Opinion individuelle de M. Koroma (traduction)

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091-19971217-ORD-01-02-EN
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091-19971217-ORD-01-00-EN
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OPINION INDIVIDUELLE DE M. KOROMA

[Traduction]

Ce n'est pas sans de très grandes appréhensions que j'ai voté pour
l'ordonnance de la Cour, ne serait-ce qu'en raison de mes inquiétudes
concernant son effet et la perception de son effet sur la bonne adminis-
tration de la justice en particulier dans une affaire où des allégations de
graves violations de la convention sur le génocideet d'autres violations
massives des droits irlel'homme ont étéfaites.
Le 20 mars 1993, le Gouvernement de la Bosnie-Herzégovine a intro-

duit une instance contre le Gouvernement de la Yougoslavie au sujet
d'une question concernant l'application de la convention pour la préven-
tion et la répressiondu crime de génocide ainsique divers problèmes liés,
selon la Bosnie-Herzégovine, à cette question. La Bosnie-Herzégovine a
invoquél'article IX de la convention comme base de la compétence de la
Cour. Dès après, elle a présentéune demande en indication de mesures
conservatoires en vertu de l'article 41 du Statut de la Cour.

Le 1" avril 1993,la Yougoslavie a présentédes observations écritessur
la demande en indication de mesures conservatoires de la Bosnie-Herzé-
govine et a demandi: à son tour à la Cour d'indiquer des mesures conser-
vatoires à l'adresse de la Bosnie-Herzégovine.
Par une ordonnance en date du 8 avril 1993,la Cour a indiqué desme-
sures conservatoires compte tenu de la gravitéet de l'urgence de la situa-
tion, afin d'éviterqu'un préjudiceirréparable soit causéaux droits décou-

lant de la convention sur le génocide.En aboutissant àcette décision,la Cour
semble avoir aussi pris en considération les gravesallégations de génocide
qui avaient été faites,l'aspect humanitaire de l'affaire ainsique la nécessité
de veiller à la survie de la Bosnie-Herzégovineen tant qu'Etat. 27juillet
1993, la Bosnie-Herzégovine a présentéune nouvelle demande en indica-
tion de mesures conservatoires. Le 10 août, la Yougoslavie a également

présentéune demande en indication de mesures conservatoires. Par une
ordonnance en datedu 13septembre 1993,la Cour a réaffirméles mesures
indiquéesdans son ordonnance du 8 avril 1993, déclaréque ces mesures
devraient êtreimmédiatementet effectivement mises enŒuvreet notéque:

«de très vives souffrances ont été endurées etde lourdes pertes en
vies humaines ont été subiespar la population de Bosnie-Herzégo-

vine dans des circonstances qui bouleversent la conscience humaine
et sont à l'évidenceincompatibles avec la loi morale ainsi qu'avec
l'esprit et les fins des Nations Unies)) (Application de lu convention
pour la prévention et lu répressiondu crime de génocide, mesures
conservatoires, ordonnunce du 13 septembre 1993, C. I.J. Recueil
1993, p. 348, par.52). La Cour a aussi fait observer que, depuis qu'elle a rendu son ordon-

nance précédente:

«le risque grave, alors redouté par la Cour, que soient prises des
mesures de nature à aeer'2'2 ou étendre le différend existant sur la
prévention et la répression du crime de génocide, ou à en rendre la
solution plus disficile, a étéaccru par la persistance de conflits sur le

territoire de la Bosnie-Herzégovine et la commission d'actes odieux
au cours de ces conflits)) (C.I.J. Recueil 1993, p. 348, par. 53).

A la suite de cette réaffirmation des mesures indiquées dans I'ordon-
nance précédentede la Cour, le 15 avril 1994 dans le délai fixéà sa

demande, la Bosnie-Herzégovine a déposéson mémoire et présentéles
conclusions suivantes:

«Sur la base des élémentsde preuve et des arguments juridiques
exposésdans le présent mémoire, la Bosnie-Herzégovine

prie la Cour de dire et juger [notamment],

1. Que la République fédérativede Yougoslavie (Serbie et Mon-
ténégro),directement ou par le truchement de ses auxiliaires, a violé
et continue de violer la convention pour la prévention et la répres-
sion du crime de génocide,en détruisant partiellement, et en tentant

de détruire totalement, des groupes nationaux, ethniques ou reli-
gieux, notamment mais non exclusivement sur le territoire de la
République de Bosnie-Herzégovine, en particulier la population
musulmane, en se livrant aux actes suivants:

- meurtre de membres du groupe;
- atteinte grave a l'intégritéphysique ou mentale de membres du
groupe ;

- soumission intentionnelle du groupe à des conditions d'existence
visant à entraîner sa destruction physique totale ou partielle;
- imposition de mesures aux fins d'entraver les naissances au sein
du groupe.

4. Que la République fédérative de Yougoslavie (Serbie et Mon-
ténégro) aviolé etcontinue de violer la convention pour la préven-
tion et la répressiondu crime de génocideen manquant à son obliga-

tion de prévenir et de punir les actes de génocide)).

Le 21 mars 1995, la Yougoslavie a invoqué le paragraphe 1 de I'ar-
ticle 79 du Règlement de la Cour, et a soulevé des exceptions prélimi-
naires concernant respectivement la recevabilitéde la requête etla compé-
tence de la Cour pour connaître de l'affaire. Par son arrêten date du 11 juil-

let 1996, la Cour a rejetéles exceptions préliminaires et conclu que sur la APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (OP.IND. KOROMA) 274

base de l'articleIX de la convention sur le génocideelle étaitcompétente
pour se prononcer sur le différend et que la requête étaitrecevable.
Compte tenu de ce qui précède,il a fallu attendre plus de trois ans

après l'introduction de l'instance fondée sur des allégations de graves
violations de la convention sur le génocide pour que la Cour soit en
mesure de déclarer qu'elle était compétente pour se prononcer sur la
question et que la requêteétait recevable. Comme il a éténotéci-dessus,
lorsqu'elle a examinéla demande et décidéd'indiquer des mesures conser-
vatoires, la Cour doit avoir pris conscience de l'urgence de la question

ainsi que de la nécessitéde protéger les droits des personnes. Ces consi-
dérations ainsi que son examen et la suite qu'elle a donné aux exceptions
préliminaires soulevéespar le défendeur étaient conformes au Statut et
Règlement de la Cour. Toutefois, on ne peut manquer d'observer qu'une
période de plus de trois ans s'est écouléeà partir de l'introduction de
I'instance pour que la Cour soit en mesure mêmede déclarerqu'elle était

en droit d'exercer sa compétence à l'égardde la question d'une si grande
importance qui lui avait étésoumise. Trois ans pour conclure qu'elle
étaitcompétente pour connaître d'une affaire dans laquelle la Cour avait
notéque «de trèsvives souffrances)) ont été endurées«dans des circons-
tances aui bouleversent la conscience humaine etsont à l'évidenceincom-
patibles avec la loi morale ainsi qu'avec l'esprit et les fins des Nations

Unies))! (C.I.J. Recueil 1993, p. 348, par. 52.) Elle a, en outre, dans son
ordonnance du 8 avril 1993,indiquéque le défendeur doit prendre toutes
les mesures en son pouvoir afin de prévenir le génocide et que la You-
goslavie et la Bosnie-Herzégovine sont tenues de l'incontestable obliga-
tion de faire tout ce qui est en leur pouvoir afin de prévenir la commis-

sion d'actes de génocide.
Après que la Cour a conclu qu'elle étaiten droit d'exercer sa fonction
juridictionnelle et que la requête étaitrecevable, le 22juillet 1997,la You-
goslavie, dans le délaifixé à cet effet par la Cour, a déposéson contre-
mémoire qui ((comprend des demandes reconventionnelles» conformé-
ment au paragraphe 2 de l'article 80 du Règlement de la Cour. Les

demandes yougoslaves sont également fondéessur la convention sur le
génocidede 1948. Toutefois, et comme il est indiquédans l'ordonnance,
les actes que la Yougoslavie prétendque la Bosnie-Herzégovine acommis
en violation de la convention diffèrent de ceux dont elle est accuséepar la
Bosnie-Herzégovine.Au surplus, les actes décrits dans les demandes you-
goslaves sont des actes qui auraient étécommis en dehors de son terri-

toire contre des personnes sur lesquelles elle n'exerçait pas sa juridiction
(en réalité,il s'agit d'actes qui auraient été perpétréssur le territoire de la
Bosnie-Herzégovinecontre une partie de sa population); inversement, les
actes allégués parla Bosnie-Herzégovine dans ses demandes initiales sont
des actes qui auraient été commissur son propre territoire et contre cer-
tains de ses propres ressortissants.

Lorsque le contre-mémoirede la Yougoslavie a été envoyé à la Bosnie-
Herzégovine le 28 juillet 1997, la Bosnie-Herzégovine a indiqué qu'elle
solliciterait «non seulement la fixation d'un délai brefpour la phase sui-vante de la procédure, mais aussi la tenue à brèveéchéanced'une audience
conformément au paragraphe 3 de I'article 80 du Règlement de la Cour)).
La Bosnie-Herzégovine soutient que les demandes reconventionnelles
présentéespar le défendeur le 22 juillet 1997 ne remplissent pas le critère

du paragraphe 1 de I'article 80 du Règlement de la Cour, qu'elles ne
devraient pas êtrejointes à l'instance initiale et que, si elle le souhaite, la
Yougoslavie pourra toujours introduire devant la Cour une requête
introductive d'instance par les voies ordinaires.
Pour sa part, la Yougoslavie soutient que les demandes reconvention-
nelles présentent un lien de connexité direct avec l'objet de la demande de
la Bosnie-Herzégovine, reposent sur le mêmefondement juridique et

satisfont aux conditions des paragraphes 1et 2 de I'article 80 du Regle-
ment de la Cour. Elle a demandé à la Cour de rejeter les demandes de la
Bosnie-Herzégovine selon lesquelles la demande reconventionnelle ne
remplissait pas le critère énoncédans le Règlement de la Cour.
C'est dans ce contexte que la Cour a examiné cette question et a abouti
à la conclusion qu'une partie des conclusions énoncées dans le contre-

mémoirede la Yougoslavie constitue <<desdemandes reconventionnelles>>
au sens de I'articl80 du Règlement de la Cour. La Cour a donc dit que
les demandes reconventionnelles étaient recevables et a décidé au'elles
devaient être jointes à l'instance initiale. Conformément à cette décision,
la Cour a prescrit à la Bosnie-Herzégovinede présenter une répliqueet à
la Yougoslavie de présenter une duplique portant sur les demandes sou-

mises par les deux Parties et a fixécomme suit les dates d'expiration des
délaispour le dépôt de ces piècesde procédure:
pour la réplique de la République de Bosnie-Herzégovine, le 23 jan-

vier 1998;
pour la duplique de la Yougoslavie, le 23 juillet 1998.
La Cour a aussi réservéla suite de la procédure.

Après cette dernière décision. quatre ans se sont écoulésaujourd'hui
depuis l'introduction d'une instance reposant sur des allégations de
graves violations de la convention sur le-génocideet, mêmesur la base
du Règlement de la Cour concernant les piècesde procédure, l'affaire n'a
pas encore atteint un stade où une procédure orale pourrait être ouverte.
Les décisions concernant la recevabilité et la jonction des demandes

reconventionnelles à la demande initiale dans cette affaire ont donc pour
effet de prolonger encore plus ce qui constitue par ailleurs une affaire exi-
geant Linexamen urgent de la Cour dans l'intérêd t 'une bonne adminis-
tration de la justice.
Comme la Cour elle-mêmel'a reconnu. l'idéequi est à la base d'une
demande reconventionnelle est essentiellement de réaliser une économie
de procès tout en permettant au juge d'avoir une vue d'ensemble des pré-

tentions respectives des deux parties et de statuer de façon plus cohérente.
Toutefois, comme la Cour l'a également faitobserver, la recevabilitédes
demandes reconventionnelles est nécessairement fonction des buts ainsi
poursuivis et sujette à des conditions propres à prévenirles abus, et, partant, lorsque dans l'intérêtd'une bonne administration de la justice, la
Cour est tenue de se prononcer en une seule et même instance sur les
demandes respectives des parties, il importe qu'elle ne perde pas pour
autant de vue l'intérêdtu demandeur principal à ce qu'il soit statuésur sa

demande dans un délairaisonnable.
Dans cette optique, on ne peut considérer avec équanimitél'effet que la
décision de la Cour de joindre les demandes reconventionnelles a la
requêteinitiale à cette phase semblerait avoir sur une bonne et judicieuse
administration de lajustice, et en particulier sur l'intértu demandeur à
ce qu'il soit statuésur sa demande dans un délai raisonnable, ou ne pas se

sentir concerné par iin tel effet.
Comme nous l'avons notéci-dessus, cela ne veut pas dire que toutes les
mesures adoptées jusqu'à présent, par les deux Parties et par la Cour,
n'ont pas étéconformes au Statut et au Règlement de la Cour. Nul ne
conteste que la Cour doit maintenir son impartialité et son objectivité
judiciaires constamment et veiller iice que les arguments des deux Parties

à ce différend soient entendus équitablement. Néanmoins, la Cour, en
examinant et en appliquant le paragraphe 3 de l'article 80 du Règlement,
aurait dû mener cet exercice de manière à empêchertout nouveau retard
en l'espècecar celui-ci pourrait donner à penser que la périodede matu-
ration de cette affaire est de nouveau prolongée et que l'administration de
la justice est différée.

Le paragraphe 3 de l'articl80 du Règlement de la Cour prévoit cequi
suit:

«Si le rapport de connexité entre la demande présentéecomme
demande reconventionnelle et l'objet de la demande de la partie
adverse n'est pas apparent, la Cour, après avoir entendu les parties,
décides'il y a lieu ou non de joindre cette demande iil'instance ini-
tiale.»

Après avoir mûrement réfléchi,j'estime qu'en exerçant son pouvoir
discrétionnaire en vertu de cette disposition, et avant d'aboutir à sa déci-
sion. la Cour aurait dû entendre les Parties dans leurs exposés oraux
d'autant plus que, mêmesur la base des propres conclusions des Parties,

leurs demandes respectives ne procèdent pas des mêmesfaits, bien que
ces faits fassent partie du même ensemblefactuel complexe aux yeux de la
Cour. L'ordonnanci: indiquenotamment que le défendeur ne saurait tirer
parti de l'action reconventionnelle pour imposer au demandeur n'importe
quelle demande, au risque de porter atteinte aux droits de celui-ci et de

compromettre la bonne administration de la justice. Il me semble donc
que la Cour, en exerçant son pouvoir discrétionnaire en vertu de cette dis-
position, aurait dû le faire de manière à évitertout nouveau retard dans
une affaire aussi grave et éviterde courir le risque que son ordonnance
concernant les demandes du défendeur puisse sembler compromettre
la bonne administration de la justice. Je suis convaincu que ce n'étaitpas
là l'intention de la Cour. Toutefois, à mon avis, comme la question des

demandes reconventionnelles n'est pas souvent traitée par la Cour, en APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (OP.[ND.KOROMA) 277

particulier lorsque I;rCour est appeàéprendre une décision,et comme
le Règlementde la Cour visenotamment à simplifiereà accélérerla pro-
cédurede la Cour, il ne serait peut-êtrepas inopportun aujourd'hui de

reviser lesdispositions pertinentes du Règlement, et, s'illieu, de les
adapter a un monde qui change ainsi qu'à des événementsqui évoluent.

(Signé) Abdul G. KOROMA.

Bilingual Content

SEPARATE OPINION OF JUDGE KOROMA

It is not without considerable misgivings that 1have voted in favour of
the Court's Order, not least because of my concern regarding its effect
and perceived effect on the sound administration ofjustice particularly in
a case where allegations of grave breaches of the Genocide Convention
and other massive violation of human rights have been made.

On 20 March 1993, the Government of Bosnia and Herzegovina insti-
tuted proceedings against the Government of Yugoslavia in respect of a
matter concerning the Application of the Convention on the Prevention and
Punishment of the Crime of Genocide as wellas various matters which Bos-
nia and Herzegovina claimsare connected thereto. Bosnia and Herzegovina
invoked Article IX of the said Convention as the basis of the Court's juris-

diction. Immediately thereafter it submitted a request for the indication of
provisional measures under Article 41 of the Statute of the Court.
On 1 April 1993,Yugoslavia submitted written observations on Bosnia
and Herzegovina's request for provisional measures and in turn requested
the Court to order the application of provisional measures to Bosnia-
Herzegovina.
By an Order dated 8 April 1993,the Court granted interim measures of

protection in the light of the gravity and urgency of the situation, so as to
prevent irreparable damage to rights under the Genocide Convention. In
reaching this decision, the Court appeared to have also taken into con-
sideration the serious allegations of genocide that were made, the humani-
tarian aspect of the case as well as the need to ensure that Bosnia and
Herzegovina survived as a State. On 27 July 1993, Bosnia and Herze-

govina submitted a new request for the indication of provisional meas-
ures. On 10 August, Yugoslavia also submitted a request for the indica-
tion of provisional measures. By an Order dated 13 September 1993, the
Court reaffirmed the measures indicated in its Order of 8 April 1993,
declared that those measures should be immediately and effectively imple-
mented and noted that:

"great suffering and loss of life has been sustained by the population
of Bosnia-Herzegovina in circumstances which shock the conscience
of mankind and flagrantly conflict with moral law and the spirit and
aims of the United Nations" (Application oj'the Convention on the
Prrvcntion and Punishment qf'the Crime of Genocidc~,Provisional
Mea.vure.s,Order oj'13 Sc)pt~mhcrr1,993, 1C.J. Ri>ports1993, p. 348,

para. 52). OPINION INDIVIDUELLE DE M. KOROMA

[Traduction]

Ce n'est pas sans de très grandes appréhensions que j'ai voté pour
l'ordonnance de la Cour, ne serait-ce qu'en raison de mes inquiétudes
concernant son effet et la perception de son effet sur la bonne adminis-
tration de la justice en particulier dans une affaire où des allégations de
graves violations de la convention sur le génocideet d'autres violations
massives des droits irlel'homme ont étéfaites.
Le 20 mars 1993, le Gouvernement de la Bosnie-Herzégovine a intro-

duit une instance contre le Gouvernement de la Yougoslavie au sujet
d'une question concernant l'application de la convention pour la préven-
tion et la répressiondu crime de génocide ainsique divers problèmes liés,
selon la Bosnie-Herzégovine, à cette question. La Bosnie-Herzégovine a
invoquél'article IX de la convention comme base de la compétence de la
Cour. Dès après, elle a présentéune demande en indication de mesures
conservatoires en vertu de l'article 41 du Statut de la Cour.

Le 1" avril 1993,la Yougoslavie a présentédes observations écritessur
la demande en indication de mesures conservatoires de la Bosnie-Herzé-
govine et a demandi: à son tour à la Cour d'indiquer des mesures conser-
vatoires à l'adresse de la Bosnie-Herzégovine.
Par une ordonnance en date du 8 avril 1993,la Cour a indiqué desme-
sures conservatoires compte tenu de la gravitéet de l'urgence de la situa-
tion, afin d'éviterqu'un préjudiceirréparable soit causéaux droits décou-

lant de la convention sur le génocide.En aboutissant àcette décision,la Cour
semble avoir aussi pris en considération les gravesallégations de génocide
qui avaient été faites,l'aspect humanitaire de l'affaire ainsique la nécessité
de veiller à la survie de la Bosnie-Herzégovineen tant qu'Etat. 27juillet
1993, la Bosnie-Herzégovine a présentéune nouvelle demande en indica-
tion de mesures conservatoires. Le 10 août, la Yougoslavie a également

présentéune demande en indication de mesures conservatoires. Par une
ordonnance en datedu 13septembre 1993,la Cour a réaffirméles mesures
indiquéesdans son ordonnance du 8 avril 1993, déclaréque ces mesures
devraient êtreimmédiatementet effectivement mises enŒuvreet notéque:

«de très vives souffrances ont été endurées etde lourdes pertes en
vies humaines ont été subiespar la population de Bosnie-Herzégo-

vine dans des circonstances qui bouleversent la conscience humaine
et sont à l'évidenceincompatibles avec la loi morale ainsi qu'avec
l'esprit et les fins des Nations Unies)) (Application de lu convention
pour la prévention et lu répressiondu crime de génocide, mesures
conservatoires, ordonnunce du 13 septembre 1993, C. I.J. Recueil
1993, p. 348, par.52). The Court also observed that since its previous Order:

"the grave risk which the Court then apprehended of action being
taken which may aggravate or extend the existing dispute over the
prevention and punishment of the crime of genocide, or render it
more difficult of solution, has been deepened by the persistence of
conflicts on the territory of Bosnia-Herzegovina and the commission

of heinous acts in the course of those conflicts" (1.C.J. Reports 1993,
p. 348, para. 53).

Following this reaffirmation of the Court's previous Order, on 15April
1994 within the time-limit laid down at its request, Bosnia and Herze-
govina filed its Memorial and made the following submissions:

"On the basis of the evidence and legal arguments presented in
this Memorial, the Republic of Bosnia and Herzegovina,

Requests the International Court of Justice to adjudge and declare
[inte rliu],

1. That the Federal Republic of Yugoslavia (Serbia and Mon-
tenegro), directly, or through the use of its surrogates, has violated
and is violating the Convention on the Prevention and Punishment

of the Crime of Genocide, by destroying in part, and attempting to
destroy in whole, national, ethnical or religious groups within the,
but not limited to the, territory of the Republic of Bosnia and Herze-
govina, including in particular the Muslim population, by

- killing members of the group;
- causing deliberate bodily or mental harm to members of the

group;
- deliberately inflicting on the group conditions of life calculated
to bring about its physical destruction in whole or in part;
- imposing measures intended to prevent births within the group.

4. That the Federal Republic of Yugoslavia (Serbia and Mon-

tenegro) has violated and is violating the Convention on the Preven-
tion and Punishment of the Crime of Genocide by virtue of having
failed to prevent and to punish acts of genocide."

On 21 March 1995,Yugoslavia invoked Article 79, paragraph 1,of the
Rules of Court, and raised preliminary objections concerning, respec-

tively, the admissibility of the Application and the jurisdiction of the
Court to hear the case. By its Judgment dated 11 July 1996, the Court
dismissed the preliminary objections and found that on the basis of La Cour a aussi fait observer que, depuis qu'elle a rendu son ordon-

nance précédente:

«le risque grave, alors redouté par la Cour, que soient prises des
mesures de nature à aeer'2'2 ou étendre le différend existant sur la
prévention et la répression du crime de génocide, ou à en rendre la
solution plus disficile, a étéaccru par la persistance de conflits sur le

territoire de la Bosnie-Herzégovine et la commission d'actes odieux
au cours de ces conflits)) (C.I.J. Recueil 1993, p. 348, par. 53).

A la suite de cette réaffirmation des mesures indiquées dans I'ordon-
nance précédentede la Cour, le 15 avril 1994 dans le délai fixéà sa

demande, la Bosnie-Herzégovine a déposéson mémoire et présentéles
conclusions suivantes:

«Sur la base des élémentsde preuve et des arguments juridiques
exposésdans le présent mémoire, la Bosnie-Herzégovine

prie la Cour de dire et juger [notamment],

1. Que la République fédérativede Yougoslavie (Serbie et Mon-
ténégro),directement ou par le truchement de ses auxiliaires, a violé
et continue de violer la convention pour la prévention et la répres-
sion du crime de génocide,en détruisant partiellement, et en tentant

de détruire totalement, des groupes nationaux, ethniques ou reli-
gieux, notamment mais non exclusivement sur le territoire de la
République de Bosnie-Herzégovine, en particulier la population
musulmane, en se livrant aux actes suivants:

- meurtre de membres du groupe;
- atteinte grave a l'intégritéphysique ou mentale de membres du
groupe ;

- soumission intentionnelle du groupe à des conditions d'existence
visant à entraîner sa destruction physique totale ou partielle;
- imposition de mesures aux fins d'entraver les naissances au sein
du groupe.

4. Que la République fédérative de Yougoslavie (Serbie et Mon-
ténégro) aviolé etcontinue de violer la convention pour la préven-
tion et la répressiondu crime de génocideen manquant à son obliga-

tion de prévenir et de punir les actes de génocide)).

Le 21 mars 1995, la Yougoslavie a invoqué le paragraphe 1 de I'ar-
ticle 79 du Règlement de la Cour, et a soulevé des exceptions prélimi-
naires concernant respectivement la recevabilitéde la requête etla compé-
tence de la Cour pour connaître de l'affaire. Par son arrêten date du 11 juil-

let 1996, la Cour a rejetéles exceptions préliminaires et conclu que sur laArticle IX of the Genocide Convention it had iurisdiction to adiudicate
upon the dispute and that the Application was admissible.
In the light of the foregoing,it thus took more than three years after

the institution of proceedings alleging grave violations of the Genocide
Convention for the Court to be in a position to declare that it had juris-
diction to adjudicate upon the matter and that the Application was
admissible. As has been recognized above, in its consideration of and
decision to grant interim measures of protection, the Court must have
realized the urgency of the matter as well as the need to protect the rights

of the individuals. This together with its consideration and itsdisposal of
the preliminary objections raised by the Respondent were al1 in accord-
ance with the Statute and Rules of Court. However, one could not have
failed to observe that itlook more than three years from the commence-
ment of proceedings for the Court to be in a position even to declare that
it is entitled to exercise its jurisdiction in a matter of such grave impor-

tance which had been submitted to it for consideration. Three years to
find that it is competent to hear a matter in which the Court itself had
noted the sustaining of "great suffering and loss of life" and "in circum-
stances which shock the conscience of mankind and flagrantly conflict
with moral law and the spirit and aims of the United Nations"! (I.C.J.
Reports 1993, p. 348, para. 52.) It had, moreover, in its Order of 8 April
1993 indicated that the Respondent should take al1 measures within its

power to prevent genocide and that both Yugoslavia and Bosnia and
Herzegovina were under a clear obligation to do al1in their power to pre-
vent the commission of any acts of genocide.

Following the Court's finding that it was entitled to exercise its juris-
dictional function and that the Application was admissible, on 22 July
1997, Yugoslavia, within the time-limit laid down by the Court, filed its
Counter-Mernorial which "included counter-claims" in accordance with
Article 80, paragraph 2, of the Rules of Court. The Yugoslav claims are
also based on the 1948GenocideConvention. However, and as recounted

in the Order, the acts which Yugoslavia alleges Bosnia and Herzegovina
committed in breach of the Convention are different from those it is
accused of by Bosnia and Herzegovina. Furthermore the acts described
in the Yugoslav claims are acts which were allegedly committed outside
its territory against persons over whom it has no jurisdiction (in fact,
these are acts which it is alleged were perpetrated on the territory of Bos-

nia and Herzegovina against part of its population); conversely, the acts
charged by Bosnia and Herzegovina in its original claims are acts which
are alleged to have been committed on its own territory and against some
of its own nationals.

When the Counter-Mernorial of Yugoslavia was sent to Bosnia and
Herzegovina on 28 July 1997, Bosnia and Herzegovina indicated that it

would not only request "a short time-limit to be set for the next phase of APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (OP.IND. KOROMA) 274

base de l'articleIX de la convention sur le génocideelle étaitcompétente
pour se prononcer sur le différend et que la requête étaitrecevable.
Compte tenu de ce qui précède,il a fallu attendre plus de trois ans

après l'introduction de l'instance fondée sur des allégations de graves
violations de la convention sur le génocide pour que la Cour soit en
mesure de déclarer qu'elle était compétente pour se prononcer sur la
question et que la requêteétait recevable. Comme il a éténotéci-dessus,
lorsqu'elle a examinéla demande et décidéd'indiquer des mesures conser-
vatoires, la Cour doit avoir pris conscience de l'urgence de la question

ainsi que de la nécessitéde protéger les droits des personnes. Ces consi-
dérations ainsi que son examen et la suite qu'elle a donné aux exceptions
préliminaires soulevéespar le défendeur étaient conformes au Statut et
Règlement de la Cour. Toutefois, on ne peut manquer d'observer qu'une
période de plus de trois ans s'est écouléeà partir de l'introduction de
I'instance pour que la Cour soit en mesure mêmede déclarerqu'elle était

en droit d'exercer sa compétence à l'égardde la question d'une si grande
importance qui lui avait étésoumise. Trois ans pour conclure qu'elle
étaitcompétente pour connaître d'une affaire dans laquelle la Cour avait
notéque «de trèsvives souffrances)) ont été endurées«dans des circons-
tances aui bouleversent la conscience humaine etsont à l'évidenceincom-
patibles avec la loi morale ainsi qu'avec l'esprit et les fins des Nations

Unies))! (C.I.J. Recueil 1993, p. 348, par. 52.) Elle a, en outre, dans son
ordonnance du 8 avril 1993,indiquéque le défendeur doit prendre toutes
les mesures en son pouvoir afin de prévenir le génocide et que la You-
goslavie et la Bosnie-Herzégovine sont tenues de l'incontestable obliga-
tion de faire tout ce qui est en leur pouvoir afin de prévenir la commis-

sion d'actes de génocide.
Après que la Cour a conclu qu'elle étaiten droit d'exercer sa fonction
juridictionnelle et que la requête étaitrecevable, le 22juillet 1997,la You-
goslavie, dans le délaifixé à cet effet par la Cour, a déposéson contre-
mémoire qui ((comprend des demandes reconventionnelles» conformé-
ment au paragraphe 2 de l'article 80 du Règlement de la Cour. Les

demandes yougoslaves sont également fondéessur la convention sur le
génocidede 1948. Toutefois, et comme il est indiquédans l'ordonnance,
les actes que la Yougoslavie prétendque la Bosnie-Herzégovine acommis
en violation de la convention diffèrent de ceux dont elle est accuséepar la
Bosnie-Herzégovine.Au surplus, les actes décrits dans les demandes you-
goslaves sont des actes qui auraient étécommis en dehors de son terri-

toire contre des personnes sur lesquelles elle n'exerçait pas sa juridiction
(en réalité,il s'agit d'actes qui auraient été perpétréssur le territoire de la
Bosnie-Herzégovinecontre une partie de sa population); inversement, les
actes allégués parla Bosnie-Herzégovine dans ses demandes initiales sont
des actes qui auraient été commissur son propre territoire et contre cer-
tains de ses propres ressortissants.

Lorsque le contre-mémoirede la Yougoslavie a été envoyé à la Bosnie-
Herzégovine le 28 juillet 1997, la Bosnie-Herzégovine a indiqué qu'elle
solliciterait «non seulement la fixation d'un délai brefpour la phase sui-the proceedings, but also . . . an early date to hear the Parties according
to Article 80, paragraph 3, of the Rules of Court". Bosnia and Herze-
govina contends that the counter-claims submitted by the Respondent on

22 July 1997do not meet the criterion set out in Article 80, paragraph 1,
of the Rules of Court, that they should therefore not be joined to the
original proceedings and that, should Yugoslavia so desire, it could
always submit to the Courtan application instituting proceedings through
the normal channels.

Yugoslavia, for its part, submitted that the counter-claims are directly
connected with the subject-matter of Bosnia and Herzegovina's claim, are
based on the same legal ground and fulfil the conditions laid down in
Article 80, paragraphs 1and 2, of the Rules of Court. It requested the
Court to reject the requests of Bosnia and Herzegovina that the counter-
claim did not fulfil the criterion laid down in the Rules of Court.

It was against this background that the Court considered this matter
and came to the conclusion that part of the submissions of the Counter-
Memorial of Yugoslavia constitute "counter-claims" within the meaning
of Article 80 of the Rules of Court. The Court therefore found the

counter-claims admissible and decided that they should be joined to the
original proceedings. In accordance with this decision the Court directed
Bosnia and Herzegovina to submit a Reply and Yugoslavia a Rejoinder
relating to the claims of the two Parties and fixed the following dates as
time-limits for the filing of these pleadings:

for the Reply of Bosnia and Herzegovina - 23 January 1998;

for the Rejoinder of Yugoslavia - 23 July 1998.
The Court also reserved the remainder of the proceedings.

After this latest decision, it is now four years after proceedings were
instituted alleging grave breaches of the Genocide Convention and, even
by dint of the Rules of Court regarding pleadings, the matter has still not
reached a stage when it is ready for oral hearings. The admissibility and
joinder of the counter-claims to the original claim in this matter thus

have the effect of further prolonging what is otherwise a matter requiring
urgent consideration by the Court in the interests of the sound adminis-
tration of justice.

As the Court itself has acknowledged, the idea of a counter-claim is
essentially to achieve procedural economy whilst enabling the Court to
have an overview of the respective claims of both parties and to decide
them more consistently. However, and as the Court has also pointed out,
the admissibility of the counter-claims must of necessity relate to the aims
thus pursued and be subject to conditions designed to prevent abuse, thus

when in the interests of the proper administration of justice the Court isvante de la procédure, mais aussi la tenue à brèveéchéanced'une audience
conformément au paragraphe 3 de I'article 80 du Règlement de la Cour)).
La Bosnie-Herzégovine soutient que les demandes reconventionnelles
présentéespar le défendeur le 22 juillet 1997 ne remplissent pas le critère

du paragraphe 1 de I'article 80 du Règlement de la Cour, qu'elles ne
devraient pas êtrejointes à l'instance initiale et que, si elle le souhaite, la
Yougoslavie pourra toujours introduire devant la Cour une requête
introductive d'instance par les voies ordinaires.
Pour sa part, la Yougoslavie soutient que les demandes reconvention-
nelles présentent un lien de connexité direct avec l'objet de la demande de
la Bosnie-Herzégovine, reposent sur le mêmefondement juridique et

satisfont aux conditions des paragraphes 1et 2 de I'article 80 du Regle-
ment de la Cour. Elle a demandé à la Cour de rejeter les demandes de la
Bosnie-Herzégovine selon lesquelles la demande reconventionnelle ne
remplissait pas le critère énoncédans le Règlement de la Cour.
C'est dans ce contexte que la Cour a examiné cette question et a abouti
à la conclusion qu'une partie des conclusions énoncées dans le contre-

mémoirede la Yougoslavie constitue <<desdemandes reconventionnelles>>
au sens de I'articl80 du Règlement de la Cour. La Cour a donc dit que
les demandes reconventionnelles étaient recevables et a décidé au'elles
devaient être jointes à l'instance initiale. Conformément à cette décision,
la Cour a prescrit à la Bosnie-Herzégovinede présenter une répliqueet à
la Yougoslavie de présenter une duplique portant sur les demandes sou-

mises par les deux Parties et a fixécomme suit les dates d'expiration des
délaispour le dépôt de ces piècesde procédure:
pour la réplique de la République de Bosnie-Herzégovine, le 23 jan-

vier 1998;
pour la duplique de la Yougoslavie, le 23 juillet 1998.
La Cour a aussi réservéla suite de la procédure.

Après cette dernière décision. quatre ans se sont écoulésaujourd'hui
depuis l'introduction d'une instance reposant sur des allégations de
graves violations de la convention sur le-génocideet, mêmesur la base
du Règlement de la Cour concernant les piècesde procédure, l'affaire n'a
pas encore atteint un stade où une procédure orale pourrait être ouverte.
Les décisions concernant la recevabilité et la jonction des demandes

reconventionnelles à la demande initiale dans cette affaire ont donc pour
effet de prolonger encore plus ce qui constitue par ailleurs une affaire exi-
geant Linexamen urgent de la Cour dans l'intérêd t 'une bonne adminis-
tration de la justice.
Comme la Cour elle-mêmel'a reconnu. l'idéequi est à la base d'une
demande reconventionnelle est essentiellement de réaliser une économie
de procès tout en permettant au juge d'avoir une vue d'ensemble des pré-

tentions respectives des deux parties et de statuer de façon plus cohérente.
Toutefois, comme la Cour l'a également faitobserver, la recevabilitédes
demandes reconventionnelles est nécessairement fonction des buts ainsi
poursuivis et sujette à des conditions propres à prévenirles abus, et, parrequired to rule on the respective claims of the parties in one sole set of
proceedings, the Court must not, for al1that, lose sight of the interests of
the main Applicant to have its claim decided within a reasonable time
period.

From this perspective, one cannot view with equanimity or fail to be
concerned by the effect the Court's decision to join the counter-claims to
the original Application at this stage would appear to have on the sound
and proper administration ofjustice, and in particular on the interests of
the Applicant to have its claim decided within a reasonable time-frame.

As we have noted above, this is not to say that al1the steps taken so

far, by both Parties and the Court, have not been in accordance with the
Statute and Rules of Court. That the Court should maintain its iudicial
impartiality and objectivity at al1times and ensure that the arguments of
both sides to this dispute are given a fair hearing is beyond question.
Nonetheless, the Court, in considering and applying Article 80, para-
graph 3, of the Rules, should have carried out this exercise in such a way

as to prevent further delay in this matter since that delay could give the
appearance of further extending the gestation period of this case and the
delay of justice.

Article 80, paragraph 3, of the Rules of Court provides as follows:

"In the event of doubt as to the connection between the question
presented by way of counter-claim and the subject-matter of the
claim of the other party the Court shall, after hearing the parties,
decide whether or not the question thus presented shall be joined to

the original proceedings."
It is also my considered view that in exercising its discretion under this
provision and before reaching its decision, the Court should have granted
oral hearings to the Parties especially since, even according to the Parties'

own submissions, their respective claims do not stem from the same facts,
although those facts form part of the same factual complex in the eyes of
the Court. The Order, inter alia, states that a counter-claim cannot be
used to impose on the Applicant any claim the Respondent may choose,
since this could entai1 the risk of infringing the Applicant's rights and of
compromising the proper administration of justice. It therefore seems to

me that the Court, in exercising its discretion under this provision, should
have done so in such a way as to avoid further delay in such a serious
matter and to avoid running the risk that its Order on the Respondent's
claims might appear to compromise the proper administration of justice.
1 am convinced that this was not the Court's intention. However, in my
view since the issue of counter-claims is not often visited by the Court,
particularly where the Court is called upon to make a ruling, and since

the Rules of Court aim, among other things, to simplify and expedite thetant, lorsque dans l'intérêtd'une bonne administration de la justice, la
Cour est tenue de se prononcer en une seule et même instance sur les
demandes respectives des parties, il importe qu'elle ne perde pas pour
autant de vue l'intérêdtu demandeur principal à ce qu'il soit statuésur sa

demande dans un délairaisonnable.
Dans cette optique, on ne peut considérer avec équanimitél'effet que la
décision de la Cour de joindre les demandes reconventionnelles a la
requêteinitiale à cette phase semblerait avoir sur une bonne et judicieuse
administration de lajustice, et en particulier sur l'intértu demandeur à
ce qu'il soit statuésur sa demande dans un délai raisonnable, ou ne pas se

sentir concerné par iin tel effet.
Comme nous l'avons notéci-dessus, cela ne veut pas dire que toutes les
mesures adoptées jusqu'à présent, par les deux Parties et par la Cour,
n'ont pas étéconformes au Statut et au Règlement de la Cour. Nul ne
conteste que la Cour doit maintenir son impartialité et son objectivité
judiciaires constamment et veiller iice que les arguments des deux Parties

à ce différend soient entendus équitablement. Néanmoins, la Cour, en
examinant et en appliquant le paragraphe 3 de l'article 80 du Règlement,
aurait dû mener cet exercice de manière à empêchertout nouveau retard
en l'espècecar celui-ci pourrait donner à penser que la périodede matu-
ration de cette affaire est de nouveau prolongée et que l'administration de
la justice est différée.

Le paragraphe 3 de l'articl80 du Règlement de la Cour prévoit cequi
suit:

«Si le rapport de connexité entre la demande présentéecomme
demande reconventionnelle et l'objet de la demande de la partie
adverse n'est pas apparent, la Cour, après avoir entendu les parties,
décides'il y a lieu ou non de joindre cette demande iil'instance ini-
tiale.»

Après avoir mûrement réfléchi,j'estime qu'en exerçant son pouvoir
discrétionnaire en vertu de cette disposition, et avant d'aboutir à sa déci-
sion. la Cour aurait dû entendre les Parties dans leurs exposés oraux
d'autant plus que, mêmesur la base des propres conclusions des Parties,

leurs demandes respectives ne procèdent pas des mêmesfaits, bien que
ces faits fassent partie du même ensemblefactuel complexe aux yeux de la
Cour. L'ordonnanci: indiquenotamment que le défendeur ne saurait tirer
parti de l'action reconventionnelle pour imposer au demandeur n'importe
quelle demande, au risque de porter atteinte aux droits de celui-ci et de

compromettre la bonne administration de la justice. Il me semble donc
que la Cour, en exerçant son pouvoir discrétionnaire en vertu de cette dis-
position, aurait dû le faire de manière à évitertout nouveau retard dans
une affaire aussi grave et éviterde courir le risque que son ordonnance
concernant les demandes du défendeur puisse sembler compromettre
la bonne administration de la justice. Je suis convaincu que ce n'étaitpas
là l'intention de la Cour. Toutefois, à mon avis, comme la question des

demandes reconventionnelles n'est pas souvent traitée par la Cour, enprocedure of the Court, it is perhaps now not untimely for the relevant
provisions of the Rules to be reviewed, and if necessary, adapted to a
changing world as well as to the pace of events.

(Signed) Abdul G. KOROMA. APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (OP.[ND.KOROMA) 277

particulier lorsque I;rCour est appeàéprendre une décision,et comme
le Règlementde la Cour visenotamment à simplifiereà accélérerla pro-
cédurede la Cour, il ne serait peut-êtrepas inopportun aujourd'hui de

reviser lesdispositions pertinentes du Règlement, et, s'illieu, de les
adapter a un monde qui change ainsi qu'à des événementsqui évoluent.

(Signé) Abdul G. KOROMA.

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Document Long Title

Opinion individuelle de M. Koroma (traduction)

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