Déclaration de M. Kreca, juge ad hoc (traduction)

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091-19971217-ORD-01-01-EN
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091-19971217-ORD-01-00-EN
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( Truduction]

J'ai votéen faveur du dispositif de l'ordonnance de la Cour, mais je tiens
à faire quelques observations et à m'attarder sur certains aspects de la
notion de demande reconventionnelle et son application à la présenteespèce.
1. L'ordonnance qualifie essentiellement une demande reconvention-

nelle d'«indépendante>),d'«acte juridique autonome))(par. 27) mais, me
semble-t-il, avec une certaine circonspection (reservutio mentulis). En
d'autres termes, la Cour déclareque la (([demande reconventionnelle] est
indépendante dans la mesure où elle constitue une «demande» distincte))
(ihid.). Le fait que la demande du demandeur est qualifiéede demande

«principale» définir,la demande reconventionnelle, par la logique de
I'urgumentum u contrurio, comme une demande non principale, une
demande moindre. Il s'ensuit que la demande reconventionnelle est une
riposte ou, pour l'exprimer en d'autres termes, une demande secondaire.
Une telle qualification n'est exacte que dans un sens très limité.

Cet état de choses est créépar le fait que le défendeur présente la
demande contre le demandeur dans une instance qui a déjà été introduite
contre lui. Dès lors, la demande reconventionnelle (si nous considérons
l'instance exclusivernent comme une séried'actes qui, selon une certaine
logique, se suivent, à des intervalles déterminés),ressemble à un acte non

autonome, une demande secondaire. Toutefois, si nous considérons l'ins-
tance de la seule manière qui convient, comme une relation tripartite
dans laquelle les participants à la procédure - le demandeur, le défen-
deur et la Cour - ont certains droits et obligations (Bulgarus: Processus
est uctus trium personurum - uctoris, rei judicus), nous aboutissons

inévitablement à la conclusion que la demande reconventionnelle est une
demandeautonome présentéepar le défendeurqui, dans les circonstances
de la procédure en l'affaire, est liéeétroitement à celle du demandeur. Ce
lien constitue le fondement de la réunion desdeux instances en une seule.
Le fait que la demande reconventionnelle est présentéeaprès I'établis-

sement du lien juriclictionnel fondamental ne signifie pas, ipsofacto, que
la ((demande reconventionnelle» ne fait que riposter à la «demande» qui
a établice lien. La preuve de cette assertion résidedans le fait mêmeque
la ((demande reconventionnelle» modifie les positions dans l'instance des
parties au différend - le défendeur devient le demandeur et vice versa.

La nature mêmede la demande reconventionnelle - une demande qui
peut êtrejointe a la demande originaire ou qui équivaut à la présentation
d'une nouvelle demande - signifie tout le contraire. De fait, d'une
manière généraleune demande reconventionnelle n'a pas un caractère
défensif mais offensif sauf dans les affaires de demandes d'indemnité ou

les demandes préliminaires. APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (DÉCL.KRECA) 263

En conséquence, ilme semble que le caractère autonomede la demande
reconventionnelle (son autre caractéristique étant qu'elle se suffit à elle-
même)donne apenser que, a l'égardde la demande reconventionnelle, la
demande du demandeur n'est pas la demande «principale», mais simple-
ment la demande initiale ou originaire.

2. Il me semble que la Cour a essayéde mettre l'accent sur les ques-
tions pertinentes de nature conceptuelle en raison du caractère incomplet
et du manque de précision de I'article 80du Règlement de la Cour.
2.1. L'article 80 du Règlement de la Cour admet tacitement comme
postulat qu'une demande reconventionnelle est une notion juridique géné-
rale. On ne peut expliquer d'une autre manière le fait que ni le Statut
de la Cour internationale de Justice ni son Règlement ne définitles de-

mandes reconventionnelles; en outre, le texte du Statut ne mentionne pas
du tout le terme ((demande reconventionnelle». Examinant la notion de
demande reconventionnelle ala lumièrede I'article 40du Règlement de la
Cour de 1922, Anzilotti déclare:

«II existe, eri effet, une notion de la demande reconventionnelle
qui, en substance, est commune à toutes les législations, mêmesi les
règles qui cont:rétisent cette notion diffèrent dans chacune de ces
législations: d'un ensemble de règles distinctes en leur forme, mais
ayant un contenu commun, ilest bien possible d'abstraire ce contenu

en un concept lequel est ensuite concrétiséen règles propres d'un
autre droit.» (1). Anzilotti, «La demande reconventionnelle en pro-
cédure internat.ionale>),Journul du droit intc~rnationul, t. 57, 1930,
p. 867.)

Ce libelléconcis exprime la substance de la philosophie juridique synthé-
tique selon laquelle les notions juridiques ont deux aspects: un aspect
logique et un aspect extensif. L'aspect logique ou la notion génériques'en-
tend d'une notion généralequi est bien connue dans toutes les branches
du droit. En revanche, l'aspect extensif ou la notion extensive est réduit

à une sériede prescriptions juridiques (praescriptiones) qui rend la no-
tion généralespécifiquedans les limites d'un ordre juridique donné (voir
T. Givanovitch, Système de lu philosoplziejuridique synthétique, 1927,
1970).
Les aspects logique et extensif de la notion juridique sont dans un état
d'unité dynamique - en adoptant des règles spécifiques (pmescrip-
tionrs) on enrichit et cristallise la partie logique et générique d'une

riotion juridique qui sert de modèle et de fil conducteur pour des règles
spécifiquesdans des branches appropriées du droit.
Toutefois, il me :sembleque la notion générale n'apas été concrétisée
correctement à I'arl.icle80 du Règlement de la Cour.
L'article 80 du Règlement de la Cour traite du terme abstrait de
((demande reconventionnelle». L'interprétation du libelléde I'article 80
permet de conclure que toute demande présentéepar le défendeurest une

demande reconventionnelle. Par exemple, le paragraphe 1 de I'article 80
stipule: APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (DECL.KRECA)
264

«Une dernunclereconventionnelle peut êtreprésentéepourvu qu'elle
soit en connexité directe avec l'objet de la demande de la partie
adverse et qu'elle relèvede la compétencede la Cour.)) (Les italiques
sont de moi.)

II s'ensuit qu'il existe deux types de demandes reconventionnelles:
les demandes reconventionnelles qui «peuvent être présentées)) et les
demandes reconventionnelles qui «ne peuvent pas êtreprésentées)).En
d'autres termes, toute demande présentéepar le défendeurpeut constituer

une demande reconventionnelle, à la seule différenceque si une demande
reconventionnelle qui remplit les conditions énoncéespar cette disposi-
tion ((peut être présentée))c,elles qui ne les remplissent pas «ne peuvent
pas êtreprésentées)).En tant que terme abstrait, l'expression ((demande
reconventionnelle)utiliséeà l'article 80 réunitles sens procédural et fon-
damental de la demande reconventionnelle. Contrairement à l'article 80
du Règlement de la Cour, la proposition présentéepar quatre membres

de la Cour (MM. Negulesco, Wang, Schücking et Fromageot) à la séance
privée tenue par la Cour le 29 mai 1934 supprime avec élégancecette
dichotomie. Cette proposition, telle qu'elle a étécitéepar le président de
l'époque sur la base d'un document que MM. Negulesco, Wang,
Schücking et Fromageot avaient fait distribuer (voir C.P.J.Z. série D
n" 2,troisiPrneuddendu~n,p. 110) est ainsi libellée:

«Peuvent seules êtreintroduites, dans le contre-mémoire, comme
demandes reconventionnelles des demandes qui sont en connexité
directe avec l'objet de la requêteprésentéepar l'autre partie, pourvu

qu'elles rentrent dans la compétence de la Cour.))
Certains élémentsde cette dichotomie ne sont pas non plus étrangers à
I'ordonnance actuelle. Le paragraphe 26 de I'ordonnance indique

«il échetà présentd'examiner si les demandes yougoslaves ... consti-
tuent des ((deniandes reconventionnelles» au sens de l'article 80 du
Règlement de la Cour, et, dans l'affirmative, si elles remplissent les
conditions énoncéespar cette disposition)).

Cela signifie-t-il que «les demandes yougoslaves en question constituent
«des demandes reconventionnelles» uL1untqu'il ait étéétablisi ((ellesrem-
plissent les conditions énoncéespar cette disposition))?

2.2. A cet égard, deux questions pertinentes se posent:
i) Sila demande du défendeurremplit lesconditions énoncéespar le para-
graphe 1de l'article 80 du Règlement de la Cour, est-elle ipso fucto

une demande reconventionnelle au sens de l'article 80 du Règlement
de la Cour,iisakoir est-elle automatiquement jointe à la demande ori-
ginaire ou la Cour délibère-t-ellesur sa jonction?
L'article 80 du Règlement de la Cour a étérédigésur la base de la

notion de jonction facultative. Une telle conclusion découle incontesta-
blement du libellé(Suparagraphe 1 de l'article 80 qui stipule que «une
demande reconventionnelle peut êtreprésentée))pourvu qu'elle remplisse APPLICATI~N DE CONVENTION GÉNOCIDE (DÉCL. KRECA) 265

deux conditions: u) qu'elle soit en connexité directe avec l'objet de la
demande de la parti.e adverse, et b) qu'elle relèvede la compétence de la
Cour. Dès lors, le défendeur est en droit de soumettre une demande
reconventionnelle. dont la ~résentation est soumise aux deux conditions

susmentionnées. 0ri peut Ln conclure qu'une demande présentéepar le
défendeur qui remplit les conditions énoncéespar le paragraphe 1 de
I'article 80du Règlement de la Cour est ipsofucto une demande recon-
ventionnelle au sens de I'article 80, et qu'elle est automatiquement jointe
à I'instance initiale. Cela ressort aussi implicitement du libellédu para-
graphe 2 de l'article 80 qui prévoit qu'«[une] demande reconventionnelle

est présrntéedans le contre-mémoire ... etjïgure purmi les conclusions de
lu purrie dont elle érnun~» (les italiques sont de moi).
Cette conclusion est-elle aussi valable dans les cas visés au para-
graphe 3 de I'article 80 du Règlement de la Cour?
Ilressort de 1'int.erprétationde ces dispositions que si le rapport de
connexitéentre la demande présentéecomme demande reconventionnelle

et l'objet de la demande de la partie adverse n'est pas apparent, la
demande reconventionnelle n'est pas automatiquement jointe à I'instance
initiale, mais qu'il appartient à la Cour de déciderde cette jonction. La
Cour ne serait donc pas tenue de déciderde joindre la demande du défen-
deur à I'instance initiale mêmesi les conditions énoncéespar le para-
graphe 1 de l'article 80 du Règlement de la Cour étaient remplies, à

savoir si le ((rapport de connexité)) étaitapparent.
Cette option n'est guère acceptable. Essentiellement, ilest possible
qu'une notion de doute indéterminéeet, du point de vue procédural, non
définie puissemodifier le caractère juridique de la demande reconvention-
nelle tel qu'il est consacré à I'article 80du Règlement de la Cour.
«Si le rapport de connexité n'est pas apparent)) - le doute est-il suf-

fisant? En l'occurrence. nous Douvons établir une distinction entre deux
situations fondamentales :

CI) lorsque la Cour évalue,proprio motu. l'existence d'une «connexité»,
le doute semble êtrele motif psychologique de la Cour pour évaluer

l'existence de la connexité et adopter une décisioncorrespondante;

6) lorsqu'il existe un doute de la part du demandeur à l'action initiale,
cela ne suffit manifestement pas en soi. Ce doute ne représenteque le
fondement psychologique et mental de l'engagement par le demandeur
d'une action appropriée dans l'instance. En substance, il s'agit d'une

exception, bien que la forme sous laquelle elle se présenteet le nom qui
lui est donné par le demandeur ne soient pas importants. Ce qui est
important c'est la nature matériellede la riposte du demandeur à la
((demande reconventionnelle)) du défendeur.En l'espèce,le demandeur
a exposésa conception de la recevabilitéde la ((demande reconvention-
nelle)) sous la forme d'«observations» bien qu'en fait il s'agissait

d'exceptions. Car, si le demandeur a un «douten, et ne l'exprime pas
de manière appropriée, ce doute serait alors dépourvu de pertinence APPLICATIC)N DE CONVENTION GÉNOCIDE (DECL. KRECA) 266

sur le plan juridique. Selon moi, le véritableeffet du paragraphe3de
l'article 80 est qu'il suspend la jonction automatique de la demande du
défendeur à l'instance initiale tant que le rapport de connexité perti-
nent entre la deniande présentéecomme demande reconventionnelle et
l'objet de la demande de la partie adverse n'est pas apparent. On peut

objecter que cette interprétation n'est pas conforme aux termes du pa-
ragraphe 3 seloti lesquels «la Cour ... décides'ily a lieu ou non de
joindre cette demande à I'instance initiale)). Ce défaut de conformité
peut se révélerpertinent si la décisionde la Cour «de joindre cette de-
mande à I'instance initiale)) est interprétéecomme une décisionqui n'a
qu'un effet déclaratoirIIme sembleque c'estune manièrede préserverle
caractère initial de la demande reconventionnelle, qui constitue essen-

tiellement le droit du défendeurd'accroître l'étendued'une instance en
y faisant figurer ses demandes sous certaines conditions. A contrario,
d'un droit du défendeur,la demande reconventionnelle est transformée
en une question que la Cour doit trancher en fonction uniquement de
son pouvoir discrétionnaire, indépendamment des conditions énoncées
par le paragraphe 1 de l'articl80 du Règlementde la Cour. Une telle

transformation réduitle caractère com~lexe de la demande reconven-
tionnelle a une question d'économiede procès. IIn'est guèrebesoin de
dire que la nat~iremêmede la demande reconventionnelle ne permet
pas une telle réduction. Le droit de présenter unedemande reconven-
tionnelle procècledu principe d'égalité des partiesd'une part et du
principe de la véritématérielled'autre part. Une demande reconven-
tionnelleDermettoutefois non seulement une meilleure administration

de la justice s'agissant de l'économiede procès, mais égalementde
réglerdes relations antagoniques complexes entre les parties et d'empê-
cher l'ouverture d'instances différentesne vuriuejudicetur).

Une telle interprétation du paragraphe 3 de l'article 80 du Règlement
de la Cour a une influence directe sur l'objet de la décisionde la Cour si

le rapport de conriexité entre la demande présentéecomme demande
reconventionnelle et I'objet de la demande de la partie adverse n'est pas
apparent. Si une demande présentéepar le défendeur qui remplit la
condition de ((connexitédirecte))énoncéeau paragraphe 1de l'article 80
du Règlement de IriCour est qualifiéeipso facto de demande reconven-
tionnelle, la Cour, dans une instance introduite conformément au para-
graphe 3 de l'article 80, ne peut pas d6cirk.r de lu rrcei~rrhilifkdo lu

demandcj rrcconventionnelle, mais uniquement de I'e.uistence d'une
connexit6 directe entre desdemandes reconventionnelles présentéespar le
défendeur et I'objet des demandes du demandeur. Si la Cour constate
l'existence d'un tel rapport de connexité,cela signifie alors, comme l'avait
déclaréla Cour permanente dans l'affaire de l'Usine (le Chor-~MJ(fond,
rrrrètno13, 1928, (T ..J.I.sirieA no 17, p. 38) que les conditions de fond
exigéespar le Règlement pour des demandes reconventionnelles se trou-

vent réalisées,ce qui entraîne une jonction de la demande reconvention-
nelle à l'instance initiale. APPLICATION DE CONVENTION GENOCIDE (DECL.KRECA) 267

ii) La Cour est-elle pleinement maîtresse de l'instance conduite sur la
base du paragraphe 3 de I'article 80 du Règlement de la Cour?

Cette question se pose, parce que, en l'espèce, laCour n'a pas entendu
les Parties. La décisionde la Cour de ne pas tenir d'audiences me paraît
rationnelle, car elle repose sur la conviction fondée que, les observations
écritesdes Parties lui ayant permis de connaître totalement tous les élé-
ments pertinents de l'affaire, elle est autorisée à exercer sa compétence,

sur la base de I'article 80du Règlement de la Cour.
Malheureusement, ilconvient de dire dans l'intérêtde la véritéque le
paragraphe 3 de I'article 80du Règlement de la Cour ne conforte pas une
telle décisionrationnelle de la Cour.
Le paragraphe 3 de I'article80 stipule en termes impératifs que notam-
ment «la Cour aprC,suvoir rntcndu les parties, décides'il y a lieu ou non

de joindre cette demande à l'instance initiale)) (les italiques sont de moi).
11est extrêmementdouteux que des échanges d'observations écritespar
les parties puissent remplacer une «audition», étantdonnéqu'une «audi-
tion» en tant que terme de procédure devant la Cour, désigne,au sens de
I'article 43, paragraphe5, et de I'article 51 du Statut, une procédure orale
devant la Cour. L'échanged'exposésécrits par les parties suffirait pour
entendre les parties en vertu de I'article 68du Règlement de la Cour de

1972 qui comprenait. à la place de l'expression ((après avoir entendu les
parties)), les mots «après examen n,urie expression qui permet une inter-
prétation souple. Il semble que le paragraphe 3 de l'article 80 du Règle-
ment de la Cour n'autorise pas urie interprétation souple.
Comme le dit Ra. Rosenne, l'expression «après avoir entendu les
parties » signifie qui::

<<àl'avenir,ily aura toujours une certaine procédure orale si le rap-
port de connexitéentre la demande présentéecomme demande recon-

ventionnelle et l'objet de la demande de la partie adverse n'est pas
apparent)) (S. Rosenne, Proccdure in International Court. A Com-
mrntrirjl on tlzr 1978 Rulrs of'the Intrr.nationa1 Court of Justice,
1983, p. 171).

Il y a des motifs raisonnables de supposer que dans I'avenir la Cour
pourrait se trouver dans une situation où elle devra choisir entre le res-
pect absolu de règles rigides ou la souplesse, qui ouvre la voie à une
meilleure administration de la justice. En conséquence, une révision du

paragraphe 3de I'article80 du Règlement de la Cour me semble souhai-
table afin que la décisionrationnelle de la Cour ne soit pas en contradic-
tion avec, dans cette affaire inutilement, une règlerigide de procédure.
3. Dans l'instance fondéesur le paragraphe 3 de I'article 80du Règle-
ment de la Cour, la question de la ((connexité directe)) est de la plus
haute importance.
L'expression ((connexitédirecte)) établit fermement la thèsed'Anzilotti

selon laquelle «la demande principale et la demande reconventionnelle
sont autonomes, mais réunies dans un mêmerapport de procédure» APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (DECL. KRECA) 268

(D. Anzilotti, «La demande reconventionnelle en procédure inter-
nationale)), Journul d~i droit intcrnutionul, t. 57, 1930, p. 875). Bien
que quelque peu générale et vague, cette expression ne désigne pas

manifestement une identité ou une coïncidence de l'objet de la requête
et de l'objet de la demande reconventionnelle. Pour qu'une telle
qualification soit possible, le sens du terme «connexité» est d'une impor-
tancefondamentale (dans cette expression, le terme «directe» n'est qu'une
condition de qualification, un facteur qui définit laqualité de la «con-
nexité)),comme le principal élémentde l'expression). Une ((connexité))

au sens d'un rapport ou d'un lien peut exister entre des choses qui
existent séparément,en elles-mêmes,des choses ayant les propriétésd'au-
tonomie et de soécificité.A ~,ontmrio. la auestion d'une ((connexité))
directe ou indirecte ne peut même pasêtreposée,car iln'existe pas de
telles choses entre lcsquelles le rapport ou le lien est établi. Une chose
ne peut avoir une «connexité» avec elle-même,car dans ce cas il ne s'agi-

rait pas d'une chose distincte, mais simplement d'un rapport entre des
choses.
En qualifiant le sens de l'expression ((connexité directe)), la Cour a,
conformément 2 l'opinion largement répandue, tenu pour établi que la
((connexitédirecte))représente une connexitéen droit et en fait. L'ordon-
nance indique notamment que, «en règlegénérale,le degréde connexité

entre ces demande:; doit être évaluéaussi bien en fait qu'en droit»
(par. 33). Toutefois, il est particulièrement important que la Cour, en éva-
luant la pertinence de la ((connexitéendroit)) et de la ((connexitéen fait)),
accorde une prépondérance tacite à la ((connexité en droit)). La Cour
déclarenotamment que :

«il ressort des conclusions des Parties que leurs demandes respec-
tives reposent sur des faits de mêmenature; qu'elles s'inscrivent dans
le cadre d'un mêmeensemble factuel complexe, puisque ces faits sont
réputésavoir tous eu lieu sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine

et au cours de la mêmepériode))(par. 34).
Cela signifie que la Cour a estiméqu'il existait une connexité directe entre

le contre-mémoire <lela Yougoslavie et la demande initiale de la Bosnie-
Herzégovine, bien que la Yougoslavie n'ait pas invoqué des faits iden-
tiques dans sa demande reconventionnelle.
A mon avis, un tel point de vue de la Cour est valable et justifié. II est
possible de présumerque, dans certains cas, les liens entre la «demande»
et la «demande reconventionnelle)) en fait et en droit ne sont pas égaux,

et on peut donc se poser la question de savoir si le lien en droit est suf-
fisant pour constituer une ((connexité directe)) au sens de l'article 80 et
vice versa. En d'autres termes, si nous pouvons, iicertaines conditions,
établir un certain type de hiérarchie dans les relations mutuelles entre la
((connexitéen droit)) et la ((connexitéen fait», ce qui signifie qu'une de
ces ((connexités))est plus importante, c'est-A-direa la primauté sur l'autre.

Sur le plan logique, «la connexité en droit ))devrait être prépondérante,
ne serait-ce que pour la raison que, sur la base d'un événement unique, 269
APPLICATION DE CONVENTION GENOCIDE (DÉCL. KRECA)

des parties peuvent intenter des actions qui ne sont pas complémentaires.
En réalité,«la connexitéen droit» peut apparaître comme une dgferentia
spet.ijca entre «une demande reconventionnelle» et «une ((cross daim)).
L'opinion selon laquelle la connexitéjuridique peut toujours êtreconsi-
déréecomme une connexité directe entre l'objet de la demande et celui de

la demande reconveritionnelle est étayéepar la jurisprudence de la Cour.
Dans l'affaire des P~.isesd'euu Lila Meuse (1937), la demande reconven-
tionnelle belge concernait des questions différentesde celles soulevéespar
les Pays-Bas dans sa demande.
Le Gouvernement néerlandais a priéla Cour de dire et juger que:

«a) la construction, par la Belgique, de travaux rendant possible
l'alimentation d'un canal situé en aval de Maestricht par de
I'eau puiséeà la Meuse ailleurs qu'en cette ville, est contraire au

traité du 12 mai 1863;
h) l'alimentation de la section belge du Zuid-Willemsvaart, du
canal de la Campine, de l'embranchement de ce canal vers Has-
selt et de celui vers le camp de Beverloo, ainsi que du canal de
Turnhout par l'éclusede Neerhaeren avec de l'eau prise a la
Meuse ailleurs qu'à Maestricht, est contraire audit traité;

c) l'alimentation projetée par la Belgique d'une section du canal
de Hasselt par de I'eau prise à la Meuse ailleurs qu'à Maes-
tricht, sera.contraire audit traité;
d) l'alimentation projetée par la Belgique de la section du canal
reliant le Zuid-Willemsvaart et l'Escaut entre Herentals (Vier-

sel) et Anvers, par de I'eau prise a la Meuse ailleurs qu'à Maes-
tricht, sera contraire audit traité» (C. P.J.I. skrieA/B no 70,
urrêt,1937, p. 5-6).

Dans son contre-rnémoire, le Gouvernement belge a affirmé: 1) que le
Gouvernement néerlandais avait violé letraitéde 1863en construisant le
barrage de Boghareri sur la Meuse en aval de Maastricht; 2) que le canal
Juliana construit par les Pays-Bas le long de la Meuse en aval de Maas-
tricht de Limmel à Maasbracht était soumis, en ce qui concerne son ali-
mentation en eau, au mêmetraité.

IIy avait donc deux demandes indépendantes. C'était le fondement
juridique de ces demandes qui faisait qu'elles avaient une connexité
directe aux fins de la procédure de la Cour. Toutes les questions décou-
lant de la demande des Pays-Bas etde la demande reconventionnelle de la
Belgique concernaient directement l'interprétation et l'application du
traité du 12 mai 1863 ou, pour être précis, la question de savoir si les
diverses mesures prises par les Parties étaient conformes aux dispositions

pertinentes du traité. Ce fait a amenéla Cour a conclure que la demande
reconventionnelle «étant en connexité directe avec la demande prin-
cipale», a pu êtreprésentéepar la voie de contre-mémoire)) (C.P.J.I.
.sc;rieA/B no 70, p.28). APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (DÉCL. KRECA) 27 1

sur le génocide. Le sedes muteriur du différendentre la Bosnie-Herzégo-
vine et la République fédérativede Yougoslavie résidedans la qualifica-
tion des actes imputés par chacune des Parties à l'autre, du point de vue

des dispositions pertinentes de la convention. En outre, contrairement à
l'aspect factographique de l'affaire des Prises d'euu u lu Meusc, dans
laquelle la Belgique a soulevédes questions de fait qui différaientde celles
mentionnées par les Pays-Bas dans sa demande, il existe, en l'espèce,une
coïncidence partielle concernant les questions de fait énoncéesdans la

demande de la Bosnie-Herzégovineet dans la demande reconventionnelle
de la République fédérativede Yougoslavie, mais les Parties les interprè-
tent d'une manière différenteet en réalitédiamétralement opposée.
En ce qui concerne la forme et le raisonnement, il n'existe pas de dif-

férencessubstantiell~:~entre le mémoire et le contre-mémoire. Même une
évaluation pritnu fucie montre qu'il existe une similitude substantielle
entre la forme et le contenu du mémoire et du contre-mémoire, qui coïn-
cident fréquemment, de sorte que sur le plan phénoménologique, quel
que soit l'ordre de présentation des pièces, on peut décrire le contre-

mémoirecomme l'inversion du mémoire, et vice versa.
Dans une telle situation, le contre-mémoire de la Yougoslavie sort du
cadre habituel des contre-mémoires soumis à la Cour. En d'autres termes.
la concentration substantielle du mémoire et du contre-mémoire sur
l'événementpertinent - le conflit armé en Bosnie-Herzégovine, et ses

conséquences - et les demandes antagoniques des Parties qui procèdent
d'évaluations différentes des aspects factuels et juridiques de cet événe-
ment permettent de conclure qu'il n'y a pas véritablement de distinction
entre le demandeur et le défendeur. Les positions des Parties au différend
peuvent être comparéesaux positions des parties dans une affaire de dif-

férend territorial, les deux parties présentant des demandes opposées.
Ainsi, comme l'avait soulignéMax Huber, l'arbitre dans l'affaire de l'lle
de Pulmus (1928), ((chaque partie doit établir les arguments sur lesquels
elle base [sa demande] ... sur l'objet en litige)) (Recueil des sentences urbi-
trules, vol.II,p. 837).

(Signé) Milenko KRECA.

Bilingual Content

Although 1voted in favour of the operative parts of the Court's Order,
1 shall also make some observations on and amplifications to some aspects

of the concept of a counter-claim and its application to this particular case.
1. The Order essentially qualifies a counter-claim as "independent",
"an autonomous legal act" (para. 27) though, it seems to me, this is with
a certain amount of caution (reservutio mentulis). That is to Say, the
Court states that the "counter-claim is independent of the principal claim

in so far as it constitutes a separate 'claim"' (ihid). The fact that the
Applicant's claim is being qualified as the "principal" claim determines
the counter-claim, by the logic of argumentum u contmrio, as a non-
principal claim, a lesser claim. It follows that the counter-claim is a

response or, to put it another way, a secondary claim. Such qualification
is exact in a very limited sense only.

It is created by the fact that the Respondent submits the claim against

the Applicant in the litigation which had already been instituted against
the Respondent. Therefore, the counter-claim (if we view the litigation
exclusively as a series of acts which, according to a certain logic, follow
each other, at certain time intervals), looks like a non-autonomous act, a
secondary claim. However, if we consider the litigation in the only cor-

rect way, as a tripartite relationship in which al1participants in the pro-
ceedings - the Applicant, the Respondent and the Court - have certain
rights and obligations (Bulgarus: Processus est uctus trium personarum
- uctoris, reijudicus), then we inevitably come to the conclusion that the

counter-claim represents an autonomous claim made by the Respondent
which, in the circumstances of the procedure in the case, is strongly con-
nected to the claim. This link is the basis for the integration of two pro-
ceedings into one single proceeding.

The fact that the counter-claim is submitted after the establishment of
the basic jurisdictional link does not mean, ipsofucto, that the "counter-
claim" is merely the reaction to the "claim" which established that link.
The proof of that assertion lies in the very fact that the "counter-claim"
changes the positions in the litigation of the parties to the dispute - the

Respondent becomes the Applicant and vice versa. The very nature of
the counter-claim - a claim which may bejoined to the original claim or
which amounts to the presentation of a fresh claim - implies the very
opposite. In fact, as a rule a counter-claim has not a defensive but an
offensive character except in cases of claims for compensation or prelimi-

nary claims.( Truduction]

J'ai votéen faveur du dispositif de l'ordonnance de la Cour, mais je tiens
à faire quelques observations et à m'attarder sur certains aspects de la
notion de demande reconventionnelle et son application à la présenteespèce.
1. L'ordonnance qualifie essentiellement une demande reconvention-

nelle d'«indépendante>),d'«acte juridique autonome))(par. 27) mais, me
semble-t-il, avec une certaine circonspection (reservutio mentulis). En
d'autres termes, la Cour déclareque la (([demande reconventionnelle] est
indépendante dans la mesure où elle constitue une «demande» distincte))
(ihid.). Le fait que la demande du demandeur est qualifiéede demande

«principale» définir,la demande reconventionnelle, par la logique de
I'urgumentum u contrurio, comme une demande non principale, une
demande moindre. Il s'ensuit que la demande reconventionnelle est une
riposte ou, pour l'exprimer en d'autres termes, une demande secondaire.
Une telle qualification n'est exacte que dans un sens très limité.

Cet état de choses est créépar le fait que le défendeur présente la
demande contre le demandeur dans une instance qui a déjà été introduite
contre lui. Dès lors, la demande reconventionnelle (si nous considérons
l'instance exclusivernent comme une séried'actes qui, selon une certaine
logique, se suivent, à des intervalles déterminés),ressemble à un acte non

autonome, une demande secondaire. Toutefois, si nous considérons l'ins-
tance de la seule manière qui convient, comme une relation tripartite
dans laquelle les participants à la procédure - le demandeur, le défen-
deur et la Cour - ont certains droits et obligations (Bulgarus: Processus
est uctus trium personurum - uctoris, rei judicus), nous aboutissons

inévitablement à la conclusion que la demande reconventionnelle est une
demandeautonome présentéepar le défendeurqui, dans les circonstances
de la procédure en l'affaire, est liéeétroitement à celle du demandeur. Ce
lien constitue le fondement de la réunion desdeux instances en une seule.
Le fait que la demande reconventionnelle est présentéeaprès I'établis-

sement du lien juriclictionnel fondamental ne signifie pas, ipsofacto, que
la ((demande reconventionnelle» ne fait que riposter à la «demande» qui
a établice lien. La preuve de cette assertion résidedans le fait mêmeque
la ((demande reconventionnelle» modifie les positions dans l'instance des
parties au différend - le défendeur devient le demandeur et vice versa.

La nature mêmede la demande reconventionnelle - une demande qui
peut êtrejointe a la demande originaire ou qui équivaut à la présentation
d'une nouvelle demande - signifie tout le contraire. De fait, d'une
manière généraleune demande reconventionnelle n'a pas un caractère
défensif mais offensif sauf dans les affaires de demandes d'indemnité ou

les demandes préliminaires. Therefore, it seems to me that the autonomous nature of the counter-
claim (its other characteristic being self-sufficiency) suggests that in rela-
tion to the counter-claim, the Applicant's claim is not the "principal"
claim, but simply the initial or original claim.

2. It seems to me that the Court has been trying to pinpoint the rele-
vant issues of a conceptual nature as a result of the incompleteness and
lack of precision of Article 80 of the Rules of Court.
2.1. Article 80of the Rules of Court tacitly proceeds from the assump-
tion that a counter-claim is a general legal notion. One cannot explain in

any other way the fact that neither the Statute of the International Court
of Justice nor the Rules of Court define counter-claims; moreover, the
text of the Statute does not contain the word "counter-claim" at all.
Examining the notion of counter-claim in the light of Article 40 of the
Rules of Court of 1922, Anzilotti says:

"There is a notion of counter-claims which is, essentially, common
to al1legal systems, even if the rules used to implement that notion

differ in each of those legal systems: from a whole set of rules which
are distinct as to their form, but have a common content, it is quite
possible to distil that common content into a concept which may
then be implemented in the form of rules particular to another
legislative system." (D. Anzilotti, "La demande reconventionnelle
en procédure internationale", Jourr~uldu droit internationul, Vol. 57,

1930, p. 867.) [Trun.slution by the Rrgistry.]
This concise wording expresses the substance of the philosophie juridique

synthétique according to which legal notions have two aspects: logical
and extensive. The logical aspect or the generic notion means a general
notion which is familiar to al1 branches of law. On the other hand, the
extensive side or the extensive notion is reduced to a set of legal prescrip-
tions (pruescriptiones) which makes the general notion specific within
the limits of a given legal order (see T. Givanovitch, Systkme de lu

philosophie juridique sjvzthétique, 1927, 1970).

The logical and the extensive aspects of the legal notion are in a state
of dynamic unity - by adopting specific rules (pruescriptiones) one
enriches and crystallizes the logical, generic part of a legal notion which
serves as a mode1 and guiding rule for specific rules in appropriate

branches of the law.
However, it seems to me that the concretization of the general notion
in Article 80 of the Rules of Court has not been correctly carried out.
Article 80 of the Rules of Court deals with the abstract term "counter-
claim". The interpretation of the wording in Article 80 allows for the
conclusion that every claim made by the Respondent is a counter-claim.

For instance, paragraph 1 of Article 80, stipulates: APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (DÉCL.KRECA) 263

En conséquence, ilme semble que le caractère autonomede la demande
reconventionnelle (son autre caractéristique étant qu'elle se suffit à elle-
même)donne apenser que, a l'égardde la demande reconventionnelle, la
demande du demandeur n'est pas la demande «principale», mais simple-
ment la demande initiale ou originaire.

2. Il me semble que la Cour a essayéde mettre l'accent sur les ques-
tions pertinentes de nature conceptuelle en raison du caractère incomplet
et du manque de précision de I'article 80du Règlement de la Cour.
2.1. L'article 80 du Règlement de la Cour admet tacitement comme
postulat qu'une demande reconventionnelle est une notion juridique géné-
rale. On ne peut expliquer d'une autre manière le fait que ni le Statut
de la Cour internationale de Justice ni son Règlement ne définitles de-

mandes reconventionnelles; en outre, le texte du Statut ne mentionne pas
du tout le terme ((demande reconventionnelle». Examinant la notion de
demande reconventionnelle ala lumièrede I'article 40du Règlement de la
Cour de 1922, Anzilotti déclare:

«II existe, eri effet, une notion de la demande reconventionnelle
qui, en substance, est commune à toutes les législations, mêmesi les
règles qui cont:rétisent cette notion diffèrent dans chacune de ces
législations: d'un ensemble de règles distinctes en leur forme, mais
ayant un contenu commun, ilest bien possible d'abstraire ce contenu

en un concept lequel est ensuite concrétiséen règles propres d'un
autre droit.» (1). Anzilotti, «La demande reconventionnelle en pro-
cédure internat.ionale>),Journul du droit intc~rnationul, t. 57, 1930,
p. 867.)

Ce libelléconcis exprime la substance de la philosophie juridique synthé-
tique selon laquelle les notions juridiques ont deux aspects: un aspect
logique et un aspect extensif. L'aspect logique ou la notion génériques'en-
tend d'une notion généralequi est bien connue dans toutes les branches
du droit. En revanche, l'aspect extensif ou la notion extensive est réduit

à une sériede prescriptions juridiques (praescriptiones) qui rend la no-
tion généralespécifiquedans les limites d'un ordre juridique donné (voir
T. Givanovitch, Système de lu philosoplziejuridique synthétique, 1927,
1970).
Les aspects logique et extensif de la notion juridique sont dans un état
d'unité dynamique - en adoptant des règles spécifiques (pmescrip-
tionrs) on enrichit et cristallise la partie logique et générique d'une

riotion juridique qui sert de modèle et de fil conducteur pour des règles
spécifiquesdans des branches appropriées du droit.
Toutefois, il me :sembleque la notion générale n'apas été concrétisée
correctement à I'arl.icle80 du Règlement de la Cour.
L'article 80 du Règlement de la Cour traite du terme abstrait de
((demande reconventionnelle». L'interprétation du libelléde I'article 80
permet de conclure que toute demande présentéepar le défendeurest une

demande reconventionnelle. Par exemple, le paragraphe 1 de I'article 80
stipule: "A counter-cluim muy be prrsented provided that it is directly con-
nected with the subject-matter of the claim of the other party and
that it comes within thejurisdiction oftheCourt." (Emphasis added.)

It follows that there are two types of counter-claim: counter-claims
which "may be presented" and counter-claims which "may not be pre-
sented". In other words, every claim made by the Respondent may repre-
sent a counter-claim, with the only difference being that while a counter-
claim which fulfils the conditions set out in that provision "may be

presented", those which do not fulfil them "rnay not be presented". As an
abstract term, the expression "counter-claim" used in Article 80 unites
procedural and material meanings of the counter-claim. Contrary to Ar-
ticle 80 of the Rules of Court, the proposition put forward by four mem-
bers of the Court (Judges Negulesco, Wang, Schücking and Fromageot)
at the private meeting held by the Court on 29 May 1934 elegantly
removed that dichotomy. That proposition, as quoted by the then Presi-

dent from a document circulated by Judges Negulesco, Wang, Schücking
and Fromageot (see P. C.I.J., Series D, No. 2, 4th Add., p. 263) reads:

"No claim may be included in the Counter-Case as a counter-
claim unless it is directly connected with the subject of the applica-
tion filed by the other party, and unless it comes within the jurisdic-
tion of the Court."

Certain elements of that dichotomy are not alien to this Order either.
Paragraph 26 of the Order reads

"it is now necessary to consider whether the Yugoslav claims . . .
constitute 'counter-claims' within the meaning of Article 80 of the
Rules of Courtand, if so, whether they fulfil the conditions set out in
that provision".

Does that mean that the "Yugoslav claims in question constitute 'counter-
claims'" before it kas been established whether "they fulfilthe conditions
set out in that provision"?
2.2. In this connection, two relevant questions emerge:

(i) If the Respondent's claim fulfils the conditions stipulated in para-
graph 1of Article 80 of the Rules of Court, is it ipso facto a counter-
claim within the meaning of Article 80 of the Rules of Court, Le., is it
automatically joined to the original claim or does the Court deliber-

ate upon its joinder?
Article 80 of the Rules of Court has been built upon the notion of per-
missivejoinder. Such a conclusion indisputably follows from the wording

of paragraph 1of the Article which stipulates that "[a] counter-claim may
be presented" provided that the counter-claim fulfils two conditions: APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (DECL.KRECA)
264

«Une dernunclereconventionnelle peut êtreprésentéepourvu qu'elle
soit en connexité directe avec l'objet de la demande de la partie
adverse et qu'elle relèvede la compétencede la Cour.)) (Les italiques
sont de moi.)

II s'ensuit qu'il existe deux types de demandes reconventionnelles:
les demandes reconventionnelles qui «peuvent être présentées)) et les
demandes reconventionnelles qui «ne peuvent pas êtreprésentées)).En
d'autres termes, toute demande présentéepar le défendeurpeut constituer

une demande reconventionnelle, à la seule différenceque si une demande
reconventionnelle qui remplit les conditions énoncéespar cette disposi-
tion ((peut être présentée))c,elles qui ne les remplissent pas «ne peuvent
pas êtreprésentées)).En tant que terme abstrait, l'expression ((demande
reconventionnelle)utiliséeà l'article 80 réunitles sens procédural et fon-
damental de la demande reconventionnelle. Contrairement à l'article 80
du Règlement de la Cour, la proposition présentéepar quatre membres

de la Cour (MM. Negulesco, Wang, Schücking et Fromageot) à la séance
privée tenue par la Cour le 29 mai 1934 supprime avec élégancecette
dichotomie. Cette proposition, telle qu'elle a étécitéepar le président de
l'époque sur la base d'un document que MM. Negulesco, Wang,
Schücking et Fromageot avaient fait distribuer (voir C.P.J.Z. série D
n" 2,troisiPrneuddendu~n,p. 110) est ainsi libellée:

«Peuvent seules êtreintroduites, dans le contre-mémoire, comme
demandes reconventionnelles des demandes qui sont en connexité
directe avec l'objet de la requêteprésentéepar l'autre partie, pourvu

qu'elles rentrent dans la compétence de la Cour.))
Certains élémentsde cette dichotomie ne sont pas non plus étrangers à
I'ordonnance actuelle. Le paragraphe 26 de I'ordonnance indique

«il échetà présentd'examiner si les demandes yougoslaves ... consti-
tuent des ((deniandes reconventionnelles» au sens de l'article 80 du
Règlement de la Cour, et, dans l'affirmative, si elles remplissent les
conditions énoncéespar cette disposition)).

Cela signifie-t-il que «les demandes yougoslaves en question constituent
«des demandes reconventionnelles» uL1untqu'il ait étéétablisi ((ellesrem-
plissent les conditions énoncéespar cette disposition))?

2.2. A cet égard, deux questions pertinentes se posent:
i) Sila demande du défendeurremplit lesconditions énoncéespar le para-
graphe 1de l'article 80 du Règlement de la Cour, est-elle ipso fucto

une demande reconventionnelle au sens de l'article 80 du Règlement
de la Cour,iisakoir est-elle automatiquement jointe à la demande ori-
ginaire ou la Cour délibère-t-ellesur sa jonction?
L'article 80 du Règlement de la Cour a étérédigésur la base de la

notion de jonction facultative. Une telle conclusion découle incontesta-
blement du libellé(Suparagraphe 1 de l'article 80 qui stipule que «une
demande reconventionnelle peut êtreprésentée))pourvu qu'elle remplisse265 APPLICATION OF GENOCIDE CONVENTION (DECL. KRECA)

(a) that it is directly connected with the subject-matter of the claim of
the other party, and (6) that it comes within the jurisdiction of the
Court. Therefore, the Respondent is entitled to submit a counter-claim,
the submission of which is subject to the aforementioned conditions. It

may be concluded from this that a claim made by the Respondent which
fulfils the conditions stipulated in paragraph 1 of Article 80 of the Rules
of Court is ipsofucto a counter-claim within the meaning of Article 80,
and that it is automatically joined to the original proceedings. This is also
suggested by the wording of paragraph 2 of Article 80 which provides
that "[a] counter-claim shall he mude in the Counter-Memorial . . . and

shull uppeur us purt of the suhmissions of tlzut party" (emphasis added).

1s that conclusion also valid in cases covered by paragraph 3 of
Article 80 of the Rules of Court?
From the interpretation of the wording, it appears that, in the event of
doubt as to the connection between the questions presented by way of

counter-claim and the subject-matter of the claim of the other party, join-
der of the counter-claim to the original proceedings is not automatically
carried out, but is to be decided upon by the Court. The Court would
therefore not be obliged to decide to join the claim of the Respondent to
the original proceedings even if the conditions stipulated in paragraph 1
of Article 80 of Rules of Court were fulfilled, i.e., if the "direct connec-

tion" were not in doubt.
That option is hardly acceptable. Essentially, there is a possibility that
some undetermined and, from the procedural point of view, unarticu-
lated notion of doubt may alter the legal nature of the counter-claim
incorporated into the basis of Article 80 of the Rules of Court.
"In the event of doubt" - is the doubt sufficient? Here we can distin-

guish two basic situations:

(a) when the Court evaluates, proprio motu, the existence of a "connec-
tion", doubt appears to be the psychological motive for the Court to
assess the existence of the connection and to adopt a corresponding

decision ;
(h) where there is doubt on the Applicant's side in the original proceed-
ings, that is obviously not sufficient on its own. It represents only
the psychological, mental basis for the initiation of an appropriate
action in the litigation. In substance, that is an objection, although
the form in which it appears and the name given to it by the Appli-

cant are not important. The importance lies in the material nature of
the Applicant's reaction to the Respondent's "counter-claim". In
this particular case, the Applicant set out its approach to the admis-
sibility of the "counter-claim" in the form of "observations",
although they were in fact objections. For, if the Applicant has a
"doubt", and does not express that doubt in an appropriate way,

then the doubt itself is legally irrelevant. 1 understand the true APPLICATI~N DE CONVENTION GÉNOCIDE (DÉCL. KRECA) 265

deux conditions: u) qu'elle soit en connexité directe avec l'objet de la
demande de la parti.e adverse, et b) qu'elle relèvede la compétence de la
Cour. Dès lors, le défendeur est en droit de soumettre une demande
reconventionnelle. dont la ~résentation est soumise aux deux conditions

susmentionnées. 0ri peut Ln conclure qu'une demande présentéepar le
défendeur qui remplit les conditions énoncéespar le paragraphe 1 de
I'article 80du Règlement de la Cour est ipsofucto une demande recon-
ventionnelle au sens de I'article 80, et qu'elle est automatiquement jointe
à I'instance initiale. Cela ressort aussi implicitement du libellédu para-
graphe 2 de l'article 80 qui prévoit qu'«[une] demande reconventionnelle

est présrntéedans le contre-mémoire ... etjïgure purmi les conclusions de
lu purrie dont elle érnun~» (les italiques sont de moi).
Cette conclusion est-elle aussi valable dans les cas visés au para-
graphe 3 de I'article 80 du Règlement de la Cour?
Ilressort de 1'int.erprétationde ces dispositions que si le rapport de
connexitéentre la demande présentéecomme demande reconventionnelle

et l'objet de la demande de la partie adverse n'est pas apparent, la
demande reconventionnelle n'est pas automatiquement jointe à I'instance
initiale, mais qu'il appartient à la Cour de déciderde cette jonction. La
Cour ne serait donc pas tenue de déciderde joindre la demande du défen-
deur à I'instance initiale mêmesi les conditions énoncéespar le para-
graphe 1 de l'article 80 du Règlement de la Cour étaient remplies, à

savoir si le ((rapport de connexité)) étaitapparent.
Cette option n'est guère acceptable. Essentiellement, ilest possible
qu'une notion de doute indéterminéeet, du point de vue procédural, non
définie puissemodifier le caractère juridique de la demande reconvention-
nelle tel qu'il est consacré à I'article 80du Règlement de la Cour.
«Si le rapport de connexité n'est pas apparent)) - le doute est-il suf-

fisant? En l'occurrence. nous Douvons établir une distinction entre deux
situations fondamentales :

CI) lorsque la Cour évalue,proprio motu. l'existence d'une «connexité»,
le doute semble êtrele motif psychologique de la Cour pour évaluer

l'existence de la connexité et adopter une décisioncorrespondante;

6) lorsqu'il existe un doute de la part du demandeur à l'action initiale,
cela ne suffit manifestement pas en soi. Ce doute ne représenteque le
fondement psychologique et mental de l'engagement par le demandeur
d'une action appropriée dans l'instance. En substance, il s'agit d'une

exception, bien que la forme sous laquelle elle se présenteet le nom qui
lui est donné par le demandeur ne soient pas importants. Ce qui est
important c'est la nature matériellede la riposte du demandeur à la
((demande reconventionnelle)) du défendeur.En l'espèce,le demandeur
a exposésa conception de la recevabilitéde la ((demande reconvention-
nelle)) sous la forme d'«observations» bien qu'en fait il s'agissait

d'exceptions. Car, si le demandeur a un «douten, et ne l'exprime pas
de manière appropriée, ce doute serait alors dépourvu de pertinence meaning of paragraph 3 of Article 80 to be that it suspends the auto-
matic joinder of the Respondent's claim to the original proceedings
until the doubt as to the relevant connection between the question
presented by way of counter-claim and the subject-matter of the
initial Applicant's claim is removed. Objections may be raised to
this interpretation that it does not accord with the wording of para-

graph 3 according to which "the Court shall . . decide whether or
not the question thus presented shall be joined to the original pro-
ceedings". This failure to accord may prove relevant if the decision
of the Court that "the question thus presented shall be joined to the
original proceedings" is understood as a decision which has a
declaratory effect only. It seems to me that this is a way to preserve
the original nature of the counter-claim, which is essentially the

Respondent's right to increase the dimensions of a lawsuit by having
his claims included in it under certain conditions. A contrurio, from
a right of the Respondent, the counter-claim is transformed into a
question which the Court decides in its sole discretion, indepen-
dently of the conditions stipulated in paragraph 1 of Article80 of the
Rules of Court. Such transformation reduces the complex character

of the counter-claim to a question of procedural economy. It hardly
needs saying that the very nature of the counter-claim does not
allow such a reduction. The right to make a counter-claim derives
from the principle of the equality of the parties on the one hand and
the principle of material truth on the other hand. A counter-claim
however does not only allow for better administration of justice in

respect of procedural economy, but also in respect of the complex
solution of conflicting relations between the Parties and the preven-
tion of different trials (ne vuriaejudicetur).

Such interpretation of paragraph 3 of Article 80 of the Rules of Court
has a direct influence on the subject of the Court's decision in the event of
a doubt as to the connection between the question presented by way of

counter-claim and the subject-matter of the claim of the other Party. If a
claim made by the Respondent which fulfils the "direct connection" con-
dition 'stipulated in paragraph 1 of Article 80 of the Rules of Court is
qualified ipso jucto as a counter-claim, then the Court, in proceedings
instituted according to paragraph 3 of Article 80, could not clrcide upon
the adwzissibility of' the counter-cluirn, but only upon the existence of u
direct connection between counter-claims submitted by the Respondent

and the subject-matter of the Applicant's claims. If it finds that there
exists such a connection, then this means, as was stated by the Permanent
Court in the Fuctory ut Chorzciwcase (Merits, Judgmrnt No. 13, 1928,
P.C.I.J., Series A, No. 17, p. 38), that the material condition required by
the Rules as regards counter-claims is fulfilled, which implies joinder of
the counter-claim to the original proceedings. APPLICATIC)N DE CONVENTION GÉNOCIDE (DECL. KRECA) 266

sur le plan juridique. Selon moi, le véritableeffet du paragraphe3de
l'article 80 est qu'il suspend la jonction automatique de la demande du
défendeur à l'instance initiale tant que le rapport de connexité perti-
nent entre la deniande présentéecomme demande reconventionnelle et
l'objet de la demande de la partie adverse n'est pas apparent. On peut

objecter que cette interprétation n'est pas conforme aux termes du pa-
ragraphe 3 seloti lesquels «la Cour ... décides'ily a lieu ou non de
joindre cette demande à I'instance initiale)). Ce défaut de conformité
peut se révélerpertinent si la décisionde la Cour «de joindre cette de-
mande à I'instance initiale)) est interprétéecomme une décisionqui n'a
qu'un effet déclaratoirIIme sembleque c'estune manièrede préserverle
caractère initial de la demande reconventionnelle, qui constitue essen-

tiellement le droit du défendeurd'accroître l'étendued'une instance en
y faisant figurer ses demandes sous certaines conditions. A contrario,
d'un droit du défendeur,la demande reconventionnelle est transformée
en une question que la Cour doit trancher en fonction uniquement de
son pouvoir discrétionnaire, indépendamment des conditions énoncées
par le paragraphe 1 de l'articl80 du Règlementde la Cour. Une telle

transformation réduitle caractère com~lexe de la demande reconven-
tionnelle a une question d'économiede procès. IIn'est guèrebesoin de
dire que la nat~iremêmede la demande reconventionnelle ne permet
pas une telle réduction. Le droit de présenter unedemande reconven-
tionnelle procècledu principe d'égalité des partiesd'une part et du
principe de la véritématérielled'autre part. Une demande reconven-
tionnelleDermettoutefois non seulement une meilleure administration

de la justice s'agissant de l'économiede procès, mais égalementde
réglerdes relations antagoniques complexes entre les parties et d'empê-
cher l'ouverture d'instances différentesne vuriuejudicetur).

Une telle interprétation du paragraphe 3 de l'article 80 du Règlement
de la Cour a une influence directe sur l'objet de la décisionde la Cour si

le rapport de conriexité entre la demande présentéecomme demande
reconventionnelle et I'objet de la demande de la partie adverse n'est pas
apparent. Si une demande présentéepar le défendeur qui remplit la
condition de ((connexitédirecte))énoncéeau paragraphe 1de l'article 80
du Règlement de IriCour est qualifiéeipso facto de demande reconven-
tionnelle, la Cour, dans une instance introduite conformément au para-
graphe 3 de l'article 80, ne peut pas d6cirk.r de lu rrcei~rrhilifkdo lu

demandcj rrcconventionnelle, mais uniquement de I'e.uistence d'une
connexit6 directe entre desdemandes reconventionnelles présentéespar le
défendeur et I'objet des demandes du demandeur. Si la Cour constate
l'existence d'un tel rapport de connexité,cela signifie alors, comme l'avait
déclaréla Cour permanente dans l'affaire de l'Usine (le Chor-~MJ(fond,
rrrrètno13, 1928, (T ..J.I.sirieA no 17, p. 38) que les conditions de fond
exigéespar le Règlement pour des demandes reconventionnelles se trou-

vent réalisées,ce qui entraîne une jonction de la demande reconvention-
nelle à l'instance initiale.(ii) 1s the Court fully master of the proceedings conducted on the basis
of paragraph 3 of Article 80 of the Rules of Court?

This question results from the fact that, in this particular case, the
Court did not hear the Parties. The decision of the Court not to conduct
heariiigs seems rational to me, because it rests upon the founded belief
that. throug" the written observations of the Parties. it obtained a com-
plet; picture of al1relevant matters, which enabled it'to exercise its juris-
diction, on the basis of Article 80 of the Rules of Court.

Unfortunately, it should be said in the interest of truth that para-
graph 3 of Article 80 of the Rules of Court does not favour such rational
determination by the Court.
Paragraph 3 of Article 80 stipulates in imperative wording that, inter
uliu, "the Court shull, ufier heuring the purtirs, decide whether or not the
question thus presented shall be joined to the original proceedings"

(emphasis added). It is highly doubtful whether the exchange of written
statements by the parties may be a substitute for "hearing", since "hear-
ing" as a term of the procedure before the Court denotes, in the sense of
Article 43, paragraph 5, and Article 51 of the Statute, oral proceedings
before the Court. The exchange of written statements by the parties
would suffice for hearing the parties under Article 68 of the 1972Rules of
Court which, instead of the phrase "after hearing the parties", contained

the phrase "after due examination", a phrase leaving room for liberal
interpretation. It appears that paragraph 3 of Article 80 of the Rules of
Court does not permit liberal interpretation.
For as Rosenne says, the phrase "after hearing the parties" means
that :

"in future there will always be some oral proceedings in the event of
doubt . . . as to the connection between the question presented by
way of counter-claim and the subject-matter of the claim of the

other party" (S. Rosenne, Procedure in the Internutionul Court. A
Commentury on flic 1978 Rules of the Internutionul Court oflusticr,
1983, p. 171).

There are reasonable grounds for assuming that in future the Court
may find itself in a situation where it has to choose between submission
to rigid rules or flexibility, which opens the path to better administration
of justice. Consequently, a revision of paragraph 3 of Article 80 of the
Rules of Court seems desirable to me, in order that the rational deter-

mination of the Court might not be at variance with the, in this case
unnecessarily, rigid rule of procedure.
3. In proceedings based on paragraph 3 of Article 80 of the Rules of
Court the question of "direct connection" is of the utmost importance.

The term "direct connection" itself firmly establishes Anzilotti's thesis
that "the principal claim and the counter-claim are independent, though

locked in the same procedural relationship" (D. Anzilotti, "La demande APPLICATION DE CONVENTION GENOCIDE (DECL.KRECA) 267

ii) La Cour est-elle pleinement maîtresse de l'instance conduite sur la
base du paragraphe 3 de I'article 80 du Règlement de la Cour?

Cette question se pose, parce que, en l'espèce, laCour n'a pas entendu
les Parties. La décisionde la Cour de ne pas tenir d'audiences me paraît
rationnelle, car elle repose sur la conviction fondée que, les observations
écritesdes Parties lui ayant permis de connaître totalement tous les élé-
ments pertinents de l'affaire, elle est autorisée à exercer sa compétence,

sur la base de I'article 80du Règlement de la Cour.
Malheureusement, ilconvient de dire dans l'intérêtde la véritéque le
paragraphe 3 de I'article 80du Règlement de la Cour ne conforte pas une
telle décisionrationnelle de la Cour.
Le paragraphe 3 de I'article80 stipule en termes impératifs que notam-
ment «la Cour aprC,suvoir rntcndu les parties, décides'il y a lieu ou non

de joindre cette demande à l'instance initiale)) (les italiques sont de moi).
11est extrêmementdouteux que des échanges d'observations écritespar
les parties puissent remplacer une «audition», étantdonnéqu'une «audi-
tion» en tant que terme de procédure devant la Cour, désigne,au sens de
I'article 43, paragraphe5, et de I'article 51 du Statut, une procédure orale
devant la Cour. L'échanged'exposésécrits par les parties suffirait pour
entendre les parties en vertu de I'article 68du Règlement de la Cour de

1972 qui comprenait. à la place de l'expression ((après avoir entendu les
parties)), les mots «après examen n,urie expression qui permet une inter-
prétation souple. Il semble que le paragraphe 3 de l'article 80 du Règle-
ment de la Cour n'autorise pas urie interprétation souple.
Comme le dit Ra. Rosenne, l'expression «après avoir entendu les
parties » signifie qui::

<<àl'avenir,ily aura toujours une certaine procédure orale si le rap-
port de connexitéentre la demande présentéecomme demande recon-

ventionnelle et l'objet de la demande de la partie adverse n'est pas
apparent)) (S. Rosenne, Proccdure in International Court. A Com-
mrntrirjl on tlzr 1978 Rulrs of'the Intrr.nationa1 Court of Justice,
1983, p. 171).

Il y a des motifs raisonnables de supposer que dans I'avenir la Cour
pourrait se trouver dans une situation où elle devra choisir entre le res-
pect absolu de règles rigides ou la souplesse, qui ouvre la voie à une
meilleure administration de la justice. En conséquence, une révision du

paragraphe 3de I'article80 du Règlement de la Cour me semble souhai-
table afin que la décisionrationnelle de la Cour ne soit pas en contradic-
tion avec, dans cette affaire inutilement, une règlerigide de procédure.
3. Dans l'instance fondéesur le paragraphe 3 de I'article 80du Règle-
ment de la Cour, la question de la ((connexité directe)) est de la plus
haute importance.
L'expression ((connexitédirecte)) établit fermement la thèsed'Anzilotti

selon laquelle «la demande principale et la demande reconventionnelle
sont autonomes, mais réunies dans un mêmerapport de procédure»268 APPLICATION OF GENOCIDE CONVENTION (DECLK . RECA)

reconventionnelle en procédure internationale", Journul du droit interna-
tional, Vol. 57, 1930, p. 875 (trunslution by the Registryj). Although
somewhat broad and vague, it obviously does not mean identity or co-
incidence of the subject-matter of the application and the subject-matter

of the counter-claim. For such a qualification, the meaning of the word
"connection" is of basic importance (in this phrase, the word "direct" is
only a condition of qualification, a factor which defines the quality of
"connection". as the main element of the nhrase). A "connection" in the
sense of a relationship or link may exist only between things which exist
separately, in themselves, things having the properties of autonomy and

apartness. A contrario, the question of either direct or indirect "connec-
tion" may not even be asked, for there are no such things between which
the relationship or link is established. One thing cannot have a "connec-
tion" with itself, for in that case it would not be a separate thing, but just
a relationship between things.

In qualifying the meaning of the term "direct connection" the Court
has, in accordance with widespread opinion, assumed that "direct con-
nection" represents connection in law and in fact. The Order determines,
inter dia, that "as a general rule, the degree of connection between the
claims must be assessed both in fact and in law" (para. 33). However,
what is particularly significant is the fact that the Court, in weighing the

relevance of "connection in law" and "connection in fact", gives tacit
preponderance to "connection in law". The Court States inter uliu that

"it emerges from the Parties' submissions that their respective claims
rest on facts of the same nature; whereas they form part of the same
factual complex since al1those facts are alleged to have occurred on
the territory of Bosnia and Herzegovina and during the same period"
(para. 34).

That means that the Court found that there was a direct connection
between Yugoslavia's counter-claim and Bosnia and Herzegovina's ori-

ginal claim, despite the fact that Yugoslavia did not rely on identical
facts in its counter-claim.
In my opinion, such a standpoint of the Court is valid and justified. It
is possible to assume that in some cases, the links between the "claim"
and the "counter-claim" in fact and in law are not equal, therefore one
may ask the question whether the link in law is sufficient to constitute a
"direct connection" in the sense of Article 80, and vice versa? In other

words, whether we could, conditionally speaking, establish acertain kind
of hierarchy in the mutual relationship between "connection in law" and
"connection in fact", meaning that one of these "connections" is more
important, that it is preponderant over the other. Logically speaking,
"connection in law" should be preponderant, if for no other reason than
that, out of a single event, parties may initiate actions which are not com- APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (DECL. KRECA) 268

(D. Anzilotti, «La demande reconventionnelle en procédure inter-
nationale)), Journul d~i droit intcrnutionul, t. 57, 1930, p. 875). Bien
que quelque peu générale et vague, cette expression ne désigne pas

manifestement une identité ou une coïncidence de l'objet de la requête
et de l'objet de la demande reconventionnelle. Pour qu'une telle
qualification soit possible, le sens du terme «connexité» est d'une impor-
tancefondamentale (dans cette expression, le terme «directe» n'est qu'une
condition de qualification, un facteur qui définit laqualité de la «con-
nexité)),comme le principal élémentde l'expression). Une ((connexité))

au sens d'un rapport ou d'un lien peut exister entre des choses qui
existent séparément,en elles-mêmes,des choses ayant les propriétésd'au-
tonomie et de soécificité.A ~,ontmrio. la auestion d'une ((connexité))
directe ou indirecte ne peut même pasêtreposée,car iln'existe pas de
telles choses entre lcsquelles le rapport ou le lien est établi. Une chose
ne peut avoir une «connexité» avec elle-même,car dans ce cas il ne s'agi-

rait pas d'une chose distincte, mais simplement d'un rapport entre des
choses.
En qualifiant le sens de l'expression ((connexité directe)), la Cour a,
conformément 2 l'opinion largement répandue, tenu pour établi que la
((connexitédirecte))représente une connexitéen droit et en fait. L'ordon-
nance indique notamment que, «en règlegénérale,le degréde connexité

entre ces demande:; doit être évaluéaussi bien en fait qu'en droit»
(par. 33). Toutefois, il est particulièrement important que la Cour, en éva-
luant la pertinence de la ((connexitéendroit)) et de la ((connexitéen fait)),
accorde une prépondérance tacite à la ((connexité en droit)). La Cour
déclarenotamment que :

«il ressort des conclusions des Parties que leurs demandes respec-
tives reposent sur des faits de mêmenature; qu'elles s'inscrivent dans
le cadre d'un mêmeensemble factuel complexe, puisque ces faits sont
réputésavoir tous eu lieu sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine

et au cours de la mêmepériode))(par. 34).
Cela signifie que la Cour a estiméqu'il existait une connexité directe entre

le contre-mémoire <lela Yougoslavie et la demande initiale de la Bosnie-
Herzégovine, bien que la Yougoslavie n'ait pas invoqué des faits iden-
tiques dans sa demande reconventionnelle.
A mon avis, un tel point de vue de la Cour est valable et justifié. II est
possible de présumerque, dans certains cas, les liens entre la «demande»
et la «demande reconventionnelle)) en fait et en droit ne sont pas égaux,

et on peut donc se poser la question de savoir si le lien en droit est suf-
fisant pour constituer une ((connexité directe)) au sens de l'article 80 et
vice versa. En d'autres termes, si nous pouvons, iicertaines conditions,
établir un certain type de hiérarchie dans les relations mutuelles entre la
((connexitéen droit)) et la ((connexitéen fait», ce qui signifie qu'une de
ces ((connexités))est plus importante, c'est-A-direa la primauté sur l'autre.

Sur le plan logique, «la connexité en droit ))devrait être prépondérante,
ne serait-ce que pour la raison que, sur la base d'un événement unique,plementary. In fact, "connection in law" may appear as dij!frrrntiu speci-
ficu between "counter-claim" and "cross-claim".

The standpoint that legal connection can always be considered to be a

direct connection between the subject-matter of the claim and that of the
counter-claim has support in the case-law of the Court. In the case
concerning the Diversion of Wutrr from the Meuse (1937), the Belgian
couriter-claim concerned questions different from those initiated by the
Netherlands in its claim.
The Netherlands Government asked the Court to adjudge and declare

that :
(u) the construction by Belgium of works which render it possible

for a canal situated below Maestricht to be supplied with
water taken from the Meuse elsewhere than at that town is
contrary to the Treaty of May 12th, 1863;
(6) the feeding of the Belgian section of the Zuid-Willemsvaart, of
the Campine Canal, of the Hasselt branch of that canal and of
the branch leading to Beverloo Camp, as also of the Turnhout

Canal, through the Neerhaeren Lock with water taken from
the Meuse elsewhere than at Maestricht, is contrary to the said
Treaty ;
(cj Belgium's project of feeding a section of the Hasselt Canal
with water taken from the Meuse elsewhere than at Maestricht
is contrary to the said Treaty;

(dj Belgium's project of feeding the section of the canal joining
the Zuid-Willemsvaart to the Scheldt between Herenthals
(Viersel) and Antwerp with water taken from the Meuse else-
where than at Maestricht is contrary to the said Treaty"
(P.C.LJ., Series A/B, No. 70, Judgment, 1937, pp. 5-6).

In its Counter-Memorial the Belgian Government asserted (1) that the
Netherlands Government had committed a breach of the Treaty of 1863
by constructing the Bogharen barrage on the Meuse below Maastricht;
(2) that the Juliana Canal constructed by the Netherlands alongside the

Meuse below Maastricht from Limmel to Maasbracht was subject, as
regards its water supply, to the same Treaty.
Therefore, there were two independent claims. What made those claims
directly connected for the purpose of the Court procedure was their legal
basis. All questions arising from the Netherlands' claim and from Bel-
gium's counter-claim directly concerned the interpretation and applica-

tion of the Treaty of 12 May 1863 or, to be precise, whether various
actions of the Parties were in accordance with the relevant provisions of
the Treaty. This fact led the Court to conclude that the counter-claim "is
directly connected with the principal claim" and that "it was permissible
to present it in the Counter-Memorial" (P. C.I.J., Series A/B, No. 70,
p. 28). 269
APPLICATION DE CONVENTION GENOCIDE (DÉCL. KRECA)

des parties peuvent intenter des actions qui ne sont pas complémentaires.
En réalité,«la connexitéen droit» peut apparaître comme une dgferentia
spet.ijca entre «une demande reconventionnelle» et «une ((cross daim)).
L'opinion selon laquelle la connexitéjuridique peut toujours êtreconsi-
déréecomme une connexité directe entre l'objet de la demande et celui de

la demande reconveritionnelle est étayéepar la jurisprudence de la Cour.
Dans l'affaire des P~.isesd'euu Lila Meuse (1937), la demande reconven-
tionnelle belge concernait des questions différentesde celles soulevéespar
les Pays-Bas dans sa demande.
Le Gouvernement néerlandais a priéla Cour de dire et juger que:

«a) la construction, par la Belgique, de travaux rendant possible
l'alimentation d'un canal situé en aval de Maestricht par de
I'eau puiséeà la Meuse ailleurs qu'en cette ville, est contraire au

traité du 12 mai 1863;
h) l'alimentation de la section belge du Zuid-Willemsvaart, du
canal de la Campine, de l'embranchement de ce canal vers Has-
selt et de celui vers le camp de Beverloo, ainsi que du canal de
Turnhout par l'éclusede Neerhaeren avec de l'eau prise a la
Meuse ailleurs qu'à Maestricht, est contraire audit traité;

c) l'alimentation projetée par la Belgique d'une section du canal
de Hasselt par de I'eau prise à la Meuse ailleurs qu'à Maes-
tricht, sera.contraire audit traité;
d) l'alimentation projetée par la Belgique de la section du canal
reliant le Zuid-Willemsvaart et l'Escaut entre Herentals (Vier-

sel) et Anvers, par de I'eau prise a la Meuse ailleurs qu'à Maes-
tricht, sera contraire audit traité» (C. P.J.I. skrieA/B no 70,
urrêt,1937, p. 5-6).

Dans son contre-rnémoire, le Gouvernement belge a affirmé: 1) que le
Gouvernement néerlandais avait violé letraitéde 1863en construisant le
barrage de Boghareri sur la Meuse en aval de Maastricht; 2) que le canal
Juliana construit par les Pays-Bas le long de la Meuse en aval de Maas-
tricht de Limmel à Maasbracht était soumis, en ce qui concerne son ali-
mentation en eau, au mêmetraité.

IIy avait donc deux demandes indépendantes. C'était le fondement
juridique de ces demandes qui faisait qu'elles avaient une connexité
directe aux fins de la procédure de la Cour. Toutes les questions décou-
lant de la demande des Pays-Bas etde la demande reconventionnelle de la
Belgique concernaient directement l'interprétation et l'application du
traité du 12 mai 1863 ou, pour être précis, la question de savoir si les
diverses mesures prises par les Parties étaient conformes aux dispositions

pertinentes du traité. Ce fait a amenéla Cour a conclure que la demande
reconventionnelle «étant en connexité directe avec la demande prin-
cipale», a pu êtreprésentéepar la voie de contre-mémoire)) (C.P.J.I.
.sc;rieA/B no 70, p.28). The Court's reasoning was limited to that framework also in the Fuc-
tory at Chorzbir. case (Merits), the Asylum case and in the provisional

measures phase of the case concerning United Stutes Diplomutic and
Consulur StuJfl in Tehran.

A preponderance of the "connection in law" over the strictly under-
stood "facts of case" (if the word "fact" is meant in luto sensu, it includes
law as well) is, in my opinion, a normal consequence of the relativity of

the facts of the case. It is therefore justified to pose the question whether
it has to do with "facts" or subjective perceptions of facts. Another well-
respected authority on the counter-claim issue, Miaya de la Muela, justly
observes :

"La reconvencion se basa en unos hechos constitutives diferentes
con los alegados por el actor para su pretension, aunque con el

grado de conexidad entre ambos conjuntos de hechos que exija el
sistema procesal respectivo. Su diferencia de la excepcion esta en que
la ultima se basa en hechos, casi siempre no alegados por el actor,
pero que pretenden ser impeditivos O extintivos de los efectoç pro-
ducidos por los alegados en la demanda."' (A. Miaja de la Muela,

"La reconvencion ante el Tribunal internacional de Justicia", Estu-
dios de derecho procesal en honor de Niceto Aiculci-Zumoru y Cas-
tillo, Boletin nwjicano de derecho compurado, No. 24, 1975, p. 757.)

This is why, what are usually called the "facts" of the case should be
understood as a "factual complex" or the "factual background" as an
objective basis, the main features of which are represented as the facts of

the case by the parties.

4. In this particular case, the existence of a "connection in law" is
obvious. It results directly from the findings of the Court in the Judgment
adopted on the occasion of the Respondent's preliminary objections. By

its Judgment on the preliminary objections, the Court established the
legal relationship between the Respondent and the Applicant on the one
hand, and the Genocide Convention, on the other. The preliminary
objections represented, according to their legal nature, a kind of counter-
claim - a "preliminary" counter-claim - the basic purpose of which

was to establish a relevant legal relationship between the parties in the
litigation.
Questions initiated both in the Memorial and the Counter-Memorial
are organically and inseparably connected to the Genocide Convention.

' "The counter-claim is based on some constituent facts differing from those alleged by
theclaimant in his claim, though with the degree of connection between both sets of
Pdcts required by the particular procedural system. It differs from the objection in
that the latter is based on facts hardly ever alleged by the claimant, but which are
advanced as being impedimenta1 or extinctive to the effects produced by the allega-
tions of the claim[Trunslutioi? hI/IRrgisttv./The sedes muteriue of the dispute between Bosnia and Herzegovina and
the Federal Republic of Yugoslavia resides in the qualification of the acts
ascribed by the Parties to each other, from the standpoint of the relevant
provisions of the Convention. Moreover, in contrast to the factographic

side of the case of the Diversion of' Wuter,frotn tlze Meuse, in which Bel-
gium put forward questions of fact different from those mentioned by the
Netherlands in its claim, there exists, in this particular case, a partial
coincidence regarding the factual questions set out in the claim of Bosnia
and Herzegovina, and in the counter-claim of the Federal Republic of

Yugoslavia, but the Parties interpret them in different, in fact in diametri-
cally opposed, ways.
As regards the form and reasoning, there are no substantial differences
between the Memorial and the Counter-Memorial. Even a prima Sacie
assessment shows that there is a substantial similarity regarding the form

and content of the Memorial and Counter-Memorial. which frequently
coincide, so that phenomenologically, regardless of the order of the sub-
mission of the documents, one could describe the Counter-Memorial as
the inversion of the Memorial. and vice versa.
In such a state of affairs, Yugoslavia's counter-claim exceeds the usual
framework of counter-claims encountered by the Court. That is to say,

the substantial concentration of the Memorial and Counter-Memorial on
the relevant event - the armed conflict in Bosnia and Herzegovina, and
its consequences, and the opposing claims of the Parties which derive
from different assessments of the factual and legal sides of that event,
makes it possible to conclude that there is genuinely no distinction

between the Applicant and the Respondent. The positions of the Parties
in this dispute could be compared to the positions of parties in the case of
a territorial dispute, both parties putting forward rival claims. So that, as
was pointed out by the arbitrator Max Huber in the I.tlund of Pulmus
case (1928) "each party is called upon to establish the arguments on

which it relies in support of its claim . . . over the object in dispute"
(Reports of'Intrrnutionul Arhitrul Aiilurds, Vol. II,p. 837).

(Signed) Milenko KRECA. APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (DÉCL. KRECA) 27 1

sur le génocide. Le sedes muteriur du différendentre la Bosnie-Herzégo-
vine et la République fédérativede Yougoslavie résidedans la qualifica-
tion des actes imputés par chacune des Parties à l'autre, du point de vue

des dispositions pertinentes de la convention. En outre, contrairement à
l'aspect factographique de l'affaire des Prises d'euu u lu Meusc, dans
laquelle la Belgique a soulevédes questions de fait qui différaientde celles
mentionnées par les Pays-Bas dans sa demande, il existe, en l'espèce,une
coïncidence partielle concernant les questions de fait énoncéesdans la

demande de la Bosnie-Herzégovineet dans la demande reconventionnelle
de la République fédérativede Yougoslavie, mais les Parties les interprè-
tent d'une manière différenteet en réalitédiamétralement opposée.
En ce qui concerne la forme et le raisonnement, il n'existe pas de dif-

férencessubstantiell~:~entre le mémoire et le contre-mémoire. Même une
évaluation pritnu fucie montre qu'il existe une similitude substantielle
entre la forme et le contenu du mémoire et du contre-mémoire, qui coïn-
cident fréquemment, de sorte que sur le plan phénoménologique, quel
que soit l'ordre de présentation des pièces, on peut décrire le contre-

mémoirecomme l'inversion du mémoire, et vice versa.
Dans une telle situation, le contre-mémoire de la Yougoslavie sort du
cadre habituel des contre-mémoires soumis à la Cour. En d'autres termes.
la concentration substantielle du mémoire et du contre-mémoire sur
l'événementpertinent - le conflit armé en Bosnie-Herzégovine, et ses

conséquences - et les demandes antagoniques des Parties qui procèdent
d'évaluations différentes des aspects factuels et juridiques de cet événe-
ment permettent de conclure qu'il n'y a pas véritablement de distinction
entre le demandeur et le défendeur. Les positions des Parties au différend
peuvent être comparéesaux positions des parties dans une affaire de dif-

férend territorial, les deux parties présentant des demandes opposées.
Ainsi, comme l'avait soulignéMax Huber, l'arbitre dans l'affaire de l'lle
de Pulmus (1928), ((chaque partie doit établir les arguments sur lesquels
elle base [sa demande] ... sur l'objet en litige)) (Recueil des sentences urbi-
trules, vol.II,p. 837).

(Signé) Milenko KRECA.

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Déclaration de M. Kreca, juge ad hoc (traduction)

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