Déclaration commune de MM. Evensen, Tarassov, Guillaume et Aguilar Mawdley

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089-19920414-ORD-01-03-EN
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089-19920414-ORD-01-00-EN
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DÉCLARATION COMMUNE DE MM. EVENSEN, TARASSOV,
GUILLAUME ET AGUILAR MAWDSLEY

Nous souscrivonspleinement aujugement de laCour, maissouhaitons
l'accompagner descommentairescomplémentairessuivants.

1. Avanttoute intervention dans cetteaffaire du Conseil de sécurité,la
situation juridique était, notre sentiment, claire. Les Etats-Unis et le
Royaume-Uni étaienten droit de demander àla Libye l'extradition des
deux ressortissantslibyens accuséspar lesautoritésaméricaineetbritan-
nique d'avoir contribuéàla destruction de l'aviondisparu lors de l'inci-
dent de Lockerbie.Ilspouvaient mener àcettefin toute action conforme
au droit international. La Libyeétaitde son côtéen droit de refuser une
telle extradition et de rappelercet effet que son droit interne, comme
d'ailleurs celuide nombreux autrespays,prohibe l'extradition desnatio-
naux.
2. Au regard du droit international général, l'extraditionest en effet

une décision souverainede 1'Etatrequis qui n'estjamais tenu d'yprocé-
der. Par ailleurs,iln'existepas en droit international générald'obligation
depoursuite àdéfaut d'extradition.Siune telleformuleapu êtrepréconi-
séepar une partie de la doctrine depuis Covarruvias et Grotius, elle n'a
jamais fait partie du droit positif. Dans ces conditions, tout Etat est libre
de solliciterune extradition et tout Etat est libre de la refuser. En cas de
refus, iln'estpas tenu d'engager despoursuites.
3. Une dizaine de conventions internationales conclues depuis 1970
sousl'égidedes Nations Unies ou desinstitutions spécialiséesont cepen-
dant modifié la situationde droit entre Etats parties à ces conventions.
La convention de Montréaldu 23 septembre 1971pour la répression
d'actesillicitesdirigés contre la sécurde l'aviationcivilefigure parmi
cesconventions.LesEtats-Unis,laLibyeetleRoyaume-Unisontparties à

ladite convention.
Celle-cidispose en son article 7 que
«L'Etat contractant sur le territoire duquel l'auteur présuméde
l'une des infractions est découvert,s'il n'extrade pas ce dernier,

soumetl'affaire, sansaucune exception etquel'infraction aitounon
étécommise sur son territoire, à ses autorités compétentespour
l'exercicede l'action pénale.

En son article 5, elle traite des compétencesjuridictionnelles en vue de
faciliter lespoursuites. En son articlellerend plus aiséel'extradition,
maisne créeaucune obligation àcet égard.
Ainsi,la convention de Montréal qui, ànotre avis, était applicable enl'espèce,n'interdisait paà la Libye de refuser aux Etats-Unis et au
Royaume-Uni l'extradition des accusés.Elle impliquait seulement qu'à
défaut d'extradition l'affaire soit soumisepar la Libàeses autorités
compétentespour l'exercicede l'action pénale.
4. Cette situation n'a pas, au cas particulier, été jusatisfaisante
par le Conseil de sécurité agissant en vuede lutter contre le terrorisme
international dans le cadre du chapitreVI1de la Charte des Nations
Unies. LeConseil,par résolution731(1992)du 21janvier 1992(par. 3),a
demandéinstamment «aux autoritéslibyennes d'apporter immédiate-
ment une réponse complète et effective))aux demandesde remise des
accusésprésentéespar lesEtats-UnisetleRoyaume-UniP .uis,par résolu-
tion 748 (1992) du 31 mars 1992,il a décidé que«le Gouvernement
libyen doit désormais appliquer sans le moindre délai le paragraphe 3

de la résolution731(1992)concernant les demandes»en cause.
Dans ces conditions, c'estàbon droit que la Cour, statuant sur une
demandeen indication de mesuresconservatoiresprésentéepar la Libye
afin de préserverla situation juridique antérieure aux résolutionsdu
Conseil de sécurité, a constales modifications apportéesàcettesitua-
tion etestimépar voiedeconséquencequelescirconstancesdel'espèce ne
sont pas de natureàexiger l'exercicede son pouvoir d'indiquer de telles
mesures.

(Signé)Jens EVENSEN.

(Signé)Nikolai TARASSOV.
(Signé)Gilbert GUILLAUME.
(Signé)AndrésAGUILAM RAWDSLEY.

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DÉCLARATION COMMUNE DE MM. EVENSEN, TARASSOV,
GUILLAUME ET AGUILAR MAWDSLEY

Nous souscrivonspleinement aujugement de laCour, maissouhaitons
l'accompagner descommentairescomplémentairessuivants.

1. Avanttoute intervention dans cetteaffaire du Conseil de sécurité,la
situation juridique était, notre sentiment, claire. Les Etats-Unis et le
Royaume-Uni étaienten droit de demander àla Libye l'extradition des
deux ressortissantslibyens accuséspar lesautoritésaméricaineetbritan-
nique d'avoir contribuéàla destruction de l'aviondisparu lors de l'inci-
dent de Lockerbie.Ilspouvaient mener àcettefin toute action conforme
au droit international. La Libyeétaitde son côtéen droit de refuser une
telle extradition et de rappelercet effet que son droit interne, comme
d'ailleurs celuide nombreux autrespays,prohibe l'extradition desnatio-
naux.
2. Au regard du droit international général, l'extraditionest en effet

une décision souverainede 1'Etatrequis qui n'estjamais tenu d'yprocé-
der. Par ailleurs,iln'existepas en droit international générald'obligation
depoursuite àdéfaut d'extradition.Siune telleformuleapu êtrepréconi-
séepar une partie de la doctrine depuis Covarruvias et Grotius, elle n'a
jamais fait partie du droit positif. Dans ces conditions, tout Etat est libre
de solliciterune extradition et tout Etat est libre de la refuser. En cas de
refus, iln'estpas tenu d'engager despoursuites.
3. Une dizaine de conventions internationales conclues depuis 1970
sousl'égidedes Nations Unies ou desinstitutions spécialiséesont cepen-
dant modifié la situationde droit entre Etats parties à ces conventions.
La convention de Montréaldu 23 septembre 1971pour la répression
d'actesillicitesdirigés contre la sécurde l'aviationcivilefigure parmi
cesconventions.LesEtats-Unis,laLibyeetleRoyaume-Unisontparties à

ladite convention.
Celle-cidispose en son article 7 que
«L'Etat contractant sur le territoire duquel l'auteur présuméde
l'une des infractions est découvert,s'il n'extrade pas ce dernier,

soumetl'affaire, sansaucune exception etquel'infraction aitounon
étécommise sur son territoire, à ses autorités compétentespour
l'exercicede l'action pénale.

En son article 5, elle traite des compétencesjuridictionnelles en vue de
faciliter lespoursuites. En son articlellerend plus aiséel'extradition,
maisne créeaucune obligation àcet égard.
Ainsi,la convention de Montréal qui, ànotre avis, était applicable en JOINT DECLARATION OF JUDGES EVENSEN, TARASSOV,
GUILLAUME AND AGUILAR MAWDSLEY

[Translation]

We agreefully with the decision of the Court,but wish to make some
additional comments on it.

1. Before the Security Council became involved in the case the legal
situation was, in our view, clear. The United Kingdom and the United
Stateswereentitledto request Libyato extraditethe two Libyannationals
chargedbythe American and Britishauthorities with havingcontributed
to the destruction ofthe aeroplane lostinthe Lockerbieincident. Forthis
purpose they couldtake any action consistent with international law.For
its part, Libya was entitled to refuse such an extradition and to recall in
that connectionthat, in commonwiththe lawofmany other countries,its
domesticlawprohibits the extradition of nationals.

2. In so far as general international law is concerned, extradition is a
sovereign decisionofthe requested State, which isneverunder an obliga-
tionto carryit out.Moreover,ingeneralinternational lawthere isno obli-
gation to prosecute in default of extradition. Althoughsince the days of
Covamvias and Grotius such a formula has been advocated by some
legalscholars, it hasever been part ofpositive law.Thisbeing so, every
Stateis at libertyto request extradition and everyStateis freeto refuse it.
Should it refuse,a Stateis not obligedto prosecute.
3. Ten international conventions adopted under the aegis of the
United Nations or the specialized agencies since 1970have nevertheless
modified the legalsituation between the parties tothose conventions.
The Montreal Convention of23September 1971for the Suppression of
Unlawful ActsAgainstthe Safety of Civil Aviation is one of the conven-
tions mentioned. Libya,the United Kingdom and the United States are
parties to it.
The Conventionprovides, in Article7,that

"The Contracting State inthe territory of whichthe allegedoffen-
der is found shall, if it does not extradite him, be obliged, without
exceptionwhatsoever and whether ornotthe offencewascommitted
in itsterritory, to submit the caseto its competent authorities for the
purpose ofprosecution."

InArticle5the Conventiondeals withjurisdictional questionsfor thepur-
pose offacilitatingprosecution. In Article8the Convention makesextra-
dition easier,but without creatinganyobligationin that regard.
Thus,the Montreal Convention,whichinOuropinion wasapplicableinl'espèce,n'interdisait paà la Libye de refuser aux Etats-Unis et au
Royaume-Uni l'extradition des accusés.Elle impliquait seulement qu'à
défaut d'extradition l'affaire soit soumisepar la Libàeses autorités
compétentespour l'exercicede l'action pénale.
4. Cette situation n'a pas, au cas particulier, été jusatisfaisante
par le Conseil de sécurité agissant en vuede lutter contre le terrorisme
international dans le cadre du chapitreVI1de la Charte des Nations
Unies. LeConseil,par résolution731(1992)du 21janvier 1992(par. 3),a
demandéinstamment «aux autoritéslibyennes d'apporter immédiate-
ment une réponse complète et effective))aux demandesde remise des
accusésprésentéespar lesEtats-UnisetleRoyaume-UniP .uis,par résolu-
tion 748 (1992) du 31 mars 1992,il a décidé que«le Gouvernement
libyen doit désormais appliquer sans le moindre délai le paragraphe 3

de la résolution731(1992)concernant les demandes»en cause.
Dans ces conditions, c'estàbon droit que la Cour, statuant sur une
demandeen indication de mesuresconservatoiresprésentéepar la Libye
afin de préserverla situation juridique antérieure aux résolutionsdu
Conseil de sécurité, a constales modifications apportéesàcettesitua-
tion etestimépar voiedeconséquencequelescirconstancesdel'espèce ne
sont pas de natureàexiger l'exercicede son pouvoir d'indiquer de telles
mesures.

(Signé)Jens EVENSEN.

(Signé)Nikolai TARASSOV.
(Signé)Gilbert GUILLAUME.
(Signé)AndrésAGUILAM RAWDSLEY. 1971 MONTREAL CONVENTION (JOINTDECL.) 137

this case,did not prohibit Libyafromrefusingto extradite the accusedto
the United Kingdom or the United States. It implied merelythat, in the
absence of extradition, Libya had to submit the case toits competent
authorities fortheurpose of prosecution.
4. Thissituationwasnot,in the present case,consideredsatisfactoryby
the SecurityCouncil, which was acting, with a viewto combating inter-
national terrorism, within the framework of Chapter VI1 of the
United Nations Charter. By resolution 731 (1992)of 21 January 1992
(para. 3),the Councilurged "the LibyanGovernmentimmediatelyto pro-
vide a full and effectiveresponse" to the requests forthe surrender ofthe

accused made by the United Kingdom and the United States. Subse-
quently, by resolution 748 (1992)of 31March 1992,it decided "that the
Libyan Government must now comply without any further delay with
paragraph 3 of resolution 731(1992)regarding the requests" in question.
Thisbeing so,theCourt, pronouncing onarequest forthe indication of
provisional measures submitted by Libya in order to preserve the legal
situation existing prior to the adoption of the Security Councilolu-
tions, was fullyjustified in noting the changes that had occurred in that
situation and holding, accordingly, that the circumstances of the case
were not such as to require the exercise of its power to indicate such
measures.

(Signed)Jens EVENSEN.

(Signed) NikolaiTARASSOV.
(Signed)Gilbert GUILLAUME.

(Signed)AndrésAGUILAM RAWDSLEY.

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Déclaration commune de MM. Evensen, Tarassov, Guillaume et Aguilar Mawdley

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