Opinion individuelle de M. Oda (traduction)

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090-19980310-ORD-01-01-EN
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OPINION INDIVIDUELLE DE M. ODA

[Traduction]

1. J'ai vot- mais avec réticence- en faveur de l'ordonnance qui a
étéadoptéepresque à l'unanimité.
Cependant j'estime injustifiéque la Cour ait décidé, à ce stade et sous
la forme d'une ordonnance, que «la demande reconventionnelle pré-
sentéepar les Etats-Unis dans leur contre-mémoire estrecevable comme
telle et fait partie de l'instance enurs)) (ordonnance, p. 206, par. 46,
al. A).

Il me semble que la décisionde la Cour dans cette ordonnance éta-
blit un précédentassez regrettable dans sa jurisprudence relative aux
demandes reconventionnelles.

2. Dans l'instance actuelle concernant les Plates-formes pétrolières,
que l'Iran a introduite unilatéralement contre les Etats-Unis le 2 no-
vembre 1992, l'Iran a déposéson mémoirele 8juin 1993.Les Etats-Unis
ont présentéleur exception préliminaire à la compétencede la Cour le
16décembre1993(dans le délai fixpéar la Cour pour le dépôtdu contre-
mémoire), mais la Cour a rejeté cette exception dans son arrêt du
12 décembre1996 et jugé qu'elle «a compétence,sur la base du para-
graphe 2 de l'articleXXI du traité de1955,pour connaître des demandes
formuléespar [l'Iran]au titre du paragraphe 1de l'articleX dudit traité))

(Plates-formes pétrolières (République islamique d'Iran c. Etats-Unis
d'Amérique),exceptionpréliminaire,C.I.J. Recueil 1996,p. 821,par. 55,
al. 2).
Le 23juin 1997,dans le délaifixé àcet effetpar le présidentde la Cour,
les Etats-Unis ont déposé leur contre-mémoireintitulé ((Contre-mémoire
et demande reconventionnelle)).Dans leurs conclusions, les Etats-Unis,
d'une part, prient la Cour de dire et juger «que les Etats-Unis n'ont
pas enfreint leurs obligations envers [l'Iran] au titre du paragraphe 1 de
l'article X du traité» et que«les demandes de [l'Iran]doivent en consé-
quence êtrerejetées)).Par ailleurs, la sixièmepartie du contre-mémoire
des Etats-Unis expose leur demande reconventionnelle et, dans leurs

conclusions, les Etats-Unis prient la Cour de dire et juger, s'agissant de
leur demande reconventionnelle :
«1. Qu'enattaquant lesnavires,en mouillant des minesdans le Golfe
et en menant d'autres actions militaires en 1987 et 1988 qui étaient dangereuseset dommageables pour le commerce mari-
time, [l'Iran]a enfreint ses obligations envers les Etats-Unis au
titre de l'articledu traitéde 1955; et
2. Que [l'Iran]est tenu de réparer intégralementle préjudicequ'[il]
a causéaux Etats-Unis en violant le traité de 1955, selon des
formes et un montant qui seront déterminéspar la Cour ..»

3. Plusieurs mois sont passés et la Cour n'a pris aucune mesure
jusqu'ici. La Cour n'a pas ordonné undeuxièmetour de procédure écrite
(en d'autres termes, le dépôt d'une répliquepar l'Iran et d'une duplique
par les Etats-Unis) depuis que la demande reconventionnelle a été pré-
sentéedans le contre-mémoire de la partie défenderessele 23 juin 1997.
De fait, dans une lettre en date du 2 octobre 1997,adresséeau greffier
de la Cour et qui constituait, en partie, une réponse àl'allégationconte-
nue dans la lettre de l'agent des Etats-Unis du 23juin 1997,déposée en
mêmetemps que le contre-mémoire,l'agent de l'Iran a déclaré:

«Je ferai ..observer que l'Iran met sérieusement en causela rece-
vabilitédela demande reconventionnelle desEtats-Unis. Selonl'Iran,
la demande reconventionnelle telle que formuléepar les Etats-Unis
ne satisfait pas aux exigences du paragraphe 1 de l'article 80 du
Règlement.L'Iran demande àêtre entendu sur la question,comme il
est prévuau paragraphe 3 de l'article 80 du Règlement. ))

Le 17 octobre 1997,après l'échange deslettres mentionnéesci-dessus
des agents des deux Parties par l'intermédiairedu greffier de la Cour, le
vice-président,faisant fonction de président en l'affaire, a tenu une réu-
nion avecles agents des Parties aux fins de serenseigner auprèsd'eux sur
la suite de la procédure en l'espèce.Selon la lettre des Etats-Unis du
20 octobre 1997, «il a été envisagé [lors de cette réunion] que la Cour
demande aux deux Parties de lui soumettre l'exposéde leurs positions au
sujet de la demande reconventionnelle des Etats-Unis)) (lesitaliques sont
de moi). Cependant, on sait aussi, d'aprèsle texte de la présenteordon-
nance, que lors de cette réunion «les deux agents ont acceptéque leurs
gouvernements respectifs déposentdes observations écritessur la ques-

tion de la recevabilitéde la demande reconventionnelle des Etats-Unis»
(les italiques sont de moi) et que ((l'agent del'Iran a envisagéque son
gouvernement présenteensuite des observations orales sur cette ques-
tion».
Dans cette lettre en date du 20 octobre 1997 adresséeau greffier,
l'agent desEtats-Unis a déclaré:
«Les Etats-Unis croient comprendre que toute décisionde la Cour

limitera l'exposé despositions que présenteront lesParties à la ques-
tion viséeau paragraphe 3 de l'article 80 de la Cour, c'est-à-dire
au rapport de connexitéentre la demande reconventionnelle et la
demande de l'Iran))
Dans sa lettre au greffier du 27 octobre 1997, rédigéeen réponse à la
demande du greffierdu 21 octobre 1997,l'agent de l'Iran a indiquéclai-rement qu'il ne partageait pas l'opinion expriméepar les Etats-Unis,
selon laquelle l'exposéde la position de l'Iran devait se limitàrla ques-
tion viséeau paragraphe 3 de l'article 80du Règlementde la Cour. De
l'avis del'Iran, «une demande reconventionnelle ne peut êtreprésentée
que si elleest en connexitédirecteavec l'objet dela demande de la partie
adverse et que si elle relèvede la compétence dela Cour)).
4. Comme le greffierl'avait invitéà le faire dans la lettre mentionnée

ci-dessus, en date du 21 octobre 1997, l'Iran a présenté,le 18novembre
1997,un document intitulé ((Demandetendant à ce que les Parties soient
entendues au sujet de la demande reconventionnelle des Etats-Unis en
application du paragraphe 3 de l'article 80 du Règlementde la Cour»; il
y déclarait

(([prier] la Cour, par les présentes, de bien vouloir entendre les
Parties conformémentau paragraphe 3 de l'article 80du Règlement,
pour que la Cour soit en mesure de déterminers'il y a lieu ou non de
joindre la demande reconventionnelle des Etats-Unis à la présente
instance)).

Le 18décembre1997,lesEtats-Unis, en réponse à l'invitation formulée
par le greffier dans la lettre mentionnée ci-dessus d'exposer leurs vues
dans un délai d'unmois après avoirreçu la déclarationde l'Iran, ont pré-
sentéleur ((Exposésur la ((Demande de l'Iran tendant à ce que lesParties
soiententendues au sujet de la demandereconventionnelledesEtats-Unis
en application du paragraphe 3 de l'article 80du Règlementde la Cour»,

dans lequel ils ont soulignéque:
«dans son orientation générale,l'argumentation de l'Iran ne porte

pas sur le point de savoir si la demande reconventionnelle des Etats-
Unis est en rapport de connexitéavec l'objet de la demande de
l'Iran, mais sur celui de savoir si les Etats-Unis ont présentéune
demandereconventionnellevalable.La Cour ne saurait se Drononcer
sur ce pointà ce stade de la procédure.Elle ne saurait certainement
pas permettre à l'Iran d'éviterde répondre au fond à la demande
reconventionnelle des Etats-Unis.))

Ils ont ajouté: «il conviendrait pour la Cour de déciderpour l'instant de
joindre à l'instance initiale les questions présentéespar les Etats-Unià
titre reconventionnel» (ibid.). Les Etats-Unis étaient d'avis «qu'il n'est
...pas nécessairede tenir des audiences pour parvenirà une telle décision
(ibid.) et «qu'il n'es..pas nécessairede tenir des audiences en applica-
tion du paragraphe 3 de l'article 80)) (ibid.).
Depuis le 18décembre1997,il ne s'est rien passé denouveau dans la

procédure devant la Courjusqu'au 10mars 1998,date àlaquellel'Iran a
été informé par la présenteordonnance, sans avoir obtenu la possibilité
sollicitéed'être entendu, «que la demande reconventionnelle présentée
par les Etats-Unis dans leur contre-mémoireest recevable comme telle et
fait partie de l'instance encours» (ordonnance, p. 206, par. 46, al.). III

5. Cette procédure me frappe par son caractère irrégulier,si je peux
m'exprimer ainsi,eu égard à la jurisprudence de la Cour actuelle et aussi
de sa devancière.la Cour vermanente de Justice internationale.
La ((demande reconventionnelle», qui est l'une des procéduresinci-
dentes de la Cour, ne figure pas dans le Statut lui-même, maisdans le
Règlement depuis l'époque dela Cour permanente de Justice interna-

tionale. Dèsle débutde ses activitésen 1946,la Cour internationale de
Justice a inclus la ((demande reconventionnelle» dans le Règlement de
1946,dont l'article 63 étaitainsi libellé:
((Lorsque l'instance a étéintroduite par requête, une demande
reconventionnellepeut êtreprésentée dans lesconclusions du contre-
mémoire,pourvu que cette demande soit en connexitédirecte avec
l'objet de la requêteet qu'ellerentre dans la compétencede la Cour.

Si le rapport de connexité entre la demande présentéecomme
demande reconventionnelle et l'objet de la requêten'est pas appa-
rent, la Cour, après examen, décides'ily a lieu ou non de joindre
cette demande à l'instance primitive.»

Le mêmetexte est restédans le Règlement,tel qu'ila été reviséen 1972,et
constituait l'article68. Ce texte a remanié, sansgrandes modifications

de fond, dans le nouveau Règlement de1978,et constitue l'article 80:
«1. Une demande reconventionnelle peut êtreprésentéepourvu
qu'ellesoit en connexité directeavecl'objet de la demandede la par-
tie adverse et qu'elle relèvede la compétencede la Cour.
2. La demande reconventionnelle est présentéedans le contre-
mémoirede la partie dont elle émane et figure parmi ses conclu-
sions.

3. Si le rapport de connexitéentre la demande présentéecomme
demande reconventionnelle et l'objet de la demande de la partie
adverse n'est pas apparent, la Cour, après avoir entendu les parties,
décide s'il a lieu ou non dejoindre cette demande à l'instance ini-
tiale.
6. Tout au long de l'histoire de la Cour actuelle, il n'ya eu que deux
autres affaires (en dehors de l'affaire toute récente relativepplication

de la conventionpour la préventionet la répressiondu crime de génocide,
dans laquelle une ordonnance concernant une question pertinente a été
rendue ces derniers mois) où des demandes reconventionnelles ont été
présentéespendant l'instance.
Dans l'affairedu Droit d'asile(introduiteunilatéralementpar la Colom-
bie contre le Péroule 15octobre 1949),qui a étéla première instance où
la Cour internationale de Justice a étappelée a examiner la question des
demandes reconventionnelles, le défendeur,le Pérou, pour répondreau
mémoirede la Colombie du 10janvier 1950,a déposé, le21 mars 1950, PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (OP.IND. ODA) 212

son contre-mémoire,dans lequel il a présentésa demande reconvention-
nelle. Dans ses conclusions, le Péroua demandé à la Cour de rejeter les
conclusions du demandeur, dans lesquelles la Colombie demandait à la
Cour de dire et juger:

«I. Que la Républiquede Colombie a le droit, en tant que pays
accordant l'asile, de qualifier la nature du délitaux fins du susdit
asile, dans le cadre des obligations qui découlenten particulier de
l'accord bolivariensurl'extradition du 18juillet 1911et dela conven-
tion sur l'asiledu 20 février1928et, d'une façon généraled, u droit
international américain;
II. Quela Républiquedu Pérou,en sa qualitéd'Etat territorial, est
obligée,dans le casconcret matière du litige,d'accorder les garanties
nécessairespour que ..Haya de la Torre sorte du pays, l'inviolabi-
litéde sa personne étantrespectée.» (C.I.J.Mémoires,Droit d'asile,
vol.1,p. 43).

Le Péroua demandé à la Cour de dire et juger, sur sa demande recon-
ventionnelle:

«[à titre reconventionnel,aux termes de l'article 63 du Règlement de
la Cour, et par un seul et mêmearrêt,] que l'octroi del'asile par
l'ambassadeur de Colombie àLima à ...Haya de la Torre, a été fait
en violation de l'article 1, paragraphe 1, et de l'article 2, para-
graphe 2, premièrement (incisoprimero), de la convention sur l'asile
signéeà La Havane en 1928))(ibid., p. 164).

Dans sa réplique du 20 avril 1950,la Colombie a expriméses vues sur
la demande reconventionnelle, mais n'a pas examiné defaçon explicite
la question de savoir s'ilexistait une connexité directe avec l'objet de la
demande de la partie adverse et elle a déclaré:

«En résumél,eGouvernementdu Pérou n'apas réussi àdémontrer
le bien-fondé dela demande reconventionnelle qu'il a présentée,àla
Cour, au sujet de la prétendueviolationdes articles 1,paragraphe 1,
et 2, paragraphe 2, premièrement (incisoprimero), de la convention
sur l'asile signéea Havane en 1928,par l'ambassadeur de Colom-
bieà Lima, et commeconséquencede((l'octroide l'asile ..à Haya de
la Torre. (Zbid.,p. 386.)

Dans sa duplique du 15 juin 1950 (ibid., p. 425), comme dans son
contre-mémoire,le Péroua demandé à la Cour de rejeter la conclusion
de la Colombie et de statuer sur la demande reconventionnelle de la
mêmemanière qu'il l'avait demandé dans son contre-mémoire(ibid.,
p. 442).
Les questions relatives à la demande reconventionnelle du Pérou ont
fait l'objet d'une ample discussion parallèlementà la conclusion initiale
de la Colombie lors des deux tours de plaidoiriestenus du 26 septembre
au 9 octobre 1950.Lors de ces procédures oralesle Péroua déposéses
conclusionsfinales,présentéepsar Georges Scelle,quiétaientpour l'essen-tiel les mêmesque les conclusions antérieuresénoncées dans son contre-
mémoireet sa duplique, mais avecune adjonction à la dernièreligne ainsi
libellée:«en tout cas lemaintien de l'asileconstitue actuellementune vio-
lation dudit traité»(C.I.J. Mémoires,Droit d'asile,vol. II, p. 192).
Dans l'arrêtdu 20 novembre 1950, la Cour, en ce qui concerne la
demande reconventionnelle du Pérou, i) «la rejette en tant qu'elle est
fondée surune violation de l'article premier, paragraphe premier, de la
convention sur l'asile [deLa Havane de 19281))et ii) «dit que l'octroi de
l'asilepar le Gouvernementde la Colombie à ..Haya de la Torre n'a pas
étéfait en conformité del'article 2, paragraphe 2, «premièrement», de
ladite convention» (C.I.J. Recueil 1950, p. 288).

7. Dans l'affaire desDroits des ressortissants des Etats-Unis d'Amé-
rique au Maroc, introduite unilatéralement par la France contre les
Etats-Unis le 27 octobre 1950,la France a présentél,e le'mars 1951,son
mémoire, dans lequel elle formulait des conclusions qui concernaient
notamment les privilègesdont devaient bénéficier les ressortissants des
Etats-Unis au Maroc, résultant du traité de1836,l'existence delajuridic-
tion consulaire sur les ressortissants des Etats-Unis et l'étendue de cette
juridiction consulaire, ainsi que l'effet du décret de 1948 relatifà des
taxes sur la consommation imposéesaux ressortissants des Etats-Unis.
Le 15juin 1951,les Etats-Unis ont soulevé une exception préliminaire,
dans laquelle ce pays indiquait d'ores et déjà qu'il «avait l'intention
d'envisager d'inclureune ou plusieursdemandes reconventionnelles dans
son contre-mémoire conformément à l'article 63 du Règlement de la
Cour » ;il poursuivait:

«S'il devait êtredécidé,par application de cet article, qu'en de
telles circonstances une demande reconventionnelle de cette nature
ne peut pas être jointeà la procédureinitiale, le Gouvernement des
Etats-Unis devrait rechercher quelles autres mesures il doit prendre
pour sauvegarder sesdroits et intérêts.(C.I.J. Mémoires, Droitsdes
ressortissantsdes Etats-Unis d'Amériqueau Maroc, vol. 1,p. 238.)

Les Etats-Unis ont finalement retirél'exception préliminaire.
Cependant, dans leur contre-mémoiredu 20 décembre1951,les Etats-
Unis ont présenté,en plus des objections qu'ils avaient formulées à
l'égard dela requête initiale de la France, leur demande reconvention-
nelle.A l'appui de cette demande reconventionnelle, le Gouvernement
des Etats-Unis a demandé à la Cour:

«de dire et juger que:
1. Aux termes de l'article 95 de l'acte d'Algésiras,il faut détermi-

ner, aux finsde l'évaluationen douane, la valeur desimportations en
provenance des Etats-Unis en ajoutant a la valeur d'achat aux Etats-
Unis de la marchandise importée les frais de transport jusqu'au
bureau de la douane marocaine.

2. Les traités exemptentlesressortissantsaméricainsde toute taxe ..[plercevoirdes taxes des ressortissants américainsen violation des
dispositionsdes traités est un manquement au droit international.
Ces taxes ne peuvent en droit êtrerecouvréessur les ressortissants
américainsqu'avec l'assentiment préalable des Etats-Unis ...et à
compter de la date de cet assentiment, sauf disposition contraire
contenue dans l'acte d'assentiment.
.............................

3. Attendu que les lois marocaines ne peuvent s'appliquer aux
citoyens américainsavant d'avoir reçu l'assentiment préalable du
Gouvernement des Etats-Unis, le défaut d'assentimentdu Gouver-
nement des Etats-Unis au dahir du 28 février1948a donné un carac-
tère illégalau recouvrement des taxes de consommation établiespar
cedahir.» (C.I.J. Mémoires, Droits des ressortissants desEtats-Unis
d'Amériqueau Maroc, vol. 1,p. 407.)

Dans sa répliquedu 13février1952,la France a déclaré, danssa conclu-
sion relative à la demande reconventionnelle présentéedans le contre-
mémoire desEtats-Unis, qu'elledemandait à la Cour de dire et juger:
«Que l'article 95 de l'acte d'Algésiras définlit valeur en douane
comme la valeur de la marchandise au moment et au lieu où elle est
présentéepour les opérationsde dédouanement;
Qu'aucun traité n'a conféré aux Etats-Unis une immunité fiscale

pour leursressortissants au Maroc, ni directement, ni par lejeu de la
clause de la nation la plus favorisée;
Que les lois et règlementsen matière fiscale mis en vigueur dans
l'Empire chérifiensont applicablesaux ressortissants des Etats-Unis
sans que l'accord préalable du Gouvernement des Etats-Unis soit
nécessaire;
Que les taxes de consommation établies par le dahir du 28 février
1948ont donc étélégalement perçuessur lesressortissants des Etats-
Unis et qu'il n'y a pas lieu à remboursement.» (Ibid, vol. II,
p. 72.)

Dans leur duplique du 18avril 1952, lesEtats-Unis ont maintenu dans
leur intégralitlesconclusions présentées dans leur contre-mémoire(ibid.,
p. 131).Les audiences ont ététenues du 15au 26 juillet 1952.Les Etats-
Unis ont réitéréleur conclusioninitiale relativeàleur demande reconven-
tionnelle(ibid., p. 291).
En ce qui concerne la demande reconventionnelle des Etats-Unis,
l'arrêt de laCour du 27 août 1952 a rejeté enpartie la conclusion des
Etats-Unis relative à l'exemption detaxes et à l'exemption des taxesde
consommation imposéespar ledahir chérifiende 1948,mais ellea déclaré :

«que, pour appliquer l'article 95 de l'acte générald'Algésiras,la
valeur de la marchandise au pays d'origine et sa valeur sur lemarché
localmarocain sont l'uneet l'autre des éléments pour l'estimation de
sa valeur au comptant et en gros rendue au bureau de douane))
(C.I.J. Recueil 1952, p. 213). PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (OP.IND. ODA) 215

8. L'institution des demandes reconventionnelles, parallèlemeàtcelle
de l'intervention de tierces parties, qui figure immédiatement aprèsles
demandes reconventionnelles dans la section du Règlement de la Cour
relative aux procéduresincidentes, a été adoptéeà l'époque dela Cour

permanente de Justice internationale. Elle avait pour but la bonne admi-
nistration de la justice aux fins de l'économie judiciaire,pour permettre
la Cour de statuer sur l'une quelconque ou la totalité de demandes con-
nexes dans une seule instance, c'est-à-dire d'éviterles inconvénients qui
surgiraient si la partie adverse ou une tierce partie déposait unenouvelle
requête sur despointslitigieuxdirectement connexes. Bien entendu, toute
nouvelle requêtenécessiteraitencore une confirmation de la compétence
de la Cour et un examen de la documentation complèteet il conviendrait
d'évitercette situation.
Cependant un Etat demandeur subira un préjudicegrave si la portée
des questions litigieusessoulevéesdans la demande reconventionnellede

1'Etat défendeur est étendue au-delà de ce que réclamait initialement
1'Etat demandeur. Un Etat demandeur n'étant pas autorisélui-même à
présenterdesdemandesadditionnelles,pourquoi un Etat défendeurpeut-il
avoir la faculté de présenter une demande nouvelle, si cette demande
(reconventionnelle)n'apas deconnexitédirecte avecl'objet dela demande
du demandeur? Nous ne devrions pas simplement placer des questions
qui peuvent avoir étéassez distinctesà l'origine dans un seul et même
creuset,sans procéder àun examen attentif du caractère essentielde cette
demande.
9. Dans la présenteaffaire,je me demande s'ilest toutà fait approprié
de confirmer la recevabilitéde la demande reconventionnelle des Etats-

Unis et d'en faire un élémendte l'ensemble dela procéduresans: i) don-
ner aux Parties, particulièrement au demandeur, la possibilité d'exprimer
leur avis sur cettequestion dans les piècesécrites,et ii) tenir des audiences
pour discuter de manière exhaustive des vues exposéesdans les pièces
écrites.Compte tenu de lajurisprudence, sauf comme on l'a déjàindiqué
à propos de l'affaire relatiàel'Application de la conventionpour lapré-
vention et la répressiondu crime de génocide, au sujet de laquelle une
ordonnance a étérendue il y a seulement quelques mois, je me demande
si le prononcé rapide d'une ordonnance par la Cour est tout à fait rai-
sonnable.
Les précédents (comme je l'ai relevéci-dessus) semblent indiquer, de
façon générale,que la question présentéepar le défendeur à titre de

demande reconventionnelle et l'objet poursuivi par le demandeur étaient
tellement liésque leur connexité directene pouvait être déterminée sans
un examen attentif du fond des questions soulevéesdans leurs demandes
reconventionnellesrespectives.Dans cesdeux affairesantérieures,leDroit
d'asile et les Droits des ressortissants des Etats-Unis d'Amérique au
Maroc, la Cour a rejetécertaines des demandes reconventionnelles pré-
sentéespar les défendeurs,mais seulement après qu'un examen exhaustifsur la base des exposésécrits etoraux eut permis d'établir queles de-
mandes reconventionnelles avaient une connexité directeavec l'objet de
la demande de la partie adverse.
10. Je suis certainement d'accord pour estimer qu'à ce stade la Cour
doit fixerdes délaispour la présentationd'une réplique et d'uneduplique,
comme elle l'a fait au paragraphe 46, alinéaB, de la présente ordon-
nance. L'affaire,y compris le point de savoir s'il existeou non «une

connexitéentre la question présentée à titre de demande reconvention-
nelle et l'objet de la demande de la partie adverse)), aurait dû pouvoir
donner lieu à une analyse de la part de l'Iran dans la répliquequ'il va
établir et,en outre, par les Etats-Unis dans leur duplique.
Sur le plan des principes, il convient encore de savoir s'ilest équitable
que le défendeurait l'occasion de présenterses vues sur la question dont
il s'agit deux fois, l'une dans son contre-mémoire etl'autre dans sa du-
plique, tandis que le demandeur doit se limiter à une seule pièceécrite
dans sa réplique, même sil'on sait qu'il aura une nouvelle occasion
d'argumenter à ce sujet pendant la procédure orale.
11.Il me semble difficilede comprendre pourquoi il faudrait statuer
sur la recevabilitéde la demande reconventionnelleà ce stade,avant que
la Cour n'ait au moins reçu la répliquede l'Iran. Je ne comprends pas
non plus pourquoi cela doit être faitavec une telle hâte en l'espèce,sur-

tout si l'on tient compte de la façon prudente dont la Cour a procédéau
cours des années antérieures.
De plus je pense que cette question, celle de savoir si la demande
(reconventionnelle) est ou non recevable, ne doit pas faire l'objet d'une
décisionde la Cour sous la formed'une ordonnance, mais plutôt doit être
tranchée par l'arrêtau stade du fond.

(SignéS )higeru ODA.

Bilingual Content

SEPARATE OPINION OF JUDGE ODA

1.1 voted in favour - albeit reluctantl- of the Order which was

very nearly unanimously adopted.
However, 1 find it incorrect that the Court has decided, at this stage
and in the form of a Court Order, that "the counter-claim presented by
the United States in its Counter-Memorial is admissible as such and
forms part of the current proceedings" (Order, p. 206, para. 46 (A)).

1 feel that the Court's decision in this Order sets a rather unfortunate
precedent in itsjurisprudence relating to counter-claims.

2. In the current case concerning Oil Platforms, which was presented
unilaterally by Iran against the United States on 2 November 1992,Iran
submitted its Memorial on 8 June 1993. While the United States, on
16December 1993,presented its preliminary objection to thejurisdiction
of the Court (within the time-limit fixed by the Court for the submission
of the Counter-Memorial), the Court in its Judgment of 12 December
1996rejected that objection and found that "it has jurisdiction, on the

basis of ArticleXXI, paragraph 2, of the Treaty of 1955,to entertain the
claims made by [Iran] under ArticleX, paragraph 1, of that Treaty" (Oil
Platforms (Islamic Republic of Iran v. United States of America), Pre-
liminary Objection, I.C.J. Reports 1996, p. 821, para. 55 (2)).

Within the time-limit fixed by the President of the Court for the sub-
mission of the Counter-Memorial, the United States, on 23 June 1997,
filed its Counter-Memorial entitled "Counter-Memorial and Counter-
Claim". In its submission, the United States requests, on the one hand,
that the Court adjudge and declare "[tlhat the United States did not
breach its obligations to [Iran] under Article X (1) of the Treaty" and
that "the claims of [Iran] are accordingly dismissed". On the other hand,
Part VI of the United States Counter-Memorial sets forth its counter-
claim and in its submissions the United Statesrequests, with respect to its

counter-claim, that the Court adjudge and declare:
"1. That in attacking vessels,laying mines inthe Gulf and otherwise
engagingin military actionsin 1987-1988that weredangerous and OPINION INDIVIDUELLE DE M. ODA

[Traduction]

1. J'ai vot- mais avec réticence- en faveur de l'ordonnance qui a
étéadoptéepresque à l'unanimité.
Cependant j'estime injustifiéque la Cour ait décidé, à ce stade et sous
la forme d'une ordonnance, que «la demande reconventionnelle pré-
sentéepar les Etats-Unis dans leur contre-mémoire estrecevable comme
telle et fait partie de l'instance enurs)) (ordonnance, p. 206, par. 46,
al. A).

Il me semble que la décisionde la Cour dans cette ordonnance éta-
blit un précédentassez regrettable dans sa jurisprudence relative aux
demandes reconventionnelles.

2. Dans l'instance actuelle concernant les Plates-formes pétrolières,
que l'Iran a introduite unilatéralement contre les Etats-Unis le 2 no-
vembre 1992, l'Iran a déposéson mémoirele 8juin 1993.Les Etats-Unis
ont présentéleur exception préliminaire à la compétencede la Cour le
16décembre1993(dans le délai fixpéar la Cour pour le dépôtdu contre-
mémoire), mais la Cour a rejeté cette exception dans son arrêt du
12 décembre1996 et jugé qu'elle «a compétence,sur la base du para-
graphe 2 de l'articleXXI du traité de1955,pour connaître des demandes
formuléespar [l'Iran]au titre du paragraphe 1de l'articleX dudit traité))

(Plates-formes pétrolières (République islamique d'Iran c. Etats-Unis
d'Amérique),exceptionpréliminaire,C.I.J. Recueil 1996,p. 821,par. 55,
al. 2).
Le 23juin 1997,dans le délaifixé àcet effetpar le présidentde la Cour,
les Etats-Unis ont déposé leur contre-mémoireintitulé ((Contre-mémoire
et demande reconventionnelle)).Dans leurs conclusions, les Etats-Unis,
d'une part, prient la Cour de dire et juger «que les Etats-Unis n'ont
pas enfreint leurs obligations envers [l'Iran] au titre du paragraphe 1 de
l'article X du traité» et que«les demandes de [l'Iran]doivent en consé-
quence êtrerejetées)).Par ailleurs, la sixièmepartie du contre-mémoire
des Etats-Unis expose leur demande reconventionnelle et, dans leurs

conclusions, les Etats-Unis prient la Cour de dire et juger, s'agissant de
leur demande reconventionnelle :
«1. Qu'enattaquant lesnavires,en mouillant des minesdans le Golfe
et en menant d'autres actions militaires en 1987 et 1988 qui detrimental to maritimecommerce,[Iran]breached its obligations
to the United States under Article X of the 1955Treaty, and

2. That [Iran]is accordingly under an obligation to make full repa-
ration to the United States for violating the 1955 Treaty in a
form and amount to be determined by the Court . .."
3. Several months passed and the Court has not taken any action so

far. The Court did not order a second round of written pleadings (in
other words, the submission of a Reply by Iran and a Rejoinder by the
United States) since the counter-claim was presented in the Counter-
Memorial of the Respondent party on 23 June 1997.
In fact, in aletter dated 2 October 1997addressed to the Registrar of
the Court, which was, in part, a response to the contention contained in
the letter dated 23 June 1997from the Agent of the United States filed at
the same time as its Counter-Memorial, the Agent of Iran stated:
"1 should . . .observe that Iran has serious objections to the
admissibility of the United States' counter-claim. Itis Iran's position

that the counter-claim as formulated by the United States does not
meet the requirements of Article 80 (1) of the Rules. Iran requests a
hearing on this question, as provided for in Article 80 (3) of the
Rules."
On 17October 1997,after the exchange of the above-mentioned letters
of the Agents of both Parties through the Registrar of the Court, the Act-
ing President in the present case held a meeting with the Agents of the
Parties in order to ascertain their views as to the further proceedings in
the case.According to the United States letter of 20 October 1997"it was
discussed [at that meeting] that the two Parties may be ordered by the

Court to file submissions regarding the United States Counter-Claim"
(emphasis added). It is also known from the text of the present Order,
however, that at that meeting "the two Agents agreed that their respec-
tive Governments would submit written observations on the question of
the admissibility of the United States counter-claim" (emphasis added)
and that "the Agent of Iran envisaged that his Government would then
present oral observations on the question".

In that letter dated 20 October 1997 addressed to the Registrar, the
Agent of the United States stated that

"the United States understands that any order by the Court will
limit the filingofhese submissionsto the issue setforth in Rule 80(3)
of the Rules of the Court, in other words, to the connection of
the counter-claim to Iran's claim".

In his letter of 27 October 1997to the Registrar, prepared in response to
the Registrar's request of 21 October 1997, the Agent of Iran made it étaient dangereuseset dommageables pour le commerce mari-
time, [l'Iran]a enfreint ses obligations envers les Etats-Unis au
titre de l'articledu traitéde 1955; et
2. Que [l'Iran]est tenu de réparer intégralementle préjudicequ'[il]
a causéaux Etats-Unis en violant le traité de 1955, selon des
formes et un montant qui seront déterminéspar la Cour ..»

3. Plusieurs mois sont passés et la Cour n'a pris aucune mesure
jusqu'ici. La Cour n'a pas ordonné undeuxièmetour de procédure écrite
(en d'autres termes, le dépôt d'une répliquepar l'Iran et d'une duplique
par les Etats-Unis) depuis que la demande reconventionnelle a été pré-
sentéedans le contre-mémoire de la partie défenderessele 23 juin 1997.
De fait, dans une lettre en date du 2 octobre 1997,adresséeau greffier
de la Cour et qui constituait, en partie, une réponse àl'allégationconte-
nue dans la lettre de l'agent des Etats-Unis du 23juin 1997,déposée en
mêmetemps que le contre-mémoire,l'agent de l'Iran a déclaré:

«Je ferai ..observer que l'Iran met sérieusement en causela rece-
vabilitédela demande reconventionnelle desEtats-Unis. Selonl'Iran,
la demande reconventionnelle telle que formuléepar les Etats-Unis
ne satisfait pas aux exigences du paragraphe 1 de l'article 80 du
Règlement.L'Iran demande àêtre entendu sur la question,comme il
est prévuau paragraphe 3 de l'article 80 du Règlement. ))

Le 17 octobre 1997,après l'échange deslettres mentionnéesci-dessus
des agents des deux Parties par l'intermédiairedu greffier de la Cour, le
vice-président,faisant fonction de président en l'affaire, a tenu une réu-
nion avecles agents des Parties aux fins de serenseigner auprèsd'eux sur
la suite de la procédure en l'espèce.Selon la lettre des Etats-Unis du
20 octobre 1997, «il a été envisagé [lors de cette réunion] que la Cour
demande aux deux Parties de lui soumettre l'exposéde leurs positions au
sujet de la demande reconventionnelle des Etats-Unis)) (lesitaliques sont
de moi). Cependant, on sait aussi, d'aprèsle texte de la présenteordon-
nance, que lors de cette réunion «les deux agents ont acceptéque leurs
gouvernements respectifs déposentdes observations écritessur la ques-

tion de la recevabilitéde la demande reconventionnelle des Etats-Unis»
(les italiques sont de moi) et que ((l'agent del'Iran a envisagéque son
gouvernement présenteensuite des observations orales sur cette ques-
tion».
Dans cette lettre en date du 20 octobre 1997 adresséeau greffier,
l'agent desEtats-Unis a déclaré:
«Les Etats-Unis croient comprendre que toute décisionde la Cour

limitera l'exposé despositions que présenteront lesParties à la ques-
tion viséeau paragraphe 3 de l'article 80 de la Cour, c'est-à-dire
au rapport de connexitéentre la demande reconventionnelle et la
demande de l'Iran))
Dans sa lettre au greffier du 27 octobre 1997, rédigéeen réponse à la
demande du greffierdu 21 octobre 1997,l'agent de l'Iran a indiquéclai-clear that he did not share the views ofthe United States that Iran's sub-
missionsshould have been limitedto the issueset forth in Article 80,para-
graph 3, of the Rules. Iran was of the view that "a counter-claim may
only be presented provided that it is directly connected with the subject-
matter of the claim of the [other]party and that it comes under thejuris-
diction of the Court".
4. By invitation of the Registrar in the above-mentioned letter dated
21 October 1997, Iran, on 18 November 1997, forwarded a document
entitled "Request for Hearing in Relation to the United States Counter-
Claim Pursuant to Article 80 (3) of the Rules of Court" in which Iran
stated:

"[Iran] hereby requests a hearing pursuant to Article 80, para-
graph 3, of the Rules of Court in order to allow the Court to deter-
mine whether or not the United States Counter-Claim should be
joined to this Case".

On 18December 1997,the United States, in response to the Registrar's
invitation in the above-mentioned letter to set forth its views within a
month of receivingIran's statement, submitted "Viewson Iran's 'Request
for Hearing in Relation to the United States Counter-Claim Pursuant to
Article 80 (3) of the Rules of Court'", in which the United States stressed
that

"[tlhe thrust of Iran's position isnot whetherthe US counter-claim is
connected to the subject matter of Iran's claim, but whether there is

a valid US counter-claim at all. The Court cannot make such a
determination at this stage of the proceedings. It certainly should
not allow Iran to avoid responding to the merits of the US
counter-claim"

and that "the Court should now decideto join the questionspresented by
the US counter-claim to the original proceeding" (ibid.). The United
States was of the viewthat "no oral proceeding is required in connection
with such a decision" (ibid.) and "[tlhere is . . no need for an oral pro-
ceeding under Article 80 (3)" (ibid.) .

Since 18 December 1997, there was no further development at the
Court until 10 March 1998, the date on which Iran was informed by
this Order, without being given the requested opportunity to be heard,
"that the counter-claim presented by the United States in its Counter-
Memorial is admissible as such and forms part of the current pro-
ceedings" (Order, p. 206, para. 46 (A)).rement qu'il ne partageait pas l'opinion expriméepar les Etats-Unis,
selon laquelle l'exposéde la position de l'Iran devait se limitàrla ques-
tion viséeau paragraphe 3 de l'article 80du Règlementde la Cour. De
l'avis del'Iran, «une demande reconventionnelle ne peut êtreprésentée
que si elleest en connexitédirecteavec l'objet dela demande de la partie
adverse et que si elle relèvede la compétence dela Cour)).
4. Comme le greffierl'avait invitéà le faire dans la lettre mentionnée

ci-dessus, en date du 21 octobre 1997, l'Iran a présenté,le 18novembre
1997,un document intitulé ((Demandetendant à ce que les Parties soient
entendues au sujet de la demande reconventionnelle des Etats-Unis en
application du paragraphe 3 de l'article 80 du Règlementde la Cour»; il
y déclarait

(([prier] la Cour, par les présentes, de bien vouloir entendre les
Parties conformémentau paragraphe 3 de l'article 80du Règlement,
pour que la Cour soit en mesure de déterminers'il y a lieu ou non de
joindre la demande reconventionnelle des Etats-Unis à la présente
instance)).

Le 18décembre1997,lesEtats-Unis, en réponse à l'invitation formulée
par le greffier dans la lettre mentionnée ci-dessus d'exposer leurs vues
dans un délai d'unmois après avoirreçu la déclarationde l'Iran, ont pré-
sentéleur ((Exposésur la ((Demande de l'Iran tendant à ce que lesParties
soiententendues au sujet de la demandereconventionnelledesEtats-Unis
en application du paragraphe 3 de l'article 80du Règlementde la Cour»,

dans lequel ils ont soulignéque:
«dans son orientation générale,l'argumentation de l'Iran ne porte

pas sur le point de savoir si la demande reconventionnelle des Etats-
Unis est en rapport de connexitéavec l'objet de la demande de
l'Iran, mais sur celui de savoir si les Etats-Unis ont présentéune
demandereconventionnellevalable.La Cour ne saurait se Drononcer
sur ce pointà ce stade de la procédure.Elle ne saurait certainement
pas permettre à l'Iran d'éviterde répondre au fond à la demande
reconventionnelle des Etats-Unis.))

Ils ont ajouté: «il conviendrait pour la Cour de déciderpour l'instant de
joindre à l'instance initiale les questions présentéespar les Etats-Unià
titre reconventionnel» (ibid.). Les Etats-Unis étaient d'avis «qu'il n'est
...pas nécessairede tenir des audiences pour parvenirà une telle décision
(ibid.) et «qu'il n'es..pas nécessairede tenir des audiences en applica-
tion du paragraphe 3 de l'article 80)) (ibid.).
Depuis le 18décembre1997,il ne s'est rien passé denouveau dans la

procédure devant la Courjusqu'au 10mars 1998,date àlaquellel'Iran a
été informé par la présenteordonnance, sans avoir obtenu la possibilité
sollicitéed'être entendu, «que la demande reconventionnelle présentée
par les Etats-Unis dans leur contre-mémoireest recevable comme telle et
fait partie de l'instance encours» (ordonnance, p. 206, par. 46, al.). III

5. This procedure strikes me as irregular, ifmay Sayso, in the light of
the jurisprudence of this Court, as well as of its predecessor, the Perma-
nent Court of International Justice.
A "counter-claim", as one of the incidental proceedings of the Court,
has featured not in the Statute itself but in the Rules of Court since the
time of the Permanent Court of International Justice. At its inception in
1946,the International Court of Justice included a "counter-claim" in its
1946 Rules of Court, Article 63 of which read:

"When proceedings have been instituted by means of an applica-
tion, a counter-claim may be presented in the submissions of the
Counter-Mernorial,provided that such counter-claim is directly con-
nected with the subject-matter of the application and that it comes
within the jurisdiction of the Court. In the event of doubt as to the
connection between the question presented by way ofcounter-claim
and the subject-matter of the application the Court shall, after due
examination, direct whether or not the question thus presented shall
be joined to the original proceedings."

This same text remained in the Rules, as amended in 1972,as Article 68.
That text was redrafted, without great modification to the substance, in
the new 1978 Rules, as Article 80:
"1. A counter-claim may be presented provided that it is directly

connected with the subject-matter of the claim of the other party and
that it comes within the jurisdiction of the Court.
2. A counter-claimshall be made in the Counter-Memorial of the
party presenting it, and shall appear as part of the submissions of
that party.
3. In the event of doubt as to the connection between the question
presented by way of counter-claim and the subject-matter of the
claim of the other party the Court shall, after hearing the parties,
decide whether or not the question thus presented shall bejoined to
the original proceedings."

6. Throughout the entire history of the present Court, there have been
only two other cases (exceptfor the quite recent case concerning Applica-
tion of the Conventionon the Preventionand Punishment of the Crimeof
Genocide, in which case an Order on a relevant matter has been issued
during the past few months) when counter-claims were presented during
the proceedings.
In the Asylum case (presented unilaterally by Colombia against Peru
on 15October 1949),which was the first case at the International Court
of Justice to deal with the issue of counter-claims, the Respondent,
Peru, in replying to Colombia's Memorial of 10 January 1950,filed its
Counter-Memorial on 21 March 1950in which it presented its counter- III

5. Cette procédure me frappe par son caractère irrégulier,si je peux
m'exprimer ainsi,eu égard à la jurisprudence de la Cour actuelle et aussi
de sa devancière.la Cour vermanente de Justice internationale.
La ((demande reconventionnelle», qui est l'une des procéduresinci-
dentes de la Cour, ne figure pas dans le Statut lui-même, maisdans le
Règlement depuis l'époque dela Cour permanente de Justice interna-

tionale. Dèsle débutde ses activitésen 1946,la Cour internationale de
Justice a inclus la ((demande reconventionnelle» dans le Règlement de
1946,dont l'article 63 étaitainsi libellé:
((Lorsque l'instance a étéintroduite par requête, une demande
reconventionnellepeut êtreprésentée dans lesconclusions du contre-
mémoire,pourvu que cette demande soit en connexitédirecte avec
l'objet de la requêteet qu'ellerentre dans la compétencede la Cour.

Si le rapport de connexité entre la demande présentéecomme
demande reconventionnelle et l'objet de la requêten'est pas appa-
rent, la Cour, après examen, décides'ily a lieu ou non de joindre
cette demande à l'instance primitive.»

Le mêmetexte est restédans le Règlement,tel qu'ila été reviséen 1972,et
constituait l'article68. Ce texte a remanié, sansgrandes modifications

de fond, dans le nouveau Règlement de1978,et constitue l'article 80:
«1. Une demande reconventionnelle peut êtreprésentéepourvu
qu'ellesoit en connexité directeavecl'objet de la demandede la par-
tie adverse et qu'elle relèvede la compétencede la Cour.
2. La demande reconventionnelle est présentéedans le contre-
mémoirede la partie dont elle émane et figure parmi ses conclu-
sions.

3. Si le rapport de connexitéentre la demande présentéecomme
demande reconventionnelle et l'objet de la demande de la partie
adverse n'est pas apparent, la Cour, après avoir entendu les parties,
décide s'il a lieu ou non dejoindre cette demande à l'instance ini-
tiale.
6. Tout au long de l'histoire de la Cour actuelle, il n'ya eu que deux
autres affaires (en dehors de l'affaire toute récente relativepplication

de la conventionpour la préventionet la répressiondu crime de génocide,
dans laquelle une ordonnance concernant une question pertinente a été
rendue ces derniers mois) où des demandes reconventionnelles ont été
présentéespendant l'instance.
Dans l'affairedu Droit d'asile(introduiteunilatéralementpar la Colom-
bie contre le Péroule 15octobre 1949),qui a étéla première instance où
la Cour internationale de Justice a étappelée a examiner la question des
demandes reconventionnelles, le défendeur,le Pérou, pour répondreau
mémoirede la Colombie du 10janvier 1950,a déposé, le21 mars 1950,claim. In its submissions,Peru requestedthe Court to setasidethe submis-
sions of the Applicant, in which Colombia asks the Court to adjudge
and declare:

"1. That the Republic of Colombia, as the country granting
asylum, is competent to qualify the offence for the purpose of the

said asylum,within the limitsof the obligations resulting in particular
from the Bolivarian Agreement on Extradition of 18July 1911, and
the Convention on Asylum of 20 February 1928,and of American
international law in general.
II. That the Republic of Peru as the territorial State, is bound, in
the case now before the Court, to give the guarantees necessary for
the departure of. . .Haya de la Torre from the country, with due
regard to the inviolability of hiserson." (I.C.J. Pleadings, Asylum,
Vol. 1,p. 43.) [Translation by the Registry.]

With respect to its counter-claim, Peru requested the Court to adjudge
and declare
"[as a counter-claim under Article 63 of the Rules of Court, and in
the same decision,] that the asylum granted by the Colombian
Ambassador at Lima to .. . Haya de la Torre was contrary to
Article 1, paragraph 1, and Article 2, paragraph 2, item 1 (inciso
primero), of the Convention on Asylum signed at Havana in 1928"

(ibid., p. 164[translation by the Registry]).
In its Reply of 20 April 1950, Colombia expressed its views on the
counter-claim,although Colombia did not address explicitlythe question
whether there existed a direct connection with the subject-matter of the
claim of the other Party, and stated

"To sum up, the Government of Peru has not succeededin estab-
lishing its counter-claim concerning the alleged violation of Ar-
ticles 1,paragraph 1, and 2, paragraph 2, item 1 (incisoprimero) of
the 1928 Havana Convention on Asylum, by the Colombian Ambas-
sador at Lima as resultingfrom the 'grant' of asylum to ... Haya de
la Torre." (Ibid., p. 386.) [Translation by the Registry].

In its Rejoinder of 15 June 1950 (ibid., p. 425), as in its Counter-
Memorial, Peru submitted its request to the Court to reject the Colom-
bian submission and to adjudge in relation to its counter-claim in the
same manner as in its Counter-Memorial (ibid., p. 442).

The issues relating to the counter-claim of Pen were extensivelydis-
cussed in parallel with the original submission of Colombia in the two
rounds of oral proceedings held from 26 September 1950to 9 October
1950.At those oral proceedings Peru submitted its final submissions,pre-
sented by Georges Scelle, which wereessentiallythe same as the previous PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (OP.IND. ODA) 212

son contre-mémoire,dans lequel il a présentésa demande reconvention-
nelle. Dans ses conclusions, le Péroua demandé à la Cour de rejeter les
conclusions du demandeur, dans lesquelles la Colombie demandait à la
Cour de dire et juger:

«I. Que la Républiquede Colombie a le droit, en tant que pays
accordant l'asile, de qualifier la nature du délitaux fins du susdit
asile, dans le cadre des obligations qui découlenten particulier de
l'accord bolivariensurl'extradition du 18juillet 1911et dela conven-
tion sur l'asiledu 20 février1928et, d'une façon généraled, u droit
international américain;
II. Quela Républiquedu Pérou,en sa qualitéd'Etat territorial, est
obligée,dans le casconcret matière du litige,d'accorder les garanties
nécessairespour que ..Haya de la Torre sorte du pays, l'inviolabi-
litéde sa personne étantrespectée.» (C.I.J.Mémoires,Droit d'asile,
vol.1,p. 43).

Le Péroua demandé à la Cour de dire et juger, sur sa demande recon-
ventionnelle:

«[à titre reconventionnel,aux termes de l'article 63 du Règlement de
la Cour, et par un seul et mêmearrêt,] que l'octroi del'asile par
l'ambassadeur de Colombie àLima à ...Haya de la Torre, a été fait
en violation de l'article 1, paragraphe 1, et de l'article 2, para-
graphe 2, premièrement (incisoprimero), de la convention sur l'asile
signéeà La Havane en 1928))(ibid., p. 164).

Dans sa réplique du 20 avril 1950,la Colombie a expriméses vues sur
la demande reconventionnelle, mais n'a pas examiné defaçon explicite
la question de savoir s'ilexistait une connexité directe avec l'objet de la
demande de la partie adverse et elle a déclaré:

«En résumél,eGouvernementdu Pérou n'apas réussi àdémontrer
le bien-fondé dela demande reconventionnelle qu'il a présentée,àla
Cour, au sujet de la prétendueviolationdes articles 1,paragraphe 1,
et 2, paragraphe 2, premièrement (incisoprimero), de la convention
sur l'asile signéea Havane en 1928,par l'ambassadeur de Colom-
bieà Lima, et commeconséquencede((l'octroide l'asile ..à Haya de
la Torre. (Zbid.,p. 386.)

Dans sa duplique du 15 juin 1950 (ibid., p. 425), comme dans son
contre-mémoire,le Péroua demandé à la Cour de rejeter la conclusion
de la Colombie et de statuer sur la demande reconventionnelle de la
mêmemanière qu'il l'avait demandé dans son contre-mémoire(ibid.,
p. 442).
Les questions relatives à la demande reconventionnelle du Pérou ont
fait l'objet d'une ample discussion parallèlementà la conclusion initiale
de la Colombie lors des deux tours de plaidoiriestenus du 26 septembre
au 9 octobre 1950.Lors de ces procédures oralesle Péroua déposéses
conclusionsfinales,présentéepsar Georges Scelle,quiétaientpour l'essen-submissions in its Counter-Memorial and Rejoinder, but with one addi-
tion in the last line, which reads that "in any case the maintenance of the
asylum constitutes at the present time a violation of that treaty" (I.C.J.
Pleadings, Asylum, Vol. II, p. 192[translation by the Registry]).
In the Judgment of 20 November 1950, the Court, regarding Peru's
counter-claim, (i) "[rlejects it in so far as it is founded on a violation of
Article 1, paragraph 1, of the [1928 Havana] Convention on Asylum"
and (ii) "[flinds that the grant of asylum by the Colombian Government
to ... Haya de la Torre was not made in conformitywith Article 2, para-
graph 2 ('First'), of that Convention" (1C.J. Reports 1950, p. 288).

7. In the case concerning Rights of Nationals of the United States of
America in Morocco presented unilaterally by France against the United
States on 27 October 1950,France submitted its Memorial on 1 March
1951in which it made submissions relating, inter alia, to the privileges
that were to be enjoyed by United States nationals in Morocco, which
privileges arose from the 1836 Treaty, to the existence of the consular

jurisdiction over United States nationals and to the extent of that consu-
larjurisdiction, and to the effect of the 1948Decree relating to consump-
tion taxes upon United States nationals.
The United States raised a preliminary objection on 15 June 195 1, in
which that country already indicated that it "would wish to consider the
inclusion of a'counter-claim or counter-claims in its Counter-Memorial,
pursuant to Article 63 of the Rules of Court" and continued:

"Should it be determined, pursuant to that article, that under such
circumstancesa counter-claim of this character could not be joined
to the original proceedings, the Government of the United States
would have to consider what other steps it must take to safeguardits
rights and interests." (I.C.J. Pleadings, Rights of Nationals of the
United States of America in Morocco, Vol. 1,p. 238.)
Thepreliminaryobjection waseventuallywithdrawn by the United States.
However, in its Counter-Memorial of 20 December 1951,the United
Statespresented, in addition to its objection to the original submission of

France, its counter-claim. In support of that counter-claim, the United
States Government requested the Court to

"judge and declare that :

1. Under Article 95 of the Act of Algeciras, the value of imports
from the United States must be determined for the purpose of cus-
toms assessments by adding to the purchase value of the imported
merchandise in the United Statesthe expensesincidental to its trans-
portation to the custom-house in Morocco . . .
............................
2. The treaties exempt American nationals from taxes . .. [T]otiel les mêmesque les conclusions antérieuresénoncées dans son contre-
mémoireet sa duplique, mais avecune adjonction à la dernièreligne ainsi
libellée:«en tout cas lemaintien de l'asileconstitue actuellementune vio-
lation dudit traité»(C.I.J. Mémoires,Droit d'asile,vol. II, p. 192).
Dans l'arrêtdu 20 novembre 1950, la Cour, en ce qui concerne la
demande reconventionnelle du Pérou, i) «la rejette en tant qu'elle est
fondée surune violation de l'article premier, paragraphe premier, de la
convention sur l'asile [deLa Havane de 19281))et ii) «dit que l'octroi de
l'asilepar le Gouvernementde la Colombie à ..Haya de la Torre n'a pas
étéfait en conformité del'article 2, paragraphe 2, «premièrement», de
ladite convention» (C.I.J. Recueil 1950, p. 288).

7. Dans l'affaire desDroits des ressortissants des Etats-Unis d'Amé-
rique au Maroc, introduite unilatéralement par la France contre les
Etats-Unis le 27 octobre 1950,la France a présentél,e le'mars 1951,son
mémoire, dans lequel elle formulait des conclusions qui concernaient
notamment les privilègesdont devaient bénéficier les ressortissants des
Etats-Unis au Maroc, résultant du traité de1836,l'existence delajuridic-
tion consulaire sur les ressortissants des Etats-Unis et l'étendue de cette
juridiction consulaire, ainsi que l'effet du décret de 1948 relatifà des
taxes sur la consommation imposéesaux ressortissants des Etats-Unis.
Le 15juin 1951,les Etats-Unis ont soulevé une exception préliminaire,
dans laquelle ce pays indiquait d'ores et déjà qu'il «avait l'intention
d'envisager d'inclureune ou plusieursdemandes reconventionnelles dans
son contre-mémoire conformément à l'article 63 du Règlement de la
Cour » ;il poursuivait:

«S'il devait êtredécidé,par application de cet article, qu'en de
telles circonstances une demande reconventionnelle de cette nature
ne peut pas être jointeà la procédureinitiale, le Gouvernement des
Etats-Unis devrait rechercher quelles autres mesures il doit prendre
pour sauvegarder sesdroits et intérêts.(C.I.J. Mémoires, Droitsdes
ressortissantsdes Etats-Unis d'Amériqueau Maroc, vol. 1,p. 238.)

Les Etats-Unis ont finalement retirél'exception préliminaire.
Cependant, dans leur contre-mémoiredu 20 décembre1951,les Etats-
Unis ont présenté,en plus des objections qu'ils avaient formulées à
l'égard dela requête initiale de la France, leur demande reconvention-
nelle.A l'appui de cette demande reconventionnelle, le Gouvernement
des Etats-Unis a demandé à la Cour:

«de dire et juger que:
1. Aux termes de l'article 95 de l'acte d'Algésiras,il faut détermi-

ner, aux finsde l'évaluationen douane, la valeur desimportations en
provenance des Etats-Unis en ajoutant a la valeur d'achat aux Etats-
Unis de la marchandise importée les frais de transport jusqu'au
bureau de la douane marocaine.

2. Les traités exemptentlesressortissantsaméricainsde toute taxe collect taxes from American nationals in violation of the terms of

the treaties is a breach of international law.
Such taxes can legally be collected from American nationals only
with the previous consent of the United States ... and from the date
upon which such consent is given . . .

.............................
3. Since Moroccan laws do not become applicable to American
citizensuntil they have receivedthe prior assent of the United States
Government, the lack of assent of the United States Government to
the Dahir of February 28, 1948,rendered illegalthe collection of the
consumption taxesprovided bythat Dahir." (1.CJ. Pleadings,Rights
of Nationals of the United States of America in Morocco, Vol. 1,
p. 407.)

In its Reply of 13February 1952,France stated in its submission in con-
nection with the counter-claim contained in the United States Counter-
Memorial, its request that the Court adjudge:

"That Article 95 of the Act of Algeciras definesvaluation for cus-
toms purposes as the value of the merchandise at the time and at the
place where it is presented for customs clearance;
That no treaty has conferred on the United States fiscalimmunity
for its nationals in Morocco, either directly or through the effect of
the most-favoured-nation clause;
That the laws and regulations on fiscal matters which have
been put into force in the Shereefian Empire are applicable to the
nationals of the United States without the prior consent of the
Government of the United States;
That, consequently,consumption taxes provided by the Dahir of
28 February 1948have been legallycollected from the nationals of
the United States, and should not be refunded to them." (Zbid.,
Vol. II, p. 72.) [Translation by the Registry.]

In its Rejoinder of 18 April 1952, the United States maintained, in
their entirety, the submissions presented in its Counter-Memorial (ibid.,
p. 131). The oral proceedings were held from 15 to 26 July 1952. The
United States repeated its original submission in respect of its counter-
claim (ibid., p. 291).
With respect to the United Statescounter-claim,the Court's Judgment
of 27 August 1952 partly rejected the submission of the United States
relating to exemption from taxes and to the consumption taxes imposed
by the Shereefian Dahir in 1948,but found that

"in applying Article 95 of the General Act of Algeciras, the value of
merchandise in the country of origin and its value in the local
Moroccan market are both elements in the appraisal of its cash
wholesalevalue deliveredat the custom-house" (I.C.J. Reports 1952,
p. 213). ..[plercevoirdes taxes des ressortissants américainsen violation des
dispositionsdes traités est un manquement au droit international.
Ces taxes ne peuvent en droit êtrerecouvréessur les ressortissants
américainsqu'avec l'assentiment préalable des Etats-Unis ...et à
compter de la date de cet assentiment, sauf disposition contraire
contenue dans l'acte d'assentiment.
.............................

3. Attendu que les lois marocaines ne peuvent s'appliquer aux
citoyens américainsavant d'avoir reçu l'assentiment préalable du
Gouvernement des Etats-Unis, le défaut d'assentimentdu Gouver-
nement des Etats-Unis au dahir du 28 février1948a donné un carac-
tère illégalau recouvrement des taxes de consommation établiespar
cedahir.» (C.I.J. Mémoires, Droits des ressortissants desEtats-Unis
d'Amériqueau Maroc, vol. 1,p. 407.)

Dans sa répliquedu 13février1952,la France a déclaré, danssa conclu-
sion relative à la demande reconventionnelle présentéedans le contre-
mémoire desEtats-Unis, qu'elledemandait à la Cour de dire et juger:
«Que l'article 95 de l'acte d'Algésiras définlit valeur en douane
comme la valeur de la marchandise au moment et au lieu où elle est
présentéepour les opérationsde dédouanement;
Qu'aucun traité n'a conféré aux Etats-Unis une immunité fiscale

pour leursressortissants au Maroc, ni directement, ni par lejeu de la
clause de la nation la plus favorisée;
Que les lois et règlementsen matière fiscale mis en vigueur dans
l'Empire chérifiensont applicablesaux ressortissants des Etats-Unis
sans que l'accord préalable du Gouvernement des Etats-Unis soit
nécessaire;
Que les taxes de consommation établies par le dahir du 28 février
1948ont donc étélégalement perçuessur lesressortissants des Etats-
Unis et qu'il n'y a pas lieu à remboursement.» (Ibid, vol. II,
p. 72.)

Dans leur duplique du 18avril 1952, lesEtats-Unis ont maintenu dans
leur intégralitlesconclusions présentées dans leur contre-mémoire(ibid.,
p. 131).Les audiences ont ététenues du 15au 26 juillet 1952.Les Etats-
Unis ont réitéréleur conclusioninitiale relativeàleur demande reconven-
tionnelle(ibid., p. 291).
En ce qui concerne la demande reconventionnelle des Etats-Unis,
l'arrêt de laCour du 27 août 1952 a rejeté enpartie la conclusion des
Etats-Unis relative à l'exemption detaxes et à l'exemption des taxesde
consommation imposéespar ledahir chérifiende 1948,mais ellea déclaré :

«que, pour appliquer l'article 95 de l'acte générald'Algésiras,la
valeur de la marchandise au pays d'origine et sa valeur sur lemarché
localmarocain sont l'uneet l'autre des éléments pour l'estimation de
sa valeur au comptant et en gros rendue au bureau de douane))
(C.I.J. Recueil 1952, p. 213). 8. The institution of counter-claims, in parallel with that of third-party
intervention which appears immediately after counter-claims in the sec-
tion on incidental proceedings in the Rules of Court, had been intro-
duced at the time of the Permanent Court of International Justice. Its
purpose was the proper administration of justice with a view to judicial
economy to enable it to rule on any or al1connected claims in a single
proceeding, in other words, to avoid any inconvenience which might be
caused by the other party or by a third party filinga fresh application on
issuesthat are directly connected. Any new application would, of course,
necessitateanother confirmation of the Court'sjurisdiction and an exami-
nation of the complete documentation, and it would be a situation best
avoided.

However, an applicant State will be severelyprejudiced if the scope of
the issues, in the respondent State's counter-claim, is broadened beyond

the original contention in the claim of the applicant State. While an
applicant State is not itself allowed to bring additional claims, why
then may a respondent State be permitted to bring a new claim if this
(counter-)claim is not directly connected with the subject-matter of the
Applicant's claim? We should not simply put what may have originally
been somewhat distinct matters into one melting-pot without making a
careful examination of the essential character of thatclaim.

9. In the present case, 1 wonder if it is quite proper to confirm the
admissibility of the United States counter-claim and make it part of the
whole proceedings without (i) affording the Parties, and in particular the
Applicant, the opportunity to express their views on this matter in the
written pleadings and (ii)without having oral hearings on the basis of the
complete exhaustion of the exchange of views indicated in the written
proceedings. In the light of past jurisprudence, except as already men-
tioned for the case concerning Application of the Convention onthe Pre-
ventionand Punishment of the Crime of Genocidein which an Order was
madejust a fewmonths ago, 1wonder if the quick rendering of an Order

by the Court is quite reasonable.

Past precedent (as mentioned above) seemsto indicate, in general, that
the question presented by way ofa counter-claim by the Respondent and
the subject-matter of the Applicant were so interlinked that their direct
connection could not be determined without careful study of the sub-
stance of the issues contained in their respectivecounter-claims. In those
two past cases, Asylum and Rights of Nationals of the United States of
America in Morocco, some of the respectivecounter-claimssubmitted by
the Respondents were rejected by the Court but only after it was proved
by a thorough examination through the written and oral pleadings that PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (OP.IND. ODA) 215

8. L'institution des demandes reconventionnelles, parallèlemeàtcelle
de l'intervention de tierces parties, qui figure immédiatement aprèsles
demandes reconventionnelles dans la section du Règlement de la Cour
relative aux procéduresincidentes, a été adoptéeà l'époque dela Cour

permanente de Justice internationale. Elle avait pour but la bonne admi-
nistration de la justice aux fins de l'économie judiciaire,pour permettre
la Cour de statuer sur l'une quelconque ou la totalité de demandes con-
nexes dans une seule instance, c'est-à-dire d'éviterles inconvénients qui
surgiraient si la partie adverse ou une tierce partie déposait unenouvelle
requête sur despointslitigieuxdirectement connexes. Bien entendu, toute
nouvelle requêtenécessiteraitencore une confirmation de la compétence
de la Cour et un examen de la documentation complèteet il conviendrait
d'évitercette situation.
Cependant un Etat demandeur subira un préjudicegrave si la portée
des questions litigieusessoulevéesdans la demande reconventionnellede

1'Etat défendeur est étendue au-delà de ce que réclamait initialement
1'Etat demandeur. Un Etat demandeur n'étant pas autorisélui-même à
présenterdesdemandesadditionnelles,pourquoi un Etat défendeurpeut-il
avoir la faculté de présenter une demande nouvelle, si cette demande
(reconventionnelle)n'apas deconnexitédirecte avecl'objet dela demande
du demandeur? Nous ne devrions pas simplement placer des questions
qui peuvent avoir étéassez distinctesà l'origine dans un seul et même
creuset,sans procéder àun examen attentif du caractère essentielde cette
demande.
9. Dans la présenteaffaire,je me demande s'ilest toutà fait approprié
de confirmer la recevabilitéde la demande reconventionnelle des Etats-

Unis et d'en faire un élémendte l'ensemble dela procéduresans: i) don-
ner aux Parties, particulièrement au demandeur, la possibilité d'exprimer
leur avis sur cettequestion dans les piècesécrites,et ii) tenir des audiences
pour discuter de manière exhaustive des vues exposéesdans les pièces
écrites.Compte tenu de lajurisprudence, sauf comme on l'a déjàindiqué
à propos de l'affaire relatiàel'Application de la conventionpour lapré-
vention et la répressiondu crime de génocide, au sujet de laquelle une
ordonnance a étérendue il y a seulement quelques mois, je me demande
si le prononcé rapide d'une ordonnance par la Cour est tout à fait rai-
sonnable.
Les précédents (comme je l'ai relevéci-dessus) semblent indiquer, de
façon générale,que la question présentéepar le défendeur à titre de

demande reconventionnelle et l'objet poursuivi par le demandeur étaient
tellement liésque leur connexité directene pouvait être déterminée sans
un examen attentif du fond des questions soulevéesdans leurs demandes
reconventionnellesrespectives.Dans cesdeux affairesantérieures,leDroit
d'asile et les Droits des ressortissants des Etats-Unis d'Amérique au
Maroc, la Cour a rejetécertaines des demandes reconventionnelles pré-
sentéespar les défendeurs,mais seulement après qu'un examen exhaustifthe counter-claims were directly connected with the subject-matter of the
claim of the other party.

10. 1certainly agree that, at this stage, the Court should fix the time-
limit for the submission of a Reply and of a Rejoinder, as has been done
in paragraph 46 (B) of the present Order. The matter, including whether
or not there is a "connection between the question presented by way of
counter-claim and the subject-matter of the claim of the other party",
should have been open to analysis by Iran in the Reply which it is topre-
pare and, further, by the United States in its Rejoinder.

There remains, as a matter of principle, the question of whether it
is fair for the Respondent to be given the opportunity to present the
subject-matter twice, once in its Counter-Memorial and once in its
Rejoinder, while the Applicant is confined to a single written pleading
in its Reply, although the Applicant will beafforded a further opportunity
to argue this point during the oral pleadings.

11. 1 find it difficult to understand why the admissibility of the
counter-claim should be determined at this stage before the Court
has, at least, received Iran's Reply. 1 also fail to understand why this
needs to be done so hastily in this case especially when one considers
the careful manner in which the Court has proceeded in earlier years.

In addition, 1 believe that this matter, namely whether the (counter-)
claim is admissible or not, should not be determined by the Court in the
form of an Order but should rather be decided by the Judgment in the
merits phase.

(Signed) Shigeru ODA.sur la base des exposésécrits etoraux eut permis d'établir queles de-
mandes reconventionnelles avaient une connexité directeavec l'objet de
la demande de la partie adverse.
10. Je suis certainement d'accord pour estimer qu'à ce stade la Cour
doit fixerdes délaispour la présentationd'une réplique et d'uneduplique,
comme elle l'a fait au paragraphe 46, alinéaB, de la présente ordon-
nance. L'affaire,y compris le point de savoir s'il existeou non «une

connexitéentre la question présentée à titre de demande reconvention-
nelle et l'objet de la demande de la partie adverse)), aurait dû pouvoir
donner lieu à une analyse de la part de l'Iran dans la répliquequ'il va
établir et,en outre, par les Etats-Unis dans leur duplique.
Sur le plan des principes, il convient encore de savoir s'ilest équitable
que le défendeurait l'occasion de présenterses vues sur la question dont
il s'agit deux fois, l'une dans son contre-mémoire etl'autre dans sa du-
plique, tandis que le demandeur doit se limiter à une seule pièceécrite
dans sa réplique, même sil'on sait qu'il aura une nouvelle occasion
d'argumenter à ce sujet pendant la procédure orale.
11.Il me semble difficilede comprendre pourquoi il faudrait statuer
sur la recevabilitéde la demande reconventionnelleà ce stade,avant que
la Cour n'ait au moins reçu la répliquede l'Iran. Je ne comprends pas
non plus pourquoi cela doit être faitavec une telle hâte en l'espèce,sur-

tout si l'on tient compte de la façon prudente dont la Cour a procédéau
cours des années antérieures.
De plus je pense que cette question, celle de savoir si la demande
(reconventionnelle) est ou non recevable, ne doit pas faire l'objet d'une
décisionde la Cour sous la formed'une ordonnance, mais plutôt doit être
tranchée par l'arrêtau stade du fond.

(SignéS )higeru ODA.

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Opinion individuelle de M. Oda (traduction)

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