Opinion dissidente de M. Koroma (traduction)

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097-19950922-ORD-01-06-EN
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OPINION DISSIDENTE DE M. KOROMA

[Traduction]

Dans la présente ordonnance, la Cour, en réponse à une demande
d'examen dela situation déposée par la Nouvelle-Zélandele 21août 1995
et àune nouvelle demande en indication de mesures conservatoires éga-
lement déposée le 21 août 1995tendant àce que la France s'abstienne de
procéder à de nouveaux essaisnucléairesdans la régiondu Pacifique Sud,
a conclu que:

«la ((Demande d'examen dela situation)) au titre du paragraphe 63
de l'arrêt rendupar la Cour le 20 décembre1974 en l'affaire des

Essais nucléaires(Nouvelle-Zélande c. France), présentéepar la
Nouvelle-Zélandele 21 août 1995, n'entre pas dans les prévisions
duditparagraphe 63 et doitpar suite êtreécartée)()par. 68, al.;les
italiques sont de moi).

Je me permets respectueusement de ne pas souscrire à cette conclusion
et de m'en dissocierpour les raisons exposéesci-après.
Au préalable,je me dois cependant d'observer que c'est la deuxième
fois que la Nouvelle-Zélandesoumet àla Cour un différendconcernant la
question des essais nucléairesdans la régiondu Pacifique et que, chaque
fois, la Cour a refuséd'examiner l'affaire au fond.
La Cour a pour mission de réglerles différendsqui lui sont soumis
(article 38, paragraphe 1, du Statut); dèslors, elle est tenue d'examiner
une affaire qui lui est soumise et de statuer, si elle a compétenceet si la
demande est recevable.
Or, en aucune des deux occasions la Cour n'a conclu qu'ellen'était pas
en mesure d'examiner la demande de la Nouvelle-Zélandeau fond parce

qu'ellen'était pas compétente ou parce que la demande étaitirrecevable.
En 1973,la Nouvelle-Zélandea présenté à la Cour une requête,par
laquelle ellepriait la Cour de dire et juger:

«que les essais nucléairesprovoquant des retombées radioactives
effectuéspar le Gouvernement français dans la régiondu Pacifique
Sud constituent une violation des droits de la Nouvelle-Zélandeau
regard du droit international, et que ces droits seront enfreints par
tout nouvel essai))(Essais nucléaires(Nouvelle-Zélandec. fivance),
arrêt,C.I.J. Recueil 1974, p. 460,par. 1;les italiquessont de moi).

Les conclusions énoncéesdans le mémoireétaientlibelléescomme suit:

«Le Gouvernement néo-zélandaiss'estimefondé à ce que la Cour
dise et juge que: DEMANDE D'EXAMEN (OP.DISS.KOROMA) 364

a) la Cour a compétencepour connaître de la requête déposé pear
la Nouvelle-Zélandeet pour examiner le différendau fond;
b) la requêteest recevable» (Essais nucléaires(Nouvelle-Zélande
c. France), arrêt,C.I.J. Recueil 1974, p. 460, par. 11).
La Cour, dans son arrêtdu 20 décembre1974,a affirméce qui suit:

«Les essais que l'instance concerne sont définisdans la requête
comme «les essaisnucléairesprovoquant des retombées radioactives
effectués...dans la régiondu PacifiqueSud», lecaractère decesessais
n'étantpas précisé.La Nouvelle-Zélanden'en a pas moins surtout
défendu sa causedu point de vue des essais réalisésen atmosphère
et les déclarationscitéesaux paragraphes 26, 27 et 28, en particulier
cellesqu'ont faites lesl juin et le' novembre 1974 lespremiers mi-
nistresdeNouvelle-Zélandequisesont succédé , ontrent qu'une assu-

rance selon laquelleles essais nucléairesde cette nature», autrement
dit lesessaisenatmosphère,«ont définitivementprisfin» répondraità
l'objetde la demande néo-zélandaiseL.a Cour considèredonc qu'aux
fins de la requête la demande de la Nouvelle-Zélande doit s'inter-
prétercomme uniquement applicable aux essais atmosphériques,et
non à des essaisd'un autre type, et comme uniquement applicable2i
des essaisen atmosphèreréaliséd se façonà provoquer des retombées
radioactives sur le territoire néo-zélandais.))d.,p. 466, par. 29.)

Et elle a ajouté:
<<Dèlsors que la Cour a constatéqu'un Etat a pris un engagement
quant à son comportement futur, il n'entre pas dans sa fonction
d'envisager que cet Etat ne le respecte pas. La Cour fait observer
que, si le fondement du présentarrêtétait remisen cause, le requé-

rant pourrait demander un examen de la situation conformément
aux dispositions du Statut; la dénonciationpar la France, dans une
lettre du 2janvier 1974,de l'Actegénéraplour le règlementpacifique
des différendsinternationaux, qui est invoqué comme l'undes fon-
dements de la compétencede la Cour en l'espèce,ne saurait en soi
faire obstacleà la présentationd'une telle demande.» (Ibid., p. 477,
par. 63.)

Le 21août 1995,la Nouvelle-Zélandea présenté àla Cour une demande
d'examen de lasituation ayant pour origine
«un projet d'action annoncépar la France qui, s'ilseréalise,remettra
en cause le fondement de l'arrêt rendupar la Cour le 20 décembre
1974 dans l'affaire des Essais nucléaires (Nouvelle-Zélande c.
France) »(par. 1).

La Cour a réponduen disant que:

«la ((Demande d'examen dela situation)) au titre du paragraphe 63
de l'arrêtrendu par la Cour le 20 décembre1974 en l'affaire des
Essais nucléaires(Nouvelle-Zélande c. France), présentéepar la Nouvelle-Zélandele 21 août 1995, n'entre pas dans lesprévisions
duditparagraphe 63 et doit par suite êtreécartée)()présenteordon-
nance, par. 68, al.; les italiques sont de moi).

Commeje l'ai déjàdit, je ne puis souscrireà cetteconclusionet tiensà
m'en dissocier.
Pour étayer sademande d'examen,laNouvelle-Zélandea affirméqu'elle
fondait celle-cisur le droit que lui conféraitle paragraphe 63 de l'arrêt
rendu par la Cour en 1974 en l'affaire des Essais nucléaires(Nouvelle-
Zélandec. France) (C.Z.J. Recueil 1974, p. 477, voir ci-dessus).
Le Gouvernement français, dans une lettre en date du 28 août 1995,a
exprimé saconviction que l'arrêtdu 20 décembre1974 ne pouvait en
aucun cas fonder aujourd'hui la compétence dela Cour, que la démarche
actuelle de la Nouvelle-Zélandene s'inscrivait nullementdans le cadre de
l'affaire de 1973-1974,laquelle portait exclusivementsur les essais atmo-
sphériques,et que ladite démarche ne pouvait pas s'y rattacher car la
demande présentéeen 1973n'existait plus.
Le Gouvernement français a également affirmé qu'enl'absence de

consentement de la France la Cour n'avait pas compétencepour con-
naître de l'action intentéepar la Nouvelle-Zélande.
Vu que la demande de la Nouvelle-Zélandeétait sans précédent, la
Cour a invitéles deux Etats, dans l'intérêdt e la justice,lui faire con-
naître leurs vues sur la question suivante:

«Les demandes présentées à la Cour par le Gouvernement néo-
zélandaisle 21 août 1995entrent-ellesdans les prévisionsdu para-
graphe 63 de l'arrêtde la Cour du 21 décembre1974en l'affaire des
Essais nucléaires(Nouvelle-Zélandec. France) ?D

En réponse à cette question, la Nouvelle-Zélandea soutenu que les
demandesconstituaient une continuation de l'instanceintroduite en 1973,
dans le cadre de laquelle elle avait priéla Cour de dire et juger que les
essais nucléairesprovoquant des retombées radioactives effectuésdans
la régiondu Pacifique Sud constituaient une violation des droits de la
Nouvelle-Zélande au regard du droit international et que ces droits
seraient enfreints par tout nouvel essai.
La Nouvelle-Zélandea rappeléqu'à l'époque laCour avait entendu
des exposésoraux sur les questions de compétenceet de recevabilité,
durant et aprèslesquelsplusieursdéclarationsofficiellesavaient étfaites
par les autorités françaises au sujet des essais atmosphériques, que la
Cour avait interprétéces déclarationscomme constituant de la part du
Gouvernement français des engagementsjuridiquement contraignants et
qu'elle avait considéré quela demande de la Nouvelle-Zélandedevait

s'interprétercomme uniquement applicable aux essais atmosphériques.
La Cour avait en conséquenceconclu que les engagements pris par la
France répondaient aux préoccupatione sssentiellesdela Nouvelle-Zélande.
Poursuivant sa réponse à la question poséepar la Cour, la Nouvelle-
Zélande a soulignéqu'après être parvenue à cette conclusion la Cour DEMANDE D'EXAMEN (OP.DISS.KOROMA) 366

avait réservéà la Nouvelle-Zélandele droit, énoncéau paragraphe 63, de
revenir devant elle si le fondement de l'arrêt étairtemis en cause.
La Nouvelle-Zélandea déclaréque l'arrêtde 1974reposait sur le pos-
tulat que la décision dela France de mettre fin aux essais en atmosphère
et de passerà des essaissouterrainsrépondait aux préoccupationsimmé-
diates de la Nouvelle-Zélande relativesàla contamination de l'environ-
nement; elle a cependant soutenu que ses préoccupationsplus générales,
telles qu'elle les avait exposéesdans sa requête,demeuraient, et que
personne n'avait demandé à l'époquesi les essaisnucléairessouterrains
pouvaient avoir le mêmegenre de conséquences écologiquesque celles
qui faisaient l'objet de la requête de1973.
La Nouvelle-Zélandea égalementfait valoir que, puisqu'en 1974 il
n'étaitprocédédans la région du Pacifique Sudqu'à des essaisatmosphé-

riques, les essais souterrains n'étaientpas en cause, et que la Cour ne
disposait d'aucun élémentquant au risque éventuelde contamination
radioactive d'une partie quelconque de l'environnement que compor-
taient des essais de ce type.
Parmi plusieurs autres motifs que la Nouvelle-Zélande a avancés
comme expliquant l'arrêt de1974,le plus vraisemblable étaitselon elle
quela Cour, en formulant leparagraphe 63,envisageait que la reprise par
la France d'essaisnucléairesà un moment ou à un autre pourrait provo-
quer une contamination radioactive artificielle del'environnement d'une
manièreimprévisible en1974,ce qui pourrait remettre en cause le fonde-
ment de l'arrêt.
Selon la Nouvelle-Zélande,cette interprétation procède de la conclu-
sion que la France, lorsqu'elle a assuméson engagement unilatéral, n'a
pas pu s'êtreréservéle droit de provoquer une contamination radioactive

du milieu marin par des méthodesautres que des essais en atmosphère,
c'est-à-direpar des essais souterrains.
La Nouvelle-Zélande a dit que la France avait renoncé aux essais
atmosphériquespour passer aux essaissouterrains parce qu'à l'époqueles
essais atmosphériques étaientla seule méthode connue susceptible de
provoquer la contamination dont la Nouvelle-Zélandetirait grief, alors
que les essais souterrains étaient censésne pas présenter ce genre de
risque. Dèslors, a poursuivi la Nouvelle-Zélande,l'instancede 1973-1974
portait sur les essais susceptibles de provoquer une contamination
radioactive non seulement du territoire d'autres Etats, mais aussi du
milieu marin dans lequel d'autres Etats avaient un intérêt.
La Nouvelle-Zélandea fait valoir que la France avait décidé derecou-
rir aux essais souterrains parce que ceux-ci,'époque, étaientcensésne
présenteraucun risque de contamination radioactive de l'environnement.

La Nouvelle-Zélandea déclaré qu'elleavait décidéde présenter une
((Demande d'examen de la situation)) en vertu du droit que la Cour lui
avait réservédans l'arrêtde 1974,en raison de preuves scientifiques en
nombre de plus en plus grand qui étaient récemmentapparues et de sa
préoccupation quant à l'impact possible sur l'environnement des essais
souterrains. Pour tenter de démontrer quesa demande relevait du paragraphe 63,
la Nouvelle-Zélandes'estréférée àun article écritpar un éminentvulca-
nologue, M. Pierre Vincent, à propos des risques que présentent pour
l'environnement les essais nucléaires effectuésMururoa, où il est dit:

«Tous les facteurs que l'on sait maintenant favoriser la déstabili-
sation d'un volcan sont rassemblésà Mururoa: altération etfractu-
ration importante des matériaux, fortes pentes des flancs. Compte
tenu de ces faits, l'onde de choc d'une prochaine explosion, même
produite sous le lagon, pourrait êtresuffisante pour détacher un ou
plusieurs de cesgrands panneaux prédécoupés. C'est là une situation
sans équivalentailleurs, qu'il faut bien qualifier de situationaut

risque.
Les conséquences immédiates d'unedéstabilisation seraient le
déversementbrutal d'une partie du stockageradioactif dans l'océan,
et la formation d'un raz de marée(ou plus exactement d'un tsunami)
qui menacerait, outre les personnes résidant à Mururoa, celles qui
vivent dans les archipels voisins.(Demande, annexe 5.)

Un autre scientifique, M. Colin Surnrnerhayes, directeur de l'Institut
des sciencesocéanographiquesdu Royaume-Uni, a, dans un article publié
dans l'lndependentde Londres le 9 septembre 1995,indiqué àpropos des
îles volcaniques telles que Mururoa qu'ellesétaient

((intrinsèquementinstables et susceptibles de s'affaisser sous l'effet
d'un facteur déclenchant suffisant telqu'un tremblement de terre ou
une explosion de très grande puissance. Un tel affaissement provo-
querait probablement un gigantesque glissement sous-marin qui
pourrait anéantirdes parties de l'îleet créer unraz de maréequi, à

son tour, pourrait endommager les équipementscôtierssituéssur les
îles alentou))

M. Summerhayes a ajouté que la formation d'un raz de marée dece
genre constituait«une menace réellepour les côtes, fussent-ellesaussi éloi-
gnéesque cellesde la Nouvelle-Zélande oude l'Australie». La Nouvelle-
Zélandea également soulignéque le commissariat français à l'énergie
atomique avait lui-mêmecommuniquédes informations selon lesquelles
les tirs lesplus puissants des années soixante-dixet quatre-vingt effectués
à Mururoa avaient eu des effets inattendus.
La Nouvelle-Zélandea de plus soutenu que la France elle-même avait
reconnu qu'il s'étaitproduit des accidents ainsi que des fuites acciden-
tellesde radioactivitéau cours d'opérationsde prélèvementd'échantillons
aprèsles essais.

Elle a affirméen outre que leseffetscumulés desessaispratiquéspar la
France sur lesdeux atolls avaient tellement affaibli leur structure que l'on
pouvait raisonnablement craindre que de nouveaux essais aient pour
résultat d'accentuercettefragilitéet defracturer cettestructure de manière
à libérer desquantités substantiellesde matièresradioactives età mettreen pérille milieu marin, et que l'on avait aujourd'hui de bonnes raisons
de penser que ces risques étaientsensiblement plus importants qu'on ne
l'avait cru auparavant.
Ces données constituent de nouveaux éléments de preuvequant aux
effets cumulésdes essais souterrains, qui expliquent les graves préoccu-
pations des nations du Pacifique Sud.
Selonla Nouvelle-Zélande,la convention deNouméa de1986 à laquelle
la France est partie fait obligationcelle-cide mettre finà ses essais au
moinsjusqu'à ce qu'ait été réaliséeune évaluationde l'impact sur l'envi-
ronnement. La Nouvelle-Zélandea aussi fait valoir que l'évolutiondu
droit international, en particulier le principe de précaution,impose la

France d'apporter une preuve satisfaisante du caractère inoffensif des
essais souterrains.
Quant à la norme de preuve à appliquer par la Cour pour déterminersi
elle a compétencepour connaître des demandes, la Nouvelle-Zélandea
soutenu qu'il s'agissait, commedans le cas d'une demande en indication
de mesures conservatoires,d'une normeprima facie et non absolue.

En appliquant lanormeprima facie àla situationàlaquellela Nouvelle-
Zélandedoit faire face en 1995,la Cour conclurait que le paragraphe 63
se présente ((comme constituant, prima facie, une base sur laquelle la
compétence dela Cour pourrait être fondée» (demanded'examen de la
situation, par. 12).
Examinant ensuite la portée et l'application du paragraphe 63, la
Nouvelle-Zélandea rappelé à la Cour ce qu'elleavait prévudans ce para-

graphe, à savoir: «La Cour fait observer que, si le fondement du présent
arrêtétaitremis en cause, le requérantpourrait demander un examen de
la situation.» (Ibid., par. 61.)
La Nouvelle-Zélandea souligné quel'annonce faite le 13juin 1995par
le Gouvernement français avait crééune situation du genre de celle
qu'envisageait la Cour lorsqu'elle a rendu son arrêten 1974; que la
demande du 21 août 1995visait àla continuation de l'instance introduite
par la Nouvelle-Zélandeen 1973;que bien que cette instanceait donnélieu
à un arrêtrendu le 20 décembre1974,celui-cin'avait pas mis un terme à
l'affaire; que ladite demandeconstituait une nouvellephase de l'instance;
et que le droit de la présenter découlaitdes termes de l'arrêt de1974.
La Nouvelle-Zélandea en outre affirméque le paragraphe 63 non seu-
lement lui conféraitle droit de présenter sa demande, mais préservait

aussi la base de compétenceen l'espèceen ce qu'il énonçaitque la dénon-
ciation par la France, le 2 janvier 1974,del'Acte généralpour le règle-
ment pacifique des différendsinternationaux de 1928 ne privait pas la
Cour de la compétence qu'elle possédaid téjà, et qu'en s'exprimanten ces
termes la Cour avait exercéson pouvoir inhérent de préserver sa compé-
tence dans cette affaire pour l'exercerdans des circonstancesappropriées
si la situation l'exigeait,et dans l'intte la justice.
Quant à la signification de l'expression ((demander un examen de la
situation conformémentaux dispositionsdu Statut», la Nouvelle-Zélandea posé enprincipe que, selon les prévisions de laCour, la présentation
d'une «demande d'examen»ferait partie intégrante de lamêmeaffaire et
ne constituerait pas une affaire nouvelle; elle a toutefois reconnu que
mêmelorsque la Cour exerçait son pouvoir inhérent, commeelle l'avait
fait en l'espèce,dans le but d'ouvrir unevoie procédurale particulière,il
lui fallait admettre que sa compétence devait reposersur le fondement
invoqué initialement.La Nouvelle-Zélandea estiméque les dispositions
du Statut viséesau paragraphe 63 étaientcellesdes paragraphes 1 et 2 de
l'article 36. Par ailleurs, elle a fait valoir que l'obligation de procéder
conformémentau Statut pouvait ne pas êtrelimitée à une disposition par-
ticulièredecelui-ci,l'idéétantque l'examendevrait sepoursuivre confor-
mémentaux dispositions générales du Statut et du Règlement applicables
à la procéduresuiviedans toute affaire.
La Nouvelle-Zélandea soulignéle pouvoir inhérent qu'a la Cour de

tenir compte des circonstances particulièresd'une affaire.
Elle a signaléque sa demande ne devait pas êtreconsidérée comme
une demande en revision au titre de l'article 61 du Statut; qu'il nes'agis-
sait pas de la découverte d'un faitessentiel survenue après le prononcé
de l'arrêtqui exigerait la correction et la rectification de celui-ci, mais
que leparagraphe 63de l'arrêtde 1974visait plutôt à permettre un réexa-
men ultérieur de l'objet de l'affairedans certaines circonstances unique-
ment; que la Cour n'avait aucune raison de limiter à dix ans, comme le
prévoit expressémentl'article61,l'engagement prispar la France. Pour la
Nouvelle-Zélande,la Cour, au paragraphe 63, envisageait non pas une
revision, mais la possibilitéd'une procédure dérivéedistincteu'elleavait
expressément autoriséedans son arrêtde 1974.
La Nouvelle-Zélandea fait valoir aussi que, par suite de l'évolutiondu
droit, rien ne permet actuellement de supposer que les essais souterrains
sont licites; qu'au contraire le droit international en général et la conven-

tion de Nouméaen particulier imposent à la France l'obligation de ne
pas contaminer l'environnement par des substances radioactives.

Selon la Nouvelle-Zélande, la convention deNouméadu 25 novembre
1986 (à laquellela Nouvelle-Zélande et laFrance, entre autres Etats, sont
parties) traite de la protection des ressources naturelles et de l'environne-
ment de la régiondu Pacifique Sud, et son article 12est ainsi libellé:

«Les Parties prennent toutes les mesures appropriéespour préve-
nir, réduireet combattre la pollution de la zone d'application de la
convention qui pourrait résulter de l'expérimentation d'engins
nucléaires.
La Nouvelle-Zélandeestime qu'avant d'entreprendre des essais nu-

cléaireslaFrance a l'obligation de procéderà une évaluationde l'impact
sur l'environnement conformément àl'article 16de la convention, afin de
déterminersileseffetsde cesessais sont acceptablespour l'environnement
local et de s'assurer qu'ils nedonneront lieu à l'introduction d'aucunematièreradioactive dans l'environnement. La Nouvelle-Zélandesoutient
que la France n'a effectuaucuneévaluationde ce type, ou tout au moins
que rien ne prouve qu'elleen ait effectuéune.
La Nouvelle-Zélandesoutient qu'indépendammentde l'obligation qui
incombe à la France, en vertu de la convention de Nouméa,de procéder
à une évaluation de l'impact sur l'environnement des essais nucléaires
souterrains envisagés,la France est aussi tenue, en vertu du droit inter-
national coutumier, d'effectuer une telle évaluationà propos de toute
activitéde nature à causer un dommage significatif à l'environnement,

notamment lorsque le dommage risque d'avoir un caractère transfron-
tière. Pour la Nouvelle-Zélande,cette évaluation doit précéderles essais
nucléaires, euégard à l'importance des dépôtsde matières radioactives
susceptibles d'être libéréesns le milieu marin immédiat. Cette obliga-
tion est fondéeselon elle sur une pratique concordante des Etats, ainsi
que sur les buts et principes de l'évaluationde l'impact sur l'environne-
ment énoncés par leProgramme des Nations Unies pour l'environnement
(PNUE) en 1987, lesarticles 205 et 206 de la convention des Nations
Unies sur le droit de la mer de 1982,l'accord de l'Association desnations
de l'Asie du Sud-Est (ANASE) de 1985,la directive des Communautés
européennes concernant l'évaluationdes incidences de certains projets
publics et privéssur l'environnement, la directive opérationnelle de la
Banque mondiale de 1989,la convention d7Espoode 1991,le protocole
de 1991au traité sur l'Antarctique,relatifla protection de l'environne-

ment, la convention de 1992sur la diversité biologiqueet le traité insti-
tuant l'Euratom; c'est là le fondement juridique et l'illustration des
normes internationales que la France reconnaît comme applicablesdans
ce domaine d'activité. La Nouvelle-Zélande affirme que le refus par la
France de mener àbien cetteprocédurepour ce type d'activitéest illicite.
A titre de preuve supplémentairede l'obligation généralequi incombe
à la France d'effectuer uneévaluationde l'impact sur l'environnement,la
Nouvelle-Zélandeinvoque le principe 21 de la déclarationde Stockholm
sur l'environnement ainsi que le principe 2 de la déclarationde Rio de
1992 sur l'environnement et le développement,et souligne que pour la
région du Pacifique Sud le principe revêtla forme d'une obligation
conventionnelle contraignante, leparagraphe 6 de l'articlee la conven-
tion de Nouméaétantainsi libellé:

((Chaque partie doit faire en sorte que les activitésexercéesdans
les limites de sa juridiction ou sous son contrôle ne causent pas de
dommage à l'environnement dans d'autres Etats ou dans des zones
situéesau-delà des limites de sa juridiction nationale.

La thèse de la Nouvelle-Zélande esten outre que l'introduction de
matières radioactives dans les océansest particulièrement préoccupante
pour la communauté internationale et qu'elle doit faire l'objet d'une
interdiction extrêmementrigoureuse, voire absolue. Ce principe, selon la
Nouvelle-Zélande, est reconnu par la France dans le cadre tant du
paragraphe 22.5 c) du programme Action 21, adopté par la conférencedes Nations Unies sur l'environnement et le développement de1992,que
de l'article 10 de la convention de Nouméa, ainsi libellé:«Les parties
conviennent d'interdire l'immersion de déchetsradioactifs ou autres
matières radioactives dans la zone d'application de la convention. ))
En somme, la Nouvelle-Zélandesoutient que la France a accepté des
obligations rigoureuses - qui sont désormaisdevenues le droit - qui lui
interdisent d'introduire des matières radioactives dans le milieu marin et
qui prohibent mêmele stockage de déchetsradioactifs (y compris le pro-
duit des essais nucléaires),àmoins qu'il ne soit établien toute certitude
que l'opération n'aura paspour résultat de faire pénétrerdes matières

radioactives dans le milieu marin.
Un autre moyenjuridique invoquépar la Nouvelle-Zélandepour affir-
mer que la France contreviendra au droit international en reprenant les
essais découledu traité du 5 août 1963 interdisant les essais d'armes
nucléairesdans l'atmosphère, dans l'espace extra-atmosphérique et sous
l'eau, dont les dispositionssont obligatoireset qui énonceen son préam-
bule l'objectifque se fixentlesEtats «d'assurer l'arrêt de toutesles explo-
sions expérimentales d'armes nucléaires à tout jamais» et leur désir«de
mettre un terme à la contamination du milieu ambiant de l'homme par
des substancesradioactives B.
La Nouvelle-Zélande estconvaincueque le droit international contem-

porain n'autorise pas la poursuite d'essaisnucléairesqui provoquent une
contamination radioactive de l'environnement en dehors du territoire de
1'Etatqui procède aux essais.
En résumantsa réponse àla question poséepar la Cour, la Nouvelle-
Zélandea conclu que depuis 1974la situation avait subi des changements
tels que le fondement de l'arrêt était substantiellementremis en cause;
que ces changements avaient affectéle motif qui avait empêché l'affaire
de sepoursuivre en 1974,etqu'ils justifiaientdonc sa reprise en 1995;que
le postulat de la Cour selon lequel la cessation des essais en atmosphère
protégeraitles droits de la Nouvelle-Zélandeavait étéremis en cause par
des éléments nouveaux apparus en 1995lors de la reprise par la France
des essaissouterrains à Mururoa et à Fangataufa dans la régiondu Paci-

fique Sud, et que cesessais auraient des effetspotentiellement nuisibles et
dommageables sur ces atolls.
La Nouvelle-Zélandea fait valoir que lesconditions de reprise de l'ins-
tance étaient doncremplies, qu'ilétait désormaisvéritablementétabq liue
les préoccupations initiales de la Nouvelle-Zélande, soucieuse d'éviter
toute contamination du milieu marin, avaient étéravivéespar les essais
souterrains effectuéspar la France et que le risque était attestépar des
meuves décisives.
Dans sa réponse à la question poséepar la Cour quant au point de
savoir si la demande de la Nouvelle-Zélandeentrait dans les prévisions
du paragraphe 63 de l'arrêt de1974,la France a fait valoir qu'iln'yavait

pas d'affaire au sens juridique, en vertu du Statut et du Règlement de
la Cour. Selon elle, il avait une différencefondamentale entre l'affaire
des Essais nucléaires(Nouvelle-Zélandec. France) de 1973et la demandede 1995.En effet, l'arrêt renduen 1974concernait des essais nucléaires
produisant des effets en Nouvelle-Zélande, à Nioué, auxîles Cook et à
Tokélaou, etnon la régiondu Pacifique Sud dans son ensemble,alors que
la demande de 1995portait sur le milieu marin de cette région.
La France a fait valoir par ailleurs que la demande de la Nouvelle-
Zélande n'était pas conforme aux dispositionsdu Statut, notamment à
l'article 40, et qu'elle nerelevait pas non plus des articles 60 ou 61 du
Statut relatifs respectivementà une demande en interprétation et à une
demande en revision de l'arrêt.La France a soutenu aussi que l'arrêtde
1974n'avait pu envisager des essais souterrains, ce type d'essais n'étant
pas en cause a l'époque.

Elle a fait valoir en outre que, le droit invoquépar la Nouvelle-Zélande
étant un droit nouveau, il ne pourrait êtreexaminéque dans le cadre
d'une nouvelleaffaire, mais que la Nouvelle-Zélandeayant affirméque sa
demande n'introduisait pas une affaire nouvelle cette demande ne repo-
sait sur aucun fondement de procédure; que, dèslors, aucune base sta-
tutaire ne permettait à la Cour de se prononcer sur la demande de la
Nouvelle-Zélandeet que, par suite, cette demande n'entrait pas dans les
prévisionsdu paragraphe 63 de l'arrêt renduen 1974.
La France a soutenu aussi que l'arrêt avaitexclu les préoccupations
plus larges de la Nouvelle-Zélande,la Cour ayant le droit et le devoir de
préciserl'objet de la demande. Selon la France, ce que la Cour envisa-
geait au paragraphe 63était unexamen hypothétiquefutur de l'affaire,et
c'étaitàtort que la Nouvelle-Zélandeinterprétaitce texte comme permet-

tant à la Cour de rouvrir l'affaire.
En outre, la France a contestéles preuves scientifiquesprésentées par
la Nouvelle-Zélande,en affirmant que le niveau de radioactivité constaté
dans les atolls étaitle mêmeque celui observédans des pays et régions
éloignésq, ue la Nouvelle-Zélande n'avaitpas ététouchéepar la radio-
activitédégagéepar les essais nucléaireset que la poursuite des essais
n'avait eu aucun effet sur l'environnement.
La France a affirméque lesfractures provoquéespar les essaisdans les
atolls étaient normales, qu'il n'y avait aucun risque de catastrophe géo-
logique et qu'aprèsvingt annéesd'essaisl'environnement de Mururoa ne
présentait qu'une faible radioactivité.
S'agissant des conventions pertinentes prescrivant que certaines me-
suressoient prises, la France a fait valoir qu'elleavait beaucoup contribué
au développementdu droit, que les essais souterrains n'étaient pas syno-

nymes de déchetsdangereux,que la France s'était conformée au principe
de précaution etqu'ellerespectait intégralementle droit international de
l'environnement.
La France a rejetéle principe res @saloquitur avancépar la Nouvelle-
Zélande concernant la charge de la preuve et soutenu que cette charge
incombait à la Nouvelle-Zélande.
La France a conclu que la demande de la Nouvelle-Zélanden'entrait
pas dans les prévisionsdu paragraphe 63 et ne remplissait pas non plus
les conditions énoncées dans ce paragraphe. L'instancea ainsi étéliéedèslors que la France, par sa lettre, son aide-
mémoireet ses exposésau cours de la procédure orale,s'est efforcéede
montrer dans le moindre détail queles demandesde la Nouvelle-Zélande
étaient dépourvuesde base juridique, en niant par ailleurs que la Cour
eût compétencepour connaître de la demande.
A mon avis, la Cour a eu raison d'inviter les deux Etats à lui faire
connaître leursvuessur lepoint de savoir si lesdemandesprésentées palra
Nouvelle-Zélandeentraient dans lesprévisionsdu paragraphe 63de l'arrêt
rendu par la Cour en 1974en l'affaire des Essais nucléaires(Nouvelle-

Zélande c. France). La charge d'établir le fondement juridique de la
demande incombait à la Nouvelle-Zélande,qui avait pris l'initiative dela
présenter, etil incombait aussià la Nouvelle-Zélande deprouver que sa
demande entrait dans les prévisionsdu paragraphe 63.
Tout bien considéré, je suis d'avisque la norme de preuve que la Cour
aurait dû appliquer pour décidersi la Nouvelle-Zélandeavait établile
fondementjuridique de sa demande était une norme prima facie.
Il me semble que lorsque la Cour a demandé auxdeux Etats de faire
connaître leurs vues sur la question, c'était dansle but de déterminersi
elleavait compétencepour examiner la demandeprincipaleet la nouvelle
demande, présentées par la Nouvelle-Zélande,dans laquellela Cour était
priéed'indiquer des mesures conservatoires en vertu de l'article 41 du
Statut tendant à ce que la France s'abstienne de reprendre des essais
nucléairessouterrains dans la régiondu Pacifique Sud.

La Nouvelle-Zélandea soutenu que la compétence dela Cour pour
connaître des deux demandes procédait du paragraphe 63 de l'arrêt,ce
que la France a contesté.
Dans l'affaire des Essais nucléaires(Nouvelle-Zélandec. France) de
1973-1974,la Nouvelle-Zélandeavaitfondélacompétencede la Cour sur:
«a) l'article 17de l'Actegénérad l e Genèvepour le règlement paci-
fique des différends internationaux de 1928, rapproché des

articles 36, paragraphe 1, et 37 du Statut de la Cour, et,
b) les déclarations faitespar la Nouvelle-Zélandeet la France en
vertu de l'article 36, paragraphe 2, c'est-à-dire de la clause
facultative du Statut, rapproché du paragraphe 5 du même
article))(arrêt,I.J. Recueil 1974,p. 509,par. 59, opinion dis-
sidente commune).

La Cour avait conclu que les dispositions invoquéespar la Nouvelle-
Zélandese présentaient comme constituant, prima facie, une base sur
laquelle la compétence dela Cour pouvait être fondée (Essais nucléaires
(Nouvelle-Zélande c. France), mesures conservatoires, ordonnancedu
22juin 1973, C.Z.J. Recueil 1973, p. 138).
Ainsi, lorsqu'elle a rendu son ordonnance en indication de mesures
conservatoires,la Cour a appliqué la norme prima facie pour déterminer
la base sur laquelle sa compétencepouvait être fondée.
Dans cette ordonnance, la Cour a rappeléqu'aux termes de l'article41
du Statut elle ne pouvait indiquer des mesures conservatoiresque si elle DEMANDE D'EXAMEN (OP. DISS .OROMA) 374

estimait que les circonstances l'exigeaientpour sauvegarder les droits de
chacune des Parties; que la Nouvelle-Zélandeavait alléguéque la série
d'essais nucléaires réalisésar la France avait intensifiéles retombées
radioactives sur le territoire néo-zélandaiset qu'elle avait fait valoir en
outre qu'ilsepouvait que la France procédât immédiatement à un nouvel
essai atmosphérique qui serait nuisibleà la Nouvelle-Zélande.Compte
tenu de ces facteurs, la Cour a ordonné aux deux Parties d'évitertout
acte propre àaggraverou étendrele différenddont la Cour étaitsaisieou

à porter atteinte aux droits de l'autre Partie (C.Z.J. Recueil 1973,p. 142).
Ces dernières annéesest apparue une jurisprudence constante de la
Cour selon laquelle celle-cipeut se prononcer sur des questions relevant
de sa compétenceincidente si un titre de compétencepeut être produit
qui ne soit pas manifestement dépourvu de validité, et pourautant que
les circonstances l'exigent (affaire de'Anglo-Zranian Oil Co., mesures
conservatoires, C.I.J. Recueil1951,p. 89; affaires de la Compétenceen
matière de pêcheries(Royaume- Uni c. Islande), mesures conservatoires,
et Compétenceen matière depêcheries(Républiquefédéraled'Allemagne
c. Islande), mesures conservatoires, C.I.J. Recueil 1972,p. 12 et p. 30).
La Cour a estimé quele simplefait qu'un Etat contestela base de sa com-

pétencene suffit pas a l'empêcherd'indiquer des mesures conservatoires
et qu'ellen'a pasbesoin de conclurequ'ayant compétencepour examiner
une affaire au fond elle doit en conséquencestatuer sur la demande en
indication de mesures conservatoires.
Vu la gravité duproblème que soulevait la Nouvelle-Zélandedans sa
demande,et le poids des moyens tant de fait que de droit qui ont étpré-
sentés,je suis d'avis,tout bien considér, ue la Nouvelle-Zélandea clai-
rement démontré d'une part quesa demande avait une base juridique et
d'autre part qu'elle entrait dans les prévisionsdu paragraphe 63. Si la
Cour avait appliqué la norme de preuve appropriée,elle serait parvenue
à la conclusion que la Nouvelle-Zélandeavait établiprima facie une base

suffisante pour que la Cour non seulement fasse droit à sa demande en
indication de mesures conservatoires, mais se déclare aussicompétente
pour examiner la demande au fond.
En ce qui concerne l'argument de la France selon lequel la Cour
n'avait pas compétencepour connaître de la demande, la Nouvelle-
Zélandea fait valoir que la compétencede la Cour procédaitde l'arrêtde
1974lui-même,la Cour ayant prévudans cet arrêt que:

«le requérantpourrait demander un examen de la situation confor-
mémentaux dispositions du Statut; la dénonciationpar la France,
dans une lettre du 2janvier 1974,del'Actegénérap lour le règlement
pacifique des différendsinternationaux, qui est invoquécomme l'un
des fondements de la compétence dela Cour en l'espèce, nesaurait
en soi faire obstacle la présentation d'une telle demande)) (C.I.J.
Recueil1974, p. 477, par. 63).

La Nouvelle-Zélandea reconnu que sa demande n'était fondée sur
aucune disposition expressedu Statut. Toutefois, selonelle,la position dela Cour était que,vu le lien manifeste qui existait entre la demande et les
termes de l'arrêtde 1974, la Cour recevrait et traiterait cette demande
portée devantellede la mêmefaçon que toute autre demande ou requête
dont elle serait saisie par un Etat partie au Statut.
La Nouvelle-Zélandeprévoyait que la Cour traiterait alors la demande
suivant une procédureprévisible;si la France estimait quela Cour n'était
pas compétenteen l'espèce,elle comparaîtrait et ferait valoir ses moyens
en ce sens, après quoi la Cour soit retiendrait les exceptions, ce qui met-

trait un terme àl'instance, soit les rejetterait, auquel cas l'affairesepour-
suivraitnormalement. La Nouvelle-Zélandea fait valoir que c'estce type
de procédureprévisible,fondéesur le Statut envisagéen mêmetemps que
le Règlementqui en procède,qu'avait viséela Cour en 1974par les mots
((conformémentaux dispositionsdu Statut)) au paragraphe 63.

Cette explication de l'intention qui animait la Cour en 1974paraît per-
tinente, rationnelle et convaincante. La Cour avait apparemment envi-
sagéune situation dans laquelle la Nouvelle-Zélandeou tout autre Etat
partie pourrait vouloir demander l'«examen d'une situation)) remettant
en cause l'arrêt, alorsque la Nouvelle-Zélandeou cet autre Etat ne serait

peut-être pasen mesure de le faire vu que la France avait rompu son lien
juridictionnel avec la Cour.
Pour parer à cette éventualité, la Cour a décidé,dans l'intérêtde '
l'administration de la justice et en usant de ses pouvoirs inhérents,que le
lien juridictionnel dont elle avait constaté l'existence au moment où la
Nouvelle-Zélandeavait déposé sarequêteen 1973 devait êtrepréservé
pour s'appliquer à une éventuelledemande d'examen dela situation si le
fondement de l'arrêt étairtemis en cause.
Commeje l'ai dit, cette thèseme paraît toàtfait plausible; en effeà,
supposer même,comme la France le soutient, que le fondement de l'arrêt
de la Cour serapportât aux déclarationsunilatéralesde la France concer-
nant les essais atmosphériques et souterrains, si la Nouvelle-Zélandeou

tout autre Etat en avait fait une interprétation erronée et avaitprésenté
une demande en fondant la compétencede la Cour sur le paragraphe 63,
la France aurait ététenue de présenter uneexception formelle a la Cour,
ou la Cour elle-même aurait dû déterminerl'existenceéventuelled'un lien
juridictionnel.
C'est seulement après avoir ainsi procédéque la Cour aurait été à
mêmede déciders'ilexistait ou non un tel lien. A ce stade, il aurait fallu
à mon avis que la Cour applique le critèreprima facie lequel, s'ily avait
été satisfait, auraitpermis la Cour de présumerun titre de compétence.
La Nouvelle-Zélandea affirmé que sademande ne devait pas être
considérée comme unedemande en revision en vertu de l'article 61 du
Statut. Cette thèseme paraît exacte, car il est improbable que la Cour ait

envisagéla revision comme voie de sa saisine éventuellepar la Nouvelle-
Zélande,vu les conditions poséesdans cet article,à savoir que la revision
ne peut êtredemandéequ'en raison d'un fait nouveau de caractèredécisif
qui était inconnu de la Cour et de la partie qui demande la revision, etétantdonné que l'articleexclut toute demande de revision aprèsl7expira-
tion d'un délaide dix ans. J'estime moiaussi que la Cour n'avait aucune
raison de vouloir imposer une telle restrictionàla Nouvelle-Zélande, ni
d'ailleursàun quelconque autre Etat dans cecontexte, si lefondement de
l'arrêt étairtemis en cause. En outre, le paragraphe 63 n'envisageait pas
la découvertede faitsultérieursmais prévoyaitau contraire un examen de
l'objet mêmede l'arrêt. Il est donc évidentque la demande de la Nou-
velle-Zélandene pouvait pas êtrerejetéepar application des dispositions
de l'article 61 du Statut.
Je souscris donc à la conclusion de la Cour selon laquelle une procé-
dure spécialeétaitenvisagée,au cas où se produiraient les circonstances
définiesau paragraphe 63, c'est-à-dire descirconstances ((remettant en

cause» le «fondement» de l'arrêt.
Dans son ordonnance, la Cour a décidéque le fondement de l'arrêt
rendu le 20 décembre1974en l'affaire des Essais nucléaires(Nouvelle-
Zélande c. France) n'avait pas étéremis en cause, que dès lors la
((Demande d'examen dela situation)) présentéepar la Nouvelle-Zélande
n'entrait pas dans les prévisionsdu paragraphe 63 de l'arrêt et quepar
suite elle ne pouvait lui donner effet.
Pour parvenir àcetteconclusion, la Cour a estiméque le fondement de
l'arrêt renduen 1974en l'affaire desEssais nucléaires(Nouvelle-Zélande
c. France) étaitl'engagementpris par la France de ne plus procéder à des
essais nucléaires en atmosphère, et que c'est dans l'hypothèse d'une
reprise des essais nucléaires enatmosphère que le fondement de l'arrêt
aurait étéremis en cause, hypothèse qui ne s'estpas réalisée.
Cette interprétation de l'arrêt quia la préférence dela majorité des

membres de la Cour est certes respectable, mais ellen'exclutni la critique
ni le doute. Or tout doute éventuelà cet égardaurait dû, vu la nature et
la gravitéde la demande, êtrerésolu enfaveur de 17Etatqui allègue quele
fondement de l'arrêta étéremis en cause.
A mon avis, le point de savoir si lefondement de l'arrêtde 1974a été
remis en cause est très largement une question de fait. La Nouvelle-
Zélandea dit que, bien que l'arrêtde 1974ait été fondé surl'engagement
du Gouvernement français de ne pas procéder à des essaisnucléairesen
atmosphère,elle avait fait valoir, tant dans sa requête introductived'ins-
tance de 1973que dans ses conclusions écrites, despréoccupations qui
n'étaient paslimitéesaux essais atmosphériques. Sa requêtedu 9 mai
1973étaitainsi libellée:

«La Nouvelle-Zélande priela Cour de dire et juger que les essais
nucléairesprovoquant des retombéesradioactives effectuéspar le
Gouvernement français dans la régiondu Pacifique Sud constituent
une violation des droits de la Nouvelle-Zélandeau regard du droit
international et que cesdroits seront enfreints par tout nouvel essai.
(C.I.J. Recueil 1974, p. 460, par. 1;les italiques sont de moi.)

L'Australie, dans une requêtedéposéeégalemen t 9mai 1973,s'expri-
mait en ces termes : DEMANDE D'EXAMEN (OP. DISS. KOROMA) 377

«Le Gouvernementaustralienprie la Cour de direetjuger que ...
la poursuite des essais atmosphériques d'armesnucléaires dans

l'océan PacifiqueSud n'estpas compatible aveclesrèglesapplicables
du droit international et
Ordonner
à la République française de ne plus faire de tels essais.» (C.I.J.

Recueil 1974, p. 256, par. 11; les deuxièmesitaliques sont de moi.)
On voit donc que, malgréla ressemblance des deux requêtes,les pré-
occupations de la Nouvelle-Zélande n'étaient pas limitéesaux essais
nucléairesatmosphériques;ellesétaientplus larges. Evidemment,en dépit

des traits communs aux deux requêtes,la Cour a décidé de lestraiter sépa-
rément,probablement parce qu'elles n'étaientpas identiques. Aux termes
de sa présenteordonnance la Cour déclarecependant:
((qu'après avoirexaminéla requêtede l'Australie, la Cour a utilisé,
au paragraphe 60 dudit arrêt,un libelléidentique à celui du para-

graphe 63 de l'arrêt renduen l'affaire des Essais nucléaires(Nou-
velle-Zélandec. France) et qu'elle a adopté, dans les deux arrêts,
des dispositifs de la mêmeteneur» (par. 58).
La Cour a indiquéqu'elleavait pris sa décisionaprès s'être assurée de

l'objetvéritabledu différend,ainsique de l'objetet du but de la demande,
en prenant en considérationnonseulementlesconclusions du demandeur
mais l'ensemble dela requête,lesargumentsqu'il avait développéd sevant
la Cour et les autres documents dont il avait été faitétat.
En réponse à la position ainsi prise par la Cour pour parveniàsa déci-
sion, la Nouvelle-Zélandea fait valoir que l'arrêtde 1974n'avait statué
de manière décisiveque sur deux points, à savoir que les déclarations
d'intention de la France à propos des essaisen atmosphère avaient créé
des obligations internationales et que, la Cour ayant déduit de déclara-
tions officiellesde la Nouvelle-Zélandeque ces engagements répondaient

et correspondaient à la principalepréoccupation néo-zélandaisel,'affaire
ne comportait plus d'objet.
A mon avis, la Nouvelle-Zélandea raison de dire qu'il n'y avait pas
chosejugéequant aux questions soulevéesdans sa requêtede 1973,que
l'expression «si le fondement du présent arrêtétaitremis en cause» lui
donnait le droit de revenir devant la Courz etAaue ce droit serait activési
un facteur sur lequel reposait l'arrêt rendupar la Cour en 1974cessait
d'être applicable par suitede la conduite future de la France. En outre,
selon la Nouvelle-Zélande,le fondement de l'arrêtne devait pas être

interprétécomme visant exclusivementl'engagement dela France de ces-
ser les essais atmosphériques.
Selon moi, le sens du paragraphe 63 est que la Cour, ayant pris en
considération dans son arrêtde 1974 l'ensemble des circonstances qui
existaient alors,à savoir les essais atmosphériques dans le Pacifique, les
préoccupationsde l'Australie quant aux essais atmosphériques,ainsi que
la requêtede la Nouvelle-Zélande,a cru pouvoir déduiredel'engagementde la France de cesser ses essais en atmosphère que cette cessation met-
trait fin la contamination de l'environnement par des matières radio-
actives.
La Cour a cru ainsi répondre aux principales préoccupations de la
Nouvelle-Zélande concernant les essais atmosphériques, mais les pré-
occupations plus générales decelle-ci quant aux retombéesradioactives
des essais nucléairesdemeuraient. L'interprétation de la Nouvelle-
Zélandeselon laquelle il étaitimplicitement entendu que les essais sou-
terrains ne provoqueraient pas de contamination radioactive est donc
loin d'être dépourvue de fondement.

Il me semble donc que la Nouvelle-Zélanden'a pas contesté queles
essais atmosphériques constituaient l'objet de l'arrêtde 1974; ce qu'elle
soutientaujourd'hui,c'est que cetobjet est remis en cause par les retom-
béesradioactivesimputables aux essais souterrains.A mon avis, la Cour
aurait dû examiner de plus près cette interprétation de l'arrêt,tout en
tenant compte de la requête initiale de laNouvelle-Zélandeet des élé-
ments de preuve produits àl'appui de la demande.
La Nouvelle-Zélandea expliqué àla Cour qu'il existaitaujourd'hui des
donnéesscientifiques de plus en plus nombreuses démontrant les effets
potentiellement nuisibles et dommageables des essais souterrains dans la
régiondu Pacifique Sud proche des atolls de Mururoa et de Fangataufa,
ainsi que la réalité du dangerde contamination du milieu marin. Il me
sembleque ce sont là des faits touchant au fondement de l'arrêtde 1974.

En 1973,la Nouvelle-Zélandefondait ses griefs sur les effets radioactifs
des essais; dèslors, si le postulat formulà l'époquequant à l'absence
d'effet radioactif des essais souterrains n'est plus valable, il en résulte
mon avis que le fondement de l'arrêtde 1974est nécessairementremis
en cause. ~'ar~ument selon lequel cet arrêtrépondait aux préoccupa-
tions, notamment celles de la Nouvelle-Zélande relatives aux essais
atmosphériquesn'estpas dépourvude valeur. Toutefois, puisque l'on dit
aujourd'hui que les essais souterrains provoquent une contamination
radioactive, ce fait, s'il étaitavéré,remettrait apparemment en cause le
fondement de l'arrêt et permettrait à une partie d'emprunter la voie
ouverte par le paragraphe 63, comme la Nouvelle-Zélandel'a fait.
Sur le terrain du droit, la Nouvelle-Zélandea alléguéque la France
avait enfreint le droit international, tant conventionnel que coutumier, en
ne respectant pas l'obligation qui est la sienne de ne pas introduire de

matièresradioactives dans l'environnement.
En vertu du droit international contemporain, il existe probablement
une obligation de ne pas causer un dommage grave ou sérieuxqui pour-
rait raisonnablement êtreévitéa,insi qu'un devoir de ne pas permettre la
fuite de substances dangereuses. Cette tendance est consacréedans des
instruments comme le traité de Moscou de 1963 interdisant les essais
d'armes nucléairesdans l'atmosphère, dansl'espaceextra-atmosphérique
et sous l'eau, auquel quelque cent trente Etats sont aujourd'hui parties.
Aux termes de ce traité,les Etats s'engagentà interdireà empêcheret à
s'abstenir d'effectuer toute explosion expérimentaled'arme nucléaireen DEMANDE D'EXAMEN (OP.DISS.KOROMA) 379

tout lieu relevant de leur juridiction ou de leur contrôle, dans l'atmo-
sphère, y compris l'espaceextra-atmosphérique, ou sous l'eau, y compris
les eaux territoriales ou la haute mer. Cette tendance est reflétéeaussi
dans le traitéde 1967sur les principes régissantles activitésdes Etats en
matière d'exploration et d'utilisation de l'espace extra-atmosphérique, y

comprisla Lune et les autres corps célestes etdans le traité de1971inter-
disant de placer des armes nucléaireset d'autres armes de destruction
massive sur le fond des mers et des océansainsi que dans leur sous-sol,
qui visent à prévenirla contamination radioactive des zones du milieu
naturel auxquelles ils s'appliquent. Elle trouve enfin son expression dans
la convention des Nations Unies sur le droit de la mer, dont la partie XII
traite de la protection et de la préservation du milieu marin.
Eu égard à cette tendance, on peut soutenir que les essais nucléaires
non seulement sont interdits en eux-mêmes,mais qu'ils seraient consi-
dérés commeillicites s'ilsprovoquaient des retombées radioactives.
La thèse de la Nouvelle-Zélande est que la reprise des essais par la

France pourrait provoquer une contamination du milieu marin du Paci-
fique par des matières radioactives artificielles.
A mon avis, les donnéesdisponibles,bien que non décisives, suffisent à
montrer que la reprise des essais créeun risque de contamination radio-
active du milieu marin. La Cour aurait dû prendre acte du courant du
droit qui interdit les essais nucléaires provoquant une contamination
radioactive,et elle aurait dû procédeà un examen de la situation dans le
cadre de l'affaire des Essais nucléairesde 1973. La Cour aurait dû aussi
indiquer les mesures conservatoiresqui lui étaientdemandées.
Vu lesconsidérationsqui précèdent,la Couraurait dû donner suite à la
demande néo-zélandaise d'examen dela situation après avoir conclu

qu'elle entrait dans les prévisions del'arrêtde 1974.

A la suite de la demande de la Nouvelle-Zélande, le Gouvernement
australien et les Gouvernements respectifs du Samoa, des Iles Salomon,
des Iles Marshall et des Etats fédérés de Micronésioent chacun déposé
une requête à fin d'intervention.
Le Gouvernement australien a invoqué l'article 62 du Statut, tandis
que les Gouvernements des Iles Salomon et du Samoa ont déposél'un et
l'autre un document intitulé ((Requête à fin d'intervention fondée sur
l'article 6- Déclaration d'intervention fondée sur l'article63», et que
des documentsanaloguesont été déposés, respectivemenpta ,r le Gouver-
nement des Iles Marshall et le Gouvernement des Etats fédérésdM e icro-

nésie.
Dans l'ordonnance, il a étédit par la majoritédes membres de la Cour
que puisque la ((Demande d'examen de la situation)) présentéepar la
Nouvelle-Zélanden'entrait pas dans les prévisionsdu paragraphe 63 de
l'arrêtde 1974, les requêtes à fin d'intervention étaient égalementsans
objet et qu'il ne pouvaity être donné suite.
Vu que les Etats intéressés, ainsique la Nouvelle-Zélande, sont con-
frontésau risque de retombées radioactives dans la régiondu Pacifique DEMANDE D'EXAMEN (OP.DISS.KOROMA) 380

Sud, et qu'ils sont parties aux conventions multilatérales et régionales
pertinentes, il est regrettable que la possibiliténe leur aaccordéeté
de faire connaître la Cour leurs vues sur la demande.
Eu égard aux considérations qui précèdentj,e ne peux souscrire ni

l'ordonnance de la Cour nià la plupart de ses conclusions.

(Signé) Abdul G. KOROMA.

Bilingual Content

DISSENTING OPINION OF JUDGE KOROMA

In the presentOrder the Court, responding to a Request for an Exami-
nation of the Situation filed by New Zealand on 21 August 1995,and a
Further Request for the Indication of Provisional Measures to direct
France not to carry out further nuclear tests in the South Pacific region,
also filed on 21 August 1995,found that:

"the 'Request for an Examination of the Situation' in accordance
with paragraph 63 of the Judgment of the Court of 20 December
1974in the Nuclear Tests (New Zealand v. France) case, submitted
by New Zealand on 21 August 1995,does notfull within theprovi-

sions of thesaidparagraph 63 and must consequently bedismissed"
(para. 68 (1); emphasis added).

1 respectfully disagree with this finding and wish to dissociate myself
from it for the reasons set out hereunder.
At the outset, however, 1feel bound to observe that this is the second
time that New Zealand has brought a case on the issue of nuclear tests in
the Pacificregion; and that on both occasions the Court has declined to
consider the merits of its case.
The Court's function is to decide disputes that are submitted to it
(Art. 38, para. 1, of the Statute); accordingly, if the Court has jurisdic-
tion conferred on it and the caseisadmissible,the Court isduty-bound to
hear and determine a case submitted to it.
On neither occasion has the Court found that it was unable to consider
the merits of New Zealand's claim on account of a lack ofjurisdiction or
because the claim was found to be inadmissible.
In 1973,New Zealand presented an Application to the Court asking it
to adjudge and declare:

"That the conduct by the French Government of nuclear tests in
the South Pacific region that giverise to radio-active fall-out consti-

tutes a violation of New Zealand's rights under international law,
and that these rights will be violated by any further such tests."
(Nuclear Tests (New Zealand v. France), I.C.J. Reports 1974,
p. 460, para. Il; emphasis added.)

Its submissions in the Memorial were worded as follows:

"the Government of New Zealand submits to the Court that it is
entitled to a declaration and judgrnent that - OPINION DISSIDENTE DE M. KOROMA

[Traduction]

Dans la présente ordonnance, la Cour, en réponse à une demande
d'examen dela situation déposée par la Nouvelle-Zélandele 21août 1995
et àune nouvelle demande en indication de mesures conservatoires éga-
lement déposée le 21 août 1995tendant àce que la France s'abstienne de
procéder à de nouveaux essaisnucléairesdans la régiondu Pacifique Sud,
a conclu que:

«la ((Demande d'examen dela situation)) au titre du paragraphe 63
de l'arrêt rendupar la Cour le 20 décembre1974 en l'affaire des

Essais nucléaires(Nouvelle-Zélande c. France), présentéepar la
Nouvelle-Zélandele 21 août 1995, n'entre pas dans les prévisions
duditparagraphe 63 et doitpar suite êtreécartée)()par. 68, al.;les
italiques sont de moi).

Je me permets respectueusement de ne pas souscrire à cette conclusion
et de m'en dissocierpour les raisons exposéesci-après.
Au préalable,je me dois cependant d'observer que c'est la deuxième
fois que la Nouvelle-Zélandesoumet àla Cour un différendconcernant la
question des essais nucléairesdans la régiondu Pacifique et que, chaque
fois, la Cour a refuséd'examiner l'affaire au fond.
La Cour a pour mission de réglerles différendsqui lui sont soumis
(article 38, paragraphe 1, du Statut); dèslors, elle est tenue d'examiner
une affaire qui lui est soumise et de statuer, si elle a compétenceet si la
demande est recevable.
Or, en aucune des deux occasions la Cour n'a conclu qu'ellen'était pas
en mesure d'examiner la demande de la Nouvelle-Zélandeau fond parce

qu'ellen'était pas compétente ou parce que la demande étaitirrecevable.
En 1973,la Nouvelle-Zélandea présenté à la Cour une requête,par
laquelle ellepriait la Cour de dire et juger:

«que les essais nucléairesprovoquant des retombées radioactives
effectuéspar le Gouvernement français dans la régiondu Pacifique
Sud constituent une violation des droits de la Nouvelle-Zélandeau
regard du droit international, et que ces droits seront enfreints par
tout nouvel essai))(Essais nucléaires(Nouvelle-Zélandec. fivance),
arrêt,C.I.J. Recueil 1974, p. 460,par. 1;les italiquessont de moi).

Les conclusions énoncéesdans le mémoireétaientlibelléescomme suit:

«Le Gouvernement néo-zélandaiss'estimefondé à ce que la Cour
dise et juge que: (a) the Court has jurisdiction to entertain the Application filed by
New Zealand and to deal with the merits of the dispute; and
(b) the Application is admissible" (Nuclear Tests (New Zealand v.
France), I.C.J. Reports 1974, p. 460, para. 11).
In its Judgment of 20 December 1974,the Court stated as follows

"The type of tests to which the proceedings relate is described in
the Application as 'nuclear testsin the South Pacificregion that gave
rise to radio-active fall-out', the type of testing contemplated not
being specified. However, New Zealand's case has been argued
mainly in relation to atmospheric tests;and the statementsquoted in
paragraphs 26, 27 and 28 above, particularly those of successive
Prime Ministers of New Zealand, of 11June and 1November 1974,

show that an assurance 'that nuclear testing of this kind', that is to
say, testing in the atmosphere, 'isfinished for good' would meet the
object of the New Zealand claim. The Court therefore considers
that, for purposes of the Application, the New Zealand claim isto be
interpreted as applying only to atmospheric tests, not to any other
form of testing, and as applying only to atmospheric tests so con-
ducted as to give rise to radio-active fall-out on New Zealand terri-
tory" (ibid.,p. 466, para. 29),

and :
"Once the Court has found that a State has entered into a com-
rnitment concerningits future conduct it is not the Court's function
to contemplate that it will not comply with it. However, the Court
observes that if the basis of this Judgment were to be affected, the

Applicant could request an examination of the situation in accord-
ance with the provisions of the Statute; the denunciation by France,
by letter dated 2 January 1974, of the General Act for the Pacific
Settlement of International Disputes, which is relied on as a basis
of jurisdiction in the present case, cannot constitute by itself an
obstacle to the presentation of such a request." (Ibid., p. 477,
para. 63.)

On 21 August 1995New Zealand presented the Court with a Request
to examine the situation arising
"out of a proposed action announced by France which will, if car-
ried out, affect the basis of the Judgrnent rendered by the Court on
20 December 1974in the Nuclear Tests (New Zealand v. fiance)
case" (para. 1).

The Court responded by saying that:

"the 'Request for an Examination of the Situation' in accordance
with paragraph 63 of the Judgment of the Court of 20 December
1974in the Nuclear Tests (New Zealand v. France) case, submitted DEMANDE D'EXAMEN (OP.DISS.KOROMA) 364

a) la Cour a compétencepour connaître de la requête déposé pear
la Nouvelle-Zélandeet pour examiner le différendau fond;
b) la requêteest recevable» (Essais nucléaires(Nouvelle-Zélande
c. France), arrêt,C.I.J. Recueil 1974, p. 460, par. 11).
La Cour, dans son arrêtdu 20 décembre1974,a affirméce qui suit:

«Les essais que l'instance concerne sont définisdans la requête
comme «les essaisnucléairesprovoquant des retombées radioactives
effectués...dans la régiondu PacifiqueSud», lecaractère decesessais
n'étantpas précisé.La Nouvelle-Zélanden'en a pas moins surtout
défendu sa causedu point de vue des essais réalisésen atmosphère
et les déclarationscitéesaux paragraphes 26, 27 et 28, en particulier
cellesqu'ont faites lesl juin et le' novembre 1974 lespremiers mi-
nistresdeNouvelle-Zélandequisesont succédé , ontrent qu'une assu-

rance selon laquelleles essais nucléairesde cette nature», autrement
dit lesessaisenatmosphère,«ont définitivementprisfin» répondraità
l'objetde la demande néo-zélandaiseL.a Cour considèredonc qu'aux
fins de la requête la demande de la Nouvelle-Zélande doit s'inter-
prétercomme uniquement applicable aux essais atmosphériques,et
non à des essaisd'un autre type, et comme uniquement applicable2i
des essaisen atmosphèreréaliséd se façonà provoquer des retombées
radioactives sur le territoire néo-zélandais.))d.,p. 466, par. 29.)

Et elle a ajouté:
<<Dèlsors que la Cour a constatéqu'un Etat a pris un engagement
quant à son comportement futur, il n'entre pas dans sa fonction
d'envisager que cet Etat ne le respecte pas. La Cour fait observer
que, si le fondement du présentarrêtétait remisen cause, le requé-

rant pourrait demander un examen de la situation conformément
aux dispositions du Statut; la dénonciationpar la France, dans une
lettre du 2janvier 1974,de l'Actegénéraplour le règlementpacifique
des différendsinternationaux, qui est invoqué comme l'undes fon-
dements de la compétencede la Cour en l'espèce,ne saurait en soi
faire obstacleà la présentationd'une telle demande.» (Ibid., p. 477,
par. 63.)

Le 21août 1995,la Nouvelle-Zélandea présenté àla Cour une demande
d'examen de lasituation ayant pour origine
«un projet d'action annoncépar la France qui, s'ilseréalise,remettra
en cause le fondement de l'arrêt rendupar la Cour le 20 décembre
1974 dans l'affaire des Essais nucléaires (Nouvelle-Zélande c.
France) »(par. 1).

La Cour a réponduen disant que:

«la ((Demande d'examen dela situation)) au titre du paragraphe 63
de l'arrêtrendu par la Cour le 20 décembre1974 en l'affaire des
Essais nucléaires(Nouvelle-Zélande c. France), présentéepar la by New Zealand on 21 August 1995,does notfull within theprovi-
sions of thesaidparagraph 63 and must consequently be dismissed"
(Order, para. 68 (1); emphasis added).

As 1have already stated, 1cannot support this finding and wish to be
dissociated from it.
In substantiating its Request for an examination, New Zealand stated
that the basis of its claimwas the right conferredon it by paragraph63 of
the 1974 Judgment rendered by the Court in the Nuclear Tests (New
Zealand v. France) case (1C ..J. Reports 1974,p. 477, seeabove).
The French Governrnent, in a letter dated 28 August 1995,expressed
the conviction that the Judgment of 20 December 1974could in no event

today serve as a basis for the jurisdiction of the Court; that the present
action by New Zealand did not fa11within the 1973-1974case, which
related exclusivelyto atmospheric tests; that the present action by New
Zealand could no longer be related to that case as the 1973 claim no
longer existed.
The French Government also stated that sinceFrance had not givenits
consent to the action by New Zealand, the Court lacked jurisdiction to
entertain the action.
Because of the unprecedented nature of the Request by New Zealand,
and in the interest of justice, the Court had invited the two States to
inform it of their views on the following question:

"Do the Requests submitted to the Court by the Government of
New Zealand on 21 August 1995 fa11within the provisions of para-
graph 63 of the Judgment of the Court of 20 December 1974in the
case concerning Nuclear Tests (New Zealand v. France)?"

Responding to the question, NewZealand had argued that the Requests
were a continuation of the proceedings commenced in 1973, when it
sought from the Court a determination that the conduct of nuclear tests
in the South Pacific region that gave rise to radioactive fallout consti-
tuted a violation of New Zealand's rights under international law and
that those rights would be violated by any further such tests.

New Zealand drew the attention of the Court to the fact that, at the
time the Court heard oral arguments on jurisdiction and admissibility in
relation to the case,during and after which several authoritative state-
ments were made by the French authorities relating to atmospheric
testing, the Court imputed to the French Government the assurance that
those statements were legally binding undertakings and took the view
that the claim of New Zealand was to be interpreted as applying to
atmospheric tests only. The Court accordingly concluded that, as a

consequence of the undertaking by France, the essential concerns of New
Zealand had been met.
In further responding to the question put by the Court, New Zealand
pointed out that the Court, having reached the above conclusion, reserved Nouvelle-Zélandele 21 août 1995, n'entre pas dans lesprévisions
duditparagraphe 63 et doit par suite êtreécartée)()présenteordon-
nance, par. 68, al.; les italiques sont de moi).

Commeje l'ai déjàdit, je ne puis souscrireà cetteconclusionet tiensà
m'en dissocier.
Pour étayer sademande d'examen,laNouvelle-Zélandea affirméqu'elle
fondait celle-cisur le droit que lui conféraitle paragraphe 63 de l'arrêt
rendu par la Cour en 1974 en l'affaire des Essais nucléaires(Nouvelle-
Zélandec. France) (C.Z.J. Recueil 1974, p. 477, voir ci-dessus).
Le Gouvernement français, dans une lettre en date du 28 août 1995,a
exprimé saconviction que l'arrêtdu 20 décembre1974 ne pouvait en
aucun cas fonder aujourd'hui la compétence dela Cour, que la démarche
actuelle de la Nouvelle-Zélandene s'inscrivait nullementdans le cadre de
l'affaire de 1973-1974,laquelle portait exclusivementsur les essais atmo-
sphériques,et que ladite démarche ne pouvait pas s'y rattacher car la
demande présentéeen 1973n'existait plus.
Le Gouvernement français a également affirmé qu'enl'absence de

consentement de la France la Cour n'avait pas compétencepour con-
naître de l'action intentéepar la Nouvelle-Zélande.
Vu que la demande de la Nouvelle-Zélandeétait sans précédent, la
Cour a invitéles deux Etats, dans l'intérêdt e la justice,lui faire con-
naître leurs vues sur la question suivante:

«Les demandes présentées à la Cour par le Gouvernement néo-
zélandaisle 21 août 1995entrent-ellesdans les prévisionsdu para-
graphe 63 de l'arrêtde la Cour du 21 décembre1974en l'affaire des
Essais nucléaires(Nouvelle-Zélandec. France) ?D

En réponse à cette question, la Nouvelle-Zélandea soutenu que les
demandesconstituaient une continuation de l'instanceintroduite en 1973,
dans le cadre de laquelle elle avait priéla Cour de dire et juger que les
essais nucléairesprovoquant des retombées radioactives effectuésdans
la régiondu Pacifique Sud constituaient une violation des droits de la
Nouvelle-Zélande au regard du droit international et que ces droits
seraient enfreints par tout nouvel essai.
La Nouvelle-Zélandea rappeléqu'à l'époque laCour avait entendu
des exposésoraux sur les questions de compétenceet de recevabilité,
durant et aprèslesquelsplusieursdéclarationsofficiellesavaient étfaites
par les autorités françaises au sujet des essais atmosphériques, que la
Cour avait interprétéces déclarationscomme constituant de la part du
Gouvernement français des engagementsjuridiquement contraignants et
qu'elle avait considéré quela demande de la Nouvelle-Zélandedevait

s'interprétercomme uniquement applicable aux essais atmosphériques.
La Cour avait en conséquenceconclu que les engagements pris par la
France répondaient aux préoccupatione sssentiellesdela Nouvelle-Zélande.
Poursuivant sa réponse à la question poséepar la Cour, la Nouvelle-
Zélande a soulignéqu'après être parvenue à cette conclusion la Courto New Zealand the right as spelt out in paragraph 63 to return to the

Court in the event of the basis of the Judgment being affected.
New Zealand stated that underlying the 1974 Judgment was the
assumption that the decision by France to cease atmospheric testing and
switch to underground testing met New Zealand's immediate concern
about contamination of the environment; however, it contended that its
wider concerns as stated in itsApplication remained, and that no thought
had at the time been givento whether underground nuclear testingmight
lead to some of the same environmental consequences that had been the
subject of its 1973Application.

New Zealand also asserted that as only atmospheric testing was taking
place in the South Pacificregion in 1974,underground testing was not in
issue, and that the Court had no evidence that such testing either could
or could not lead to radioactive contamination of any part of the

environment.

Among several other reasons which New Zealand advanced as having
motivated the 1974Judgment, it stated that the most likelyone the Court
had in mind in formulating paragraph 63 was the idea that the resump-
tion of nuclear testing by France at some future time could give rise to
artificialradioactive contamination of the environment in a manner not
foreseen in 1974,and which could affect the basis of the Judgment.

New Zealand says its reading flows from the conclusion that France
could not have reserved the right to radioactive contamination of the
marine environment by methods other than atmospheric testing - Le.,
by underground testing - at the time France made its unilateral com-
mitment.
New Zealand suggested that France had abandoned atmospheric test-

ing in favour of underground testing because at the time atmospheric
testing was the only known method of causing the contamination of
which New Zealand complained, while underground testing was thought
not to present such risks. Therefore, said New Zealand, what was in issue
in 1973-1974wastesting that could cause radioactivecontamination, not
only of the territory of other States, but also of the marine environment
in which other States had an interest.

New Zealand suggested that France had decided to resort to under-
ground testing because it was at that time thought to be free of the risk of
causing radioactive contamination of the environment.
New Zealand stated that it had decided to "Request for an Examina-
tion of the Situation" in pursuance of the right reservedto it by the Court
in the 1974Judgment, because of increasing scientificevidence whichhad
emerged of late and because of its concern about the possible environ-

mental impacts of underground testing. DEMANDE D'EXAMEN (OP.DISS.KOROMA) 366

avait réservéà la Nouvelle-Zélandele droit, énoncéau paragraphe 63, de
revenir devant elle si le fondement de l'arrêt étairtemis en cause.
La Nouvelle-Zélandea déclaréque l'arrêtde 1974reposait sur le pos-
tulat que la décision dela France de mettre fin aux essais en atmosphère
et de passerà des essaissouterrainsrépondait aux préoccupationsimmé-
diates de la Nouvelle-Zélande relativesàla contamination de l'environ-
nement; elle a cependant soutenu que ses préoccupationsplus générales,
telles qu'elle les avait exposéesdans sa requête,demeuraient, et que
personne n'avait demandé à l'époquesi les essaisnucléairessouterrains
pouvaient avoir le mêmegenre de conséquences écologiquesque celles
qui faisaient l'objet de la requête de1973.
La Nouvelle-Zélandea égalementfait valoir que, puisqu'en 1974 il
n'étaitprocédédans la région du Pacifique Sudqu'à des essaisatmosphé-

riques, les essais souterrains n'étaientpas en cause, et que la Cour ne
disposait d'aucun élémentquant au risque éventuelde contamination
radioactive d'une partie quelconque de l'environnement que compor-
taient des essais de ce type.
Parmi plusieurs autres motifs que la Nouvelle-Zélande a avancés
comme expliquant l'arrêt de1974,le plus vraisemblable étaitselon elle
quela Cour, en formulant leparagraphe 63,envisageait que la reprise par
la France d'essaisnucléairesà un moment ou à un autre pourrait provo-
quer une contamination radioactive artificielle del'environnement d'une
manièreimprévisible en1974,ce qui pourrait remettre en cause le fonde-
ment de l'arrêt.
Selon la Nouvelle-Zélande,cette interprétation procède de la conclu-
sion que la France, lorsqu'elle a assuméson engagement unilatéral, n'a
pas pu s'êtreréservéle droit de provoquer une contamination radioactive

du milieu marin par des méthodesautres que des essais en atmosphère,
c'est-à-direpar des essais souterrains.
La Nouvelle-Zélande a dit que la France avait renoncé aux essais
atmosphériquespour passer aux essaissouterrains parce qu'à l'époqueles
essais atmosphériques étaientla seule méthode connue susceptible de
provoquer la contamination dont la Nouvelle-Zélandetirait grief, alors
que les essais souterrains étaient censésne pas présenter ce genre de
risque. Dèslors, a poursuivi la Nouvelle-Zélande,l'instancede 1973-1974
portait sur les essais susceptibles de provoquer une contamination
radioactive non seulement du territoire d'autres Etats, mais aussi du
milieu marin dans lequel d'autres Etats avaient un intérêt.
La Nouvelle-Zélandea fait valoir que la France avait décidé derecou-
rir aux essais souterrains parce que ceux-ci,'époque, étaientcensésne
présenteraucun risque de contamination radioactive de l'environnement.

La Nouvelle-Zélandea déclaré qu'elleavait décidéde présenter une
((Demande d'examen de la situation)) en vertu du droit que la Cour lui
avait réservédans l'arrêtde 1974,en raison de preuves scientifiques en
nombre de plus en plus grand qui étaient récemmentapparues et de sa
préoccupation quant à l'impact possible sur l'environnement des essais
souterrains. In attempting to demonstrate that its Request was covered by para-

graph 63, New Zealand stated that a noted vulcanologist, Professor
Pierre Vincent, writing on the environmental risks of nuclear testing at
Mururoa, had stated that :

"Al1the factors now known to be conducive to the destabilisation
of volcanoes - major weathering and fracturing of materials, and
steep sides- are present at Mururoa. In view ofthat fact, the shock
waveproduced by one of the planned new explosions, even if it were
conducted beneath the lagoon, could be big enough to cause one or
more of the large 'pre-perforated' blocks to shear away. This situa-
tion, which has no parallel anywhere else, can only be described as
high-risk.
The immediate consequence of such a destabilisation iould be a

sudden spill-out of part of the radioactive 'stockpile'into the sea and
the formation of a tidal wave - or, more accurately speaking, a
tsunami - which would threaten the livesof those livingnot only in
Mururoa but in neighbouring archipelagoes." (Request, Ann. 5.)

Another scientist, Dr. Colin Surnmerhayes, a Director of Oceano-
graphic Sciences in the United Kingdom, writing in the Independent
newspaper of London on 9 September 1995in relation to volcanic islands
like Mururoa stated that they are:

"inherently unstable and may fail, given an appropriate trigger like
an earthquake or a very large explosion.Failure is likely to cause a
giant submarine landslide which may demolish parts of the island
and could create a tidal wave that may itself damage coastal instal-
lations on other islands nearby."

Dr. Surnrnerhayesfurther stated that the creation of such a tidal wave

was "a genuine threat to coasts as far away as New Zealand and Aus-
tralia". New Zealand also pointed out that the French Atomic Agency
Commission itself, in data it had itself presented, had shown that the
largest tests of the 1970sand 1980sat Mururoa had had unanticipated
effects.

New Zealand further asserted that France itselfhad acknowledgedthat
there had been accidents and accidental releases of radioactivity during
post-test sampling operations.

It further stated that it had a reasonably founded concern that what
France had already done to the two atolls might cumulatively have so
weakened their structures that further tests would develop the weak-
nesses and fracture the structures in such a way as to cause a substantial
escape of radioactive material and risks to the marine environment, and Pour tenter de démontrer quesa demande relevait du paragraphe 63,
la Nouvelle-Zélandes'estréférée àun article écritpar un éminentvulca-
nologue, M. Pierre Vincent, à propos des risques que présentent pour
l'environnement les essais nucléaires effectuésMururoa, où il est dit:

«Tous les facteurs que l'on sait maintenant favoriser la déstabili-
sation d'un volcan sont rassemblésà Mururoa: altération etfractu-
ration importante des matériaux, fortes pentes des flancs. Compte
tenu de ces faits, l'onde de choc d'une prochaine explosion, même
produite sous le lagon, pourrait êtresuffisante pour détacher un ou
plusieurs de cesgrands panneaux prédécoupés. C'est là une situation
sans équivalentailleurs, qu'il faut bien qualifier de situationaut

risque.
Les conséquences immédiates d'unedéstabilisation seraient le
déversementbrutal d'une partie du stockageradioactif dans l'océan,
et la formation d'un raz de marée(ou plus exactement d'un tsunami)
qui menacerait, outre les personnes résidant à Mururoa, celles qui
vivent dans les archipels voisins.(Demande, annexe 5.)

Un autre scientifique, M. Colin Surnrnerhayes, directeur de l'Institut
des sciencesocéanographiquesdu Royaume-Uni, a, dans un article publié
dans l'lndependentde Londres le 9 septembre 1995,indiqué àpropos des
îles volcaniques telles que Mururoa qu'ellesétaient

((intrinsèquementinstables et susceptibles de s'affaisser sous l'effet
d'un facteur déclenchant suffisant telqu'un tremblement de terre ou
une explosion de très grande puissance. Un tel affaissement provo-
querait probablement un gigantesque glissement sous-marin qui
pourrait anéantirdes parties de l'îleet créer unraz de maréequi, à

son tour, pourrait endommager les équipementscôtierssituéssur les
îles alentou))

M. Summerhayes a ajouté que la formation d'un raz de marée dece
genre constituait«une menace réellepour les côtes, fussent-ellesaussi éloi-
gnéesque cellesde la Nouvelle-Zélande oude l'Australie». La Nouvelle-
Zélandea également soulignéque le commissariat français à l'énergie
atomique avait lui-mêmecommuniquédes informations selon lesquelles
les tirs lesplus puissants des années soixante-dixet quatre-vingt effectués
à Mururoa avaient eu des effets inattendus.
La Nouvelle-Zélandea de plus soutenu que la France elle-même avait
reconnu qu'il s'étaitproduit des accidents ainsi que des fuites acciden-
tellesde radioactivitéau cours d'opérationsde prélèvementd'échantillons
aprèsles essais.

Elle a affirméen outre que leseffetscumulés desessaispratiquéspar la
France sur lesdeux atolls avaient tellement affaibli leur structure que l'on
pouvait raisonnablement craindre que de nouveaux essais aient pour
résultat d'accentuercettefragilitéet defracturer cettestructure de manière
à libérer desquantités substantiellesde matièresradioactives età mettrethat there was now good reason to fear that those risks were substantially
greater than had previously been believed.

The foregoing matters provide new evidence regarding the cumulative

effect of underground testing which has occasioned the serious concerns
felt by the South Pacific nations.
According to New Zealand, the Noumea Convention of 1986,to which
France is a party, requires France to cease testing at least until an Envi-
ronmental Impact Assessrnenthas been completed. It also suggestedthat
new developrnents in international law, particularly the precautionary
principle, place theonus of proof on France to offer satisfactory evidence
that underground testing is safe.

As to the standard of proof to be applied by the Court in determining
whether it has competence or jurisdiction to entertain its Requests, New
Zealand submitted that the prima facie rather than definitive standard
should apply as in the case of requests for provisional measures of pro-
tection.
New Zealand submitted that, applyingthe prima facie standard to the
situation faced by New Zealand in 1995,the Court would find that para-
graph 63would "appear, prima facie,to afford a basis on which thejuris-
diction of the Court might be founded" (Request, para. 12).

In further consideringthe scope and operation of paragraph 63, New

Zealand reminded the Court of what is stated in that paragraph, namely,
"the Court observesthat if the basis of this Judgment wereto be affected,
the Applicant could request an examination of the situation . .." (ibid.,
para. 61).
New Zealand pointed out that with the announcement of 13June 1995
by the French Government, a situation had arisen that the Court had in
mind in the Judgment of 1974;that the Request of 21August 1995sought
the continuation of the proceedings New Zealand had commenced in
1973;that even though those proceedings had been the subject of a Judg-
ment deliveredon 20December 1974,that Judgment did not bring the case
to an end; that the current Request wasanother phase in those proceedings
and that the right to bring the Request derived from the 1974Judgrnent.
New Zealand further stated that the paragraph not only granted it the
right to bring the Request, but also preserved the jurisdictional basis of
the case when it stated that the denunciation by France on 2 January
1974 of the General Act for the Pacific Settlement of International
Disputes of 1928did not divest the Court of the jurisdiction it already
possessed; that in adopting that form of words, the Court exercised its
inherent power to preserve itsjurisdiction in the case to be used in appro-
priate circumstances when the occasion demanded, and in the interest of
justice.

As to the meaning of the words "to request an examination of the situ-
ation in accordance with the provisions of the Statute", New Zealanden pérille milieu marin, et que l'on avait aujourd'hui de bonnes raisons
de penser que ces risques étaientsensiblement plus importants qu'on ne
l'avait cru auparavant.
Ces données constituent de nouveaux éléments de preuvequant aux
effets cumulésdes essais souterrains, qui expliquent les graves préoccu-
pations des nations du Pacifique Sud.
Selonla Nouvelle-Zélande,la convention deNouméa de1986 à laquelle
la France est partie fait obligationcelle-cide mettre finà ses essais au
moinsjusqu'à ce qu'ait été réaliséeune évaluationde l'impact sur l'envi-
ronnement. La Nouvelle-Zélandea aussi fait valoir que l'évolutiondu
droit international, en particulier le principe de précaution,impose la

France d'apporter une preuve satisfaisante du caractère inoffensif des
essais souterrains.
Quant à la norme de preuve à appliquer par la Cour pour déterminersi
elle a compétencepour connaître des demandes, la Nouvelle-Zélandea
soutenu qu'il s'agissait, commedans le cas d'une demande en indication
de mesures conservatoires,d'une normeprima facie et non absolue.

En appliquant lanormeprima facie àla situationàlaquellela Nouvelle-
Zélandedoit faire face en 1995,la Cour conclurait que le paragraphe 63
se présente ((comme constituant, prima facie, une base sur laquelle la
compétence dela Cour pourrait être fondée» (demanded'examen de la
situation, par. 12).
Examinant ensuite la portée et l'application du paragraphe 63, la
Nouvelle-Zélandea rappelé à la Cour ce qu'elleavait prévudans ce para-

graphe, à savoir: «La Cour fait observer que, si le fondement du présent
arrêtétaitremis en cause, le requérantpourrait demander un examen de
la situation.» (Ibid., par. 61.)
La Nouvelle-Zélandea souligné quel'annonce faite le 13juin 1995par
le Gouvernement français avait crééune situation du genre de celle
qu'envisageait la Cour lorsqu'elle a rendu son arrêten 1974; que la
demande du 21 août 1995visait àla continuation de l'instance introduite
par la Nouvelle-Zélandeen 1973;que bien que cette instanceait donnélieu
à un arrêtrendu le 20 décembre1974,celui-cin'avait pas mis un terme à
l'affaire; que ladite demandeconstituait une nouvellephase de l'instance;
et que le droit de la présenter découlaitdes termes de l'arrêt de1974.
La Nouvelle-Zélandea en outre affirméque le paragraphe 63 non seu-
lement lui conféraitle droit de présenter sa demande, mais préservait

aussi la base de compétenceen l'espèceen ce qu'il énonçaitque la dénon-
ciation par la France, le 2 janvier 1974,del'Acte généralpour le règle-
ment pacifique des différendsinternationaux de 1928 ne privait pas la
Cour de la compétence qu'elle possédaid téjà, et qu'en s'exprimanten ces
termes la Cour avait exercéson pouvoir inhérent de préserver sa compé-
tence dans cette affaire pour l'exercerdans des circonstancesappropriées
si la situation l'exigeait,et dans l'intte la justice.
Quant à la signification de l'expression ((demander un examen de la
situation conformémentaux dispositionsdu Statut», la Nouvelle-Zélandepostulated that the Court meant that the presentation of a "Request for
an Examination" was to be part of the samecase, and not a new one; but
acknowledged that even when the Court had used its inherent power, as
it had done in this case, in order that a particular method of procedure
might be followed, it must recognize that jurisdiction must be conceived
of in terms of what had founded the original case. It suggested that the
provisions of the Statute referred to in paragraph 63 were those of Ar-
ticle36(1)and (2). On the other hand, New Zealand argued that the obli-
gation to proceed in accordance with the Statute might extend beyond
any particular statutory provision; and that it might be intended that
examination would continue in accordance with the general statutory
and regulatory requirements for the procedure of any case.

New Zealand drew attention to the Court's inherent power to accom-
modate the particular requirements of a case.
It pointed out that its Request should not be regarded as an Applica-
tion for Revision under Article 61 of the Statute; that its case does not
deal with the discovery of an essential fact discoveredafter the Judgment
that would require its correction and rectification, but rather that para-
graph 63 of the 1974Judgment was intended to allow for further consid-
eration of the subject-matter of the case only in defined circumstances;
that there was no reason why the Court should have wished to limit the
French undertaking to ten years, as Article 61expresslyprovides. In New
Zealand's view, the Court was not referring to revision under para-
graph 63, but to the possibility of aseparate derivative proceeding which
in the 1974Judgment it had expressly authorized.
New Zealand also advanced the argument that, as a result of the

evolution of the law, there is now no basis for assuming that the law
permits underground testing; that, on the contrary, international law in
general and the Noumea Convention in particular impose on France
an obligation not to contaminate the environment with radioactive
material.
The Noumea Convention of 25 November 1986(to which New Zea-
land and France together with other States are parties), New Zealand
pointed out, isconcerned with the protection of the natural resources and
environment of the South Pacific region, and that Article 12 of that
treaty provides that :

"The Parties shall take al1appropriate measures to prevent, reduce
and control pollution in the Convention Area which might result
from the testing of nuclear devices."

New Zealand takes the position that France is under an obligation to

carry out an Environmental Impact Assessment, in accordance with Ar-
ticle 16of the Treaty, before embarking on nuclear testing, to determine
whether such tests are environmentally acceptable to the location and
that no radioactive material will beintroduced into the environmentas aa posé enprincipe que, selon les prévisions de laCour, la présentation
d'une «demande d'examen»ferait partie intégrante de lamêmeaffaire et
ne constituerait pas une affaire nouvelle; elle a toutefois reconnu que
mêmelorsque la Cour exerçait son pouvoir inhérent, commeelle l'avait
fait en l'espèce,dans le but d'ouvrir unevoie procédurale particulière,il
lui fallait admettre que sa compétence devait reposersur le fondement
invoqué initialement.La Nouvelle-Zélandea estiméque les dispositions
du Statut viséesau paragraphe 63 étaientcellesdes paragraphes 1 et 2 de
l'article 36. Par ailleurs, elle a fait valoir que l'obligation de procéder
conformémentau Statut pouvait ne pas êtrelimitée à une disposition par-
ticulièredecelui-ci,l'idéétantque l'examendevrait sepoursuivre confor-
mémentaux dispositions générales du Statut et du Règlement applicables
à la procéduresuiviedans toute affaire.
La Nouvelle-Zélandea soulignéle pouvoir inhérent qu'a la Cour de

tenir compte des circonstances particulièresd'une affaire.
Elle a signaléque sa demande ne devait pas êtreconsidérée comme
une demande en revision au titre de l'article 61 du Statut; qu'il nes'agis-
sait pas de la découverte d'un faitessentiel survenue après le prononcé
de l'arrêtqui exigerait la correction et la rectification de celui-ci, mais
que leparagraphe 63de l'arrêtde 1974visait plutôt à permettre un réexa-
men ultérieur de l'objet de l'affairedans certaines circonstances unique-
ment; que la Cour n'avait aucune raison de limiter à dix ans, comme le
prévoit expressémentl'article61,l'engagement prispar la France. Pour la
Nouvelle-Zélande,la Cour, au paragraphe 63, envisageait non pas une
revision, mais la possibilitéd'une procédure dérivéedistincteu'elleavait
expressément autoriséedans son arrêtde 1974.
La Nouvelle-Zélandea fait valoir aussi que, par suite de l'évolutiondu
droit, rien ne permet actuellement de supposer que les essais souterrains
sont licites; qu'au contraire le droit international en général et la conven-

tion de Nouméaen particulier imposent à la France l'obligation de ne
pas contaminer l'environnement par des substances radioactives.

Selon la Nouvelle-Zélande, la convention deNouméadu 25 novembre
1986 (à laquellela Nouvelle-Zélande et laFrance, entre autres Etats, sont
parties) traite de la protection des ressources naturelles et de l'environne-
ment de la régiondu Pacifique Sud, et son article 12est ainsi libellé:

«Les Parties prennent toutes les mesures appropriéespour préve-
nir, réduireet combattre la pollution de la zone d'application de la
convention qui pourrait résulter de l'expérimentation d'engins
nucléaires.
La Nouvelle-Zélandeestime qu'avant d'entreprendre des essais nu-

cléaireslaFrance a l'obligation de procéderà une évaluationde l'impact
sur l'environnement conformément àl'article 16de la convention, afin de
déterminersileseffetsde cesessais sont acceptablespour l'environnement
local et de s'assurer qu'ils nedonneront lieu à l'introduction d'aucuneresult of those tests. New Zealand maintains that France has not carried
out such an assessment, or that there is no available evidence to show
that it has done so.
New Zealand contends that apart from France's obligation under the
Noumea Convention to carry out an Environmental Impact Assessment
of the proposed underground nuclear tests, it is also obliged under cus-
tomary international law to carry out such an assessment in relation to
any activity which is likely to cause significant damage to the environ-
ment, particularly where such effects are likely to be transboundary in
nature. In its view, nuclear tests,ecause of their significant deposits of
radioactive material which could be released into the immediate marine
environment, must be preceded by such an assessment. That obligation,
according to New Zealand, is founded on concordant State practice, the
1987UNEP Goals and Principles of Environmental Impact Assessment,

Articles 205 and 206 of the 1982United Nations Law of the Sea Conven-
tion, the 1985ASEAN Agreement, the European Community Environ-
ment Assessment Directive, the 1989World Bank Operational Directive,
the 1991Espoo Convention, the 1991Protocol on EnvironmentalProtec-
tion to the Antarctic Treaty and the 1992 Convention on Biological
Diversity, as well as the Euratom Treaty, al1of which serve as a legal
basis and as an illustration of the international standards accepted by
France as applicablein this sphere of activity. New Zealand submits that
France's refusa1to carry out such a procedure for this class of activity is
illegal.

As further evidenceof the general obligation on France to conduct an

Environmental Impact Assessment,New Zealand refers to Principle 21 of
the Stockholm Declaration on the Human Environment and Principle 2
of the Rio Declaration on Environment and Development of 1992,
which takes the form of a binding treaty for the South Pacific region in
Article 4 (6) of the Noumea Convention, which provides that:

"Each Party shall ensure that activities within its jurisdiction or
control do not cause damage to the environment of other States or
of areas beyond the limits of its national jurisdiction."

It is also part of New Zealand's case that the introduction of radio-
activematerial into the oceans is a matter of specialconcern to the inter-
national cornrnunity, and calls for the most extensive, if not absolute,

prohibition. This principle, says New Zealand, is recognized by France
both in terms of Agenda 21, paragraph 22.5 (c), of the 1992 United
Nations Conference on Environment and Development and in Article 10matièreradioactive dans l'environnement. La Nouvelle-Zélandesoutient
que la France n'a effectuaucuneévaluationde ce type, ou tout au moins
que rien ne prouve qu'elleen ait effectuéune.
La Nouvelle-Zélandesoutient qu'indépendammentde l'obligation qui
incombe à la France, en vertu de la convention de Nouméa,de procéder
à une évaluation de l'impact sur l'environnement des essais nucléaires
souterrains envisagés,la France est aussi tenue, en vertu du droit inter-
national coutumier, d'effectuer une telle évaluationà propos de toute
activitéde nature à causer un dommage significatif à l'environnement,

notamment lorsque le dommage risque d'avoir un caractère transfron-
tière. Pour la Nouvelle-Zélande,cette évaluation doit précéderles essais
nucléaires, euégard à l'importance des dépôtsde matières radioactives
susceptibles d'être libéréesns le milieu marin immédiat. Cette obliga-
tion est fondéeselon elle sur une pratique concordante des Etats, ainsi
que sur les buts et principes de l'évaluationde l'impact sur l'environne-
ment énoncés par leProgramme des Nations Unies pour l'environnement
(PNUE) en 1987, lesarticles 205 et 206 de la convention des Nations
Unies sur le droit de la mer de 1982,l'accord de l'Association desnations
de l'Asie du Sud-Est (ANASE) de 1985,la directive des Communautés
européennes concernant l'évaluationdes incidences de certains projets
publics et privéssur l'environnement, la directive opérationnelle de la
Banque mondiale de 1989,la convention d7Espoode 1991,le protocole
de 1991au traité sur l'Antarctique,relatifla protection de l'environne-

ment, la convention de 1992sur la diversité biologiqueet le traité insti-
tuant l'Euratom; c'est là le fondement juridique et l'illustration des
normes internationales que la France reconnaît comme applicablesdans
ce domaine d'activité. La Nouvelle-Zélande affirme que le refus par la
France de mener àbien cetteprocédurepour ce type d'activitéest illicite.
A titre de preuve supplémentairede l'obligation généralequi incombe
à la France d'effectuer uneévaluationde l'impact sur l'environnement,la
Nouvelle-Zélandeinvoque le principe 21 de la déclarationde Stockholm
sur l'environnement ainsi que le principe 2 de la déclarationde Rio de
1992 sur l'environnement et le développement,et souligne que pour la
région du Pacifique Sud le principe revêtla forme d'une obligation
conventionnelle contraignante, leparagraphe 6 de l'articlee la conven-
tion de Nouméaétantainsi libellé:

((Chaque partie doit faire en sorte que les activitésexercéesdans
les limites de sa juridiction ou sous son contrôle ne causent pas de
dommage à l'environnement dans d'autres Etats ou dans des zones
situéesau-delà des limites de sa juridiction nationale.

La thèse de la Nouvelle-Zélande esten outre que l'introduction de
matières radioactives dans les océansest particulièrement préoccupante
pour la communauté internationale et qu'elle doit faire l'objet d'une
interdiction extrêmementrigoureuse, voire absolue. Ce principe, selon la
Nouvelle-Zélande, est reconnu par la France dans le cadre tant du
paragraphe 22.5 c) du programme Action 21, adopté par la conférenceof the Noumea Convention whereby: "The Parties agree to prohibit the
dumping of radioactive wastes or other radioactive matter in the Conven-
tion area."

In sum, New Zealand maintains that France has accepted stringent
requirements - which have now become law - which prohibit it from
introducing radioactive material into the marine environment, and even
prohibit the storage of radioactive wastes (including the produce of
nuclear tests) unless there is compelling evidence to the effect thatsuch

storage will not lead to the introduction of radioactive material into the
marine environment.
Another of the legal bases cited for its claim that France will be in
breach of international law with the resumption of testing derives from
the binding Treaty BanningNuclear Weapon Testing in the Atmosphere,
in Outer Space and Under Water, of 5 August 1963,which proclaims in
its preamble the objective of States "to achieve the discontinuation of al1
test explosions of nuclear weapons for al1time" and the desire "to put
an end to the contamination of man's environment by radioactive sub-
stances".

New Zealand is of the conviction that contemporary international law
does not countenance the continuance of nuclear testing which causes
radioactivecontamination of the environment outside the territory of the
testing State.

In summing up its response to the question posed by the Court, New
Zealand maintained that since 1974the situation had changed so radi-
cally as to have materially affected the basis of the Judgment; that such
changes had struck at the rationale on which the case was barred from
proceeding in 1974 so as to warrant its resumption in 1995; that the
Court's assumption that the cessation of atmospheric testing would pro-
tect New Zealand's right had been affected by further evidence in 1995
when France resumed underground testing in the South Pacificregion of
Mururoa and Fangataufa and that this would have had potentially
adverse and detrimental effects on those atolls.

New Zealand submitted that the conditions for resuming the case have
accordingly been met; that there is now real evidencethat New Zealand's
original concerns that there should be no contamination of the marine

environment have been reactivated by the underground testing carried
out by France, and that the evidence of risk is compelling.

Responding to the question posed by the Court as to whether the
Request by New Zealand fell within the provisions of paragraph 63 of
the 1974Judgment, France argued that there was no case in the legal
sensein terms of the Statute and Rules of Court. France stated that there
was a fundamental difference between the Nuclear Tests (New Zealand
v. France) case of 1973 and the Request of 1995.The 1974Judgment,des Nations Unies sur l'environnement et le développement de1992,que
de l'article 10 de la convention de Nouméa, ainsi libellé:«Les parties
conviennent d'interdire l'immersion de déchetsradioactifs ou autres
matières radioactives dans la zone d'application de la convention. ))
En somme, la Nouvelle-Zélandesoutient que la France a accepté des
obligations rigoureuses - qui sont désormaisdevenues le droit - qui lui
interdisent d'introduire des matières radioactives dans le milieu marin et
qui prohibent mêmele stockage de déchetsradioactifs (y compris le pro-
duit des essais nucléaires),àmoins qu'il ne soit établien toute certitude
que l'opération n'aura paspour résultat de faire pénétrerdes matières

radioactives dans le milieu marin.
Un autre moyenjuridique invoquépar la Nouvelle-Zélandepour affir-
mer que la France contreviendra au droit international en reprenant les
essais découledu traité du 5 août 1963 interdisant les essais d'armes
nucléairesdans l'atmosphère, dans l'espace extra-atmosphérique et sous
l'eau, dont les dispositionssont obligatoireset qui énonceen son préam-
bule l'objectifque se fixentlesEtats «d'assurer l'arrêt de toutesles explo-
sions expérimentales d'armes nucléaires à tout jamais» et leur désir«de
mettre un terme à la contamination du milieu ambiant de l'homme par
des substancesradioactives B.
La Nouvelle-Zélande estconvaincueque le droit international contem-

porain n'autorise pas la poursuite d'essaisnucléairesqui provoquent une
contamination radioactive de l'environnement en dehors du territoire de
1'Etatqui procède aux essais.
En résumantsa réponse àla question poséepar la Cour, la Nouvelle-
Zélandea conclu que depuis 1974la situation avait subi des changements
tels que le fondement de l'arrêt était substantiellementremis en cause;
que ces changements avaient affectéle motif qui avait empêché l'affaire
de sepoursuivre en 1974,etqu'ils justifiaientdonc sa reprise en 1995;que
le postulat de la Cour selon lequel la cessation des essais en atmosphère
protégeraitles droits de la Nouvelle-Zélandeavait étéremis en cause par
des éléments nouveaux apparus en 1995lors de la reprise par la France
des essaissouterrains à Mururoa et à Fangataufa dans la régiondu Paci-

fique Sud, et que cesessais auraient des effetspotentiellement nuisibles et
dommageables sur ces atolls.
La Nouvelle-Zélandea fait valoir que lesconditions de reprise de l'ins-
tance étaient doncremplies, qu'ilétait désormaisvéritablementétabq liue
les préoccupations initiales de la Nouvelle-Zélande, soucieuse d'éviter
toute contamination du milieu marin, avaient étéravivéespar les essais
souterrains effectuéspar la France et que le risque était attestépar des
meuves décisives.
Dans sa réponse à la question poséepar la Cour quant au point de
savoir si la demande de la Nouvelle-Zélandeentrait dans les prévisions
du paragraphe 63 de l'arrêt de1974,la France a fait valoir qu'iln'yavait

pas d'affaire au sens juridique, en vertu du Statut et du Règlement de
la Cour. Selon elle, il avait une différencefondamentale entre l'affaire
des Essais nucléaires(Nouvelle-Zélandec. France) de 1973et la demandeaccording to France, related to nuclear tests producing effects in New
Zealand, Niue, the Cook Islands and Tokelau and not to the South
Pacific region as a whole, whereas the 1995Request concerns the marine
environment of the South Pacific region.
France further argued that the Request by New Zealand did not meet
the provisions of the Statute - especially Article 40 - nor did the
Request fa11under Articles 60 or 61 of the Statute relating respectivelyto
an application for interpretation or a request for a revision of the Judg-
ment. France alsocontended that the 1974Judgment could not have con-
templated underground testing, since that type of testing was not in issue
at the time.

It further argued thatsince the law invoked by New Zealand was new
law, that law would require a new case, but that as New Zealand had
submitted that the Request was not a new case, there was no procedural
foundation for the Request to stand on; that the Court therefore had no
statutory basis on which to pronounce on New Zealand's Request; that
New Zealand's Request, therefore, did not fa11within the provisions of
paragraph 63 of the 1974Judgment.

France also contended that the Judgment excluded New Zealand's
broader concerns as the Court had the right and duty to identify the
object of the claim. France suggested that what the Court contemplated
in paragraph 63 was a hypothetical future examination of the case, and
New Zealand's interpretation of that text as enablingit to reopen the case
was a misreading of the paragraph.
France also contested the scientific evidence presented by New Zea-

land, saying that the level of radioactivity found in the atolls was the
same as was to be found in far-awaycountries and regions, and that New
Zealand had not been affected by radioactivity emanating from the
nuclear tests; nor had the continuation of the tests had any effectson the
environment.
It asserted that fracturing as a result of the tests on the atolls was nor-
mal, and that there was no risk of geological disaster; that, after twenty
years of testing, radioactivity in the environment of Mururoa was slight.

As far as the relevant Conventions requiring certain actions to be
taken, France stated that it had contributed greatly to the development
of the law; that hazardous wastes and underground tests are not one and
the same thing; that France has complied with the precautionary prin-
ciple and was complying fully with the international law of the environ-

ment.
France rejected the res ipsa loquitur principle which New Zealand
had advanced regarding the burden of proof and maintained that such
burden rested upon New Zealand.
France submitted that the Request of New Zealand neither fell within
the terms of paragraph 63 nor met the conditions set therein.de 1995.En effet, l'arrêt renduen 1974concernait des essais nucléaires
produisant des effets en Nouvelle-Zélande, à Nioué, auxîles Cook et à
Tokélaou, etnon la régiondu Pacifique Sud dans son ensemble,alors que
la demande de 1995portait sur le milieu marin de cette région.
La France a fait valoir par ailleurs que la demande de la Nouvelle-
Zélande n'était pas conforme aux dispositionsdu Statut, notamment à
l'article 40, et qu'elle nerelevait pas non plus des articles 60 ou 61 du
Statut relatifs respectivementà une demande en interprétation et à une
demande en revision de l'arrêt.La France a soutenu aussi que l'arrêtde
1974n'avait pu envisager des essais souterrains, ce type d'essais n'étant
pas en cause a l'époque.

Elle a fait valoir en outre que, le droit invoquépar la Nouvelle-Zélande
étant un droit nouveau, il ne pourrait êtreexaminéque dans le cadre
d'une nouvelleaffaire, mais que la Nouvelle-Zélandeayant affirméque sa
demande n'introduisait pas une affaire nouvelle cette demande ne repo-
sait sur aucun fondement de procédure; que, dèslors, aucune base sta-
tutaire ne permettait à la Cour de se prononcer sur la demande de la
Nouvelle-Zélandeet que, par suite, cette demande n'entrait pas dans les
prévisionsdu paragraphe 63 de l'arrêt renduen 1974.
La France a soutenu aussi que l'arrêt avaitexclu les préoccupations
plus larges de la Nouvelle-Zélande,la Cour ayant le droit et le devoir de
préciserl'objet de la demande. Selon la France, ce que la Cour envisa-
geait au paragraphe 63était unexamen hypothétiquefutur de l'affaire,et
c'étaitàtort que la Nouvelle-Zélandeinterprétaitce texte comme permet-

tant à la Cour de rouvrir l'affaire.
En outre, la France a contestéles preuves scientifiquesprésentées par
la Nouvelle-Zélande,en affirmant que le niveau de radioactivité constaté
dans les atolls étaitle mêmeque celui observédans des pays et régions
éloignésq, ue la Nouvelle-Zélande n'avaitpas ététouchéepar la radio-
activitédégagéepar les essais nucléaireset que la poursuite des essais
n'avait eu aucun effet sur l'environnement.
La France a affirméque lesfractures provoquéespar les essaisdans les
atolls étaient normales, qu'il n'y avait aucun risque de catastrophe géo-
logique et qu'aprèsvingt annéesd'essaisl'environnement de Mururoa ne
présentait qu'une faible radioactivité.
S'agissant des conventions pertinentes prescrivant que certaines me-
suressoient prises, la France a fait valoir qu'elleavait beaucoup contribué
au développementdu droit, que les essais souterrains n'étaient pas syno-

nymes de déchetsdangereux,que la France s'était conformée au principe
de précaution etqu'ellerespectait intégralementle droit international de
l'environnement.
La France a rejetéle principe res @saloquitur avancépar la Nouvelle-
Zélande concernant la charge de la preuve et soutenu que cette charge
incombait à la Nouvelle-Zélande.
La France a conclu que la demande de la Nouvelle-Zélanden'entrait
pas dans les prévisionsdu paragraphe 63 et ne remplissait pas non plus
les conditions énoncées dans ce paragraphe. The issue was thus joined as France, through its letter, aide-mémoire,
and its presentation during the oral hearings, attempted to show in every
material particular that the Requests of New Zealand had no legd-basis,
and also denied that the Court was competent to entertain the Request.

In my view, the Court took the right decision when it invited the two
States to inform it of their viewsas to whether the Requestssubmitted by
New Zealand fell within the provisions of paragraph 63 of the Court's
1974Judgrnentin the Nuclear Tests (New Zealand v-France) case. The
burden of establishing the legal basis of the Request rested upon New
Zealand, for it was New Zealand that had submitted the Request, and it
was for New Zealand to establish that the Request fell within the provi-
sions of paragraph 63.
In my considered opinion, the standard of proof the Court should have
applied as to whether New Zealand had established the legal basis of its

Request should have been on a prima facie basis.
It seemsto me that when it put the question for both States to address,
the Court was attempting to determine whether it was competent to
consider the main Request and the Further Request submitted by New
Zealand in which the Court was asked to indicate interim provisional
measures under Article 41 of the Statute to restrain France from resum-
ing underground nuclear testing in the South Pacific region.

New Zealand had advanced the argument that the Court's jurisdiction
to entertain both Requests was derived from paragraph 63 of the Judg-
ment. France contested this.
In the Nuclear Tests (New Zealand v. France) case in 1973-1974,New
Zealand had founded the jurisdiction of the Court on:

"(a) Article 17of the General Act of Geneva for the PacificSettle-
ment of International Disputes of 1928,in combination with
Articles 36 (1) and 37 of the Statute of the Court, and
(b) the declarations respectivelyof NewZealand and France under
Article 36 (2)- the optional clause - of the Statute, in com-
bination with paragraph 5 of the same Article." (Judgment,
1.C.J. Reports 1974,p. 509,para. 59,joint dissenting opinion.)

TheCourt ruled that theprovisions invoked by New Zealandappeared,
prima facie, to afford a basis on which itsjurisdiction might be founded
(Nuclear Tests (New Zealand v. France), Znterim Protection, Order of
22 June 1973,1. C.J. Reports 1973, p. 138).

Thus, when making its Order indicating provisional measures, the
Court applied the prima facie test inorder to determine a basis on which
itsjurisdiction might be founded.

In that Order the Court recalled that, by the terms of Article 41 of the
Statute, the Court might indicate interim measures of protection only L'instancea ainsi étéliéedèslors que la France, par sa lettre, son aide-
mémoireet ses exposésau cours de la procédure orale,s'est efforcéede
montrer dans le moindre détail queles demandesde la Nouvelle-Zélande
étaient dépourvuesde base juridique, en niant par ailleurs que la Cour
eût compétencepour connaître de la demande.
A mon avis, la Cour a eu raison d'inviter les deux Etats à lui faire
connaître leursvuessur lepoint de savoir si lesdemandesprésentées palra
Nouvelle-Zélandeentraient dans lesprévisionsdu paragraphe 63de l'arrêt
rendu par la Cour en 1974en l'affaire des Essais nucléaires(Nouvelle-

Zélande c. France). La charge d'établir le fondement juridique de la
demande incombait à la Nouvelle-Zélande,qui avait pris l'initiative dela
présenter, etil incombait aussià la Nouvelle-Zélande deprouver que sa
demande entrait dans les prévisionsdu paragraphe 63.
Tout bien considéré, je suis d'avisque la norme de preuve que la Cour
aurait dû appliquer pour décidersi la Nouvelle-Zélandeavait établile
fondementjuridique de sa demande était une norme prima facie.
Il me semble que lorsque la Cour a demandé auxdeux Etats de faire
connaître leurs vues sur la question, c'était dansle but de déterminersi
elleavait compétencepour examiner la demandeprincipaleet la nouvelle
demande, présentées par la Nouvelle-Zélande,dans laquellela Cour était
priéed'indiquer des mesures conservatoires en vertu de l'article 41 du
Statut tendant à ce que la France s'abstienne de reprendre des essais
nucléairessouterrains dans la régiondu Pacifique Sud.

La Nouvelle-Zélandea soutenu que la compétence dela Cour pour
connaître des deux demandes procédait du paragraphe 63 de l'arrêt,ce
que la France a contesté.
Dans l'affaire des Essais nucléaires(Nouvelle-Zélandec. France) de
1973-1974,la Nouvelle-Zélandeavaitfondélacompétencede la Cour sur:
«a) l'article 17de l'Actegénérad l e Genèvepour le règlement paci-
fique des différends internationaux de 1928, rapproché des

articles 36, paragraphe 1, et 37 du Statut de la Cour, et,
b) les déclarations faitespar la Nouvelle-Zélandeet la France en
vertu de l'article 36, paragraphe 2, c'est-à-dire de la clause
facultative du Statut, rapproché du paragraphe 5 du même
article))(arrêt,I.J. Recueil 1974,p. 509,par. 59, opinion dis-
sidente commune).

La Cour avait conclu que les dispositions invoquéespar la Nouvelle-
Zélandese présentaient comme constituant, prima facie, une base sur
laquelle la compétence dela Cour pouvait être fondée (Essais nucléaires
(Nouvelle-Zélande c. France), mesures conservatoires, ordonnancedu
22juin 1973, C.Z.J. Recueil 1973, p. 138).
Ainsi, lorsqu'elle a rendu son ordonnance en indication de mesures
conservatoires,la Cour a appliqué la norme prima facie pour déterminer
la base sur laquelle sa compétencepouvait être fondée.
Dans cette ordonnance, la Cour a rappeléqu'aux termes de l'article41
du Statut elle ne pouvait indiquer des mesures conservatoiresque si ellewhen it considered that circumstances so required in order to preserve the

rights of either Party; that New Zealand had alleged that the series of
French nuclear tests had added to radioactive fallout on New Zealand
territory, and that it had further contended that there was an immediate
possibility of a further atmospheric nuclear test being carried out by
France which would cause New Zealand harm. Taking these factors into
consideration, the Court ordered both Parties not to take any action
which might aggravate or extend the dispute submitted to the Court or
prejudice the rights of the other Party (I.C.J. Reports 1973, p. 142).
In recent years a settled case-law has emerged in the Court which
allows issues relating to incidental jurisdiction to be decided if title to
jurisdiction can be adduced and is not manifestly invalid, and if the
circumstances so require (case concerning Anglo-Iranian Oil Co.,
Interim Protection, 1.C.J. Reports 1951, p. 89, casesconcerning Fisheries
Jurisdiction (United Kingdom v. Iceland), Interim Protection and
FisheriesJurisdiction (Federal Republic of Germany v. Iceland), Interim

Protection, I.C.J. Reports 1972, pp. 12and 30).The Court has taken the
position that the mere fact that a State has challenged the basis of its
jurisdiction does not sufficeto prevent it from indicating interim meas-
ures of protection; nor need it come to the conclusion that where it has
jurisdiction to deal with the merits of a case it must decide whether to
grant interim provisional measures of protection.

Given the seriousness of the matter New Zealand has raised in its
Request, and the weight of the evidencepresented both in terms of facts
and the law, it is my considered opinion that it has clearly shown both
that its Request has a legal basis and that it falls within the provisions of
paragraph 63. Had the Court applied the appropriate standard of proof,
it would have come to the conclusion that New Zealand had established
a prima facie case for the Court not only to have granted its request for
the indication of provisional measures of protection, but to have assumed

jurisdiction to consider the merits of the Request.

With regard to France's contention that the Court lackedjurisdiction
to entertain the Request, New Zealand argued that the Court's jurisdic-
tion was derived from the 1974Judgment itself, when the Court in that
Judgrnent stated that :
"the Applicant could request an examination of the situation in

accordance with the provisions of the Statute; the denunciation by
France, by letter dated 2 January 1974, of the General Act for the
Pacific Settlement of International Disputes, which is relied on as a
basis ofjurisdiction in the present case, cannot constitute by itselfan
obstacle to the presentation of such a request" (I.C.J. Reports 1974,
p. 477, para. 63).
New Zealand agreed that its Request is not based on any of the pro-

visions of the Statute as such. However, its view of the Court's position DEMANDE D'EXAMEN (OP. DISS .OROMA) 374

estimait que les circonstances l'exigeaientpour sauvegarder les droits de
chacune des Parties; que la Nouvelle-Zélandeavait alléguéque la série
d'essais nucléaires réalisésar la France avait intensifiéles retombées
radioactives sur le territoire néo-zélandaiset qu'elle avait fait valoir en
outre qu'ilsepouvait que la France procédât immédiatement à un nouvel
essai atmosphérique qui serait nuisibleà la Nouvelle-Zélande.Compte
tenu de ces facteurs, la Cour a ordonné aux deux Parties d'évitertout
acte propre àaggraverou étendrele différenddont la Cour étaitsaisieou

à porter atteinte aux droits de l'autre Partie (C.Z.J. Recueil 1973,p. 142).
Ces dernières annéesest apparue une jurisprudence constante de la
Cour selon laquelle celle-cipeut se prononcer sur des questions relevant
de sa compétenceincidente si un titre de compétencepeut être produit
qui ne soit pas manifestement dépourvu de validité, et pourautant que
les circonstances l'exigent (affaire de'Anglo-Zranian Oil Co., mesures
conservatoires, C.I.J. Recueil1951,p. 89; affaires de la Compétenceen
matière de pêcheries(Royaume- Uni c. Islande), mesures conservatoires,
et Compétenceen matière depêcheries(Républiquefédéraled'Allemagne
c. Islande), mesures conservatoires, C.I.J. Recueil 1972,p. 12 et p. 30).
La Cour a estimé quele simplefait qu'un Etat contestela base de sa com-

pétencene suffit pas a l'empêcherd'indiquer des mesures conservatoires
et qu'ellen'a pasbesoin de conclurequ'ayant compétencepour examiner
une affaire au fond elle doit en conséquencestatuer sur la demande en
indication de mesures conservatoires.
Vu la gravité duproblème que soulevait la Nouvelle-Zélandedans sa
demande,et le poids des moyens tant de fait que de droit qui ont étpré-
sentés,je suis d'avis,tout bien considér, ue la Nouvelle-Zélandea clai-
rement démontré d'une part quesa demande avait une base juridique et
d'autre part qu'elle entrait dans les prévisionsdu paragraphe 63. Si la
Cour avait appliqué la norme de preuve appropriée,elle serait parvenue
à la conclusion que la Nouvelle-Zélandeavait établiprima facie une base

suffisante pour que la Cour non seulement fasse droit à sa demande en
indication de mesures conservatoires, mais se déclare aussicompétente
pour examiner la demande au fond.
En ce qui concerne l'argument de la France selon lequel la Cour
n'avait pas compétencepour connaître de la demande, la Nouvelle-
Zélandea fait valoir que la compétencede la Cour procédaitde l'arrêtde
1974lui-même,la Cour ayant prévudans cet arrêt que:

«le requérantpourrait demander un examen de la situation confor-
mémentaux dispositions du Statut; la dénonciationpar la France,
dans une lettre du 2janvier 1974,del'Actegénérap lour le règlement
pacifique des différendsinternationaux, qui est invoquécomme l'un
des fondements de la compétence dela Cour en l'espèce, nesaurait
en soi faire obstacle la présentation d'une telle demande)) (C.I.J.
Recueil1974, p. 477, par. 63).

La Nouvelle-Zélandea reconnu que sa demande n'était fondée sur
aucune disposition expressedu Statut. Toutefois, selonelle,la position dewas that, having regard to the manifest connection between the Request
and the terms of the 1974Judgment, the Court would receiveand process
that Requestmade to it in the same manner as it would any other request
or application made to it by a State party to the Statute.
It anticipated that the Court would then deal with the Request in a
procedurally predictable way, and that if France were to consider that
the Court lacked competence or jurisdiction to deal with the matter, it
would appear and so argue, with the Court either sustaining the objec-
tions, in which event the proceedings would come to an end, or rejecting
them, whereupon the case would proceed in the normal way. New Zea-
land argued that it was this kind of predictable procedure, based on the
Statute which the Court had contemplated and its subordinate Rules, to
which the Court in 1974was referring by the use of the words "in accord-
ance with the provisions of the Statute" in paragraph 63.
This explanation of the Court's intent in 1974appears cogent, reason-
able and persuasive. The Court had apparently envisaged a situation in
which New Zealand or any other State party might want to request an
"examination of a situation" affecting the Judgment, although New Zea-

land or those other States might not be in a position to do so as France
had disconnected its jurisdictional link with the Court.

To guard against such a contingency, the Court decided, using its
inherent powers, and in the interest of the administration ofjustice, that
thejurisdictional link which it had found to exist whenNew Zealand filed
its Application in 1973must be preserved and serve as the jurisdictional
link for a possible request for an examination of the situation, were the
basis of the Judgment to be affected.
As 1have stated, this argument seemsto me very plausible, for even if,
as France contends, the basis of the Court's Judgment related to France's
unilateral declarations with reference to atmospheric and underground
testing, if New Zealand or any other State had misconstrued the basis
and submitted a request, founding the Court's jurisdiction on para-
graph 63, France would have been obliged to present a forma1objection
to the Court, or the Court itself would have had to determine whether a
jurisdictional link existed.

Only after such a determination would the Court have been able to

decide whether or not any such link existed.The test to be applied by the
Court at this stage, in my view,should be the prima facie one, and if met
should have entitled the Court to assumejurisdictional title.
New Zealand contended that its Request should not be considered as
application for revision in accordance with Article 61of the Statute. This
position seems accurate to me, for it appears unlikely that the Court
would have contemplated a revision as the route whereby New Zealand
could come to the Court, given the conditions laid down in the Ar-
ticle which provides that such an application must be based on some new
fact of a decisive nature which was unknown to the Court and to thela Cour était que,vu le lien manifeste qui existait entre la demande et les
termes de l'arrêtde 1974, la Cour recevrait et traiterait cette demande
portée devantellede la mêmefaçon que toute autre demande ou requête
dont elle serait saisie par un Etat partie au Statut.
La Nouvelle-Zélandeprévoyait que la Cour traiterait alors la demande
suivant une procédureprévisible;si la France estimait quela Cour n'était
pas compétenteen l'espèce,elle comparaîtrait et ferait valoir ses moyens
en ce sens, après quoi la Cour soit retiendrait les exceptions, ce qui met-

trait un terme àl'instance, soit les rejetterait, auquel cas l'affairesepour-
suivraitnormalement. La Nouvelle-Zélandea fait valoir que c'estce type
de procédureprévisible,fondéesur le Statut envisagéen mêmetemps que
le Règlementqui en procède,qu'avait viséela Cour en 1974par les mots
((conformémentaux dispositionsdu Statut)) au paragraphe 63.

Cette explication de l'intention qui animait la Cour en 1974paraît per-
tinente, rationnelle et convaincante. La Cour avait apparemment envi-
sagéune situation dans laquelle la Nouvelle-Zélandeou tout autre Etat
partie pourrait vouloir demander l'«examen d'une situation)) remettant
en cause l'arrêt, alorsque la Nouvelle-Zélandeou cet autre Etat ne serait

peut-être pasen mesure de le faire vu que la France avait rompu son lien
juridictionnel avec la Cour.
Pour parer à cette éventualité, la Cour a décidé,dans l'intérêtde '
l'administration de la justice et en usant de ses pouvoirs inhérents,que le
lien juridictionnel dont elle avait constaté l'existence au moment où la
Nouvelle-Zélandeavait déposé sarequêteen 1973 devait êtrepréservé
pour s'appliquer à une éventuelledemande d'examen dela situation si le
fondement de l'arrêt étairtemis en cause.
Commeje l'ai dit, cette thèseme paraît toàtfait plausible; en effeà,
supposer même,comme la France le soutient, que le fondement de l'arrêt
de la Cour serapportât aux déclarationsunilatéralesde la France concer-
nant les essais atmosphériques et souterrains, si la Nouvelle-Zélandeou

tout autre Etat en avait fait une interprétation erronée et avaitprésenté
une demande en fondant la compétencede la Cour sur le paragraphe 63,
la France aurait ététenue de présenter uneexception formelle a la Cour,
ou la Cour elle-même aurait dû déterminerl'existenceéventuelled'un lien
juridictionnel.
C'est seulement après avoir ainsi procédéque la Cour aurait été à
mêmede déciders'ilexistait ou non un tel lien. A ce stade, il aurait fallu
à mon avis que la Cour applique le critèreprima facie lequel, s'ily avait
été satisfait, auraitpermis la Cour de présumerun titre de compétence.
La Nouvelle-Zélandea affirmé que sademande ne devait pas être
considérée comme unedemande en revision en vertu de l'article 61 du
Statut. Cette thèseme paraît exacte, car il est improbable que la Cour ait

envisagéla revision comme voie de sa saisine éventuellepar la Nouvelle-
Zélande,vu les conditions poséesdans cet article,à savoir que la revision
ne peut êtredemandéequ'en raison d'un fait nouveau de caractèredécisif
qui était inconnu de la Cour et de la partie qui demande la revision, etparty claiming revision, and since the Article precludes any application
for revision after ten years. 1 agree that there was no reason why the
Court would have wished to so restrict New Zealand or any other State
for that matter if the basis of the Judgment had been affected. Further-
more, paragraph 63did not anticipate the discoveryof newfacts but rather
provided for an examination of the subject-matter of the Judgment. It
is thus clear that New Zealand's Request cannot be debarred under
Article 61 of the Statute.

1, therefore, concur with the Court's finding that a special procedure
was envisagedin the event that the circumstances definedin paragraph 63
had arisen, in other words, circumstances which "affected7'the "basis" of
the Judgment.
The Court, according to its Order, has decided that the basis of the

Judgment delivered on 20 December 1974 in the Nuclear Tests (New
Zealand v. France) case has not been affected, and hence the "Request
for an Examination of the Situation" submitted by New Zealand does
not therefore fa11within the provisions of paragraph 63of that Judgment,
and cannot therefore give effect to it.
In reaching this conclusion, the Court has found that the basis of the
1974Judgment in the Nucleur Tests (New Zealand v. France) case was
France's undertaking not to conduct further nuclear tests in the atmos-
phere, and that it was in the event of a resumption of atmospheric
nuclear testing that the basis of the Judgment would have been affected,
which hypothesis has not materialized.
This reading of the Judgment, which is preferred by the majority of the
Members of the Court, whilerespectable, is not unassailable or free from
doubt. Any such doubts in the reading of the Judgment, given the nature
and gravity of the Request, should have been resolved in favour of the

State alleging that the basis of the Judgment had been affected.
In my view,the issue whether the basis of the 1974Judgment has been
affected is, to avery large extent, a question of fact. New Zealand has
stated that though the 1974Judgment was based on the French Govern-
ment's undertaking not to conduct any atmospheric nuclear tests, it
maintained that, in both its 1973Application instituting proceedings and
in its written submission, it relied upon concerns going beyond just
atmospheric testing. Its Application of 9 May 1973stated as follows:

"New Zealand asks the Court to adjudge and declare:
That the conduct by the French Government of nuclear tests in the
South Pacificregion that giverise to radio-activefall-out constitutes
a violation of New Zealand's rights under international law, and
that these rights will beviolated by any further such tests." (I.C.J.
Reports 1974, p. 460, para. 11 ; emphasis added.)

In its Application also filed on 9 May 1973,étantdonné que l'articleexclut toute demande de revision aprèsl7expira-
tion d'un délaide dix ans. J'estime moiaussi que la Cour n'avait aucune
raison de vouloir imposer une telle restrictionàla Nouvelle-Zélande, ni
d'ailleursàun quelconque autre Etat dans cecontexte, si lefondement de
l'arrêt étairtemis en cause. En outre, le paragraphe 63 n'envisageait pas
la découvertede faitsultérieursmais prévoyaitau contraire un examen de
l'objet mêmede l'arrêt. Il est donc évidentque la demande de la Nou-
velle-Zélandene pouvait pas êtrerejetéepar application des dispositions
de l'article 61 du Statut.
Je souscris donc à la conclusion de la Cour selon laquelle une procé-
dure spécialeétaitenvisagée,au cas où se produiraient les circonstances
définiesau paragraphe 63, c'est-à-dire descirconstances ((remettant en

cause» le «fondement» de l'arrêt.
Dans son ordonnance, la Cour a décidéque le fondement de l'arrêt
rendu le 20 décembre1974en l'affaire des Essais nucléaires(Nouvelle-
Zélande c. France) n'avait pas étéremis en cause, que dès lors la
((Demande d'examen dela situation)) présentéepar la Nouvelle-Zélande
n'entrait pas dans les prévisionsdu paragraphe 63 de l'arrêt et quepar
suite elle ne pouvait lui donner effet.
Pour parvenir àcetteconclusion, la Cour a estiméque le fondement de
l'arrêt renduen 1974en l'affaire desEssais nucléaires(Nouvelle-Zélande
c. France) étaitl'engagementpris par la France de ne plus procéder à des
essais nucléaires en atmosphère, et que c'est dans l'hypothèse d'une
reprise des essais nucléaires enatmosphère que le fondement de l'arrêt
aurait étéremis en cause, hypothèse qui ne s'estpas réalisée.
Cette interprétation de l'arrêt quia la préférence dela majorité des

membres de la Cour est certes respectable, mais ellen'exclutni la critique
ni le doute. Or tout doute éventuelà cet égardaurait dû, vu la nature et
la gravitéde la demande, êtrerésolu enfaveur de 17Etatqui allègue quele
fondement de l'arrêta étéremis en cause.
A mon avis, le point de savoir si lefondement de l'arrêtde 1974a été
remis en cause est très largement une question de fait. La Nouvelle-
Zélandea dit que, bien que l'arrêtde 1974ait été fondé surl'engagement
du Gouvernement français de ne pas procéder à des essaisnucléairesen
atmosphère,elle avait fait valoir, tant dans sa requête introductived'ins-
tance de 1973que dans ses conclusions écrites, despréoccupations qui
n'étaient paslimitéesaux essais atmosphériques. Sa requêtedu 9 mai
1973étaitainsi libellée:

«La Nouvelle-Zélande priela Cour de dire et juger que les essais
nucléairesprovoquant des retombéesradioactives effectuéspar le
Gouvernement français dans la régiondu Pacifique Sud constituent
une violation des droits de la Nouvelle-Zélandeau regard du droit
international et que cesdroits seront enfreints par tout nouvel essai.
(C.I.J. Recueil 1974, p. 460, par. 1;les italiques sont de moi.)

L'Australie, dans une requêtedéposéeégalemen t 9mai 1973,s'expri-
mait en ces termes : "The Government of Australia asks the Court to adjudge and
declare that . . .the carrying out of further atmospheric nuclear
weapon tests in the South Pacific Ocean is not consistent with appli-
cable rules of international law.
And to Order

that the French Republic shall not carry out any further such tests."
(I.C.J. Reports 1974, p. 256, para. 11 ;second emphasis added.)
Itcan be seen that despite the similarity of the two Applications, New
Zealand's concerns were not limited to nuclear atmospheric testing; they
were wider. Evidently, even though the two Applications were similar,
the Court decided to deal separately with the two actions, presumably
because they were not identical. But as the Court's Order now states:

"having consideredthe Application ofAustralia, the Court employed
in paragraph 60 of that Judgment a form of words identical to the
one used in paragraph 63 of the Judgment in the Nuclear Tests
(New Zealand v. France) case and adopted, in both Judgments,
operative parts with the same content" (para. 58).

The Court stated that its decision was reached after it had ascertained
the true subject of the dispute, and the object and purpose of the claim,
taking account not only of the submission, but of the Application as a
whole, the arguments of the Applicant before the Court, and other docu-
ments referred to.
Responding to this position taken by the Court in reaching its deci-
sion, New Zealand had stated that the 1974 Judgment conclusively
decided only two things, namely, that the French statements of intention
in relation to atmospheric testing were obligations binding in interna-
tional law and that, since the Court had concluded from official New

Zealand statements that those commitments met and matched New Zea-
land's primary concern, the case no longer had any object.

In my view, New Zealand's contention is correct, namely, that there
was no resjudicata in respect of the issuesraised in its 1973Application,
and that the words "if the basis of this Judgment were to be affected"
gave it the right to return to the Court; a right that would be activated if
a factor underlyingthe Court's Judgment of 1974ceased to be applicable
on account of future conduct by France. New Zealand further contends
that the basis of the Judgment should not be taken to refer solely to
France's undertaking to cease further atmospheric testing.

My own reading of paragraph 63 is that, the Court in its 1974 Judg-
ment having taken into consideration the circumstances then prevailing,
namely, atmospheric tests in the Pacific, Australia's concerns about

atmospheric tests, as well as the New Zealand Application, France's
commitment to cease atmospheric testing led the Court to believe that DEMANDE D'EXAMEN (OP. DISS. KOROMA) 377

«Le Gouvernementaustralienprie la Cour de direetjuger que ...
la poursuite des essais atmosphériques d'armesnucléaires dans

l'océan PacifiqueSud n'estpas compatible aveclesrèglesapplicables
du droit international et
Ordonner
à la République française de ne plus faire de tels essais.» (C.I.J.

Recueil 1974, p. 256, par. 11; les deuxièmesitaliques sont de moi.)
On voit donc que, malgréla ressemblance des deux requêtes,les pré-
occupations de la Nouvelle-Zélande n'étaient pas limitéesaux essais
nucléairesatmosphériques;ellesétaientplus larges. Evidemment,en dépit

des traits communs aux deux requêtes,la Cour a décidé de lestraiter sépa-
rément,probablement parce qu'elles n'étaientpas identiques. Aux termes
de sa présenteordonnance la Cour déclarecependant:
((qu'après avoirexaminéla requêtede l'Australie, la Cour a utilisé,
au paragraphe 60 dudit arrêt,un libelléidentique à celui du para-

graphe 63 de l'arrêt renduen l'affaire des Essais nucléaires(Nou-
velle-Zélandec. France) et qu'elle a adopté, dans les deux arrêts,
des dispositifs de la mêmeteneur» (par. 58).
La Cour a indiquéqu'elleavait pris sa décisionaprès s'être assurée de

l'objetvéritabledu différend,ainsique de l'objetet du but de la demande,
en prenant en considérationnonseulementlesconclusions du demandeur
mais l'ensemble dela requête,lesargumentsqu'il avait développéd sevant
la Cour et les autres documents dont il avait été faitétat.
En réponse à la position ainsi prise par la Cour pour parveniàsa déci-
sion, la Nouvelle-Zélandea fait valoir que l'arrêtde 1974n'avait statué
de manière décisiveque sur deux points, à savoir que les déclarations
d'intention de la France à propos des essaisen atmosphère avaient créé
des obligations internationales et que, la Cour ayant déduit de déclara-
tions officiellesde la Nouvelle-Zélandeque ces engagements répondaient

et correspondaient à la principalepréoccupation néo-zélandaisel,'affaire
ne comportait plus d'objet.
A mon avis, la Nouvelle-Zélandea raison de dire qu'il n'y avait pas
chosejugéequant aux questions soulevéesdans sa requêtede 1973,que
l'expression «si le fondement du présent arrêtétaitremis en cause» lui
donnait le droit de revenir devant la Courz etAaue ce droit serait activési
un facteur sur lequel reposait l'arrêt rendupar la Cour en 1974cessait
d'être applicable par suitede la conduite future de la France. En outre,
selon la Nouvelle-Zélande,le fondement de l'arrêtne devait pas être

interprétécomme visant exclusivementl'engagement dela France de ces-
ser les essais atmosphériques.
Selon moi, le sens du paragraphe 63 est que la Cour, ayant pris en
considération dans son arrêtde 1974 l'ensemble des circonstances qui
existaient alors,à savoir les essais atmosphériques dans le Pacifique, les
préoccupationsde l'Australie quant aux essais atmosphériques,ainsi que
la requêtede la Nouvelle-Zélande,a cru pouvoir déduiredel'engagementcessation of atmospheric testing would end contamination of the envi-
ronment by radioactive material.

The Court thus believed itselfto meet New Zealand's primary concerns
as far as it related to atmospheric testing, but its wider concerns relating
to radioactive fallout from nuclear testing remained. New Zealand's
reading of an implied understanding that underground testing would not
result in radioactive contamination is not therefore without considerable
merit.

It thus seems to me that New Zealand was not contesting that atmos-

pheric testing constituted the object of the 1974Judgrnent; what it now
contends is that the object has been affected by radioactive fallout result-
ing from underground testing. The Court, in my view, should have given
more careful consideration to this construction of the Judgrnent, while
taking into account New Zealand's originalApplication and the evidence
presented with the Request.
New Zealand had informed the Court that there is now a growing
body of scientificevidence pointing to the potentially adverse and detri-
mental effects of underground testing in the South Pacific region of the
Mururoa and Fangataufa atolls, and showing that contamination of the
marine environment is a real risk. It seemsto me that this would serveas
evidencerelating to the basis of the 1974Judgment. What New Zealand
complained about in 1973was the radioactive effectsof testing, and if the
assumption then made that underground testing produces no radioactive
effects no longer holds true, then, in my opinion, the basis of the 1974

Judgment must have been affected.There is merit in the contention that
the 1974Judgment met the concerns - including New Zealand's - in
relation to atmospheric testings. However, as radioactive contamination
is now said to be caused by underground testing, this, if proved, would
seem to affect the basis of the Judgment, and would entitle a party to
make use of the channel provided by paragraph 63 as New Zealand has
done.

With reference to the law, New Zealand alleged that France is in
breach of international law, both conventional and customary, by failing
to comply with its obligation not to introduce radioactive material into
the environment.
Under contemporary international law, there is probably a duty not to
cause gross or serious damage which can reasonably be avoided, together
with a duty not to permit the escape of dangerous substances.This trend
is reflected in treaties such as the Moscow Treaty of 1963 Banning

Nuclear Weapon Testing in the Atmosphere, in Outer Space and Under
Water (about 130 States are now parties to this Treaty, according to
which they undertake to prohibit, prevent and not to carry out any
nuclear weapon test explosions at any place under their jurisdiction or
control in the atmosphere, including outer space, or under water, includ-de la France de cesser ses essais en atmosphère que cette cessation met-
trait fin la contamination de l'environnement par des matières radio-
actives.
La Cour a cru ainsi répondre aux principales préoccupations de la
Nouvelle-Zélande concernant les essais atmosphériques, mais les pré-
occupations plus générales decelle-ci quant aux retombéesradioactives
des essais nucléairesdemeuraient. L'interprétation de la Nouvelle-
Zélandeselon laquelle il étaitimplicitement entendu que les essais sou-
terrains ne provoqueraient pas de contamination radioactive est donc
loin d'être dépourvue de fondement.

Il me semble donc que la Nouvelle-Zélanden'a pas contesté queles
essais atmosphériques constituaient l'objet de l'arrêtde 1974; ce qu'elle
soutientaujourd'hui,c'est que cetobjet est remis en cause par les retom-
béesradioactivesimputables aux essais souterrains.A mon avis, la Cour
aurait dû examiner de plus près cette interprétation de l'arrêt,tout en
tenant compte de la requête initiale de laNouvelle-Zélandeet des élé-
ments de preuve produits àl'appui de la demande.
La Nouvelle-Zélandea expliqué àla Cour qu'il existaitaujourd'hui des
donnéesscientifiques de plus en plus nombreuses démontrant les effets
potentiellement nuisibles et dommageables des essais souterrains dans la
régiondu Pacifique Sud proche des atolls de Mururoa et de Fangataufa,
ainsi que la réalité du dangerde contamination du milieu marin. Il me
sembleque ce sont là des faits touchant au fondement de l'arrêtde 1974.

En 1973,la Nouvelle-Zélandefondait ses griefs sur les effets radioactifs
des essais; dèslors, si le postulat formulà l'époquequant à l'absence
d'effet radioactif des essais souterrains n'est plus valable, il en résulte
mon avis que le fondement de l'arrêtde 1974est nécessairementremis
en cause. ~'ar~ument selon lequel cet arrêtrépondait aux préoccupa-
tions, notamment celles de la Nouvelle-Zélande relatives aux essais
atmosphériquesn'estpas dépourvude valeur. Toutefois, puisque l'on dit
aujourd'hui que les essais souterrains provoquent une contamination
radioactive, ce fait, s'il étaitavéré,remettrait apparemment en cause le
fondement de l'arrêt et permettrait à une partie d'emprunter la voie
ouverte par le paragraphe 63, comme la Nouvelle-Zélandel'a fait.
Sur le terrain du droit, la Nouvelle-Zélandea alléguéque la France
avait enfreint le droit international, tant conventionnel que coutumier, en
ne respectant pas l'obligation qui est la sienne de ne pas introduire de

matièresradioactives dans l'environnement.
En vertu du droit international contemporain, il existe probablement
une obligation de ne pas causer un dommage grave ou sérieuxqui pour-
rait raisonnablement êtreévitéa,insi qu'un devoir de ne pas permettre la
fuite de substances dangereuses. Cette tendance est consacréedans des
instruments comme le traité de Moscou de 1963 interdisant les essais
d'armes nucléairesdans l'atmosphère, dansl'espaceextra-atmosphérique
et sous l'eau, auquel quelque cent trente Etats sont aujourd'hui parties.
Aux termes de ce traité,les Etats s'engagentà interdireà empêcheret à
s'abstenir d'effectuer toute explosion expérimentaled'arme nucléaireening territorial waters or the high seas), the 1967 Treaty on Principles
Governing the Activities of States in the Exploration and Use of Outer

Space, including the Moon and Other Celestial Bodies, and the 1971
Treaty on the Prohibition of the Emplacement of Nuclear Weapons and
Other Weapons of Mass Destruction on the Seabed and the Ocean Floor
and in the Subsoil Thereof, which have as their object the prevention of
radioactive contamination of the environmental areas to which they are
related. It is reflected in the United Nations Convention on the Law of
the Sea, Part XII of which is on the protection and preservation of the
marine environment.

Given this trend, itcan be argued that nuclear testing as such is not
only prohibited, but would be considered illegal if it would cause radio-
active fallout.
It is New Zealand's case that resumed French testing could produce
contamination of the Pacificmarine environment by artificial radioactive
material.
In my view the evidence, though not conclusive, is sufficient to show
that a risk of radioactive contamination of the marine environment may
be brought about as a result of the resumed tests. The Court should have

taken cognizanceof the legaltrend prohibiting nucleartesting with radio-
active effect, and it should have proceeded to an examination of the situ-
ation within the framework of the 1973 Nuclear Tests case. The Court
should alsohave indicated the interimmeasuresof protection as requested.
In the light of theabove considerations;the Court should have decided
that New Zealand's Request for an Examination of the Situation falls
within the provisions of the 1974Judgment and should have taken action
on it.
In pursuance of the New Zealand Request,the Australian Government
and the Governments of Samoa, Solomon Islands, the Marshall Islands
and the Federated State of Micronesia filed Applications for permission
to intervene.
The Australian Government applied under Article 62 of the Statute,
while Solomon Islands and Samoa each fileda documententitled "Appli-
cation for Permission to Intervene under Article 62lDeclaration of Inter-
vention under Article 63", and the Governments of the Marshall Islands
and the Federated States of Micronesia submitted similar documents.

In the Order, the majority of the Members of the Court stated that
since the "Request for an Examination of the Situation" submitted by
New Zealand did not fa11within the provisions of paragraph 63 of the
Judgment of 1974,the applications for permission to intervene also had
no object and could not be the subject of any action.
Since the States concerned, as well as New Zealand, face the risk of
radioactivefallout in the South Pacificregion, and in viewof the fact that DEMANDE D'EXAMEN (OP.DISS.KOROMA) 379

tout lieu relevant de leur juridiction ou de leur contrôle, dans l'atmo-
sphère, y compris l'espaceextra-atmosphérique, ou sous l'eau, y compris
les eaux territoriales ou la haute mer. Cette tendance est reflétéeaussi
dans le traitéde 1967sur les principes régissantles activitésdes Etats en
matière d'exploration et d'utilisation de l'espace extra-atmosphérique, y

comprisla Lune et les autres corps célestes etdans le traité de1971inter-
disant de placer des armes nucléaireset d'autres armes de destruction
massive sur le fond des mers et des océansainsi que dans leur sous-sol,
qui visent à prévenirla contamination radioactive des zones du milieu
naturel auxquelles ils s'appliquent. Elle trouve enfin son expression dans
la convention des Nations Unies sur le droit de la mer, dont la partie XII
traite de la protection et de la préservation du milieu marin.
Eu égard à cette tendance, on peut soutenir que les essais nucléaires
non seulement sont interdits en eux-mêmes,mais qu'ils seraient consi-
dérés commeillicites s'ilsprovoquaient des retombées radioactives.
La thèse de la Nouvelle-Zélande est que la reprise des essais par la

France pourrait provoquer une contamination du milieu marin du Paci-
fique par des matières radioactives artificielles.
A mon avis, les donnéesdisponibles,bien que non décisives, suffisent à
montrer que la reprise des essais créeun risque de contamination radio-
active du milieu marin. La Cour aurait dû prendre acte du courant du
droit qui interdit les essais nucléaires provoquant une contamination
radioactive,et elle aurait dû procédeà un examen de la situation dans le
cadre de l'affaire des Essais nucléairesde 1973. La Cour aurait dû aussi
indiquer les mesures conservatoiresqui lui étaientdemandées.
Vu lesconsidérationsqui précèdent,la Couraurait dû donner suite à la
demande néo-zélandaise d'examen dela situation après avoir conclu

qu'elle entrait dans les prévisions del'arrêtde 1974.

A la suite de la demande de la Nouvelle-Zélande, le Gouvernement
australien et les Gouvernements respectifs du Samoa, des Iles Salomon,
des Iles Marshall et des Etats fédérés de Micronésioent chacun déposé
une requête à fin d'intervention.
Le Gouvernement australien a invoqué l'article 62 du Statut, tandis
que les Gouvernements des Iles Salomon et du Samoa ont déposél'un et
l'autre un document intitulé ((Requête à fin d'intervention fondée sur
l'article 6- Déclaration d'intervention fondée sur l'article63», et que
des documentsanaloguesont été déposés, respectivemenpta ,r le Gouver-
nement des Iles Marshall et le Gouvernement des Etats fédérésdM e icro-

nésie.
Dans l'ordonnance, il a étédit par la majoritédes membres de la Cour
que puisque la ((Demande d'examen de la situation)) présentéepar la
Nouvelle-Zélanden'entrait pas dans les prévisionsdu paragraphe 63 de
l'arrêtde 1974, les requêtes à fin d'intervention étaient égalementsans
objet et qu'il ne pouvaity être donné suite.
Vu que les Etats intéressés, ainsique la Nouvelle-Zélande, sont con-
frontésau risque de retombées radioactives dans la régiondu Pacifiquethey are parties to the relevantmultilateral and regional conventions, it is
regrettable that they were not granted the opportunity to present their
views on the Request to the Court.
In view of the foregoing considerations, 1 am unable to associate
myself either with therder of the Court or with most of its findings.

(Signed A)bdul G. KOROMA. DEMANDE D'EXAMEN (OP.DISS.KOROMA) 380

Sud, et qu'ils sont parties aux conventions multilatérales et régionales
pertinentes, il est regrettable que la possibiliténe leur aaccordéeté
de faire connaître la Cour leurs vues sur la demande.
Eu égard aux considérations qui précèdentj,e ne peux souscrire ni

l'ordonnance de la Cour nià la plupart de ses conclusions.

(Signé) Abdul G. KOROMA.

Document file FR
Document Long Title

Opinion dissidente de M. Koroma (traduction)

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