Opinion individuelle de M. Oda, vice-président (traduction)

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086-19910729-ORD-01-02-EN
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086-19910729-ORD-02-00-EN
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OPINION INDIVIDUELLE DE M. ODA, VICE-PRÉSIDENT

[Traduction]

Jesuisentièrementd'accord aveclaconclusion de l'ordonnance, qui est
de rejeter la demande de la Finlande au motif, suffisant, de l'absence
d'urgence. Il n'y a effectivementpas urgence. En premier lieu, le Dane-

mark a donné des assurances qu'aucune obstruction matérielle du
chenal Est ne se produirait avant la fin de1994.En second lieu - et c'est
un point qu'il aurait fallu souligner-, bien que les acheteurs éventuels
de navires de forage et de plates-formespétrolières des chantiers navals
finlandais doivent iniévitablementpeser le risque que dans l'intervalle la
Cour rende un arrêtdéfavorable à la prétention finlandaise, ce risque
serait demeuré le même sila Cour avait indiquéles mesures conserva-
toiresdemandées,car cetteindication n'aurait nullementpréjugéle fond.
Par conséquent, l'objetde la demande finlandaise me semblait de peu de
consistance. Ce n'est qu'en rendant un arrêtsur le fond que la Cour peut
influerconcrètement sur laposition de la Finlande et,euégardauxconsé-
quences négatives qui découlent, pour cette position, du non-règlement
du litige,le meilleur serviceque la Cour puisse rendre est d'en veniràune

décision finale dès que possible.

Je suis également d'accord avec l'avertissement qui est adressé au
Danemark dans lestermes suivants :

on ne peut ni lie doit exclureà priori la possibilité d'une décision
judiciaire ordonnant soit de cesser les travaux soit de modifier ou
démantelerles ouvrages ))(par. 31).
Ceténoncéajouteun élémentd'équilibre extrêmemeinm t portantau rejet
de lademande finlandaise. Apropos du risquecourupar le Danemark, on
observera que l'agent et le conseil du défendeur ont insistésur la thèse

selon laquelle, si l'exécutiondu projet de pont sur le chenal Est avait
atteint un stade avancéavantque la Cour ne rende son arrêtet sila Cour
tranchait en faitenfaveur de la Finlande, ilseraitalors légitimed'achever
le pont et d'offrir une indemnisation dans la mesure où la restitution en
nature serait une charge excessive. Ainsi que la Cour l'indique dans son
ordonnance, on nepeut compterqu'ellejugera en définitiveque cettevoie
pourrait êtreprésentkecommesuffisante en droit. Pour réduire au mini-
mum le risque de vaines activités,il est donc d'autant plus souhaitable,
pour le Danemark également, que l'arrêt soit rendule plus tôt possible. Deux aspects de l'ordonnance me paraissent cependant quelque peu
superflus. Tout d'at)ord, bien qu'il soit sans aucun doute vrai, comme
l'ordonnance le déclare :

«qu'il revient au Danemark ...d'envisager l'incidence qu'un arrêt
faisant droit [la]revendication [dela Finlande]pourrait avoir sur la
réalisation du projet du Grand-Belt et de décidersi et dans quelle
mesure illuifaudrait en conséquenceretarder ou modifier ceprojet »
(par. 33),

il semblepeu justifii: que la Cour donneà entendre «de même» :
«qu'il revient..àla Finlande ..de déciders'ilconvientd'encourager
le réexamende moyens propres àpermettre aux navires de forage et

aux plates-formes pétrolières d'emprunter les détroits danois dans
l'hypothèse ou [la Finlande serait déboutéesur le fond]» (par. 34).
Ce que doit faire la.Finlande, à ce stade, c'est simplement de prendre
conscience de la possibilitéévidenteque,dansle casoù elle serait débou-

téesur le fond, elle doivepeut-êtreabondonner ou modifier tout plan de
construction de navires de forage et de plates-formes pétrolières d'une
hauteur supérieure A 65mètres.

Ensuite,bien queje ne m'oppose aucunement à larelance desnégocia-
tions silesParties enprennent l'initiative,ils'agiten l'espècede deuxpays
frèresde la région dela Baltique dont on nous assure qu'ilsentretiennent
des relations de confiance par des voies diplomatiques en grande mesure
officieuses; on peut donc raisonnablement penser que, si des négocia-
tionspouvaientmener à lasolution deleurdifférend,lerecours au proces-
sus judiciaire n'aurait pas été nécessaire. En effet,quoi bon négocier
maintenant, puisque chacune des Parties doit penser que la force de sa

position est conditionnée par l'affirmation judiciaire de son droit: d'un
côté,ledroit de libre passagedes navires de forageetplates-formespétro-
lièresde grande hauteur et, de l'autre, le droit d'entreprendre librement
des travaux sur son territoire national, tout en reconnaissant le droit de
passagedes navires de forageet desplates-formespétrolières de moindre
hauteur? Les Parties ne comprennent de la même manièreni le rapport
entre ces droits, ni les règlesdu droit international qui sont pertinentes
pour les concilier..ucuned'elles nepeut donc reprocher à l'autre d'être
réticenteà négocier à ce stade.
De surcroît, si ce que la Cour souhaite encourager en l'occurrence ce
sont des négociations entre les Parties en ce qui concerne leurs attitudes
ou leurs conduites respectives en attendant l'arrêtsur le fond, il devrait
paraître évident qu'aucune des Parties ne sera disposée à risquer de
compromettre sa cause en faisant des concessions. Tant que la Cour n'a
pas tranché un certain nombre de questions juridiques essentielles, le PASS.4GEPAR LE GRAND-BELT (OP.IND.ODA) 27

risque d'une impasse est par conséquentsi grand qu'il peut n'être guère
utile que la Couroriente lesParties dans cette voie.'estdonc difficile
de faire mien leentiment exprimépar la Cour lorsqu'elle dit:

«en attendantune décisionde la Coursur lefond,toute négociation
entre les Parties en vue de parvenirn règlementdirect et amiable
serait la bienvenuepar. 35).
La seule direction dans laquelle la Cour peut utilement infléchir ses
efforts estcellequi:onsistàveille«à parvenir àune décisionsur lefond

dans lesmeilleursdélais»(par. 36).Defait, c'estprécisémentparceque les
Parties sont prêteiinégociersur la base du droit qu'il estimpérieuxde
mener la présente affaireterme avectoute la diligencepossible.

(Signé S)higeruODA.

Bilingual Content

SEPARATE OPINION OF VICE-PRESIDENT ODA

1 am in full agreement with the conclusion of the Order to reject the
request of Finland on the sufficient ground of lack of urgency. Urgency
is indeed absent. Firstly, Denmark has given assurances that no physi-
cal obstruction of the East Channel will occur before the end of 1994.
Secondly - and this is a point which should have been underlined -,
while would-be purchasers of drill ships and oil rigs from Finnish ship-
yards must inevitably weigh the risk that in the meantime the Court may
give a judgment adverse to the Finnish claim, that risk would have

remained undiminished even if the Court had indicated the provisional
measures requested, because their indication would in no way have pre-
judged the merits. Consequently, 1 saw little meaningful object in Fin-
land's request. The only way in which the Court can concretely affect
Finland's position is by passing judgment on the merits, and, in view of
the negative consequences for that position flowing from the non-reso-
lution of the dispute, the Court will render the best serviceby coming to
a final decision atthe earliest possible date.

1also agreewith the warningto Denmark that

"the possibility cannot and should not be excluded a priori of a
judicial finding that such works must not be continued or must be
modified or dismantled" (para. 31).

This phrase addsan extremely important element of balance to the rejec-
tion of the Finnish request. In connection with Denmark's risk, it may be
observed that the Agent and counsel forthe Respondent laid stress onthe
contention that,should execution ofthe East Channel Bridgeprojecthave
reached an advanced stage before the Court givesjudgment and should
the Court in fact find in favour ofFinland, it would then be legitimate to
finish the bridge and offer compensation inasmuch as restitution in kind
would be excessivelyonerous. Asthe Court in its Order has indicated, no
reliance can be placed on the Court's eventually determining that this
course of action could be represented as legally sufficient. To minimize
the possibility of wasted efforts, it is therefore al1the more desirable for
Denmark also that the judgment be handed down as soon as possible. OPINION INDIVIDUELLE DE M. ODA, VICE-PRÉSIDENT

[Traduction]

Jesuisentièrementd'accord aveclaconclusion de l'ordonnance, qui est
de rejeter la demande de la Finlande au motif, suffisant, de l'absence
d'urgence. Il n'y a effectivementpas urgence. En premier lieu, le Dane-

mark a donné des assurances qu'aucune obstruction matérielle du
chenal Est ne se produirait avant la fin de1994.En second lieu - et c'est
un point qu'il aurait fallu souligner-, bien que les acheteurs éventuels
de navires de forage et de plates-formespétrolières des chantiers navals
finlandais doivent iniévitablementpeser le risque que dans l'intervalle la
Cour rende un arrêtdéfavorable à la prétention finlandaise, ce risque
serait demeuré le même sila Cour avait indiquéles mesures conserva-
toiresdemandées,car cetteindication n'aurait nullementpréjugéle fond.
Par conséquent, l'objetde la demande finlandaise me semblait de peu de
consistance. Ce n'est qu'en rendant un arrêtsur le fond que la Cour peut
influerconcrètement sur laposition de la Finlande et,euégardauxconsé-
quences négatives qui découlent, pour cette position, du non-règlement
du litige,le meilleur serviceque la Cour puisse rendre est d'en veniràune

décision finale dès que possible.

Je suis également d'accord avec l'avertissement qui est adressé au
Danemark dans lestermes suivants :

on ne peut ni lie doit exclureà priori la possibilité d'une décision
judiciaire ordonnant soit de cesser les travaux soit de modifier ou
démantelerles ouvrages ))(par. 31).
Ceténoncéajouteun élémentd'équilibre extrêmemeinm t portantau rejet
de lademande finlandaise. Apropos du risquecourupar le Danemark, on
observera que l'agent et le conseil du défendeur ont insistésur la thèse

selon laquelle, si l'exécutiondu projet de pont sur le chenal Est avait
atteint un stade avancéavantque la Cour ne rende son arrêtet sila Cour
tranchait en faitenfaveur de la Finlande, ilseraitalors légitimed'achever
le pont et d'offrir une indemnisation dans la mesure où la restitution en
nature serait une charge excessive. Ainsi que la Cour l'indique dans son
ordonnance, on nepeut compterqu'ellejugera en définitiveque cettevoie
pourrait êtreprésentkecommesuffisante en droit. Pour réduire au mini-
mum le risque de vaines activités,il est donc d'autant plus souhaitable,
pour le Danemark également, que l'arrêt soit rendule plus tôt possible. There are, however, two aspects of the Order which 1regard as some-
what superfluous. Inthe first place,whileit iscertainly true, asthe Order
States,that
"it is for Denmark . . to consider the impact which a judgment
upholding [Finland's claim]could have upon the implementation of
the Great Belt project, and to decide whether or to what extent it
should accordingly delay or modifythat project" (para. 33),

there seems to be little reason forthe Court to suggest "likewise" that

"it isfor Finland. ..to decide whether ornot to promote reconsidera-
tion of ways of enabling drill ships and oil rigs to pass through the
Danish Straitsinthe event that [Finland losesthe caseon the merits]"
(para. 34).

What is in fact needed for Finland, at this stage, is simply to take cog-
nizance ofthe obvious possibility that in the event of itslosingthe case on
the merits it might have to abandon or modify any plans to construct
drill ships and oil rigs higher than 65 metres.

Secondly, while 1am in no sense opposedto a revival of negotiations if
the Parties take an initiative in that sense, here we have two brother
nations in the Balticregion which,weare assured,have atrusting relation-
ship pursued through largely informal diplomacy ;it is therefore reason-
able to assume that, if negotiations could lead to a solution of their
dispute, recourse to the judicial process would not have been necessary.
Where,indeed, istheincentive for the Partiestonegotiate now,when each
must believe that the strength of its position depends upon the judicial
determination of itsright :onone side a right of freepassage oftaller drill
ships and oil rigs,on theothera rightfreely to undertake works withinthe
national territory though recognizing a right ofpassage for drill ships and
oilrigs of lesser height? There isnoshared understanding ofthe relation-
ship between these rights, or of the rules of international law relevant to
their reconciliation.Thus neither Party can blame theotherfor reluctance
to negotiate at this stage.

Moreover, if what the Court wishes to encourage is that the Parties
should negotiate asto their respective attitudes or conduct pending judg-
ment ofthe merits,it should be obvious that neither side willbe willingto
risk prejudicing its case by making concessions. Until the Court has
resolvedsome central legal issues,the chance of stalemate istherefore so
great that for the Court to point the Parties inthat direction maybe oflittle Deux aspects de l'ordonnance me paraissent cependant quelque peu
superflus. Tout d'at)ord, bien qu'il soit sans aucun doute vrai, comme
l'ordonnance le déclare :

«qu'il revient au Danemark ...d'envisager l'incidence qu'un arrêt
faisant droit [la]revendication [dela Finlande]pourrait avoir sur la
réalisation du projet du Grand-Belt et de décidersi et dans quelle
mesure illuifaudrait en conséquenceretarder ou modifier ceprojet »
(par. 33),

il semblepeu justifii: que la Cour donneà entendre «de même» :
«qu'il revient..àla Finlande ..de déciders'ilconvientd'encourager
le réexamende moyens propres àpermettre aux navires de forage et

aux plates-formes pétrolières d'emprunter les détroits danois dans
l'hypothèse ou [la Finlande serait déboutéesur le fond]» (par. 34).
Ce que doit faire la.Finlande, à ce stade, c'est simplement de prendre
conscience de la possibilitéévidenteque,dansle casoù elle serait débou-

téesur le fond, elle doivepeut-êtreabondonner ou modifier tout plan de
construction de navires de forage et de plates-formes pétrolières d'une
hauteur supérieure A 65mètres.

Ensuite,bien queje ne m'oppose aucunement à larelance desnégocia-
tions silesParties enprennent l'initiative,ils'agiten l'espècede deuxpays
frèresde la région dela Baltique dont on nous assure qu'ilsentretiennent
des relations de confiance par des voies diplomatiques en grande mesure
officieuses; on peut donc raisonnablement penser que, si des négocia-
tionspouvaientmener à lasolution deleurdifférend,lerecours au proces-
sus judiciaire n'aurait pas été nécessaire. En effet,quoi bon négocier
maintenant, puisque chacune des Parties doit penser que la force de sa

position est conditionnée par l'affirmation judiciaire de son droit: d'un
côté,ledroit de libre passagedes navires de forageetplates-formespétro-
lièresde grande hauteur et, de l'autre, le droit d'entreprendre librement
des travaux sur son territoire national, tout en reconnaissant le droit de
passagedes navires de forageet desplates-formespétrolières de moindre
hauteur? Les Parties ne comprennent de la même manièreni le rapport
entre ces droits, ni les règlesdu droit international qui sont pertinentes
pour les concilier..ucuned'elles nepeut donc reprocher à l'autre d'être
réticenteà négocier à ce stade.
De surcroît, si ce que la Cour souhaite encourager en l'occurrence ce
sont des négociations entre les Parties en ce qui concerne leurs attitudes
ou leurs conduites respectives en attendant l'arrêtsur le fond, il devrait
paraître évident qu'aucune des Parties ne sera disposée à risquer de
compromettre sa cause en faisant des concessions. Tant que la Cour n'a
pas tranché un certain nombre de questions juridiques essentielles, leavail.1therefore have difficultyin endorsingthe sentimentexpressed by
the Court that

"pending a decision of the Court on the merits, any negotiation
between the Parties with a view to achieving a direct and friendly
settlement isto be welcomed" (para. 35).

The only fruitful direction in which the Court can bend its efforts is
towards ensuring "that the decision on the merits be reached with al1
possible expedition" (para. 36). Indeed, it is the very readiness of the
Parties to negotiate on a basis of law that makes it imperative to finish
the caseas speedilyas possible.

(Signed) ShigeruODA. PASS.4GEPAR LE GRAND-BELT (OP.IND.ODA) 27

risque d'une impasse est par conséquentsi grand qu'il peut n'être guère
utile que la Couroriente lesParties dans cette voie.'estdonc difficile
de faire mien leentiment exprimépar la Cour lorsqu'elle dit:

«en attendantune décisionde la Coursur lefond,toute négociation
entre les Parties en vue de parvenirn règlementdirect et amiable
serait la bienvenuepar. 35).
La seule direction dans laquelle la Cour peut utilement infléchir ses
efforts estcellequi:onsistàveille«à parvenir àune décisionsur lefond

dans lesmeilleursdélais»(par. 36).Defait, c'estprécisémentparceque les
Parties sont prêteiinégociersur la base du droit qu'il estimpérieuxde
mener la présente affaireterme avectoute la diligencepossible.

(Signé S)higeruODA.

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