Opinion dissidente de M. Ranjeva

Document Number
088-19920414-ORD-01-08-EN
Parent Document Number
088-19920414-ORD-01-00-EN
Document File
Bilingual Document File

OPINION DISSIDENTE DE M. RANJEVA

1. La présentedemande de mesures conservatoires est, à bien des

égards,un cassansprécédentdans lajurisprudence internationale. Alors
que la Cour ne peut pas rejeter la demande (1),elle ne peut statuer en
raison du changementfondamental descirconstances àlasuitedel'adop-
tion de la résolution748 (1992) du Conseil de sécurité (II), sanspour
autant renoncer en principeà l'exercice propriomotudes attributions de
l'article41du Statut (III).

1. LA COMPÉTENCEDE LA COUR POUR PRESCRIRE
DES MESURESCONSERVATOIRES

2. Sur la base du droit international général, confipar la conven-
tion de Montréal, ledemandeur bénéficiedu droit d'option qu'exprime
l'adagetraditionnel: aut dedereautjudicare; ce droit est opposable erga
omnesetcréel'obligationdemener effectivement àterme,dans descondi-
tionsrégulièresu,ne procédure relativel'établissementdelaresponsabi-
lité pénaledans l'attentat de Lockerbie. Le défendeur acependant con-
testéce droit du demandeur en le qualifiant'aillusoir».
3. Al'analyse,lathèsedu défendeurparaît contestabledans la mesure
où ellecommetune confusion.En effet,oubien ledéfendeurmetencause

l'efficacité des dispositionsde la convention relatiàel'extradition, ou
bien il contestele droit du demandeur d'exercer effectivementsa compé-
tence en la matière. Dans la première hypothèse,il s'agit d'un résultat
déplorable qui n'atténue enaucune façon la nature obligatoire des pres-
criptions delaconventionquis'imposent àtouteslesparties liéespar ledit
instrument. Dans la seconde hypothèse, c'est une méconnaissance des
((principes générauxde droit reconnus par les nations civiliséesprin-
cipesfondéssurl'égalité desEtatsetleur égaleaptitude àassurerl'exécu-
tion des obligations de droit international.
4. Ainsi la Cour n'est saisie que de la question de l'obligation du
demandeur d'effectuer l'extraditionde deux de ses ressortissants soup-
gonnés,aux termes des enquêtes préliminaires, d'êtrle es auteurs de

l'attentat de Lockerbie. Aucune requête en responsabilité internationale
pour acte de terrorisme n'a été introdui. ussi est-cejuste titre que la
juridiction decéansalimitél'objetde sonacte àla seulequestion du droit
du demandeurde s'opposer,par la voiejudiciaire, àune éventuelleobli-
gation d'extrader sesressortissants,sujets sur lesquelselleentend exercer
son droit de juger, au titre du droit international et de la convention de
Montréal.
5. Lajurisprudence de la Cour, rappeléedans l'affairedu Passagepar
leGrand-Belt (C.I.J. Recueil1991,p.17,par. 22)justifiait, inprincipiolitis,
la prescription de mesures conservatoires. Dans les circonstances del'affaire,ledroitdu demandeur, tant danssanature quedans sonétendue,
était menacé dedisparition au cas où la demande contraire de la partie
défenderesseseraitmise à exécution.En effet,àl'opposé,les défendeurs
tiennent du droit conventionnel de Montréalle pouvoir de juger les
mêmespersonnes suspectes. Cette collision de droits contraires, heurt
dont le centre de gravitéest constituépar une question de responsabilité
pénale,estlacausenon seulementd'un préjudicequirisqued'être irrépa-

rable mais surtout d'une aggravation du différend. Par référence aux
termes de l'article 41 du Statut: la Cour a le pouvoir d'indiquer «[des]
mesuresconservatoiresdu droit de chacun »,lajuridiction sedevait,avec
le souci d'une bonne administration de la justice, de statuer, en tenant
compte de l'égalitédes droits des parties, du maintien de la paix et de la
sécuritéinternationalespour fairerespecterlesobligationsjuridiques des
différentesparties litigantes.
6. L'adoption de la recommandation, objet de la résolution731(1992)
du Conseil de sécuritén, e prive pas le demandeur de son droit d'action
devantla Courpour solliciterdes mesuresconservatoires. Al'examen, les
dispositifs de cetterésolution s'analysent commeune interprétationque
cet organe politique principal des Nations Unies donne de l'application

des règlesdans l'attentat de Lockerbie. La nature du Conseil de sécurité
ne confère Das àsesactesrecommandatoiresles effetsattachésen droit à
lachosejugée.C'estauregard du droitinternational, dontfontpartie inté-
grante la Charte et le droit des Nations Unies, que doit être examinéela
portéedela résolution731(1992) àl'égarddela demandetendant à obte-
nir l'indication de mesures conservatoires. Dans la présente affaire,le
demandeur a eu recours à une voie de droit ouvertà tout Etat qui veut
requérirde la Cour la protection légitimede l'exercicede son droit de
juger. L'adageuna viaelectaestinopérantpourrégirdeux droits d'action
de nature différente:l'un devant la Cour et l'autre auprès du Conseil de
sécuritéE. n matièrejudiciaire,prévaut,encasdeconflit,la voiejudiciaire
fondéeen droit international.

7. Pour ces motifs,la Cour, selon mon opinion, était habilitéepres-
criredesmesuresconservatoirespour laprotectiondesdroits detoutes les
Parties, droits menacésde disparition. L'obligation de coopération et
d'entraidejudiciaires,prescritepar laconvention de Montréal,offraitla
Courun cadrepertinent pour déterminerl'objet desmesuresappropriées.
Ainsi,la demandetendant àdemander àlaCour deprescriredes mesures
conservatoiresnonobstant larésolution 731(1992)du Conseil de sécurité
étaitfondée.

II. LE CHANGEMENT FONDAMENTAL DES CIRCONSTANCES JURIDIQUES

8. L'adoption de la décisionde sanctions, objet de la résolution748
(1992)du Conseil de sécuritée,st une donnéedont les effets,au titre des
articles 103et25delaCharte desNations Unies,nepouvaientêtreignorés
par la Cour. L'absenced'actionou d'exception, afférente cettedécision74 CONVENTION DE MONTRÉALDE 1971(OP.DISS.MNJEVA)

d'un des principaux organes politiques de l'organisation des Nations
Unies,n'empêchaip tasla Cour deconstaterquelepremierparagraphe de
larésolutionprivaitdetouteffetlesmesuresconservatoiresquelajuridic-
tion auraitordonnées àl'adressedetoutes lesParties au litige.Lechange-
mentfondamentaldes circonstancesde droit,intervenupostérieurement
au dépôtde la requête, sans modification des circonstances de fait de
l'affaire,empêchailta Cour,organejudiciaireprincipal, d'assurer, avecla
plénitude de ses attributions, l'exercice de sa fonction judiciaire pour
trancher le différendentreles Parties.

111.L'INDICATIO PNOPRIOMOTU DE MESURESCONSERVATOIRES
EN GÉNÉML

9. L'adoption de la résolution748 (1992)ne permet plus certes à la
Cour d'indiquerdesmesuresconservatoiressur labasedesconclusionsde
la demande; néanmoins au titre des articles 41 du Statut et 75du Règle-
ment relatifs au pouvoir de statuer proprio motu des mesures conserva-
toires étaientconcevables. L'évolutionde la jurisprudence relative la
référenceaux dispositions sus-rappelées est liéeau rapport entre les
termesdu binôme :droitdes parties/compétence de la Cour. Avant 1972,

lapriorité étaitreconnue aux questionsde compétence,aussilaCour fit-
ellemontre d'une interprétation trèsrestrictive de ses attributions. Mais
depuisl'affairede la Compétenceenmatièredepêcheries (Républiquefédé-
raledAllemagne c.Islande),mesures conservatoire,rdonnancedu 17août
1972,lestermesdu problèmeont évoluéj,e cite:

«la Cour n'a pas besoin, avant d'indiquer ces mesures, de s'assurer
demanièreconcluantedesacompétencequant au fondde l'affaire ...
ellene doit..pas appliquer l'article 41du Statutlorsquesonincom-
pétenceest manifeste.»(C.Z.J.Recueil 1972,p. 33,par. 16.)

Lalimitationde l'examendela compétence à sadimensionprimafacieau
stade des demandes de mesures conservatoires a amenéla Cour à accor-
derplusdeconsidérationaux circonstancesdel'affaire.L'ordonnance du
10janvier 1986dans le Différendfrontalier(BurkinaFaso/Républiquedu
Mali),mesures conservatoires,onsacreainsil'évolutiond'unepratique de
la Cour décrite danslestermessuivants :

((Considérant que, indépendamment des demandes présentées
par les Parties en indication de mesures conservatoires,la Cour ou,
par conséquent,laChambredisposeenvertu del'article41du Statut
du pouvoir d'indiquer des mesures conservatoires en vue d'empê-
cherl'aggravation ou l'extensiondu différendquand elleestimeque
lescirconstances l'exigentC.Z.J.Recueil1986,p. 9,par. 18).

Cetteméthoded'analyseentermesglobauxdescirconstancesa été énon-céedans l'affaire desActivités militairesetparamilitaireasu Nicaragua et

contre celui-ci(Nicaraguac. Etats-Unis d'Amérique)m , esures conserva-
toires,ordonnancedu 10mai1984 :
((Considérantqu'envertu del'article41du Statutla Cour nepeut
indiquer de mesuresconservatoiresque sielleestimequelescircons-
tances l'exigentpour sauvegarder lesdroits de chacune des Parties»
(C.I.J.Recueil1984,p. 180,par. 27).

Car
((Considérant quela Cour dispose de nombreuses informations
sur les faits de la présenteespèce,y compris des déclarations offi-
ciellesdesautorités des Etats-Unis;quela Cour, danslecontextede

la présente procédure, doit, conformément à l'article 41 du Statut,
examinersilescirconstancesportées àsonattention exigentl'indica-
tion de mesures conservatoires, mais n'est pas habilitée conclure
définitivementsurles faits, et que sa décision doit laisser intact le
droit du défendeurde contesterlesfaitsalléguésed te fairevaloir ses
moyens surlefond D(ibid.,p. 182,par. 1).

La Courconclutainsi :

«Considérant que, vu les diverspoints mentionnés plus haut, la
Cour conclut que les circonstances exigent qu'elle indique des
mesures conservatoires,ainsi qu'ilest prévuà l'article 41 du Statut,
en vue de sauvegarder les droits invoqués (voir Compétenceen
matièredepêcherie(sRoyaume-Uni c.Islande),mesuresconservatoires,
ordonnancedu 17août 1972,C.I.J.Recueil1972,p. 17-18 ;Compétence
enmatièredepêcherie( sRépubliquefédérale dAllemagne c. Islande),
mesuresconservatoires,ordonnancd eu 17août 1972,ibid.,p. 35-36)»
(ibid.,p. 186,par. 39).

Aussi est-onamenéàse demander si dorénavantles appels que la Cour
adresse aux Parties ne peuvent êtrelancés quedans le cadre de disposi-
tions connexes à des mesures conservatoiresindiquées.
10. Cependant il est évident qu'une réponsenégative s'impose à la
lumière de la jurisprudence du Passage par le Grand-Belt(Finlande
c.Danemark):

((Considérantque,commelaCour permanente deJusticeinterna-
tionalel'a fait observeret la présenteCour l'a réaffirmé,
lerèglementjudiciaire desconflitsinternationaux,en vueduquel
la Cour estinstituée,n'estqu'un succédané au règlementdirect et
amiablede cesconflitsentre lesParties ;que,dèslors,ilappartient
à la Cour de faciliter, dans toute la mesure compatible avec son
Statut,pareil règlementdirectet amiable ..»(Zonesfranchesde la
Haute-Savoie etdu Pays de Gex, C.P.J.I.série A no22,p. 13;voir

aussi Diffend frontalier, C.I.J.Recueil1986,p. 577,par. 46);76 CONVENTION DE MONTRÉALDE 1971(OP. DISS.RANJEVA)

que, en attendant une décision de la Cour sur le fond, toute négo-
ciation entre les Parties en vue de parvenirn règlementdirect et
amiableserait la bienvenue))(C.I.J.Recueil1991,p. 20,par. 35).
En effet,par l'ordonnance du 29juillet 1991,la Cour,tout enrefusant les
mesures conservatoires, a adressé aux parties une invitationà négocier.
L'appeldelaCour auxpartiespeut faire l'objetdecritiques tiréesdirecte-
ment d'une analysestrictede lanotion defonctionjudiciaire, maisl'exer-
cicedela fonctionjudiciairene relève-t-ilpas,defaçondynamique,d'une

obligationfondamentaleplus large :
((Article1

Lesbuts des Nations Unies sont lessuivants :
1. Maintenir la paix et la sécurité internationalesetà cette fin:
prendre des mesures collectives efficaces en vue de prévenir et
d'écarterlesmenaces àlapaix etderéprimertout acted'agression ou
autre rupture de la paix, et réaliser,par des moyens pacifiques,
conformémentaux principes de la justice et du droit international,
l'ajustementoulerèglementde différendsou de situations,decarac-
tère international, susceptiblesde menerà une rupture de la paix))

(Article1dela Charte des Nations Unies.)
A la lumière de ces observations s'expliquent les préoccupations de la
Cour pour que le différend nes'aggravepas ni ne dégénère enconflit.
Dans les deux affairesrappelées,les circonstancesde fait étaient consti-
tuéespar des actions armées.Ainsi proprio motu, la Cour a statué non
seulementsurl'opportunitéd'un appel qu'ellealancémais encoresur les
formesextrajudiciaires,que pourrait emprunter la voie vers le règlement
du différend.

11. Dans lecadre de laprésenteaffaire,lescirconstancesétaientbeau-
couppluspréoccupantes,enraison delaréférence directeauchapitre VI1
delaCharte. Laquestiondel'avisduConseildesécuriténeselimitaitplus
àun différendentrelesPartiesen litigemaisintéressaitla sécurité collec-
tive de tous les Etats et de tous les peuples. Cette nouvelle dimension,
mon avis,ne permettaitpas àla Cour d'ignorer l'objet mêmd ees procé-
dures de règlement desdifférendset dese limiter à une approche passive
desafonctionjudiciaire. Ilappartient dèslorsà l'ordonnance dereleverla
qualification effectuéepar le Conseil de sécuritéet de rappeler, même
dans le cadre de la résolution748 (1992),des obligations généralesde
comportementtendant àlimiterl'aggravationdu litige.
12. Pour ces raisons, selonmon opinion, la Cour devait d'une part se
prononcer sur les méritesde la requêtedont l'objet a disparu du fait des

effetsde larésolution748(1992)et,d'autrepart, constater l'impossibilité
pour elle de statuer du fait de l'interventionde circonstancesextérieures
au différendetpostérieures àl'introduction delarequêtetout enappelant
les Partiesà évitertoute escalade. Cette solution inconfortable, néan-
moins conforme à la description de l'évolutiondu règlementdelaprocé-
dure,meparaît utile.Eneffet,par-delà lelitigeactuelopposant lesParties,le différend implique ledroit de tous les Etats partàela convention de
Montréal et impliquésdans la répression etla préventiondu terrorisme
commiscontre lesaéronefsetla sécuritédesappareilsassurantla naviga-
tion aérienne. Parailleurs,lesnouvellesdonnesdans lesrelationsinterna-
tionalesrequièrentunemeilleureclarificationdu droitdes Nations Unies
en ce qui concerne d'une part la répartition entreles matières des cha-
pitresVI et VI1de la Charte, ainsi que l'ont indiquéles travaux de la
SixièmeCommission de l'Assembléegénérale (quarante-cinquième ses-
sion) et d'autre part la requalification dessituations au regard des dispo-
sitionspertinentes de ladite Charte. En effet, commel'a ditlaCour:

«le caractèrepolitique d'un organene peutle soustrairà l'observa-
tiondesdispositionsconventionnellesqui lerégissent,lorsquecelles-
ci constituent des limitesà son pouvoir ou des critères de son
jugement » (Conditionsde l'admissiond'unEtat comme Membredes
Nations Unies(article 4 de la Charte), avisconsultats 1948, C.I.J.
Recueil1947-1948,p. 64).

(Signé)Raymond RANJEVA.

Bilingual Content

OPINION DISSIDENTE DE M. RANJEVA

1. La présentedemande de mesures conservatoires est, à bien des

égards,un cassansprécédentdans lajurisprudence internationale. Alors
que la Cour ne peut pas rejeter la demande (1),elle ne peut statuer en
raison du changementfondamental descirconstances àlasuitedel'adop-
tion de la résolution748 (1992) du Conseil de sécurité (II), sanspour
autant renoncer en principeà l'exercice propriomotudes attributions de
l'article41du Statut (III).

1. LA COMPÉTENCEDE LA COUR POUR PRESCRIRE
DES MESURESCONSERVATOIRES

2. Sur la base du droit international général, confipar la conven-
tion de Montréal, ledemandeur bénéficiedu droit d'option qu'exprime
l'adagetraditionnel: aut dedereautjudicare; ce droit est opposable erga
omnesetcréel'obligationdemener effectivement àterme,dans descondi-
tionsrégulièresu,ne procédure relativel'établissementdelaresponsabi-
lité pénaledans l'attentat de Lockerbie. Le défendeur acependant con-
testéce droit du demandeur en le qualifiant'aillusoir».
3. Al'analyse,lathèsedu défendeurparaît contestabledans la mesure
où ellecommetune confusion.En effet,oubien ledéfendeurmetencause

l'efficacité des dispositionsde la convention relatiàel'extradition, ou
bien il contestele droit du demandeur d'exercer effectivementsa compé-
tence en la matière. Dans la première hypothèse,il s'agit d'un résultat
déplorable qui n'atténue enaucune façon la nature obligatoire des pres-
criptions delaconventionquis'imposent àtouteslesparties liéespar ledit
instrument. Dans la seconde hypothèse, c'est une méconnaissance des
((principes générauxde droit reconnus par les nations civiliséesprin-
cipesfondéssurl'égalité desEtatsetleur égaleaptitude àassurerl'exécu-
tion des obligations de droit international.
4. Ainsi la Cour n'est saisie que de la question de l'obligation du
demandeur d'effectuer l'extraditionde deux de ses ressortissants soup-
gonnés,aux termes des enquêtes préliminaires, d'êtrle es auteurs de

l'attentat de Lockerbie. Aucune requête en responsabilité internationale
pour acte de terrorisme n'a été introdui. ussi est-cejuste titre que la
juridiction decéansalimitél'objetde sonacte àla seulequestion du droit
du demandeurde s'opposer,par la voiejudiciaire, àune éventuelleobli-
gation d'extrader sesressortissants,sujets sur lesquelselleentend exercer
son droit de juger, au titre du droit international et de la convention de
Montréal.
5. Lajurisprudence de la Cour, rappeléedans l'affairedu Passagepar
leGrand-Belt (C.I.J. Recueil1991,p.17,par. 22)justifiait, inprincipiolitis,
la prescription de mesures conservatoires. Dans les circonstances de DISSENTING OPINION OF JUDGE RANJEVA

[Translation]

1. Thepresentrequestforthe indication of provisional measures is,in
many respects, an unprecedented case in international adjudication.
Whilethe Court cannot rejectthe request (1),itcannotpassupon it owing
to the fundamental change of circumstances following the adoption of
SecurityCouncilresolution 748(1992)(II),withoutfor al1that refraining,
in principle,fromthe propriomotuexerciseofitspowers under Article41
ofthe Statute (III).

2. Onthebasisofgeneralinternational law,confirmed bythe Montreal
Convention,the Applicant enjoysthe rightto chooseexpressed inthetra-
ditional adage :autdedereautjudicare;thisrightisopposable ergaomnes
and creates the obligation to effectivelycarry through, in normal condi-
tions,proceedingsforthe establishment of criminal responsibilityin the
Lockerbiebombing. However,the Respondenthas contestedthisright of
the Applicant by characterizingit as "illusory".
3. On analysis,the Respondent's thesis appears to becontestable inas-
much asit isguiltyofconfusion.Foreitherthe Respondent isquestioning
the efficacyofthe provisionsofthe Convention relatingto extradition, or
he is contestingthe Applicant's right to effectivelyexercise his compe-
tence in this sphere. If the former isthe case,the result would be deplor-

able;butthiswouldinno wayweakenthebindingnature oftheprovisions
ofthe Convention, being asthey are binding on al1the parties to the said
instrument. Ifthe latter isthe case,wewould befaced witha disregardfor
the "generalprinciples oflawrecognizedbycivilizednations", principles
founded upon the equality of Statesand their equal abilityto ensure that
obligations under international laware fulfilled.
4. Hence the Court is not seised solely of the question of the Appli-
cant'sobligationtoextradite twoofitsnationalssuspected, on completion
of the preliminary enquiries,of being theauthors of the Lockerbiebomb-
ing.No Application alleginginternational responsibilityfor an act ofter-
rorismhasbeenfiled.This Court hasthereforerightlylimitedthe subject
ofitsproceedingssolelytothe questionofthe Applicant'srighttooppose,
byjudicial means,a possible obligationto extradite itsnationals, whom it
intends to prosecute, exercisingits right thereto under international law
and the Montreal Convention.

5. Thecase-lawofthe Court, referredto inthe caseconcerningPassage
throughthe Great Belt(I.C.J.Reports 1991,p. 17,para. 22),justified the

indication of provisionalmeasures inprincipiolitis.In the particular cir-l'affaire,ledroitdu demandeur, tant danssanature quedans sonétendue,
était menacé dedisparition au cas où la demande contraire de la partie
défenderesseseraitmise à exécution.En effet,àl'opposé,les défendeurs
tiennent du droit conventionnel de Montréalle pouvoir de juger les
mêmespersonnes suspectes. Cette collision de droits contraires, heurt
dont le centre de gravitéest constituépar une question de responsabilité
pénale,estlacausenon seulementd'un préjudicequirisqued'être irrépa-

rable mais surtout d'une aggravation du différend. Par référence aux
termes de l'article 41 du Statut: la Cour a le pouvoir d'indiquer «[des]
mesuresconservatoiresdu droit de chacun »,lajuridiction sedevait,avec
le souci d'une bonne administration de la justice, de statuer, en tenant
compte de l'égalitédes droits des parties, du maintien de la paix et de la
sécuritéinternationalespour fairerespecterlesobligationsjuridiques des
différentesparties litigantes.
6. L'adoption de la recommandation, objet de la résolution731(1992)
du Conseil de sécuritén, e prive pas le demandeur de son droit d'action
devantla Courpour solliciterdes mesuresconservatoires. Al'examen, les
dispositifs de cetterésolution s'analysent commeune interprétationque
cet organe politique principal des Nations Unies donne de l'application

des règlesdans l'attentat de Lockerbie. La nature du Conseil de sécurité
ne confère Das àsesactesrecommandatoiresles effetsattachésen droit à
lachosejugée.C'estauregard du droitinternational, dontfontpartie inté-
grante la Charte et le droit des Nations Unies, que doit être examinéela
portéedela résolution731(1992) àl'égarddela demandetendant à obte-
nir l'indication de mesures conservatoires. Dans la présente affaire,le
demandeur a eu recours à une voie de droit ouvertà tout Etat qui veut
requérirde la Cour la protection légitimede l'exercicede son droit de
juger. L'adageuna viaelectaestinopérantpourrégirdeux droits d'action
de nature différente:l'un devant la Cour et l'autre auprès du Conseil de
sécuritéE. n matièrejudiciaire,prévaut,encasdeconflit,la voiejudiciaire
fondéeen droit international.

7. Pour ces motifs,la Cour, selon mon opinion, était habilitéepres-
criredesmesuresconservatoirespour laprotectiondesdroits detoutes les
Parties, droits menacésde disparition. L'obligation de coopération et
d'entraidejudiciaires,prescritepar laconvention de Montréal,offraitla
Courun cadrepertinent pour déterminerl'objet desmesuresappropriées.
Ainsi,la demandetendant àdemander àlaCour deprescriredes mesures
conservatoiresnonobstant larésolution 731(1992)du Conseil de sécurité
étaitfondée.

II. LE CHANGEMENT FONDAMENTAL DES CIRCONSTANCES JURIDIQUES

8. L'adoption de la décisionde sanctions, objet de la résolution748
(1992)du Conseil de sécuritée,st une donnéedont les effets,au titre des
articles 103et25delaCharte desNations Unies,nepouvaientêtreignorés
par la Cour. L'absenced'actionou d'exception, afférente cettedécision 1971 MONTREALCONVENTION (DISSO.P.RANJEVA) 73

cumstances of the case, with respect to both its scope and its nature, the
Applicant's rightwouldhavebeen under threat ofdisappearance hadthe
contrary claimofthe Respondent beenactedupon. Here, onthe contrary,
under the Montreal Convention, the Respondents possess the power to
prosecute the above-mentioned suspects. This collision of opposing
rights, a clash centred upon a question ofiminal responsibility, is the
causenot onlyofwhat may wellbe irreparable prejudice,but aboveal1of

an aggravation of the dispute.nder Article 41 of the Statute, the Court
hasthepowertoindicate"provisionalmeasures. .to preservetherespec-
tive rights of either party". Hence it was for the Court,in the interests of
the goodadministration ofjustice, toecide,bearing in mind the equality
of rights of the Parties and the maintenance of international peace and
security, tonsure that the legal obligations of the various Parties were
respected.
6. The adoption of the recommendation which isthe subject of Secu-
rity Council resolution 731(1992)does not deprive the Applicant of its
righttoinstituteproceedingsbefore the Courtto request the indication of
provisionalmeasures.On examination, the operative parts ofthisesolu-
tion prove to be an interpretation that thisprincipal politicalorgan ofthe
United Nationsgives oftheapplicationofthe rulesinthe Lockerbiebomb-
ing. The nature of the Security Council does not confer upon its recom-

mendatoryacts the legaleffectsof resjudicata.It isfromthestandpoint of
international law, ofwhichtheCharter and the lawofthe United Nations
form an integralpart, thatthe scopeofresolution 731(1992)mustbe con-
sidered with respect tothe request forthe indication of provisional mea-
sures. Inthe present case,the Applicanthas used a remedy opento every
Statewishingto request ofthe Court the legitimateprotection of itsright
topassjudgment.The adage unaviaelectadoesnotapplywhenit comesto
governingtwo rights of action which are different in nature, namely, one
before the Court and the other in the Security Council. In the judicial
field,itisthejudicial course,based upon international law,whichprevails
in case of conflict.
7. For these reasons,the Court wasin myviewempowered to indicate
provisional measures for the protection of the rights of1the Parties,
rights which wereunder threat of disappearance. The duty to CO-operate

and afford legal assistancelaid down by the Montreal Convention pro-
vided the Court with a suitable framework for determining the object of
the appropriate measures. Hence, the request for the Court to indicate
provisionalmeasures was wellfounded, SecurityCouncil resolution 731
(1992)notwithstanding.

II. THEFUNDAMENT CHLANG EN THELEGAL CIRCUMSTANCES

8. Theadoption ofthe decisionto imposesanctions, whicharethe sub-
ject of Security Council resolution 748 (1992),is a given whose effects,
under Articles 103and 25 of the United Nations Charter, could not be
ignored by the Court. The absence of action or objection,withrespect to74 CONVENTION DE MONTRÉALDE 1971(OP.DISS.MNJEVA)

d'un des principaux organes politiques de l'organisation des Nations
Unies,n'empêchaip tasla Cour deconstaterquelepremierparagraphe de
larésolutionprivaitdetouteffetlesmesuresconservatoiresquelajuridic-
tion auraitordonnées àl'adressedetoutes lesParties au litige.Lechange-
mentfondamentaldes circonstancesde droit,intervenupostérieurement
au dépôtde la requête, sans modification des circonstances de fait de
l'affaire,empêchailta Cour,organejudiciaireprincipal, d'assurer, avecla
plénitude de ses attributions, l'exercice de sa fonction judiciaire pour
trancher le différendentreles Parties.

111.L'INDICATIO PNOPRIOMOTU DE MESURESCONSERVATOIRES
EN GÉNÉML

9. L'adoption de la résolution748 (1992)ne permet plus certes à la
Cour d'indiquerdesmesuresconservatoiressur labasedesconclusionsde
la demande; néanmoins au titre des articles 41 du Statut et 75du Règle-
ment relatifs au pouvoir de statuer proprio motu des mesures conserva-
toires étaientconcevables. L'évolutionde la jurisprudence relative la
référenceaux dispositions sus-rappelées est liéeau rapport entre les
termesdu binôme :droitdes parties/compétence de la Cour. Avant 1972,

lapriorité étaitreconnue aux questionsde compétence,aussilaCour fit-
ellemontre d'une interprétation trèsrestrictive de ses attributions. Mais
depuisl'affairede la Compétenceenmatièredepêcheries (Républiquefédé-
raledAllemagne c.Islande),mesures conservatoire,rdonnancedu 17août
1972,lestermesdu problèmeont évoluéj,e cite:

«la Cour n'a pas besoin, avant d'indiquer ces mesures, de s'assurer
demanièreconcluantedesacompétencequant au fondde l'affaire ...
ellene doit..pas appliquer l'article 41du Statutlorsquesonincom-
pétenceest manifeste.»(C.Z.J.Recueil 1972,p. 33,par. 16.)

Lalimitationde l'examendela compétence à sadimensionprimafacieau
stade des demandes de mesures conservatoires a amenéla Cour à accor-
derplusdeconsidérationaux circonstancesdel'affaire.L'ordonnance du
10janvier 1986dans le Différendfrontalier(BurkinaFaso/Républiquedu
Mali),mesures conservatoires,onsacreainsil'évolutiond'unepratique de
la Cour décrite danslestermessuivants :

((Considérant que, indépendamment des demandes présentées
par les Parties en indication de mesures conservatoires,la Cour ou,
par conséquent,laChambredisposeenvertu del'article41du Statut
du pouvoir d'indiquer des mesures conservatoires en vue d'empê-
cherl'aggravation ou l'extensiondu différendquand elleestimeque
lescirconstances l'exigentC.Z.J.Recueil1986,p. 9,par. 18).

Cetteméthoded'analyseentermesglobauxdescirconstancesa été énon-'thisdecisionbyoneoftheprincipal politicalorgansofthe United Nations,
didnotpreventthe Court fromnoting that the first paragraph-ofthe reso-
lution deprived ofal1effecttheprovisional measuresthattheCourt might
have ordered with respect to al1Parties to the dispute. The fundamental
changein the legalcircumstances sincethefiling ofthe Application, with-
out there being any changein the factual circumstances of the case,re-
vented the Court, the principal judicial organ, from exercising its legal
function to settlethe dispute between the Parties to the fulltent of its
powers.

III. THEE'ROPRM IOTUINDICATIO OF PROVISIONM ALEASURES
INGENERAL

9. Althoughthere isno doubt thatthe adoption ofresolution 748(1992)
means that the Court can no longerindicateprovisionalmeasures on the
basis of the submissionsin the request,provisionalmeasures were a pos-
sibilityunder Articles41 ofthe Statuteand 75ofthe Rulesconcemingthe
powerto indicate propriomotuprovisionalmeasures.Thedevelopment of
the case-law conceming reference to the above-mentioned provisions is

bound up withtherelationship betweenthe twoterms inthe duality :right
of the Parties/jurisdiction of the Court. Prior to 1972, priority was
granted to questions of jurisdiction, so that the Court interpreted its
powersveryrestrictively.But sincethe Order of 17August 1972forprovi-
sional measures the Court made in the FisheriesJurisdiction(Federal
Republicof Germanyv. Zceland)case, the terms of the problem have
altered. 1quote fromthat Order:

"the Court need not, beforeindicatingthem [provisional measures],
finallysatisfyitselfthat ithasjurisdiction onthemerits ofthe ca...
it ought not to act under Article 41 ofthe Statute if the absence of
jurisdiction...is manifest." (Z.C.J.Reports1972,p. 33,para. 16.)

Limiting consideration of the question of jurisdiction to its prima facie
aspect at the stageof requestsforprovisionalmeasureshas ledthe Court
to pay greater attention to the circumstances of the case. The Order of
10January 1986forprovisionalmeasures inthe FrontierDispute(Burkina
Faso/Republicof Mali) case thus formally marks the development of a
practice ofthe Court described in the followingterms:

"Consideringthat,independently ofthe requestssubmitted bythe
Parties for the indication of provisional measures, the Court or,
accordingly,the chamber possessesbyvirtue ofArticle41ofthe Sta-
tute the power to indicate provisionalmeasures with a viewto pre-
ventingthe aggravation or extension ofthe dispute wheneverit con-
siders that circumstances so require" (Z.C.J. Reports 1986, p. 9,
para. 18).

This method of analysis embracing the totality of the circumstances wascéedans l'affaire desActivités militairesetparamilitaireasu Nicaragua et

contre celui-ci(Nicaraguac. Etats-Unis d'Amérique)m , esures conserva-
toires,ordonnancedu 10mai1984 :
((Considérantqu'envertu del'article41du Statutla Cour nepeut
indiquer de mesuresconservatoiresque sielleestimequelescircons-
tances l'exigentpour sauvegarder lesdroits de chacune des Parties»
(C.I.J.Recueil1984,p. 180,par. 27).

Car
((Considérant quela Cour dispose de nombreuses informations
sur les faits de la présenteespèce,y compris des déclarations offi-
ciellesdesautorités des Etats-Unis;quela Cour, danslecontextede

la présente procédure, doit, conformément à l'article 41 du Statut,
examinersilescirconstancesportées àsonattention exigentl'indica-
tion de mesures conservatoires, mais n'est pas habilitée conclure
définitivementsurles faits, et que sa décision doit laisser intact le
droit du défendeurde contesterlesfaitsalléguésed te fairevaloir ses
moyens surlefond D(ibid.,p. 182,par. 1).

La Courconclutainsi :

«Considérant que, vu les diverspoints mentionnés plus haut, la
Cour conclut que les circonstances exigent qu'elle indique des
mesures conservatoires,ainsi qu'ilest prévuà l'article 41 du Statut,
en vue de sauvegarder les droits invoqués (voir Compétenceen
matièredepêcherie(sRoyaume-Uni c.Islande),mesuresconservatoires,
ordonnancedu 17août 1972,C.I.J.Recueil1972,p. 17-18 ;Compétence
enmatièredepêcherie( sRépubliquefédérale dAllemagne c. Islande),
mesuresconservatoires,ordonnancd eu 17août 1972,ibid.,p. 35-36)»
(ibid.,p. 186,par. 39).

Aussi est-onamenéàse demander si dorénavantles appels que la Cour
adresse aux Parties ne peuvent êtrelancés quedans le cadre de disposi-
tions connexes à des mesures conservatoiresindiquées.
10. Cependant il est évident qu'une réponsenégative s'impose à la
lumière de la jurisprudence du Passage par le Grand-Belt(Finlande
c.Danemark):

((Considérantque,commelaCour permanente deJusticeinterna-
tionalel'a fait observeret la présenteCour l'a réaffirmé,
lerèglementjudiciaire desconflitsinternationaux,en vueduquel
la Cour estinstituée,n'estqu'un succédané au règlementdirect et
amiablede cesconflitsentre lesParties ;que,dèslors,ilappartient
à la Cour de faciliter, dans toute la mesure compatible avec son
Statut,pareil règlementdirectet amiable ..»(Zonesfranchesde la
Haute-Savoie etdu Pays de Gex, C.P.J.I.série A no22,p. 13;voir

aussi Diffend frontalier, C.I.J.Recueil1986,p. 577,par. 46);enunciated inthe Orderforprovisionalmeasuresmade on 10May 1984in
the case conceking Militaïy and Paramilitary Activitiesin and against
Nicaragua(Nicaragua v. UnitedStates ofAmerica)as follows :
"Whereas by the terms of Article 41of the Statute the Court may
indicate provisional measures only when it considers that circum-
stances so require to preserve the rights of either party" (I.C.J.
Reports 1984,p. 180,para. 27).

Since
"Whereas the Court has available to it considerableinformation

concerningthefacts ofthe present case,including officia1statements
ofUnitedStatesauthorities; whereas,the Court,inthe context ofthe
present proceedings on a request for provisional measures, has in
accordance with Article 41 of the Statute to consider the circum-
stances drawn to its attention as requiring the indication of provi-
sionalmeasures,but cannot make definitivefindings offact, and the
right of the respondent State to disputethe facts alleged andto sub-
mitargumentsinrespect ofthe meritsmustremainunaffected bythe
Court's decision" (ibid.,p. 182,para. 31).
The Court concluded as follows :

"Whereas in the light of the several considerations set out above,
the Court finds that the circumstancesrequire it to indicate provi-
sionalmeasures,asprovided byArticle41 ofthe Statuteofthe Court,
in order to preserve the rights claimed (see FisheriesJurisdiction
(United Kingdomv. Iceland), Interim ProtectionO , rderof 17August
1972,I.C.J. Reports1972,pp. 17-18 ; FisheriesJurisdiction(Federal
Republic of Germany v. Iceland), Interim Protection,Order of
17August1972,ibid.,pp. 35-36)"(ibid.,p. 186,para. 39).

One is therefore inclined to wonder whetherthe appeals that the Court
addressesto the Partieshencefonvard can onlybe madeinthe context of
measures related to provisional measures whichhave been indicated.
10. However,inthe lightofthe relevantholding inthe Passagethrough
theGreatBelt (Finlandv. Denmark)case, it is clearthat the reply must be
negative :

"Whereas, as the Permanent Court of International Justice
observed,and the present Court has reiterated,
'the judicial settlement of international disputes, with a view to
which the Court has been established, is simply an alternative to
the direct and friendly settlement of such disputes between the
Parties; asconsequentlyitisforthe Courtto facilitate,so far as is
compatiblewithitsStatute,suchdirectandfriendlysettlement .. .'
(Free Zones of Upper Savoy and the District of Gex, P.C.I.J.,
SeriesA,No.22,p. 13 ;seealsoFrontierDispute,I.C.J.Reports1986,
p. 577,para. 46);76 CONVENTION DE MONTRÉALDE 1971(OP. DISS.RANJEVA)

que, en attendant une décision de la Cour sur le fond, toute négo-
ciation entre les Parties en vue de parvenirn règlementdirect et
amiableserait la bienvenue))(C.I.J.Recueil1991,p. 20,par. 35).
En effet,par l'ordonnance du 29juillet 1991,la Cour,tout enrefusant les
mesures conservatoires, a adressé aux parties une invitationà négocier.
L'appeldelaCour auxpartiespeut faire l'objetdecritiques tiréesdirecte-
ment d'une analysestrictede lanotion defonctionjudiciaire, maisl'exer-
cicedela fonctionjudiciairene relève-t-ilpas,defaçondynamique,d'une

obligationfondamentaleplus large :
((Article1

Lesbuts des Nations Unies sont lessuivants :
1. Maintenir la paix et la sécurité internationalesetà cette fin:
prendre des mesures collectives efficaces en vue de prévenir et
d'écarterlesmenaces àlapaix etderéprimertout acted'agression ou
autre rupture de la paix, et réaliser,par des moyens pacifiques,
conformémentaux principes de la justice et du droit international,
l'ajustementoulerèglementde différendsou de situations,decarac-
tère international, susceptiblesde menerà une rupture de la paix))

(Article1dela Charte des Nations Unies.)
A la lumière de ces observations s'expliquent les préoccupations de la
Cour pour que le différend nes'aggravepas ni ne dégénère enconflit.
Dans les deux affairesrappelées,les circonstancesde fait étaient consti-
tuéespar des actions armées.Ainsi proprio motu, la Cour a statué non
seulementsurl'opportunitéd'un appel qu'ellealancémais encoresur les
formesextrajudiciaires,que pourrait emprunter la voie vers le règlement
du différend.

11. Dans lecadre de laprésenteaffaire,lescirconstancesétaientbeau-
couppluspréoccupantes,enraison delaréférence directeauchapitre VI1
delaCharte. Laquestiondel'avisduConseildesécuriténeselimitaitplus
àun différendentrelesPartiesen litigemaisintéressaitla sécurité collec-
tive de tous les Etats et de tous les peuples. Cette nouvelle dimension,
mon avis,ne permettaitpas àla Cour d'ignorer l'objet mêmd ees procé-
dures de règlement desdifférendset dese limiter à une approche passive
desafonctionjudiciaire. Ilappartient dèslorsà l'ordonnance dereleverla
qualification effectuéepar le Conseil de sécuritéet de rappeler, même
dans le cadre de la résolution748 (1992),des obligations généralesde
comportementtendant àlimiterl'aggravationdu litige.
12. Pour ces raisons, selonmon opinion, la Cour devait d'une part se
prononcer sur les méritesde la requêtedont l'objet a disparu du fait des

effetsde larésolution748(1992)et,d'autrepart, constater l'impossibilité
pour elle de statuer du fait de l'interventionde circonstancesextérieures
au différendetpostérieures àl'introduction delarequêtetout enappelant
les Partiesà évitertoute escalade. Cette solution inconfortable, néan-
moins conforme à la description de l'évolutiondu règlementdelaprocé-
dure,meparaît utile.Eneffet,par-delà lelitigeactuelopposant lesParties, whereas,pending a decision oftheCourt on the merits,any negotia-
tionbetweenthe Partieswithaviewto achievingadirect and friendly
settlement is to be welcomed" (I.C.J. Reports 1991,p. 20,para. 35).
Indeed, by the Order of 29 July 1991,while rejecting provisional mea-
sures,the Court invitedthe parties to negotiate.TheCourt's appeal to the
parties maybe subjectto criticisms stemmingdirectlyfrom a strict analy-
sisofthe concept ofjudicial function,but the exerciseofthejudicial func-
tion is surely a dynamic part of a wider fundamental obligation, as the

followingquotation indicates :
"Article1

The Purposes ofthe United Nations are :
1. To maintain international peace and security, andto that end :
to take effectivecollectivemeasures forthe prevention and removal
of threats to the peace, and for the suppression of acts of aggression
orotherbreaches ofthepeace, andto bring about bypeacefulmeans,
and in conformity with the principles of justice and international
law,adjustment or settlement of international disputes or situations
which mightlead to a breach ofthe peace." (Article 1ofthe Charter
ofthe United Nations.)

In the light ofthese observations,the reasons for the Court's concernto
ensure that the dispute does not become aggravated or degenerate into
conflictbecome clear. In the two casesreferred to, it was armed actions
which constituted the factual circumstances. Hence, proprio motu, the
Court pronounced not onlyonthe wisdomofanappeal itinfactmadebut
also on the extrajudicial forms that the settlement of the dispute might
take.
11. In the context ofthe present case,the circumstanceswerea source
of much greater concern, owingto the directreferenceto Chapter VI1of
the Charter. The question of the opinion of the SecurityCouncil was no

longer limited to a dispute between the Parties in contention, but con-
cernedthe collectivesecurityofal1Statesand al1peoples. In myview,this
new dimension did not permit the Court to ignore the very object of the
proceedings to settlethe disputes and limit itselfto apassive approach to
itsjudicial function. Itfollowsthatthe Ordershouldrefertothe character-
izationmade bythe SecurityCouncil and drawattention, eveninthe con-
text of resolution 748 (1992), to general obligations with respect to
conduct that tend to limitthe aggravation ofthe dispute.
12. For these reasons, in my opinion, the Court should have pro-
nounced on the merits ofthe request,the objectofwhichhas disappeared
owing to the effects of resolution 748 (1992), and should also have
acknowledged its inability to rule owing to supervening circumstances
external to the dispute and subsequentto the filing ofthe Application, at
the sametime callingon the Parties to avoid al1escalation.Thissolution,
whichalthoughuncomfortable neverthelessaccords with the description
ofthe developmentofthe proceedings,seemsto meausefulone.For overle différend implique ledroit de tous les Etats partàela convention de
Montréal et impliquésdans la répression etla préventiondu terrorisme
commiscontre lesaéronefsetla sécuritédesappareilsassurantla naviga-
tion aérienne. Parailleurs,lesnouvellesdonnesdans lesrelationsinterna-
tionalesrequièrentunemeilleureclarificationdu droitdes Nations Unies
en ce qui concerne d'une part la répartition entreles matières des cha-
pitresVI et VI1de la Charte, ainsi que l'ont indiquéles travaux de la
SixièmeCommission de l'Assembléegénérale (quarante-cinquième ses-
sion) et d'autre part la requalification dessituations au regard des dispo-
sitionspertinentes de ladite Charte. En effet, commel'a ditlaCour:

«le caractèrepolitique d'un organene peutle soustrairà l'observa-
tiondesdispositionsconventionnellesqui lerégissent,lorsquecelles-
ci constituent des limitesà son pouvoir ou des critères de son
jugement » (Conditionsde l'admissiond'unEtat comme Membredes
Nations Unies(article 4 de la Charte), avisconsultats 1948, C.I.J.
Recueil1947-1948,p. 64).

(Signé)Raymond RANJEVA. 1971 MONTREAL CONVENTION (DISS. OP. RANJEVA) 77

and abovethe present dispute betweenthe Parties, what is at issuehere is
the right ofal1Statesparties to the Montreal Convention and concerned
withthe suppression and prevention ofterrorism against aircraft and the
safety of air travel.so,the new elements in international relations cal1
forgreaterclarification of United Nations lawonthe onehand asregards
the line of demarcation between the fields respectivelycoveredby Chap-

ters VI and VI1 of the Charter, as indicated by the work of the Gen-
eral Assembly'sSixth Committee (forty-fifth session) and, on the other
hand, a newcharacterization ofsituationsfromthestandpoint ofthe rele-
vant provisions ofthe Charter. Indeed, asthe Court has observed :
"The political character of an organ cannot release it from the

observance ofthe treaty provisions establishedby the Charter when
they constitutelimitations on itspowersorcriteria foritsjudgment."
(Conditions of Admissionof a State to Membershipin the United
Nations (Article4 of Charter),Advisory Opinion1 ,948,I.C.J. Reports
1947-1948,p. 64.)

(Signed) Raymond RANJEVA.

Document file FR
Document Long Title

Opinion dissidente de M. Ranjeva

Links