Opinion dissidente de M. Weeramantry, vice-président (traduction)

Document Number
091-19971217-ORD-01-04-EN
Parent Document Number
091-19971217-ORD-01-00-EN
Document File
Bilingual Document File

OPINION DISSIDENTE DE M. WEERAMANTRY,
VICE-PRÉSIDENT

La jurisprudence de la Cour en matière de demandes reconvention-
nelles n'est pas très abondante. L'expression ((demande reconvention-
nelle» n'est définieni dans le Règlement ni dans les décisionsde la Cour

et, comme il a éténotéà ce sujet:
((l'absence de rigiditéest une caractéristique de la manière dont les

Etats et la Cour abordent les demandes reconventionnelles. On
éprouve,à vrai dire, certaines difficultés a tirer de ces précédentsdes
principes généraux,si ce n'est que chaque cas concret doit êtreenvi-
sagé en lui-même. >>'

L'ordonnance de la Cour dans cette affaire s'aventure dans un nou-
veau territoire juridique2 et je suis quelque peu préoccupépar la voie
qu'elle suit, ainsi que par ses incidences juridiques et pratiques.

C'est donc avec beaucoup de regret que je ne peux souscrire à la déci-
sion de mes collègues. J'attache une très grande valeur à la motivation,
qui est si bien énoncéedans l'ordonnance, s'agissant de l'expression
«connexité directe)^ telle qu'elle figure à l'articl80 du Règlement de la
Cour mais, à mon avis, l'examen de l'affaire en question appelle une ana-

lyse minutieuse de certains autres aspects également.
Mes préoccupations peuvent êtretrès approximativement formulées
sous trois rubrique:; :

LI) le sens de I'expression ((demande reconventionnelle»;
h) le pouvoir discrétionnaire de la Cour de déciders'il y a lieu ou non
d'admettre une demande reconventionnelle; et
c) la mise en cause d'un Etat tiers dans les questions soulevéespar les

demandes reconventionnelles.
Avant de traiter ces questions, j'aimerais formuler quelques observa-

tions préliminaires.

' Shabtai Rosenne, 771eLuiv und Pruc,ofcflir Intc~rrzufionuClourt. 1920-1996. 3' éd..
1997. vol. IIp. 1276.
Le développernent du droit international pour ce qui concerne la question des
demandes reconventionnelles a tendu êtreassez limité(voir A. D. Renteln, «Encoun-
tering Counterclairns>>.D~nvcrournul of'InfrrntrfiotlulL. nd Po1ic.y.vol. 15, 1986-
1987.p. 379, 384-385,ainsi que les référenci sont contenues). Toutefois, voir M. Pel-
lonpiia et D. D. Caron, T/I~ UNCITRAL Arhifrufion Rulcs us Intrrprrtc,t/ und Applicd.
1994, p. 348-355, et Ci. H. Aldrich, TIIPJ~~ri.~p~nfr'eflie Inrn-Unitrd Stufes C'lrirns
devant ce tribunal.-120,pour une discussion détaillée desdemandes reconventionnelles

48 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (OP. DISS.WEERAMANTR 2Y88

Il est communément admisdans cette affaire qu'uneviolation de la conven-
tion sur le génocidene saurait êtreinvoquée commeexcuse ou commejusti-
fication d'une autre violation de la mêmeconvention. Nul n'a cherchéà
soutenir le contraire, et un tel argument est même loind'être concevable.

Toutefois, la question de savoir si les infractions viséespar la conven-
tion sont de nature telle qu'elles peuvent servir à riposter les unes aux
autres se pose, dans la présente espèce,dans le contexte de la disposi-
tion concernant les demandes reconventionnelles de l'article 80du Règle-
ment de la Cour. Cet article doit êtreanalysépour déterminer si ses dis-
positions sont de nature à permettre de prendre en considération, en tant

que ((demande reconventionnelle», les allégations que la Yougoslavie
cherche àjoindre à l'examen de la demande initiale de la Bosnie-Herzégo-
vine.
Une analyse du paragraphe 1 de l'article 80 de ce Règlement, traitant
de la présentation d'une demande reconventionnelle, montre que trois
conditions préalables doivent êtreremplies pour présenter une demande

reconventionnelle.
Premiérement, la question en cause doit relever de la catégorie des
((demandes reconventionnelles». Si ce n'est pas le cas, toute autre re-
cherche est inutile, car à défaut d'une ((demande reconventionnelle»,
l'article ne s'applique pas.

Deuxièmement, s'ils'agit réellementd'une demande reconventionnelle,
elle doit êtreen connexité directe avec l'objet de la demande de la partie
adverse.
Troisièmement, elle doit relever de la compétence de la Cour.
Toutefois, mêmesi toutes ces trois conditions préalables sont remplies,
la jonction n'est pas automatique, car l'article80 indique simplement

qu'une demande reconventionnelle «peut être prc;scntt;e» (les italiques
sont de moi), pourvu que les conditions prescrites soient satisfaites. La
question de savoir si une demande reconventionnelle sera ucceptée doit
encore dépendre du pouvoir discrétionnaire incontestable de la Cour qui
est maîtresse de sa propre procédure. De nombreuses circonstances se
rattachent à l'exercicede ce pouvoir discrétionnaire, comme je l'exposerai

plus loin dans la présente opinion. Partant, la quatrième condition qui
doit donc être remplie avant que la demande reconventionnelle soit
acceptéeest que la décisionde la Cour dans l'exercice de ce pouvoir dis-
crétionnaire soit favorable au défendeur.
La première condition soulève un problème, en l'absence d'une défini-
tion faisant autorité d'une demande reconventionnelle, aux fins de la

jurisprudence de la Cour3. Nous sommes ramenés à ce qui peut être
considérécomme le sens eéné"alet naturel du terme. et en réalitéaux
principes générauxque nous pouvons tirer de l'examen de demandes
reconventionnelles telles qu'elles sont interprétéesdans les systèmesjuri-

Dans d'autres contextes, comme dans le cadre d'un arbitrage sur la base du règlement
de la CNUDCI, des efforts ontfaits pour établirune définition plusprécisede ce terme.

49diques du monde. Il va sans dire que le fait qu'une partie qualifie sa
demande de demande reconventionnelle ne règlepas définitivement cette
question. 11s'agit d'une question judiciaire qui relèvede la décisionde la

Cour. Il faut tout d'abord se poser la question de savoir si la demande
qui est présentéeest une demande reconventionnelle telle qu'elle est
admise dans la phraséologiejuridique ordinaire.

A mon avis, une demande reconventionnelle constitue ce que donne à
entendre son appellation - c'est-à-dire une demande juridique ou une
situation de fait alléguéepar le défendeur quicontre la demande présentée

par le demandeur. L,esimple fait que la demande est forméepar le défen-
deur dans la mêmeinstance ne suffit pas. Le simple fait qu'elle rend au
demandeur la monnaie de sa pièce. pour ainsi dire, n'en fait pas une
demande reconventionnelle. La notion juridique de demande reconvention-
nelle s'étendau-delà d'un simple parallélismeou d'une simple réciprocité. Il

doit y avoir un certain point d'intersection entre les demandes, qui fait que
l'une exerce une influence sur les conséquencesjudiciaires de l'autre.
Le sens ordinaire de l'expression {(demande reconventionnelle))
confirme cette opinion. The Concise Oxford Dic,tionury4donne deux sens
a l'expression. Selon le premier, c'est «une demande présentéecontre une

autre demande)). Si l'on s'en tient a cette définition,les deux demandesen
question devraient, en principe, êtresusceptibles d'êtreopposables l'une à
l'autre- soit par 1;voie d'une diminution de responsabilité, d'une com-
pensation monétaire. ou de toute autre manière juridiquement reconnue.
A défaut, une demande ne peut êtreune demande reconventionnelle par

rapport a une autre.
Selon l'autre sens, une ((demande reconventionnelle» est «une demande
présentéepar un défendeur dans une action en justice contre le deman-
deur». Cette acception met en évidenceun autre aspect, à savoir que de
telles demandes ne sont envisagéesque dans des instances civiles, car ces

expressions - «demandeur», ((défendeur))et «action en justice)) - sont
assez clairement définies dans le contexte des instances civiles. Les crimes,
en raison de leur nature-même, n'entrent pas dans cette définition.
Dans le mêmeordre d'idée, le B1uc.kS Luic Bictionury, donne une
brève définitiond'une demande reconventionnelle dans le systèmeanglo-

américain
«Une demande présentéepar un défendeur pour s'opposer A la

demande du demandeur ou qui en découle. Fed. R. Civil P. 13. Si
son bien-fondé est établi,une telle demande fera écheca la demande
du requérant ou limitera son effet. »5

'Y éd.. 1995, p. 306.
' 6'éd., 1990, p. 349. L'interprétation du terme ((demande reconventionnelle)) par ceux qui

ont inspiré le libellé de l'article 40 du Règlement de 1922 est aussi
édifiante.On trouvera ci-après une citation d'un compte rendu sténogra-
phique des débats de la session préliminaire de 1922:

«M. WEISS. - N'y a-t-il pas des cas où la demande reconvention-
nelle peut êtreconsidéréecomme une défense a la demande princi-
pale?

M. A~zi~on.1. - C'est ce que nous uppelons Ive-~ccptionreconven-
tionnplle, mais ce serait une question que la Cour pourrait résoudre
dans chaque cas d'espèce. ))

La demande reconventionnelle était donc, selon l'interprétation du
président Anzilotti, une demande qui était utilisée,tout au moins notam-
ment, comme une défenseà la demande principale.
Un autre aspect (les demandes reconventionnelles, souligné par divers

auteurs sur la question, est que leur objet s'étendau-delà du simple rejet
de la demande principale, et vise a obtenir quelque chose de plus7. Cela
donne à penser que si le caractère essentiel d'une demande reconvention-
nelle est d'attaquer la demande initiale et donc de l'affaiblir ou de la faire
rejeter, elle peut mêmealler plus loin. L'attaque contre la demande initiale

semblerait toutefois être une de ses caractéristiques fondamentales.
Compte tenu de la contribution éminente du président Anzilotti aux
débatsqui ont abouti à la rédactiondu Règlement de la Cour permanente
de Justice internationale, ses observations doivent avoir un poids considé-
rable dans notre interprétation de la disposition concernant la jonction de

demandes reconventionnelles telle qu'elle se présente actuellement.
A la séancede la Cour permanente tenue le 28 mai 1934en vue d'exa-
miner l'article 39 du Règlement alors en vigueur, qui traitait notamment
d'une demande reconventionnelle présentéepar le défendeur, M. Froma-

geot a fait observer que la meilleure définition d'une demande reconven-
tionnelle est «une demande dépendant directement des faits de la demande
principale»', et M. Negulesco a expliqué qu'en employant l'expression
((connexité directe,), les auteurs du nouveau texte ont voulu viser ce
qu'on appelle en anglais le counter-claiwr, mais exclure la cross uction9.

Un article marquant sur la question, rédigépeu après l'adoption du
Règlement de 1936, appréhende probablement l'interprétation contem-
poraine de ce Règlement, en indiquant expressément que:

«la procédure de demande reconventionnelle devrait avoir pour
objectif de neutraliser la demande principale par la voie d'une contre-

C.P.J.I. sdric~D 2,tr«isi$me uddenclum. p. 107; les italiques sont de moi.
' Voir D. Anzilotti, «La demande reconventionnelle en procédure internationale)),
Journul du droit internutionul, t. 57. 1930. p. 867à cet effet également, Georges
Scelle,((Rapport sur la procédurearbitrale)), pràsla Commission du droit interna-
tional en 1949, Annuuire tle lu Commission du droit internutionul, 1950,vol. II, p. 137.
C.P.J.I. sérieIT"2. troisic;meuc/~l~~np.,112.
" Ihid, p. 111. attaque, de faire rejeter la demande principale, et cet objectif com-

prend nécessairement une demande de condamnation du demandeur
à l'action principale» lu.
En ce qui concerne l'expression «une demande reconventionnelle»,

figurant dans la version française du Règlement, il est utile de rappeler
qu'à la mêmesession de 1922, lorsque la proposition tendant à ajouter
((une demande reconventionnelle» a étédébattue, lord Finlay a fait
observer: ((11pourrait y avoir une demunde reconventionnelle qui, tout en

se présentant sous la forme d'une demande, serait en réalit(;une dkj'ense
uu fond. » ''
Je note égalementla déclarationfigurant dans le Corpus Juris Secundum
selon laquelle «la reconvention, en droit civil, équivaut en généralà une
demande reconventionnelle. Il s'agit d'une demande visant à permettre à

un défendeurdans une instance de s'introduire dans l'action principale)) Il.
Le Corpus indique ensuite que la «reconvention», la ((demande reconven-
tionnelle~, et I'c<actronreconventionnelle», sont des termes de droit civil.
Les analogies dans la jurisprudence interne sont légion. La partie
répondant à une demande de réparation cherche, en présentant la

demande reconventionnelle, à faire rejeter la demande, à en réduire ou
atténuer l'effet. L'objet principal de l'exercice est de réduire l'effet de la
demande présentéeou de la faire rejeter. La partie s'efforce d'atténuer les
conséquences juridiques de sa propre action en s'appuyant sur des cir-
constances compensatoires constituant une demande, bien qu'elle puisse

naturellement chercher iiobtenir DIUS.
Une demande qui est autonome et qui n'a aucun effet sur la décision
concernant la demande initiale ne remplit pas les conditions requises
pour êtreconsidéréecomme une demande reconventionnelle. Il en serait

particulièrement airisi de la longue liste d'actes criminels qui sont allégués
sous la forme d'une ((demande reconventionnelle)) pour contrer la longue
liste d'actes criminels similaires alléguéspar le demandeur. Le fil juri-
dique qui est nécessaire pour relier les deux sériesde faits alléguésen tant
aue demande et demande reconventionnelle fait défaut. car ni la seconde

liste ni l'un quelconque des éléments quila compose ne constitue une
réponseà la première liste ou à l'un quelconquedes élémentsqui la com-
pose. Toutes deuxsont séparéeset distinctes, comme deux sujetsd'enquête
séparés et indépendants.

L'inupplic~ubilité de lu notion d'infiuctions critninelles

De fait, la notion de demande reconventionneile est une notion de droit
civil, par opposition au droit pénal, car si des droits et des demandes

"' R. Genet, «Les demandes reconventionnelles et la procédure de la CP». Rrru~ rie
tiroit intrrncitiotjde 1;Rislrrtioncot?ipr~c. l19, 1938,p. 175; texte citépar la Bos-
nie.
'' C.P.J.I. sc'rirD n" 2, troisii.rneuc/d~tirluni;les italiques sont de moi.
'' Vol. LXXX, p. 16.civiles peuvent être opposésles uns aux autres, la nature intrinsèque d'un
préjudice causé par une infraction pénale ne permet pas d'opposer un

acte criminel à un autre. L'impact d'un crime s'étendau-delà de la par-
tie effectivement lésée,et la notion d'un crime pouvant être opposé ou
utilisécommedemande reconventionnelle à un autre crime est totalement
étrangèreà la jurisprudence moderne, qu'elle soit nationale ou interna-

tionale.
Un meurtre ne peut être opposéà un autre meurtre, ni un viol à un
autre viol. Les crimes doivent être considérésdans le contexte jurispru-
dentiel des intérêtset des droits de la communauté. En revanche. les
actions civiles sont considéréesdans le contexte des droits des personnes

concernées. De plus, les demandes civiles, qui sont souvent quantifiées en
termes monétaires, peuvent intrinsèquement être opposées les unes aux
autres. Lorsque le demandeur individuel obtient satisfaction, la question
est régléeT. outefois, dans le domaine du crime, on ne peut mettre fin au
dommage causéà la communauté de cette façon en opposant un acte cri-

minel à un autre. Cela d'autant plus qu'un crime ne peut êtrecompensé
par un autre crime. Les moyens de défense légitimeset les circonstances
atténuantes peuvent naturellement êtreinvoqués comme un droit incon-
testable du défendeur, mais toujours dans les limites de la fonction qui est
la leur - notamment la contestation de faits, le refus d'admettre une res-

ponsabilité, l'atténuation de l'infraction, etc. - mais jamais en tant que
demande reconventionnelle qui compense ou neutralise le crime comme
le fait une demande reconventionnelle dans un contexte civil.
Ce que j'ai observéjusqu'à présent s'appliqueà fortiori au crime inter-
national de génocicle.Un acte de génocide du demandeur ne peut être

opposéà un acte de génocidedu défendeur. Chaque acte n'est pas affecté
par l'autre, puisqu'il suscite lui-mêmela condamnation collective de la
communauté internationale.
A plusieurs reprises, la Cour a soulignécet aspect du génocidedans les

termes les plus vigoureux. Dans son avis consultatif sur les Réserves rilu
c.onvcwrion pour luprévention etlu répressiondu crime dc génocide, elle a
observé :

((Dans une telle convention, les Etatscontractants n'ont pas d'inté-
rêtspropres; ils ont seulement, tous et chacun, un intérêtcommun,
celui de préserver les fins supérieures qui sont la raison d'êtrede la

convention. Ilen résulteque l'on ne saurait, pour une convention de
ce type, parler d'avantages ou de désavantages individuels des Etats,
non plus que d'un exact équilibre contractuel à maintenir entre les
droits et les charges. )l3

La convention sur le génocidenous entraîne en dehors du domaine des
crimes contre un Etat particulier, pour nous introduire dans le domaine

des crimes contre l'humanité, où la notion de la compensation des inté-rêtsindividuels d'un Etat est inconcevable. La Cour a donc souligné a
maintes reprises le caractére ergu omnes des droits et obligations décou-
lant de la convention, qui rend les auteurs de tels actes responsables
envers la communauté internationale dans son ensemble 14.

Comme l'indique la Bosnie-Herzégovine,le contre-mémoire de la You-
goslavie comprend deux parties. Une partie se compose d'une réponse
aux accusations forinulées dans le mémoire de la Bosnie-Herzégovine.
Ellecomprend notaniment des élémentsde preuve et d'information qu'une
cour doit nécessairement prendre en considération pour se prononcer sur

la demande principale - des élémentsque tout défendeur accusé de
crime a le droit incontestable de soumettre à la Cour. Ces éléments doi-
vent, bien entendu, rltre examinéspar la Cour dans le cadre de l'instance
actuelle.

Toutefois, dans la deuxième partie, qui est deux fois plus volumineuse,
le défendeur entre dans un domaine différent. 11passe de la défensiveà
l'offensive et soutient que le demandeur lui-mêmeest coupable de la
mêmecatégorie d'infractions dont il est accusé.Une personne accuséeest

toujours en droit de formuler de telles allégations dans une instance dis-
tincte si celles-ci peuvent êtreprouvées, mais non sous la forme d'une
deinande rrc(~onventionne1là e l'accusation initiale. Les faits peuvent être
pertinents pour atténuer l'accusation initiale, mais non pour constituer le

fond d'une demande indépendante.
Ces allégations ne peuvent êtreconsidéréescomme une demande recon-
ventionnelle au sens de l'article 80, qui permettrait de les examiner dans
le cadre de l'instance en cours.
Le défendeur prétend que les faits exposés dans la deuxième partie,

chapitre VII, du contre-mémoire, ((c'est-à-dire les crimes de génocide
commis à l'encontre de la population serbe en Bosnie-Herzégovine, font
partie intégrante des circonstances de la ~ituation))'~. Mêmes'il en était
ainsi, ces actes restent des actes distincts de génocide.Mêmesi l'on admet

que les actes de génocidequi auraient étécommis par la Bosnie-Herzé-
govine sont prouvés, les actes de génocidedont est accuséela Yougosla-
vie ne perdent rien de leur gravité.
La ((demande reconventionnelle » sur le génocide dépend nécessaire-

ment d'autres faits que le génocideque la Bosnie prétend avoir étécom-
mis, car les prétendus meurtriers sont différents, les victimes sont diffé-
rentes, les motivations sont différentes, et les dates et les lieux ne
coïncident pas. En résumé,un processus d'investigation distinct est néces-

saire pour examiner, d'une part, la demandeet, d'autre part, la ((demande
reconventionnelle)). Chacune de ces recherches doit être poursuivie de

l4 Burcclonu Tructioc. Light und Po~ivrCon~putrj..Limitrd. C.I.J. Rr<1970,p. 33;
nic~-H<~rz&oi~iicl.c Yougusluiic,), c,.u<.c,ptionp.srélimincrircs,C.I.1995.<p. 22.s-
par. 31.
l5 Déclaration de la Yougoslavie concernant la recevabilitéde la demande reconven-
tionnelle.3 octobre 1997. p. 20. par. 6.4.manière indépendante et exigera des élémentsde preuve indépendants
devant la Cour. Les conclusions judiciaires adoptées dans l'une n'atté-
nuent pas ou n'amplifient pas les conclusions adoptées dans l'autre.

II existe des circonstances dans la présente affaire qui, a mon avis,
devraient porter la Cour, mêmesi toutes les autres conditions préalables
sont remplies, à user de son pouvoir discrétionnaire pour refuser de
joindre la demande du défendeur à celle du demandeur.
Tout d'abord, I'affaire introduite par le demandeur est en instance
devant la Cour depuis 1993, et aujourd'hui, à la fin de 1997, lorsque

I'affaire est pratiquement en état d'êtrejugée,le demandeur a droit a ce
qu'elle soit tranchée avec célérité. e qui est recherchépar l'introduction
d'une demande reconventionnelle quatre ans plus tard, qui constitue en
réalitéune autre demande de la mêmeétendue que la demande du
demandeur, aura nécessairement pour effet de retarder encore plus I'exa-
men de la demande du demandeur.

En outre, non seulement la date à laquelle les allégationsdu défendeur
seront en étatd'êtreexaininéessera retardée, mais le processus effectif de
jugement sera lui-mème prolongé. La demande de la Bosnie-Herzégovine
est déjà assez complexe, étant donné le grand nombre d'allégations de
fait qui doivent êtreprouvées et qui sont prouvées. Cette tâche exigera
probablement plusieurs semaines, voire des mois de travaux. Le fait de

réunir cette sériemiissive d'allégations à une nouvelle séried'allégations
de mêmeampleur allongera considérablement le délai nécessairepour
connaître de l'affaire. Le retard dans I'examen effectifde I'affaire, ajouté
au retard dans la préparation de la mise en état, pourrait bien compro-
mettre les buts de la justice.
Je note à cet égard l'accent mis par I'Internutional Encyclopediu of'

Cornpurutive LU)I'(dans son volume sur «la procédure civile))qui analyse
la cross uction dansde nombreusesjuridictions) sur l'importance du prin-
cipe selon lequel la décision sur l'action principale ne devrait pas être
retardée par I'examen de la cros.saction. En traitant de ce qui est décrit
comme la ((cross uction dans des cas de connexitéd'une demande et d'une
demande reconventionnelle», l'auteur évoque en l'approuvant une pro-

cédure existant en Allemagne, «par laquelle il peut être statué surune de-
mande bien fondéeet en état d'un requérant sans tenir compte de la cross
action», ce qui montre a quel point il est important de ne pas permettre
que I'examen d'une demande principale, qui est en état d'êtrejugée,
soit retardé par une cross action ou une demande recon~entionnelle'~.
En outre, en conriaissant de I'affaire, la Cour passera d'une séried'allé-

gations à l'autre, et ne sera pas en mesure d'aboutir à une conclusion sur

IhInt<~rnutionl ncj~:lopediuof Cornpurutive Luw, vol. XVI, «Civil Procedure)). Mauro
Cappellettidir. publ.). p. 66-67.l'affaire dont elle est saisie avant d'avoir examiné l'ensemble des argu-
ments avancéscontre le demandeur. Il ne sera pas possible à la Cour de
se concentrer sur l'objet de I'une ou de I'autre de ces demandes, comme
elle devrait le faire pour adopter la décisionqui convient dans une affaire
d'une telle complexité.

La Cour réunira, en réalité, enune seule instance deux affaires distinc-
tes dont chacune comporte des élémentsde preuve volumineux concer-
nant une multitude d'actes criminels, et, ce faisant, s'imposera une charge
procédurale considérable, avec peu d'avantages pour I'une ou l'autre Par-
tie. On peut noter que la seconde partie du contre-mémoire yougoslave,
qui contient les allégations sur lesquelles repose la ((demande reconven-
tionnelle)), comprend plus de sept cents pages d'élémentsqui tendent à

prouver que la Bosnie-Herzégovine est elle-mêmecoupable de violations
de la convention sur le génocide. Ces sept cents pages d'allégations
devront êtrevérifiées séparément,de manière tout a fait indépendante de
la vérificationqui doit être faite de plusieurs allégationsqui constituent le
fond de la demande de la Bosnie-Herzégovine.
Après avoir examinéles nombreux élémentsde preuve qui seront cer-

tainement présentés parle demandeur, la Cour devra réserverses conclu-
sions à cet égard en attendant d'examiner les nombreux élémentsde
preuve qui devraient êtreprésentéségalement par le défendeur. D'un
point de vue pratique, cela entravera le processus de prise de décisionsur
la première sériede faits pendant une si longue période que les impres-
sions qu'ils ont crééesdans l'esprit des juges risquent de perdre de leur

nouveauté et leur caractère immédiat. Cela pourrait se révéler très pré-
judiciable au processus de vérification dans une recherche de longue
durée.
Il se pose aussi une question de principe ici, car si cette demande devait
êtreadmise, elle pourrait créer lapossibilitépour des parties cherchant à
retarder des procédures intentées contre elles d'introduire, lorsqu'une
affaire est presque en étatd'êtrejugée, cequi, en réalité,constituerait une

autre instance contre le demandeur, en vue de retarder la procédure
engagée à leur encontre. Lorsqu'une telle demande est présentéedes
années aprèsl'introduction de la demande initiale, cela pourrait avoir des
effets préjudiciables à la bonne administration de la justice internatio-
nale.
La demande du défendeur, qui a étéprésentéequatre ans après la

demande du demandeur, pourrait toujours être examinée dans le cadre
d'une instance distincte, si elle était introduite en tant que telle. Aucun
préjudice ne serait ainsi causé au défendeur, qui peut avancer dans une
telle procédure toute sorte d'arguments et présenter toutes les preuves
qu'il peut produire dans l'instance en cours.
La situation envisagéepar l'article 80 est tout à fait distincte de celle
prévue par l'article 47 du Règlement qui permet que les instances dans

deux ou plusieurs affaires soientjointes. Si la Yougoslavie avait introduit
une instance distincte sur l'objet qu'elle indique aujourd'hui dans sa
demande reconventionnelle, et si une ordonnance de jonction avait paruappropriée Licause de l'existenced'un contexte commun, de circonstances
similaires, pour des raisons d'économie judiciaire, ou de tout autre motif

impérieux, une telle ordonnance aurait bien pu êtreune voie naturelle-
ment accessible à la Cour et aux Parties.
Toutefois, ce n'est pas dans cette situation que nous nous trouvons
aujourd'hui. Une demande différente a été déposéd eans le cadre de la
mêmeinstance.
En exerçant son pouvoir discrétionnaire, la Cour doit aussi tenir compte

d'un autre aspect touchant l'«égalitédes armes» des Parties devant elle.
Quelle que soit l'ampleur de l'objet de sa demande, le défendeur à l'ac-
tion reconventionnelle, à savoir le demandeur originaire, n'a d'une
manière généralequ'une seule possibilité d'exposer sa position au sujet
des allégations formuléesà son encontre, alors que le défendeur a l'action

initiale a la possibilité non seulement de déposer un contre-mémoire,
mais aussi de déposer une duplique. Lorsque des instances de cette am-
pleur sont jointes, dans la forme demandée par le défendeur dans I'ins-
tance en cours, cet aspect d'inégalitépeut porter gravement préjudice à
son adversaire, en particulier dans une affaire telle que celle que la Cour
examine actuellement.

De fait, cet aspect a attiré l'attention M. Negulesco, à la séancede
la Cour permanente du 28 mai 1934, qui a déjàétéévoquée. M. Negu-
lesco a fait observer que:

((dans une procédure normale devant la Cour, chaque partie peut
présenter deux piècesécriteset plaider deux fois. Selon le système
actuel des demandes reconventionnelles, au contraire, où le défen-

deur soulève la demande reconventionnelle dans le contre-mémoire.
le demandeur peut déposer un seul écrit - la réplique - sur la
demande, tandis que le défendeur peut s'expliquer une deuxième
fois, dans sa duplique. M. Negulesco se demande si cette inégalité
des plaideurs dans la procédure écrite sur une demande reconven-
tionnelle n'est pas contraire à l'esprit du Statut.l7

La Cour a, dans la présente affaire, pris note de cet aspect, au para-

graphe 42 de l'ordonnance, en conférant à la Bosnie-Herzégovine le droit
d'exposer ses vues une seconde fois dans une pièceadditionnelle, mais il
s'agit là d'un aspect qui devrait êtrepris en considération dans tous les
cas où des demandes reconventionnelles seront présentéesà l'avenir. En
outre, c'est un aspect qui retarde encore plus la dateà laquelle l'instance

jointe sera en état d'êtrejugée.
Toutes cescirconstances influent sur l'exercicedu pouvoir discrétionnaire
de la Cour de déciders'il y a lieu ou non de joindre une demande recon-
ventionnelle la demande initiale, mêmesi toutes les autres conditions
requises sont satisfaiteA. mon avis, elles auraient dû inciter la Cour à user
de son pouvoir discrétionnaire pour se prononcer contre la jonction. Une autre considération qui, à mon avis, milite fortement contre la
thèse du défendeur selon laquelle sa demande contre la Bosnie-Herzégo-

vine devrait êtrejointe à la demande présentéecontre lui par la Bosnie-
Herzégovine estle fait que la demande reconventionnelle alléguée met en
cause aussi le comportement de la Croatie. Une ((demande reconvention-
nelle)) entre les parties immédiates à l'instance est une chose, mais une
demande reconventionnelle mettant en cause une tierce partie en est une
autre. L'opportunité et l'économie judiciaire pourraient être gravement

compromises par la jonction à une demande d'une ((demande reconven-
tionnelle)) mettant en cause une tierce partie.
En outre, du point de vue de considérations pratiques, cela introduit
encore un élémentde retard. Il faudrait avertir la Croatie de sa mise en
cause et celle-ci serait en droit de présenter une réponiitoutes les accu-

sations avancées contre elle. II faudra du temps pour qu'elle puisse le
faire, qui s'ajoutera au délai qu'implique déja la jonction des deux
demandes. De nouveaux témoins pourraient bien devoir êtreentendus,ce
qui compliquera encore plus la tâche déja difficile imposée à la Cour
d'examiner les alléga.tionsformuléespar chaque Partie contre l'autre.
Pour ces raisons, j'estime que la jonction d'une demande mettant en

cause une tierce partie, à savoir, la Croatie, va à l'encontre de l'esprit et
du but des dispositions procédurales de la Cour concernant les demandes
reconventionnelles -- et plus particulièrement dans les circonstances de la
présente affaire.

Les considérations que j'ai exposées ci-dessus medonnent la conviction
que, dans la présente affaire, la voie qui aurait étéplus conforme au prin-
cipe juridique et à l'opportunité pratique aurait consisté à examiner la
requêtede la Bosnie-Herzégovine et à se prononcer à son sujet, en lais-
sant ii la Yougoslavie son droit incontestable de faire de sa demande

reconventionnelle l'objet d'une instance distincte. La Cour aurait pu ainsi
statuer définitivement sur cette requêtedont l'examen est retardé depuis
si longtemps et aurait eu alors la possibilitéde connaître de la demande
reconventionnelle en tant qu'affaire distincte, comme elle l'est incontes-
tablement. à mon avis. Les deux Parties auraient alors eu l'avantage

d'êtreentendues rapidement et la Cour aurait pu concentrer son atten-
tion sur leurs prétentions et allégations respectives, sans êtregênéepar
des élémentsde preuve volumineux qui sont étrangers à l'objet particulier
de chaque instance.

(Signk) Christopher Gregory WEERAMANTRY

Bilingual Content

DISSENTING OPlNION OF VICE-PRESIDENT
WEERAMANTRY

The jurisprudence of the Court in regard to counter-claims is not well

developed. There is no definition of the term "counter-claim" in the
Rules, nor in the Court's decisions and,as has been noted in this connec-
tion :

"lack of rigidity is a feature of the manner in which States and the
Court approach counter-claims. Some difficulty, indeed, is seen in
extracting any general principles from these cases, unless it be that
each case is to be treated on its merits."'

The Court's Order in this case ventures into new legal territory2and
1have some concerns with the direction it takes, and with itsjuristic and
practical implications.
It is therefore with much regret that 1find myselfunable to concur in
the decision of my colleagues. 1deeply appreciate the reasoning, so well
stated in the Order, in regard to the expression "directly connected" as
appearing in Article 80 of the Rules of Court but, in my view, the con-

sideration of the matter in hand calls for a close examination of some
other aspects as well.
My concerns may very broadly be formulated under three heads:

the meaning of the term "counter-claim" ;
the discretion of the Court in determining whether to accept a coun-
ter-claim; and
(c) the involvement of a third State in the matters raised by the counter-
claims.

Before dealing with these, 1 would like to make a few preliminary
observations.

' Shabtai Rosenne, Tl~rLuiv und Pructice of tlrc.Int<~rn(rl ourt. 1920-1996, 3rd
ed.. 1997,Vol.111.p.1276.
The development of the topic of counter-claims in international law has tended to be
somewhat slender (see A. D. Renteln, "Encountering Counterclaims", Denoc,rJournul oJ
Intrrnutiow~rlLuii. and Poliqv, Vol. 15, 1986-1987,pp. 379, 384-385, and the references
Rulcs a.cIi~tcrprrfrclunri Appliad, 1994. pp. 348-355, and G. H. Aldrich. Tlze Jurispru-
drncr uftlrr Iran-United Stutes Cluin~sTribunul, 1996110-120.for a detailed discus-
sion of counter-claims before that Tribunal. OPINION DISSIDENTE DE M. WEERAMANTRY,
VICE-PRÉSIDENT

La jurisprudence de la Cour en matière de demandes reconvention-
nelles n'est pas très abondante. L'expression ((demande reconvention-
nelle» n'est définieni dans le Règlement ni dans les décisionsde la Cour

et, comme il a éténotéà ce sujet:
((l'absence de rigiditéest une caractéristique de la manière dont les

Etats et la Cour abordent les demandes reconventionnelles. On
éprouve,à vrai dire, certaines difficultés a tirer de ces précédentsdes
principes généraux,si ce n'est que chaque cas concret doit êtreenvi-
sagé en lui-même. >>'

L'ordonnance de la Cour dans cette affaire s'aventure dans un nou-
veau territoire juridique2 et je suis quelque peu préoccupépar la voie
qu'elle suit, ainsi que par ses incidences juridiques et pratiques.

C'est donc avec beaucoup de regret que je ne peux souscrire à la déci-
sion de mes collègues. J'attache une très grande valeur à la motivation,
qui est si bien énoncéedans l'ordonnance, s'agissant de l'expression
«connexité directe)^ telle qu'elle figure à l'articl80 du Règlement de la
Cour mais, à mon avis, l'examen de l'affaire en question appelle une ana-

lyse minutieuse de certains autres aspects également.
Mes préoccupations peuvent êtretrès approximativement formulées
sous trois rubrique:; :

LI) le sens de I'expression ((demande reconventionnelle»;
h) le pouvoir discrétionnaire de la Cour de déciders'il y a lieu ou non
d'admettre une demande reconventionnelle; et
c) la mise en cause d'un Etat tiers dans les questions soulevéespar les

demandes reconventionnelles.
Avant de traiter ces questions, j'aimerais formuler quelques observa-

tions préliminaires.

' Shabtai Rosenne, 771eLuiv und Pruc,ofcflir Intc~rrzufionuClourt. 1920-1996. 3' éd..
1997. vol. IIp. 1276.
Le développernent du droit international pour ce qui concerne la question des
demandes reconventionnelles a tendu êtreassez limité(voir A. D. Renteln, «Encoun-
tering Counterclairns>>.D~nvcrournul of'InfrrntrfiotlulL. nd Po1ic.y.vol. 15, 1986-
1987.p. 379, 384-385,ainsi que les référenci sont contenues). Toutefois, voir M. Pel-
lonpiia et D. D. Caron, T/I~ UNCITRAL Arhifrufion Rulcs us Intrrprrtc,t/ und Applicd.
1994, p. 348-355, et Ci. H. Aldrich, TIIPJ~~ri.~p~nfr'eflie Inrn-Unitrd Stufes C'lrirns
devant ce tribunal.-120,pour une discussion détaillée desdemandes reconventionnelles

48 It is common ground in this case that a breach of the Genocide Con-
vention cannot be pleaded as an excuse or justification for another
breach of the same Convention. Nobody has sought to argue otherwise,
nor is any such argument even remotely conceivable.

Yet the question whether offences under the Convention are of such a
nature that they can be used to counter each other arises, in the present
case, in the context of the provision regarding counter-claims in Ar-
ticle 80 of the Rules of Court. That Article needs to be analysed to ascer-
tain whether its provisions are such as to enable it to accommodate, as a
"counter-claim", the allegations that Yugoslavia seeks to join to the hear-

ing of the original claim of Bosnia and Herzegovina.

An analysis of Article 80, paragraph 1,of these Rules, dealing with the
presentation of a counter-claim, reveals three prerequisites to the presen-
tation of a counter-clairn.

In the first place, the matter in question must fa11within the category
of a "counter-claim". If it does not, further enquiry is unnecessary, for
without a "counter-claim", the Article is not brought into operation.

Secondly, if it is in fact a counter-claim, it must be directly connected

with the subject-matter of the claim of the other Party.

Thirdly, it must come within the jurisdiction of the Court.
However, even if al1 these prior requisites are satisfied, joinder is not
automatic, for the language of Article 80 only States that a counter-claim

"rnay be presented" (emphasis added), provided the prescribed requisites
are present. Whether that counter-claim ~itillbe uccrpted must still depend
on the undoubted discretion of the Court as the master of its own pro-
cedure. Thereare many circumstances relevant to the exercise of that dis-
cretion, as will appear later in this opinion. Thus a fourth requisite that
must be satisfied before the counter-claim is accepted is that the Court's

discretion must be exercised in the respondent's favour.

The first requisite presents a problem, in the absence of an authorita-
tive definition of a counter-claim, for the purposes of the Court's juris-

prudence3. We are thrown back upon what may be considered as the
general and natural meaning of the term, and upon such general prin-
ciples as we can gather from scrutinizing counter-claims as they are
understood in legal systems across the world. Needless to Say, a party's

In other contexts, such as arbitration under the UNCITRAL Rules, there have been
attempts at a more precise delineation of the term.

49 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (OP. DISS.WEERAMANTR 2Y88

Il est communément admisdans cette affaire qu'uneviolation de la conven-
tion sur le génocidene saurait êtreinvoquée commeexcuse ou commejusti-
fication d'une autre violation de la mêmeconvention. Nul n'a cherchéà
soutenir le contraire, et un tel argument est même loind'être concevable.

Toutefois, la question de savoir si les infractions viséespar la conven-
tion sont de nature telle qu'elles peuvent servir à riposter les unes aux
autres se pose, dans la présente espèce,dans le contexte de la disposi-
tion concernant les demandes reconventionnelles de l'article 80du Règle-
ment de la Cour. Cet article doit êtreanalysépour déterminer si ses dis-
positions sont de nature à permettre de prendre en considération, en tant

que ((demande reconventionnelle», les allégations que la Yougoslavie
cherche àjoindre à l'examen de la demande initiale de la Bosnie-Herzégo-
vine.
Une analyse du paragraphe 1 de l'article 80 de ce Règlement, traitant
de la présentation d'une demande reconventionnelle, montre que trois
conditions préalables doivent êtreremplies pour présenter une demande

reconventionnelle.
Premiérement, la question en cause doit relever de la catégorie des
((demandes reconventionnelles». Si ce n'est pas le cas, toute autre re-
cherche est inutile, car à défaut d'une ((demande reconventionnelle»,
l'article ne s'applique pas.

Deuxièmement, s'ils'agit réellementd'une demande reconventionnelle,
elle doit êtreen connexité directe avec l'objet de la demande de la partie
adverse.
Troisièmement, elle doit relever de la compétence de la Cour.
Toutefois, mêmesi toutes ces trois conditions préalables sont remplies,
la jonction n'est pas automatique, car l'article80 indique simplement

qu'une demande reconventionnelle «peut être prc;scntt;e» (les italiques
sont de moi), pourvu que les conditions prescrites soient satisfaites. La
question de savoir si une demande reconventionnelle sera ucceptée doit
encore dépendre du pouvoir discrétionnaire incontestable de la Cour qui
est maîtresse de sa propre procédure. De nombreuses circonstances se
rattachent à l'exercicede ce pouvoir discrétionnaire, comme je l'exposerai

plus loin dans la présente opinion. Partant, la quatrième condition qui
doit donc être remplie avant que la demande reconventionnelle soit
acceptéeest que la décisionde la Cour dans l'exercice de ce pouvoir dis-
crétionnaire soit favorable au défendeur.
La première condition soulève un problème, en l'absence d'une défini-
tion faisant autorité d'une demande reconventionnelle, aux fins de la

jurisprudence de la Cour3. Nous sommes ramenés à ce qui peut être
considérécomme le sens eéné"alet naturel du terme. et en réalitéaux
principes générauxque nous pouvons tirer de l'examen de demandes
reconventionnelles telles qu'elles sont interprétéesdans les systèmesjuri-

Dans d'autres contextes, comme dans le cadre d'un arbitrage sur la base du règlement
de la CNUDCI, des efforts ontfaits pour établirune définition plusprécisede ce terme.

49characterization of its claim as a counter-claim is not determinative

of this matter. It is a judicial question for determination by the Court.
The question must first be asked whether the claim that is presented is
a counter-claim such as is recognized in ordinary legal phraseology.

(A) THEMEANING OF THE TERM"COUNTER-CLAIM"

To my mind, a counter-claim is what its name implies - that it is a
legal claim or factual situation alleged by the respondent that countcrs
the claim set up by the applicant. The mere fact that it is a claim made by
the respondent in the same proceedings is not enough. The mere fact that

it pays back the plaintiff in the same coin, so to speak, does not make it
a counter-claim. The juristic concept of a counter-claim has more to it
than mere parallelism or reciprocity. There must be some point of inter-
section between the claims, which makes one exert an influence upon the
judicial consequence of the other.

The ordinary meaning of the expression "counter-claim" lends support
to this view. The Concise O'cfordDic.tionurjl4gives two meanings to the
expression. The first is "a claim made against another claim". Under this

definition, the two claims in question should, in principle, be capable of
being opposable to each other - whether by way of diminution of
responsibility, or by monetary set-off, or in any other legally recognized
manner. Failing this, one cannot be a counter-claim to the other.

The other meaning given to "counter-claim" is that it is "a claim made
by a defendant in a suit against the plaintiff'. This meaning emphasizes
another aspect, namely, that such claims are envisaged only in civil pro-

ceedings, for these expressions - "plaintiff', "defendant" and "suit" -
are quite clearly set in the context of civil claims. Crimes, by their very
nature, do not fit within this definition.

Bluck S Lunt Dictionary, on the same lines, gives a short definition of a
counter-claim for the Anglo-American system as:

"A claim presented by a defendant in opposition to or deduction
from the claim of the plaintiff. Fed. R. Civil P. 13. If established,
such will defeat or diminish the plaintiff s claim."

9thed.,1995, p. 306.
6thed.,1990, p. 349.diques du monde. Il va sans dire que le fait qu'une partie qualifie sa
demande de demande reconventionnelle ne règlepas définitivement cette
question. 11s'agit d'une question judiciaire qui relèvede la décisionde la

Cour. Il faut tout d'abord se poser la question de savoir si la demande
qui est présentéeest une demande reconventionnelle telle qu'elle est
admise dans la phraséologiejuridique ordinaire.

A mon avis, une demande reconventionnelle constitue ce que donne à
entendre son appellation - c'est-à-dire une demande juridique ou une
situation de fait alléguéepar le défendeur quicontre la demande présentée

par le demandeur. L,esimple fait que la demande est forméepar le défen-
deur dans la mêmeinstance ne suffit pas. Le simple fait qu'elle rend au
demandeur la monnaie de sa pièce. pour ainsi dire, n'en fait pas une
demande reconventionnelle. La notion juridique de demande reconvention-
nelle s'étendau-delà d'un simple parallélismeou d'une simple réciprocité. Il

doit y avoir un certain point d'intersection entre les demandes, qui fait que
l'une exerce une influence sur les conséquencesjudiciaires de l'autre.
Le sens ordinaire de l'expression {(demande reconventionnelle))
confirme cette opinion. The Concise Oxford Dic,tionury4donne deux sens
a l'expression. Selon le premier, c'est «une demande présentéecontre une

autre demande)). Si l'on s'en tient a cette définition,les deux demandesen
question devraient, en principe, êtresusceptibles d'êtreopposables l'une à
l'autre- soit par 1;voie d'une diminution de responsabilité, d'une com-
pensation monétaire. ou de toute autre manière juridiquement reconnue.
A défaut, une demande ne peut êtreune demande reconventionnelle par

rapport a une autre.
Selon l'autre sens, une ((demande reconventionnelle» est «une demande
présentéepar un défendeur dans une action en justice contre le deman-
deur». Cette acception met en évidenceun autre aspect, à savoir que de
telles demandes ne sont envisagéesque dans des instances civiles, car ces

expressions - «demandeur», ((défendeur))et «action en justice)) - sont
assez clairement définies dans le contexte des instances civiles. Les crimes,
en raison de leur nature-même, n'entrent pas dans cette définition.
Dans le mêmeordre d'idée, le B1uc.kS Luic Bictionury, donne une
brève définitiond'une demande reconventionnelle dans le systèmeanglo-

américain
«Une demande présentéepar un défendeur pour s'opposer A la

demande du demandeur ou qui en découle. Fed. R. Civil P. 13. Si
son bien-fondé est établi,une telle demande fera écheca la demande
du requérant ou limitera son effet. »5

'Y éd.. 1995, p. 306.
' 6'éd., 1990, p. 349. The understanding of the word "counter-claim" by those who inspired
the drafting of Article 40 of the Rules in 1922 is also illuminating. To
quote a verbatim record of the discussion atthe 1922preliminary session:

"M. WEISS (translation). - Are there not cases where a counter-
claim may be regarded as a defence to the principal claim?

M. ANZILOTT Itranslution). - That is what ive cal1 u plea of
couiîter-claim, but that would be a question to be decided by the
Court in the particular case.""

The counter-claim was thus, according to the understanding of Presi-
dent Anzilotti, a claim which operated, at least inter alia,as a defence to
the principal claim.
Another aspect of counter-claims, stressed by various writers on the

subject, is that their object goes beyond the mere dismissal of the prin-
cipal claim, to obtain something more7. This suggests that while the
essential character of a counter-claim is to impinge on the original claim
and thus weaken or destroy it, it may even go further. The attack upon
the original claim would appear, however, to be one of its basic charac-

teristics. Having regard to President Anzilotti's prominent contribution
to the discussion leading to the drafting of the Rules of the Permanent
Court of International Justice, his observations must carry great weight
in Ourunderstanding of the rule relating to joinder of counter-claims as it
presently stands.

At the meeting of the Permanent Court held on 28 May 1934 to con-
sider Article 39 of the Rules then prevailing, which dealt inter aliuwith a
counter-case presented by the respondent, Mr. Fromageot observed that
the best definition of a counter-claim would be "a claim directly depen-
dent on the facts of the main actionw8,and Mr. Negulesco that, in using

the expression "direct connection", the authors of the new text had in
mind what was termed in English "the counter-claim", but had wished to
exclude the cross action9.
A leading article on the subject, written shortly after the 1936 Rules,
probably captures the contemporary understanding of these Rules, when

it observes specifically that :
"counter-claim proceedings should have the objective of neutralizing
the principal claim by means of a counter-attack, of having the prin-

' See D. Anzilotti, "La demande reconventionnelle en procédure internationale", Jour-
nul du droit itztc~rnrrrl,ol. 57, 1930. p. 867. Sec, to the same effect. Georges Scelle,
"Report on Arbitration Proceedings", submitted to the International Law Commission in
1949, Yeurhook oftllr Intrrnutionrrl Luit. Commi.ssion. 1950, Vol. II, p. 137.
P.C.IJ.,Series D, No. 2, 4th Acld., p. 264.
' Ihirl. L'interprétation du terme ((demande reconventionnelle)) par ceux qui

ont inspiré le libellé de l'article 40 du Règlement de 1922 est aussi
édifiante.On trouvera ci-après une citation d'un compte rendu sténogra-
phique des débats de la session préliminaire de 1922:

«M. WEISS. - N'y a-t-il pas des cas où la demande reconvention-
nelle peut êtreconsidéréecomme une défense a la demande princi-
pale?

M. A~zi~on.1. - C'est ce que nous uppelons Ive-~ccptionreconven-
tionnplle, mais ce serait une question que la Cour pourrait résoudre
dans chaque cas d'espèce. ))

La demande reconventionnelle était donc, selon l'interprétation du
président Anzilotti, une demande qui était utilisée,tout au moins notam-
ment, comme une défenseà la demande principale.
Un autre aspect (les demandes reconventionnelles, souligné par divers

auteurs sur la question, est que leur objet s'étendau-delà du simple rejet
de la demande principale, et vise a obtenir quelque chose de plus7. Cela
donne à penser que si le caractère essentiel d'une demande reconvention-
nelle est d'attaquer la demande initiale et donc de l'affaiblir ou de la faire
rejeter, elle peut mêmealler plus loin. L'attaque contre la demande initiale

semblerait toutefois être une de ses caractéristiques fondamentales.
Compte tenu de la contribution éminente du président Anzilotti aux
débatsqui ont abouti à la rédactiondu Règlement de la Cour permanente
de Justice internationale, ses observations doivent avoir un poids considé-
rable dans notre interprétation de la disposition concernant la jonction de

demandes reconventionnelles telle qu'elle se présente actuellement.
A la séancede la Cour permanente tenue le 28 mai 1934en vue d'exa-
miner l'article 39 du Règlement alors en vigueur, qui traitait notamment
d'une demande reconventionnelle présentéepar le défendeur, M. Froma-

geot a fait observer que la meilleure définition d'une demande reconven-
tionnelle est «une demande dépendant directement des faits de la demande
principale»', et M. Negulesco a expliqué qu'en employant l'expression
((connexité directe,), les auteurs du nouveau texte ont voulu viser ce
qu'on appelle en anglais le counter-claiwr, mais exclure la cross uction9.

Un article marquant sur la question, rédigépeu après l'adoption du
Règlement de 1936, appréhende probablement l'interprétation contem-
poraine de ce Règlement, en indiquant expressément que:

«la procédure de demande reconventionnelle devrait avoir pour
objectif de neutraliser la demande principale par la voie d'une contre-

C.P.J.I. sdric~D 2,tr«isi$me uddenclum. p. 107; les italiques sont de moi.
' Voir D. Anzilotti, «La demande reconventionnelle en procédure internationale)),
Journul du droit internutionul, t. 57. 1930. p. 867à cet effet également, Georges
Scelle,((Rapport sur la procédurearbitrale)), pràsla Commission du droit interna-
tional en 1949, Annuuire tle lu Commission du droit internutionul, 1950,vol. II, p. 137.
C.P.J.I. sérieIT"2. troisic;meuc/~l~~np.,112.
" Ihid, p. 111. cipal claim dismissed, and this objective necessarily includes request-
ing a judgment against the applicant in the principal proceedings" 'O.

As to the words "une demande reconventionnelle", appearing in the
French version of the Rules, it is useful to recall that at the same 1922
session, when the proposa1 to add "une demande reconventionnelle" was

discussed, Lord Finlay observed: "There might be une dvmunde recon-
ventionnelle which, though in form a demand, was reully in the nature of
u ciefence to the proceedings.""

1note also the statement in the Corpus Juris Secundurn that "reconven-
tion, in the civil law, is equivalent in general to a counter-claim; it is a
demand that a defendant in a suit is permitted to engraft on the main
action" 12.The Corpus goes on to mention that "reconvention", "recon-

ventional demand", and "demanding reconvention" are civil law terms.

Analogies in domestic jurisprudence are plentiful. The party respond-
ing to a claim for relief seeks, by presenting the counter-claim, to negate

the claim or to reduce or mitigate it. The principal object of the exercise
is to whittle down or destroy the claim presented. The party seeks alle-
viation of the legal consequences of its own action through reliance on
countervailing circumstances constituting a claim, though of course it

may seek more.

A claim that is autonomous and has no bearing on the determination
of the initial claim does not thus qualify as a counter-claim. Especially

would this be so of a vast catalogue of criminal acts which is advanced as
a "counter-claim" to a vast catalogue of similar criminal acts alleged by
the applicant. The juristic thread which is necessary to link the two as

claim and counter-claim is lacking, for neither the second catalogue nor
any component item thereof is an answer to the first catalogue or any of
its component items. The two stand separate and distinct, as two separate
and independent subjects of enquiry.

The Inupplicability of the Concept to Criminal O/jences

Indeed, the concept of a counter-claim is a concept of the civil, as
opposed to the criminal, law, for while civil acts and claims may be set

lu R. Genet. "Les demandes reconventionnelles et la procédurede la C.P.J.I.". Rersuede
clruit intcrnutionul et de IIgislutiotz cornpuîc;e.Vol. 19. 1938, p. 175 [trunthetion h.v
R~~gi~trj~ted by Bosnia].
" P.CI..J.. Series No. 2, 4th Ailcl.. p. 262 (emphasis added).
'Vol. LXXX. p.16. attaque, de faire rejeter la demande principale, et cet objectif com-

prend nécessairement une demande de condamnation du demandeur
à l'action principale» lu.
En ce qui concerne l'expression «une demande reconventionnelle»,

figurant dans la version française du Règlement, il est utile de rappeler
qu'à la mêmesession de 1922, lorsque la proposition tendant à ajouter
((une demande reconventionnelle» a étédébattue, lord Finlay a fait
observer: ((11pourrait y avoir une demunde reconventionnelle qui, tout en

se présentant sous la forme d'une demande, serait en réalit(;une dkj'ense
uu fond. » ''
Je note égalementla déclarationfigurant dans le Corpus Juris Secundum
selon laquelle «la reconvention, en droit civil, équivaut en généralà une
demande reconventionnelle. Il s'agit d'une demande visant à permettre à

un défendeurdans une instance de s'introduire dans l'action principale)) Il.
Le Corpus indique ensuite que la «reconvention», la ((demande reconven-
tionnelle~, et I'c<actronreconventionnelle», sont des termes de droit civil.
Les analogies dans la jurisprudence interne sont légion. La partie
répondant à une demande de réparation cherche, en présentant la

demande reconventionnelle, à faire rejeter la demande, à en réduire ou
atténuer l'effet. L'objet principal de l'exercice est de réduire l'effet de la
demande présentéeou de la faire rejeter. La partie s'efforce d'atténuer les
conséquences juridiques de sa propre action en s'appuyant sur des cir-
constances compensatoires constituant une demande, bien qu'elle puisse

naturellement chercher iiobtenir DIUS.
Une demande qui est autonome et qui n'a aucun effet sur la décision
concernant la demande initiale ne remplit pas les conditions requises
pour êtreconsidéréecomme une demande reconventionnelle. Il en serait

particulièrement airisi de la longue liste d'actes criminels qui sont allégués
sous la forme d'une ((demande reconventionnelle)) pour contrer la longue
liste d'actes criminels similaires alléguéspar le demandeur. Le fil juri-
dique qui est nécessaire pour relier les deux sériesde faits alléguésen tant
aue demande et demande reconventionnelle fait défaut. car ni la seconde

liste ni l'un quelconque des éléments quila compose ne constitue une
réponseà la première liste ou à l'un quelconquedes élémentsqui la com-
pose. Toutes deuxsont séparéeset distinctes, comme deux sujetsd'enquête
séparés et indépendants.

L'inupplic~ubilité de lu notion d'infiuctions critninelles

De fait, la notion de demande reconventionneile est une notion de droit
civil, par opposition au droit pénal, car si des droits et des demandes

"' R. Genet, «Les demandes reconventionnelles et la procédure de la CP». Rrru~ rie
tiroit intrrncitiotjde 1;Rislrrtioncot?ipr~c. l19, 1938,p. 175; texte citépar la Bos-
nie.
'' C.P.J.I. sc'rirD n" 2, troisii.rneuc/d~tirluni;les italiques sont de moi.
'' Vol. LXXX, p. 16.off one against another, the intrinsic nature of a criminal wrong prevents
the set-off of one criminal act against another. The impact of crime
stretches far beyond the party actually injured, and the concept of one

crime being set off or used as a counter-claim to another crime is totally
alien to modern jurisprudence, domestic or international.

A murder cannot be set off against another murder, nor a rape against

a rape. Crimes must be viewed against the jurisprudential background of
the interests and rights of the community. Civil claims, by way of con-
trast, are viewed against the background of the rights of the individuals
concerned. Moreover, civil claims, which are often quantified in mon-
etary terms, are inherently capable of being set off one against the other.

When the individual claimant is thus satisfied, the matter is at an end. In
the field of crime, however, the wrong done to the community cannot be
ended in this fashion by a set-off of one act of criminality against the
other. Least of al1can crime be counter-claimed against crime. Legitimate
defences and extenuating circumstances may naturally be pleaded as an

undoubted right of the respondent, but always within the scope of their
proper function - such as denial of facts, denial of responsibility, mitiga-
tion of offence, and the like - never as a counter-claim which offsets or
neutralizes the crime in the sense in which a counter-claim does in a civil
context.

What 1have observed thus far applies u fortiori to the international
crime of genocide. An act of genocide by the applicant cannot be a
counter-claim to an act of genocide by the respondent. Each act stands
untouched by the other, in drawing upon itself the united condemnation
of the international community.

On more than one occasion, this Court has stressed this aspect of geno-
cide in the strongest terms. In its Advisory Opinion on Reservutions to
thc Convention on the Prevention and Puni.slzmentof the Crinle of Geno-
cide, it observed :

"In such a convention, the contracting States do not have any
interests of their own; they merely have, one and all, a common

interest, namely, the accomplishment of those high purposes which
are the ruison dCtre of the convention. Consequently, in a conven-
tion of this type one cannot speak of individual advantages or dis-
advantages to States, or of the maintenance of a perfect contractual
balance between rights and duties." l3

The Genocide Convention takes us beyond the realm of crimes against

any particular State, and into the realm of crimes against humanity,
where the notion of balancing of individual State interests is unthinkable.

" I.C.J. Rcport1951, p. 23.civiles peuvent être opposésles uns aux autres, la nature intrinsèque d'un
préjudice causé par une infraction pénale ne permet pas d'opposer un

acte criminel à un autre. L'impact d'un crime s'étendau-delà de la par-
tie effectivement lésée,et la notion d'un crime pouvant être opposé ou
utilisécommedemande reconventionnelle à un autre crime est totalement
étrangèreà la jurisprudence moderne, qu'elle soit nationale ou interna-

tionale.
Un meurtre ne peut être opposéà un autre meurtre, ni un viol à un
autre viol. Les crimes doivent être considérésdans le contexte jurispru-
dentiel des intérêtset des droits de la communauté. En revanche. les
actions civiles sont considéréesdans le contexte des droits des personnes

concernées. De plus, les demandes civiles, qui sont souvent quantifiées en
termes monétaires, peuvent intrinsèquement être opposées les unes aux
autres. Lorsque le demandeur individuel obtient satisfaction, la question
est régléeT. outefois, dans le domaine du crime, on ne peut mettre fin au
dommage causéà la communauté de cette façon en opposant un acte cri-

minel à un autre. Cela d'autant plus qu'un crime ne peut êtrecompensé
par un autre crime. Les moyens de défense légitimeset les circonstances
atténuantes peuvent naturellement êtreinvoqués comme un droit incon-
testable du défendeur, mais toujours dans les limites de la fonction qui est
la leur - notamment la contestation de faits, le refus d'admettre une res-

ponsabilité, l'atténuation de l'infraction, etc. - mais jamais en tant que
demande reconventionnelle qui compense ou neutralise le crime comme
le fait une demande reconventionnelle dans un contexte civil.
Ce que j'ai observéjusqu'à présent s'appliqueà fortiori au crime inter-
national de génocicle.Un acte de génocide du demandeur ne peut être

opposéà un acte de génocidedu défendeur. Chaque acte n'est pas affecté
par l'autre, puisqu'il suscite lui-mêmela condamnation collective de la
communauté internationale.
A plusieurs reprises, la Cour a soulignécet aspect du génocidedans les

termes les plus vigoureux. Dans son avis consultatif sur les Réserves rilu
c.onvcwrion pour luprévention etlu répressiondu crime dc génocide, elle a
observé :

((Dans une telle convention, les Etatscontractants n'ont pas d'inté-
rêtspropres; ils ont seulement, tous et chacun, un intérêtcommun,
celui de préserver les fins supérieures qui sont la raison d'êtrede la

convention. Ilen résulteque l'on ne saurait, pour une convention de
ce type, parler d'avantages ou de désavantages individuels des Etats,
non plus que d'un exact équilibre contractuel à maintenir entre les
droits et les charges. )l3

La convention sur le génocidenous entraîne en dehors du domaine des
crimes contre un Etat particulier, pour nous introduire dans le domaine

des crimes contre l'humanité, où la notion de la compensation des inté-293 APPLICATION OF GENOCIDE CONVENTION (DISS.OP.WEEKAMANTRY)

This Court has therefore stressed more than once the ergu omnes

character of the rights and obligations flowing from the Convention,
which makes the wrongdoers responsible to the international community
as a whole 14.
As Bosnia and Herzegovina argues, Yugoslavia's Counter-Memorial is

in two parts. One part consists of a reply to the accusations contained in
Bosnia and Herzegovina's Memorial. It consists, inter.uliu, of evidence
and materials of the sort which a Court must necessarily take into
account in determining the principal claim - material which every
respondent to a charge of crime has an undoubted right to place before

the Court. This material must, of course, be considered by the Court
within the ambit of the present proceedings.

The second part, however, which is twice as voluminous, treads differ-

ent ground. It proceeds from the defensive to the offensive and alleges
that the complainant itself is guilty of the very same category of offences
with which the Respondent is charged. An accused person is always
entitled to make such allegations in separate proceedings if they can

be proved, but not as a counter-claim to the original charge. The facts
may be relevant by way of mitigation of the original charge, but not as
the substance of an independent claim.

These allegations cannot therefore be considered to be a counter-claim
within the meaning of Article 80, enabling it to be heard within the
framework of the current case.
The Respondent pleads that the facts presented in Part Two, Chap-
ter VII, of the Counter-Memorial, "i.e., crimes of genocide committed

against the Serb people in Bosnia and Herzegovina are part and parcel of
the circumstances of the situation" 15.Even if this be so, they still reinain
separate acts of genocide. Even on the assumption that the acts of geno-
cide alleged against Bosnia and Herzegovina are proved, the acts of geno-

cide alleged against Yugoslavia do not lose their gravity.

The "counter-claim" of genocide necessarily depends on other facts
than the genocide alleged by Bosnia, for the alleged murderers are differ-

ent, the victims are different, the motivations are different, and the times
and venues are not coincidental. In short, a separate fact-finding pro-
cess is required for the enquiry into the claim and the enquiry into the
"counter-claim". Each of these enquiries must be independently pursued,

and will require independent evidence to be placed before the Court. The

l4Burcclonu Truction. Light und Power Compurz.~.Linzitrd, I.C.J. Rep70,p.132,
para. 33;Applicufion i?j'~onventiot~on th? Prc>t1rntiounnd Puni.rhmcniof tlir Criti7rof
Grnocide. Prrliminur~~Ohjc~cfiuns.I.C.J. Rcyorts 1996. p. 22, para. 31.

l5Statement of Yugoslavia concerning the admissibility of the counter-claim, 23 Octo-
ber 1997, p. 20, para. 6.4.rêtsindividuels d'un Etat est inconcevable. La Cour a donc souligné a
maintes reprises le caractére ergu omnes des droits et obligations décou-
lant de la convention, qui rend les auteurs de tels actes responsables
envers la communauté internationale dans son ensemble 14.

Comme l'indique la Bosnie-Herzégovine,le contre-mémoire de la You-
goslavie comprend deux parties. Une partie se compose d'une réponse
aux accusations forinulées dans le mémoire de la Bosnie-Herzégovine.
Ellecomprend notaniment des élémentsde preuve et d'information qu'une
cour doit nécessairement prendre en considération pour se prononcer sur

la demande principale - des élémentsque tout défendeur accusé de
crime a le droit incontestable de soumettre à la Cour. Ces éléments doi-
vent, bien entendu, rltre examinéspar la Cour dans le cadre de l'instance
actuelle.

Toutefois, dans la deuxième partie, qui est deux fois plus volumineuse,
le défendeur entre dans un domaine différent. 11passe de la défensiveà
l'offensive et soutient que le demandeur lui-mêmeest coupable de la
mêmecatégorie d'infractions dont il est accusé.Une personne accuséeest

toujours en droit de formuler de telles allégations dans une instance dis-
tincte si celles-ci peuvent êtreprouvées, mais non sous la forme d'une
deinande rrc(~onventionne1là e l'accusation initiale. Les faits peuvent être
pertinents pour atténuer l'accusation initiale, mais non pour constituer le

fond d'une demande indépendante.
Ces allégations ne peuvent êtreconsidéréescomme une demande recon-
ventionnelle au sens de l'article 80, qui permettrait de les examiner dans
le cadre de l'instance en cours.
Le défendeur prétend que les faits exposés dans la deuxième partie,

chapitre VII, du contre-mémoire, ((c'est-à-dire les crimes de génocide
commis à l'encontre de la population serbe en Bosnie-Herzégovine, font
partie intégrante des circonstances de la ~ituation))'~. Mêmes'il en était
ainsi, ces actes restent des actes distincts de génocide.Mêmesi l'on admet

que les actes de génocidequi auraient étécommis par la Bosnie-Herzé-
govine sont prouvés, les actes de génocidedont est accuséela Yougosla-
vie ne perdent rien de leur gravité.
La ((demande reconventionnelle » sur le génocide dépend nécessaire-

ment d'autres faits que le génocideque la Bosnie prétend avoir étécom-
mis, car les prétendus meurtriers sont différents, les victimes sont diffé-
rentes, les motivations sont différentes, et les dates et les lieux ne
coïncident pas. En résumé,un processus d'investigation distinct est néces-

saire pour examiner, d'une part, la demandeet, d'autre part, la ((demande
reconventionnelle)). Chacune de ces recherches doit être poursuivie de

l4 Burcclonu Tructioc. Light und Po~ivrCon~putrj..Limitrd. C.I.J. Rr<1970,p. 33;
nic~-H<~rz&oi~iicl.c Yougusluiic,), c,.u<.c,ptionp.srélimincrircs,C.I.1995.<p. 22.s-
par. 31.
l5 Déclaration de la Yougoslavie concernant la recevabilitéde la demande reconven-
tionnelle.3 octobre 1997. p. 20. par. 6.4.294 APPLICATION OF GENOCIDE CONVENTION (DISS.OP.WEERAMANTRY)

judicial conclusions reached in the one do not dilute or magnify the
conclusions reached in the other.

(B) THEDISCRETIO NF THE COURT

Circumstances exist in the present case which, in my view, should
incline the Court, even ifl1the other prerequisites are satisfied, to use its
discretion against the joinder of the Respondent's application to that of
the Applicant.

In the first place, the case of the Applicant has been pending before
this Court since 1993, and now, at the end of 1997, when the case is
nearly ripe for hearing, the Applicant is entitled to an expeditious dis-
posa1of this matter. What is sought to be introduced by way of a coun-
ter-claim four years later, which is in reality another claim of the same
magnitude as the claim of the Applicant, will necessarily have the effect
of further delaying the hearing of the Applicant's claim.

Furthermore, not only will there be delay in bringing the allegations of
the Respondent to a state of readiness for hearing, but the actual process
of hearing will itself be prolonged. The claim of Bosnia and Herzegovina

is complex enough already, with vast numbers of allegations of fact to be
probed and proved. That itself is a task which would probably require
several weeks, if not months, of hearing. To combine this massive set of
allegations with a fresh set of allegations of like magnitude will consid-
erably lengthen the time necessary for the hearing of the case. Delay in
actual hearing, added to delay in preparation for hearing, could well
defeat the ends of justice.

1note in this connection, the stress laid by thInternutionul Encyclo-
pediu oj'Compurative Laiv (in its volume on "Civil Procedure" which sur-

veys the cross action in numerous jurisdictions) upon the importance of
the principle that the decision on the principal action should not be
delayed by consideration of the cross action. In dealing with what it
describes as, "The cross-action in cases of connexity of claim and coun-
ter-claim", it refers, with approval, to a procedure available in Germany,
"by which plaintiffs well-founded, ripe complaint can proceed to judg-
ment without regard to the cross action", thus stressing the importance
of not permitting a principal claim, which is ripe for hearing, to be
delayed by a cross or counter-claim Ih.

Moreover, in hearing the case, the Court would be moving from one

set of allegations to the other, and would not be able to reach a conclu-

'"Intrrnutionul Enc~rlopediuof'Compuvutive, ol. XVI, "Civil Procedure", Mauro
Cappelletti (ed.). pp. 66-67.

55manière indépendante et exigera des élémentsde preuve indépendants
devant la Cour. Les conclusions judiciaires adoptées dans l'une n'atté-
nuent pas ou n'amplifient pas les conclusions adoptées dans l'autre.

II existe des circonstances dans la présente affaire qui, a mon avis,
devraient porter la Cour, mêmesi toutes les autres conditions préalables
sont remplies, à user de son pouvoir discrétionnaire pour refuser de
joindre la demande du défendeur à celle du demandeur.
Tout d'abord, I'affaire introduite par le demandeur est en instance
devant la Cour depuis 1993, et aujourd'hui, à la fin de 1997, lorsque

I'affaire est pratiquement en état d'êtrejugée,le demandeur a droit a ce
qu'elle soit tranchée avec célérité. e qui est recherchépar l'introduction
d'une demande reconventionnelle quatre ans plus tard, qui constitue en
réalitéune autre demande de la mêmeétendue que la demande du
demandeur, aura nécessairement pour effet de retarder encore plus I'exa-
men de la demande du demandeur.

En outre, non seulement la date à laquelle les allégationsdu défendeur
seront en étatd'êtreexaininéessera retardée, mais le processus effectif de
jugement sera lui-mème prolongé. La demande de la Bosnie-Herzégovine
est déjà assez complexe, étant donné le grand nombre d'allégations de
fait qui doivent êtreprouvées et qui sont prouvées. Cette tâche exigera
probablement plusieurs semaines, voire des mois de travaux. Le fait de

réunir cette sériemiissive d'allégations à une nouvelle séried'allégations
de mêmeampleur allongera considérablement le délai nécessairepour
connaître de l'affaire. Le retard dans I'examen effectifde I'affaire, ajouté
au retard dans la préparation de la mise en état, pourrait bien compro-
mettre les buts de la justice.
Je note à cet égard l'accent mis par I'Internutional Encyclopediu of'

Cornpurutive LU)I'(dans son volume sur «la procédure civile))qui analyse
la cross uction dansde nombreusesjuridictions) sur l'importance du prin-
cipe selon lequel la décision sur l'action principale ne devrait pas être
retardée par I'examen de la cros.saction. En traitant de ce qui est décrit
comme la ((cross uction dans des cas de connexitéd'une demande et d'une
demande reconventionnelle», l'auteur évoque en l'approuvant une pro-

cédure existant en Allemagne, «par laquelle il peut être statué surune de-
mande bien fondéeet en état d'un requérant sans tenir compte de la cross
action», ce qui montre a quel point il est important de ne pas permettre
que I'examen d'une demande principale, qui est en état d'êtrejugée,
soit retardé par une cross action ou une demande recon~entionnelle'~.
En outre, en conriaissant de I'affaire, la Cour passera d'une séried'allé-

gations à l'autre, et ne sera pas en mesure d'aboutir à une conclusion sur

IhInt<~rnutionl ncj~:lopediuof Cornpurutive Luw, vol. XVI, «Civil Procedure)). Mauro
Cappellettidir. publ.). p. 66-67.295 APPLICATION OF GENOCIDE CONVENTION (DISS.OP.WEERAMANTRY)

sion upon the case presented to it until it has heard the entire case against
the Applicant. There will not be that concentration upon the subject-
matter of either claim which would be requisite for the proper determina-
tion of a matter of this degree of complexity.

The Court will, in fact, be making one case out of two separate cases,
each involving voluminous evidence in regard to a multitude of criminal
acts, and, in the process, imposing an enormous procedural burden upon
itself, with little corresponding benefit to either Party. It may be noted
that the second part of the Yugoslavian Counter-Memorial, containing

the allegations on which the "counter-claim" is based, runs to over
700 pages of material aimed at proving that Bosnia and Herzegovina was
itself guilty of violations of the Genocide Convention. These 700 pages of
allegations will need separate verification, quite independently of the
verification required for the several allegations that are the substance of
Bosnia and Herzegovina's claim.

After hearing the extensive evidence that will no doubt be offered by
the Applicant, the Court would have to reserve its conclusions thereon
until it heard the extensive evidence which would similarly be offered by
the Respondent. From a practical point of view, this would hamper the
process of decision-making upon the first set of facts for so long a period,

that the impressions created by them upon the minds of the judges may
well lose their freshness and immediacy. This can be very damaging to
the process of fact-finding in a long drawn out enquiry.

There is also a question of principle involved here, because if this

Application should be allowed, it could open the door to parties who
seek to delay proceedings against themselves to file, when the case is
nearly ready for hearing, what is, in effect, another case against the appli-
cant, with a view to delaying the proceedings against itself. Where such
an application comes years after the original claim, this could have
damaging effects upon the due administration of international justice.

The claim of the Respondent, now put forward four years after the
Applicant's claim,could always be heard by way of separate proceedings,
if it were instituted as such. No prejudice is thereby caused to the
Respondent, who can urge in such proceedings whatever contention, and
adduce whatever evidence, it can in the present case.

The situation contemplated by Article 80 is quite distinct from that
contemplated by Article 47 of the Rules which permits two or more
separate cases to be joined. Had Yugoslavia filed a separate case on the
subject-matter it now advances in its counter-claim, and had an order
of joinder seemed appropriate by reason of common background, similarl'affaire dont elle est saisie avant d'avoir examiné l'ensemble des argu-
ments avancéscontre le demandeur. Il ne sera pas possible à la Cour de
se concentrer sur l'objet de I'une ou de I'autre de ces demandes, comme
elle devrait le faire pour adopter la décisionqui convient dans une affaire
d'une telle complexité.

La Cour réunira, en réalité, enune seule instance deux affaires distinc-
tes dont chacune comporte des élémentsde preuve volumineux concer-
nant une multitude d'actes criminels, et, ce faisant, s'imposera une charge
procédurale considérable, avec peu d'avantages pour I'une ou l'autre Par-
tie. On peut noter que la seconde partie du contre-mémoire yougoslave,
qui contient les allégations sur lesquelles repose la ((demande reconven-
tionnelle)), comprend plus de sept cents pages d'élémentsqui tendent à

prouver que la Bosnie-Herzégovine est elle-mêmecoupable de violations
de la convention sur le génocide. Ces sept cents pages d'allégations
devront êtrevérifiées séparément,de manière tout a fait indépendante de
la vérificationqui doit être faite de plusieurs allégationsqui constituent le
fond de la demande de la Bosnie-Herzégovine.
Après avoir examinéles nombreux élémentsde preuve qui seront cer-

tainement présentés parle demandeur, la Cour devra réserverses conclu-
sions à cet égard en attendant d'examiner les nombreux élémentsde
preuve qui devraient êtreprésentéségalement par le défendeur. D'un
point de vue pratique, cela entravera le processus de prise de décisionsur
la première sériede faits pendant une si longue période que les impres-
sions qu'ils ont crééesdans l'esprit des juges risquent de perdre de leur

nouveauté et leur caractère immédiat. Cela pourrait se révéler très pré-
judiciable au processus de vérification dans une recherche de longue
durée.
Il se pose aussi une question de principe ici, car si cette demande devait
êtreadmise, elle pourrait créer lapossibilitépour des parties cherchant à
retarder des procédures intentées contre elles d'introduire, lorsqu'une
affaire est presque en étatd'êtrejugée, cequi, en réalité,constituerait une

autre instance contre le demandeur, en vue de retarder la procédure
engagée à leur encontre. Lorsqu'une telle demande est présentéedes
années aprèsl'introduction de la demande initiale, cela pourrait avoir des
effets préjudiciables à la bonne administration de la justice internatio-
nale.
La demande du défendeur, qui a étéprésentéequatre ans après la

demande du demandeur, pourrait toujours être examinée dans le cadre
d'une instance distincte, si elle était introduite en tant que telle. Aucun
préjudice ne serait ainsi causé au défendeur, qui peut avancer dans une
telle procédure toute sorte d'arguments et présenter toutes les preuves
qu'il peut produire dans l'instance en cours.
La situation envisagéepar l'article 80 est tout à fait distincte de celle
prévue par l'article 47 du Règlement qui permet que les instances dans

deux ou plusieurs affaires soientjointes. Si la Yougoslavie avait introduit
une instance distincte sur l'objet qu'elle indique aujourd'hui dans sa
demande reconventionnelle, et si une ordonnance de jonction avait parucircumstances, judicial economy, or other cogent reason, such an Order
could well have been a course available to the Court and the Parties.

However, that is not the situation we face here. A different claim has

been filed within the ambit of the same case.

In exercising its discretion, the Court also needs to bear in mind
another aspect touching on the "equality of arms" of the Parties before it.
However great may be the magnitude of its subject-matter,the respon-
dent to the counter-claim, namely the original applicant, has in general
only one opportunity to state its position on the allegations made against
itself, whereas the respondent to the original claim has the opportunity
not only to file a counter-memorial, but also to file a rejoinder. When
cases of this magnitude are joined, in the fashion requested by the

Respondent in the present proceedings, this aspect of inequality can
weigh rather heavily upon its adversary, especially in a case such as the
present .

Indeed, this aspect attracted the attention of Mr. Negulesco, at the
meeting of the Permanent Court of 28 May 1934, already referred to,
Mr. Negulesco observed that:

"in a normal case beforethe Court, each party could file two written
documents and could address the Court twiceorally. On the contrary,
in the case of counter-claims, theexisting system,according to which
the respondent raisedacounter-claiminthe Counter-Caseonly,allowed
the applicant to filea single writtendocument - the Reply - in regard
to the claim, whereas the respondent couldrefer to the matter a second

time, in his Rejoinder. M. Negulesco raisedthe question whether this
inequalitybetweenthe parties in the written proceedingsin regard to a
counter-claim was not inconsistentwith the spirit of the Statute."".

The Court has, in the present case, taken note of this aspect, in para-
graph 42 of the Order, by providing Bosnia and Herzegovina with the
right to provide its viewsa second time in an additional pleading, but this
is an aspect that needs to be borne in mind whenever future counter-
claims are involved. Moreover, it is an aspect that makes for further
delay in bringing the conjoint case to a trial-ready state.

All these are circumstances that bear upon the exercise of the Court's
discretion in deciding whether to join a counter-claim to the original
claim, even if al1the other requisites are satisfied. In my view,they should

have inclined the Court to use its discretion againstjoinder.

" P.C.I.J..Series D.No. 2, 4th Add., p. 262.appropriée Licause de l'existenced'un contexte commun, de circonstances
similaires, pour des raisons d'économie judiciaire, ou de tout autre motif

impérieux, une telle ordonnance aurait bien pu êtreune voie naturelle-
ment accessible à la Cour et aux Parties.
Toutefois, ce n'est pas dans cette situation que nous nous trouvons
aujourd'hui. Une demande différente a été déposéd eans le cadre de la
mêmeinstance.
En exerçant son pouvoir discrétionnaire, la Cour doit aussi tenir compte

d'un autre aspect touchant l'«égalitédes armes» des Parties devant elle.
Quelle que soit l'ampleur de l'objet de sa demande, le défendeur à l'ac-
tion reconventionnelle, à savoir le demandeur originaire, n'a d'une
manière généralequ'une seule possibilité d'exposer sa position au sujet
des allégations formuléesà son encontre, alors que le défendeur a l'action

initiale a la possibilité non seulement de déposer un contre-mémoire,
mais aussi de déposer une duplique. Lorsque des instances de cette am-
pleur sont jointes, dans la forme demandée par le défendeur dans I'ins-
tance en cours, cet aspect d'inégalitépeut porter gravement préjudice à
son adversaire, en particulier dans une affaire telle que celle que la Cour
examine actuellement.

De fait, cet aspect a attiré l'attention M. Negulesco, à la séancede
la Cour permanente du 28 mai 1934, qui a déjàétéévoquée. M. Negu-
lesco a fait observer que:

((dans une procédure normale devant la Cour, chaque partie peut
présenter deux piècesécriteset plaider deux fois. Selon le système
actuel des demandes reconventionnelles, au contraire, où le défen-

deur soulève la demande reconventionnelle dans le contre-mémoire.
le demandeur peut déposer un seul écrit - la réplique - sur la
demande, tandis que le défendeur peut s'expliquer une deuxième
fois, dans sa duplique. M. Negulesco se demande si cette inégalité
des plaideurs dans la procédure écrite sur une demande reconven-
tionnelle n'est pas contraire à l'esprit du Statut.l7

La Cour a, dans la présente affaire, pris note de cet aspect, au para-

graphe 42 de l'ordonnance, en conférant à la Bosnie-Herzégovine le droit
d'exposer ses vues une seconde fois dans une pièceadditionnelle, mais il
s'agit là d'un aspect qui devrait êtrepris en considération dans tous les
cas où des demandes reconventionnelles seront présentéesà l'avenir. En
outre, c'est un aspect qui retarde encore plus la dateà laquelle l'instance

jointe sera en état d'êtrejugée.
Toutes cescirconstances influent sur l'exercicedu pouvoir discrétionnaire
de la Cour de déciders'il y a lieu ou non de joindre une demande recon-
ventionnelle la demande initiale, mêmesi toutes les autres conditions
requises sont satisfaiteA. mon avis, elles auraient dû inciter la Cour à user
de son pouvoir discrétionnaire pour se prononcer contre la jonction.297 APPLICATION OF GENOCIDE CONVENTION (DISS. OP. WEERAMANTRY)

(C) THE ~NVOLVEMENT OF A THIRDSTATE

Another consideration which 1view as militating strongly against the

Respondent's contention that its claim against Bosnia and Herzegovina
should be joined to Bosnia and Herzegovina's claim against itself, is
that the alleged counter-claim also involves the conduct of Croatia. A
"counter-claim" between the immediate parties to litigation is one thing.
But a counter-claim involving a third party is another. Both convenience

and judicial economy could be adversely affected by the joinder to a claim
of a "counter-claim" involving a third party.

Furthermore, from the standpoint of practical considerations, this
introduces yet another element of delay. Croatia would have to be given

notice of its involvement and would be entitled to file its response to
whatever allegations are made against it. It would need time to do so, in
addition to such time as is already involved in the joinder of the two
claims. New witnesses may well be necessary, thus adding further com-
plications to the already difficult task imposed on the Court of examining

the allegations made by each Party against the other.
For these reasons, 1 consider that the joinder of a claim involving a
third party, namely, Croatia, militates against the spirit and purpose of
the Court's procedural provisions relating to counter-claims- and par-
ticularly so in the circumstances of this case.

The considerations outlined above persuade me to the view that, in the
present case, the course which would have been more in accordance with

legal principle and practical convenience would have been to proceed to
the hearing and completion of the Application of Bosnia and Herze-
govina, leaving to Yugoslavia its undoubted right to make its counter-
claim the subject of a separate proceeding. This rather long-delayed
Application would then be brought to completion, and the way cleared

for the hearing of the counter-claim as a case by itself which, in my view,
it undoubtedly is. Both Parties would then have had the benefit of an
expeditious hearing and a concentration of the Court's attention upon
their respective claims and allegations, uncluttered by voluminous evi-
dence extraneous to the particular subject-matter of each case.

(Signed) Christopher Gregory WEERAMANTRY. Une autre considération qui, à mon avis, milite fortement contre la
thèse du défendeur selon laquelle sa demande contre la Bosnie-Herzégo-

vine devrait êtrejointe à la demande présentéecontre lui par la Bosnie-
Herzégovine estle fait que la demande reconventionnelle alléguée met en
cause aussi le comportement de la Croatie. Une ((demande reconvention-
nelle)) entre les parties immédiates à l'instance est une chose, mais une
demande reconventionnelle mettant en cause une tierce partie en est une
autre. L'opportunité et l'économie judiciaire pourraient être gravement

compromises par la jonction à une demande d'une ((demande reconven-
tionnelle)) mettant en cause une tierce partie.
En outre, du point de vue de considérations pratiques, cela introduit
encore un élémentde retard. Il faudrait avertir la Croatie de sa mise en
cause et celle-ci serait en droit de présenter une réponiitoutes les accu-

sations avancées contre elle. II faudra du temps pour qu'elle puisse le
faire, qui s'ajoutera au délai qu'implique déja la jonction des deux
demandes. De nouveaux témoins pourraient bien devoir êtreentendus,ce
qui compliquera encore plus la tâche déja difficile imposée à la Cour
d'examiner les alléga.tionsformuléespar chaque Partie contre l'autre.
Pour ces raisons, j'estime que la jonction d'une demande mettant en

cause une tierce partie, à savoir, la Croatie, va à l'encontre de l'esprit et
du but des dispositions procédurales de la Cour concernant les demandes
reconventionnelles -- et plus particulièrement dans les circonstances de la
présente affaire.

Les considérations que j'ai exposées ci-dessus medonnent la conviction
que, dans la présente affaire, la voie qui aurait étéplus conforme au prin-
cipe juridique et à l'opportunité pratique aurait consisté à examiner la
requêtede la Bosnie-Herzégovine et à se prononcer à son sujet, en lais-
sant ii la Yougoslavie son droit incontestable de faire de sa demande

reconventionnelle l'objet d'une instance distincte. La Cour aurait pu ainsi
statuer définitivement sur cette requêtedont l'examen est retardé depuis
si longtemps et aurait eu alors la possibilitéde connaître de la demande
reconventionnelle en tant qu'affaire distincte, comme elle l'est incontes-
tablement. à mon avis. Les deux Parties auraient alors eu l'avantage

d'êtreentendues rapidement et la Cour aurait pu concentrer son atten-
tion sur leurs prétentions et allégations respectives, sans êtregênéepar
des élémentsde preuve volumineux qui sont étrangers à l'objet particulier
de chaque instance.

(Signk) Christopher Gregory WEERAMANTRY

Document file FR
Document Long Title

Opinion dissidente de M. Weeramantry, vice-président (traduction)

Links