Déclaration de M. Vereshchetin (traduction)

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108-19990602-ORD-01-04-EN
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108-19990602-ORD-01-00-EN
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Les circonstances extraordinaires dans lesquelles la Yougoslavie a
déposé sa requête en indication de mesures conservatoires imposaient de
réagirimmédiatement. LaCour aurait dû aussitôt exprimer son inquié-
tude ~rofonde face aux multivles drames humains. aux vertes en vies

humaines et aux violations graves du droit international qui, au moment
di1dépôt de la requête, étaient d'ores et déjdàu domaine public. Il est
inélégantde la part de l'organe judiciaire principal de l'organisation des
Nations Unies, dont la raison d'êtremême estde présiderau règlement
pacifique des différendsinternationaux, de garder le silence en pareille
situation. Mêmesi finalement, la Cour aboutit à la conclusion que, sous
l'effetde contraintes figurant dans son Statut, ellene peut pas indiquer de
mesures conservatoires au sens plein, conformément à l'article 41 de ce
Statut,à l'égardde l'un ou l'autre des Etats défendeurs,la Cour est dotée
à tout le moins, par définition,du pouvoir d'en appeler immédiatement
aux parties pour qu'elles s'abstiennent d'aggraver ou d'étendrele conflit
et qu'elles respectent les obligations qui leur incombent en vertu de la
Charte des Nations Unies. Ce pouvoir découlede la responsabilitéqui lui

a étéimpartie de préserverle droit international et aussi de considéra-
tions primordiales d'ordre public. Cet appel, fort de l'autorité qui émane
de la «Cour mondiale)),compatible de surcroît avec l'article 41 de son
Statut et avec l'article4, paragraphe 4 et l'article 75, paragraphe 1, de
son Règlement, pourrait donner à réfléchiraux Partiesà ce conflit mili-
taire, lequel est sans précédentdans l'histoire deEurope depuis la fin de
la seconde guerre mondiale.
La Cour a étépriéede défendrel'étatde droit face à des violations
flagrantes du droit international qui sont d'une portéeconsidérablecar
elles atteignent aussi la Charte des Nations Unies. Au lieu d'agir avec
diligence et au besoin de sa propre initiative, en sa qualitéde «gardien
principal du droit international)), la majorité des membres de la Cour,

plus d'un moisaprèsle dépôtdes requêtes,lesa rejetéessansnuance pour
la totalitédes affaires qui lui étaientsoumises, y compris cellesoù,on
avis, la compétence primu-fucie de la Cour aurait pu êtretrès clairement
établie. En outre, cette décision a étéprise dans une situation dans
laquelle une intensification délibérée debsombardements des zones les
plus peupléescause des pertes en vies humaines toujours aussi lourdes
chez les non-combattants et cause également, physiquement et menta-
lement, des dommages à la population de toutes les régionsde Yougo-
slavie.
Pour les motifs ci-dessus, je ne peux pas m'associer à l'inaction de la
Cour en l'occurrence, mêmesi j'admets que, dans certaines des affaires LICÉITÉ DE L'EMPLOI DE LA FORCE (DÉCL. VERESHCHETIN) 441

introduites par le demandeuràce stade-ci dela procédure, laCour n'est
peut-êtrepas compétente, et qu'elle ne l'est pas du tout dans le cas de
l'Espagne ni dans celui des Etats-Unis.

(Signé) Vladlen S. VERESHCHETIN.

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DECLARATION OF JUDGE VERESHCHETIN

The extraordinary circumstances in which Yugoslavia made its request
for interim measures of protection imposed a need to react immediately.
TheCourt should have promptly expressed its profound concern over the
unfolding human misery, loss of life and serious violations of interna-
tional law which by the time of the request were already a matter of pub-
lic knowledge. It is unbecoming for the principal judicial organ of the
United Nations, whose very raison d'êtreis the peaceful resolution of
international disputes, to maintain silence in such a situation. Even if
ultimately the Court may come to the conclusion that, due to constraints
in its Statute, it cannot indicate fully fledged provisional measures in
accordance with Article 41 of the Statute in relation to one or another of
the respondent States, the Court is inherently empowered, at the very

least, immediately to cal1 upon the Parties neither to aggravate nor to
extend the conflict and to act in accordance with their obligations under
the Charter of the United Nations. This power flows from its responsi-
bility for the safeguarding of international law and from major consid-
erations of public order. Such an authoritative appeal by the "World
Court", which would also be consistent with Article 41 of its Statute and
Article 74, paragraph 4, and Article 75, paragraph 1, of its Rules, could
have a sobering effect on the Parties involved in the military conflict,n-
precedented in European history since the end of the Second World War.

The Court was urged to uphold the rule of law in the context of large-
scale gross violations of international law, including of the Charter of the
United Nations. Instead of acting expeditiously and, if necessary, proprio

motu, in its capacity as "the principal guardian of international law", the
majority of the Court, more than one month after the requests were
made, rejected them in a sweeping wayin relation to al1the cases brought
before the Court, including those where, in my view,the prima faciejuris-
diction of the Court could have been clearly established. Moreover, this
decision has been taken in a situation in which deliberate intensification
of bombardment of the most heavily populated areas is causing unabated
loss of lifeamongst non-combatants and physical and mental harm to the
population in al1parts of Yugoslavia.

For the foregoing reasons, 1 cannot concur with the inaction of the
Court in this matter, although 1concede that in some of the cases insti- Les circonstances extraordinaires dans lesquelles la Yougoslavie a
déposé sa requête en indication de mesures conservatoires imposaient de
réagirimmédiatement. LaCour aurait dû aussitôt exprimer son inquié-
tude ~rofonde face aux multivles drames humains. aux vertes en vies

humaines et aux violations graves du droit international qui, au moment
di1dépôt de la requête, étaient d'ores et déjdàu domaine public. Il est
inélégantde la part de l'organe judiciaire principal de l'organisation des
Nations Unies, dont la raison d'êtremême estde présiderau règlement
pacifique des différendsinternationaux, de garder le silence en pareille
situation. Mêmesi finalement, la Cour aboutit à la conclusion que, sous
l'effetde contraintes figurant dans son Statut, ellene peut pas indiquer de
mesures conservatoires au sens plein, conformément à l'article 41 de ce
Statut,à l'égardde l'un ou l'autre des Etats défendeurs,la Cour est dotée
à tout le moins, par définition,du pouvoir d'en appeler immédiatement
aux parties pour qu'elles s'abstiennent d'aggraver ou d'étendrele conflit
et qu'elles respectent les obligations qui leur incombent en vertu de la
Charte des Nations Unies. Ce pouvoir découlede la responsabilitéqui lui

a étéimpartie de préserverle droit international et aussi de considéra-
tions primordiales d'ordre public. Cet appel, fort de l'autorité qui émane
de la «Cour mondiale)),compatible de surcroît avec l'article 41 de son
Statut et avec l'article4, paragraphe 4 et l'article 75, paragraphe 1, de
son Règlement, pourrait donner à réfléchiraux Partiesà ce conflit mili-
taire, lequel est sans précédentdans l'histoire deEurope depuis la fin de
la seconde guerre mondiale.
La Cour a étépriéede défendrel'étatde droit face à des violations
flagrantes du droit international qui sont d'une portéeconsidérablecar
elles atteignent aussi la Charte des Nations Unies. Au lieu d'agir avec
diligence et au besoin de sa propre initiative, en sa qualitéde «gardien
principal du droit international)), la majorité des membres de la Cour,

plus d'un moisaprèsle dépôtdes requêtes,lesa rejetéessansnuance pour
la totalitédes affaires qui lui étaientsoumises, y compris cellesoù,on
avis, la compétence primu-fucie de la Cour aurait pu êtretrès clairement
établie. En outre, cette décision a étéprise dans une situation dans
laquelle une intensification délibérée debsombardements des zones les
plus peupléescause des pertes en vies humaines toujours aussi lourdes
chez les non-combattants et cause également, physiquement et menta-
lement, des dommages à la population de toutes les régionsde Yougo-
slavie.
Pour les motifs ci-dessus, je ne peux pas m'associer à l'inaction de la
Cour en l'occurrence, mêmesi j'admets que, dans certaines des affairestuted by the Applicant the basis of the Court's jurisdiction, at this stage

of the proceedings, is open to doubt, and in relation to Spain and the
United States is non-existent.

(Signed) Vladlen S. VERESHCHETIN. LICÉITÉ DE L'EMPLOI DE LA FORCE (DÉCL. VERESHCHETIN) 441

introduites par le demandeuràce stade-ci dela procédure, laCour n'est
peut-êtrepas compétente, et qu'elle ne l'est pas du tout dans le cas de
l'Espagne ni dans celui des Etats-Unis.

(Signé) Vladlen S. VERESHCHETIN.

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