Opinion individuelle de M. Shahabuddeen (traduction)

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091-19930913-ORD-01-02-EN
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OPINION INDIVIDUELLE DE M. SHAHABUDDEEN

[Traduction]

Je suis d'accord avecla décisionqu'a prise laCourde réaffirmer,voire
de souligner, l'applicabilité continue de l'ordonnance qu'elle a déjà
rendue à la dégradation de la situation humanitaire en Bosnie-Herzégo-
vine.Pourappuyercettedécision,je tiens àexpliquerci-aprèsmonraison-
nement sur certaines des questions qui,à mon avis, méritent que l'on
exerce le droit d'exposer une opinion individuelle conformémentà I'ar-
ticle 57du Statut de la Cour.

Forumprorogatum

Pour ce qui estduparagraphe 34de l'ordonnance, la baseconsensuelle
de la compétence de la Cour n'a guère besoin d'êtremise en relief. La

compétence surla base du forumprorogatumne fait pas exception à cet
égard. L'argument selon lequel la Yougoslavie a reconnu la compétence
de la Cour indépendamment de l'article IX de la convention sur le géno-
cidede 1948estfondésurlefaitque,dans lesobservationsécritesqu'ellea
soumisesle le'avril 1993au sujetdelapremièredemande enindication de
mesures conservatoiresprésentéepar la Bosnie-Herzégovine,la Yougo-
slaviea déclaréqu'elle ((recommande àla Cour d'indiquer..» certaines
autres mesures conservatoires. Cependant, au paragraphe 5 des mêmes
observationsécrites,la Yougoslavie a proposéque la Cour rejette lescinq
dernières des six mesures conservatoires alors sollicitées par la Bosnie-
Herzégovine

aétantdonné que ces mesures sortent du cadre de l'article IX de la
convention pour lapréventionet la répressiondu crime de génocide
et qu'en conséquencela Cour n'est pas compétente pour statuer à
leur égard».

Enoutre, auparagraphe 6decemêmedocument,la Yougoslavie a déclaré
à la Cour
qu'elle n'acceptepas sa compétencede connaître de toute revendi-
cation du demandeur sortant du cadre de la convention pour la
préventionetlarépressiondu crime de génocide.Celaestsanspréju-

dice dela décisionfinaledu Gouvernementyougoslave s'agissantde
devenir ou non partie au différend porté devant la Cour par la
Républiquede Bosnie-Herzégovine B.C'estainsiégalementque,lors de l'audience tenue Fe2 avril 1993au sujet
de la premièredemandeen indication de mesuresconservatoiresprésen-
téepar la Bosnie-Herzégovine,lecoagent par intérimde la Yougoslavie a
déclaréce qui suit:

6 La République fédérativede Yougoslavie ne consent à aucune
extension de la compétencede la Cour au-delà de ce qui est expres-
sément stipulédans la convention [sur le génocide]elle-même. »
(CR 93/13, p. 16,2 avril 1993,après-midi,M. Rosenne.)
Eu égard àcesdéclarationsdépourvuesd'ambiguïtéquant à laposition

fondamentale assuméepar la Yougoslavie au sujet dela compétencedela
Cour, la question qui sepose a trait la façon dont il faut interpréter,du
point de vue de la compétence, la demande en indication de mesures
conservatoiresprésentéepar la Yougoslavieelle-mêmele le'avril 1993.A
la lumièrede ces déclarations,dont deux ont été énoncée dsans le docu-
ment mêmedans lequel des mesures conservatoires ont été sollicitées il,
est difficiled'interpréter cettedemande comme reflétant une offre de la
Yougoslavie d'élargirla compétencede la Cour; il semble plus raison-
nable d'y voir une demande qui ne devrait être examinéeque dans la
mesure où la Yougoslavie considérait (àtort ou àraison) que lesmesures
conservatoires qu'elle sollicitait étaient indirectement pertinentes dans
le contexte de l'action intentée en vertu de l'article IX de la convention

sur le génocide,à supposerque cetteconvention fût en vigueur entre les
Parties. Comme il s'agitd'une question de consentement, c'estl'intention
de la Yougoslavie qui compte, et non le bien-fondéde sa thèsequant à la
pertinence de sa demande dans le contexted'un génocide. Il semble peu
probable que les mesures qu'elle sollicitait aient étéentendues par la
Bosnie-Herzégovinecommereflétantune intention de la Yougoslavie de
soulever des questionsne tombant pas sous le coup de l'article IX de la
conventionsur legénocide.La Bosnie-Herzégovinen'a pasalorsessayéde
soulever une question deforum prorogatum sur la base des mesures ainsi
sollicitéespar la Yougoslavie; conformément à la thèse qu'elle soutient
actuellement, celaaurait dû êtredanssonintérê pt ur faireéchec l'excep-

tion soulevée avecinsistance par la Yougoslavie à l'effet qu'il n'existait
aucune compétenceen dehors de celleconférée par la convention.
Laquestion àrésoudredans l'affairedel'Anglo-ZranianOilCo.,enréalité,
tenaità l'intention dans laquelle l'Iran avait soulevéses exceptions autres
que son exception préliminaireà la compétencede la Cour. Son intention
étaitque cesexceptionsne devaient êtreexaminéesque sison exception de
base concernant la compétencen'était pas accueillie;n conséquence,ces
exceptionsnepouvaientpas êtreinterprétées commeimpliquant unerecon-
naissance de ce à quoi elle objectait constamment (C.I.J. Recueil 1952,
p. 113-114).L'exceptionopposéepar laYougoslavie à toute compétenceen
dehorsdel'article IX delaconvention surlegénocideestsapositionfonda-
mentale. Cette exception, étantclaire et ayant été constamment invoquée,

ne pouvait pas raisonnablement êtreinterprétée,dansl'espritde la Yougo-
slavie, comme devant êtreneutraliséepar un autre élémentdu documentmêmedans lequel cette exception étaitsoulevée,ou en tout cas pas en
l'absence de termes qui auraient manifesté avec une clartétotalement
dépourvued'équivoque une intention aussicontradictoire. Parconséquent,
du point de vue de l'intention,je ne suis pas convaincu que la demande en
indication de mesures conservatoiresprésentéepar la Yougoslaviepuisse
êtretraitéed'une fagondifférentedes exceptionsde 1'Iran.
Dans l'affaire du Détroitde Corfou, exception préliminairle a, Cour a
relevéque l'Albanie avait,dans une lettre, accepté«en termes précis«la
juridiction de la Cour dans l'affaire présente» (C.I.J.Recueil1947-1948,

p. 27).Cela étant, la Cour a pu considérercette lettre comme constituant
une «acceptation volontaire, indiscutable,de la juridiction de la Cour»
(ibid.;les italiquessont de moi). La nécessitde faire preuve de clarténe
sauraitêtremoins impérieuselorsque,comme c'estle cas dans la présente
affaire, il n'existe aucune déclaration reconnaissant la juridiction de la
Cour «en termes précis». La conduite de la Yougoslavie ne peut pas, à
mon avis,êtreinterprétéceomme impliquantune acceptation indiscutable
delajuridiction dela Cour endehors decelleconférée par l'articleIXde la
conventionsur legénocidede 1948.L'exigenceabsolued'une preuve claire
du consentement explique suffisamment la conclusion de Fitzmaurice
selonlaquelle «dans lapratique,la Cour sembleavoir adoptéune attitude
extrêmementprudente et conservatricesur la question du forumproroga-
turn)),pour utile que ce concept puisse être(sir Gerald Fitzmaurice, The
LawandProcedure of the InternationalCourt, 1986,vol. II, p. 511).

Jugementprovisionnel

Auparagraphe 19de sesobservationsécritesdu 9août 1993concernant
la seconde demande en indication de mesures conservatoiresprésentée
par la Bosnie-Herzégovine,la Yougoslavie a faitvaloir que :
((Certaines des mesures conservatoires, comme celles viséesau
paragraphe 3 [concernantl'annexion ou l'absorption], ont le carac-
tère d'un arrêt. llesvisentà régleren droit l'objet du différend.Les
différends sontréglés par des arrêts,non par des mesures conserva-
toires.Usinede Chorzow,C.P.J.I.sérieA no12,p. 10.) »

Comme elle l'indique clairement,cetteaffirmation ne visait pas toutes
les mesures sollicitéespar la Bosnie-Herzégovine.A supposer toutefois
que la Yougoslavie invoque en fait la doctrine du jugement provisionnel
de l'affairede1'UsinedeChorzow àpropos de la demande enindication de
mesures conservatoiresprésentéepar la Bosnie-Herzégovinepour éviter
un génocide,il me semble que les limites de cette doctrine ont étéclaire-
ment démontréessi elle devait avoir pour effet de transformer la Cour

en un spectateur impuissant devant l'éventualité que ce crime soit
commis. Lajurisprudence de la Cour montrequetel ne peut pas êtrevrai-
ment le résultatde cette doctrine (voir les affaires desssaisnucléaires
(Australiec.France),mesuresconservatoires,C.I.JR .ecueil1973,p. 99; des
Essais nucléaires(Nouvelle-Zélande cF . rance),mesures conservatoires, C.I.J. Recueil1973,p. 135,et du Personneldiplomatiqueet consulairedes
Etats-Unis à Téhéran, mesures conservatoiresC , .I.J. Recueil 1979, p. 16,
par. 28).Dans les systèmesde droit interne, la proposition selonlaquelle
une ordonnance avant dire droit ne peut en aucune circonstance porter

sur lemêmeobjetquela demande principale ne s'applique pastoujours '.
L'idée qu'une mesure conservatoirepuisse avoir le même effetque la
mesure principale dont le prononcé est demandé est conceptuellement
distincte de l'idéedejugement provisionnel.Une mesure conservatoire a
pour but de sauvegarderledroitencauseen attendant lerèglementdéfini-
tif de l'affaire, tandis qu'un jugement provisionnel a pour but de donner
au demandeur une satisfaction provisoire en lui accordant un paiement
anticipéau titre d'une obligation qui est reconnue ou raisonnablement
claire mais qui n'est pas encore quantifiée avec précision.Certains sys-
tèmesjuridiques prévoientlapossibilitépour lejuge d'ordonner un paie-
ment provisionnel2. En revanche, comme la Cour permanente l'a fait
observer dans l'affaire de l'Usinede Chorzbw,une demande tendant en
réalitéà obtenir un jugement provisionnel «ne rentre pas dans lestermes

des dispositions du Statutet du Règlement ..»de la Cour (C.P.J.I. sérieA
no12,p. 10).
Dans cette affaire, l'Allemagne a effectivement utilisécertaines des
expressionsgénéralementemployéesdans le contexte des mesures conser-
vatoires.Il estclair cependantque, cequ'elle sollicitaitenréalit,'étaitun
jugement provisionnel au sens indiquéci-dessus. C'est ce qu'illustre la
prémissepar laquelle ellea ouvertson raisonnement, àsavoir «que leprin-
cipedel'indemnitéestreconnu etque cen'estquela limitesupérieuredela
somme à payer par le Gouvernement polonais qui est encore douteuse ..))
(ibid., p. 6). Telle était essentiellementla base sur laquelle l'Allemagne
demandait àlaCourdeprononcer uneordonnanceindiquant auGouverne-
mentpolonais qu'ildevait (payer au Gouvernement allemand àtitre provi-
soirela sommedetrente millions de Reichsmarksdans ledélaid'unmois a

dater de l'ordonnance demandée)) (ibid.,p. 10).C'est à juste titre que la
Cour arefusédefairedroit à cettedemande,n'ayanttout simplementpas un
tel pouvoir, Dans la présente affaire,et pour autant qu'une mesure conser-
vatoire sauvegarde véritablementles droits contestésen attendant l'arrêt
définitif,la possibilité qu'ellepuisse produire le mêmeeffet que celle
demaridéeauprincipal (encorequ'il s'agisse làd'uneconsidérationrelevant
du pouvoir discrétionnairede la Cour) ne l'exclut pas pour autant du
pouvoir que confère à la Cour l'article 41 de son Statut d'indiquer les
mesures conservatoires(voir E. Dumbauld, Interim MeasuresofProtection
inInternationalControversies, 1932,p1.63-164,etla discussiongénéralequi
figure dansJerzySztucki,InterimMeasuresintheHague Court:An Attempt
at a Scrutiny,1983,p. 93et suiv.).

Voir,en droit anglais,HalsburySLaws of England,4eéd.,p. 537-538,par. 953,et
Woodfordv.Smith,[1970]1Al1ER 1091n.et [1970]1 WLR806.
Voirpar exemple la situationen droit anglais,telle qu'exposée dansThe Supreme
CourtPractice1993,Londres,1992,vol. 1,Order29/9 et suiv. Les informationspubliéesdanslesmédias

Certaines critiques ont été formuléesar la Yougoslavie, motifpris de
cequelesmoyensdepreuveproduits par la Bosnie-Herzégovinecompre-
naient des nouvellesparues dans lesjournaux et desdéclarations faites à
la presse,àla radio etàla télévisionC. es moyens de preuve sont-ilsrece-
vableset, dans l'affirmative,dans quellemesure?
Il va de soi que la Cour est «liéepar les dispositions pertinentes de
son Statut et de son Règlement relativesau systèmede la preuve D (Acti-
vités militaires et paramilitairesu Nicaragua et contre celui-ci(Nica-
raguac.Etats-Unis dymérique),C.I.J.Recueil1986,p. 39,par. 59).Cepen-

dant, ces dispositions ont trait aux délaiset autres questions qui ont
pour but ((d'assurerune bonne administration de lajustice, dans le res-
pect de l'égalité desparties» (ibid.).Elles ne concernent pas les types
d'élémentsde preuve qui peuvent êtrejugés recevables ni les prin-
cipes sur la base desquels les éléments de preuve sont appréciéspar la
Cour.
Surcepoint, iln'existepas de règletechniquecomme cellesqui existent
dans laplupart dessystèmesde droitinterne (Sud-Ouestafricain,deuxième
phase, C.I.J. Recueil 1966, p. 430, opinion dissidente de M. Jessup;
BarcelonaTraction,Light and PowerCompany Limited, deuxièmephase,
C.I.J.Recueil 1970,p. 98,par. 58,opinion individuelle de sirGerald Fitz-
maurice, et ibid.,p. 215,par. 97, opinion individuelle de M. Jessup). Se
référantà cequela commonlawappellela ((meilleure»preuve, sirGerald
Fitzmaurice a fait observer, d'un ton lourd de sens, que«les tribunaux
internationaux ne sont pas liéspar des règlesaussi strictes, dont beau-
-coup ne conviennent pas à des litigesentre gouvernements»(ibid.,p. 98,
par. 58).

Dans l'affairedu Personneldiplomatiqueet consulairedes Etats-Unisà
Téhéran la, Cour a déclarce qui suit:

((La plupart des faits essentiels de l'affaire sontde notoriétépu-
blique et ont été largement évoqué dsans la presse mondiale ainsi
quedans desémissionsde radiodiffusion et detélévision de l'Iran et
d'ailleurs.(C.I.J. Recueil1980,p. 9,par. 12.)

La Coura noté en outrequ'ilavait été dia tu nom des Etats-Unis d'Amé-
riqueque ceux-ciavaientdû ((s'appuyersur lescomptesrendus desjour-
naux, de la radiodiffusion et de la télévisionpour étayerun certain
nombre desfaits rapportésdansle mémoire ..»(C.I.J.Recueil1980,p. 10,
par. 12;voir également C.I.J.MémoiresP , ersonneldiplomatiqueet consu-
lairedesEtats-Unis à Téhéran p., 192et suiv.etp. 329et suiv.).
Il est clair que la Cour a pris ces informations en considération. Ces
informationsavaient été communiquéesau Gouvernementiranien sans
que cegouvernementait opposéla moindre dénégation oumiseendoute

des faits allégué..» (C.I.J.Recueil1980,p. 10,par. 13). Il me semble
cependant que l'absence de dénégationpar l'Iran des faits allégués aitconcernéle poids à accorder à ces allégationset non leur recevabilité.

Certes, commela Cour l'adit ultérieurement,mêmequand detellesinfor-
mationsrépondent àune norme d'objectivité élevélea,Cour lesconsidère
«non pas comme la preuve des faits, mais comme des éléments qui

peuventcontribuer, dans certainesconditions, à corroborerleur exis-
tence,à titred'indices venants'ajouteà d'autres moyens depreuve »
(Activitésmilitaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci
(Nicaragua c. Etats-Unis dümérique), C.I.J. Recueil 1986, p. 40,
par. 62,et ibid.,opinion dissidente de M. Schwebel,p. 324).

Cette utilisation limitéequi en est faite ne rend pas les informations en
question moins recevables, mais il s'agit d'une considérationdont il y a
lieu de prendre soigneusement note.
Si les informations publiées par les médias sont admissibles lors de
l'examen au fond, comme dans l'affaire du Personnel diplomatique et
consulairedes Etats-Unis à Téhérane,lles ne doivent pas être moinsrece-
vablesau staded'une indication de mesuresconservatoires,commedans la
présente affaire.Enfait,desinformationspubliées par lesmédiasavaient

étéégalementprésentées à la Cour au stade des mesures conservatoires
danscetteaffaire (C.I.J.MémoiresP , ersonneldiplomatiqueetconsulairedes
Etats-Unis à Téhéranp ,. 45, et p. 67, appendice C, et C.I.J.Recueil 1979,
p. 10,par. 7).Nuln'ignore que,danscertains systèmesde droitinterne, les
règlesen matière de preuve sont assouplies lorsqu'il s'agit d'une action
devantdébouchersurun jugement avantdiredroit, de sorte quedesinfor-
mations recueillies par ouï-dire peuvent être jugées recevables alors
qu'autrement ellesne le seraientpas l.
Dans laprésente affaire, ilest clair qu'ilfaut faire fondsur lesinforma-

tionspubliéespar lesmédias.Lecoagent dudemandeur, M. Boyle,aparlé
plus d'une fois des difficultésqu'il yàacommuniquer avec Sarajevo, et
rien ne permet apparemment de mettreen doute ces affirmations. Même
la Yougoslavie a présenté certaines déclarations sous formede rapports
depresse (voirlesobservationsécritesde laYougoslavie endatedu 9août
1993,annexes 1,IVet V).
A mon avis, et sous réservedu poids qu'il convient d'accorder à de
telles informations et de la limitation susmentionnée, les informations
publiéespar les médias qu'a soumisesla Bosnie-Herzégovinesont rece-
vables. Toutefois, en raison des considérations de caractère juridique

expliquéesdans l'ordonnance, la réactionde la Cour à la demande pré-
sentéepar la Bosnie-Herzégovinene saurait aller plus loin que ce qui y
est énoncé.

C'est ainsi qu'en droit anglais une déposition relatant ce que letémoin croit savoir
est recevable lorsquection tend à obtenir un jugement avant dire droit et que les
VoirTheSupreme CourtPractice1993,vol. 1,Order2/11et Order41/5/ 1-2.ablesont indiquées. II. LADEMANDE EN INDICATION DE MESURESCONSERVATOIRES
DE LAYOUGOSLAVIE

L'utilisationquipeut être valablementfaitedes élémensepreuve
Une importante questionliminaire,d'ailleurs assezdélicate,a traàla
mesure dans laquelle la Cour peut tenir compte des élémentsde preuve
produits à l'appui des différentes thèsespour déterminersi les circons-

tances exigent qu'elleindique les mesures sollicitées.Leproblèmeest ici
que,s'ilressort assezclairementdelajurisprudence établiequelaCour se
sert effectivementdesélémentsde preuveproduits, il estplus difficile de
direcomment oudans quellemesure elles'ensert. Il estvraiqu'àcestade
la Cour ne formule aucune constatation factuelle de caractère défini-
tif, mais cela esteu prèstout ceque l'onpuisse dire avecquelqueassu-
rance. Sielle neprocède pasàdesconstatations de caractèredéfinitifsur
la base des éléments présentélsa, Cour parvient-elleà des conclusions
provisoires? Sice point est obscur c'est, jepense, en raison de la crainte
que l'utilisation que la Cour pourrait faire des élémentsde preuve
présentés puisse conduire à conclure à tort qu'elle a préjugé.Il n'en

demeure pas moinsquelesélémentd sepreuveprésentés par lesParties le
sont pour qu'ilssoient utiliséspar la Cour, et que celle-ci s'ensert.
sembleque la crainte dedonner àtort l'impressionqu'ilyaeu préjugé est
un moindre risque que le danger que créel'incertitude qui entoure la
façon dont la Cour utilise les élémentsde preuve soumis ou la mesure
dans laquelle elle lefait.
Leprincipe établi selon lequel laCour n'est pas habilitàce stade,à
conclure définitivementsur les faits est rappelé au paragraphe 48 de
l'ordonnance. Affirmer que la Cour pourrait parvenirà de telles conclu-
sions, sous réservede les altérerou de les modifier ultérieurementdans
son arrêt définitif, équivaudrait dans la pratiquetre la Cour, lors de

l'examenquantau fond, dans la situation d'unejuridiction d'appelappe-
léeà revoirladécisionqu'elleaurait elle-mêmerendue précédemmentL . e
fait qu'une telle situation serait manifestement inacceptable ne veut
cependant pas dire que la Cour doive, à ce stade, édicter automatique-
ment des mesures dès lors que certaines piècesjustificatives ont été
soumisesetsanségard àla forceprobante de celles-ci.Unjuge qui agirait
ainsi pourrait se vanter d'éviter tout risquede préjugé, maisce serait au
prix de mettre artificiellement les deux parties sur le mêmepied en
matièredepreuvealors mêmeque lespreuvesprésentées par l'une d'elles
peuvent être caractériséepsar un manque de soliditémanifeste. Ceprix
peut êtreévitéau moyend'une appréciation préliminaire dela qualitédes

éléments de preuve produits; mêmedans la mesureoù l'onpeut craindre
que cetteopération suscitequelque risquede préjugél,a science du juge
l'a habituéà procéder à une telle appréciation auxfins limitéesd'une
action avant dire droit sans pour autant encourir le risque de préjuger la
question quant au fond.
Les mesures conservatoires (qu'elles soient juridiquement contrai-
gnantes ou non) sont censéesêtre appliquéeest peuvent immédiatementproduire d'importantes conséquencespratiques. La Cour ne les indique
pas à lalégère.Auxtermes du paragraphe 1de l'article41de sonStatut,la
Cour a le pouvoir d'indiquer des mesures conservatoires «si elle estime
que les circonstances l'exigent». La Cour ne peut pas savoirquellessont
les circonstances sans examiner les éléments produits pour les établir.
Comment la Cour pourrait-elle faire autrement, si c'est avec raison que
M.Anzilotti a mentionné«la possibilitédu droitrevendiqué ..etlapossi-
bilitédu dangerauquel ce droit seraitexposé »(Réforme agrairepolonaise
et minoritéallemande,C. P.J.I. sérieA/B no58,p. 181).Sitel est le critère
applicable, et avectout le respectque je doiàla Cour, je crois que tel est
effectivementle cas,la Cour estappelée,à cestade,à prendreune décision

sur la question de savoir si, au vu des élémentsde preuve présentés,il
existelapossibilitédesdroitsrevendiquéspar laYougoslavieet lapossibi-
litéquecesdroits soientexposés à un danger; or, ellene peut le fairesans
apprécier la qualité desélémentd se preuvequi lui ont été soumis.
Cetteconclusion estconforme à laposition adoptéepar la Yougoslavie
dans les observationsécritesqu'elle a présentéesle le'avril 1993au sujet
de la première demande en indication de mesures conservatoires de la
Bosnie-Herzégovine,au paragraphe 5 desquelles elle a fait valoir que
«[Ilesaffirmations sur la base desquellesla Cour est priée d'indiquerces
mesures conservatoires ne sont pas véridiques,c'est-à-direne correspon-
dent pas à la réalit». Cette affirmation implique nécessairement que la
Cour, mêmeaustade d'une procédure interlocutoire, a compétencepour
examiner les questions de crédibilité.
Quant à lanormeapplicable,l'observationsuivante de Dumbauld peut

êtred'un certain secours:
«Compte tenu de la nécessitéd'agir rapidement et de la nature
provisoire de l'ordonnance, des preuves absolument convaincantes,
comme celles qui devraient fonder les conclusions de la Cour dans
un arrêt définitif,nesontpas nécessaires.
Cependant, la Cour doit asseoir sa décisionsur les élémentsde
preuve dont elle a été saisieet non sur de simples conjectures. En
l'occurrence,cequ'ilfaut rechercher, c'estque lesélémentsdepreuve
soient pour l'essentielcrédiblesplutôtqued'une exactitudeformelle-

mentinattaquable. »(E.Dumbauld, InterimMeasuresofProtectionin
InternationalControversies,1932,p. 161.)
Ainsi, mêmesi «des preuves absolument convaincantes)) ne sont pas
requises, il faut néanmoins que les preuves soient ((pour l'essentiel cré-
diblesB. Tel me semble êtrele critèreà appliquer pour évaluerla qualité
des informations soumises à la Cour. J'en viens donc maintenant àcette
évaluationelle-même.

Lesméthodessuivanltesquelleslesélémentd sepreuves
soumispar laYougoslavieont étépréparés

Chacune des Parties nie être responsable d'un génocideet en accuse
l'autre. Il y a donc, de ce point de vue, une certaine symétrie dans leurs APPLICATION DECONVENTION GBNOCID (EP.IND.SHAHABUDDEEN) 361

positions.Cettesymétrieestcependant rompue paruneimportante diffé-
rencequiatrait à laposition adoptéepar chacunedes Partiesà propos du
conflit. La Bosnie-Herzégovine est évidemment impliquée dans le
conflit, mais la Yougoslavie affirme qu'elle nel'estpas. Celle-cidit qu'ily
a une guerre civile en Bosnie-Herzégovine et que le Gouvernement
yougoslave

«n'est pasunepartie belligérante,u'iln'a pasde soldats sur leterri-
toire de laRépubliquede Bosnie-Herzégovine», qu'il ne prêteun
appui armé à aucune des parties au conflit et qu'il n'encourage
d'aucune façon la commission des crimes mentionnés dans la
requête[déposépear la Bosnie-Herzégovinele20mars 19931»(lettre
en date dule'avril 1993adresséeau Greffier par le ministrefédéral
des affaireétrangèresde Yougoslavie; voir égalementla déclaration
de M. Zivkovic dans CR 93/13, p.7,2 avril 1993,après-midi).

Au contraire, affirme la Yougoslavie, elle a accordé refuge un grand
nombre de Musulmans de Bosnie-Herzégovineetafourniuneaide huma-
nitaire à la Bosnie-Herzégovine de différentes façons (observations
écritesde la Yougoslavie concernant la seconde demande en indication
demesures conservatoires dela Bosnie-Herzégovine,9août 1993,par. 11).

En fait, la position de la Yougoslavie est qu'elle a adoptéune attitude
d'impartialité consistantne pas intervenir dans la situation militaire en
Bosnie-Herzégovine.Il ne s'agitpas,àce stade, de savoir sicetteaffirma-
tioncorrespond ou non à laréalité;l'importantestque telle estla position
adoptée par la Yougoslavie. L'adoption d'une attitude de non-interven-
tion sur le plan militaire est un élément pertinentpour la façon dont la
Cour doit aborder les allégationsformuléespar la Yougoslavie et influe
sur la qualitéde cesallégations.
Lesprincipaux élémentsdu dossierprésentépar la Yougoslavie ont été
rassembléspar la«commission d'Etat yougoslave surlescrimes deguerre
et legénocide».Le dossierainsirassemblépar la commission yougoslave
allèguequ'un génocideest commis, mais exclusivement par les Musul-
mans contre les Serbes; l'on n'y trouve aucune allusion d'un génocide

commispar les Serbescontre les Musulmans.Cela n'estpas surprenant si
l'onconsidère,tout d'abord, que lemandatde la commissionnes'étendait
pas si loin, son rapport étant intitulé((Mémorandum sur les crimes de
guerre et crimes de génocidecommis en Bosnie orientale (communes de
Bratunac, Skelani et Srebrenica)contre la population serbe, pendant la
période d'avril1992à avril 1993».Toutefois,l'on trouàelapage 79de ce
mémorandum lepassage suivant:

«Une bonne part des documents relatifs aux assassinats,embus-
cades organisées, massacres de personnes, destruction de biens,
sévicesinfligésen prison, pillages et incendies sont entre les mains
des autorités compétentes,àsavoir lespostes de police,centressani-
taires ou autres établissementspublics,ainsi que le commandement
et lesunitésde l'arméede la Républiquede Srpska. » APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (OP.IND.SHAHABUDDEEN) 362

M. Boylea faitobserver ajuste titre que celanoneulement montre que
la commission d'Etat yougoslave sur les crimes de guerreet legénocidea
fait fond sur des documents qui lui avaient été communiqués par «le
commandement et les unitésde l'arméede la République de Srpska)),
mais encore suggère l'existence de rapports étroits entre les autorités
yougoslaves et les autorités militaires des Serbes bosniaques.l y a tout
lieu pour la Cour de s'abstenir,ce stade, de fonderune décisionsur des
informations de cetype, non seulementparce qu'elles sontpartisanes, ce

qu'elles sont, mais encore parce qu'il s'agitd'informations partisanes
présentées parune partie qui affirmeavoir adoptéuneposition consistant
à ne pas prendre position sur le plan militaire.

L'affirmationde la Yougoslavieselon laquelle eln'intervientas
danslesopérationsmilitaired sesSerbesbosniaques

Il faut maintenant revenir à l'affirmation de la Yougoslavie selon
laquelle elle n'intervient pas dans les activitésmilitairesserbesen Bosnie
ni ne les appuie. Or,une déclaration faiteau nom du Gouvernement de la
Serbie (qui fait partie de la Yougoslavie) après que la Cour a rendu sa
premièreordonnance montre que ce gouvernement, au prix de sacrifices
considérables,a enfait «aidégénéreusementet sans réserves »les Serbes
dans ce qu'il disait être le«juste combat pour la liberté et l'égalitédu
peupleserbe [qui]estactuellementmenédans laRépubliqueserbe »,c'est-
à-dire sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine (voirle communiqué
publié après lasession du Gouvernement de la Républiquede Serbie, tel

qu'il estreproduit dans la seconde demandede la Bosnie-Herzégovinedu
27juillet 1993,p. 43-44).Une déclaration publiéeau nom du Gouverne-
ment fédéralde Yougoslavie va dans le mêmesens (communiqué du
Gouvernement fédéral reproduit dans la seconde demandede la Bosnie-
Herzégovineendatedu 27juillet 1993,p.44-45).Il aégalementétéproduit
commepreuve letexte de ladéclaration ci-aprèsfaitele 11mai 1993par le
président Slobodan Milosevic de la Serbie:

«Au coursdesdeux années écoulées, lRaépublique de Serbie- en
aidantlesSerbeshorsde Serbie - a forcéson économie àdesefforts
massifs et ses citoyenà des sacrifices considérables. Ces efforts et
sacrifices atteignent maintenant les limites du supportable. ma-
jeurepartie de cette aide est alléela populationet aux combattants
enBosnie-Herzégovine, mais un volume d'aide considérableest allée
aussi au cinqcent milleréfugiéen Serbie.En mêmetemps,enraison
de sa solidarité avec les Serbes en Bosnie-Herzégovineet de son

assistanceà ces derniers, la Serbiesubit de dures sanctions interna-
tionales. Aujourd'hui, il n'y a pas de comparaison entre nous et
n'importe quelautrepays du monde,outrèspeu de pays,pour cequi
est des difficultéséconomiqueset d'ordre généralque nous affron-
tons.Noussavions évidemmenq tue nous rencontrerioncsesdifficultés
lorsquenousavonsdécidé deporter assistanceaux Serbes quifaisaient
la guerre. Maintenant lesconditions delapaix en Bosnieontété crééesA. la
suited'une annéede guerre et de négociationsde paix àlongterme,
les Serbesont conquis leur libertéet regagnél'égaliqui leur avait
étéenlevéelorsque la guerrea commencé. Lamajeurepartieduterri-
toirede l'ex-Bosnie-Herzégovineappartient maintenant a prxvinces
serbes.'est là une raison suffisante pour mettre fiàla guerre et
dissiper d'autres malentendus éventuelspar des négociations et des
moyenspacifiques.

LA Serbie a accordéune assistance considérable aux Serbe dse
Bosnie. Grâceàcette assistance, cesderniersont obtpresquetoutce

qu'ils voulaient.»Transcription de la BBC reproduite dans la
seconde demande de la Bosnie-Herzégovine,p. 47-48.)

Sur la base de ces élémentsde preuve et des autres informations
soumises,ilestà cestadetout au moinsdéfendablededireque la Yougo-
slavie a en fait accordéune assistance militaire et d'autres formesd'as-
sistanceà l'effortde guerre des Serbesbosniaques,que cette assistancea
commencéavant l'ordonnance rendue par la Cour le 8avril 1993et s'est
poursuivie sans interruption depuis lors; que le but de cette assistance
étaitde permettre aux Serbes bosniaques d'obtenir des territoires en
Bosnie-Herzégovine, etque par conséquent le président Milosevic a
acceptéla responsabilitédu «nettoyage ethnique » qui constituait un
élémentcentral desméthodep sar lesquellescesterritoires étaient acquis.
Lanon-intervention dans leconflitaffirméepar la Yougoslaviesuscite
de sérieuxdoutes. Cesdoutes, àleurtour, doiventamener la Cour à hési-
ter,à ce stade,àbaser une décision surles informations qui lui ont été
fournies pour établir,commel'allèguelaYougoslavie,qu'un génocideest

commispar la Bosnie-Herzégovine.

Lesilencedela Yougoslavieconcernantlaquestiondesavoir
si lesSerbes bosniaqueontcommisungénocide

Si, commeje le pense, les élémentsde preuve portent à croire que la
Yougoslaviea en fait appuyél'effort militaireserbeen Bosnie-Herzégo-
vine,la Cour peutà cestade raisonnablement estimer que la Yougoslavie

est en mesure de savoirsilesautoritésserbesen Bosnie-Herzégovineont
ou non commis un génocide.C'estlà un point que la Yougoslavieni ne
confirmeni n'affirme. Elle dit ce qui suit:

«La République fédérativd ee Yougoslavie n'adirigé, appuyéou
influencépersonnedans lebut decommettrelecrimedegénocideou
aucun actevisé à l'articleIII de la convention sur legénocidecontre
la population musulmane de Bosnie-Herzégovineou contre aucun
autre groupe national, ethnique ou religieux.Observationsécrites
de la Yougoslavieen date du 9août 1993,par. 11.) APPLICATION DECONVENTIONGÉNOCIDE (OP.IND.SHAHABUDDEEN) 364

Une telle argumentation laisse subsister la possibilité qu'un génocide
soit commispar lesSerbescontre les Musulmans, quela Yougoslaviesoit
àmêmede le savoir et le sache, mais que la Yougoslavie adopte simple-
ment pour position que cegénocideestcommissans sonappui. Nul doute
qu'une telle position puisse êtreadoptéeau fond, la question tenant la
responsabilité de la Yougoslavie. Mais j'aurais cru qu'une approche
moins discrète auraitétéappropriée alors que la Yougoslavie demandait
elle-même àla Cour d'indiquer des mesuresconservatoires pour qu'ilsoit
mis finau génocideprétendument commis par les Musulmans contre les
Serbes. La Bosnie-Herzégovine,pour sa part, nie qu'un génocide soit
commis contre les Serbes. Cela est contesté par la Yougoslavie, mais

constitue tout au moins l'affirmation claire d'une position. L'important,
dans le cas de la Yougoslavie, n'est pas qu'elle nie qu'un génocide soit
commis par les Serbes,mais plutôt qu'ellene le confirme ni ne l'affirme,
alors mêmequ'elleest enmesure de faire l'un ou l'autre. Il s'agiàmes
yeux,d'une circonstance que laCour doit pesersoigneusementlorsqu'elle
exerceson pouvoir discrétionnaire de déciders'ilconvient de faire droit
lademande de la Yougoslavie en indication de mesuresconservatoiresen
faveur des Serbes.

La demandeenindicationde mesuresconservatoiresde la Yougoslavie

n'aétéprésentée qu'enrad iseasecondedemande
de laBosnie-Herzégovine
J'en viens maintenant à l'heure des allégationsde la Yougoslavie. Le

fait que la demande de la Yougoslavie a été formulée en réponse à la
seconde demande de la Bosnie-Herzégovineneparlepas nécessairement
contre elle. Mais la question qui sepose est la suivantedemande de la
Yougoslavieaurait-elle été formulée n'était-ce celee la Bosnie-Herzé-
govine? Je ne peux pas m'empêcherde penser que non. Les principales
informations sur lesquellesfait fond la Yougoslavie ont traitpériode
allant d'avril992àavril 1993et avaient étérassembléep sar la commis-
sion d'Etat yougoslave sur les crimes de guerre et le crime de génocide
pendant une certainepériode de temps qui s'estachevéeen avril 1993.A
supposerque cesinformations (que cesoitentout ouen partie) n'aientpas
pu être présentéesàla Cour lors de l'examen de la demande précédente,
l'on comprend difficilement pourquoi elles ne le sont que quatre mois
environ aprèsavoirétérassembléeset encoreseulementen réponse àune

seconde demande de la Bosnie-Herzégovine.Si un génocide est en fait
commis contre les Serbes, la nécessité subsistede prendre des mesures
pour yporter remède,quel que soit le retard misàsaisir la Cour; cepen-
dant, un tel retard eston avis pertinent pour apprécierle créditquela
Yougoslavie même accorde à la qualité des allégations qu'elle avance
maintenant devant un organejudiciaire.
Amon avis,etsans soulever une quelconque question d'urgence en tant
qu'élémenjturidique indépendant, l'onpeut raisonnablement considérer
que la demande de la Yougoslavie n'a étéprésenté qeu'en raison de cellede la Bosnie-Herzégovineet n'a pas été soumiseassez rapidement pour
donner àpenserque laCour puisse à bon droità cestade,sefonder surles
piècesjustificativesprésentéesafin d'indiquer lesmesures conservatoires
que sollicitela Yougoslavie.

L'attitudede la Yougoslaviefacà l'ordonnancerenduepar la Cour
le8avril1993

Il faut tenir compte aussi de la suite que la Yougoslavie a donnéeaux
mesures conservatoiresindiquées par la Cour dans son ordonnance du
8 avril 1993.La Bosnie-herzégovine seplaint de ce que la Yougoslavie

n'aità aucun moment essayéde mettreen Œuvrelesditesmesures. Lefait
quela Cour n'aitpas, àl'heure actuellà,statuersur lefond de l'affairene
signifie pas qu'elle ne puisse pas parvenir une conclusion définitive
quant à la questionspécifique de savoir silesmesures qu'ellea indiquées
ont été appliquées. A mes yeux, les élémentsde preuve disponibles
conduisent à conclureque la Yougoslavie ne les a pas mises en Œuvre.
Cettequestion de non-application débouchenaturellement sur cellede
savoir si des mesures conservatoires sont juridiquement obligatoires.
C'est en 1986que la Cour s'estle plus rapprochée d'une réponse à cette
question lorsqu'elle a dit:

«Lorsque la Cour conclut que la situation exige l'adoption de
mesures de cegenre,il incombe àchaque partiedeprendre sérieuse-
ment en considération les indications ainsi données et de ne pas
fonder sa conduite uniquement sur ce qu'elle croit êtreses droits.
(Activités militaires et paramilitaireasu Nicaragua etcontrecelui-ci
(Nicaraguac. Etats-Unis dzmérique), C.I.J. Recueil 1986, p. 144,
par. 289.)

Cette conclusion et la mention qui en est faite au paragraphe 58 de
l'ordonnance rendue ce jour ne sont pas allées, dans leur formulation
prudente, jusqu'à dire que des mesures conservatoires sont obligatoires.
En fait, elles pourraient être interprétéescomme signifiant que ces
mesureselles-mêmesnesont pas obligatoires etque lesPartiesontsimple-
mentl'obligation detenir compte del'indication que la Cour ena donnée.
La question, si elle est encore sujettescussion,remonte àla fonda-
tion de la Cour permanente de Justice internationale (C.P.J.I., Comité
consultatif de juristes,rocès-verbauxdes séancesdu comité,16juin-

24juillet 1920,p. 735). Les grands traits de la discussion sur le point de
savoir sidesmesuresconservatoiresont un caractèrede recommandation
ou sont juridiquement contraignantes ont été reflétédsans les débats
concernant lespouvoirsréglementairesde la Cour qui onteu lieu en 1931
(Actes et documents relatifà l'organisationde la Cour,C.P.J.I.sérieD,
deuxièmeaddendum auno2,p. 181-200).Je n'ai pasl'intention derésumer
ou d'analyser lesthèsescontradictoiresdéfenduesdans la masse considé-
rabled'étudesque cettequestion asuscitéesdepuislors.Iln'estcependant
pas inutile de mentionner un échangede vues. e. APPLICATION DECONVENTION GBNOCID (OEP.IND.SHAHABUDDEE 366)

Seréféranten1935au libellédu paragraphe 1de l'article41du Statut de
la Cour permanente de Justice internationale, Henri Rolin a établiune
fine distinctionentrelaquestiondes moyens d'exécutionetcelledu carac-
tère obligatoiredesmesuresconservatoires,faisant observer que :

«le motif alléguépour expliquer l'omission du mot «ordonne »
permet de toucher du doigt la fragilité des considérations qui ont
retenu le Comitéde juristes: pas de moyen d'exécution, donc pas
d'ordre !Comme si le mêmeargument n'aurait pas pu être invoqué
contrele caractèreobligatoiredessentences au fond, comme sidans
l'ordre desjuridictions-nationales aussi le décrètement desmesures
provisoiresn'appartient pas au judiciaire, le contrôle de leur exécu-
tion à l'exécutif!» (Henri A. Rolin, «Force obligatoire des ordon-

nances delaCour permanente deJusticeinternationale enmatière de
mesures conservatoires », dans Mélangesofferts à Emest Mahaim,
1935,vol. 2,p. 286).
En 1952,parlant destermes employésau paragraphe 1de l'article 41 du
Statut de la présenteCour à lumièrede la Charte, il a remarqué:

«Cestermespourraient paraître impliquer un pouvoir de décision
etune obligation pour lesparties de s'yconformer.
Telle ne paraît pourtant pas être la portéede l'article 94 de la
Charte quin'attribue d'effetsobligatoiresqu'aux arrêtsrenduspar la
Cour. » (Annuaire de I'Znstitutde droitintemational, 1954,vol. 45, 1,

p. 487.)
Pour ces raisons, il a proposé un amendement à l'article 41 afin de bien
préciserque lesmesuresconservatoiresont un caractèreobligatoire (ibid.,
p. 431).
HerschLauterpacht, pour sa part, a déclaré l'année suivantqeue :

«Je suistout à fait d'accord avec la suggestion- bien que peut-
êtrepasavecle raisonnement - de M. Rolin pour ce qui est de l'ar-
ticle 41 du Statut relatif aux mesures conservatoires. Sans exprimer
d'avissurlepoint de savoir sil'indicationdemesuresconservatoires a
simplementla nature d'une recommandation, je pense que, si cette

dernièreinterprétationest correcte, il convientd'amender le Statut
cet égard. Il n'est pas nécessairement contraire à l'efficacitéde
l'administration de la justice internationale que la Cour n'ait pas le
pouvoir de décréter, aveceffet obligatoire, les mesures conserva-
toiresquedevraientprendre lesparties. Je considèrecependant qu'il
n'entre pas dans la fonction de la Courde recommanderdes mesures
que les parties seraient libres d'accepter ou de rejeter.» (Zbid.,
p. 535-536.)

Pourd'aucuns, par conséquent, l'onpourrait fort bientolérerqu'euégard
au cadre spécialdans lequel elle opèreune juridiction internationale,la
différence d'une juridiction de l'ordre interne, n'ait pas le pouvoir de
décréter desmesures conservatoires avec effet obligatoire. Ce qui était APPLICATIONDE CONVENTION GÉNOCIDE (OP.IND.SHAHABUDDEEN) 367

moins acceptable, c'était qu'elleeût un «pouvoir», mais seulement un
((pouvoir» de recommander aux parties des mesures qu'elles seraient
libresd'accepter ou de rejeter.
La solution suggéréeconsistantàamender le Statutne dégage&idem-
ment pas la Cour de son obligation, en attendant, de se prononcer sur
la question de l'interprétatiàendonner, lemomentvenu, quant au ca-
ractère obligatoire des mesures conservatoires. On peut cependant se
demander si,pour répondreaux questionsauxquelles laCour estmainte-
nant confrontée,il faut statuer sur cepoint d'interprétation spécifiIle.

pourra falloir régler cepoint si,par exemple,la questionétaitde savoirsi
unepartie a droità réparationen raison de la non-application par l'autre
partie de mesuresconservatoires,ou à une réparationpour lesavoir elle-
mêmeappliquéessi la revendication formulée contre elle au principal
échoue ultérieurement, soitpour défautde compétence, soitau fond.
Mais la Bosnie-Herzégovinene prétend pas qu'une violationpar la
Yougoslavie des mesures conservatoiresindiquéesle 8 avril 1993expo-
sera cette dernièreà une sanction juridique spécifique ou donnera àla
Bosnie-Herzégovineun droit juridique spécifique en rapport avec la
présente instance.
Ce doute peut être considérécomme quelque peu académique, etil se

peut fort bien qu'en réalitéla question d'interprétation se pose. Je
n'entends cependant pas exprimer une opinion sur ce point car il me
semblequ'une autre démarcheest possible.
Laquestion essentielle estde savoirsila Yougoslaviea enfait appliqué
lesmesures que la Cour attendait lui voir mettre en Œuvre, qu'ellesaient
ou non un caractère obligatoire. Une distinction peut être établie entre
l'indication de mesures et les mesures indiquées.En ce qui concerne
l'«indication»,il s'agitde savoir si ellea l'effetd'une décisionjudiciaire
qui impose une obligationjuridique à une partie. En ce qui concerne les
((mesures», il faut déterminersi ellesreprésententune conclusionjudi-
ciairesur cequidoitêtrefaitpour sauvegarderlesdroitscontestés. A mon

avis,mêmesli'indicationn'estpasjuridiquement obligatoire, lesmesures
ont le caractèred'une conclusionjudiciairequant àce qui s'imposepour
sauvegarderlesditsdroitspendentelite,cetteconclusionayantétéretirée à,
l'issued'une procédurerégulièrep, ar la Cour siégeanten tant qu'organe
judiciaire dans l'exerciced'un pouvoir spécifiqueà elle conférépar le
droit.Ils'ensuitquetout manquement à appliquerlesditesmesures,même
s'iln'enfreint pasune obligationjuridique, estencontradiction aveccette
conclusionjudiciaire.
Certes, la Cour n'a pas le pouvoir de sanctionner une telle contradic-
tion, mais, selon moi, celle-ci estun élément dontelle doit tenir compte
pour évaluerla qualité des élémend te preuveprésentés par la partie en
défaut à l'appui d'unedemande tendant à obtenir des mesures devant

sauvegarderessentiellementlesmêmes droits que ceux que l'ordonnance
initialedelaCour avaitentout étatdecausepour but desauvegarder.Sila
Cour, qui a le pouvoir discrétionnaire incontestablede décider s'ilcon-
vient ou non de fairedroit une telledemande,ne peut pas ainsiprendreen considérationun défaut d'application, l'on peut s'interrogersur l'uti-
litéde la disposition de l'article 78 du Règlement de la Cour à l'effet
que

«[l]aCour peut demander aux parties desrenseignements sur toutes
questions relativeslamiseenŒuvredemesures conservatoiresindi-
quéespar elle» (voir Geneviève Guyomar, Commentairedu règle-
mentde la CourinternationaledeJustice, 1983,p. 495-496).

Etant parvenu à ce point, il est bon de tenir compte de l'avis suivant,
exprimépar Dumbauld :

«Lorsqu'un refus de fournir des renseignementsou de mettre en
Œuvredes mesures conservatoires est ouvertement affirmé, il naît
apparemment une présomption qui se substitue àdes éléments de
preuve directs en ce sens qu'elle légitimeune conclusion pouvant
raisonnablement être déduite du fait en question. (E. Dumbauld,
Interim Measuresof Protectionin International Controversies1,932,
p. 161;notes omises.)

La Yougoslavie, n'ayant pas mis en Œuvre les mesures conservatoires
indiquéespar laCour,sollicitemaintenant elle-mêmedetellesmesures.Je
ne vais pas jusqu'à dire que la non-application des mesures précédem-
ment indiquéesinterdit nécessairementautomatiquement à la Yougosla-
viedeformuler sademande (comme celapourrait fort bien êtrelecasdans
certains systèmesde droit interne), mais il s'agits yeux d'un élément
qui légitimela conclusionà l'effet que,compte tenu de toutes les circons-

tances, ilne seraitpas appropriépour la Cour, cestade, de faire fondsur
les informations présentées par la Yougoslavie à l'appui des mesures
spécifiquesqu'ellesollicite.

III. CONCLUSION

On conçoitdifficilementquelles mesures la Cour pourrait utilement, et
dans leslimites desacompétence,indiquer ensus de celles déjàénoncées
dans son ordonnance précédente. D'un autre côté,la situations'est àtel
point dégradée depuis que l'ordonnance antérieure a été rendue que
la Cour ne saurait faire moins que de demander la mise en Œuvre immé-
diate et effective des mesures conservatoires qui y sont indiquées.
Sir Hersch Lauterpacht ne pensait pasà la Cour lorsqu'il a dit:

«Sans doute, on peut poser en règlequ'on ne rencontre pas de
difficultés ne rien faire oà faire peu de chose, mais cela ne peut
guère fournir un critère raisonnable pour apprécier l'accomplisse-
ment de latâche qui incombe à l'autoritéde surveillance.»(Admissi-
bilitéde l'auditionde pétitionnairespar le Comitédu Sud-Ouest
africain,C.I.J.Recueil956,p. 53-54.)La Cour ne se trouve évidemment pas dans la situation de l'autoritéde
surveillance dont ils'agissaitdans cetteaffaire,mais celane sauraitsuffire

àpriver cetteobservation de pertinence pour ce qui est de la compétence
quilui appartient. Iln'estd'ailleurspas nécessaired'en arriverlàcar,pour
transposer lestermesutilisésnaguère par M. Read deleur contextepaci-
fique à celui des actes inimaginables de cruauté qui sont perpétrésen
Bosnie-Herzégovine :
«Il fautun acte de courage pour transformer l'inconcevableen ce

qui est concevable,et un second ou un troisièmepour en faire quel-
que chose de normal. »(Citédans Georg Schwarzenberger, Interna-
tionalLawasApplied byInternationalCourtsand Tribunals,vol. IV,
p.21.)

(Signé)Mohamed SHAHABUDDEEN.

Bilingual Content

SEPARATE OPINION OF JUDGE SHAHABUDDEEN

1 agree with the Court in reaffirming, and in effect emphasizing, the
continued applicability of its previous Order to the deteriorating human
situation in Bosnia-Herzegovina. In support, 1give below my reasoning
on some of the issueswhich, in myview, merit the exercise of the right to
speak separately under Article 57of the Statute of the Court.

ForumProrogatum

As to paragraph 34 of the Order, the consensual basis of the Court's
jurisdiction requires no emphasis. Forumprorogatumjurisdiction is no
exception.Theargument that Yugoslavia accepted thejurisdiction of the
Court beyond the scope ofArticle IX ofthe GenocideConvention of 1948
is based on the fact that, in its written observations of 1 April 1993on
Bosnia-Herzegovina's first request for provisionalmeasures, Yugoslavia
stated that it "recommends that the Court ... order the application of"
certain other provisionalmeasures. But, in paragraph 5of the same writ-
ten observations, Yugoslavia asked the Courtto reject the last five of the
sixprovisionalmeasures then sought by Bosnia-Herzegovina

"taking into account that these measures are outside Article IX ofthe
Convention on the Prevention and hnishment of the Crime of
Genocide and that therefore the Court is not competent to decide
upon them".

Also, inparagraph 6of that document Yugoslavia stated

"that itoes not accept the competence ofthe Court in anyrequest of
theApplicant whichis outside the Convention onthe Prevention and
hnishment of the Crime of Genocide. This is without prejudice to
thefinal decision ofthe Yugoslav Government to be party to the dis-
pute submitted by the 'Republic of Bosnia and Herzegovina'."Again, at the hearing on Bosnia-Herzegovina's first request for provi-
sional measures, on 2 April 1993,the acting Co-Agent for Yugoslavia

stated :

"The Federal Republic of Yugoslavia does not consent to any
extension of the jurisdiction of the Court beyond what is strictly
stipulated in the [Genocide] Convention itself." (CR 93/13, p. 16,
2 April 1993,afternoon, Professor Shabtai Rosenne.)

Havingregard to these clearstatements on the basicjurisdictional posi-
tion taken by Yugoslavia,the question whicharises isone of construction
ofYugoslavia'sownrequest forprovisionalmeasures of 1April1993 inso
far as jurisdictionis concerned. In the light of those statements, two of
which were set out in the same document requesting provisional mea-
sures,itisdifficult to interpret therequest as intended byYugoslaviaas an
offer toexpandthe jurisdiction ofthe Court; itseemsmore reasonable to
understand the requestas intended to be considered only onthe basis that
the provisional measures which it sought were considered by Yugoslavia
(whetherrightly or wrongly)to be incidentally pertinent to genocide pro-

ceedings brought under Article IX of the Genocide Convention, assum-
ing that the Convention was in force between the Parties. Since the
qiestion is one of consent, it isYugoslavia'sintention which matters, not
the correctness ofitsviewasto the relevance ofitsrequest tothe subject of
genocide. It seemsunlikely that the measureswhichitsought were under-
stood by Bosnia-Herzegovina as intended by Yugoslavia to raise issues
outside of the scope of Article IX of the Genocide Convention. Bosnia-
Herzegovina did not then seekto raise a question offontmprorogatumon
the basis of the measures so sought by Yugoslavia; on the view which it
now advances,it should havebeen in its interest todo so in order to repel
Yugoslavia'spersistent objection that jurisdiction did not exist outside of
that conferred by that provision.

The question in the Anglo-Iranian Oil Co. case really turned on the
intention with which Iran had filed its objections, other than its prelimi-
nary objection to jurisdiction. Its intention was that they were to be con-
sidered only if itsbasic objection tojurisdiction failed; accordingly,they
could not be interpreted as implying acceptance of the very thing which
was being consistently objected to (I.C.J. Reports 1952, pp. 113-114).
Yugoslavia's objection to jurisdiction outside of Article IX of the Geno-
cide Convention isitsbasic position. That objection,being clear and con-
sistently pursued, could not reasonably be supposed to be intended by
Yugoslavia to be neutralized by something else contained in the very
document advancing the objection - at any rate, not in the absence of
language manifesting so contradictory an intention with unequivocalclarity. Thus, from the point of viewof intention, 1am not persuaded that
Yugoslavia's request for provisional measures can be treated differently
from Iran's objections.

In the Cor&Channelcase, PreliminaryObjection,the Court noted that
Albania had by letter accepted "in precise terms 'the jurisdiction of the
Court for this case"' (I.C.J.Reports 1947-1948,p. 27).Thisbeing so, the
Court was able to regard the letter as constituting a "voluntary and indis-
putableacceptance of the Court's jurisdiction" (ibid.;emphasis added).
Theneed for clarity can scarcelybe lessimperative where, as in this case,
there is no statement accepting jurisdiction "in precise terms". Yugo-
slavia'sconduct cannot, in my opinion, be characterized as implying an
indisputableacceptance of the Court's jurisdiction in excess of that con-
ferred by Article IX ofthe Genocide Convention of 1948.Theoverriding
requirement of clear proof of consent sufficiently explains Fitzmaurice's
conclusion that "[i]nactual fact the Court seems to have adopted an atti-

tude of considerable caution and conservatism on the subject of proro-
gatedjurisdiction", usefulthough the concept is(SirGerald Fitzmaurice,
me Law and Procedureof theInternationalCourt,1986,Vol. II, p. 511).

ZnterimJudgment

In paragraph 19ofitswritten observations of9August 1993on Bosnia-
Herzegovina's second request for provisional measures, Yugoslavia
pleaded :

"Some of the provisional measures, like the one requested under
No. 3[relatingto annexation or incorporation],have the character of
ajudgment. Theyareintended to legallyresolvethe subject-matter of
the dispute. Disputes are settled withjudgments, not by provisional
measures. (Factoryat Chorzbw,P.C.Z.J,SeriesA, No.12,p. 10.)"

On its own terms, that submission was not addressed to al1 of the
measuressought by Bosnia-Herzegovina.Assuming,however, that Yugo-
slavia is in fact invoking the interim judgment doctrine of the Factoryat
Chorzow case in relation to Bosnia-Herzegovina'srequest for provisional
measures to restraingenocide, 1shouldthink thatthe limitsofthedoctrine
wereclearlydemonstrated ifitseffectwereto put the Court inthe position
of a powerless bystander at the possiblecommission of that offence. The
Court's case-law shows that that cannot be the true result of the doctrine
(see NuclearTests (Australiav. France),ZnterimProtection,I.C.J. Reports
1973,p. 99 ;NuclearTests (NewZealand v. France),ZnterimProtection,
I.C.J.Reports 1973,p. 135; and UnitedStates Diplomaticand Consular
Staffin Tehran,ProvisionaM l easures,I.C.J.Reports1979,p. 16,para. 28).In domestic systemsthe proposition that an interlocutoryinjunction can
in no circumstancescover the same ground as the main remedy does not
always prevaill.

The idea of a provisional measure of protection which may have the
sameeffectasthe mainremedy isconceptuallydistinctfrom the idea ofan
interimjudgment. Theobject ofthe former isthe protection oftherightin
issuepending the final adjudication ofthe claim; the object ofthe latter is

to give to the plaintiff interim relief by way of advance payment on
account of a liability which is admitted or reasonably clear but not yet
precisely quantified. Provisions for interim payment exist in some legal
systems2.Bycontrast, as theCourt pointed out in the Factoryat Chorzdw
case,arequest which isreally for reliefbyway ofinterimjudgment is"not
covered bythe terms ofthe provisions ofthe Statute and Rules. .." ofthe
Court (P.C.I.J., SeriesA, No. 12,p. 10).

In that case, Germany did use some of the language associated with
provisional measures. It is clear, however, that it was really seeking an
interimjudgment in the sensementioned above.Thiswasillustrated byits
opening premise "that the principle of compensation is recognized and
that onlythe maximumsumtobepaid bythe Polish Government isstillin
doubt ..."(ibid.,p. 6).That wasthe essentialbasisonwhich it was asking

for an Order requiring Poland to "pay to the German Government, as a
provisionalmeasure, the sum ofthirtymillions ofReichsmarks within one
month from the date of the Order sought" (ibid.,p. 10).The request was
rightly refused, the Court simplyhaving no such power. Here, provided
that a measure istrulyconservatory of the rights in contest pending judg-
ment, the possibility that itmay produce the same effect asthe main relief
sought (though a discretionary consideration) does not put it out of the
power conferred on the Court by Article 41 ofthe Statute to indicate pro-
visional measures (seeDr. E.Dumbauld, InterimMeasures ofprotection in
International Controversies, 1932,pp. 163-164,and the generaldiscussion
in Jerzy Sztucki, Interim Measures in the Hague Court: An Attempt at a
Scrutiny, 1983,pp. 93ff.).

' See,inEnglishlaw,Halsbury'sLawsofEngland,4thed.,pp.537-538,para.953,and
Woodfordv. Smith,[1970]1Al1ER 1091n. and[1970]1WLR806. '
See,forexample,thepositionin Englishlawasset outin ne Supreme CourtPrac-
tice1993,London,1992,Vol. 1,Order29/9 ff. MediaMaterial

Some criticism was offered by Yugoslavia in so far as the means of
proof tendered by Bosnia-Herzegovina included press, radio and tele-
vision statements and reports. Are these admissible and, if so, how far?

The Court is of course"bound by the relevant provisions of its Statute
and itsRulesrelatingtothe systemofevidence"(MilitalyandParamilitaly
ActivitiesinandagainstNicaragua(Nicaraguv a. UnitedStatesofAmerica),
I.C.J.Reports1986,p. 39,para. 59).Butthose provisions have to do with
time-limitsand othermatters designed "to guaranteethe sound adminis-
tration ofjustice, whilerespectingthe equality ofthe parties"(ibid.).They
do notbear onthecategories ofmaterial admissibleas evidence,oron the
principles by which evidenceis assessedby the Court.

Asregards these,there are no technical rules,such asthose which exist
in most domesticsystems(SouthWestAfrica,SecondPhase,I.C.J.Reports

1966,p. 430,Judge Jessup, dissenting opinion; and BarcelonaTraction,
Light and Power Company, Limited, SecondPhase,I.C.J. Reports 1970,
p. 98,para. 58,Judge SirGerald Fitzmaurice, separate opinion, and ibid.,
p.215,para. 97,JudgeJessup, separate opinion).Referring tothe common
law "best evidence" rule, Judge Sir Gerald Fitzmaurice pointedly
obsemed that "[i]nternationaltribunals arenottied by such firm rules ...,
many of which are not appropriate to litigation between governments"
(ibid.,p. 98,para. 58).

In UnitedStates Diplomaticand Consular Staffin Tehran,the Court
said :

"The essential facts of the present case are, for the most part,
matters of public knowledgewhich have receivedextensive coverage
in the world press and in radio and televisionbroadcasts from Iran
and other countries." (I.C.J.Reports1980,p. 9,para. 12.)

TheCourt alsonoted that ithadbeenstated onbehalf ofthe United States
of America that the latter "has had to rely on newspaper,radio and tele-
vision reports for a number of the facts stated in the Memorial .. ."
(I.C.J.Reports1980,p. 10,para. 12;and see I.C.J.Pleadings,UnitedStates
Diplomaticand ConsularStaff inTehran,pp. 192ff. and pp. 329ff.).

The Court clearly considered that material. The material had been
communicated to the Government of Iran "without having evoked from
that Government any denial or questioning of the facts alleged .. ."
(I.C.J.Reports1980,p. 10,para. 13).Butit seemsto methat the absence of
denial byIran ofthe factsallegedwentto weight,and notto admissibility.True, as the Court later said, even where such material meets high
standards of objectivity,theCourt regards it

"not as evidence capable of proving facts,but as material which can
nevertheless contribute, in some circumstances, to corroborating
the existence of a fact, i.e., as illustrative material additional to
other sources of evidence" (Military and Paramilitary Activitiesin
and against Nicaragua (Nicaragua v. United States of America),
I.C.J. Reports 1986,p. 40, para. 62; and ibid.,Judge Schwebel, dis-
sentingopinion, p. 324).

That limited use does not make the material any the lessadmissible,but it
is a consideration which should be carefullynoted.

If media material is admissible at the merits stage, as in the
UnitedStatesDiplomaticandConsularStaffin Tehrancase,itshouldbeno
less admissibleat the provisional measures stage, as in this case. In fact,
media material was also presented to the Court at the provisional mea-
suresstagein that case(I.C.J.Pleadings,UnitedStatesDiplomaticandCon-
sularStaffin Tehran,p.45,and p. 67,Appendix C,and I.C.J.Reports1979,
p. 10,para. 7).It iswellknown that in some domestic systemsthe mles of
evidenceare relaxed in proceedings for interlocutoryinjunctions soasto
let in hearsaymaterial not otherwiseadmissible '.

In this case, the need for reliance on media material is clear.The Co-
Agent forthe Applicant, Professor Boyle,spokemore than once of diffi-
culties in communicating with Sarajevo; no reason appeared to doubt
those assertions. Even Yugoslavia presented certain statements in the
form of press reports (see Yugoslavia's written observations, 9 August
1993,Annexes 1,IVand V).

In my opinion, subject to questions of weight and to the limitation
referredto above,the media material presented by Bosnia-Herzegovina is
admissible. However, because ofthe legalconsiderationsexplainedinthe
Order, the reaction of the Court to its request can go no further than
therein set out.

Thus, in English law, evidence as to information and belief, if the sources and
grounds are stated, is receivable on interlocutory applications. SeeCourt
Practice1993,Vol. 1,Order 29/1/11 and Order 41/5/1-2. II. YUGOSLAVI A 'SUESTFOR PROVISIONM ALEASURES

TheExtentofPermissibleUseoftheEvidence

Amajorinitialquestion, ifasomewhatdelicateone,concerns the extent
to whichthe Court cantake account ofthe supporting evidenceinjudging
whether the circumstancesrequire an indication of the measuressought.
Theproblem here isthat, while its reasonablyclearfromprevious cases
thatthe Court doesmakeuseofthe evidence,itislessclearin whatwayor
to whatextentitdoesso.True,theCourt doesnot atthisstagemake defin-
itive findings of fact, but beyond this there is little that can be said with
assurance. If ites not makedefinitivefindings on the evidence,does it
makeprovisional ones? Thelack of elucidation is, 1think, attributable to
someapprehension that anyusemade bythe Court ofthe evidencemight
lead to unwarranted inferences of prejudgment. And yet the evidence is

presented bythe Partiesto beused bythe Courtand isused byit.It seems
to me that apprehensions of unwarranted inferences of prejudgment are
lesssubstantialhan the dangerderivingfromuncertainty asto the wayin
which,or the extentto which,the Court makes use ofthe material.

Thesettledprinciple thattheCourt cannot atthisstagemakedefinitive
findings onthe meritsisrecalledin paragraph 48ofthe Order.ToSaythat
the Court can make such findings, subject to subsequent alteration or
amendment inthefinal judgment, isineffectto put the Court atthe merits

stagein the position of a court of appeal,ingon review ofits ownpre-
viousjudgment. The obvious unacceptability of that position does not,
however,have the consequencethattheCourt must atthis stage mechani-
callyindicate measures so long as some supporting material is before it
and regardlessofitsevidentialquality.Acourt whichdoesthat mayclaim
the virtue of avoidingl1risk of prejudgment,but it is a virtue bought at
the price ofplacingboth parties on an artificial basis of evidential equal-
ity in circumstances in which the evidence on one side may be patently
weak. A preliminary appraisal of the quality of the evidenceavoidspay-
ment of that price; in so far as it may be thought tove some risk of
prejudgment, the craft of the judge accustoms him to make such an
appraisal for the limitedurposes of interlocutory proceedings without
incurring a risk ofprejudgment ofthe merits.

Provisionalmeasures (whether legallybinding or not) are expected to
be implemented and can be immediatelyproductive of important prac-

38tical consequences. They are not indicated by the Court unthinkingly.
Under Article 41,paragraph 1,of its Statute, the Court has power to indi-
cateprovisionalmeasures "if it considers that circumstancesso require".
The Court cannot know what are the circumstanceswithout having to
consider the evidenceproduced in proof of the circumstances.This the
Court must do ifJudge Anzilotti was correct in speaking of "the possibil-
ity of the right claimed... and the possibility of the danger to which that
right was exposed" (Polish Agrarian Refonn and German Minority,
P.C.I.J.,SeriesA/B, No.58,p. 181).Ifthat isthe test, as1respectfullythink
it is, then the Court is called upon at this stageto make a decision asto
whether there is on the evidence a possibility of the rights claimed by
Yugoslavia and a possibility of danger to those rights; it cannot do that
without consideringthe quality of the material before it.

This conclusion accords with the position taken by Yugoslavia in its
written observations of 1 April 1993 on Bosnia-Herzegovina's first
request for provisional measures, in paragraph 5 of which it submitted
that "[tlheassertionson the basis of which the Court isrequested to grant
these provisional measures are not true, i.e. they are inconsistent with
facts". That submission necessarily implied that the Court, even at the
interlocutory stage, can competently consider questions of credibility.

Asto thestandard applicable,somehelp may be had from Dumbauld,
who wrote :

"In view of the need for rapidity and the provisionalnature of the
order, absolutely convincing proof, such as would be necessary in
forming the Court's opinion on final judgment, is not necessary.

TheCourt's decision mustbebased ontheevidencebeforeit, how-
ever, and not upon mere speculation. Substantial credibilityrather
than formally impregnable accuracy should be sought."
(Dr. E. Dumbauld, ZnterimMeasures ofProtectionin International
Controversies,1932,p. 161 .)

Thus, although it is not necessary to produce "absolutely convincing
proof', "substantialcredibility" isrequired.That, 1wouldthink, isthe test
to be applied inmaking an evaluation ofthe quality ofthe material before
the Court. To the making of such an evaluation 1accordingly pass.

TheMethodsby WhichtheYugoslavianMaterialHasBeenPrepared

Each Party disclaimsresponsibility for genocide and accuses the other
of it. So, fromthis point of view,there is a certain symmetry in positions.

39But the symmetry is broken by an important difference concerning the
position taken by each sideinrelation tothe conflict.Bosnia-Herzegovina
is of course involved in the conflict; Yugoslavia asserts that it is not. It
states that there is a civilwar in Bosnia-Herzegovina, that Yugoslavia

"is no belligerentParty, that it has no soldiers in the territory of the
'Republic of Bosnia and Herzegovina',that it supports with armsno
side inthe conflict and that it does not abet inwhatever waythe com-
mission ofcrimescited inthe Application [madeby Bosnia-Herzego-
vina on 20March 19931"(letterfromthe Federal Ministry for Foreign
Affairs of the Federal Republic of Yugoslavia to the Registrar,
1April 1993;see also statement by Mr. Zivkovicin CR 93/13, p. 7,
2 April 1993,afternoon).

On the contrary, says Yugoslavia, ithas offered refuge to a large number
of Muslims from Bosnia-Herzegovina and has extended humanitarian
help to Bosnia-Herzegovina in several ways (written observations of
Yugoslavia on Bosnia-Herzegovina's second request for provisional
measures, 9 August 1993,para. 11).
In effect, Yugoslavia's own position is that it has adopted an even-
handed approach of non-involvement in the military situation in Bosnia-

Herzegovina.Whether that is factually so or not isnot now the point; the
point now isthatthat isthe position adopted byYugoslavia.Theadoption
of a position of militarynon-involvement isrelevant to the waythe Court
approaches the allegations made by Yugoslavia; it has a bearing on the
quality of the allegations.

Themain elements ofthe casepresented byYugoslaviawereassembled
by the "Yugoslav StateCommission for War Crimes and Genocide". The
case so assembled by the YugoslavCommission alleges that genocide is
beingcommitted, but that itis al1being done by Muslimsagainst Serbs;no
hint isgivenofgenocidebeing committed by Serbsagainst Muslims.That
isnot surprising seeing that, inthe first instance, themandate ofthe Com-
mission did not extend so far, its report being entitled "Memorandum on
War Crimes and Crimes of Genocide in Eastern Bosnia (Communes of
Bratunac, Skelani and Srebrenica)Committed against the Serbian Popu-
lation from April 1992to April 1993".But page 79 of the Memorandum
states:

"A good part of the documentation on the killings, organized
ambushes, massacred persons, destroyed property, maltreatment in
prisons, the looting and the burning isinthe possession ofthecompe-
tent authorities :police stations, health centres and other communal
establishments,as well asthe command and units ofthe Army ofthe

Republic of Srpska."362 APPLICATIONOFGENOCIDE CONVENTION (SEP. OPSHAHABUDDEEN)

Professor Boyle corredly made the point that not only does this show
thatthe YugoslavStateCommissionforWarCrimesand Genocide relied
on documentation provided by "the command and units of the Army of
the Republic of Srpska", but that it also suggeststhe existence of close
relationsbetweenthe Yugoslavauthorities andthe militaryauthorities of
the BosnianSerbs.Itwouldbe correctforthe Court to refrain atthis stage
fromactingon material ofthat kind,not simplybecause itispartisan, asit
is,but because itispartisan material presented by a Party whichasserts a
position of militarynon-partisanship.

Yugoslavia'sAssertion ofNon-Znvolvemenitn the Military Operations of
BosnianSerbs
It is necessarynow to return to Yugoslavia'sassertion of non-involve-
ment in, or non-support for, Serbian military activityin Bosnia.A state-

ment made on behalf of the Govemment of Serbia (part of Yugoslavia)
after the Court's firstrder was issued shows that that Government, at
greatcostto itself,hasin factbeen "unreservedlyand generouslyhelping"
Serbsinwhatitregardsas"a justbattleforfreedom and the equalityofthe
Serbian people [which]isbeing conducted in the Serb Republic", i.e., in
theterritory ofBosnia-Herzegovina(seetheCommuniquéissuedafterthe
Sessionof the Govemment of the Republic of Serbia, set out in Bosnia-
Herzegovina's second requestof 27July 1993,at pp. 43-44).A statement
issued on behalf of the Federal Government of Yugoslavia is to similar
effect (Federal Government Communiqué, setout in Bosnia-Herzego-
vina'ssecondrequestof27July 1993,atpp. 44-45).It wasin evidencealso
that, in a statement made on 11May 1993,President Slobodan Milosevic
of Serbiasaid :

"Inthepast twoyears,the Republicof Serbia - by assistingSerbs
outsideSerbia - has forcedits economyto makemassiveeffortsand
itscitizenstomakesubstantial sacrifices.Theseeffortsandthese sac-
rificesarenowreachingthe limitsof endurance.Mostof theassistance
wassent topeopleandjïghters inBosnia-Herzegovinab ,ut a substan-

tial amount ofaid wasgivento the 500,000refugeesin Serbia.Atthe
sametime,because ofitssolidaritywithand assistancetothe Serbsin
Bosnia-Herzegovina,Serbiaissubjectedtobrutalinternational sanc-
tions. Today therecan be no comparison between us and any other
country in the world, orveryfewcountries, in terms ofthe economic
and generaldifficultiesweface. Clearly,wewereawarewe wouldface
thesedifjïcultieswhendecidingtoprovideassistancetoSerbswhowere
at war.363 APPLICATION OF GENOCIDECONVENTION (SEP. P.SHAHABUDDEEN)

Now conditions for peace in Bosniahavebeen created. Following
a year of war and long-term peace negotiations, the Serbs have
gainedtheir freedom andhaveregainedthe equality taken fromthem
whenthe warstarted. Most oftheterritoryintheformerBosnia-Herze-
govinabelongsnowtoSerbprovincesT . hisisasufficientreason to halt
the war, and to remove further misunderstandingsthrough negotia-

tions and by peaceful means.

Serbiahaslentagreat,greatdealofassistancetotheSerbsinBosnia.
Owingtothatassistancetheyhave achievedmost of whattheywanted."
(BBC transcript, as reproduced in the second request by Bosnia-
Herzegovina,pp. 47-48.)

From this and other material it is, at this stage, at least arguable that
Yugoslaviahas in factbeen givingmilitaryand other forms of assistance
to the war effort of the Bosnian Serbs; that this assistancebegan before
and continued unintempted by the Court's Order of 8 April 1993;that

the objectofthe assistancewasto enable BosnianSerbsto obtainterritory
in Bosnia-Herzegovina; and that consequently President Milosevic was
accepting responsibility for the "ethnic cleansing" which was central to
the methods by whichthe territory was acquired.

Yugoslavia's assertion of non-involvement in the conflict is open to
serious question.That question mustintum causethe Courtto hesitate at
thisstageto act onthe material presented byitin support ofitsallegations
of genocidebeing committed by Bosnia-Herzegovina.

Yugoslavia'sSilenceon the QuestionWhether BosnianSerbs HaveBeen
Committing Genocide

If,as1consider,theevidencepoints to Yugoslaviabeinginfact suppor-
tiveofthe Serbianmilitaryeffort in Bosnia-Herzegovina,theCourt might
at this stage reasonably expect Yugoslavia to be in a position tonow

whether the Serbianauthorities in Bosnia-Herzegovina have or have not
been committinggenocide. Yugoslavianeither affirms nor denies this. It
says:

"The FR of Yugoslaviahas not directed, supported or influenced
anybody to exercisethe crime of genocide or any act described by
Article III of the Genocide Convention against the Muslim popu-
lation of Bosnia and Herzegovina or against any other national,
ethnical or religious group." (Written observations of Yugoslavia
of 9August 1993,para. 11.)364 APPLICATIONOF GENOCIDE CONVENTION (SEP .P.SHAHABUDDEEN)

A pleading position of that kind leaves open the possibility that geno-
cide isbeing committed by Serbsagainst Muslims,that Yugoslavia isin a
position to know this and does know this, but that Yugoslavia is merely
taking the position that such genocide isbeingcommittedwithout itsown
support. It is,no doubt, permissible to take upuch a position at the mer-
its,the issuebeing one asto Yugoslavia'sresponsibility. But 1should have
thought that a less sparing approach was appropriate where Yugoslavia
was itself requesting provisional measures for genocide allegedly being
committed by Muslims against Serbs. Bosnia-Henegovina for its part

deniesthat genocide isbeingcommittedagainst Serbs.That isdisputed by
Yugoslavia, but itisat least a clearstatement ofposition. Thepoint, in the
case of Yugoslavia, is not that itnies that genocide is being committed
by Serbs,butthat itneither admits nor denies it,though in a position todo
one or the other. That, in my opinion, is a circumstance to be carefully
weighedbythe Court whenexercisingitsdiscretion asto whetheritwould
accede to Yugoslavia's request for provisional measures in favour of
Serbs.

Yugoslavia'sRequesftor ProvisionalMeasuresHasBeenMade Only
becauseofBosnia-Herzegovina 'Second Request

Then, as to the timeliness of Yugoslavia's allegations. The fact that
Yugoslavia'srequest ismadeinresponse to Bosnia-Herzegovina'ssecond
request is not necessarily a point against the former. But the question
whicharises isthis would Yugoslavia'srequesthavebeen madeat al1had
it not been for Bosnia-Herzegovina's? 1 cannot feel that it would have
been. The basic material on which Yugoslavia relies relates to the period
April 1992to April 1993and had been collected by the Yugoslav State
Commission for WarCrimes and Genocide overaperiod endingin April
1993. Assuming that this material (whetherin whole or in part) could not
be presented to the Court at the previous hearing, it is difficult toe-
ciate why itisbeingpresented to the Court onlysome four months after it

was assembled and then only in response to a second request by Bosnia-
Herzegovina. If genocide is in fact being committed against Serbs, the
need for remedial action always remains, any delay in approaching the
Court notwithstanding; but any such delay is, in my view, relevant in
appreciating Yugoslavia'sownconfidencein the quality ofthe allegations
nowbeing advanced by itbefore ajudicial body.

In my opinion, without raising any question of urgency as a juridical
element in its own right, one may reasonably take the view that Yugo-
slavia'srequesthasbeen made onlybecause of Bosnia-Herzegovina'sand

43 has notbeen presented withsufficienttimeliness to suggestthat the Court
would, at this stage, be correct in acting upon the supportingterial for
the purpose of indicating the provisional measures which Yugoslavia
seeks.

Yugoslavia'sAttitudetotheCourt'sOrderof8April1993

Account has also to be taken of Yugoslavia's disposition to the provi-
sional measures indicated by the Court in its Order of 8 April 1993.It is
Bosnia-Henegovina's complaint that Yugoslaviahas at no stagesought to
implement these measures. The fact that the Court is not at this point

engagedin adjudicating on the merits of the case does not mean that the
Court cannot make a definitive finding on the particular question
whether the measures indicated byithavebeenimplemented. In myopin-
ion, the evidence warrants a finding of non-implementation against
Yugoslavia.
The question of non-implementation naturally leads into the question
whether provisional measures are legally binding. The nearest that the
Court has come to answeringthis question was in 1986,when it said :

"When the Court findsthatthesituation requires that measures of
thiskind should be taken, it is incumbent on each party to take the
Court's indications seriously into account, and not to direct itsn-
duct solelyby reference to what it believes to be its rights." (Military
and Paramilitary Activitiesin and against Nicaragua (Nicaragua
v. UnitedStates of America),I.C.J.Reports 1986,p. 144,para. 289.)

That statement, and the reference to it in paragraph 58 of today's Order,
stopped short, in its careful formulation, of saying that provisional
measures are binding. Indeed, it could bear the interpretation that the
measures themselves are not binding, a party merely having a duty to
take account of the Court's indication ofthem.

The question, if it remains open, dates back to the founding of the
Permanent Court of International Justice (P.C.I.J., Advisory Committee
of Jurists, Procès-verbaux of the Proceedings of the Committee,
June16th- July24th,1920,p. 735).The main outlines ofthe argument as to
whether provisional measures are recommendatory or legally binding
appeared in the 1931records ofthe rule-makingproceedings ofthe Court
(Acts and Documentsconcemingthe Organization ofthe Court,P.C.I.J.,
Series D, SecondAddendumto No. 2, pp. 181-200).1 do not propose to
summarize or analyse the conflictingcurrents ofthoughtrunning through

the considerable literature which hassince grown up around the subject.
One exchange of opinions may however be mentioned. Adverting in 1935to the drafting of Article 41, paragraph 1, of the
Statute ofthe Permanent Court of International Justice, Henri Rolin per-
ceptively distinguished the question of enforceabilityfrom the question
of the binding character of provisional measures, observing :

"le motif alléguépour expliquer l'omission du mot 'ordonne'
permet de toucher du doigt la fragilité des considérations qui ont
retenu le Comitéde juristes: pas de moyen d'exécution,donc pas
d'ordre ! Comme si le mêmeargument n'aurait pas pu être invoqué
contre le caractèreobligatoiredessentences aufond, comme sidans
l'ordre desjuridictions nationales aussi le décrètement desmesures
provisoires n'appartient pas au judiciaire, le contrôle de leur exécu-
tion a l'exécutif!"(Henri A. Rolin, "Force obligatoire des ordon-
nances de la Cour permanente de Justice internationale en matière

de mesures conservatoires", in Mélangesofferts à Ernest Mahaim,
1935,Vol. 2,p. 286).
In 1952,speaking ofthe terms of Article 41,paragraph 1,ofthe Statute of
the present Court in the light of the Charter, he remarked :

"Ces termespourraient paraître impliquer un pouvoir de décision
et une obligation pour les parties de s'yconformer.
Telle ne paraît pourtant pas être laportée de l'article 94 de la
Charte quin'attribue d'effetsobligatoiresqu'aux arrêtsrenduspar la
Cour." (Annuaire de l'Institut de droit international, 1954,Vol. 45,1,
p. 487.)

For these reasons, he proposed an amendment to Article 41 in order to
make it clear that provisionalmeasures were binding (ibid.,p. 43 1).

For his part, HerschLauterpacht in the following year observed :

"1amfullyin agreement withthe suggestion - thoughnotperhaps
with the reasoning - of M. Rolin with regard to Article 41 of the
Statute relating to provisional measures. Without expressing an
opinion on the question whether the indication of provisional mea-
sures is merely in the nature of a recommendation 1am of the view
that ifthe latter interpretation is correctthere isroom for anamend-
ment of the Statute in this respect. It is not necessarilyinconsistent
with the effectiveness of the administration of international justice
that the Court should have no power to decree, with binding effect,
provisionalmeasuresto be taken bythe parties. But 1believethat itis
not part of the function of the Courtto recommendmeasures which
the parties arefree to accept orto reject." (Zbid.,pp. 535-536.)

Thus, on one view, it might well be tolerable that, having regard to the
specialframeworkin which it functions, an international court, unlike a
municipal court, should not have any power to decree provisional
measures with binding effect. What was lessacceptable wasthat itshouldhave "power", but "power" merely to recommend measures to the
parties whichthey werefreeto accept or to reject.

The suggested solution by way of amendment does not, of course,
removethe duty ofthe Courtto pronounce meanwhile uponthe question
ofinterpretation, in aproper case,astowhetherprovisionalmeasures are
binding. A doubt which may present itself is whether an answer to the
questions now before theCourt requires a determination of that particu-
lar issueofinterpretation. Theneed fora determination ofthe issuemight
arise if, for example, the question were whether a party was entitled to
reparation for non-implementation by the other party of provisional
measures,orto reparation for implementation byitwherethe main claim
againstit later failseitherforwant ofjurisdiction or onthe merits. Butitis

not the caseof Bosnia-Herzegovinathat anybreach by Yugoslaviaofthe
provisionalmeasuresindicated on 8April1993 willexposeYugoslaviato
some specific legalpenalty or giveto Bosnia-Herzegovinasome specific
legalright relevantto these proceedings.

This doubt may be regarded as somewhat narrowly based; the better
viewmay wellbe that the question of interpretation does arise. 1do not,
however, propose to express an opinion on the question because it
appears to methat an alternative approach is possible.
The material issue iswhether Yugoslavia has in fact implemented the
measuresas the Court expected it would,whether or not they are legally
binding. A distinction may be drawn between the indication ofmeasures
and the measuresindicated. The question relating to the "indication" is
whether ithas the effectof ajudicial decision which attaches a legalobli-
gation to a party. Thequestionrelating tothe "measures" iswhetherthey
represent a judicial finding as to what needs to be done to preserve the
rights incontest. In myopinion, evenifthe indication is not legallybind-

ing,themeasurespossessthe character ofajudicial finding asto whatwas
required to preserve those rights pendente lite,that finding having been
made after due hearing bythe Court Sittingasacourt oflawin exerciseof
a specific power conferred by law. It followsthat any non-implementa-
tion,evenifnotinbreach ofalegalobligation,represents aninconsistency
withthat judicial finding.

Now,the Court hasnopower to penalize suchan inconsistency ;but, in
my view, the inconsistency is something to be taken into account by
it in evaluating the quality of the evidencepresented by the non-imple-
menting party in support of a request for provisional measures to
preserve substantially the same rights which the Court's original
Order was in the first instance intended to protect. Unless the Court,
which has an undoubted discretion in deciding whether it would grant a
request, can take account of a non-implementation in that way, thereis little point in the provision in Rule 78 of the Rules of Court to the
effect that

"[tlheCourt may requestinformation from the parties on any matter
connected with the implementation of any provisional measures it
has indicated" (discussed in GenevièveGuyomar, Commentairedu
règlementde laCourinternationad l eJustice,983,pp. 495-496).

This point having been reached, it is useful to consider the following
view expressed by Dumbauld :

"When a refusa1to furnishinformation orto cany out provisional
measures is put on record, apparently a presumption arises which
takesthe place ofdirect evidenceinthe sensethat itlegitimates acon-
clusion derived from the fact in question by reasonable inference."
(Dr. E. Dumbauld, Interim Measuresof Protectionin International
Controversies, 1932,p. 161 ;footnotes omitted.)

Yugoslavia, not having implemented the provisional measures indi-
cated bythe Court, now seeksprovisionalmeasures ofitsown. 1do not go
so far asto suggestthatthe non-implementation necessarily or automati-
cally debars Yugoslavia from making its request (as well it might in a
corresponding case in some domesticjurisdictions); but it is, in my view,

something which legitimates the conclusionthat, in al1the circumstances;
it would not be correct for the Court, at this stage,to act on theaterial
presented byYugoslavia insupport ofthe particular measures itrequests.

III. CONCLUSION

It isdifficultto think of anymeasures which the Court could both use-
fully and competentlyindicate in addition to those already set out in its
previous Order. Onthe other hand, such hasbeen the deterioration inthe
situation since the making of the previous Order, that the Court could
hardly do lessthan cal1forthe immediate and effectiveimplementation of
theprovisionalmeasures therein indicated.Judge SirHerschLauterpacht
was not thinking ofthe Court when he said :

"Admittedly,there is as a mle no difficultyencountered by doing
nothing or little,but this ishardly a reasonable standard by which to
gaugethe fulfilment ofthetask ofthe supervisingauthority." (Admis-
sibility of Hearings of Petitionerbsy the Committeeon South West
Africa, I.C.J.Reports1956,p. 53.)The Court is not of course in the position of the supervisov authority
there referred to, but that scarcelyuffices to denude the remark of rele-
vance to such competence as belongs to the Court. Nor should it; for, to
transpose words once used by Judge Read from their peaceful context to

the unthinkableinhumanities beingunleashedin Bosnia-Herzegovina :

"It takes one bold act to transform theunthinkable intothe think-
able, and a second or third to make it a normal course." (Cited in
Georg Schwarzenberger, International Law as Applied by Zntema-
tional Courtsand Tribunals,Vol. IV,p. 21.)

(Signed) Mohamed SHAHABUDDEEN.

Document file FR
Document Long Title

Opinion individuelle de M. Shahabuddeen (traduction)

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