Opinion dissidente de M. El-Kosheri, juge ad hoc (traduction)

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OPINION DISSIDENTE DE M. EL-KOSHERI

[Traduction]

1. Pour tout êtrehumain,cequi s'estproduit au-dessus de Lockerbiea
étéun événementhorrible. Ilfautque lesresponsablessoientpunis etque

la justice soit dûment rendue conformémentaux règlesde droit appli-
cables. Pour cela, il faut établir clairementles faits dans leur séquence
chronologiquevéritableafin de démontrer la natureet la portéede l'af-
faire dont la Cour internationale deJustice estsaisieet debien distinguer
entrela réalitjuridique etlesaspectspolitiques qui,envertu dela Charte
des Nations Unies, sont du ressort d'unautre organeprincipal del'Orga-
nisation internationale: leConseil de sécurité.
2. Selonlespiècesdéposéesdanslaprésenteaffairlee,premierélément
factuel pertinent date du 14novembre 1991,date à laquelle un jury de
miseenaccusation dutribunal fédérad lepremièreinstancedu district de
Columbia a prononcé une inculpation accusant deux ressortissants
libyensd'avoir faitplaceràbord de l'appareil assurantlevol PaAm 103
un dispositifqui a exploséet a provoquéla perte de l'appareil au-dessus
de Lockerbie,en Ecosse. Le même jour, le procureur général'Ecossea

annoncéqu'il avait étéémisdes mandats d'arrestation des deux mêmes
Libyens,accusésd'être impliqué dans la destruction de l'appareil assu-
rant le vol Pan Am 103.Quatrejours plus tard, le 18novembre 1991,les
autorités libyennesont rendu publique une déclarationindiquantque les
actes d'inculpation avaient étéreçus et que, conformément aux règles
applicables,unjuge àlacoursuprêmedeLibyeavaitdéjàété nommépour
enquêtersur les accusations; cette déclaration indiquait aussi, entre
autres,quelesinstancesjudiciaires libyennesétaientprêàecoopéreravec
touteslesautoritéslégalesconcernéesau Royaume-UnietauxEtats-Unis.
3. Le 27 novembre 1991, les Gouvernements des Etats-Unis et du
Royaume-Uni ont publiéune déclaration communeadresséeau Gouver-
nement libyen dans laquelle ils demandaient, entre autres, que les deux
individus accusés d'être responsablese l'incident de Lockerbie soient
livréspour êtrejugés.Le lendemain, le 28novembre 1991,le Gouverne-

ment libyen a publié un communiqué dans lequel il était dit que la
demande présentée par lesEtats-Unis etleRoyaume-Uniferait l'objet,de
la part des autorités libyennes compétentes,d'une enquêtequi serait
menéeavectout lesérieuxvouluetdemanière àrespecterlesprincipes de
lalégalitinternationale,ycompris, d'une part, lesdroits souverains dela
Libyeet,d'autre part, la nécessdeveillerà cequejustice soitfaite, tant
pour lesaccusésquepour lesvictimes.Dans l'intervalle,lejuge d'instruc-
tionlibyenapris desmesures pourdemander l'assistancedesautoritésdu
Royaume-Unietdes Bats-Unis, enoffrant deserendre dans cespaysafin
deprendre connaissance des élémentsde preuve et de coopérer avecses
homologuesaméricain etbritannique. CONVENTION DE MONTRÉALDE 1971(OP. DISS.EL-KOSHERI) 200

4. Ces offresayant été rejetéesexplicitementet publiquement (débats
parlementaires) ou bien ayant étignoréeset étantrestéessans réponse,
deux lettres identiques ont été adresséee 17janvier 1992au secrétaire
d'Etat des Etats-Unis d'Amériqueet au secrétaired'Etat aux affaires
étrangèresdu Royaume-Uni. Dans ces lettres, le secrétairedu comité
populaire pour les relations extérieureset la coopération internationale
appelait l'attention de seshomologues sur lefait quetant la Libyeque les
Etats-UnisetleRoyaume-Uniétaientparties àlaconvention de 1971pour
la répressiond'actesillicitesdirigéscontrela sécuride l'aviationcivile,

communémentappeléeconventionde Montréal. Il indiquait ensuiteque,
dèsque les accusations avaient été portées contrles deux intéressésl,a
Libye avait exercésa juridiction à leur égard conformémentau droit
nationallibyenet àl'article5,paragraphe 2,delaconvention deMontréal.
Pour cela,certaines mesures avaient étéprisesafin d'assurerla présence
des accusésen Libye, une enquête préliminairesur l'affaire avait été
ouverte et les Etats visés l'article 5, paragraphe 1, de la convention
avaientétéinformésquelessuspectsétaientgardés àvue.Ceslettresajou-
taient que l'article5, paragraphe 3, de la convention de Montréal
n'excluait aucunement l'exerciced'une action pénale conformémentau
droitnational etque,lesauteursprésumés del'infractionétantprésentsen
territoire libyen,la Libyeavait,conformémentà l'article5,paragraphe 2,
de la convention, pris les mesures nécessairespour établir sapropre

compétence à leur égard conformémentà l'article 1, paragraphe 1,
alinéasa),b)et c),eà l'article 1,paragraphe 2. Rappelant qu'aux termes
de l'article 7'Etatcontractant sur le territoire duquel l'auteur présumé
d'une infraction est découvert, s'il n'extrade pas ce dernier, soumet
l'affaire ses propres autoritéscompétentespour l'exercicede l'action
pénale,lesdeuxlettresindiquaient quela Libyeavaitdéjàsoumisl'affaire
à ses autorités judiciaires et qu'unjuge d'instruction avait nommé.
Enfin, ces lettres relevaient que la coopération des autorités judiciaires
des Etats-Unis et du Royaume-Uni avait étédemandée, maisqu'il n'y
avait pas eu de réponse officielle ces demandes. Au lieu de cela, le
Royaume-Uni et les Etats-Unis avaient menacé la Libye, sans exclure
l'usagede la forcearmée.
5. Dans ces circonstances, et tenant compte des dispositions de l'ar-
ticle33,paragraphe 1,de la Charte des Nations Unies,la Libyea deman-

déaux Etats-Unis et au Royaume-Uni, par seslettres du 17janvier 1992,
de donner leur accord pour que le différend soit soumisà un arbitrage
conformément à l'article 14,paragraphe 1,de la convention de Montréal,
et de se réunir avecle représentantde la Libyele plus tôt possible pour
élaborerlesdétailsd'un telarbitrage(latraductiondu texteoriginal arabe
de ces lettres figure dans le document/23441 du Conseil de sécurité,
comme annexe à la lettre du 18janvier 1992par laquelle le représentant
permanent de la Libyea demandéau Présidentdu Conseil de sécuritéde
faire distribuer lesdites lettres en corrélation avec les demandes de la
Libyetendant àl'applicationdel'article 14delaconvention deMontréal).
6. Cette récapitulation factuellede la correspondance échangée entre CONVENTION DE MONTRÉALDE 1971(OP. DISS.EL-KOSHERI) 201

le 14 novembre 1991et le 18janvier 1992démontre indubitablement
qu'avant l'adoptionde la résolution731 (1992)du Conseil de sécurité la
Libyeavaitnon seulementinvoqué lanécessité de faire arbitrer un diffé-
rend relatif à l'application et à l'interprétation de la convention de
Montréal conformément à l'article 14,paragraphe 1, de celle-ci, mais
avait aussi informé leConseil de sécuritéde l'existencede ce différend
conformément à l'article33,paragraphe 1(du chapitre VI),de la Charte
auxtermes duquel :

«Les parties à tout différenddont la prolongation est susceptible
de menacer le maintien de la paix et de la sécurité internationales
doiventenrechercherlasolution,avanttout, par voiedenégociation,
d'enquête,de médiation,de conciliation, d'arbitrage, de règlement
judiciaire, de recours aux organismesou accords régionaux, ou par
d'autresmoyenspacifiques de leur choix. »

7. Le différend mentionnédans les deux lettres du 17janvier 1992est
exactement celuiqui estmaintenant devantla Cour,laquelle,envertu de
l'article92delaCharte desNations Unies,est((l'organejudiciaire princi-
pal des Nations Unies » et exerce ainsi une fonction fondamentalement
différente,par sanatureetdansson moded'action,decellequel'article24
de la Charte confèreau Conseil de sécurité. Essentiellementc,elui-ci est
chargéde «la responsabilité principale du maintien de la paix et de la
sécuritéinternationales»(art. 24,par. 1)età cet égardil «agitconformé-

mentauxbuts etprincipes desNations Unies »(art.24,par. 2,quifaitainsi
nécessairementréférenca eu chapitre1,intitulé«Butsetprincipes »,art. 1
et 2).
8. Parconséquent,une distinctionfondamentale doit êtrefaiteentrele
((différend»de caractèrejuridique invoquépar la Libyeet porté parelle
devant la Cour en la présente instance, introduitele 3 mars 1992,et les
problèmespolitiquesliésaux actes de terrorisme soutenus par des Etats,
communément appelés((terrorisme d'Etat» (pour préciserle sens de
l'expression ((terrorismed'Etat», M. Gilbert Guillaume a très bien dit
que cela signifieen général:«la violence organiséepar 1'Etatlui-même,
selonsespropres normes de droit,en vuedefairerégnerlaterreur surson
territoire)) (Recueil des cours de lAcadémiede droit international de
La Haye, t. 215(1989-III),p. 297),en marquant une distinction entre ce
type d'activité illiciteetle soutien apportépar les Etats aux activités
terroristes(ibid.,p. 299)).L'action visanà éliminertouteslesformes de

terrorisme, qu'ellessoient le fait de particuliers ou de groupes, ou qu'il
s'agissedeterrorisme d'Etatoudeterrorismesoutenu par desEtats,relève
nécessairement des fonctions et des pouvoirs du Conseil de sécurité.
Ainsi,lesrésolutionsdu Conseil de sécurité731 (1992)du 21janvier 1992
et 748 (1992)adoptéele 31mars 1992visaientprincipalement à enquêter
surl'implicationpossibledela Libyedans lesoutiend'activitésterroristes
telles que celles qui avaient conduià la destruction de l'appareil de la
Pan Am au-dessus de 1'Ecosseen 1988et de celuide I'UTAau-dessus du
Niger en 1989. 9. Manifestement,l'instance introduite par la Libyeauprèsdu Greffe
de la Cour le 3 mars 1992a trait à des ((questions d'interprétation et
d'application de la convention de Montréalde 1971», à des questions
juridiques enrapport avecl'incident aériende Lockerbie,et c'estla seule
question portée devant la Cour, puisque les deux Etats défendeurs
(les Etats-Unis d'Amérique et le Royaume-Uni)n'ont pas présentéde
demandes reconventionnelles en rapport avec les allégations selonles-
quelles le Gouvernement libyen aurait donnédes instructions aux deux
suspectsou lesaurait aidésetavecla responsabilité d'Etat qui en résulte-

rait. Le simplefait que les deux suspectssont fonctionnaires en Libyene
faitpasd'eux automatiquement des «organes»ou des «agents »dont les
actes engageraient ipsfoacto la responsabilitéinternationaledu Gouver-
nement libyen.Pourétablirune telleresponsabilitéd'unpoint devuejuri-
dique, il faut apporter despreuvessuffisantes:
premièrement:que les deux suspects étaient vraimentles auteurs de cet

horrible massacre; et,
deuxièmement:qu'ilsont commisleur crimesur lesordres de leurs supé-
rieurs dans la hiérarchiede l'Etat,ou du moins au su de cespersonnes
et avecleur acquiescement.
Alors seulement l'activitécriminelle en question pourrait être imputée
juridiquement au Gouvernement libyen et la responsabilitéde cet Etat

pourrait être établie. Autrement dit, à moins que les deux conditions
fondamentales indiquées ci-dessusne soient remplies, l'implication du
Gouvernement libyen demeure une allégation sans effetjuridique, et il
peut toujours exister un certain doute au sujet soit de la culpabilité des
deux suspects,soit del'implicationdu Gouvernementlibyen(puisque les
personnes suspectéespourraient, quelsque soient leurs motifs, avoir agi
de leur propre initiative).

10. Comptetenu des prémissesjuridiques fondamentalesrappeléesci-
dessus, il convient d'analyser soigneusement l'effet des résolutions73l
(1992)et 748 (1992)du Conseil de sécurité sur la présente instance.
11. Encequiconcernelarésolution731,adoptéele21janvier 1992,son

libelléet le débatqui a eu lieu lors de son adoption (voir le document
UPV.3033) montrent qu'elle constitue, en vertu du chapitre VII, une
«recommandation» au titre de l'article 39 de la Charte, c'est-à-dire
qu'elleserapporte au maintien delapaix etdelasécuritéinternationales.
12. Letextede larésolutionelle-même e,tlesinterventions deceuxqui
ont participéau débat, reflètent clairementune préoccupation unanime,
générale etprofonde devant «la persistance,dans lemonde entier,d'actes
deterrorismeinternational soustoutes sesformes »,notamment «les agis-
sements illicitesdirigéscontre l'aviationcivileinternationale,ainsi que
la déterminationdu Conseildesécurité d'aéliminerleterrorismeinterna-
tional». S'agissant plus particulièrement des attentats contre les volsPan Am 103et UTA 772,le Conseilse déclare profondément préoccupé
«par ce qui résulte des enquêtes impliquant des fonctionnairesdu
Gouvernement libyen », et aprèsavoir déplorévivement «le fait que le
Gouvernement n'aitpas répondueffectivement àcejour aux demandes
ci-dessus[dela France, du Royaume-Uni et des Etats-Unis d'Amérique]
de coopérerpleinementpour l'établissement desresponsabilités dans les
actesterroristes»en question,le Conseil,dans un paragraphe décisif:

((3. Demande instammentaux autorités libyennes d'apporter
immédiatementune réponse complète eteffective à ces demandes
afin de contribuer àl'éliminationdu terrorisme international. »

13. Enagissantainsi,leConseildesécuritécondamnepolitiquementle
Gouvernementlibyen de deux manières :

i) en faisant siennes les demandes des trois grandes puissances, qui
comprenaient, pour deux d'entre elles, l'exigence que les deux
suspectslibyenssoient livrés;
ii) en considérant qu'une réponse complète et effectiveàces demandes
contribuerait àl'éliminationdu terrorisme international et conduirait
ainsiaurétablissementdelapaix etdelasécuritéinternationales.

14. En mêmetemps, le Conseil de sécurité n'a accordéaucune atten-
tion a la proposition de la Libye relativeau règlementpacifique, dans le
cadredu chapitre VI,du différenddéjàexistana tu sujetdel'application et
de l'interprétationde la convention de Montréal,dont le Présidentdu
Conseil de sécuritéavait,commeonl'a vu,étéinformé le 18janvier 1992.
Lereprésentantdela Libyeaexposédenouveau laposition de sonpays a
cet égardau cours de la séance que le Conseilde sécurité a tenue le
21janvier. Il a déclarce qui suit:

«Je répètequel'enquête menéeenLibyen'amalheureusementpas
progresséfautedecoopérationdelapart desautresparties et a cause
de leur refus de nous communiquerlesdossiers de leur enquête.En
termespratiques, celane peut signifier que deux choses: soitqu'au-
cune enquêten'a été réellement menée, soit, comme nouls 'avons
signalé,qu'ilestflagrant que l'enquête étaitinsatisfaisante.
Je voudrais déclarer,un fois de plus, qu'il s'agitla d'un différend
de nature purement juridique qui devraitamenerle Conseil de sécu-

ritéàrecommander qu'il soit réglé par les diversesvoiesjuridiques
disponibles, non seulement dans le cadre de la Charte des Nations
Unies,maisaussi dans celuidesdispositions de conventionsinterna-
tionales plus pertinentes, telles que la convention de Montréalde
1971quej'aiévoquéeprécédemment.Surlabas deecetteconvention
et,enparticulier, deson article 14,etafin de réglerla questionsoule-
véerelative au conflit de compétence,mon pays apris des mesures
concrètesetpratiques et a demandé,dans des communicationsoffi-
cielles adressées aussi bien aux Etats-Unis d'Amérique qu'au
Royaume-Uni, de soumettrele différend a l'arbitrage. Aujourd'hui, CONVENTION DE MONTRÉALDE 1971(OP.DISS.EL-KOSHERI) 204

devant le Conseil, mon pays demande que ces deux pays soient
invitésà ouvrir sans tarder des négociations avecla Libye sur la
procédure à suivreenvuedel'arbitrageetdelaconstitution d'unjury
d'arbitrage. Pour permettre un règlementrapide du différend, nous
estimonsqu'une date limiteproche et définitivedoit être fixéeour
ces procédures, après quoi,si aucun accord n'intervient quant à
l'arbitrage,laquestionpourrait êtrrenvoyéedevantla Cour interna-

tionale de Justice.
Mon pays est disposé à conclure immédiatement, avectoutes les
parties intéressées,n accord de circonstancevisantàsaisirla Cour
internationale de Justice dès l'expiration du court délai fixépour
conclure un accord envuede l'arbitrage,ou àn'importe quelleautre
date proche et appropriée,si lespaysintéressésacceptent d'aller au-
delà dustadede l'arbitrageetdesdélibérationsd'un jury d'arbitrage.

Ceci étant, comment peut-on considérerce différendcomme un
différend politique? Nous ne pensons pas qu'il lesoit, puisque la
Charte indique également,dansson chapitre VI,lesmoyensconcrets

de parvenirà un règlementpacifique desdifférends.LeConseils'est
inspiréde ces méthodes précédemmentL .a question ne devrait pas
êtreréglée autrement qu'à la lumière des considérations énoncées
dans laCharte. LaLibyen'ajamaismenacéun quelconque pays. Elle
ne peut se comporter de manière à compromettre la paix et la sécu-
rité.En réalité,c'est la Libye qui est menacéepar des superpuis-
sances,tout comme ellea faitl'objet d'une agressionarmée en1986.
La Libye continue d'être assujettie un boycottage économique, à
descampagnes dedésinformationet à despressionspsychologiques.
Je dirai pour terminer que la légalitédestravauxde ce Conseil est
fonction de son respect des dispositions de la Charte de I'Organisa-
tion etdel'application appropriéede cesdispositions. Il estinconce-

vabledemettreceprincipe enapplication silesparties àcedifférend
participent auvotesur ceprojet derésolution. Ignorerla naturejuri-
dique di1conflit et letraiter comme une affaire politique constitue-
raient une violation fragrante des dispositions explicites du para-
graphe 3 de l'article27de la Charte.
Le Conseil est en présencede deux choix: il peut respecter la
Charte et se conformer aux principes moraux et au droit internatio-
nal,ou ilpeut seplier aux exigencesinjustesdesEtats-Unisd'Améri-
que et du Royaume-Uni qui cherchent à utiliser le Conseil pour
couvrirune agressionmilitaire etéconomiquecontreun petitpaysen
lutte pour se libérer de son retard économique. Nous sommes

persuadésque les membres du Conseil et, en fait, tous les Membres
de l'organisation des Nations Unies défendront les principes
énoncés dans laCharte et le droit international et respecteront les
principes dejustice et d'équique mon pays demande de respecter
etd'appliquer.»(Procès-verbalprovisoiredelaséancedu Conseilde
sécuritétenue le21janvier 1992,doc. WPV.3033,p. 22-25.) 15. Le fait que le Conseil de sécurité se soit abstenude traiter les
aspects juridiques du problème avant l'adoption de la résolution731

(1992)pourrait avoir diversesexplications,ycompris ledésir d'exclure le
recours àl'article 27,paragraphe 3, de la Charte, qui aurait empêchéles
Etats-Unisd'Amérique etleRoyaume-Uni departiciper au vote,puisque
«dans les décisionsprises aux termesdu chapitre VI ..une partie à un
différend s'abstientde voter», ou simplement le souci de rester sur le
terrain politique sans aborder les questionsjuridiques soulevéespar la
Libye, puisque celles-cirelevaient logiquement de la compétencede la
Cour internationale de Justice.
16. Quelles qu'aient pu être les raisons,il est clair que la question de
l'applicationetdel'interprétationdelaconvention de Montréal aétélais-
séehors du champ d'application de la résolution73 1(1992).Par consé-
quent, lorsque la Libye s'esttrouvée en faced'une attitude continuelle-
mentnégativebloquant laperspective denégociationsaveclesEtats-Unis
d'AmériqueetleRoyaume-Uni,etenvuesoitd'unrèglementamiablesoit
de la conclusion d'un accord d'arbitrage, commecelaest prévupar l'ar-
ticle 14,paragraphe 1,de la convention de Montréal,elle n'avaitd'autre

choixque de s'adresser a la Cour internationale de Justice en application
de cettemêmedisposition.Cefaisant, le Gouvernementlibyena réguliè-
rement exercéun droit et ne saurait être blâmé d'avoir agd ie cette
manière.Il est depuis longtemps établi quele recoursunilatéralà lajuri-
diction de la Cour ne doitjamais être considérécommuen acteinamical,
comme en témoignela déclaration faitepar l'Institut de droit internatio-
nal en 1959selonlaquelle «le recoursà la Cour internationale deJustice
ou à uneautre instancejudiciaire ou arbitralene saurait enaucun casêtre
considéré commeun acte peu amical vis-à-vis de l'Etat défendeur»
(Annuairede l'Institutde droit international, ol. 48-11,1959,p. 359) ou
encoreleparagraphe 6delarésolution3232(XXIX)del'Assemblée géné-
rale desNations Unies en datedu 12novembre 1974,auxtermes duquel :
«lerecoursàun règlementjudiciaire desdifférendsjuridiques, particuliè-
rement le renvoi à la Cour internationale de Justice, ne devrait pas être
considéré commeun acte d'inimitié entre Etats D.

17. Il est d'ailleurs arrivé maintesfois que les aspectsjuridiques d'un
différend aientété soumis à la Cour internationale de Justice avec une
demande en indication de mesures conservatoiresmalgré le fait que les
organes politiques des Nations Unies étaientsaisis d'autres aspects du
mêmedifférend(Anglo-Iranian OilCo. (Royaume-Unic. Iran),mesures
conservatoires,C.I.J.Recueil 1951, p. 89-98; Personneldiplomatiqueet
consulairedes Etats-Unis à Téhéran (Etats-Unis d'Amérique c. Iran),
mesuresconservatoires,C.I.J.Recueil 1979,p. 7-21;Activités militairest
paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci(Nicaragua c. Etats-Unis
d'Amérique),mesures conservatoires, C.I.J.Recueil 1984, p. 169-207;
Plateau continentalde la merEgée (Grècc e. Turquie),mesuresconserva-
toires,C.I.J.Recueil1976,p. 3-40).
18. C'est cette coexistenceparallèle qui avait permis M. Petrénde
souligner: «La distribution naturelle des rôles entre l'organe judiciaire CONVENTION DE MONTRÉALDE 1971(OP. DISS.EL-KOSHERI) 206

principal et lesorganespolitiques des Nations Unies..»(Opinionindivi-
duelle jointeà l'avisconsultatif du 12juin 1971concernant les Consé-
quencesjuridiquespourlesEtatsdelaprésence continuede I2friqueduSud
en Namibie (Sud-Ouest africain)nonobstantla résolution 276 (1970)du
Conseilde sécuritéC,.I.J.Recueil971,p. 127.)Aucun chevauchement ne
saurait normalement êtreenvisagé,tant que le critère de démarcation
fondamental demeure celui qui a étéexplicitementénoncépar la Cour
dans le même avis consultatif:

«la Cour, organe judiciaire principal des Nations Unies ...ne se
prononce que sur la base du droit, indépendamment de toute
influence ou de toute intervention de la part de quiconque...Une
cour, remplissant une fonction de cour de justice, ne saurait agir
d'une autre manière.»(Ibid.,p. 23,par. 29.)
19. Cependant, l'apparition sur la scènede la nouvelle résolutiondu
Conseil de sécurité,la résolution48(1992),le31mars 1992,troisjours à

peine après la clôture des audiences sur la demande en indication de
mesures conservatoires présentéepar la Libye, est sans précédent et
soulèveun problème important quant à ses incidences sur la présente
instance.
20. Dans sarésolution748 (1992),leConseilanon seulementréaffirmé
sa résolution731 (1992)du 12janvier 1992,mais a ajouté, entre autres,
que :
«le défautde lapart du Gouvernementlibyen de démontrer,par des
actes concrets, sa renonciation au terrorisme et, en particulier, son
manquement continu à répondre demanière complèteet effective

auxrequêtescontenuesdans larésolution731(1992)constituent une
menace pour la paix etla sécuritéinternationales.
21. Agissantenvertu du chapitre VI1de la Charte, le Conseil de sécu-
rité a décidéque: «le Gouvernement libyen doit désormais appliquer
sans le moindre délaileparagraphe 3 de la résolution731(1992)concer-
nant les demandes contenues dans les documents S/23306, S/23308 et
923309 »,faute de quoi les sanctions prévuesaux paragraphes 4,5 et 6
prendraient effet le 15avril 1992.
22. Larésolution748(1992)du 31mars 1992entre évidemmentdans la
catégorie des décisionsqui relèventdu chapitre VII, lesquelles ont, en

règlegénéraleu ,n caractèreobligatoire,encesensque lefait de nepas s'y
conformer est considéré commeune menace pour la paix et créede
nouvellesobligations pour toutes lesparties concernées.
23. Il faut observer néanmoins que des auteurs qui font autorité
soutiennent que les Membres des Nations Unies ne sont pas ((obligés»
d'appliquer toutes lesdécisionsdu Conseil de sécurité. ans son analyse
de l'article25de la Charte, Hans Kelsen a écritceci
«Il semblerait toutefois que l'article 25 ne signifie pas que les
Membres soient obligésd'appliquer toutes les décisionsdu Conseil
de sécurité puisque,aux termes de cet article, ils conviennent CONVENTION DE MONTRÉALDE 1971(OP. DISS.EL-KOSHERI) 207

d'accepter et d'appliquer les décisions du Conseil de sécurité
((conformément àlaprésenteCharte.»(Hans Kelsen, TheLawofthe
UnitedNations - A CriticalAnalysisof Its Fundamental Problems,
Londres, 1950,p. 95.)

Le sens de l'article 25est que les Membres sont obligésd'appli-
querlesdécisionsqueleConseildesécuritéaprises conformément à
la Charte. »(Ibid.)
«Le terme «décision» peut être interprété comme signifian t..
seulement les décisions qui, selon les dispositionsde la Charte en

vertu desquelles elles sont adoptées, sont obligatoires pour les
Membres. »(Ibid., p.293.)
24. La jurisprudence de la Cour et les opinions expriméespar un
certain nombre dejuges viennent étayer cetteconception.On serappelle
qu'à propos de l'avisconsultatif précité relatàfla Namibie les Gouver-
nements de l'Afrique du Sud et de la France avaient objectéque tant
l'Assembléegénérale que le Conseil de sécuritéavaienc tommisun excès
depouvoir enagissantultraviresdansl'affairedela Namibie. A cetégard,
la Cour a dit que:

((11est évidentque la Cour n'a pas de pouvoirs de contrôlejudi-
ciaire ni d'appel en ce qui concerne les décisions prises par les
organes des Nations Unies dont il s'agit...Cependant, dans i'exer-
cicedesafonctionjudiciaire etpuisque desobjectionsontétéformu-
lées,la Cour examinera ces objections dans son exposé desmotifs,
avant de seprononcer sur les conséquencesjuridiques découlantde
cesrésolutions.»(C.Z.J.Recueil1971,p. 45,par. 89.)

25. En effet, la Cour a exercédans cette affaire l'importante fonction
qui consiste à s'assurer que la résolution en question avait été prise
conformémentauxrèglesde la Charte et, ayant procédé à cettevérifica-
tion, ellea déclarque :

((Pour examinerl'acte ainsi accomplipar l'Assembléegénéralei,l
convient detenir comptedesprincipes générauxde droit internatio-
nal..»(Ibid.,p. 46,par. 94.)
«La Cour en conclut que les décisions prisespar le Conseil de
sécurité aux paragraphes 2et 5 de la résolution276(1970),rappro-
chéesdu paragraphe 3de larésolution264 (1969)etdu paragraphe 5
de la résolution269(1969),ont été adoptéesconformémentauxbuts
etprincipes delaCharte et àsesarticles24et25.Ellessontpar consé-
quent obligatoires pour tous les Etats Membres des Nations Unies,

qui sont ainsitenus de lesaccepter etde lesappliquer.))(Ibid., p.53,
par. 115.)
26. En entreprenant ce genre d'examen juridique pour S'assurerde la
conformité des décisionsdu Conseil de sécurité oude certains de leurs
élémentsn ,on seulementavec les règlesconsacréesdans les dispositions
delaCharte maisaussiavec lesbuts etprincipes delaCharte »,laCour alaisséentendre qu'ilétaittout àfait concevablequ'elle puisse parvenir à
une décisionnégative si elledécelaitune quelconque violation de la
Charte ou un écartpar rapport auxbuts etprincipes de ladite Charte.
27. En outre, faisant allusionà la résolution171(II) de l'Assemblée
générale en date du 14novembre 1947,dans laquelle l'Assembléeavait
recommandélerenvoi àlaCour despoints dedroit «relatifs à l'interpréta-
tion de la Charte »,M. Gros a déclaré dans son opinion dissidente qu'«il
eût semblé particulièrement opportun d'exercer sans ambiguïté le
pouvoir de la Cour d'interpréter laCharte ..»(C.I.J. Recueil1971,p. 332,

par. 19);etque:

«Ce n'étaitpas l'habitude de la Cour de tenir pour acquise les
prémissesd'une situationjuridiquedont on luidemandaitde direles
conséquences ..Comment,eneffet,unjuge peut-ildéduireune obli-
gation d'une situation quelconque sans avoir d'abord éclaircila
question de la légalité des originesde cette situation?)) (Ibid.,
p. 331-332,par. 18.)

28. L'examen des opinions expriméesdans cette affaire par d'autres
juges montre quebeaucoup d'entre euxont tenu à marquer leur profond
attachement au droit de s'assurer que la Cour exerce sa fonction de
gardienne de la légalitédans l'ensembledu systèmedes Nations Unies.
29. Dans son opinion individuelle, M. Ammouna soulignéque :

«la Cour internationale de Justice se devait de remplir [sespropres
obligations]en ne fermant pas lesyeuxsur desagissementsaffectant
les principes et les droits dont la défense lui incombe (ibid.,p. 72,
par. 3).

30. M. Petrén a déclaré aussdians son opinion individuelle :

«Tantquelavaliditédesrésolutionssurlesquellessefondelaréso-
lution 276(1970)n'estpas établie,il est évidemmentimpossibleque
la Cour se prononce sur les conséquencesjuridiques de la résolu-
tion 276(1970),car il ne peut y avoir de telles conséquencesjuridi-
ques silesrésolutionsde base sont illégales..»(Ibid., p.131.)

Dans une autre opinion individuelle, M.Onyeamaa dit ceci :

«Dans l'exercicede sesfonctions,la Cour estpleinementindépen-
dante des autres organes des Nations Unies; elle n'est nullement
tenue d'émettreun arrêtou un avis qui soit ((politiquement accep-
table» ;cen'estpas là son rôle. Samission,pour reprendre lestermes
del'article38du Statut,estdeseprononcer «conformémentau droit
internationalB.
.............................

lorsque ...les décisions...intéressentune affaire dont la Cour est
dûment saisie,etlorsqu'ilestimpossiblederendreunarrêtouun avis CONVENTION DE MONTRÉALDE 1971(OP. DISS.EL-KOSHERI) 209

bien fondésansexaminerlavaliditédecesdécisions,laCournepeut
évitercet examensans abdiquer sonrôle d'organe judiciaire.

Jenevoispas qu'ilsoitcompatibleaveclafonctionjudiciaire dela

Cour d'énoncerlesconséquencesd'actesdont lavaliditéseraittenue
pour acquise, sans que la Cour se soit assuréeelle-mêmede leur
origine licite.C.I.J. Recueil1971,p. 143-144.)
31. En réponseàune question sur lepouvoir de la Cour de statuer sur
l'invalidité ou la nullitéde résolutionsde l'Assembléegénérale etdu
Conseildesécurité,ee tnseréférant àune déclarationde M.Morellidans
une affaireprécédente (C.I.J.Recueil1962,p. 223)concernant une résolu-
tionquiseraitentachéed'excèsdepouvoirévident, M. deCastroaévoqué
lejeu de deux principes :

«1. Leprincipe de la divisiondespouvoirs. - La Charte a établi
trois organesdotés chacunde pouvoirssouverains dans la sphèrede
sa compétence ...
.............................
2. Le principe de la juridicité.- La Cour comme organe juri-

dique ne peut pas collaborer àune résolution manifestementnulle,
contraire aux règles de la Charte ou aux principes du droit.»
(C.I.J. Recueil1971,p. 180.)
32. Enfin, dans sonopinion dissidente,sirGerald Fitzmauricea donné
une analyse approfondie des diversesconsidérationsen cause, que l'on
peut résumerde la manière suivante :

i) le Conseilde sécuritém, êmes'ilagitvéritablementpour préserverou
rétablir la paixet la sécurité,voit son champ d'action limitépar la
souverainetéde 1'Etatet les droits fondamentaux sans lesquelscette
souveraineténepeut s'exercer(ibid.,p.226) ;
ii) les circonstances pertinentes suffisaient pour rendre la résolu-
tion 2145nulleetsanseffet(ibid.,p.280,par.91);
iii) l'article 25 ne saurait rendre obligatoire une décision quin'est pas
prise «conformément àlaprésenteCharte »(ibid.,p. 293,par. 113);
iv) même quand ilagitenvertu du chapitre VI1delaCharte, leConseilde
sécuritén'a le pouvoir ni d'abroger ni de modifier des règlesexis-
tantes (ibid.,p.294,par. 115);

v) l'organisation desNations Unies (avectous sesorganes, ycompris le
Conseil de sécurité)est elle-même un sujet du droit international et
n'estpas moins soumise à cedroit que lesEtats Membres pris indivi-
duellement(ibid.,p.294,par. 115);
vi) un organepolitique n'apas lepouvoir de procéderaux constatations
juridiques qui doivent justifier chaque action. Seul possède ce
pouvoir un organejuridique compétentpour procéderàcesconstata-
tions, faute de quoi il peut arriver qu'une résolution doiveêtreconsi-
dérée commeprocédant d'unexcèsde pouvoir et commeétant,de ce
fait,sansvaleurjuridique (ibid,,p.299-301). CONVENTION DE MONTRÉALDE 1971(OP. DISS.EL-KOSHERI) 210

33. Alalumièredesdéclarations émanant des autoritésprécitéesi,lest
possiblede considérerque lorsqu'il aadoptéleparagraphe 1de larésolu-
tion 748 (1992)leConseildesécuritéafaitobstacle au pouvoir de la Cour
d'exercer librement la fonction judiciaire qui est la siennà l'égardde
questionssurlesquelleselleavaitentendu lesPartiesquelquesjours aupa-
ravant, etqu'en agissantainsileConseil desécuritéa commisun excèsde
pouvoir qui constitue une violation de l'article92 de la Charte, lequel a
confié àla Cour internationale deJusticela missiond'être ((l'organejudi-
ciaireprincipal des Nations Unies D.
34. Pours'acquittervalablementdesafonctionprincipale, la Cour doit
avoir toute liberté d'exercer ses pouvoirsde décision judiciaire et de
formersapropre opinion sur lespointssoumis à son examen,sans aucune

limite.
35. Comme l'abien dit M. Morelli :
«Toute limitation ..seraitinadmissibleparce qu'elle empêcherait
la Cour de remplir sa tâche d'unefaçon logiquementcorrecte ...
.............................

Mais une telle liberté ne peut être entendueque comme liberté
subordonnée, non seulementauxrèglesdu droit et de la logique par
lesquellesla Cour est liée, maisaussi au but que la Cour doit pour-
suivreet qui consistedans la solutionà donner àla question qui lui
est soumise.»(CertainesdépensesdesNations Unies(article17,para-
graphe2,dela Charte),avisconsultatifdu 20juillet1962,C.I.J. Recueil
1962,opinion individuelle, p. 217-218.)

36. Le caractèreultra viresdu paragraphe 1de la résolution748 (1992)
sembleplus graveencoresil'onconsidèrequ'un certainnombrederepré-
sentants,à la séancedu Conseil de sécuritédu 31mai 1992,ont mis en
garde ceuxquipoussaient àl'adoption hâtivedu projet àl'examencontre
leseffetsnéfastesd'untelmanque derespectpour lacrédibilité delaCour
etl'intégrité dsa fonctionjudiciaire.
37. D'après le procès-verbal provisoire, M. Jesus, du Cap-Vert, a
formulécetteobservation :

((11serait plus approprié quele Conseilprenne une décisionune
fois que laCour internationale de Justic- qui est désormaissaisie
de cettequestion - aura statué...))(Doc. WPV.3063,p. 46.)

38. Leprésidentpour lemoisd'avril,M.Mumbengegwi(Zimbabwe),a
rappeléau Conseil ce qui suit:
«La Charte stipule quelesdifférendsd'ordrejuridique devraient,

d'une manièregénérale,êtresoum piasr lespartiesa Cour interna-
tionale de Justice..
En optant pour le recours au chapitre VII, alors que l'affaire est
pendante devantla Cour internationale, leConseilde sécuritérisque
une crise institutionnelle grave. Pareille crise, qui est clairement
évitable,risque de saper non seulement le prestige, la crédibiliet CONVENTION DE MONTRÉALDE 1971(OP. DISS.EL-KOSHERI) 211

l'intégritéde l'organisation tout entière, mais la confiance de la
communautéinternationaledans lacapacitédu Conseil àaccomplir,
d'une manièrejudicieuse etobjective,sonmandat tel queprévudans
la Charte. Nous sommesconvaincus qu'ilaurait mieux valu pour la
procédure institutionnelleque le Conseil attende le résultatde la

procédure judiciaire menée à la Cour internationale de Justice.»
(Doc. S/PV.3063,p. 52.)
39. Le représentantde l'Inde, M. Gharekhan, parmi d'autres, a mis
l'accentsur cetteidée:

((l'opinionaviséede laCour internationale de Justice sur lesdimen-
sionsjuridiques desquestions enjeu nepeut que servirla cause dela
paix et du droit internationaux(ibid.,p. 57).

40. Il est clair qu'en définitiveces sages conseils s'inspiraient du
respect dû àla Charte desNations Unies,tant dans salettre quedansson
esprit; malheureusement,l'appel enfaveurdelaprimauté «du droit»n'a
pas étéécoutédans l'émotioe ntsouslespressionspolitiques du moment.
41. 11aurait mieux valu, pour éviterla situation actuelle,que certains
membresdu Conseildesécurités'inspirend tuprécédenq t ueleConseilde
la SociétédesNations a établiquand, sedéclarant horsd'étatd'accueillir
une pétition carlaCour permanente de Justiceinternationale était saisie

de l'affaire, ila diffél'examen de la questionjusqu'à la décisionde la
Cour en l'affaire desEcolesminoritaires(Shabtai Rosenne, TheLaw and
PracticeoftheInternational Court,vol. 1,Leyde, 1965,p. 83).

42. Nul doute la Cour, organejudiciaire principal des Nations Unies,
n'étaitpas elle-même la ciblede la hâte du Conseil; l'adoption de la réso-
lution 748(19921sans attendre la décisionde la Cour sur la demande en
indication de mesures conservatoires semble avoir eu plutôt pour but
d'exercer la pression la plus forte possible sur la Libye afin qu'elle
renonce à invoquer des droits souverains en vertu de l'article 1,para-
graphe 2, de l'article 2, paragraphe 7, et de l'article 55de la Charte. Or,
l'Organisationtout entièreest fondée surle principe de l'égalité souve-

raine de tous ses Membres, et l'exercicede la compétencenationale dans
des domaines tels que l'extradition impose à tous les autres Etats, ainsi
qu'aux organespolitiques del'organisation des Nations Unies, l'obliga-
tion de respecter de tels droits naturels,moins que la Cour ne décide
qu'un tel exercice est contraire au droit international, coutumier ou
conventionnel.
43. Il importe de se souvenir, à cet égard, de ce qu'a déclaré
Max Huber, ancien Présidentde la Cour permanente de Justice interna-
tionale, alors qu'ilétait arbitre unique en l'affairedeedePalmas :

«La souverainetédans lesrelations entre Etats signifiel'indépen-
dance.L'indépendance relativement à unepartie du globeestledroit
d'yexercer,à l'exclusiondetout autre Etat, lesfonctionsétatiques))
(Myres McDougal et Michael Reisman, International Law in ContemporaryPerspective;the Public Order of World Community:
Casesand Materials, Mineola, New York, Foundation Press, 1981.)

44. Al'appui de cemêmeconceptfondamentalde la souverainetéque
protège la Charte des Nations Unies, les tribunaux des Etats-Unis ont
jugé cequi suit:

«Le droit d'une puissance étrangèrede réclamer l'extradition
d'une personne accuséed'un crime et l'obligation corrélativede
livrer l'intéresn'existent que quand un traitéles a établiset, aux
Etats-Unis,enl'absence d'unedisposition législativeou convention-
nelleà cet effet,aucune branche du gouvernement n'a lepouvoir de
livrer un délinquanten fuiteà un gouvernement étranger.» (Ramos

v. Diaz, 179F.Sup.459(S.D. Fla. 1959),reproduit par McDougal et
Reisman, op. cit.,p. 1498.)

45. De plus, dans l'affaire du Droitd'asile,la Cour a déclaré aveune
grande insistance:«Une décisionrelative à l'extradition implique seule-
ment l'exercicenormal de la souveraineté territoriale. » (C.I.J. Recueil
1950,p. 274.)
46. Il serait difficile de croire qu'en droit international contemporain
les droits d'un fugitif étranger soient mieux protégésque ceux d'un
citoyen accusé, ouque ce qui constitue un acte licite du Gouvernement
des Etats-Unisdevienne un acte illicitequand il s'agitdu Gouvernement
libyen, à moins que nous ne soyons censésvivre dans La ferme des
animauxd'Orwell,où certains animaux sont plus égauxque d'autres.
47. Pourtoutes lesraisonsindiquéesci-dessus,je suis d'avis, avectout
le respect voulu, que l'on nedoit attribuer au paragraphe 1 de la résolu-
tion 748(1992)du Conseil de sécurité aucun effetjuridique surla compé-
tence de la Cour, mêmeprima facie, et que la demande libyenne en

indication de mesures conservatoires doit donc être appréciée selolnes
modalités habituelles, tellesqu'elles sereflètent dans la jurisprudence
établiede la Cour.

48. Sans entrer dans une analyse détailléede tous les précédents
concernant l'octroi ou lerefus de mesures conservatoires et des circons-
tancespertinentes qui ontincitélaCour àagird'une manièreoudel'autre,
il semblesuffire,dans leprésent contexte,de mentionner essentiellement
lesrèglesappliquéesdans lesaffaireslesplusrécentesquiont donnélieu à
l'examend'une demandeen indication de mesures conservatoires.
49. Sur la base de l'article 41 du Statut, la Cour peut exercer son
pouvoir indépendantd'indiquer desmesuresconservatoiressielle estime
établi que«les dispositionsinvoquéespar le demandeur semblentprima CONVENTION DE MONTRÉAL DE 1971(OP. DISS.EL-KOSHERI) 213

facie constituer une base sur laquelle la compétencede la Cour [sur le
fond]pourrait êtrefondée»(Passagepar leGrand-Belt,mesuresconserva-
toires,ordonnancedu 29juillet 1991,C.I.J.Recueil1991,p. 15,par. 14).
50. Conformément à ladite règleétablie,je suispersuadéquelesdispo-
sitions de l'article 14,paragraphe 1,de la convention de Montréal invo-
quéespar le demandeur semblent prima facie constituer une base sur

laquelle la compétencede la Cour pourrait être fondée. Ici, la basede
compétenceest manifestement plus solide qu'en l'affaire de 1'Anglo-
ZranianOil Co.qui a abouti àl'ordonnance du 5juillet 1951indiquant
des mesures conservatoires (C.Z.J.Recueil1951,p. 93-94),sans apporter
une justification aussi directe qu'en l'affaire relative aunneldiplo-
matique etconsulairedes Etats-Unis à Téhéran à,propos de laquelle la
Cour a adoptél'ordonnance du 15décembre1979 (C.Z.J.Recueil1979,
p. 14-15).
51. Quant à savoir s'ilexiste, entre le demandeur et le défendeur,un
différendconcernant «l'interprétationoul'application»delaconvention
de Montréalde 1971,je suistenu de faire cetteobservation: si l'onappli-
que le critère définil'unanimitépar la Cour dans l'avisconsultatif sur

1'Applicabilide l'obligationd'arbitrageen vertude la section21 de l'ac-
corddu 26juin 1947relatifau siègede l'Organisationdes Nations Unies
(C.Z.J.Recueil1988,p. 32,par. 49)et si l'onconsidèrel'ample divergence
d'opinions entrelesParties,telle qu'elles'estmanifestéelorsde la procé-
dure orale, on ne saurait avoir lemoindre doute qu'ilexistebien un diffé-
rend touchant la portée, l'applicabilitéet l'interprétationde diverses
dispositions de la convention de Montréal.
52. Dans la phase actuelle de la procédure, les Partiesont soulevéun
certain nombre de problèmesen ce qui concerne la réponse àdifférentes
questions,à savoir: le différend peut-il«êtreréglpar voie de négocia-
tion»,ya-t-ileu rejetd'une offrelibyennevisanàsoumettreledifférend à

l'arbitrage, et quels pourraient êtreles effetsjuridiques du délaide six
mois envisagédans le paragraphe 1 de l'article 14de la convention de
Montréal?
53. Ayant présent à l'esprit la célèbre déclaratide la Cour perma-
nente deJusticeinternationale dans l'affaire descessionsMavromma-
tis en Palestine(C.P.J.Z.sérieno2,p. 13)ainsi que l'ordonnance de la
Courdans l'affaire concernantle Personneldiplomatiqueet consulairedes
Etats-Unis àTéhéra(n C.Z.J.Recueil1979,p. 32-34,par. 52-56),et tenant
compte de toutes les circonstances pertinentes telles qu'ellesressortent
des documents soumis par les Parties, je considère commelégitimede
conclure qu'à aucun moment, soit avant d'avoir saisile Conseil de sécu-

rité, soit après l'avoirsaisi, les Etats-Unis et le Royaume-Uni n'étaient
intéressésàrégler ledifférendpar voie de négociation ou d'arbitrage.Il
n'aététenu aucun comptedesnotesde la Libyeen datedu 8janvier et du
17janvier 1992,cequi,enpratique, rendait cesdeuxmoyens derèglement
pacifique inutiles et inopérants. Dansces conditions, il n'yavait pas de
raison sérieused'attendre que soitécoulle délaide sixmois,alors qu'en
particulier, étant donnéla manière dont est libellé leparagraphe 1 de l'article14delaconventiondeMontréal(«within»dansletexteanglaiset
«dans » dans le texte franqais), il ne ressort pas clairement du contexte
que cet élémenttemporel constitueune condition obligatoireinterdisant
lerecours àla Cour avant l'expiration de cedélai.
54. Selonl'article41du Statut,lorsque laCour «estimequelescircons-
tances l'exigent»,elle a le pouvoir d'indiquer quellesmesures conserva-
toires doiventêtreprises.Lajurisprudence établiede laCour pour cequi

estdesincidencesdecemembredephrase aétéformuléerécemmed natns
lestermes suivants :
«Considérant que le pouvoir d'indiquer des mesures conserva-
toires conféréà laCour par l'article41de son Statut a pour objet de
sauvegarderledroit de chacunedesparties enattendantque laCour
rende sa décision,etprésuppose qu'un préjudice irréparabln ee doit

pas être causé aux droits en litige dans une procédure judiciaire))
(Passagepar leGrand-Belt(Finlandec.Danemark),mesures consewa-
toires,ordonnance du29juillet1991,C.Z.JR. ecueil1991,p.16,par. 16).
55. Sans entrer dans des détails qui sont actuellement inutiles étant
donnél'ordonnance rendue par la Cour,je dirai qu'au nombre desprin-
cipes sous-jacents à l'adoption de la convention de Montréal figure la
règleaut dedereautjudicare(ou autdedereautpunire,selonlecas,compte

tenu dustade ou enestl'affaire,comme l'aexpliquéM.Guillaumelorsdu
cours qu'il a donné à l'Académiede droit international de La Haye,
RCADZ,op.cit.,chap. IV,p.354-371).Larègleenquestionimpliquenéces-
sairement confirmation du principe profondément enracinédu droit
international généralselonlequel aucun Etat ne peut êtro ebligéd'extra-
der quiconque, en particulier ses propres citoyens, s'il n'existe pas un
traité prévoyantexplicitementcetteextradition. Enparticulier, lesdispo-
sitions de l'article considéréesconjointement aveccelles de l'article 8,
paragraphe 2,de la convention de Montréaldonnent à tout Etat contrac-
tant le droit de refuser l'extradition dans tous les cas non assujettis
traité d'extradition existant.Cela aétconfirmé,du fait de l'approbation
donnéepar plus de centtrente Etats contractants,comme un droit souve-
rainreconnu par ledroitinternational publicgénéralE . n conséquence,la
convention de Montréal interditde considérerun Etat ou groupe d'Etats

commeayant ledroit deforcerun autre Etat à extraderquiconque,etcela
est applicable en particulier pour ce qui est des propres citoyens de cet
autre Etat lorsque leur extradition est interdite en vertu du systèmejuri-
dique interne dudit Etat.
56. Ni les Etats-Unisni le Royaume-Uni nejouissent à cet égard d'un
droit autre que ceux dont jouissent tous les autres Etats contractants, y
comprisla Libye ils'ensuitque,sil'un oul'autre desdeuxpayssetrouve à
l'avenirdansune situation semblable,situation où une demande d'extra-
dition seraitadresséeauxautoritésdupays,la mêmerègle autdedere aut
judicaresera applicable. En d'autrestermes, aucun préjudice irréparable
ne pourrait être causé aux droits conventionnels acquis par les Parties
respectives àla présente procéduresi la règleaut dedere autjudicareestpleinement appliquée.En revanche,la Libyesubiraun préjudice irrépa-
rable si elle estforcéede livrern autre Etat sespropres citoyens,car le
droit souverain qui est reconnu à 1'Etatpar la convention de Montréal
seraitalorstotalement éclipséet anéanti.La Cour ne pourrait remédier à
aucunstadeultérieur àunetelleprivation desouverainetésubiepar l'Etat,
et cela est une preuve certaine du caractèreirréparabledu préjudice.En
un mot, dès lors qu'auralieu un transfert forcé,la présente affaire,liée
l'interprétationet à l'application de la convention de Montréal,perdra
tout son sens,car il n'yaura plus de problèmejuridiqueà trancher. Mais
cela ne seproduira pas si l'onrespectedûment le droit.
57. Pour toutes les raisons exposées ci-dessus,j'étaiset je demeure
d'avisquelescirconstancesdelaprésenteaffaireexigeaientquel'on indi-
que des mesures conservatoires, étant donné enparticulier qu'il était
extrêmement urgent que laCour agisse de manière à éviter l'entrée en
vigueur des sanctions adoptéespar le Conseil de sécuritédans certains
paragraphes delarésolution748(1992),décisionprisepar leConseildans

l'exercicedes pouvoirs détenuspar lui en vertu du chapitre VII, et par
conséquentendehorsdu cadredu problèmejuridique devantêtretranché
par la Cour.
58. Quant à savoir quelles mesures conservatoires pourraient être
considérées commeappropriées, comptetenude toutes lescirconstances
pertinentes de la présente affaire,il y a lieu de faire observerqu'en vertu
de l'article41 du Statut de la Cour la détermination des mesures indi-
quer doit respecter l'équilibre entre les droits respectifs des Parties,
puisqu'ilestquestiondans cetarticle de«mesures conservatoiresdudroit
de chacun». Dans l'exercice de ses pouvoirs, et conformément à l'ar-
ticle 75 de son Règlement,la Cour peut décider d'indiquer d'office des
mesures«totalement ou partiellement différentesde cellesqui sontsolli-
citées,ou des mesures àprendre ou àexécuterpar la Partie mêmedont
émanelademande ».
59. A cet égard,il y a lieu d'appeler spécialement l'attentionsur le
précédent intéressant qui a été étapbalri l'ordonnance rendue en janvier
1986par la Chambre de la Cour internationale de Justice qui avait été
constituéepour s'occuper de l'affaire concernant leDifférend frontalier

(Burkina Faso/République du Mali).Traitant des mesures conservatoires
à indiquer d'office, cetteChambre a déclaréce qui suit:

«18. Considérant que, indépendamment des demandes présen-
téespar les Parties en indication de mesuresconservatoires,la Cour
ou, par conséquent,la Chambre dispose en vertu de l'article 41 du
Statut du pouvoir d'indiquer des mesures conservatoires en vue
d'empêcher l'aggravation ou l'extension du différend quand elle
estimeque lescirconstancesl'exigent;
19. Considéranten particulier que ...organejudiciaire principal
des Nations Unies, en vue du règlementpacifique d'un différend,
conformément aux articles2, paragraphe 3, et 33 de la Charte des
Nations Unies ..lepouvoir etledevoir dela Chambre d'indiquer, le CONVENTION DE MONTRÉALDE 1971(OP. DIS. EL-KOSHERI) 216

cas échéant, des mesures conservatoirescontribuant à assurer la
bonne administration de la justice ne sauraient faire de doute»
(C.Z.J.Recueil1986,p. 9).
60. Selon moi, la Cour aurait dû agir dans ce sens, étant donnéla
circonstanceparticulièredelaprésenteaffaire,caractérisép ear lefait que
lesdeux Libyenssoupçonnés d'êtrleesauteurs du massacre de Lockerbie
ne sauraient bénéficier d'un procès équitabln ei aux Etats-Unis ni au

Royaume-Uni, ni non plus en Libye.
61. Malgrétoute l'admiration quej'éprouvepour le systèmejudiciaire
de la plus ancienne des démocraties contemporaines,pour le pays de la
Magna Carta (1215)et du BillofRights(1688),je doute sérieusementque
les deux suspects libyens puissent bénéficier d'un procès équitabla eu
Royaume-Uni. Comme l'a fait justement observer le professeur Mauro
Cappelletti, mêmedans le domaine desprocèscivils :
«On est tentéde penser que, mêmeen Angleterre, l'idéeque

certains droits et garanties de procédure sont considérés, et depuis
longtemps, comme essentiels pour une bonne administration de la
justice est, du point de vuejuridique, dépourvuede sens.» (Funda-
mentalGuaranteesof theParties in CivilianLitigation,publié sous la
direction de Mauro Cappelletti etDenisTallon,Milan, 1973,p.670.)
62. En ce qui concerne les affaires pénales,Pacommunautéjuridique
mondiale ne saurait.oublier aisément qu'à la foisla Commission euro-
péenneet la Cour européenne des droitsde l'hommeont conclu que les
autoritésdu Royaume-Uniavaient violél'article 3de la convention euro-
péenne desdroitsde l'hommeen infligeant à desprisonniers soupçonnés

d'avoircommisdes actes de terrorisme un traitement inhumain et dégra-
dant - car on avait provoquéchez ces prisonniers «des sentiments de
peur, d'angoisse et d'infériorité propresàles humilier, àles avilir eà
briser éventuellementleurrésistancephysiqueoumorale» - etenrecou-
rant àce que l'on aappeléles «cinq techniques »,àsavoir des méthodes
provoquant «du moins de vivessouffrancesphysiques et morales [et]de
surcroît ...des troubles psychiques aigus en cours d'interrogatoire))
(arrêtdu 18janvier 1978,dans l'affaire Irlandec.Royaume-Uni, Publica-
tionsdelaCoureuropéennd eesdroitsdel'homme,sérieA,arrêtsetdécisions,
vol.25,p. 59-94).Jene doute nullement queleGouvernement britannique
ait pris cette condamnation très au sérieux etqu'il ait fait tout ce qui lui
était possiblede faire pour mettre finàdes pratiques aussi inhumaines.
Néanmoins, comptetenu du caractère odieux des crimes imputés aux
suspects libyens, on peut comprendre qu'aux yeux de certains l'équité

puisse avoirdes limitesà l'égardde cessuspects.
63. Aux Etats-Unis d'Amérique la situation serait encore plus alar-
mante, et cela en raison de l'importance extraordinaire des grands
organesd'information etde la manièredont cesderniersrendent presque
impossibleledéroulementd'un procèséquitabledevanu tnjury d'assises,
commeentémoignentlescontroversespubliques suscitéespar cequi s'est
produitdansun certain nombre d'affaires récentes.Unetellesituationestmanifestementcontraireaux dispositionsselonlesquellestoute personne
a droit«à ce que sa cause soit entendue par un tribunal indépendant et
impartial)), qui figurentà l'article 10de la déclaration universelle des
droitsdel'homme,adoptéeen 1948parl'organisation desNations Unies ;
ettoutautant contraireauxdispositions duparagraphe 1del'article 14du
pacteinternationalrelatifauxdroits civilsetpolitiques,adoptéparl'Orga-

nisation desNations Unies en 1966,lequelinsistesur lescasou, enraison
des ((circonstancesparticulières de l'affaire, la publicité nuirait aux inté-
rêtsde lajustice».
64. Parallèlement,étant donnéque les deux suspects libyens travail-
laient outravaillentencore pour legouvernementde leurpays et queleur
procès pourrait finalement déboucher sur une affaire ultérieure de
responsabilitéinternationale des Etats dans laquellela Libyeseraitaccu-
sée,cette situation de fait constitue selon moi une raison suffisante de
douter que, si le procès avaitlieu en Libye, cela serviraitvéritablement
l'intérêt manifestàlafoispar lesEtats-Uniset par le Royaume-Uni pour
cequiestde faireen sorte qu'ilsoitéquitable.Quelsque soientlesmérites

du systèmejudiciaire libyen dans des circonstances normales, le souci
d'une solution impartiale et juste me conduit à considérer, dans le
contexte particulier de la présente affaire,que les tribunaux nationaux
libyens ne pourraient constituer un forum conveniens.Cette conclusion
découle logiquementet nécessairement des principes juridiques fonda-
mentaux,profondément enracinésdans lestraditionsjuridiques des prin-
cipaux systèmes, et en particulier du droit islamique (Weeramantry,
Islamic Jurisprudence,an InternationalPerspective,MacMillan Press,
1988,p. 76-77et p. 79-81),selon lesquelsnemodebet essejudexinpropria
sua causa.
65. Dans lecadredescirconstancesparticulières du différend entreles
Parties et de l'exercicedes pouvoirs dont dispose la Cour pour le règle-

mentpacifique desdifférends,afin d'assurerla bonne administration de
lajustice etde prévenirl'aggravationet l'extensiondu différend, laCour
aurait pu selon moiindiquer d'office des mesuresconservatoiresvisant à
ce que :
- enattendantune décisiondéfinitive delaCour, lesdeuxsuspectsdont

lesnomssontavancésdans laprésenteaffairesoientconfiés àlagarde
desautorités gouvernementalesd'un Etattiersquipourrait fournirun
forumconveniensdanslecadred'un accordmutuel.

- En outre,la Cour aurait pu indiquer que lesPartiesdevaient,chacune
encequilaconcerne,veiller àcequ'aucune mesure,quellequ'ellesoit,
ne soit prise qui puisse provoquer une aggravation ou une extension
du différendsoumis à laCour, ouquisoitdenature àfaireobstacle àla
bonne administration delajustice.

(Signé)Ahmed Sadek EL-KOSHERI.

Bilingual Content

DISSENTING OPINION OF JUDGE EL-KOSHERI

1. Toany human being,what happened overLockerbiewas a horrible
eventwhich requires that those responsiblefor it be punished andjustice
dulyrendered in conformitywiththe applicable legal rules.Withthatend
in view,the factsshouldbe clearlyestablishedin their true chronological
sequencein ordertodemonstratethenature and scopeofthe casepending
beforethe International Court ofJustice, as wellasto provide a cleardis-
tinction between the legal reality and the political aspects which are
entrusted under the UnitedNations Charter to anotherprincipal organ of
the international organization:the SecurityCouncil.
2. According to the documentsfiled in the present case,the first rele-
vant factual element occurred on 14November 1991,when a Grand Jury
of the United StatesDistrict Court for the District of Columbia handed
down an indictment charging two Libyan nationals with causing a
destructivedeviceto beplaced on board Pan Amflight 103,whichdevice
exploded and ledtothecrash at Lockerbie,Scotland.Onthe sameday,the
Lord Advocateof Scotlandannounced the issueofwarrantsforthe arrest

of the same two Libyan individuals, charging them with involvement in
the destruction of Pan Am flight 103.Four days later, on 18November
1991,the Libyan authorities issued a statementindicating that theindict-
mentdocuments had been receivedandthat, inaccordancewiththeappli-
cable rules,a LibyanSupremeCourt Justicehad alreadybeen assignedto
investigatethe charges;the statement also, interalia,assertedthe Libyan
judiciary's readinessto CO-operatewith al1legalauthorities concerned in
the United Kingdom and the United States.

3. On 27 November 1991,the Governments of the United States and
the United Kingdom issued a joint declaration to the Government of
Libyademanding, interalia,the surrender fortrial ofthe two individuals
charged withthe Lockerbieincident. Onthe followingday, 28November
1991,the LibyanGovernment issuedacommuniquéinwhichitwasstated
that the application made by the United Statesand the United Kingdom
would be investigated by the competent Libyan authorities, who would
deal withit seriouslyand in a manner that wouldrespectthe principlesof
international legality,including,onthe onehand, Libya'ssovereignrights

and,onthe other,the need to ensurejustice both for the accused and for
the victims.In the meantirne,the Libyaninvestigatingjudge tooksteps to
request the assistance of the authorities in the Unitedngdom and the
United States, offeringto travel to these countries in'order to reviewthe
evidence and to CO-operatewith his American and British counterparts. OPINION DISSIDENTE DE M. EL-KOSHERI

[Traduction]

1. Pour tout êtrehumain,cequi s'estproduit au-dessus de Lockerbiea
étéun événementhorrible. Ilfautque lesresponsablessoientpunis etque

la justice soit dûment rendue conformémentaux règlesde droit appli-
cables. Pour cela, il faut établir clairementles faits dans leur séquence
chronologiquevéritableafin de démontrer la natureet la portéede l'af-
faire dont la Cour internationale deJustice estsaisieet debien distinguer
entrela réalitjuridique etlesaspectspolitiques qui,envertu dela Charte
des Nations Unies, sont du ressort d'unautre organeprincipal del'Orga-
nisation internationale: leConseil de sécurité.
2. Selonlespiècesdéposéesdanslaprésenteaffairlee,premierélément
factuel pertinent date du 14novembre 1991,date à laquelle un jury de
miseenaccusation dutribunal fédérad lepremièreinstancedu district de
Columbia a prononcé une inculpation accusant deux ressortissants
libyensd'avoir faitplaceràbord de l'appareil assurantlevol PaAm 103
un dispositifqui a exploséet a provoquéla perte de l'appareil au-dessus
de Lockerbie,en Ecosse. Le même jour, le procureur général'Ecossea

annoncéqu'il avait étéémisdes mandats d'arrestation des deux mêmes
Libyens,accusésd'être impliqué dans la destruction de l'appareil assu-
rant le vol Pan Am 103.Quatrejours plus tard, le 18novembre 1991,les
autorités libyennesont rendu publique une déclarationindiquantque les
actes d'inculpation avaient étéreçus et que, conformément aux règles
applicables,unjuge àlacoursuprêmedeLibyeavaitdéjàété nommépour
enquêtersur les accusations; cette déclaration indiquait aussi, entre
autres,quelesinstancesjudiciaires libyennesétaientprêàecoopéreravec
touteslesautoritéslégalesconcernéesau Royaume-UnietauxEtats-Unis.
3. Le 27 novembre 1991, les Gouvernements des Etats-Unis et du
Royaume-Uni ont publiéune déclaration communeadresséeau Gouver-
nement libyen dans laquelle ils demandaient, entre autres, que les deux
individus accusés d'être responsablese l'incident de Lockerbie soient
livréspour êtrejugés.Le lendemain, le 28novembre 1991,le Gouverne-

ment libyen a publié un communiqué dans lequel il était dit que la
demande présentée par lesEtats-Unis etleRoyaume-Uniferait l'objet,de
la part des autorités libyennes compétentes,d'une enquêtequi serait
menéeavectout lesérieuxvouluetdemanière àrespecterlesprincipes de
lalégalitinternationale,ycompris, d'une part, lesdroits souverains dela
Libyeet,d'autre part, la nécessdeveillerà cequejustice soitfaite, tant
pour lesaccusésquepour lesvictimes.Dans l'intervalle,lejuge d'instruc-
tionlibyenapris desmesures pourdemander l'assistancedesautoritésdu
Royaume-Unietdes Bats-Unis, enoffrant deserendre dans cespaysafin
deprendre connaissance des élémentsde preuve et de coopérer avecses
homologuesaméricain etbritannique. 4. Since these offers were either explicitly rejected in public (parlia-
mentary debates) or ignored, remaining without response, two identical

letters were addressed on 17January 1992to the United States Secretary
of State and the British Secretary of State for Foreign Mfairs. In these
letters,the Secretaryof the People'sCommitteefor Foreign Liaison and
International Co-operation drew the attention of his counterparts to the
factthat Libya,the UnitedStates andthe United Kingdomwereal1parties
to the 1971Conventionforthe Suppression of UnlawfulActsAgainstthe
Safetyof CivilAviation, commonly known asthe Montreal Convention.
He then indicated that as soon asthe charges had been made againstthe
two accused,Libyahad exerciseditsjurisdiction overtheminaccordance
with Libyan national law and Article 5 (2) ofthe Montreal Convention.
This was done by adopting certain measures to ascertain the presencein
Libyaof the accused,by institutinga preliminaryenquiryintothe matter
and by notifying the Statesmentioned in Article 5(1)of the Convention
that the suspects were in custody. The letters went on to note that
Article 5 (3) of the Montreal Convention did not exclude any criminal
jurisdiction exercised in accordance with national law and that, the
alleged offenders beingpresentin Libyanterritory, Libyahad, in accord-
ance with Article 5 (2) ofthe Convention, taken the necessary measures
to establish its own jurisdiction over the offenders characterized in
Article 1(l), subparagraphs (a),(b)and (c)and Article 1(2).Recallingthat

Article 7 provided that the Contracting Party in whose territory the
alleged offenderisfound shall,ifitdoesnot extradite him,submitthe case
to its own competentauthorities for the purpose of prosecution,the two
lettersindicated that Libya had already submitted the caseto itsjudicial
authorities and that an examining magistrate had been appointed. The
lettersthen observedthat thejudicial authorities ofthe United States and
the United Kingdom had been requested to CO-operate in the matter, but
that there had been no officia1response to these requests. Instead, the
United Kingdom and the United States had threatened Libya while not
ruling outthe use of armed force.

5. In these circumstances,and bearing in mind the provisions of Arti-
cle33(1)of the United Nations Charter, the Libyan letters of 17January
1992calleduponthe UnitedStates andthe United Kingdomto agreeto an
arbitration ofthedisputeinaccordance withArticle 14 (1)ofthe Montreal
Conventionand to meet with the representative of Libya as soon as pos-
siblein order to elaborate the details of such an arbitration (the English
translation ofthe originalArabic text of these lettersappears in Security

Councildocument S/23441 as an Annex to the letter of 18January 1992
fromthe PermanentRepresentative of Libyatothe President ofthe Secu-
rity Council requesting circulation thereof in connection with Libya's
calls for the implementation of Article 14of the Montreal Convention).

6. The above factual survey of the correspondenceexchanged during CONVENTION DE MONTRÉALDE 1971(OP. DISS.EL-KOSHERI) 200

4. Ces offresayant été rejetéesexplicitementet publiquement (débats
parlementaires) ou bien ayant étignoréeset étantrestéessans réponse,
deux lettres identiques ont été adresséee 17janvier 1992au secrétaire
d'Etat des Etats-Unis d'Amériqueet au secrétaired'Etat aux affaires
étrangèresdu Royaume-Uni. Dans ces lettres, le secrétairedu comité
populaire pour les relations extérieureset la coopération internationale
appelait l'attention de seshomologues sur lefait quetant la Libyeque les
Etats-UnisetleRoyaume-Uniétaientparties àlaconvention de 1971pour
la répressiond'actesillicitesdirigéscontrela sécuride l'aviationcivile,

communémentappeléeconventionde Montréal. Il indiquait ensuiteque,
dèsque les accusations avaient été portées contrles deux intéressésl,a
Libye avait exercésa juridiction à leur égard conformémentau droit
nationallibyenet àl'article5,paragraphe 2,delaconvention deMontréal.
Pour cela,certaines mesures avaient étéprisesafin d'assurerla présence
des accusésen Libye, une enquête préliminairesur l'affaire avait été
ouverte et les Etats visés l'article 5, paragraphe 1, de la convention
avaientétéinformésquelessuspectsétaientgardés àvue.Ceslettresajou-
taient que l'article5, paragraphe 3, de la convention de Montréal
n'excluait aucunement l'exerciced'une action pénale conformémentau
droitnational etque,lesauteursprésumés del'infractionétantprésentsen
territoire libyen,la Libyeavait,conformémentà l'article5,paragraphe 2,
de la convention, pris les mesures nécessairespour établir sapropre

compétence à leur égard conformémentà l'article 1, paragraphe 1,
alinéasa),b)et c),eà l'article 1,paragraphe 2. Rappelant qu'aux termes
de l'article 7'Etatcontractant sur le territoire duquel l'auteur présumé
d'une infraction est découvert, s'il n'extrade pas ce dernier, soumet
l'affaire ses propres autoritéscompétentespour l'exercicede l'action
pénale,lesdeuxlettresindiquaient quela Libyeavaitdéjàsoumisl'affaire
à ses autorités judiciaires et qu'unjuge d'instruction avait nommé.
Enfin, ces lettres relevaient que la coopération des autorités judiciaires
des Etats-Unis et du Royaume-Uni avait étédemandée, maisqu'il n'y
avait pas eu de réponse officielle ces demandes. Au lieu de cela, le
Royaume-Uni et les Etats-Unis avaient menacé la Libye, sans exclure
l'usagede la forcearmée.
5. Dans ces circonstances, et tenant compte des dispositions de l'ar-
ticle33,paragraphe 1,de la Charte des Nations Unies,la Libyea deman-

déaux Etats-Unis et au Royaume-Uni, par seslettres du 17janvier 1992,
de donner leur accord pour que le différend soit soumisà un arbitrage
conformément à l'article 14,paragraphe 1,de la convention de Montréal,
et de se réunir avecle représentantde la Libyele plus tôt possible pour
élaborerlesdétailsd'un telarbitrage(latraductiondu texteoriginal arabe
de ces lettres figure dans le document/23441 du Conseil de sécurité,
comme annexe à la lettre du 18janvier 1992par laquelle le représentant
permanent de la Libyea demandéau Présidentdu Conseil de sécuritéde
faire distribuer lesdites lettres en corrélation avec les demandes de la
Libyetendant àl'applicationdel'article 14delaconvention deMontréal).
6. Cette récapitulation factuellede la correspondance échangée entrethe period between 14November 1991and 18January 1992demonstrates
beyond any doubt that prior to the adoption of SecurityCouncilresolu-
tion 731(1992),Libyahad not onlyinvokedtheneed to arbitrateadispute
relatingtothe application and interpretation ofthe Montreal Convention

in compliance with Article 14(1)thereof but also informed the Security
Council about the existence of that dispute in compliance with
Article 33 (1)ofthe Charter (in Chapter VI)which requires that :

"The parties to any dispute,the continuance of which is likelyto
endanger the maintenance of international peace and security,shall
first ofall,seekasolution bynegotiation,enquiry,mediation, concil-
iation,arbitration,judicial settlement, resort toegional agencies or
arrangements,or other peaceful means oftheir own choice."

7. The dispute referred to in the two letters of 17January 1992 is pre-
ciselytheone nowsubmittedtothe Court, which,byvirtue ofArticle92of
the United Nations Charter, is"the principaljudicial organ ofthe United
Nations" and thus exercisesafunctionfundamentallydifferentin nature
and operatingmethodsfrom that conferred uponthe SecurityCouncil by
Article24ofthe Charter. In essence,the SecurityCouncil ischargedwith
"primary responsibility for the maintenance of international peace and

security" (Art. 24,para. 1)and has in this respect to "act in accordance
withthe Purposes and Principles ofthe United Nations" (Art. 24,para. 2,
which thus necessarily refersto Chapter 1,entitled:"Purposes and Prin-
ciples", Arts. 1and 2).
8. Accordingly, a basic distinction has to be drawn between the
claimed "dispute" ofalegalcharacterwhichLibyasubmittedto the Court
inthe present proceedings, introduced on 3March 1992,andthe political
issues pertaining to State-sponsored acts of terrorism commonly known
as "State terrorism" (for the exact definition of "terrorisme d7Etat",
JudgeGilbert Guillaume justly indicated that this usually means :"lavio-
lenceorganiséepar 1'Etatlui-même,selonsespropres normesdedroit,en
vue de faire régnerla terreur sur son territoire" (Recueil des cours de
l'Académie de droit internationaldeLa Haye,Vol.215(1989-III),p. 297),
expressinghispreferencefordistinguishing that type ofunlawful activity
from the "soutien apportépar les Etats aux activitésterroristes" (ibid.,
p. 299)).The undertaking to eliminate al1forms of terrorism, whether
by private persons and groups or in the form of State terrorism and
State-sponsored terrorism, falls necessarily within the scope of the
Security Council'sfunctions and powers. Thus SecurityCouncilresolu-

tions 731(1992)of 21January 1992and 748(1992)adopted on 31March
1992,mainly addressedthe enquiryinto Libya'spossible involvement in
sponsoringterrorist activitiesuchasthose whichledtothe destruction of
the Pan Amplane overScotlandin 1988and the UTAplane overNiger in
1989. CONVENTION DE MONTRÉALDE 1971(OP. DISS.EL-KOSHERI) 201

le 14 novembre 1991et le 18janvier 1992démontre indubitablement
qu'avant l'adoptionde la résolution731 (1992)du Conseil de sécurité la
Libyeavaitnon seulementinvoqué lanécessité de faire arbitrer un diffé-
rend relatif à l'application et à l'interprétation de la convention de
Montréal conformément à l'article 14,paragraphe 1, de celle-ci, mais
avait aussi informé leConseil de sécuritéde l'existencede ce différend
conformément à l'article33,paragraphe 1(du chapitre VI),de la Charte
auxtermes duquel :

«Les parties à tout différenddont la prolongation est susceptible
de menacer le maintien de la paix et de la sécurité internationales
doiventenrechercherlasolution,avanttout, par voiedenégociation,
d'enquête,de médiation,de conciliation, d'arbitrage, de règlement
judiciaire, de recours aux organismesou accords régionaux, ou par
d'autresmoyenspacifiques de leur choix. »

7. Le différend mentionnédans les deux lettres du 17janvier 1992est
exactement celuiqui estmaintenant devantla Cour,laquelle,envertu de
l'article92delaCharte desNations Unies,est((l'organejudiciaire princi-
pal des Nations Unies » et exerce ainsi une fonction fondamentalement
différente,par sanatureetdansson moded'action,decellequel'article24
de la Charte confèreau Conseil de sécurité. Essentiellementc,elui-ci est
chargéde «la responsabilité principale du maintien de la paix et de la
sécuritéinternationales»(art. 24,par. 1)età cet égardil «agitconformé-

mentauxbuts etprincipes desNations Unies »(art.24,par. 2,quifaitainsi
nécessairementréférenca eu chapitre1,intitulé«Butsetprincipes »,art. 1
et 2).
8. Parconséquent,une distinctionfondamentale doit êtrefaiteentrele
((différend»de caractèrejuridique invoquépar la Libyeet porté parelle
devant la Cour en la présente instance, introduitele 3 mars 1992,et les
problèmespolitiquesliésaux actes de terrorisme soutenus par des Etats,
communément appelés((terrorisme d'Etat» (pour préciserle sens de
l'expression ((terrorismed'Etat», M. Gilbert Guillaume a très bien dit
que cela signifieen général:«la violence organiséepar 1'Etatlui-même,
selonsespropres normes de droit,en vuedefairerégnerlaterreur surson
territoire)) (Recueil des cours de lAcadémiede droit international de
La Haye, t. 215(1989-III),p. 297),en marquant une distinction entre ce
type d'activité illiciteetle soutien apportépar les Etats aux activités
terroristes(ibid.,p. 299)).L'action visanà éliminertouteslesformes de

terrorisme, qu'ellessoient le fait de particuliers ou de groupes, ou qu'il
s'agissedeterrorisme d'Etatoudeterrorismesoutenu par desEtats,relève
nécessairement des fonctions et des pouvoirs du Conseil de sécurité.
Ainsi,lesrésolutionsdu Conseil de sécurité731 (1992)du 21janvier 1992
et 748 (1992)adoptéele 31mars 1992visaientprincipalement à enquêter
surl'implicationpossibledela Libyedans lesoutiend'activitésterroristes
telles que celles qui avaient conduià la destruction de l'appareil de la
Pan Am au-dessus de 1'Ecosseen 1988et de celuide I'UTAau-dessus du
Niger en 1989.202 1971 MONTREALCONVENTION (DISSO.P.EL-KOSHERI)

9. Clearly, the case filed by Libya in the Registry of the Court on
3 March 1992relates to "Questions of Interpretation and Application of
the 1971 Montreal Convention", legalquestionsarising in relation to the
aerial incident at Lockerbie, and this case remains the onlymatter sub-
mitted to the Court, since the two Respondent States (the United King-
dom and the United States ofAmerica)have not introduced any counter-
claimspertaining tothe allegedinvolvementofthe LibyanGovernment in
directingorassistingthetwosuspectsand the Stateresponsibilityensuing
as a resultthereof. The mere fact that the two suspectsare civilservants
in Libya does not automatically render them "organs" or "agents" for
whose actions the Libyan Government become ipsjoure internationally
responsible.To establish such responsibility from a legal point of view,
adequate evidencemustbe provided :

First:that the two suspects were truly the authors of that horrible mas-
sacre; and,
Second: that they committedtheir crime upon orders fromtheir govern-
mental supervisors orat least with the knowledge and acquiescence of
those persons.

Only then couldthe criminal activityinquestionbe legallyattributableto
the Libyan Government, and State responsibilitybe established. In other
words, unless the two basic elements indicated above are fulfilled the
involvement of the Libyan Government remains an allegation without
legal effects, and therecan always be a certain degree of doubt about
eitherthe culpability ofthe two suspectsorthe involvementofthe Libyan
Government (as the persons concerned may, for whatever motives,have
acted on their own initiative).

10.Taking into account the above-stated basic legal premises, the
relevanceof SecurityCouncilresolutions 731(1992)and 748(1992)to the
present court proceedingsshould be carefullyanalysed.
11. Tobeginwithresolution731,adopted on 21January 1992,itsword-
ing and the discussionthat took place during the meeting at whichit was
adopted (doc.S/PV. 3033)revealthat itconstitutesaChapter VI1"recom-
mendation" under Article 39 of the Charter, i.e., one pertaining to the
maintenance of internationalpeace and security.
12. Thetext oftheresolution itself,aswellasthe interventions ofthose
whoparticipated inthe debates,clearlyindicatesunanimous,general and
deep concernatthe "worldwidepersistenceofactsofinternational terror-
ismin al1its forms", particularly "illegal activitiesdirected againstinter-
national civil aviation", and the Security Council's determination "to

eliminateinternational terrorism". Specifically,withregardtothe attacks
carried out against Pan Amflight 103and UTA flight 772,the Council 9. Manifestement,l'instance introduite par la Libyeauprèsdu Greffe
de la Cour le 3 mars 1992a trait à des ((questions d'interprétation et
d'application de la convention de Montréalde 1971», à des questions
juridiques enrapport avecl'incident aériende Lockerbie,et c'estla seule
question portée devant la Cour, puisque les deux Etats défendeurs
(les Etats-Unis d'Amérique et le Royaume-Uni)n'ont pas présentéde
demandes reconventionnelles en rapport avec les allégations selonles-
quelles le Gouvernement libyen aurait donnédes instructions aux deux
suspectsou lesaurait aidésetavecla responsabilité d'Etat qui en résulte-

rait. Le simplefait que les deux suspectssont fonctionnaires en Libyene
faitpasd'eux automatiquement des «organes»ou des «agents »dont les
actes engageraient ipsfoacto la responsabilitéinternationaledu Gouver-
nement libyen.Pourétablirune telleresponsabilitéd'unpoint devuejuri-
dique, il faut apporter despreuvessuffisantes:
premièrement:que les deux suspects étaient vraimentles auteurs de cet

horrible massacre; et,
deuxièmement:qu'ilsont commisleur crimesur lesordres de leurs supé-
rieurs dans la hiérarchiede l'Etat,ou du moins au su de cespersonnes
et avecleur acquiescement.
Alors seulement l'activitécriminelle en question pourrait être imputée
juridiquement au Gouvernement libyen et la responsabilitéde cet Etat

pourrait être établie. Autrement dit, à moins que les deux conditions
fondamentales indiquées ci-dessusne soient remplies, l'implication du
Gouvernement libyen demeure une allégation sans effetjuridique, et il
peut toujours exister un certain doute au sujet soit de la culpabilité des
deux suspects,soit del'implicationdu Gouvernementlibyen(puisque les
personnes suspectéespourraient, quelsque soient leurs motifs, avoir agi
de leur propre initiative).

10. Comptetenu des prémissesjuridiques fondamentalesrappeléesci-
dessus, il convient d'analyser soigneusement l'effet des résolutions73l
(1992)et 748 (1992)du Conseil de sécurité sur la présente instance.
11. Encequiconcernelarésolution731,adoptéele21janvier 1992,son

libelléet le débatqui a eu lieu lors de son adoption (voir le document
UPV.3033) montrent qu'elle constitue, en vertu du chapitre VII, une
«recommandation» au titre de l'article 39 de la Charte, c'est-à-dire
qu'elleserapporte au maintien delapaix etdelasécuritéinternationales.
12. Letextede larésolutionelle-même e,tlesinterventions deceuxqui
ont participéau débat, reflètent clairementune préoccupation unanime,
générale etprofonde devant «la persistance,dans lemonde entier,d'actes
deterrorismeinternational soustoutes sesformes »,notamment «les agis-
sements illicitesdirigéscontre l'aviationcivileinternationale,ainsi que
la déterminationdu Conseildesécurité d'aéliminerleterrorismeinterna-
tional». S'agissant plus particulièrement des attentats contre les volsexpressesa deep concern "over results of investigations,whichimplicate

officials of the Libyan Government", and after strongly deploring "the
fact that the Libyan Governmenthas not yet responded effectivelyto the
above requests [ofFrance,the United Kingdom and the United Statesof
America]to CO-operatefullyinestablishingresponsibilityfortheterrorist
acts" in question,the Council, in a keyparagraph :

"3. Urgesthe Libyan Government immediately to provide a full
and effective response to those requests so as to contribute to the
elimination of internationalterrorism."
13. By so acting, the Security Council politically condemned the
Libyan Government in two ways :

(i) by endorsingtherequests ofthethree big Powers,whichincludedthe
demand bytwoofthemthat thetwoLibyansuspectsbesurrendered;

(ii) by considering that a full and effective response to those requests
would contribute to the elimination of international terrorism, and

thus conducetotherestoration ofinternationalpeace and security.
14. Atthe samètime,the SecurityCounciltotallyignored Libya'splea
regardingthe pacific settlement under Chapter VI of the dispute already
existingaboutthe application and interpretation ofthe Montreal Conven-
tion, of which the President of the SecurityCouncil had, as previously
mentioned, been informed on 18 January 1992.The Libyan delegate

reiteratedhiscountry'spositioninthisrespect during the 21January meet-
ing ofthe SecurityCouncil,stating :

"1repeat that the investigation in Libyahas unfortunately not yet
made any progress owing to the lack of cooperation on the part of
otherparties andtheir refusa1totransmitthe dossiers oftheir investi-

gations. In practical terms,thisan only mean eitherthat no investi-
gation was actuallyconducted orthat, aswehave noted,the investi-
gation was grosslydeficient.
1should liketostateonce againthat thisdispute isofa purelylegal
nature, which should lead the Council to recommend its settlement
through the divers legal channels that are available,not only within
the frameworkofthe United Nations Charter but also under thepro-
visionsofmorerelevantinternationalconventions, such asthe afore-
mentioned Montreal Convention of 1971. On the basis of that
Convention, particularly its article 14, and to solve the question
raisedabouta conflictofcompetence,mycountryhas taken concrete
and practical measuresand, inofficia1communicationsaddressedto
both the United States of America and the United Kingdom, has
requested that the dispute be referred to arbitration. Today, before
the Council, mycountryrequeststhatboth those countriesbeinvitedPan Am 103et UTA 772,le Conseilse déclare profondément préoccupé
«par ce qui résulte des enquêtes impliquant des fonctionnairesdu
Gouvernement libyen », et aprèsavoir déplorévivement «le fait que le
Gouvernement n'aitpas répondueffectivement àcejour aux demandes
ci-dessus[dela France, du Royaume-Uni et des Etats-Unis d'Amérique]
de coopérerpleinementpour l'établissement desresponsabilités dans les
actesterroristes»en question,le Conseil,dans un paragraphe décisif:

((3. Demande instammentaux autorités libyennes d'apporter
immédiatementune réponse complète eteffective à ces demandes
afin de contribuer àl'éliminationdu terrorisme international. »

13. Enagissantainsi,leConseildesécuritécondamnepolitiquementle
Gouvernementlibyen de deux manières :

i) en faisant siennes les demandes des trois grandes puissances, qui
comprenaient, pour deux d'entre elles, l'exigence que les deux
suspectslibyenssoient livrés;
ii) en considérant qu'une réponse complète et effectiveàces demandes
contribuerait àl'éliminationdu terrorisme international et conduirait
ainsiaurétablissementdelapaix etdelasécuritéinternationales.

14. En mêmetemps, le Conseil de sécurité n'a accordéaucune atten-
tion a la proposition de la Libye relativeau règlementpacifique, dans le
cadredu chapitre VI,du différenddéjàexistana tu sujetdel'application et
de l'interprétationde la convention de Montréal,dont le Présidentdu
Conseil de sécuritéavait,commeonl'a vu,étéinformé le 18janvier 1992.
Lereprésentantdela Libyeaexposédenouveau laposition de sonpays a
cet égardau cours de la séance que le Conseilde sécurité a tenue le
21janvier. Il a déclarce qui suit:

«Je répètequel'enquête menéeenLibyen'amalheureusementpas
progresséfautedecoopérationdelapart desautresparties et a cause
de leur refus de nous communiquerlesdossiers de leur enquête.En
termespratiques, celane peut signifier que deux choses: soitqu'au-
cune enquêten'a été réellement menée, soit, comme nouls 'avons
signalé,qu'ilestflagrant que l'enquête étaitinsatisfaisante.
Je voudrais déclarer,un fois de plus, qu'il s'agitla d'un différend
de nature purement juridique qui devraitamenerle Conseil de sécu-

ritéàrecommander qu'il soit réglé par les diversesvoiesjuridiques
disponibles, non seulement dans le cadre de la Charte des Nations
Unies,maisaussi dans celuidesdispositions de conventionsinterna-
tionales plus pertinentes, telles que la convention de Montréalde
1971quej'aiévoquéeprécédemment.Surlabas deecetteconvention
et,enparticulier, deson article 14,etafin de réglerla questionsoule-
véerelative au conflit de compétence,mon pays apris des mesures
concrètesetpratiques et a demandé,dans des communicationsoffi-
cielles adressées aussi bien aux Etats-Unis d'Amérique qu'au
Royaume-Uni, de soumettrele différend a l'arbitrage. Aujourd'hui,204 1971 MONTREALCONVENTION (DISS .P. EL-KOSHERI)

to enter promptly into negotiations with Libyaon proceedings lead-
ing to arbitration andan arbitral panel. To ensure the speedy settle-
mentofthe dispute,weconsiderthat ashort and fixeddeadlinebe set
forthose proceedings, after which, if no agreement is reached on

arbitration, thematter would be brought before the International
Court ofJustice.

My country expresses its willingness to conclude immediately,
with any of the parties concerned, an ad hocagreement to have
recourse to the International Court of Justice as soon as the short
deadline for reaching agreement on arbitration expires, or at any
otherconvenientand near date shouldthe countriesconcernedagree
to gobeyond the arbitration stage and the proceedings ofan arbitra-
tion panel.
In that light, how can this dispute be considered a political one?
We do not believe that it is, for ChapterVI of the Charter also sets
forth concretemethods ofreachingapeacefulsettlement.The Coun-

cilhasbeenguided bythose methods in earlierinstances.The matter
should not be handled in the light of any considerations other than
those set forth in the Charter. Libyahas neverthreatened any coun-
try.It cannotbehavein suchawayasto endanger peace and security.
Indeed, Libya is being threatened by super-Powers, just as armed
aggression was unleashed against it in 1986. Libya is still being
subjected to an economic boycott, disinformation campaigns and
psychologicalpressure.

In conclusion, the legality of the Council's work is subject to its
observance ofthe provisions ofthe Charter of the Organization and
to itsproper implementation of those provisions. It is inconceivable
that thiscould beachievedthrough the participation ofthe parties to
thisdispute inthe votingonthepresent draft resolution.Todisregard
the legalnature ofthe dispute and treat it as a politicaltter would

constitutea flagrantviolation ofthe explicitprovisions ofArticle27,
paragraph 3,ofthe Charter.
TheCouncilhastwochoices :itcanrespectthe Charter and follow
moral principles and international law, or it can respond to this
unjust request bythe United Statesof America and the United King-
dom, which want to use the Council as a cover for militaryand eco-
nomicaggressionagainsta smallcountry that is strivingto freeitself
from economicbackwardness. Weare fullyconfident thatthe mem-
bers ofthe Council - indeed, al1Membersofthe United Nations -
willupholdthe principles enshrined inthe Charter and international
lawand respecttheprinciples ofjustice and equitythat mycountryis
askingto be applied and abided by." (Provisional Verbatim Record
of the Security Council meeting held on 21 January 1992, doc.
YPV.3033,pp. 22-25.) CONVENTION DE MONTRÉALDE 1971(OP.DISS.EL-KOSHERI) 204

devant le Conseil, mon pays demande que ces deux pays soient
invitésà ouvrir sans tarder des négociations avecla Libye sur la
procédure à suivreenvuedel'arbitrageetdelaconstitution d'unjury
d'arbitrage. Pour permettre un règlementrapide du différend, nous
estimonsqu'une date limiteproche et définitivedoit être fixéeour
ces procédures, après quoi,si aucun accord n'intervient quant à
l'arbitrage,laquestionpourrait êtrrenvoyéedevantla Cour interna-

tionale de Justice.
Mon pays est disposé à conclure immédiatement, avectoutes les
parties intéressées,n accord de circonstancevisantàsaisirla Cour
internationale de Justice dès l'expiration du court délai fixépour
conclure un accord envuede l'arbitrage,ou àn'importe quelleautre
date proche et appropriée,si lespaysintéressésacceptent d'aller au-
delà dustadede l'arbitrageetdesdélibérationsd'un jury d'arbitrage.

Ceci étant, comment peut-on considérerce différendcomme un
différend politique? Nous ne pensons pas qu'il lesoit, puisque la
Charte indique également,dansson chapitre VI,lesmoyensconcrets

de parvenirà un règlementpacifique desdifférends.LeConseils'est
inspiréde ces méthodes précédemmentL .a question ne devrait pas
êtreréglée autrement qu'à la lumière des considérations énoncées
dans laCharte. LaLibyen'ajamaismenacéun quelconque pays. Elle
ne peut se comporter de manière à compromettre la paix et la sécu-
rité.En réalité,c'est la Libye qui est menacéepar des superpuis-
sances,tout comme ellea faitl'objet d'une agressionarmée en1986.
La Libye continue d'être assujettie un boycottage économique, à
descampagnes dedésinformationet à despressionspsychologiques.
Je dirai pour terminer que la légalitédestravauxde ce Conseil est
fonction de son respect des dispositions de la Charte de I'Organisa-
tion etdel'application appropriéede cesdispositions. Il estinconce-

vabledemettreceprincipe enapplication silesparties àcedifférend
participent auvotesur ceprojet derésolution. Ignorerla naturejuri-
dique di1conflit et letraiter comme une affaire politique constitue-
raient une violation fragrante des dispositions explicites du para-
graphe 3 de l'article27de la Charte.
Le Conseil est en présencede deux choix: il peut respecter la
Charte et se conformer aux principes moraux et au droit internatio-
nal,ou ilpeut seplier aux exigencesinjustesdesEtats-Unisd'Améri-
que et du Royaume-Uni qui cherchent à utiliser le Conseil pour
couvrirune agressionmilitaire etéconomiquecontreun petitpaysen
lutte pour se libérer de son retard économique. Nous sommes

persuadésque les membres du Conseil et, en fait, tous les Membres
de l'organisation des Nations Unies défendront les principes
énoncés dans laCharte et le droit international et respecteront les
principes dejustice et d'équique mon pays demande de respecter
etd'appliquer.»(Procès-verbalprovisoiredelaséancedu Conseilde
sécuritétenue le21janvier 1992,doc. WPV.3033,p. 22-25.)205 1971 MONTREAL CONVENTION (DISS .P. EL-KOSHERI)

15. TheSecurityCouncil'savoidance oftreatingthe legalaspectsofthe

problemdebatedbeforethe adoption ofresolution 73 1 (1992)could have
been due to various reasons, including a desire to exclude recourse to
Article 27,paragraph 3, ofthe Charter, which would have preventedthe
United Kingdom and the United States of America fromparticipating in
the voting,since "in decisions under Chapter VI .. .a party to a dispute
shall abstain from voting", or simply concern to remain in the political
arena without dwellingonthe legalissuesraisedby Libya,sincetheylogi-
callyfellwithinthejurisdiction ofthe International Court ofJustice.

16. Whatevermaybethe reasons,the issueofthe application and inter-
pretation ofthe Montreal Convention wasclearlyleftoutsidethescope of
resolution 731(1992).Hence,whenfaced with a continuous negativeatti-
tude blockingthe prospect ofnegotiations withthe United Kingdom and
the United StatesofAmerica,whether with aviewto amicablesettlement
or to the conclusion of an arbitration agreement as provided for in Ar-

ticle 14(1)ofthe Montreal Convention, Libyahadno otheralternativebut
to resort to the International Court of Justice in implementation of that
sameprovision. In doingso,the LibyanGovernment lawfullyexerciseda
right,and cannotbeblamedforacting inthat manner. It hasbecomeaxio-
matic to state that the unilateral invocation of the Court's jurisdiction
should neverberegardedas an unfriendly act,aswitnessthespecific dec-
laration issued by the Institut de droit international in 1959,to the effect
that "recourse to the International Court ofJustice or to another interna-
tionalcourt orarbitraltribunal canneverberegardedas an unfriendly act
towardstherespondent State" (Annuairedel'Institutdedroit international,
Vol. 48-11,1959p, .381),aswellasparagraph 6 ofUnited NationsGeneral
Assembly resolution 3232 (XXIX) of 12November 1974,according to
which: "recourse to judicial settlement of legal disputes, particularly
referredto the International Court ofJustice,should notbe consideredas
an unfriendly act between States".

17. Moreover, on a number of occasions the legal aspects of a given
dispute have been submitted to the International Court of Justice with
requests to indicate provisional measures notwithstanding the fact that
the political organs of the United Nations were seised with the other
aspects of the same dispute (Anglo-Iranian OilCo. (UnitedKingdomv.
Iran), Interim ProtectionI,.C.J. Reports19.51,pp. 89-98; UnitedStates
DiplomaticandConsularStaffinTehran(UnitedStatesofAmericav. Iran),
ProvisionalMeasures, I.C.J. Reports 1979,pp. 7-21 ;Military and Para-
militaryActivitiesinandagainstNicai-agua(Nicaraguav. UnitedStates of
America), ProvisionaM l easures, I.C.J.Reports1984,pp. 169-207 ;Aegean
Sea Continental Shelf(Greecev.Turkey),InterimProtection,I.C.J.Reports
1976,pp. 3-40).
18. Suchparallel CO-existence oncepermittedJudge Petrénto empha-
size:"The natural distribution of roles as between the principal judicial 15. Le fait que le Conseil de sécurité se soit abstenude traiter les
aspects juridiques du problème avant l'adoption de la résolution731

(1992)pourrait avoir diversesexplications,ycompris ledésir d'exclure le
recours àl'article 27,paragraphe 3, de la Charte, qui aurait empêchéles
Etats-Unisd'Amérique etleRoyaume-Uni departiciper au vote,puisque
«dans les décisionsprises aux termesdu chapitre VI ..une partie à un
différend s'abstientde voter», ou simplement le souci de rester sur le
terrain politique sans aborder les questionsjuridiques soulevéespar la
Libye, puisque celles-cirelevaient logiquement de la compétencede la
Cour internationale de Justice.
16. Quelles qu'aient pu être les raisons,il est clair que la question de
l'applicationetdel'interprétationdelaconvention de Montréal aétélais-
séehors du champ d'application de la résolution73 1(1992).Par consé-
quent, lorsque la Libye s'esttrouvée en faced'une attitude continuelle-
mentnégativebloquant laperspective denégociationsaveclesEtats-Unis
d'AmériqueetleRoyaume-Uni,etenvuesoitd'unrèglementamiablesoit
de la conclusion d'un accord d'arbitrage, commecelaest prévupar l'ar-
ticle 14,paragraphe 1,de la convention de Montréal,elle n'avaitd'autre

choixque de s'adresser a la Cour internationale de Justice en application
de cettemêmedisposition.Cefaisant, le Gouvernementlibyena réguliè-
rement exercéun droit et ne saurait être blâmé d'avoir agd ie cette
manière.Il est depuis longtemps établi quele recoursunilatéralà lajuri-
diction de la Cour ne doitjamais être considérécommuen acteinamical,
comme en témoignela déclaration faitepar l'Institut de droit internatio-
nal en 1959selonlaquelle «le recoursà la Cour internationale deJustice
ou à uneautre instancejudiciaire ou arbitralene saurait enaucun casêtre
considéré commeun acte peu amical vis-à-vis de l'Etat défendeur»
(Annuairede l'Institutde droit international, ol. 48-11,1959,p. 359) ou
encoreleparagraphe 6delarésolution3232(XXIX)del'Assemblée géné-
rale desNations Unies en datedu 12novembre 1974,auxtermes duquel :
«lerecoursàun règlementjudiciaire desdifférendsjuridiques, particuliè-
rement le renvoi à la Cour internationale de Justice, ne devrait pas être
considéré commeun acte d'inimitié entre Etats D.

17. Il est d'ailleurs arrivé maintesfois que les aspectsjuridiques d'un
différend aientété soumis à la Cour internationale de Justice avec une
demande en indication de mesures conservatoiresmalgré le fait que les
organes politiques des Nations Unies étaientsaisis d'autres aspects du
mêmedifférend(Anglo-Iranian OilCo. (Royaume-Unic. Iran),mesures
conservatoires,C.I.J.Recueil 1951, p. 89-98; Personneldiplomatiqueet
consulairedes Etats-Unis à Téhéran (Etats-Unis d'Amérique c. Iran),
mesuresconservatoires,C.I.J.Recueil 1979,p. 7-21;Activités militairest
paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci(Nicaragua c. Etats-Unis
d'Amérique),mesures conservatoires, C.I.J.Recueil 1984, p. 169-207;
Plateau continentalde la merEgée (Grècc e. Turquie),mesuresconserva-
toires,C.I.J.Recueil1976,p. 3-40).
18. C'est cette coexistenceparallèle qui avait permis M. Petrénde
souligner: «La distribution naturelle des rôles entre l'organe judiciaireorgan andthe politicalorgans ofthe United Nations .. ."(Separateopin-
ion in the AdvisoryOpinion of 12June 1971concerningthe LegalConse-

quencesfor States of theContinuedPresenceof SouthAfrica in Namibia
(SouthWestAfrica)notwithstandingSecuritC youncilResolution 276(1970),
I.C.J.Reports1971,p. 127).No overlappingcould normallybe envisaged,
solongasthe basiccriterion ofdemarcationremains that explicitlystated
by the Court inthe sameAdvisoryOpinion, according to which:

"the Court as the principal judicial organ ofthe United Nations ...
acts only on the basis of the law,independently of al1outside influ-
enceorinterventionswhatsoever ...Acourt functioning asacourt of
lawcan act in no other way." (Zbid.,p. 23,para. 29.)

19. However,theappearance on thescene ofthe new SecurityCouncil
resolution 748(1992)on 31March 1992, just three daysafter the closingof
the hearings on Libya's request for provisional measures, is unprece-
dented and raisesanimportant issueabout itsimplications forthe present
proceedings.

20. Resolution 748(1992)not onlyreaffirmed resolution 731(1992)of
12January 1992but added interaliathat :

"the failure by the Libyan Government to demonstrate by concrete
actions its renunciation of terrorism and in particular its continued
failure to respond fully and effectivelyto the requests in resolution
731 (1992)constitute a threat to international peace and security".

21. Acting under Chapter VI1 of the Charter, the Security Council
decided that: "the Libyan Government must now comply without any
further delay with paragraph 3 of resolution 731 (1992) regarding the
requestscontained in documents S/23306,S/23308and S/23309", other-
wise the sanctions provided for in paragraphs 4, 5 and 6 shall become
effectiveas of 15April 1992.
22. Evidently,resolution 748 (1992)of 31 March 1992falls within the
category of decisions under Chapter VI1which enjoy as a general rule a
binding character, in the sense that non-cornpliance with them is con-
sidered a threat to peace and creates new obligations for al1 parties
concerned.
23. Nevertheless,it has to be noted that there aredoctrinal authorities
who maintain thatthe Members of the United Nations are not "obliged"
to carry out al1 decisions of the Security Council. In his analysis of
Article25ofthe Charter,Hans Kelsen wrote :
"It seems, however,as if Article 25does not mean that the Mem-
bers are obliged to carry out al1decisions of the Security Council
since, according to its wording, they agree to accept and carry out CONVENTION DE MONTRÉALDE 1971(OP. DISS.EL-KOSHERI) 206

principal et lesorganespolitiques des Nations Unies..»(Opinionindivi-
duelle jointeà l'avisconsultatif du 12juin 1971concernant les Consé-
quencesjuridiquespourlesEtatsdelaprésence continuede I2friqueduSud
en Namibie (Sud-Ouest africain)nonobstantla résolution 276 (1970)du
Conseilde sécuritéC,.I.J.Recueil971,p. 127.)Aucun chevauchement ne
saurait normalement êtreenvisagé,tant que le critère de démarcation
fondamental demeure celui qui a étéexplicitementénoncépar la Cour
dans le même avis consultatif:

«la Cour, organe judiciaire principal des Nations Unies ...ne se
prononce que sur la base du droit, indépendamment de toute
influence ou de toute intervention de la part de quiconque...Une
cour, remplissant une fonction de cour de justice, ne saurait agir
d'une autre manière.»(Ibid.,p. 23,par. 29.)
19. Cependant, l'apparition sur la scènede la nouvelle résolutiondu
Conseil de sécurité,la résolution48(1992),le31mars 1992,troisjours à

peine après la clôture des audiences sur la demande en indication de
mesures conservatoires présentéepar la Libye, est sans précédent et
soulèveun problème important quant à ses incidences sur la présente
instance.
20. Dans sarésolution748 (1992),leConseilanon seulementréaffirmé
sa résolution731 (1992)du 12janvier 1992,mais a ajouté, entre autres,
que :
«le défautde lapart du Gouvernementlibyen de démontrer,par des
actes concrets, sa renonciation au terrorisme et, en particulier, son
manquement continu à répondre demanière complèteet effective

auxrequêtescontenuesdans larésolution731(1992)constituent une
menace pour la paix etla sécuritéinternationales.
21. Agissantenvertu du chapitre VI1de la Charte, le Conseil de sécu-
rité a décidéque: «le Gouvernement libyen doit désormais appliquer
sans le moindre délaileparagraphe 3 de la résolution731(1992)concer-
nant les demandes contenues dans les documents S/23306, S/23308 et
923309 »,faute de quoi les sanctions prévuesaux paragraphes 4,5 et 6
prendraient effet le 15avril 1992.
22. Larésolution748(1992)du 31mars 1992entre évidemmentdans la
catégorie des décisionsqui relèventdu chapitre VII, lesquelles ont, en

règlegénéraleu ,n caractèreobligatoire,encesensque lefait de nepas s'y
conformer est considéré commeune menace pour la paix et créede
nouvellesobligations pour toutes lesparties concernées.
23. Il faut observer néanmoins que des auteurs qui font autorité
soutiennent que les Membres des Nations Unies ne sont pas ((obligés»
d'appliquer toutes lesdécisionsdu Conseil de sécurité. ans son analyse
de l'article25de la Charte, Hans Kelsen a écritceci
«Il semblerait toutefois que l'article 25 ne signifie pas que les
Membres soient obligésd'appliquer toutes les décisionsdu Conseil
de sécurité puisque,aux termes de cet article, ils conviennent decisions of the Security Council 'in accordance with the present
Charter'." (Hans Kelsen, The Lawofthe UnitedNations - A Critical
AnalysisofifsFundamentalProblems,London, 1950,p. 95.)

"The meaning of Article 25 is that the Members are obliged to
carry out these decisions which the Security Council has taken in
accordance withthe Charter." (Zbid.)
"Theterm 'decision'maybeinterpreted to mean. .. onlydecisions
which,in accordance withthe provisions ofthe Charter under which
they are adopted, arebindingupon the Members." (Ibid., p.293.)

24. The case-lawofthe Courtand the opinionsexpressed by anumber
of Judges provide that concept with some support. It has to be remem-
bered, in connection with the Advisory Opinion on Namibia previously
referred to, that the Governments of France and South Africa objected
that both the General Assemblyand the SecurityCouncil had acted ultra
viresin the Namibia question.The Court ruled inthisrespect that:

"Undoubtedly, the Court does not possess powers of judicial
review or appeal in respect of the decisions taken by the United
Nations organsconcerned ...However,inthe exerciseofitsjudicial
function and since objections have been advancedthe Court, in the

course of its reasoning, willconsider these objectionsbefore deter-
mining any legal consequences arising from those resolutions."
(I.C.J. Reports1971,p. 45,para. 89.)
25. In effect,theCourt there exercisedthe important function ofascer-
tainingthatthe resolutions in questionhad been taken in conformitywith
the rules of the Charter, and as a result of that exerciseit declared that :

"In examiningthis action of the General Assemblyit is appropri-
ate to have regard to the generalprinciples of international law..."
(Ibid., p.46,para. 94.)
"TheCourt hasthereforereachedtheconclusion that thedecisions
madebytheSecurityCouncil inparagraphs2 and 5oftheresolutions
276 (1970),as related to paragraph 3 of resolution 264 (1969)and
paragraph 5 of resolution 269 (1969),were adopted in conformity
with the purposes and principles of the Charter and in accordance
with its Articles 24 and 25.The decisions are consequentlybinding
on al1States Members of the United Nations, which are thus under
obligationto accept and carrythem out." (Zbid.,p. 53,para. 115.)

26. Byentering upon thistype of legalscrutinyin order to satisfyitself
ofthe conformityofthe SecurityCouncil's decisions,orparts thereof,not
only with the rules enshrined in the provisions of the Charter, but also
with "the purposes and principles ofthe Charter", the Court impliedthat CONVENTION DE MONTRÉALDE 1971(OP. DISS.EL-KOSHERI) 207

d'accepter et d'appliquer les décisions du Conseil de sécurité
((conformément àlaprésenteCharte.»(Hans Kelsen, TheLawofthe
UnitedNations - A CriticalAnalysisof Its Fundamental Problems,
Londres, 1950,p. 95.)

Le sens de l'article 25est que les Membres sont obligésd'appli-
querlesdécisionsqueleConseildesécuritéaprises conformément à
la Charte. »(Ibid.)
«Le terme «décision» peut être interprété comme signifian t..
seulement les décisions qui, selon les dispositionsde la Charte en

vertu desquelles elles sont adoptées, sont obligatoires pour les
Membres. »(Ibid., p.293.)
24. La jurisprudence de la Cour et les opinions expriméespar un
certain nombre dejuges viennent étayer cetteconception.On serappelle
qu'à propos de l'avisconsultatif précité relatàfla Namibie les Gouver-
nements de l'Afrique du Sud et de la France avaient objectéque tant
l'Assembléegénérale que le Conseil de sécuritéavaienc tommisun excès
depouvoir enagissantultraviresdansl'affairedela Namibie. A cetégard,
la Cour a dit que:

((11est évidentque la Cour n'a pas de pouvoirs de contrôlejudi-
ciaire ni d'appel en ce qui concerne les décisions prises par les
organes des Nations Unies dont il s'agit...Cependant, dans i'exer-
cicedesafonctionjudiciaire etpuisque desobjectionsontétéformu-
lées,la Cour examinera ces objections dans son exposé desmotifs,
avant de seprononcer sur les conséquencesjuridiques découlantde
cesrésolutions.»(C.Z.J.Recueil1971,p. 45,par. 89.)

25. En effet, la Cour a exercédans cette affaire l'importante fonction
qui consiste à s'assurer que la résolution en question avait été prise
conformémentauxrèglesde la Charte et, ayant procédé à cettevérifica-
tion, ellea déclarque :

((Pour examinerl'acte ainsi accomplipar l'Assembléegénéralei,l
convient detenir comptedesprincipes générauxde droit internatio-
nal..»(Ibid.,p. 46,par. 94.)
«La Cour en conclut que les décisions prisespar le Conseil de
sécurité aux paragraphes 2et 5 de la résolution276(1970),rappro-
chéesdu paragraphe 3de larésolution264 (1969)etdu paragraphe 5
de la résolution269(1969),ont été adoptéesconformémentauxbuts
etprincipes delaCharte et àsesarticles24et25.Ellessontpar consé-
quent obligatoires pour tous les Etats Membres des Nations Unies,

qui sont ainsitenus de lesaccepter etde lesappliquer.))(Ibid., p.53,
par. 115.)
26. En entreprenant ce genre d'examen juridique pour S'assurerde la
conformité des décisionsdu Conseil de sécurité oude certains de leurs
élémentsn ,on seulementavec les règlesconsacréesdans les dispositions
delaCharte maisaussiavec lesbuts etprincipes delaCharte »,laCour a208 1971 MONTREAL CONVENTION (DISS . P.EL-KOSHERI)

itwasperfectlyconceivablethat itcould reachanegativedecision, wereit
to detect any violation of the Charter or departure from the Charter's
purposes and principles.
27. Furthermore, alluding to General Assemblyresolution 171(II) of
14November 1947,recommendingthereferencetotheCourt ofapoint of
law "relating to interpretation of the Charter", Judge Gros stated in his
dissentingopinion that :"it would have seemedparticularly appropriate
to haveexercisedunambiguouslythe Court'spowerto interpret theChar-
ter. .."(Z.C.J.Reports1971,p. 332,para. 19);and

"It used notto bethe Court's habitto takefor granted the premises
of a legal situation the consequences of which it has been asked to
state.. .Howindeed can a court deduce anyobligationfroma given
situation without first havingtested the lawfulness of the origins of
that situation?" (Ibid.,pp. 331-332,para. 18.)

28. A survey of the opinions expressed in that case by other Judges
revealsthat many ofthem wereeagerto indicatetheir deep attachment to
the right ofensuring thatthe Court exercisesits function asthe guardian
oflegalitythroughout the United Nations system.
29. In his separate opinion, Judge Ammoun emphasized :

"the International Court of Justice owed it to itself to dischargeits
own obligations by not closing its eyes to conduct infringing the
principles and rights which it is its duty to defend" (ibid., p. 72,
para. 3).

30. Judge Petrén alsodeclared inhis separate opinion :

"So long as the validity of the resolutions upon which resolution
276(1970)is based has not been established, it is clearlyimpossible
for the Court to pronounce on the legal consequences of resolution
276 (1970),for there can be no such legal consequences if the basic
resolutions are illegal.." (Zbid.,p. 131.)

In another separate opinion, Judge Onyeama stated:

"In exercisingitsfunctions the Court iswhollyindependent ofthe
other organs ofthe United Nations and isin no way obliged or con-
cemed to render a judgment or opinion which would be 'politically
acceptable'. Its function is,in the words of Article 38 oftheStatute,
'todecide in accordance with international law'.

.............................
when ...decisionsbear upon a caseproperly beforethe Court, a cor-
rectjudgment or opinion could not be rendered without determininglaisséentendre qu'ilétaittout àfait concevablequ'elle puisse parvenir à
une décisionnégative si elledécelaitune quelconque violation de la
Charte ou un écartpar rapport auxbuts etprincipes de ladite Charte.
27. En outre, faisant allusionà la résolution171(II) de l'Assemblée
générale en date du 14novembre 1947,dans laquelle l'Assembléeavait
recommandélerenvoi àlaCour despoints dedroit «relatifs à l'interpréta-
tion de la Charte »,M. Gros a déclaré dans son opinion dissidente qu'«il
eût semblé particulièrement opportun d'exercer sans ambiguïté le
pouvoir de la Cour d'interpréter laCharte ..»(C.I.J. Recueil1971,p. 332,

par. 19);etque:

«Ce n'étaitpas l'habitude de la Cour de tenir pour acquise les
prémissesd'une situationjuridiquedont on luidemandaitde direles
conséquences ..Comment,eneffet,unjuge peut-ildéduireune obli-
gation d'une situation quelconque sans avoir d'abord éclaircila
question de la légalité des originesde cette situation?)) (Ibid.,
p. 331-332,par. 18.)

28. L'examen des opinions expriméesdans cette affaire par d'autres
juges montre quebeaucoup d'entre euxont tenu à marquer leur profond
attachement au droit de s'assurer que la Cour exerce sa fonction de
gardienne de la légalitédans l'ensembledu systèmedes Nations Unies.
29. Dans son opinion individuelle, M. Ammouna soulignéque :

«la Cour internationale de Justice se devait de remplir [sespropres
obligations]en ne fermant pas lesyeuxsur desagissementsaffectant
les principes et les droits dont la défense lui incombe (ibid.,p. 72,
par. 3).

30. M. Petrén a déclaré aussdians son opinion individuelle :

«Tantquelavaliditédesrésolutionssurlesquellessefondelaréso-
lution 276(1970)n'estpas établie,il est évidemmentimpossibleque
la Cour se prononce sur les conséquencesjuridiques de la résolu-
tion 276(1970),car il ne peut y avoir de telles conséquencesjuridi-
ques silesrésolutionsde base sont illégales..»(Ibid., p.131.)

Dans une autre opinion individuelle, M.Onyeamaa dit ceci :

«Dans l'exercicede sesfonctions,la Cour estpleinementindépen-
dante des autres organes des Nations Unies; elle n'est nullement
tenue d'émettreun arrêtou un avis qui soit ((politiquement accep-
table» ;cen'estpas là son rôle. Samission,pour reprendre lestermes
del'article38du Statut,estdeseprononcer «conformémentau droit
internationalB.
.............................

lorsque ...les décisions...intéressentune affaire dont la Cour est
dûment saisie,etlorsqu'ilestimpossiblederendreunarrêtouun avis209 1971 MONTREALCONVENTION (DISS O.P.EL-KOSHERI)

the validity of such decisions, the Court could not possibly avoid
such a determinationwithoutabdicating its role of ajudicial organ.

.............................
1do not conceiveit as compatible with the judicial function that
the Court willproceed to statethe consequences of actswhose valid-
ity is assumed, without itself testing the lawfulness of the origin of
those acts." (I.C.J.Reports1971,pp. 143-144.)
31. In responseto a questionaboutthe Court's power to pronounce as
to the invalidity or nullity of resolutions of the General Assembly and
SecurityCouncil, and with reference to a dictum of Judge Morelli's ina

previouscase (I.C.J. Reports1962,p. 223)concerninga resolutioninitiated
by a manifest excèsdepouvoir,Judge de Castro envisaged the interplay
oftwoprinciples :
"1. The principle of division of powers - the Charter set up
three organs,each having sovereignpowers inthe sphere of its com-
petence. ..;
.............................

2. The principle of 'legal-ness' - the Court, as a legal organ,
cannot CO-operatewith aresolution whichisclearlyvoid,contrary to
the mles of the Charter, or contrary to the principles of law."
(I.C.J.Reports1971,p. 180.)
32. Finally, the dissenting opinion of Judge Sir Gerald Fitzmaurice
provided a profound analysis of the various presentations, which can be
summarized asfollows :

(i) the SecurityCouncil, even when acting genuinely for the preserva-
tion orrestoration ofpeace and security,hasascope ofactionlimited
bythe State's sovereigntyand the fundamental rightswithout which
that sovereigntycannotbe exercised(ibid.,p. 226);
(ii) the relevantcircumstancessufficedto renderresolution2 145invalid
and inoperative(ibid.,p.280,para. 91) ;
(iii) Article25cannotrenderbindinga decisionnottaken "in accordance
withthepresentCharter" (ibid.,p. 293,para. 113);
(iv) even when acting under Chapter VI1 of the Charter, the Security
Councilhas nopower to abrogate or alterexistingmles (ibid.,p. 294,
para. 115);
(v) the United Nations (withal1itsorgans,includingthe Security Coun-
cil) is itself a subject of international law, and subject to it, no less
than itsindividual MemberStates(ibid.,p.294,para. 115);

(vi) a politicalorgan is not competentto make the necessary legal deter-

mination on which the justification for each action must rest. This
canonlybedonebyalegalorgancompetent to makesuchdetermina-
tion, othenvise the resolution may have to be considered ultra vires
andhence invalid(ibid.,pp. 299-301). CONVENTION DE MONTRÉALDE 1971(OP. DISS.EL-KOSHERI) 209

bien fondésansexaminerlavaliditédecesdécisions,laCournepeut
évitercet examensans abdiquer sonrôle d'organe judiciaire.

Jenevoispas qu'ilsoitcompatibleaveclafonctionjudiciaire dela

Cour d'énoncerlesconséquencesd'actesdont lavaliditéseraittenue
pour acquise, sans que la Cour se soit assuréeelle-mêmede leur
origine licite.C.I.J. Recueil1971,p. 143-144.)
31. En réponseàune question sur lepouvoir de la Cour de statuer sur
l'invalidité ou la nullitéde résolutionsde l'Assembléegénérale etdu
Conseildesécurité,ee tnseréférant àune déclarationde M.Morellidans
une affaireprécédente (C.I.J.Recueil1962,p. 223)concernant une résolu-
tionquiseraitentachéed'excèsdepouvoirévident, M. deCastroaévoqué
lejeu de deux principes :

«1. Leprincipe de la divisiondespouvoirs. - La Charte a établi
trois organesdotés chacunde pouvoirssouverains dans la sphèrede
sa compétence ...
.............................
2. Le principe de la juridicité.- La Cour comme organe juri-

dique ne peut pas collaborer àune résolution manifestementnulle,
contraire aux règles de la Charte ou aux principes du droit.»
(C.I.J. Recueil1971,p. 180.)
32. Enfin, dans sonopinion dissidente,sirGerald Fitzmauricea donné
une analyse approfondie des diversesconsidérationsen cause, que l'on
peut résumerde la manière suivante :

i) le Conseilde sécuritém, êmes'ilagitvéritablementpour préserverou
rétablir la paixet la sécurité,voit son champ d'action limitépar la
souverainetéde 1'Etatet les droits fondamentaux sans lesquelscette
souveraineténepeut s'exercer(ibid.,p.226) ;
ii) les circonstances pertinentes suffisaient pour rendre la résolu-
tion 2145nulleetsanseffet(ibid.,p.280,par.91);
iii) l'article 25 ne saurait rendre obligatoire une décision quin'est pas
prise «conformément àlaprésenteCharte »(ibid.,p. 293,par. 113);
iv) même quand ilagitenvertu du chapitre VI1delaCharte, leConseilde
sécuritén'a le pouvoir ni d'abroger ni de modifier des règlesexis-
tantes (ibid.,p.294,par. 115);

v) l'organisation desNations Unies (avectous sesorganes, ycompris le
Conseil de sécurité)est elle-même un sujet du droit international et
n'estpas moins soumise à cedroit que lesEtats Membres pris indivi-
duellement(ibid.,p.294,par. 115);
vi) un organepolitique n'apas lepouvoir de procéderaux constatations
juridiques qui doivent justifier chaque action. Seul possède ce
pouvoir un organejuridique compétentpour procéderàcesconstata-
tions, faute de quoi il peut arriver qu'une résolution doiveêtreconsi-
dérée commeprocédant d'unexcèsde pouvoir et commeétant,de ce
fait,sansvaleurjuridique (ibid,,p.299-301). 33. Inthe lightofthe statementsemanatingfromthe above-mentioned
authorities, it is possible to consider that the Security Council, when
adoptingparagraph 1 ofresolution 748(1992),impededthe Court's juris-
dictionfreelyto exerciseitsinherentjudicialfunction withregardto issues
on which argument had been heard just a few days before, and that by
doingsothe SecurityCouncilcommitted an act of excèsdepouvoirwhich
amounts to a violation of Article 92 of the Charter, which entrusted the
International Court of Justice with the mission of being "the principal
judicial organ ofthe United Nations".
34. In order properly to dischargeits main function, the Court must
have full liberty to exerciseits adjudicating powers and to form its own
opinion onthe issues under considerationwithoutanylimitation.

35. Aswas rightly stated byJudge Morelli
"Any limitation ...would be unacceptable because it would pre-
ventthe Court fromperformingitstask in a logicallycorrectway. ...
.............................
This freedom can however be understood only as subordinated
both to the rules of law and logicby which the Court is bound and
also to the objectivewhichthe Court must pursue, whichisthe solu-
tion of the question submitted to it." (Separate opinion, Advisory
Opinion of 20July 1962concerning Certain Expensesof the United
Nations (Article17,paragraph 2, of the Charter),I.C.J Reports 1962,
pp. 217-218.)

36. The ultra virescharacter of paragraph 1 of resolution 748 (1992)
appears even more serious considering that a number of delegatesat the
SecurityCouncil meeting of 31March 1992arereported to have warned
those pushing for a hasty adoption of the draft then under discussion
againstthe negative effectsof such failure to observe due respectfor the
Court's credibilityand the integrity ofitsjudicial function.
37. According to the Provisional Verbatim Record, Mr. Jesus of Cape
Verdepointed out that :

"It would be more appropriate ifthe Council wereto act afterthe
International Court ofJustice - whichisnowseisedofthis matter -
had decided . .."(Doc. WPV.3063,p. 46.)
38. The Presidentfor the month of April, Mr. Mumbengegwi of Zim-
babwe, remindedthe Council that :

"The Charter provides that disputes of a legalnature should, as a
general rule, be referred by theparties to the International Court of
Justice. ..
By taking the Chapter VI1 route while this case is still pending
beforethe WorldCourt,the SecurityCouncil is riskingamajor insti-
tutional crisis.Suchan institutional crisis,whichisclearlyavoidable,
would not only undermine the prestige, credibility and integrity of CONVENTION DE MONTRÉALDE 1971(OP. DISS.EL-KOSHERI) 210

33. Alalumièredesdéclarations émanant des autoritésprécitéesi,lest
possiblede considérerque lorsqu'il aadoptéleparagraphe 1de larésolu-
tion 748 (1992)leConseildesécuritéafaitobstacle au pouvoir de la Cour
d'exercer librement la fonction judiciaire qui est la siennà l'égardde
questionssurlesquelleselleavaitentendu lesPartiesquelquesjours aupa-
ravant, etqu'en agissantainsileConseil desécuritéa commisun excèsde
pouvoir qui constitue une violation de l'article92 de la Charte, lequel a
confié àla Cour internationale deJusticela missiond'être ((l'organejudi-
ciaireprincipal des Nations Unies D.
34. Pours'acquittervalablementdesafonctionprincipale, la Cour doit
avoir toute liberté d'exercer ses pouvoirsde décision judiciaire et de
formersapropre opinion sur lespointssoumis à son examen,sans aucune

limite.
35. Comme l'abien dit M. Morelli :
«Toute limitation ..seraitinadmissibleparce qu'elle empêcherait
la Cour de remplir sa tâche d'unefaçon logiquementcorrecte ...
.............................

Mais une telle liberté ne peut être entendueque comme liberté
subordonnée, non seulementauxrèglesdu droit et de la logique par
lesquellesla Cour est liée, maisaussi au but que la Cour doit pour-
suivreet qui consistedans la solutionà donner àla question qui lui
est soumise.»(CertainesdépensesdesNations Unies(article17,para-
graphe2,dela Charte),avisconsultatifdu 20juillet1962,C.I.J. Recueil
1962,opinion individuelle, p. 217-218.)

36. Le caractèreultra viresdu paragraphe 1de la résolution748 (1992)
sembleplus graveencoresil'onconsidèrequ'un certainnombrederepré-
sentants,à la séancedu Conseil de sécuritédu 31mai 1992,ont mis en
garde ceuxquipoussaient àl'adoption hâtivedu projet àl'examencontre
leseffetsnéfastesd'untelmanque derespectpour lacrédibilité delaCour
etl'intégrité dsa fonctionjudiciaire.
37. D'après le procès-verbal provisoire, M. Jesus, du Cap-Vert, a
formulécetteobservation :

((11serait plus approprié quele Conseilprenne une décisionune
fois que laCour internationale de Justic- qui est désormaissaisie
de cettequestion - aura statué...))(Doc. WPV.3063,p. 46.)

38. Leprésidentpour lemoisd'avril,M.Mumbengegwi(Zimbabwe),a
rappeléau Conseil ce qui suit:
«La Charte stipule quelesdifférendsd'ordrejuridique devraient,

d'une manièregénérale,êtresoum piasr lespartiesa Cour interna-
tionale de Justice..
En optant pour le recours au chapitre VII, alors que l'affaire est
pendante devantla Cour internationale, leConseilde sécuritérisque
une crise institutionnelle grave. Pareille crise, qui est clairement
évitable,risque de saper non seulement le prestige, la crédibiliet211 1971 MONTREALCONVENTION (DISS O.P.EL-KOSHERI)

the entire Organizationbut would also Sapinternational confidence
in the Security Council's capacity to execute, in a judicious and
objectivemanner, itsmandate asprovidedforinthe Charter. Weare
convinced that it would have been in the best interests of interna-
tional tidiness forthe SecurityCouncil to await the outcome of the
judicial proceedings at the International Court of Justice." (Doc.
WPV.3063,pp. 52-53.)

39. The Indian representative, Mr. Gharekhan,amongothers, stressed
that :
"The consideredopinion of the International Court of Justice on
the legal aspects of the issues involvedcan only serve the cause of
international law and peace." (Ibid.,p. 58.)

40. It is clearthat those wisewarningswereultimately inspired by the
respect due to the United Nations Charter, in its letter and spirit, but
unfortunately the appeal for supremacy of "the rule of law" went
unheeded in an atmospheredominated by emotionalpolitical pressures.
41. In order to avoid the present situation, it would have been more
appropriate forcertain membersofthe SecurityCouncil to takeguidance
from the precedent established by the Council of the League of Nations
when it decided that it could not accept a petition because the subject-
matterwasbeforethePermanent Court ofInternational Justice,and post-
poned consideration of the question until that Court had given its

decisioninthe MinoritySchoolscase(ShabtaiRosenne, TheLawandPrac-
ticeofthe InternationalCourtV , ol.1,Leyden, 1965,p. 83).
42. Doubtless the Court itself, the principal judicial organ of the
United Nations, wasnotthetarget ofthe Councii'shaste;the adoption of
resolution 748(1992)without waitingforthe Court's rulingonthe request
for provisional measures seems to have been more intended to put the
maximum pressure possible on Libyato forfeit its claimto invoke sover-
eignrights under Article 1,paragraph 2,Article 2,paragraph 7,and Arti-
cle55 ofthe Charter. Yetthe entireOrganizationisbased on theprinciple
of the sovereignequality of al1its Members, and the exerciseof domestic
jurisdiction in matters such as extradition imposes on al1other States, as
well as on the political organs of the United Nations, an obligation to
respect suchinherent rights,unlessthe Court decidesthat such exerciseis
contrary to international law,whether customary or conventional.

43. It is important to remember in this respect what Max Huber, the

former President of the Permanent Court of International Justice,
declaredwhen actingassole arbitrator in the Islandof Palmascase:
"Sovereignty in the relation between States signifies indepen-
dence. Independence in regardto a position of the globe isthe right
to exercisetherein, to the exclusion of any other State,the functions
of a State." (Myres McDougal and Michael Reisman, International CONVENTION DE MONTRÉALDE 1971(OP. DISS.EL-KOSHERI) 211

l'intégritéde l'organisation tout entière, mais la confiance de la
communautéinternationaledans lacapacitédu Conseil àaccomplir,
d'une manièrejudicieuse etobjective,sonmandat tel queprévudans
la Charte. Nous sommesconvaincus qu'ilaurait mieux valu pour la
procédure institutionnelleque le Conseil attende le résultatde la

procédure judiciaire menée à la Cour internationale de Justice.»
(Doc. S/PV.3063,p. 52.)
39. Le représentantde l'Inde, M. Gharekhan, parmi d'autres, a mis
l'accentsur cetteidée:

((l'opinionaviséede laCour internationale de Justice sur lesdimen-
sionsjuridiques desquestions enjeu nepeut que servirla cause dela
paix et du droit internationaux(ibid.,p. 57).

40. Il est clair qu'en définitiveces sages conseils s'inspiraient du
respect dû àla Charte desNations Unies,tant dans salettre quedansson
esprit; malheureusement,l'appel enfaveurdelaprimauté «du droit»n'a
pas étéécoutédans l'émotioe ntsouslespressionspolitiques du moment.
41. 11aurait mieux valu, pour éviterla situation actuelle,que certains
membresdu Conseildesécurités'inspirend tuprécédenq t ueleConseilde
la SociétédesNations a établiquand, sedéclarant horsd'étatd'accueillir
une pétition carlaCour permanente de Justiceinternationale était saisie

de l'affaire, ila diffél'examen de la questionjusqu'à la décisionde la
Cour en l'affaire desEcolesminoritaires(Shabtai Rosenne, TheLaw and
PracticeoftheInternational Court,vol. 1,Leyde, 1965,p. 83).

42. Nul doute la Cour, organejudiciaire principal des Nations Unies,
n'étaitpas elle-même la ciblede la hâte du Conseil; l'adoption de la réso-
lution 748(19921sans attendre la décisionde la Cour sur la demande en
indication de mesures conservatoires semble avoir eu plutôt pour but
d'exercer la pression la plus forte possible sur la Libye afin qu'elle
renonce à invoquer des droits souverains en vertu de l'article 1,para-
graphe 2, de l'article 2, paragraphe 7, et de l'article 55de la Charte. Or,
l'Organisationtout entièreest fondée surle principe de l'égalité souve-

raine de tous ses Membres, et l'exercicede la compétencenationale dans
des domaines tels que l'extradition impose à tous les autres Etats, ainsi
qu'aux organespolitiques del'organisation des Nations Unies, l'obliga-
tion de respecter de tels droits naturels,moins que la Cour ne décide
qu'un tel exercice est contraire au droit international, coutumier ou
conventionnel.
43. Il importe de se souvenir, à cet égard, de ce qu'a déclaré
Max Huber, ancien Présidentde la Cour permanente de Justice interna-
tionale, alors qu'ilétait arbitre unique en l'affairedeedePalmas :

«La souverainetédans lesrelations entre Etats signifiel'indépen-
dance.L'indépendance relativement à unepartie du globeestledroit
d'yexercer,à l'exclusiondetout autre Etat, lesfonctionsétatiques))
(Myres McDougal et Michael Reisman, International Law in212 1971 MONTREALCONVENTION (DISS .P.EL-KOSHERI)

Law in ContemporaryPerspective;thePublicOrderofthe WorldCom-
munity :CasesandMaterials,Mineola, NewYork,Foundation Press,
1981.)

44. Upholding the same basic concept of sovereignty as is protected
under the United Nations Charter, the United States courts ruled that:

"The right of a foreign power to demand extradition of one
accusedofcrimeand the correlativedutyto surrender himexistsonly
when created by treaty, and in the United States, in the absence of
statutory or treaty provision thereof, no authority exists in any
branch ofthe governmentto surrendera fugitivecriminaltoaforeign
government."(Ramosv. Diaz,179F. Sup.459(S.D.Fla. 1959),repro-

duced by McDougal and Reisman, op.cit.,atp. 1498.)

45. Moreover,inthe Asylumcase,the Court stronglyemphasizedthat :
"A decisionwithregardto extradition impliesonlythe normal exerciseof
the territorial sovereignty."(I.C.J. Reports50,p. 274.)

46. It would be hard to believethat under contemporaryinternational
law the rights of a foreign fugitive are more protectedthan those of an
accusedcitizen,orthat whatisalegalactoftheUnitedStatesGovemment
becomes an illegal act for the Libyan Government, unless we are sup-
posed to be livingon Orwell'sAnimalFarm,wheresomeanimalsaremore
equal than others.
47. For al1the above-statedconsiderations, 1amofthe opinion,withal1
due respect, that paragraph 1of SecurityCouncil resolution 748 (1992)
shouldnot beconsideredto have anylegaleffecton thejurisdiction ofthe

Court, even on a prima facie basis, and accordingly that the Libyan
request for provisionalmeasureshas to be evaluatedin accordance with
the habitua1 pattern reflected in the established jurisprudence of the
Court.

48. Without going into an extensive analysis of al1 the precedents
relatedto the granting or denial ofprovisionalmeasures and the relevant
circumstances which led the Court to act one way or another, it seems
sufficient withinthe presentcontextto refer essentiallyto the rules relied
upon inthe mostrecent casesinwhicha request for provisional measures
was considered.
49. Onthe basis of Article41ofthe Statute,the Court may exerciseits
independentjurisdiction to indicateprovisionalmeasuresonce satisfied
that "the provisions invoked by the Applicant appear, prima facie, to ContemporaryPerspective;the Public Order of World Community:
Casesand Materials, Mineola, New York, Foundation Press, 1981.)

44. Al'appui de cemêmeconceptfondamentalde la souverainetéque
protège la Charte des Nations Unies, les tribunaux des Etats-Unis ont
jugé cequi suit:

«Le droit d'une puissance étrangèrede réclamer l'extradition
d'une personne accuséed'un crime et l'obligation corrélativede
livrer l'intéresn'existent que quand un traitéles a établiset, aux
Etats-Unis,enl'absence d'unedisposition législativeou convention-
nelleà cet effet,aucune branche du gouvernement n'a lepouvoir de
livrer un délinquanten fuiteà un gouvernement étranger.» (Ramos

v. Diaz, 179F.Sup.459(S.D. Fla. 1959),reproduit par McDougal et
Reisman, op. cit.,p. 1498.)

45. De plus, dans l'affaire du Droitd'asile,la Cour a déclaré aveune
grande insistance:«Une décisionrelative à l'extradition implique seule-
ment l'exercicenormal de la souveraineté territoriale. » (C.I.J. Recueil
1950,p. 274.)
46. Il serait difficile de croire qu'en droit international contemporain
les droits d'un fugitif étranger soient mieux protégésque ceux d'un
citoyen accusé, ouque ce qui constitue un acte licite du Gouvernement
des Etats-Unisdevienne un acte illicitequand il s'agitdu Gouvernement
libyen, à moins que nous ne soyons censésvivre dans La ferme des
animauxd'Orwell,où certains animaux sont plus égauxque d'autres.
47. Pourtoutes lesraisonsindiquéesci-dessus,je suis d'avis, avectout
le respect voulu, que l'on nedoit attribuer au paragraphe 1 de la résolu-
tion 748(1992)du Conseil de sécurité aucun effetjuridique surla compé-
tence de la Cour, mêmeprima facie, et que la demande libyenne en

indication de mesures conservatoires doit donc être appréciée selolnes
modalités habituelles, tellesqu'elles sereflètent dans la jurisprudence
établiede la Cour.

48. Sans entrer dans une analyse détailléede tous les précédents
concernant l'octroi ou lerefus de mesures conservatoires et des circons-
tancespertinentes qui ontincitélaCour àagird'une manièreoudel'autre,
il semblesuffire,dans leprésent contexte,de mentionner essentiellement
lesrèglesappliquéesdans lesaffaireslesplusrécentesquiont donnélieu à
l'examend'une demandeen indication de mesures conservatoires.
49. Sur la base de l'article 41 du Statut, la Cour peut exercer son
pouvoir indépendantd'indiquer desmesuresconservatoiressielle estime
établi que«les dispositionsinvoquéespar le demandeur semblentprima213 1971 MONTREALCONVENTION (DISS .P.EL-KOSHERI)

afford a basis on whichthe jurisdiction ofthe court [onthe merits]might
be founded" (Passage through theGreatBelt,Provisional Measures,Order
of29Julyl991, I.C.J.Reports1991,p. 15,para. 14).
50. In conformitywithsaid establishedmle, 1do believethattheprovi-
sions of Article 14,paragraph 1,of theMontreal Convention invoked by
the Applicant appearto afford a prima faciebasis on which the jurisdic-
tion ofthe Court might befounded. Herethebasis isclearlystrongerthan
inthe Anglo-IranianOilCo.casewhichproduced the Order of5July 1951
granting interim measures of protection (I.C.J. Reports 1951,pp. 93-94),
though offering less outright justificationthan in the case concerning
UnitedStates Diplomaticand Consular Staff in Tehran,when the Court
adopted the Order of 15December 1979(I.C.J. Reports 1979,pp. 14-15).

51. Withregardtothe existenceofadisputebetweentheApplicantand
the Respondent whichconcernsthe "interpretation or application" ofthe
1971Montreal Convention, 1ambound to note that, onceone applies the
criteria unanimouslyestablished bythe Court inthe AdvisoryOpinion of
26 April 1988concerningthe Applicabilityof the Obligationto Arbitrate
underSection21ofthe UnitedNationsHeadquartersAgreementof26June
1947(I.C.J.Reports1988,p. 32,para. 49)while taking into consideration
the widedifference of opinion betweenthe Parties asreflected in the oral
proceedings,there cannot be the slightest doubt about the existence of a
disputepertaining tothescope,applicability and interpretation ofarious
provisions inthe Montreal Convention.
52. Inthepresentphase oftheproceedings,the Parties raised anumber
ofissuespertaining to determination ofthe questionswhether the dispute
can "besettledthrough negotiation", whethertherehasbeenarejection of
a Libyan offerto arbitrate the dispute, and what might be the legal effect

of the six-monthperiod contemplated by Article 14,paragraph 1,of the
Montreal Convention.

53. Recalling the famous dictum of the Permanent Court of Interna-
tionalJustice inthe MavrommatisPalestineConcessions(P.C.I.J.,SeriesA,
No. 2,p. 13),the Court's Order inthe caseconcerning UnitedStatesDiplo-
matic and Consular Staff in Tehran (I.C.J. Reports 1979, pp. 32-34,
paras. 52-56),and taking into account al1the relevant circumstances as
reflected in the documents submitted by the Parties, 1am of the opinion
that itwouldbesafeto concludethatthe United Kingdom and the United
Sates were not at any time, whether before or after seising the Security
Council,interestedinsettling the disputethroughnegotiations orthrough
recourse to arbitration. The Libyan notes of 8 January and 17January
1992weretotallyignored,rendering thosetwomethods ofpeaceful settle-
ment practically useless and inoperative. Thus there was no meaningful
reason to waitforthelapse ofthesix-monthperiod,particularly whenthe

wording of "within" or "dans" which figures in the text of Article 14,
paragraph 1, of the Montreal Convention does not clearly render this CONVENTION DE MONTRÉAL DE 1971(OP. DISS.EL-KOSHERI) 213

facie constituer une base sur laquelle la compétencede la Cour [sur le
fond]pourrait êtrefondée»(Passagepar leGrand-Belt,mesuresconserva-
toires,ordonnancedu 29juillet 1991,C.I.J.Recueil1991,p. 15,par. 14).
50. Conformément à ladite règleétablie,je suispersuadéquelesdispo-
sitions de l'article 14,paragraphe 1,de la convention de Montréal invo-
quéespar le demandeur semblent prima facie constituer une base sur

laquelle la compétencede la Cour pourrait être fondée. Ici, la basede
compétenceest manifestement plus solide qu'en l'affaire de 1'Anglo-
ZranianOil Co.qui a abouti àl'ordonnance du 5juillet 1951indiquant
des mesures conservatoires (C.Z.J.Recueil1951,p. 93-94),sans apporter
une justification aussi directe qu'en l'affaire relative aunneldiplo-
matique etconsulairedes Etats-Unis à Téhéran à,propos de laquelle la
Cour a adoptél'ordonnance du 15décembre1979 (C.Z.J.Recueil1979,
p. 14-15).
51. Quant à savoir s'ilexiste, entre le demandeur et le défendeur,un
différendconcernant «l'interprétationoul'application»delaconvention
de Montréalde 1971,je suistenu de faire cetteobservation: si l'onappli-
que le critère définil'unanimitépar la Cour dans l'avisconsultatif sur

1'Applicabilide l'obligationd'arbitrageen vertude la section21 de l'ac-
corddu 26juin 1947relatifau siègede l'Organisationdes Nations Unies
(C.Z.J.Recueil1988,p. 32,par. 49)et si l'onconsidèrel'ample divergence
d'opinions entrelesParties,telle qu'elles'estmanifestéelorsde la procé-
dure orale, on ne saurait avoir lemoindre doute qu'ilexistebien un diffé-
rend touchant la portée, l'applicabilitéet l'interprétationde diverses
dispositions de la convention de Montréal.
52. Dans la phase actuelle de la procédure, les Partiesont soulevéun
certain nombre de problèmesen ce qui concerne la réponse àdifférentes
questions,à savoir: le différend peut-il«êtreréglpar voie de négocia-
tion»,ya-t-ileu rejetd'une offrelibyennevisanàsoumettreledifférend à

l'arbitrage, et quels pourraient êtreles effetsjuridiques du délaide six
mois envisagédans le paragraphe 1 de l'article 14de la convention de
Montréal?
53. Ayant présent à l'esprit la célèbre déclaratide la Cour perma-
nente deJusticeinternationale dans l'affaire descessionsMavromma-
tis en Palestine(C.P.J.Z.sérieno2,p. 13)ainsi que l'ordonnance de la
Courdans l'affaire concernantle Personneldiplomatiqueet consulairedes
Etats-Unis àTéhéra(n C.Z.J.Recueil1979,p. 32-34,par. 52-56),et tenant
compte de toutes les circonstances pertinentes telles qu'ellesressortent
des documents soumis par les Parties, je considère commelégitimede
conclure qu'à aucun moment, soit avant d'avoir saisile Conseil de sécu-

rité, soit après l'avoirsaisi, les Etats-Unis et le Royaume-Uni n'étaient
intéressésàrégler ledifférendpar voie de négociation ou d'arbitrage.Il
n'aététenu aucun comptedesnotesde la Libyeen datedu 8janvier et du
17janvier 1992,cequi,enpratique, rendait cesdeuxmoyens derèglement
pacifique inutiles et inopérants. Dansces conditions, il n'yavait pas de
raison sérieused'attendre que soitécoulle délaide sixmois,alors qu'en
particulier, étant donnéla manière dont est libellé leparagraphe 1 de214 1971 MONTREALCONVENTION (DISSO. P.EL-KOSHERI)

time elementa mandatory requirement which bars recourse to the Court
before its expiration.

54. Theexerciseby the Court ofitspowerto indicateprovisional mea-
sures is subject, according to the wording of Article 41, to the Court's
determination that "circumstancesso require". In this respect, theestab-
lishedjurisprudence of the Court with regard to the implications of this
phrase has recentlybeen formulated in the followingterms :

"Whereasthe power ofthe Courtto indicateprovisionalmeasures
under Article 41 of the Statute of the Court has as its object to pre-
servethe respectiverights of the parties pending the decision of the
Court, and presupposes that irreparable prejudice should not be
causedto rights which arethe subject ofdisputein judicial proceed-
ings" (Passagethrough theGreatBelt(Finland v. Denmark), Provisional
Measures, Orderof29July1991,Z.C.J.Reports1991,p. 16,para. 16).

55. Without going into details which are at present not needed in the
light of the Order rendered by the Court, the principles underlining the
adoption ofthe Montreal Conventioninclude the rule autdedere,autjudi-
care (or aut dedere, aut punire,as the case may be in view of the stage
reached, which has been explained by Judge Guillaume in his course at
the Hague Academy of International Law, RCADZ,op. cit., Chap. IV,
pp. 354-371).The rule in questionnecessarilyimpliesconfirmation ofthe
deeply rooted principle of general international law according to which
no State can be obligedto extraditeanypersons,particularly its own citi-
zens, in the absence of a treaty explicitlyproviding for such extradition.
In particular, the provisions of Article 7 read with Article 8 (2)of the
MontrealConvention entitle anyContractingStateto refuseextraditionin
al1cases not subject to an existingextradition treaty. This has been con-
firmed,through approval bymorethan 130Contracting States,asa sover-
eign right recognized by general public international law. Accordingly,

under the Montreal Convention,no other State or group of Statescan be
considered entitled to force another State to extradite, and this applies
particularlywithregard to itsowncitizenswhentheir extradition is prohi-
bited under the State'sdomestic legal system.

56. Neither the United Kingdom nor the United States enjoys in this
respectanyrightother than those enjoyedby al1other Contracting States,
includingLibya:hence, ifeithercountry isfacedin the future witha simi-
lar situation where their authorities are requested to extradite, the same
rule of aut dedere,autjudicarewill apply. In other words, no irreparable
prejudice could be caused to the conventional rights acquired by the
respectivePartiestothepresentproceedings ifthe rule autdedere,autjudi-
careisfullyimplemented. Onthe contrary,irreparable prejudice to Libya l'article14delaconventiondeMontréal(«within»dansletexteanglaiset
«dans » dans le texte franqais), il ne ressort pas clairement du contexte
que cet élémenttemporel constitueune condition obligatoireinterdisant
lerecours àla Cour avant l'expiration de cedélai.
54. Selonl'article41du Statut,lorsque laCour «estimequelescircons-
tances l'exigent»,elle a le pouvoir d'indiquer quellesmesures conserva-
toires doiventêtreprises.Lajurisprudence établiede laCour pour cequi

estdesincidencesdecemembredephrase aétéformuléerécemmed natns
lestermes suivants :
«Considérant que le pouvoir d'indiquer des mesures conserva-
toires conféréà laCour par l'article41de son Statut a pour objet de
sauvegarderledroit de chacunedesparties enattendantque laCour
rende sa décision,etprésuppose qu'un préjudice irréparabln ee doit

pas être causé aux droits en litige dans une procédure judiciaire))
(Passagepar leGrand-Belt(Finlandec.Danemark),mesures consewa-
toires,ordonnance du29juillet1991,C.Z.JR. ecueil1991,p.16,par. 16).
55. Sans entrer dans des détails qui sont actuellement inutiles étant
donnél'ordonnance rendue par la Cour,je dirai qu'au nombre desprin-
cipes sous-jacents à l'adoption de la convention de Montréal figure la
règleaut dedereautjudicare(ou autdedereautpunire,selonlecas,compte

tenu dustade ou enestl'affaire,comme l'aexpliquéM.Guillaumelorsdu
cours qu'il a donné à l'Académiede droit international de La Haye,
RCADZ,op.cit.,chap. IV,p.354-371).Larègleenquestionimpliquenéces-
sairement confirmation du principe profondément enracinédu droit
international généralselonlequel aucun Etat ne peut êtro ebligéd'extra-
der quiconque, en particulier ses propres citoyens, s'il n'existe pas un
traité prévoyantexplicitementcetteextradition. Enparticulier, lesdispo-
sitions de l'article considéréesconjointement aveccelles de l'article 8,
paragraphe 2,de la convention de Montréaldonnent à tout Etat contrac-
tant le droit de refuser l'extradition dans tous les cas non assujettis
traité d'extradition existant.Cela aétconfirmé,du fait de l'approbation
donnéepar plus de centtrente Etats contractants,comme un droit souve-
rainreconnu par ledroitinternational publicgénéralE . n conséquence,la
convention de Montréal interditde considérerun Etat ou groupe d'Etats

commeayant ledroit deforcerun autre Etat à extraderquiconque,etcela
est applicable en particulier pour ce qui est des propres citoyens de cet
autre Etat lorsque leur extradition est interdite en vertu du systèmejuri-
dique interne dudit Etat.
56. Ni les Etats-Unisni le Royaume-Uni nejouissent à cet égard d'un
droit autre que ceux dont jouissent tous les autres Etats contractants, y
comprisla Libye ils'ensuitque,sil'un oul'autre desdeuxpayssetrouve à
l'avenirdansune situation semblable,situation où une demande d'extra-
dition seraitadresséeauxautoritésdupays,la mêmerègle autdedere aut
judicaresera applicable. En d'autrestermes, aucun préjudice irréparable
ne pourrait être causé aux droits conventionnels acquis par les Parties
respectives àla présente procéduresi la règleaut dedere autjudicareest215 1971 MONTREAL CONVENTION (DISS .P.EL-KOSHERI)

would ensueifitisforcedto deliverto anotherStateits owncitizens,since
the State's sovereignright recognized under the Montreal Convention
would then suffertotal eclipseand extinction.Suchdeprival ofthe State's
sovereigntycouldnotbe remedied atany laterstagebythe Court, andthat
is a sure test of the irreparability of the prejudice. In a nutshell, once a
forced surrender takes place,the present caserelated to the interpretation
and application of the Montreal Convention will become meaningless,
sincethere willbe no more legal issueto be adjudicated. Butthis willnot
have occurredthrough due application of law.

57. For al1the above-stated considerations, 1 was and remain of the
opinion that the circumstancesofthe present caserequired the indication
ofprovisional measures,particularly sincethere wasextremeurgencyfor
the Court to act inorder to avoidthe coming into force of the sanctions
adopted by the Security Council under certain paragraphs of resolu-
tion 748(1992),a decisiontaken bythe SecurityCouncil inthe exerciseof
its powers under Chapter VII, hence outside the scope of the legal issue
pending beforethe Court.

58. With regard to what provisional measures could be considered
appropriate, taking into account al1the relevant circumstances of the
present case, it has to be noted thatder Article 41 of the Statute of the
Court the determination ofthe measuresto beindicated should establish
a balance betweenthe "respectiverights ofthe parties". In the exerciseof
its powers and in conformity with Article 75 of its Rules the Court may
decide to indicate proprio motumeasures "that are in whole or in part
other than those requested, orthat ought to betaken or complied withby
the party which has itselfmade the request".

59. Inthisrespect,specialattentionhas tobefocused ontheinteresting
precedentestablished asa resultofthe Order ofJanuary 1968rendered by
the Chamber ofthe International Court ofJusticeformedto dealwiththe
case concerningthe FrontierDispute (BurkinF aaso/RepublicofMali).In
considering the indication proprio motu of provisional measures the
Chamber declared :

"18. Consideringthat,independently oftherequestssubmitted by
the Parties for the indication of provisional measures, the Court or,
accordingly,the çhamber possessesbyvirtue ofArticle 41ofthe Sta-

tute the power to indicate provisional measures with a viewto pre-
venting the aggravation or extension of the dispute whenever it
considersthat circumstances sorequire;
19. Whereas, in particular ... the principal judicial organ of the
UnitedNations, withaviewtothepeaceful settlementofadispute,in
accordance withArticle 2,paragraph 3,and Article33ofthe Charter
of the United Nations ...there can be no doubt of the Chamber'spleinement appliquée.En revanche,la Libyesubiraun préjudice irrépa-
rable si elle estforcéede livrern autre Etat sespropres citoyens,car le
droit souverain qui est reconnu à 1'Etatpar la convention de Montréal
seraitalorstotalement éclipséet anéanti.La Cour ne pourrait remédier à
aucunstadeultérieur àunetelleprivation desouverainetésubiepar l'Etat,
et cela est une preuve certaine du caractèreirréparabledu préjudice.En
un mot, dès lors qu'auralieu un transfert forcé,la présente affaire,liée
l'interprétationet à l'application de la convention de Montréal,perdra
tout son sens,car il n'yaura plus de problèmejuridiqueà trancher. Mais
cela ne seproduira pas si l'onrespectedûment le droit.
57. Pour toutes les raisons exposées ci-dessus,j'étaiset je demeure
d'avisquelescirconstancesdelaprésenteaffaireexigeaientquel'on indi-
que des mesures conservatoires, étant donné enparticulier qu'il était
extrêmement urgent que laCour agisse de manière à éviter l'entrée en
vigueur des sanctions adoptéespar le Conseil de sécuritédans certains
paragraphes delarésolution748(1992),décisionprisepar leConseildans

l'exercicedes pouvoirs détenuspar lui en vertu du chapitre VII, et par
conséquentendehorsdu cadredu problèmejuridique devantêtretranché
par la Cour.
58. Quant à savoir quelles mesures conservatoires pourraient être
considérées commeappropriées, comptetenude toutes lescirconstances
pertinentes de la présente affaire,il y a lieu de faire observerqu'en vertu
de l'article41 du Statut de la Cour la détermination des mesures indi-
quer doit respecter l'équilibre entre les droits respectifs des Parties,
puisqu'ilestquestiondans cetarticle de«mesures conservatoiresdudroit
de chacun». Dans l'exercice de ses pouvoirs, et conformément à l'ar-
ticle 75 de son Règlement,la Cour peut décider d'indiquer d'office des
mesures«totalement ou partiellement différentesde cellesqui sontsolli-
citées,ou des mesures àprendre ou àexécuterpar la Partie mêmedont
émanelademande ».
59. A cet égard,il y a lieu d'appeler spécialement l'attentionsur le
précédent intéressant qui a été étapbalri l'ordonnance rendue en janvier
1986par la Chambre de la Cour internationale de Justice qui avait été
constituéepour s'occuper de l'affaire concernant leDifférend frontalier

(Burkina Faso/République du Mali).Traitant des mesures conservatoires
à indiquer d'office, cetteChambre a déclaréce qui suit:

«18. Considérant que, indépendamment des demandes présen-
téespar les Parties en indication de mesuresconservatoires,la Cour
ou, par conséquent,la Chambre dispose en vertu de l'article 41 du
Statut du pouvoir d'indiquer des mesures conservatoires en vue
d'empêcher l'aggravation ou l'extension du différend quand elle
estimeque lescirconstancesl'exigent;
19. Considéranten particulier que ...organejudiciaire principal
des Nations Unies, en vue du règlementpacifique d'un différend,
conformément aux articles2, paragraphe 3, et 33 de la Charte des
Nations Unies ..lepouvoir etledevoir dela Chambre d'indiquer, le 216 1971 MONTREAL CONVENTION (DISS. OP.EL-KOSHERI)

power and duty to indicate, ifneedbe, such provisional measures as
may conduce tothe due administration ofjustice;. .."(Z.C.J. eports
1986,p. 9.)
60. 1am ofthe opinionthat the Court should have acted in that sense,
inthe lightofthe specialcircumstanceofthepresent casecharacterizedby
the factthat the two Libyanssuspectedto bethe authors ofthe Lockerbie
massacre could not possibly receive a fair trial, neither in the United
Statesor in the United Kingdom, nor in Libya.
61. With al1my sense of deepest admiration for the judicial systemof

the oldest contemporary democracy,the country of Magna Carta (1215)
and the Billof Rights (1688),1seriouslydoubt, nevertheless,thatthe two
Libyan suspectscould have a fair trial in the United Kingdom. Asjustly
observedby Professor Mauro Cappelletti, even in the field of civillitiga-
tion :
"One is tempted to believe that the proposition that even in
England certainprocedural rights and guaranteesare, and havelong
since,beenconsideredbasic to afairadministration ofjustice,hasno
juridical meaning at all." (Fundamental Guarantees of the Partie is
CivilianLitigation,ed. Mauro Cappelletti and Denis Tallon, Milan,

1973,p. 70.)
62. Concerning criminal proceedings,the world legal communitycan-
not easily forget that both the European Commission and Court of
Human Rightsconcluded that the United Kingdomhad violated Article3
of the European Convention on Human Rights by inflicting inhumane
and degradingtreatment on prisonerssuspected ofterrorism, in the sense
of arousing "feelingsof fear,anguish and inferioritycapable of humiliat-
ing and debauchingthem and possibly breaking their physical or moral
resistance";and forusingtheso-called "fivetechniques"causing "at least
intense physical and mental sufferingas wellasleading to acute psychia-
trie disturbance during interrogation"(Judgment of 18January 1978,case

of Irelandv. The UnitedKingdom,Publicationsof theEuropeanCourt of
HumanRights,SeriesA, Judgments and DecisionsV , ol. 25, pp. 59-94).1
haveno doubt at al1that the British Governmenttookthiscondemnation
to heart and has done itsutmost to eliminateal1such inhumane methods.
Nevertheless,bearing inmindtheheinousnature ofthecrimesimputedto
the Libyansuspects,one maystillunderstandthesuspicioninsome minds
that fairness might have limitsin their respect.

63. In the United States of America an even more disturbing factor
wouldresultfromtheextraordinaryimpact ofthe massmedia andthe role
it plays inrenderingalmostimpossiblethe conduct offairtrial byjury, as
witnessthepublic debates arousedasa result ofwhat happened in anum-
ber ofrecent cases.Suchsituation isin clearconflictwiththe requirement
for "a fair and publichearing by an independent and impartialtribunal" CONVENTION DE MONTRÉALDE 1971(OP. DIS. EL-KOSHERI) 216

cas échéant, des mesures conservatoirescontribuant à assurer la
bonne administration de la justice ne sauraient faire de doute»
(C.Z.J.Recueil1986,p. 9).
60. Selon moi, la Cour aurait dû agir dans ce sens, étant donnéla
circonstanceparticulièredelaprésenteaffaire,caractérisép ear lefait que
lesdeux Libyenssoupçonnés d'êtrleesauteurs du massacre de Lockerbie
ne sauraient bénéficier d'un procès équitabln ei aux Etats-Unis ni au

Royaume-Uni, ni non plus en Libye.
61. Malgrétoute l'admiration quej'éprouvepour le systèmejudiciaire
de la plus ancienne des démocraties contemporaines,pour le pays de la
Magna Carta (1215)et du BillofRights(1688),je doute sérieusementque
les deux suspects libyens puissent bénéficier d'un procès équitabla eu
Royaume-Uni. Comme l'a fait justement observer le professeur Mauro
Cappelletti, mêmedans le domaine desprocèscivils :
«On est tentéde penser que, mêmeen Angleterre, l'idéeque

certains droits et garanties de procédure sont considérés, et depuis
longtemps, comme essentiels pour une bonne administration de la
justice est, du point de vuejuridique, dépourvuede sens.» (Funda-
mentalGuaranteesof theParties in CivilianLitigation,publié sous la
direction de Mauro Cappelletti etDenisTallon,Milan, 1973,p.670.)
62. En ce qui concerne les affaires pénales,Pacommunautéjuridique
mondiale ne saurait.oublier aisément qu'à la foisla Commission euro-
péenneet la Cour européenne des droitsde l'hommeont conclu que les
autoritésdu Royaume-Uniavaient violél'article 3de la convention euro-
péenne desdroitsde l'hommeen infligeant à desprisonniers soupçonnés

d'avoircommisdes actes de terrorisme un traitement inhumain et dégra-
dant - car on avait provoquéchez ces prisonniers «des sentiments de
peur, d'angoisse et d'infériorité propresàles humilier, àles avilir eà
briser éventuellementleurrésistancephysiqueoumorale» - etenrecou-
rant àce que l'on aappeléles «cinq techniques »,àsavoir des méthodes
provoquant «du moins de vivessouffrancesphysiques et morales [et]de
surcroît ...des troubles psychiques aigus en cours d'interrogatoire))
(arrêtdu 18janvier 1978,dans l'affaire Irlandec.Royaume-Uni, Publica-
tionsdelaCoureuropéennd eesdroitsdel'homme,sérieA,arrêtsetdécisions,
vol.25,p. 59-94).Jene doute nullement queleGouvernement britannique
ait pris cette condamnation très au sérieux etqu'il ait fait tout ce qui lui
était possiblede faire pour mettre finàdes pratiques aussi inhumaines.
Néanmoins, comptetenu du caractère odieux des crimes imputés aux
suspects libyens, on peut comprendre qu'aux yeux de certains l'équité

puisse avoirdes limitesà l'égardde cessuspects.
63. Aux Etats-Unis d'Amérique la situation serait encore plus alar-
mante, et cela en raison de l'importance extraordinaire des grands
organesd'information etde la manièredont cesderniersrendent presque
impossibleledéroulementd'un procèséquitabledevanu tnjury d'assises,
commeentémoignentlescontroversespubliques suscitéespar cequi s'est
produitdansun certain nombre d'affaires récentes.Unetellesituationest 217 1971 MONTREAL CONVENTION (DISS O.P.EL-KOSHERI)

provided for under Article 10ofthe 1948United Nations Universal Dec-

laration of Human Rights; and equally Article 14,paragraph 1, of the
1966United Nations Convention on Civil and Political Rights, which
emphasizesthe existenceof "special circumstancewherepublicitywould
prejudice the interests of justice".

64. At the same time, in view of the fact that the two Libyan suspects
were or are still working for the Government of their country, and that
their trial could eventuallyead to the emergenceof a subsequent caseof
StateinternationalresponsibilityagainstLibya, 1feelthat thisfactualsitua-
tion constitutes sufficient grounds to doubt that theinterest of both the
United States and the United Kingdom in ensuring a fairtrial could be
adequately safeguarded in casethetrial were conducted in Libya.What-

evermaybethe meritsofthe Libyanjudicial systemunder normal circum-
stances, the need for an even-handed and just solution leads me to
consider, within the special context of the present case, that the Libyan
domestic courts could not be the appropriate forum. This conclusion
derives logically and necessarilyfrom the fundamental legal principles,
deeply rooted in the legal traditions of the major systems, particularly
Islamic law (Weeramantry, Islamic Jurisprudencea , n InternationalPer-
spective,MacMillan Press, 1988,pp. 76-77and 79-81),accordingto which
nemodebetessejudexinpropriasuacausa.

65. Under the above-mentioned special circumstances of the dispute
between the Parties, andinthe exerciseofthe Court's inherentpowerfor
the peacefulsettlementofdisputes, to ensuretheproper administration of
justice, and in view of preventing the aggravation and extension of the
dispute, 1am of the opinion that the Court could have indicated proprio

motu provisionalmeasures to the effectthat :
- Pending a final decision of the Court,the two suspects whose names
are identified in the present proceedings should be placed under the
custody of the governmental authorities in another State that could
ultimatelyprovide a mutuallyagreed and appropriate forum fortheir
trial.
- Moreover,the Court could haveindicated that the Partiesshouldeach

ofthem ensure that no action of any kind istaken which might aggra-
vate or extend the dispute submitted to theCourt or likelyto impede
theproper administrationofjustice.

(Signed)Ahmed Sadek EL-KOSHERI.manifestementcontraireaux dispositionsselonlesquellestoute personne
a droit«à ce que sa cause soit entendue par un tribunal indépendant et
impartial)), qui figurentà l'article 10de la déclaration universelle des
droitsdel'homme,adoptéeen 1948parl'organisation desNations Unies ;
ettoutautant contraireauxdispositions duparagraphe 1del'article 14du
pacteinternationalrelatifauxdroits civilsetpolitiques,adoptéparl'Orga-

nisation desNations Unies en 1966,lequelinsistesur lescasou, enraison
des ((circonstancesparticulières de l'affaire, la publicité nuirait aux inté-
rêtsde lajustice».
64. Parallèlement,étant donnéque les deux suspects libyens travail-
laient outravaillentencore pour legouvernementde leurpays et queleur
procès pourrait finalement déboucher sur une affaire ultérieure de
responsabilitéinternationale des Etats dans laquellela Libyeseraitaccu-
sée,cette situation de fait constitue selon moi une raison suffisante de
douter que, si le procès avaitlieu en Libye, cela serviraitvéritablement
l'intérêt manifestàlafoispar lesEtats-Uniset par le Royaume-Uni pour
cequiestde faireen sorte qu'ilsoitéquitable.Quelsque soientlesmérites

du systèmejudiciaire libyen dans des circonstances normales, le souci
d'une solution impartiale et juste me conduit à considérer, dans le
contexte particulier de la présente affaire,que les tribunaux nationaux
libyens ne pourraient constituer un forum conveniens.Cette conclusion
découle logiquementet nécessairement des principes juridiques fonda-
mentaux,profondément enracinésdans lestraditionsjuridiques des prin-
cipaux systèmes, et en particulier du droit islamique (Weeramantry,
Islamic Jurisprudence,an InternationalPerspective,MacMillan Press,
1988,p. 76-77et p. 79-81),selon lesquelsnemodebet essejudexinpropria
sua causa.
65. Dans lecadredescirconstancesparticulières du différend entreles
Parties et de l'exercicedes pouvoirs dont dispose la Cour pour le règle-

mentpacifique desdifférends,afin d'assurerla bonne administration de
lajustice etde prévenirl'aggravationet l'extensiondu différend, laCour
aurait pu selon moiindiquer d'office des mesuresconservatoiresvisant à
ce que :
- enattendantune décisiondéfinitive delaCour, lesdeuxsuspectsdont

lesnomssontavancésdans laprésenteaffairesoientconfiés àlagarde
desautorités gouvernementalesd'un Etattiersquipourrait fournirun
forumconveniensdanslecadred'un accordmutuel.

- En outre,la Cour aurait pu indiquer que lesPartiesdevaient,chacune
encequilaconcerne,veiller àcequ'aucune mesure,quellequ'ellesoit,
ne soit prise qui puisse provoquer une aggravation ou une extension
du différendsoumis à laCour, ouquisoitdenature àfaireobstacle àla
bonne administration delajustice.

(Signé)Ahmed Sadek EL-KOSHERI.

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Document Long Title

Opinion dissidente de M. El-Kosheri, juge ad hoc (traduction)

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