

generally accepted terminology. The relevant passage in the Order should
be mentioned precisely because of the wording of its paragraphs 18and
47. The singling out of humanitarian law from the rules of international
law which the Parties are bound to respect may imply low-key and timid
overtones of vindication or at least of diminishment of the legal implica-
tions of the armed attack on the Federal Republic of Yugoslavia.

Humanitarian law, in its legal, original meaning implies the rules ofjus
in bello.If, by stressing the need to respect the rules of humanitarian law,
which 1 do not doubt, the Court was guided by humanitarian considera-
tions, then it should have stressed e'cpressis verbisalso the fundamental

importance of the rule contained in Article 2, paragraph 4, of the Char-
ter, which constitutes a dividing line between non-legal, primitive inter-
national society and an organized, dejure, international community.

(Signed) Milenko KRECA. LICÉITÉ DE L'EMPLOI DE LA FORCE (OP. DISS. KRECA) 759

les organisations internationales compétentes. Par exemple, la dési-
gnation officielle de la province méridionale de Serbie ((Kosovo-
Metohija)) est celle qui figure dans l'accord conclu par la République
fédérale de Yougoslavie et l'Organisation pour la sécuritéet la coopé-
ration en Europe (Internutional Legul Materiuls, 1999,vol. 38,p. 24).

Mêmesi pareille pratique, laquelle, à mon sens, est totalement incor-
recte, non seulement ijur le plan du droit mais aussi du point de vue du
bon usage, pouvait se défendre quand elle émane d'entitésqui situent
l'intérêett la commoditéau-dessus de la loi, elle est inexplicable quand
elle émane d'un organe judiciaire.
18. L'expression (((droithumanitaire)) que la Cour utilise aux para-
graphes 18 et 47 de son ordonnance prête également à confusion, pour
une double raison :d'un côté,la Cour ne manifeste pas une parfaite cohé-
rence dans l'emploi de cette formule. Dans l'affaire del'Application de lu
conilrntion sur le génocidela Cour a dit que ladite convention faisait par-

tie du droit humanitaire, alors qu'il est manifeste qu'en raison de sa
nature même,ladite convention relèvedu droit pénalinternational (voir
l'opinion dissidente di: M.KreLadans l'affaire relativea I'Applicution de
lu coni~entiorzpour la prévention et lu répr~ssiondzdcrime de génocide,
e.uceptionspréliminaires, C.I.J. Recueil 1996 (II), p. 774-775, par. 108).
D'un autre côté,il imesemble quedans la présenteordonnance, la for-
mule ((droit humanitaire)) est employée en un sensdifférentplus proche
du sens généralement accepté aujourd'hui. Et il convient de faire précisé-
ment étatdel'extrait pertinent de l'ordonnance en raison mêmedu libellé
des paragraphes 18et 47. En isolant le droit humanitaire parmi les règles
de droit international que les parties sont tenues de respecter, il est pos-
sible que la Cour veuille, discrètement, voire timidement, justifier impli-
citement l'attaque arinéedirigéecontre la République fédéralede You-
goslavie ou tout au moins en atténuer les conséquencessur le plan du

droit.
Dans son premier sens juridique, le droit humanitaire correspond
implicitement aux règlesdu jus in bello. Si la Cour s'inspirait, comme
je n'en doute nullement, de considérations humanitaires quand elle a
souligné la nécessitéde respecter les règlesdu droit humanitaire, elle
aurait dû souligner expressément aussil'importance fondamentale que
revêtla règleénoncéea l'article 2, paragraphe 4, de la Charte, laquelle
trace la ligne de démarcation entre une sociétéinternationale primitive,
où le droit fàit défaut, et une communauté internationale organiséeoù
régnele droit.

(Signé) Milenko KRECA.

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Opinion dissidente de M. Kreca, juge ad hoc (traduction)

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