Opinion dissidente de M. Schwebel (traduction)

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070-19841004-ORD-01-05-EN
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OPINION DISSIDENTE DE M. SCHWEBEL

(Traduction]

Je regrette dene pouvoir m'associer àl'ordonnance rendue par la Cour.
J'en suisempêché par la décisionde ne pas tenir d'audience sur la décla-
ration d'intervention d'El Salvador,par laquelle la Cour s'écartede son
respect traditionnel pour lesformes, indispensable àunebonne justice. De
plus, enraison decette décision,il n'apasétépossible de résoudrede façon
satisfaisante certaines questions que pose ladite déclaration. La déclara-
tion d'El Salvador contient des points douteux ; mais, pour ma part, je
répugne à interpréter ces points de façon défavorable au Salvador sans
donner àcelui-cilapossibilitédeprécisersaposition. C'estpourquoi, après
que la Cour eut refuséd'entendre El Salvador,je me suis estimétenu de
voter en faveur de son droit d'intervenir en vertu de l'article 63 du Statut,
alors mêmeque ni lestermes de la déclaration salvadorienneni ledroit sur

la question ne sont, je le reconnais, d'une parfaite clarté.

L'article 63 du Statut de la Cour dispose
1. Lorsqu'il s'agitde l'interprétationd'une convention à laquelle
ont participé d'autres Etats que les parties en litige, le Greffier les
avertit sans délai.
2. Chacun d'euxa le droit d'intervenir au procès,et s'ilexercecette
faculté,l'interprétation contenuedans la sentence est également obli-
gatoire à son égard.

Le 15août 1984,El Salvador a présenté envertu de cet article une dé-
claration d'intervention dont lesmotifs sont énoncés auparagraphe XIV :

<le Nicaragua a eu recours au second de ces moyens, enjustifiant la
compétencede la Cour par l'article36du Statutde celle-ci ..A l'appui
de sa demande principale contre les Etats-Unis, leNicaragua invoque
desviolations présumées de la Charte desNations Unies, de la Charte
de l'organisation des Etats américains,de la convention concernant
lesdroits etdevoirsdes Etats et de laconvention concernant lesdroits
et devoirs des Etats en cas de lutte civil...
En supposantque la thèsedu Nicaragua enmatière de compétence
soit valable, El Salvador est égalementpartie au Statut de la Cour
internationale ..[et à]la Charte des Nations Unies. El Salvador est
devenu partie à la Charte a la mêmedate. Il est devenu membre de ACTIVITÉS MILITAIRES ET PARAMILITAIRES (OP.DISS.SCHWEBEL) 224

l'organisation des Etats américains ...Il est devenu partie à la con-
vention concernant les droits et devoirs des Etats en cas de lutte
civil...Il a ratifié la convention concernant les droits et devoirs des
Etats...El Savador est donc partie à toutes les conventions multila-
téralesoù leNicaragua prétend trouver la basejuridictionnelle de ses
demandes.
Ces traitésdonnent égalementau Salvador le droit d'exigerque le
Nicaragua mette fin à son intervention ouverte dans nos affaires
intérieures, etEl Salvador considère - ce qui est une raison d'inter-
venirdans l'instanceintentéepar leNicaragua contre lesEtats-Unis -
que tous ces traités et conventions multilatéraux constituent les
moyens légitimesprévuspour le règlementdesconflits et ont priorité
sur l'affirmation de la compétencede la Cour internationalede Jus-

tice...
De l'avis d'El Salvador,la Courne peut ..pas statuer sur lesgriefs
du Nicaragua contre lesEtats-Unis sansseprononcer surla légitimité
ou la légalitéde toute action arméeattribuéeaux Etats-Unis par le
Nicaragua ni, par conséquent,sur le droit qu'ont El Salvador et les
Etats-Unis de recourir à des mesures collectives de légitime défense.
Les griefs du Nicaragua contre les Etats-Unis sont directement liés
aux griefs d'El Salvador contre le Nicaragua.

Une action enjustice contre les Etats-Unis invoquant l'assistance
fournie par ce pays a la demande expresse d'El Salvador pour per-
mettre à cepays d'assurer sa légitimedéfensene saurait avoir de suite

sans que celaimpliqueune prise de position - sousforme de décision
judiciaire, de reconnaissanceou d'attribution - concernant le droitde
légitime défense, individuelleou collective, que reconnaît à toute
nation l'article 51de la Charte des Nations Unies. Cela rend impos-
sibleune affirmation dejuridiction de la Cour sanslaparticipation de
l'Amériquecentrale, et en particulier d'El Salvador, en l'absence de
qui la Cour n'a pas compétence.
Enfin El Salvador tient à signaler qu'il a formulé, enacceptant la
juridiction de la Cour, une réserve visant expressémentles différends
serapportant à des faits ou des situations d'hostilité,de conflit armé,
desactesde légitimedéfenseindividuelsoucollectifs,une résistance à
l'agression, le respect des obligations imposéespar des organismes

internationaux et tout autre acte, mesure ou situation semblable dans
lesquels El Salvador a pu, est ou risque d'êtreimpliqué. ))

Les termes de cette déclaration ne répondaient pas suffisamment aux
conditions énoncées à l'article 82,paragraphe 2,du Règlementde la Cour.
Plus particulièrement, on n'y trouvait ni l'indication des dispositions des

conventions précisesdont El Salvador estime que l'interprétation est encause, ni l'exposéde l'interprétation qu'El Salvador donne de ces dispo-
sitions.
Le 10septembre 1984,cependant, El Salvadoraadresséau Greffier une
lettre qui précisaitsa déclaration en des termes qui répondent aux condi-
tions essentielles de l'article 82, paragraphe 2, du Règlement. Lespara-
graphes 1 et 3 de cette lettre sont ainsi rédigés:

1. L'interprétationdesconventionsinternationales auxquelles El
Salvador est partie est un élémentclef des délibérationsque consa-
crera la Cour àsa propre compétenceet à la recevabilitéde la requête
du Nicaragua. El Salvador se prévautde son droit automatique d'in-
tervenir dans cette phase ou étape de la procédure pour se faire

entendre sur les questions primordiales ayant trait à l'interprétation
de l'article 36 du Statut de la Cour et, corrélativement, des disposi-
tions pertinentes de la Charte des Nations Unies, et notamment des
articles 39, 51 et 52. El Salvador est partieà ces deux conventions,
comme indiquédans sadéclaration.El Salvador entend soutenir qu'il
convient de faire de ces dispositions une interprétation qui nie la
compétencede la Cour pour connaîtrede l'affaire et pour appliquer
les principes conventionnels du droit international invoquéspar le
Nicaragua à un conflit armédéjàen cours, tel que celui sévissant
actuellement en Amérique centrale, et il entend soutenir l'irrecevabi-
litéde la requêtedu Nicaragua en vertu d'un raisonnement analogue.
Plus particulièrement, El Salvador entend soutenir lavaliditéde cette

interprétationdes articles 39,51et 52de la Charte, entre autres, et de
l'article 36 du Statut, pour les motifs suivants:
- ces dispositions, correctement interprétées démontrent que l'ap-
plication des principes invoqués par le Nicaragua à un conflit
armé en cours est une question politique et non judiciaire, et
que le seul mécanismeconvenant à l'examen des questions ayant
trait à la recherche de la paix en cas de conflit armé en cours

est le recours prévu auxorganes politiques du système interna-
tional;
- ces dispositions conventionnelles, correctement interprétées, nient
la compétencede la Cour à l'égardde tout conflit arméen cours,
stipulent qu'aucune disposition de la Charte, ycompris lesmesures
que peut prendre la Cour en vertu de son Statut, ne doit porter
atteinte au droit de légitime défense, individuelleou collective, et
précisent qu'un conflit arméde ce genre n'est pas un différend
juridique relevant de la compétencede la Cour ;
- enfin ces dispositions, correctement interprétées, font des Etats
d'Amérique latine des parties indispensables à toute procédure
ayant trait au conflit en cours en Amérique centrale, et, dans la

mesure où ces Etats ne sont pas à la procédure,celle-cine
peut se poursuivre. 3. El Salvador invoque donc son droit d'intervenir de manière
strictement conforme aux dispositions de l'article 63.Son interven-
tion est limitée.Il entend s'exprimeruniquement sur l'interprétation
des conventions auxquelles il est partie. Ainsi, il ne se propose pas
d'aborder la question de savoir si le Nicaragua a ratifié ou non le
protocole de signature du Statut de la Cour permanente de Justice
internationale, qui est évoquéedans l'ordonnance de la Cour du
10mai 1984...Et, s'ilest possible qu'il aborde la question de la vali-
ditéde la déclaration faitepar les Etats-Unis le6 avril 1984en appli-
cation de l'article 36,paragraphe 2, du Statut, qui est évoquée [dans]
l'ordonnance du 10 mai 1984, c'est seulement dans la mesure où la
décisionde la Cour sur ce point pourrait avoir des effets sur les

réserves d'ElSalvador à l'égardde la compétencede la Cour. ))
Il est donc clair que, si El Salvadorcherchaità intervenir dans la phase
juridictionnelle de l'instance entre le Nicaragua et les Etats-Unis, c'était
pour soutenir que l'article36du Statut de la Cour et les articles 39,5 1et 52
de la Charte, correctement interprétés, interdisaient à la Cour de se pro-

noncer aufond sur lesdemandes du Nicaragua. L'argumentation d'El Sal-
vador semble d'ailleurs porter davantage sur la recevabilitéde la requête
nicaraguayenne que sur la compétencede la Courpour en connaître :son
argument principal est en effet que la solution desconflits armés en cours
relèvedesorganespolitiques du systèmeinternational (en l'occurrence,les
Nations Unies et les accords régionaux)et non pas de la Cour.
Cependant l'argumentation salvadorienne ne semble pas s'arrêterlà,
puisque El Salvadorinvoque également les termesde l'article 36du Statut
et les adhésions àlajuridiction obligatoire de la Cour faites en vertu de la
clausefacultative contenuedans cet article, ainsi que les dispositions de la
Charte de l'organisation des Etats américains etde deux autres conven-
tions interaméricaines. L'intention à laquelle répondl'argumentation sal-
vadoriennesur cespoints appellecertaines précisions - précisionsquel'on

aurait pu chercher à obtenir en posant des questions au Salvador, soit en
audience soit autrement.
Faute d'audience, et la Cour ayant refusé de poser ces questions au
Salvador avant de se réunir pour examiner sa déclaration, il n'est pas
possible d'être certainde la signification des arguments d'El Salvador.
Pour autant cependant queje lescomprenne, ces arguments semblent être
les suivants, au moins dans la mesure où ils portent sur la Charte des
Nations Unies, le Statut et la clause facultative.
El Salvadormaintient que l'instance ouverte par leNicaragua contre les
Etats-Unis, étantessentiellement fondéesur quatre traités multilatéraux
auxquels El Salvador est égalementpartie, met en jeu l'exercice, par El
Salvador, de son droit de légitimedéfensecollective avec les Etats-Unis.

ElSalvadorfait observer qu'il n'apasconsenti(aux termes deson adhésion
à la clausefacultative, qui exclut lesdifférendsserapportant à des actes de
légitimedéfenseindividuelsoucollectifs),et qu'ilne consent toujours pas,
à être traduit devant la Cour par le Nicaragua. El Salvador affirme en ACTIVITÉS MILITAIRES ET PARAMILITAIRES (OP.DISSS . CHWEBEL) 227

conséquencequel'instance intentéecontrelesEtats-Unis par leNicaragua
est elle aussi irrecevable, et étrangèreà la compétence de la Cour. On
pourrait résumercomme suit la logique de cet aspect de l'argumentation
par laquelle El Salvadorcherche àinterveniren vertu de l'article 63dans la
phasejuridictionnelle de la présente affaire :

Premièrement, ElSalvador affirme exercer avecles Etats-Unis son droit
de légitime défense collectivecontre une intervention et une agression du
Nicaragua.
Deuxièmement, les Etats-Unis affirment exercer avec El Salvador leur
droit de légitimedéfensecollective contre une intervention du Nicaragua
au Salvador et une agression du Nicaragua contre El Salvador.
Troisièmement, El Salvador lui-même,en raison des termes de son
adhésion à lajuridiction obligatoire de la Cour, n'est pas soumisà ladite

juridiction pour la catégoriede questions serapportant à desactes d'agres-
sion,delégitimedéfense, etc.e ,t ElSalvadorne consent pas présentement à
cettejuridiction de la Cour.
Quatrièmement, la Cour ne peut se prononcer sur la légalitédes actes
dont le Nicaragua accuse les Etats-Unis sans se prononcer en fait sur la
légalitédes actes d'El Salvador, étant donnéque les Etats-Unis et El
Salvador agissent conjointement enexerçantleur droit de légitime défense
collective contre le Nicaragua.
Cinquièmement, la Cour ne pouvant exercer sajuridiction ni en l'ab-
sence d'El Salvador,dont les droits sont en cause, ni sur la catégorie des
questions pour lesquelles le Nicaragua cherche directement à traduire El

Salvadordevant elle, ellene peut davantage l'exercersur l'instanceintentée
par le Nicaragua contre les Etats-Unis, puisque, si la Cour se déclarait
compétente,les droits d'El Salvador se trouveraient indirectement soumis
à l'examen de la Cour dans la catégorie même de questions qu'exclut
l'adhésion d'ElSalvador à lajuridiction obligatoire de la Cour.

II. LE REFUS D'ENTENDRE EL SALVADOR

L'article 84 du Règlement de la Cour dispose :

((1. La décisionde la Cour sur ..la recevabilitéd'uneintervention
fondéesur l'article 63 du Statut est prise par prioritémoins que, vu
les circonstances de l'espèce,la Cour n'en décideautrement.

2. Si ...il est fait objection...à la recevalitéd'une déclaration
d'intervention, la Cour entend, avant de statuer, 1'Etatdésireux d'in-
tervenir ainsi que les parties))

Le Nicaragua et les Etats-Unis ont étéinvités,conformément à l'ar-
ticle 83du Règlement, à présenter des observations écritessur la déclara-
tion d'El Salvador.Les Etats-Unis, dans une lettre du 14septembre 1984,
concluaient, après une analyse détailléedu droit d'intervenir en vertu de
l'article 63: ACTIVITÉS MILITAIRES ET PARAMILITAIRES (OP.DISSS . CHWEBEL) 228

<L'intervention en vertu de l'article 63 peut ...par nature, être
limitée àune phase ou une autre de la procédureselon les questions
d'interprétation de traitésqui sontà la base du droit d'intervention.
En outre, l'interprétation défenduepar 1'Etatintervenant peut elle-
mêmeimpliquerune tellelimitation. C'est cequi sembleêtrelecasici,
El Salvador intervenant essentiellement pour la raison que l'examen
de la requêtedu Nicaragua serait contraire à la Charte des Nations
Unies et porterait gravement préjudiceaux intérêts et aux droits d'El
Salvador.
En conclusion, les Etats-Unis expriment respectueusement l'avis
qu'ElSalvadora ledroit d'intervenir dans cette instance sur la base de

l'article63 du Statut de la Cour, en tant qu'Etat partià des conven-
tions mutilatérales dont l'interprétation est en jeu à ce stade du
procès. Les Etats-Unis considèrent en outre que l'intervention d'El
Salvador,par sonobjet et saportée, serattache comme ilconvient à la
phase actuelle du procèset est intrinsèquement limitée àcelle-ci. En
conséquence, lesEtats-Unis n'aperçoivent aucun motif defaire objec-
tion à la recevabilitéde cette intervention.)>

La lettre du Nicaragua, datéedu 10septembre 1984,est moins simple.
Comme il est indispensable d'en interpréter les termes pour apprécier la
façon dont la Cour a appliquél'article 84 de son Règlement,je la citerai
longuement :

<<1. LeNicaragua n'aenprincipe rien à objecterà uneintervention
régulière d'ElSalvador,faite sur la base de l'article63du Statut de la
Cour et des articles 82à 85 du Règlement. Larequêtedu Nicaragua
contient en effet des demandes présentéesnon seulement en vertu du
droit international général, mais aussien vertu de certaines conven-
tions. Or il est établique tout Etatpeut, en application de l'article 63,
intervenir deplein droitdans toute affaireoù ils'agitd'interpréterune
convention à laquelle il est partie, s'ilsatisfait aux conditions énon-
céesdans cet article et dans les dispositions applicables du Règle-
ment.
2. Si le Nicaragua n'entend pas s'opposer à l'intervention d'El
Salvador, il s'estimeen revanche tenu d'attirer l'attention de la Cour

sur certains défauts, de forme et de fond, de la déclaration d'inter-
vention.
3. Surlaforme :ladéclarationest censéeêtrefondée surl'article 63
du Statut de la Cour (article qui permet l'intervention de tout Etat
partie à une convention qu'il s'agit d'interpréter en l'affaire). Or
l'article 82du Règlement de la Cour, applicable aux interventions
fondées surl'article 63, dispose que la déclaration d'intervention

(<contient : b) l'indication des dispositions de la convention dont il [l'Etat
déclarant]estime que l'interprétation est en cause ;

c) un exposé de l'interprétation qu'il donne de ces disposi-
tions o.

Cependant la déclaration d'El Salvador ne contient ni cette << in-
dication )),ni cet <(exposé )).
4. Les conditions énoncées à l'article 82 du Règlement ne corres-
pondent pas à de simples questions de forme :elles ont pour but de

veillerà ce que l'intervention relève bien des dispositions de l'ar-
ticle63 du Statut, et d'indiquer exactement quelles sont lesparties de
l'arrêtde la Cour qui obligeront l'intervenant par application de cet
article.
5. Sur lefond :aux termes de ladéclaration,El Salvador demande
à intervenir avec pour but unique et limitéde faire valoir que la Cour
n'apas compétencepour connaître de la requêtedu Nicaragua et des
demandes qui y sont énoncées, qu'elle doit pour de multiples raisons

déclarernepaspouvoir donner suite à cetterequêteet àcesdemandes,
et que ladite requête etlesdites demandes sont irrecevables.
Par ailleurs, il est dit dans la déclaration qu'El Salvador :

<souhaite aussi intervenir afin de faire savoir officiellement que,
contrairement à ce que le Nicaragua a affirmédans ses allégations
en l'espèce,il estime êtrel'objet d'une agression arméeréellede la
part du Nicaragua )).

Cependant l'article 63 ne permet d'intervenir ni pour dénier la
compétence, nipour <faire savoir officiellement ))quoi que ce soit,
mais aux seules fins de l'interprétation d'une disposition déterminée

de la convention à laquelle l'intervenant est partie...

De l'avisdu Nicaragua, il importe de toute urgence de régler avec
céléritéla phase actuelle de l'affaire, relativeà la compétence,et de
statuer rapidement sur le fond. Acceptant en principe l'intervention

d'El Salvador, leNicaragua le fait à condition que cette intervention
ne devienne pas l'occasion de retards dans la procédure.

Ainsi le Nicaragua, tout en affirmant dans sa lettre n'avoir << rien à
objecter 1)à la recevabilitéde la déclaration d'intervention d'El Salvador,
formulait desobjections qu'il définissaitcommedes <défauts,de forme et
de fond, de la déclaration d'intervention D.Les défautsde forme portaient
sur les conditions qui, d'après le Nicaragua, <(ont pour but de veiller à ce
que l'intervention relèvebiendesdispositions de l'article63du Statut )>.Et
lesdéfautsdefond amenaient leNicaragua a conclure que <<l'article63nepermet [pas] d'intervenir pour dénier la compétence ))- autrement dit,
dans lebut mêmequ'El Salvadorpoursuivait en demandant àintervenir. Il

est donc évidentque, si les défautsdits de formepar le Nicaragua étaient
d'une telle gravitéque la déclaration d'ElSalvador ne répondait pasaux
conditions de l'article 63,et si les défauts dits de fond par le Nicaragua
étaientd'une telle gravitéque l'intervention d'El Salvador ne pouvait être
permise en vertu de l'article63,leNicaragua objectait pour cesmotifs à la
déclaration d'El Salvador. Il affirmait lui donner son accord << en prin-
cipe O; mais il y objectait en fait.
ElSalvador, dans une lettre du 17septembre 1984,portait l'appréciation
suivante sur les observations du Nicaragua :

<4. Lesobservations du Nicaragua constituent une tentative pour
s'opposer à la déclarationd'intervention d'ElSalvador tout en empê-
chant celui-ci d'exercer son droit à participer à la procédure orale
devant la Cour en cas d'objection. D'une part, le Nicaragua prétend
qu'il n'opposepasd'objection afind'éviterde déclencherl'application

automatique de l'article 84, paragraphe 2, du Règlement de la Cour
qui accorde à El Salvador automatiquement le droit de se faire
entendre s'ilest fait <objection ))àsa requête. D'autrepart, le Nica-
ragua lance ensuiteune attaque complètesurla forme et lefond de la
déclaration, attaque qui constitue 1'<o <bjection ))la plus forte et la
plus netteque l'onpuisse imaginer. En résumé, le Nicaragua nie qu'il
s'oppose à l'intervention d'ElSalvador mais explique ensuite abon-
damment les raisons pour lesquelles la Cour devrait considérer cette
intervention comme irrecevable. Il n'est pas possible d'imaginer que
la Cour puisse agirpéremptoirement etinconsidérémentcommelelui

suggèreleNicaragua. Ou bien lesobservations du Nicaragua doivent
êtreprises au pied de la lettre et la déclaration d'intervention être
déclarée recevable en tant qu'exerciced'un droit automatique pleine-
ment compatible avec l'article 63 du Statut et l'article 84 du Règle-
ment de la Cour en l'absence de toute objection de l'une ou l'autre
Partie, oubien lesobservationsduNicaragua doivent êtreconsidérées
comme l'objection qu'ellesconstituent en fait sans doute possible et
El Salvador êtreautorisé àsefaire entendre au coursde la procédure
orale comme le prévoit l'article84,paragraphe 2, du Règlement lors-
qu'il estfait objection à une requête. ))

Cependant la Cour a écarté, non seulementce que dit la lettre d'El
Salvador du 17septembre, mais aussi ce que dit la lettre du Nicaragua du
10septembre ;etelleatenu à admettre pleinementet sans réservecequela
lettre du Nicaragua dit qu'elledit,au lieude cequ'elledit clairement. C'est
ce qui a permis à la Cour de ne pas appliquer les termes impératifs de

l'article 84,paragraphe 2, de son Règlement,qui prescrit que, s'ilest fait
objection à la recevabilité d'une déclaration d'intervention, << la Cour
entend, avant de statuer, 1'Etatdésireux d'intervenirainsi que lesparties o.
Il est vrai que les observations contenues dans la lettre du Nicaragua du
10septembre étaitrédigées avec prudence, et même avec habileté ;maisce ACTIVITÉS MILITAIRES ET PARAMILITAIRES (OP.DISSS. CHWEBEL) 231

n'étaitpas une raison d'en récompenser lesauteurs par une telle applica-
tion du Règlement.LaCour n'apas àsesoucierderendre au formalisme de
l'acte écrit(forms of action) le rôle prééminent etdéterminant que le
commonlawluiafait perdre depuis longtemps. Elledoit, sielleveut mériter
etgarder laconfiancedesEtats, agir avecun respect scrupuleux de la lettre
et de l'esprit de son Règlement. J'ai la tristesse de devoir dire que, selon
moi, c'est un respect dont elle n'a pas fait preuve en l'espèce.
Il faut ajouterà cela que, la Cour ayant jugé bon de conclure que le
Nicaragua n'avait pas fait d'objection à l'intervention d'El Salvador, il
s'ensuivait qu'aucune des Parties à l'instance principale ne contestait le
droit d'intervenir d'El Salvador. Il semble que cela aurait dû êtreune
considération importante en faveur de la recevabilitéde la déclaration

salvadorienne. Or rien n'indique que la Cour ait accordéune valeur quel-
conque à cette considération.
Quoi qu'il en soit, et quelle que fût la façon dont la Cour choisissait
d'interpréter les obse~ations du Nicaragua, elle n'en restait pas moins
libre de tenir audience sur la déclaration d'El Salvador. El Salvador avait
demandé à être entendu. Les questions restées sans réponse dans les
communicationsd'El Salvador,le faitque c'étaitla secondefois seulement
dans l'histoire de la Cour qu'un Etat invoquait l'article-6et la première
fois qu'un Etat demandait àintervenir dans la phasejuridictionnelle de la
procédure -, enfin le fait qu'il y avait des questions qu'un membre de la
Cour au moins souhaitait poser au Salvador, militaient en faveur d'une
décision d'entendre El Salvador. Le respect des formes judiciaires, le

principe de l'égalité souverainedes Etats devant la loi et les exigences du
fair play allaient dans le même sens.De plus, ne pas entendre 1'Etat
demandant à intervenir était contredire l'unique précédentdans la juris-
prudence de la Cour.
Dans l'affaireHaya de la Torre,Cuba avait demandé àintervenir dans
des termes auxquels objectait le Pérou,partie à l'affaire. La Cour, après
avoir tenu audience (C.I.J. Mémoires,Haya de la Torre, p. 149-150),a
autoriséCuba àintervenir sur un aspect de l'affaire beaucoup plus limité
que cet Etat ne l'avait demandé, en s'exprimant dans les termes sui-
vants :

<<Ainsi circonscrite et s'exerçant dans ces limites, l'intervention du
Gouvernement de Cuba répondait aux conditions de l'article 63du
Statut, et la Cour..a ...décidéde l'admettre ..>>(Haya de la Torre,
arrêt, CI..J. Recueil951, p. 77).

Or on voudra bien remarquer que le Règlementen vigueur à l'époquene
prévoyaitpas d'audience pour statuer sur la recevabilitédes déclarations
faites en vertu de l'article 63, puisque l'article applicable disp:s<<En
cas de contestation ou de doute sur l'admissibilitéde l'intervention sur la
base de l'article 63 du Statut, la Cour décideD.Malgré cela,la Cour, en
présenced'une contestation ou d'un doute, a décidéd'entendre Cuba, ce
qui lui a permis de ramener àdes limites acceptables la portée del'inter-vention demandée par cet Etat. En la présente affaire, la Cour a fait
abstraction de leçons de ceprécédent :au lieu de tenir audience, comme le
Règlement actuel le demande, et de tenter de ramener l'intervention d'El
Salvador aux limites qu'elle jugeait appropriées, elle s'est contentée de
refuser la déclaration salvadorienne en termes sévères.

D'ailleurs lecommuniquédepresse no84/28de laCour, que lePrésident
a fait publier le27 septembre 1984,laissait présagerce refus. En effet ce
communiqué, qui annonçait que la Cour tiendrait audience le 8 octobre
1984sur la question de savoir si elle étaitcompétente pour connaître au
fond de l'instance introduite par leNicaragua contre les Etats-Unis et sila

requêtedu Nicaragua était recevable, s'achevait sur le paragraphe sui-
vant :
<Entre-temps, El Salvadoradéposéunedéclaration d'intervention
au sens de l'article 63 du Statut de la Cour, qui permet aux Etats
d'intervenir s'ilsreçoivent notification de ce que l'interprétation d'un

traitéauquel ils sont parties est encause..La décisionque prendra la
Cour au sujet de cette déclaration fera l'objet d'un communiqué
ultérieur.
Ala date depublication de cecommuniqué,la Courne s'étaitpas réunie,
et elle ne prévoyaitpas de se réuniravant le 4 octobre 1984 ;en revanche
elleétaiten possession d'une communication qu'ElSalvadoravait adressée

le24septembre au Greffier,et oùl'agentdecet Etat disait avoir été informé
par leGreffe que toute décisionque la Courpourraitprendre au sujet de la
déclaration d'intervention de sonpays seraitcommuniquéeauxagentsdes
Parties età lui-mêmeavant le 8 octobre, date à laquelle le Président avait
fixél'ouverture de laprocédure orale sur lesquestions de compétenceetde
recevabilité.Dans cette mêmecommunication du 24 septembre, El Sal-
vador demandait que cette date fût différée,pour la raison qu'il serait
<<extrêmement difficile à El Salvador d'êtresuffisamment prêt ))pour
prendre part à cette procédure, d'autant plus que cet Etat n'avait pas
encore reçu accès aux écritures du Nicaragua et des Etats-Unis sur ces
questions.
Dans ces conditions, il a dû paraître évidentau Salvadoret àtout autre
observateurintéresséque lecalendrier fixépar le Président,etannoncé àla

presse dans les termes où il était annoncé, avait étéétabli à partir de
l'hypothèsedu refus de ladéclaration d'intervention d'El Salvador.Certes
la Cour restait libre de revenir sur cette hypothèse. Mais il ne semble pas
que cette possibilité ait étéenvisagée,surtout si l'on serappelle que les
Etats-Unis avaient d'ores et déjàattirél'attention de la Cour sur ce point,
dans une lettre adresséeau Greffier le 14 septembre 1984 :

<L'article 86du Règlement disposequ'un Etat dont l'intervention
fondée sur l'article 63 du Statut est déclarée recevable (reçoit copie
des pièces de procédure des parties et a le droit de soumettre des ACTIVITES MILITAIRES ET PARAMILITAIRES (OP.DISSS. CHWEBEL) 233

observations écritessur l'objetde l'intervention <dansun délaifixé O.

Dans sa lettre du IO septembre, l'agent d'El Salvador a demandé
qu'on lui laisse le temps d'examiner les pièces écritesafin de déter-
miner leurs répercussionssur la manière dont El Salvador interprète
lesdiverses conventions dont l'interprétationest enjeu dans la phase
actuelle de l'affaire.

Les Etats-Unis demandent respectueusement que l'examen du

calendrier pour la suite de la procédure sur les questions de compé-
tence de la Cour et de recevabilitéde la requêtedu Nicaragua soit
différéjusqu'à cequelaCour sesoitprononcéesurlarecevabilitéde la
déclaration d'intervention d'El Salvador. i)

111.LE DROIT D'ELSALVADO R'INTERVENIR
DANS LA PHASE JURIDICTIONNELLE DE L'INSTANCE EN COURS
POUR LES MOTIFS INDIQUÉS PAR LUI

Bien que l'article.63 du Statut donne aux Etats (le droiti)d'intervenir
lorsque la Cour a à connaître de l'interprétation d'une convention àla-

quelle ils sont parties, il a toujours été admisquela Cour devait décidersi
1'Etatdemandant à intervenir étaitbien une telle partie, et si l'interpré-
tation de la convention citéepar lui étaiteffectivement enjeu. Si la Cour
répond affirmativement à ces questions, elle n'a pas à donner à 1'Etat
intéresséla permission d'intervenir :tout simplement - et, comme l'adit
notre distingué Président, (<de façon assezsignificative 1(T. O. Elias, The

International Court of Justice and Some Contemporary Problems, 1983,
p. 86) - elledonne acte à 1'Etatdéclarantde son intention de seprévaloir
du droit d'intervenir qui lui est conférépar l'article 63 du Statut, et elle
(<reçoit))son intervention. (VapeurWimbledon, C. P.J.I. sériA no1,p. 13.
Cependant, dans l'affaire Haya de la Torre, voir ci-dessus, la Cour a
décidé i)d'(<admettre >)l'intervention.)
Cedroitqu'ont lesEtats d'intervenir est constant, qu'ilsaient ou nonété

avertis par le Greffier que l'interprétationd'une convention à laquelle ils
sont parties est enjeu :ainsi le veut l'article 82,paragraphe 3, du Règle-
ment. En vertu d'une décisionadministrative prise dèsles débutsde la
Cour actuelle, sous la présidencedujuge Basdevant, puis confirméepar le
Président~iniarski, le Greffier n'avertit pas systématiquementles Etats
parties quand la Charte des Nations Unies est invoquéedevantla Cour, ce

qui s'explique enparticulier par le fait que, lorsqu'une instance est intro-
duite devant la Cour, l'article40,paragraphe 3,du Statut obligeleGreffier
à donner immédiatement communication delarequêteauxEtats Membres
des Nations Unies et aux autres Etats admis à ester devant la Cour. C'est
pourquoi il a étédécidéque l,s Etats susceptiblesd'intervenir en vertu de
l'article 63 recevant déjà communication de la requête en applicationde

l'article0, il n'étaitpas nécessairedans de tels cas de leur envoyer une ACTIVITÉS MILITAIRES ET PARAMILITAIRES (OP.DISSS . CHWEBEL) 234

nouvelle communication, mêmesi leur attention n'avait pas étéexpressé-

ment attiréesur les dispositions de l'article 63. Tellea été depuislors la
ligne deconduite générale du Greffierde la Cour pour ce qui concerne la
ChartedesNations Unies ;dans les autres cas, ilenvoiegénéralementaux
Etats desnotifications seréférantspécialement à l'article 63.Cependant la
pratique de la Cour semble indiquer que l'intervention en vertu de l'ar-
ticle63 ne peut porter sur l'interprétation d'une convention qui,bien que
citéedans un différendsoumis à la Cour, n'y est pas en cause. (Voir l'af-

faire de l'Appelconcernantlacompétencedu Conseilde1'OACI, arrêtC , .Z.J.
Recueil1972,p. 48,où la Cour a constaté que,lePakistan ayant fait valoir
que des questions concernant l'interprétation de la convention relative à
l'aviation civileinternationale et de l'accord relatifau transit des services
aériens internationaux étaient (<enjeu O, les Etats avaient étéavertis
conformément à l'article 63.)

Cependant la présente affaire soulève des questions sans'précédent,
pour lesquelles la pratique résumée ci-dessus n'offrepas de réponse. Ces
questions sont les suivantes :

- L'intervention en vertu de l'article 63 peut-elle avoir lieu pendant la
phasejuridictionnelle de l'instance ?
- Dans l'affirmative,cette intervention doit-elleêtre limitéeaux conven-
tions autres que le Statut de la Cour et la Charte des Nations Unies?
- Si l'intervention n'est pas ainsi limitée, peut-elle s'étendreau Statut,
en plus de la Charte ?

- Siellepeut s'étendreauStatut enplus dela Charte, peut-elle s'étendre
aussi aux déclarations faites en vertu de la clause facultative ?
Je commencerai par la question de l'intervention juridictionnelle en

général.

A. L'intervention en vertude l'article63
pendant laphase juridictionnellede l'instance

L'article 63du Statut est rédigé entermesgénéraux : <Lorsqu'il s'agit ))

de l'interprétation ((d'une convention )),etc. Rien n'indique dans ces
termes - ni dans les travaux préparatoires - qu'ils puissent vouloir dire
autre chose que leur sens clair. Le mot << lorsque ))[en anglais, whenever]
- c'est-à-dire, à tout moment pendant le déroulement d'une affaire - ne
signifie pas dans certains cas )),mais dans tous les cas)) :non pas
pendant certaines phases de l'instance, mais pendant n'importe quelle

phase. D'ailleurs le Règlementde la Cour confirme que << lorsque >)ne
signifie pas autre chose que lorsque )).C'est ainsique l'article 82,para-
graphe 1, dispose :

Un Etat qui désirese prévaloirdu droit d'intervention que lui
confèrel'article 63du Statut dépose àcet effet une déclaration ...Cette
déclaration est déposéele plus tôt possible avant la date fixéepour
l'ouverture de la procédure orale. Toutefois, dans des circonstances ACTIVITÉS MILITAIRES ET PARAMILITAIRES (OP.DISS. SCHWEBEL) 235

exceptionnelles, la Cour peut connaître d'une déclaration présentée
ultérieurement. >)
On remarquera que cet article nedit pas quelesdéclarationsfaitesen vertu
de l'article 63doivent êtredéposées le plus tôt possible avant ladate fixée

pour l'ouverture de la procédure orale <sur le fond 1: il dit seulement
qu'ellesdoivent êtredéposéesavant la date fixéepour l'ouverture << de la
procédure orale o.Sil'onavait voulu confinerl'intervention à laprocédure
sur le fond, sans doute le Règlement le dirait-il.
Cetteconclusion est d'ailleursplusqu'une simplehypothèse,etle fait est
que la possibilitéd'interdire l'intervention en vertu de l'article63pendant
la phasejuridictionnelle n'a apparemment jamais été proposée à la Cour,
ni envisagée ou acceptéepar celle-ci.La Cour, il est vrai, a attentivement
considéréla questionde limiter l'intervention faite en vertu de l'article 62
à la procédure sur le fond, de façon à l'exclure en cas de procédure

interlocutoire (bien que finalement la Cour n'ait pas retenu cette solution
dans son Règlement) : la raison donnée àl'appui de cetteproposition était
que les Etats tiers pouvaient avoir un intérêt juridiquedans la phase
juridictionnelle de l'instanceà quoi ilfutréponduquecetintérêé t taittrop
lointain pour êtreadmis. Cependant, 1'Etat demandant à intervenir en
vertu de l'article 62doit démontrer qu'<< un intérêtd'ordre juridique est
pour lui en cause 1).Rien de tel dans l'article 63,où il suffit que 1'Etat
tiers soit partià une convention dont l'interprétation est enjeu au prin-
cipal.

Ainsi lestermes de l'article63du Statut, etlesarticles du Règlementque
la Cour a adoptésen application de ces termes, indiquent que l'interven-
tion en vertu de l'article 63 est permise pendant la phasejuridictionnelle.
Le texte de l'article63ne permet pas une lectureplus restrictive. Pourquoi
d'ailleursl'intervention austadejuridictionnelne serait-ellepasadmise ? Il
existe des conventions multilatérales qui portent en tout ou en partie sur
desquestions dejuridiction. Leur interprétationpar la Courau cours d'un
différend entre deux Etats peut donc affecter la position juridique des
Etats tiers par rapport à ces conventions, tout autant qu'ellepeut affecter
leur position par rapport àd'autres conventions,ou par rapport àcertaines

parties d'autres conventions, dont lesclauses sontde caractère substantiel
et non pasjuridictionnel. Prenons par exemplelescontroverses qui ont été
plus d'une fois soumises à la Cour au sujet du maintien en vigueur et des
effets de l'actegénéraldu 26 septembre 1928pour le règlement pacifique
des différendsinternationaux :si un Etat maintient que cet acte est tou-
jours en vigueur et peut servir de base de compétence à la Cour, et qu'un
autre le conteste, pourquoi un Etat tiers, partieà l'acte, nepourrait-il pas
intervenir en vertu de l'article 63 pendant la phase juridictionnelle de
l'instance, pour soumettre un exposéde l'interprétation qu'il donne aux
dispositions pertinentes de cet acte ?

D'ailleurs, comme on le verra plus loin, la Cour et le Greffier ont
toujours agi de façon conforme àla conclusion qui veut que l'intervention ACTIVITÉS MILITAIRES ET PARAMILITAIRES (OP.DISSS . CHWEBEL) 236

pendant la phase juridictionnelle de l'instance fasse partie du droit que
l'article 63 confère aux Etats.

B. L'interventionpour cause d'interprétation
de la Charte des Nations Unies

Comme on vient de le voir, I'article63 du Statut, dans sa lettre et dans
son esprit, s'étend à l'intervention, pendant la phase juridictionnelle de
l'instance, pour cause d'interprétation des conventions telles que l'acte
généralde 1928.Une autre convention, sujet de controversejuridiction-

nelle devant la Cour, a étédécritecomme un instrument dont l'interpré-
tation se prêtait àune telle intervention :il s'agitde la convention pour la
prévention et larépressiondu crime de génocide. (Voir lesopinions dis-
sidentes du juge Petréndans l'affaire du Procèsdeprisonniers de guerre
pakistanais, mesures conservatoires, ordonnance du 13juillet 1973, C.I.J.
Recueil 1973, p. 334 et 335.) Mais, si l'intervention pendant la phase
juridictionnelle est autorisée,les Etats peuvent-ils intervenir en vertu de
l'article 63 au sujet de l'interprétation des dispositions de la Charte des
Nations Unies ?
Etant donné que ni lelibelléni l'esprit de l'article63n'offrent de raison

pour que les Etats ne puissent intervenir au sujet de l'interprétationde la
Charte des Nations Unies, c'est aux adversaires d'une telle intervention
qu'il incombe d'en démontrerl'inadmissibilité.Or aucun argument n'est
apparu à l'appui d'uneconclusion aussisingulière.Au contraire, la Cour et
le Greffe semblent avoir toujours considéréque l'intervention pour cause
d'interprétation de la Charte était acceptable, et qu'elle pouvait se faire
pendant la phasejuridictionnelle.

Les dispositions de l'article 63 sont sans restriction :lorsqu'il s'agitde
l'interprétation <(d'une convention ))ilya droit d'intervenir. Or la Charte
des Nations Unies n'est pas seulement une convention : c'est le plus im-

portant des éléments envigueur qui composent le droit international
conventionnel. Comme concluait l'éminentpremier Greffier de la Cour
internationale deJustice, Edvard Hambro, après avoirattentivement étu-
dié l'article 63dans plusieurs études :

<<L'article63sesert du terme convention O, auquel ilfaut donner
ici la mêmeinterprétation que dans l'article 38, où il est également
employé.D'aprèsla convention de Vienne sur le droit des traités, qui
est dans une trèsgrande mesure une codification du droit internatio-
nal coutumier, le mot signifie : un accord international conclu par
écritentre Etats et régipar le droit international, qu'il soit consigné
dans un instrument unique ou dans deux ou plus instruments con-
nexes, et quelle que soit sa dénomination particulière. )) (Edvard
Hambro, << Intervention under Article 63 of the Statute of the Inter-
nationalCourt of Justice ))Ilprocesso internazionale.Studi in onoredi

Gaetano Morelli, 1975,p. 388-389.) Quand la Cour, pendant la revision de son Règlement, a eu lieu de se
pencher sur laquestion du terme <<convention O,tel qu'utilisà l'article 63,
elle a admis que la définition des traitésdonnéedans la convention de
Viennes'appliquait àcemot. Et elleaadmis delamêmemanièreque lemot
convention D, tel qu'utiliséàl'article 63, désignait lesconventions mul-
tilatéralesviséesdans la définitionsuivante, que la Commission du droit
international des Nations Unies avait rédigéepour le dernier projet de
texte qui devait devenir la convention de Vienne :

a) L'expression << traité))s'entend de tout accord international
enforme écrite, qu'il soitconsigné dans un instrument uniqueou dans
deux ou plusieurs instruments connexes, et quelle que soit sa déno-
mination particulière (traité, convention, protocole, pacte, charte,
statut, acte, déclaration,concordat, échangede notes, procès-verbal
approuvé, mémorandumd'accord, modus vivendi,etc.), conclu entre
deux ou plusieurs Etats ou autres sujets du droit international et régi

par le droit international. ))(Projet d'articles sur le droit des traités,
article premier, définitions,Annuaire de la Commissiondu droit inter-
national, 1962, vol.II, p. 176.)
Par ailleurs, leRèglementde la Cour en vigueur n'indique nulle part que le
terme << convention O, tel qu'employé à l'article 82, ne s'étendpas a la

Charte des Nations Unies.
De son côté, lapratique de la Cour dans l'application de l'article 63 du
Statut et des articles correspondants du Règlementpermet de faire deux
conclusions :premièrement,que l'intervention en vertu de l'article63peut
seproduire pendant laphasejuridictionnelle ;deuxièmement,qu'une telle
intervention peut porter sur l'interprétation duStatut de la Cour et de la
Charte des Nations Unies.
Dans la toute premièreaffaire quifut soumise à la Cour aprèsl'entréeen
vigueur de la Charte des Nations Unies, l'affaire du Détroit de Corfou,la
Cour a adoptésur ces questions une position sur laquelle ellen'estjamais
revenue. Le Gouvernement britannique, dans sa requête introductive

d'instance, avait notamment invoquél'interprétationde l'article 36,para-
graphe 1,du Statut etdesarticles 25.32 et 36de laCharte. L'Albanie,dans
son objection préliminaire, invoqua une interprétation de l'article 36.
paragraphes 1et 3, et de l'article 40du Statut, et des articles 25 et 32de la
Charte (Détroitde Corfou,exceptionpréliminaire, arrêt, 194C 8.,I.J. Recueil
1947-1948, p. 17et 20-23). Or l'arrêtde la Cour sur cette objection pré-
liminaire constate ce qui suit :

L'exceptionpréliminairede l'Albanieaété notifiée...àl'agentdu
Royaume-Uni, puis communiquée ... aux Membres des Nations
Unies, conformément aux dispositions de l'article 63 du Statut. ))
(Ibid., p. 23.)

Autrement dit, la Cour, <<conformément auxdispositions de l'article 63du
Statut »,avait averti lesEtats Membres desNations Unies, qui sont parties
au Statut de la Cour et à la Charte des Nations Unies, que l'interprétationdu Statut et dela Charteétaitenjeu dansla phase del'affaireconsacrée àla
compétenceet à la recevabilité,de tellefaçon que cesEtats pussent exercer
leur droit d'intervenir en vertu de l'article 63.
Dans l'affairede 17Anglo-lranianOilCo.,leGreffier de la Cour a adressé
aux Etats Membres des Nations Unies la lettre ci-après :

21 février1952.
Monsieur le Ministre,
Par ma lettre en date du 12 février1952,j'ai fait savoir à Votre
Excellencequ'en l'affairede 1'Anglo-IranianOilCompany, introduite
devant la Cour internationale de Justice par requêtedu Gouverne-

ment du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, le
Gouvernement impérial de l'Iran, défendeur, avait présenté,aux
termes de l'article 62 du Règlementde la Cour, un document intitulé
«Observationspréliminaires :refusdu Gouvernementimpériad lerecon-
naître la compétencede la Cour. ))
J'aiaujourd'hui l'honneur, en meréférant à l'article63du Statut de
la Cour, de porter à votre connaissance que, dans ce document, le
Gouvernement de l'Iran invoque, entreautres considérations, l'inter-
prétation qu'il donne de l'article 2, paragraphe 7, de la Charte des
Nations Unies ...)(C.I.J. Mémoires,Anglo-Iranian Oil Co., p. 741.)

Cette lettreprenait acte du faitque l'Iran,pendant laphasejuridictionnelle
de l'affaire, avait soulevune questiond'interprétation relative àun article
de la Charte des Nations Unies. Le Greffier, se référant formellement à
l'article63du Statut,transmettait lesobjections préliminairesde l'Iran aux
autres Etats Membres des Nations Unies, afin qu'ils pussent, le cas

échéant,invoquerleurdroit d'intervenir. C'est là une nouvellepreuve de la
position de la Cour, àsavoir que l'article63permet l'intervention pendant
la phasejuridictionnelle, et qu'elle la permet sur les questions d'interpré-
tation de la Charte des Nations Unies.
La Cour a confirmé cette conclusion dans son arrêt surles objections
préliminairesde l'Iran, où elle a constatéque la requêtebritannique avait
étécommuniquée aux Etats pouvant ester devant la Cour en vertu de
l'article 40du Statut et que ces Etats avaient étéinformésde l'objection
iranienne, en ajoutant :

Enfin, les Membres des Nations Unies ont, aux termes de l'ar-
ticle 63 du Statut,étéavertis que, dans l'exception, le Gouvernement
de l'Iran invoquait, entre autres considérations, l'interprétationqu'il
donnait de l'article2,paragraphe 7,de la Charte desNations Unies. u
(Anglo-Iranian Oil Co., arrêt, C.I.J. Recuei1 l 952,p. 96.)

Comme on l'a vu plus haut, le Greffier n'a pas suivi par la suite la
pratique consistant à envoyer des notifications en vertu de l'article 63
chaquefoisquela Charteétaitenjeu dans lesdifférendssoumis à laCour :
il se contente, comme la Cour, de transmettre la requête introductive ACTIVITÉS MILITAIRES ET PARAMILITAIRES (OP.DISSS . CHWEBEL) 239

d'instance conformément à l'article 40 du Statut. (Voir Incident aériendu
27juillet 1955(Israël c.Bulgarie),arrêtC ,.I.J. Recueil 1959,p. 129.)Pour ce

qui est des autres conventions, il est généralement, maisnon pas invaria-
blement, procédé àdes notifications avec référence expresse à l'article63.
(Voir par exemple C.I.J. Mémoires,Appel concernant la compétencedu
Conseilde i'OACI, p. 781 ;C.I.J. Mémoire,Procèsdeprisonniers deguerre
pakistanais, p. 1 13 et 166, et C.I.J. Mémoire,Personnel diplomatiqueet
consulaire desEtats-Unis à Téhéranp ,. 498 ;voir également,pour plus de
détails, lesAnnuaires de la Cour, par exemple l'éditionpour 1962-1963,
p. 99 et 100).

C. L'interventionpour cause d'interprétation du Statut

Bien qu'il ressorte de l'analyse et de l'exposé consacrés ci-dessus à la

pratique que les Etats peuvent, au stade juridictionnel de la procédure,
intervenir en vertu de l'article 63surune question d'interprétation portant
soit sur la Charte des Nations Unies, soit sur le Statut de la Cour, il est
arrivéque l'on fasseentre cesdeux cascertainesdistinctions,sur lesquelles
je m'arrêterai.
En premier lieu, on fait valoir que l'article 1 du Statut dispose que la
Cour ((fonctionnera conformément aux dispositions du présentStatut ;
que par conséquent toutce que fait la Courfait intervenir lesdispositions
du Statut ; et qu'il n'est pas possible que la Cour, en fonctionnant en
application de son Statut,donne aux Etats des motifs d'intervenir envertu
de l'article 63sur les questions qui peuvent se poser au sujet de ce fonc-
tionnement.

L'argument aunecertaine valeur, maison ne sauraitle pousser trop loin.
En effet l'article 63 ne vise pas l'application des dispositions des conven-
tions, parmi lesquelles le Statut, mais leur interprétation, et l'application
habituelle du Statutne soulèvepasde question d'interprétation. De plus, il
est établidans lapratique de la Courque l'article63ne s'appliqueque siles
dispositions d'une convention sont << enjeu 1dans une affaire donnée.Si
donc une disposition du Statut setrouve, nonpas incidemment évoquéeou
citée,maisenjeu dans un litigeentre deux Etats, il n'yapas de raison pour
quelesEtats tiersne puissent intervenir au sujetde l'interprétationdecette
disposition. A part l'article 36, d'ailleurs, rares sont les dispositions du
Statut qui sont mises en jeu dans les affaires dont la Cour est saisie.
En deuxièmelieu,on soutient,enprolongeant cepremierargument, que,

si l'article 63entraînait l'obligation d'avertir les Etats chaque fois que la
question de l'interprétationdu Statut seposedans uneaffaire, celarendrait
superflu l'article40, en vertu duquel le Greffier doit immédiatement don-
ner communication des requêtes introductives d'instance à tous les Etats
admis à ester devant la Cour. L'article 63, ajoute-t-on, est prévupour des
notifications exceptionnelles, dans certains cas seulement,et nonpas dans
tous lescas,comme l'article40. Or, sile Statut était considérécomme une
convention aux termes de l'article63, ilfaudrait que la notification prévue
dans cet article soit faite dans chaque cas. ACTIVITÉS MILITAIRES ET PARAMILITAIRES (OP.DISSS . CHWEBEL) 240

La réponse à cet argument est que le but de la notification prévue à
l'article 40 est seulement d'informer les Etats qu'il y a eu requête intro-
ductive d'instance, et de leurenfaire connaître les termes ;alors que lebut
de la notification prévue à l'article 63 est de faire savoir aux Etats que
l'interprétation d'une convention à laquelle ils sont parties peut se trouver
enjeu dans une affaire dont la Cour est saisie.Or l'interprétationdu Statut
peut êtreinvoquée,non seulement dansla requêteintroductive d'instance,
mais aussi pendant le reste de la procédure,par exemple dans le cadre des
exceptions préliminaires. Voirdans le Statut une convention au sens de

l'article63n'exigedonc pas que la notification exceptionnelle prévuedans
cet article soit faite dans tous lescasaux Etats parties au Statutcelaexige
seulement que la notification soit faite - ou cela permet seulement l'in-
tervention en vertu de l'article 63 - dans les cas exceptionnels où le
déroulement du procès révèleque l'interprétation d'une disposition du
Statut est en jeu.
En troisième lieu,on fait observer que le Greffier n'envoiepas réguliè-
rement des notifications en vertu de l'article63chaquefoisque lesparties à
un différendinvoquent lesarticles 36,38 ou autres du Statut. Cela est vrai,
mais n'est pas probant, pour la raison que le Greffier n'envoie pas de

notifications en vertu de l'article63lorsqu'ils'agitde l'interprétationde la
Charte, et que cette pratique semble s'êtreétendueau Statut.
On a aussi exprimélacrainte que, sile Statut étaitconsidéré comme une
convention au sens de l'article 63, lesEtats tiers qui sont parties au Statut
n'aient le droit d'intervenir chaque fois qu'il y a controverse juridiction-
nelle entre les parties principales, et que la conséquence n'en soit une
cascaded'interventions. Cela me paraît cependant loind'être certain,sila
controversejuridictionnelle, comme cela arrive souvent, ne porte pas sur
les termes du Statut, mais sur les termes d'autres conventions ou de
déclarations faites en vertu de la clause facultative. D'ailleurs l'arrêtde la
Cour dans l'affaire du Détroitde Corfou, que j'ai cité plus haut, peut

indubitablement être interprétécomme signifiant que le Statut est une
convention au sens de l'article 63.Or cet arrêta étérenduil y a trente-six
ans ; pendant cette période, un seulEtat (Cuba) avait, avant la présente
affaire, demandé à intervenir en vertu de l'article 6; et El Salvador est le
premier à demander à intervenir au stade juridictionnel pour cause d'in-
terprétationdu Statut. Il sembledonc yavoirpeu de raisons decraindre un
déluged'interventions.
J'ajouterai qu'aux termes du Statut la Courinternationale de Justice est
instituée par la Charte des Nations Unies comme organe principal de
l'organisation (art. 1).Or ilest dit, dansla Charte, que le Statut de la Cour

est annexé à laCharte, (dont ilfait partie intégrante (art.92). Sidonc les
Etats ont le droit d'intervenir en vertu de l'article 63du Statut pour cause
d'interprétationde la Charte,ne s'ensuit-ilpas qu'ilsont également ledroit
d'intervenir pour cause d'interprétation du Statut, qui fait partie inté-
grante de la Charte ? ACTIVITES MILITAIRES ET PARAMILITAIRES (OP.DISSS. CHWEBEL) 241

D. L'intervention pour cause d'interprétatiod nes déclarations
faites en vertu de la clausefacultative

L'intervention faite en application de l'article 63 s'étend-elle aux
controverses sur l'effet des déclarations faites par les Etats en vertu de la
clause facultative du Statut ?
L'éminent jugeet connaisseur du droit international qu'étaitsir Hersch
Lauterpacht a exprimé,dans deux opinions individuelles, la conclusion
que l'intervention en vertu de l'article 63 est permise au stade juridiction-
nel, et non pas seulement pour les questions d'interprétation du Statut,
mais aussi pour les questions d'interprétation des déclarations faites en

vertu de la clause facultative. Dans l'affaire des Emprunts norvégiens,
parlant de l'élémentd'appréciation qui est laisséaux Etats dans leur
soumission à lajuridiction obligatoire de la Cour, tel que cet élémentse
trouvait en jeu dans cette affaire, lejuge Lauterpacht s'exprimait ainsi :

<<Le fait qu'une décisionde la Cour est susceptible d'affecter les
gouvernementsqui n'ont pas eula possibilité d'exprimerleur opinion
en la matière est une cause de préoccupations. 11eût étépréférable
que, conformément à l'article63du Statut, lesgouvernements qui ont

fait une déclarationen cestermesaient eu la possibilitéd'intervenir.))
(Certains emprunts norvégiens,arrêt, C. I.J. Recueil 1957,p. 63-64.)

Et dans l'affaireInterhandel, il concluait:

<<Jeme suis abstenu de mentionner ou de développer la raison
supplémentaire,et non moins concluante, pour laquellej'estime que
la Cour est sans compétencepour connaître de la demande en indi-
cation de mesures conservatoires déposéepar le Gouvernement
suisse. Dans mon opinion individuelle en l'affaire relativeà Certains
emprunts norvégiens ...je suis parvenu àla conclusion qu'une réserve
telle que celle qui se présente la Cour en l'espèce est nulleet que sa
nullitéentraîne la nullité de la déclaration d'acceptation dans son

ensemble. S'ilen est ainsi, leGouvernement des Etats-Unis ne saurait
valablement paraître comme demandeur ou défendeur en vertu de
cette déclaration d'acceptation - bien qu'il puisse,àl'égardde toute
demande formuléecontre lui sur la base de sa déclaration d'accep-
tation, se soumettreà lacompétencede la Coursur une autre base. Je
mesuistoutefoisabstenu deprendre cepointde vuecommebase dela
présente opinion, considérantque la question de la validitéde ladite
réservedesEtats-Unis d'Amériquen'estpas actuellement soumise àla
Cour et qu'elle peut, avec l'éventuelleparticipation d'autres signa-
taires de la disposition facultative intervenant en vertu de l'article 63
du Statut, faire l'objet d'une décisionde la Courà un stade ultérieur

de la procédure. )(Interhandel,mesuresconservatoires,ordonnancedu
24 octobre1957, C.I.J. Recueil 1957,p. 120.) ACTIVITES MILITAIRES ET PARAMILITAIRES (OP.DISSS . CHWEBEL) 242

Les vuesainsi expriméespar lejuge Lauterpacht pèsentcertainement d'un
grand poids. Il est cependant possible de pencher pour une autre opinion,

fondéesur le fait que les déclarationsque font les Etats conformément à
l'article 36, paragraphes 2, 3 et 4 du Statut, ne sont pas des conventions.
Peut-on affirmer que l'article 63- qui vise expressémentl'interprétation
<<d'une convention » - s'applique également auxdéclarations faites en
vertu d'une convention ? Cela paraît discutable.
La valeur juridique des déclarations faites en application de la clause
facultative est enjeu dans la phasejuridictionnelle de la présente instance
entre le Nicaragua et les Etats-Unis. Mais on doit se contenter pour
l'instant de noter que ni l'uneni l'autre Partie ne sembleconsidérerque les
déclarations faites en application de la clausefacultative soient des traités
ou des conventions.

E. La portée de la déclaratiod n'El Salvador

Comme on l'a vu plus haut (sect. 1),El Salvador, dans sa déclaration,
invoque l'interprétation des dispositionsdu Statut (art. 36), de la Charte
des Nations Unies (art. 39, 51 et 52) et, avec un certain manque de
précision,de la Charte de 170EAet de deux traités interaméricains.Il
semble aussi qu'ilinvoque l'interprétation destermes de sa propre décla-
ration en vertu delaclause facultative, ainsique, dans unecertaine mesure,
des termes de la déclaration des Etats-Unis.

A la lumière de l'analyse qui précède,je conclus que la déclaration
d'intervention d'El Salvadorest recevable,et que la Cour aurait dûlajuger
telle, bien qu'elle porte sur l'actuelle phase juridictionnelle de l'instance
intentée contre les Etats-Unis par le Nicaragua. La Cour aurait pu en
revanche, après avoir reçu la déclaration salvadorienne, exclure de sa
portée la question de l'interprétation par El Salvador des ,déclarations
faites en vertu de la clause facultative, et en particulier des déclarations
faites par les Partiesàl'instance.

F. La déclarationd'El Salvador aurait-elledû être rejetéa eu motif quélle
porte davantage surlarecevabilitéquesur la compétence et,que les questions
de recevabilité doivent êtrejointasufond?

Reste la question suivante : mêmesi l'on accepte que le droit d'inter-
venir en vertu de l'article 63 s'applique la phase juridictionnelle de la
procédure,etmême sil'on accepte quecedroit s'applique àl'interprétation
du Statut et de la Charte tout aussi bien qu'à l'interprétation desautres
conventions, la Cour aurait-elle dû rejeter l'intervention d'El Salvador
pendant la phase actuelle de l'affaireau motif qu'El Salvadordemandait à
intervenir sur des questions de recevabilitéplutôt que de compétence, et
quecesquestions, vuleurs liensétroitsaveclasubstance mêmedu litige,ne

peuvent êtrejugées commeil convient que pendant la procédure sur le
fond ? La question est d'importance, mais la réponseest, selon moi, négative.
Mes raisons sont les suivantes :

- S'il est vrai que les principaux arguments d'El Salvador semblent
porter essentiellement sur des questions de recevabilitéplutôt que sur des
questions de compétence,cesontnéanmoinsdesquestions dont laCour est
saisie au stade de l'instance qui est sur le point de s'ouvrir. Aucours des
audiences qui ont précédé l'ordonnance de la Cour du 10 mai 1984,les
Etats-Unis ont avancédes argumentspar lesquels ils entendaient démon-
trer l'irrecevabilitédes demandes du Nicaragua, pour la raison principale
que la solutiondesdifférendspolitiques entraînant un usage en coursde la
force armée étaitconfiée à d'autres organes ou modalités du système

international - et qu'en l'espèceledifférend avaitété en effet confié àdes
organes ou modalités de ce genre. Le Nicaragua a avancéd'autres argu-
ments,en réponse à ceux desEtats-Unis. La Cour, aprèsavoir entendu les
deux Parties, a décidédans son ordonnance du 10 mai :

<<que les pièces écritesporteront d'abord sur la question de la com-
pétence de la Cour pour connaître du différend et sur celle de la
recevabilitéde la requête ))(Activitésmilitaires et paramilitaires au
Nicaragua et contre celui-ci(Nicaragua c. Etats-Unis d'Amérique),
mesures conservatoires,ordonnance du 10 mai 1984, C.I.J. Recueil
1984, p. 187.)

- Conformément àl'ordonnance de la Cour, le mémoiredu Nicaragua
et le contre-mémoire des Etats-Unis examinent en détailles questions de
recevabilité.
- El Salvador, en cherchant à intervenir, demandeque soient interpré-
téeslesdispositions delaCharte desNations Uniesetd'autres conventions
qui portent précisémentsur les questions de recevabilitéqu'invoquent les
Parties à l'instance.

- Refuser à El Salvador le droit d'intervenir au motif qu'ilinvoque des
questions de recevabilité estdonc contradictoire avec l'ordonnance de la
Cour et avec la teneur probable des plaidoiries des Parties.
- En outre, une telle conclusion n'estpas logiquement nécessaire.Sup-
posons en effet, à titre d'hypothèse,que les arguments sur la recevabilité
avancéspar El Salvador (ainsi d'ailleurs que par les Etats-Unis et le
Nicaragua) portent surtout sur le fond et doivent lui êtrejoints, pour la
raison par exemplequel'argument tendant àconclure que lesquestions de

conflit arméen cours doivent êtresoumises àd'autres organesque la Cour
exigelaconstatationde l'existence d'unconflit, et que c'estlàune question
de constatationde fait. Mais supposons aussi, toujours à titre d'hypothèse,
dans leseulbut d'apprécier etd'admettre ladéclarationd'interventiond'El
Salvador,et sans préjugerde la décisionfinale pendant laprocéduresur le
fond, qu'ilya effectivement conflit armé.Cette hypothèseétantadmise,je
conclus qu'El Salvador, sur la base de ses arguments concernant la rece-
vabilité,aurait dû êtreadmis à intervenir au stade actuel de l'instance. Ce
n'est pas dire pour autant que les arguments d'El Salvador sont - ou nesont pas - de bons arguments, pas plus qu'on ne saurait dire pour le
moment que les arguments des Etats-Unis et du Nicaragua concernant la
recevabilité sont - ou ne sont pas - de bons arguments. Mais déclarer

irrecevable la déclaration d'intervention d'El Salvador pour la raison
qu'ellepourrait donner lieu àdeshypothèses ou à desconstatations de fait
ne me semble ni nécessaireni, vu les arguments des Parties, équitable.

(Signé Stephen M. SCHWEBEL.

Bilingual Content

DISSENTING OPINION OF JUDGE SCHWEBEL

1regret that 1must dissent from the Court's Order. 1dissent because of
the decision of the Court not to hold a hearing on the Declaration of
Intervention of ElSalvador,a decision which departs from the observance
of due process of lawwhich the Court has traditionally upheld. Moreover,
in the absence of hearing El Salvador, it has not been possible to resolve
satisfactorily questions which its Declaration poses. That Declaration
raises doubts, but for my part 1 am unwilling to resolve those doubts
against El Salvador without affording it the opportunity of clarifying its
position. Accordingly, once the Court declined to hear El Salvador, 1felt
obliged to voteinfavour of admittingits right of intervention under Article
63 of the Statute, even though 1 recognize that neither the terms of its
Declaration nor the law of the matter are altogether clear.

1. THETERMS AND MEANING OF ELSALVADORD 'ECLARATIO OF INTER-
VENTION

Article 63 of the Court's Statute provides :

"1. Whenever the construction of a convention to which States
other than those concerned in the case are parties is in question, the
Registrar shall notify al1such States forthwith.
2. EveryState so notified has the right to intervene in the proceed-
ings ;but if it uses this right, the construction given by thejudgment
will be equally binding upon it."

El Salvador filed a Declaration of Intervention under Article 63 on 15
August 1984.Paragraph XIV of that Declaration sets forth what El Sal-
vador maintains are the grounds of its intervention :

"... Nicaragua bases its jurisdictional claim on Article 36 of the
Statute of the Court.. .Nicaragua founds its principal claim against
the United States on supposed violations of the Charter of the United
Nations, the Charter of the Organization of American States, the
Convention on Rights and Duties of States, and the Convention
Relative to the Duties and Rights of States in the Event of Civil
Strife. .
Assurning arguendo the supposed validity of Nicaragua's jurisdic-
tional allegation, El Salvador also is a party to the Statute of the
International Court,. ..and. ..the Charter ofthe UnitedNations ...
It became a member of the Organization of American States. . .It OPINION DISSIDENTE DE M. SCHWEBEL

(Traduction]

Je regrette dene pouvoir m'associer àl'ordonnance rendue par la Cour.
J'en suisempêché par la décisionde ne pas tenir d'audience sur la décla-
ration d'intervention d'El Salvador,par laquelle la Cour s'écartede son
respect traditionnel pour lesformes, indispensable àunebonne justice. De
plus, enraison decette décision,il n'apasétépossible de résoudrede façon
satisfaisante certaines questions que pose ladite déclaration. La déclara-
tion d'El Salvador contient des points douteux ; mais, pour ma part, je
répugne à interpréter ces points de façon défavorable au Salvador sans
donner àcelui-cilapossibilitédeprécisersaposition. C'estpourquoi, après
que la Cour eut refuséd'entendre El Salvador,je me suis estimétenu de
voter en faveur de son droit d'intervenir en vertu de l'article 63 du Statut,
alors mêmeque ni lestermes de la déclaration salvadorienneni ledroit sur

la question ne sont, je le reconnais, d'une parfaite clarté.

L'article 63 du Statut de la Cour dispose
1. Lorsqu'il s'agitde l'interprétationd'une convention à laquelle
ont participé d'autres Etats que les parties en litige, le Greffier les
avertit sans délai.
2. Chacun d'euxa le droit d'intervenir au procès,et s'ilexercecette
faculté,l'interprétation contenuedans la sentence est également obli-
gatoire à son égard.

Le 15août 1984,El Salvador a présenté envertu de cet article une dé-
claration d'intervention dont lesmotifs sont énoncés auparagraphe XIV :

<le Nicaragua a eu recours au second de ces moyens, enjustifiant la
compétencede la Cour par l'article36du Statutde celle-ci ..A l'appui
de sa demande principale contre les Etats-Unis, leNicaragua invoque
desviolations présumées de la Charte desNations Unies, de la Charte
de l'organisation des Etats américains,de la convention concernant
lesdroits etdevoirsdes Etats et de laconvention concernant lesdroits
et devoirs des Etats en cas de lutte civil...
En supposantque la thèsedu Nicaragua enmatière de compétence
soit valable, El Salvador est égalementpartie au Statut de la Cour
internationale ..[et à]la Charte des Nations Unies. El Salvador est
devenu partie à la Charte a la mêmedate. Il est devenu membre de became a member of the Convention Relative to the Duties and
Rights of States in the Event of Civil Strife ... It ratified the Con-
vention on Rights and Duties of States ... Therefore, El Salvador is
party to al1the multilateral conventions on which Nicaragua alleges
the jurisdictional basis of its substantive claims.

These treaties give to El Salvadorequally the right to demand that
Nicaragua ceasein its overt intervention in our interna1affairs, and El

Salvador considers, and this is a reason for intervening in the case of
Nicaraguav. the UnitedStates, that al1these multilateral treaties and
conventions constitute the lawful mechanisms for the resolution of
conflicts, having priority over the assumption of jurisdiction by the
International Court of Justice. ..

In the opinion of El Salvador,. .. it is not possible for the Court to
adjudicate Nicaragua's claims against the United States without
determining the legitimacy or the legality of any armed action in
which Nicaragua claims the United States has engaged and, hence,
without deterrnining the rights ofEl Salvador and theUnited Statesto
engage in collectiveactions of legitimate defence. Nicaragua's claims
against the United States are directly interrelated with El Salvador's
claims against Nicaragua .

Any case against the United States based on the aid provided by
that nation at El Salvador's expressrequest, in order to exercise the
legitimate act of selfdefence, cannot be carried out without involving

some adjudication, acknowledgment, or attribution of the rights
which any nation has under Article 51of the United Nations Charter
to act collectively in legitimate defence. This makes inadmissible
jurisdictional action by the Court in the absence of the participation
ofCentral America and specificallyElSalvador, in whoseabsence the
Court lacksjurisdiction.

Finally, El Salvador points to the fact that it has entered a reser-
vation concerningacceptance of theCourt'sjurisdiction, with specific
reference to disputes relating to facts or situations involving hostili-
ties, armed conflicts, individual or collective acts of legitimate
defence, resistance to aggression, fulfilment of obligations imposed
by international organizations, and other similar acts, measures, or
situations in which El Salvador is, has been, or might be an involved
party."

This Declaration did not adequately meet the specifications set forth in
Article 82, paragraph 2, of the Rules of Court ;in particular, it failed to
identify the particular provisions of the conventions whose construction
El Salvador considered to be in question, and it did not contain a state- ACTIVITÉS MILITAIRES ET PARAMILITAIRES (OP.DISS.SCHWEBEL) 224

l'organisation des Etats américains ...Il est devenu partie à la con-
vention concernant les droits et devoirs des Etats en cas de lutte
civil...Il a ratifié la convention concernant les droits et devoirs des
Etats...El Savador est donc partie à toutes les conventions multila-
téralesoù leNicaragua prétend trouver la basejuridictionnelle de ses
demandes.
Ces traitésdonnent égalementau Salvador le droit d'exigerque le
Nicaragua mette fin à son intervention ouverte dans nos affaires
intérieures, etEl Salvador considère - ce qui est une raison d'inter-
venirdans l'instanceintentéepar leNicaragua contre lesEtats-Unis -
que tous ces traités et conventions multilatéraux constituent les
moyens légitimesprévuspour le règlementdesconflits et ont priorité
sur l'affirmation de la compétencede la Cour internationalede Jus-

tice...
De l'avis d'El Salvador,la Courne peut ..pas statuer sur lesgriefs
du Nicaragua contre lesEtats-Unis sansseprononcer surla légitimité
ou la légalitéde toute action arméeattribuéeaux Etats-Unis par le
Nicaragua ni, par conséquent,sur le droit qu'ont El Salvador et les
Etats-Unis de recourir à des mesures collectives de légitime défense.
Les griefs du Nicaragua contre les Etats-Unis sont directement liés
aux griefs d'El Salvador contre le Nicaragua.

Une action enjustice contre les Etats-Unis invoquant l'assistance
fournie par ce pays a la demande expresse d'El Salvador pour per-
mettre à cepays d'assurer sa légitimedéfensene saurait avoir de suite

sans que celaimpliqueune prise de position - sousforme de décision
judiciaire, de reconnaissanceou d'attribution - concernant le droitde
légitime défense, individuelleou collective, que reconnaît à toute
nation l'article 51de la Charte des Nations Unies. Cela rend impos-
sibleune affirmation dejuridiction de la Cour sanslaparticipation de
l'Amériquecentrale, et en particulier d'El Salvador, en l'absence de
qui la Cour n'a pas compétence.
Enfin El Salvador tient à signaler qu'il a formulé, enacceptant la
juridiction de la Cour, une réserve visant expressémentles différends
serapportant à des faits ou des situations d'hostilité,de conflit armé,
desactesde légitimedéfenseindividuelsoucollectifs,une résistance à
l'agression, le respect des obligations imposéespar des organismes

internationaux et tout autre acte, mesure ou situation semblable dans
lesquels El Salvador a pu, est ou risque d'êtreimpliqué. ))

Les termes de cette déclaration ne répondaient pas suffisamment aux
conditions énoncées à l'article 82,paragraphe 2,du Règlementde la Cour.
Plus particulièrement, on n'y trouvait ni l'indication des dispositions des

conventions précisesdont El Salvador estime que l'interprétation est en225 MILITARY AND PARAMILITARY ACTIVITIES (DISSO. P.SCHWEBEL)

ment of the construction of those provisions for which El Salvador con-
tends.
However,on 10September 1984,El Salvadorsubmitted to the Registrar
a letter which amplified its Declaration in clearer terms, whch conformed
to the essential requirements of Article 82, paragraph 2, of the Rules.
Paragraphs 1 and 3 of that letter read as follows :

"1. The construction of international conventions to which El Sal-
vador is a party is centrally involved in the Court's forthcoming
consideration of the Jurisdiction of the Court and of the adrnissibility

of Nicaragua's application. El Salvador asserts its automatic right to
intemene in this phase or stage of the proceedings in order to address
the threshold questions of theconstruction ofArticle 36of the Statute
of the Court, and correlatively the construction of the relevant pro-
visionsof the Charter of the,United Nations, in particular Articles 39,
51and 52.ElSalvador isaparty to both theseconventions,as setforth
in its Declaration. El Salvador will contend that those provisions
should be construed to deny thejurisdiction of the Court to consider
and apply the conventional principles of international law relied on
by Nicaragua to an ongoing armed conflict such as is presently
underway in Central America, and will contend that the application

of Nicaragua is inadmissible by a process of similar reasoning. El
Salvador will particularly contend that this construction is appro-
priate with respect to Articles 39,51and 52of the Charter, inter alia,
and to Article 36 of the Statute, because :

- these provisions, properly construed, contemplate that the appli-
cation of the principles on which Nicaragua relies to an ongoing
armed conflict is a political, not a judicial question, and that the
exclusiveappropriatefora forconsideration of the search for peace
in ongoing armed conflict is through the established processes of
the political organs of the international system ;

- these conventional provisions properly construed deny jurisdiction
to the Court with respect to an ongoingarmed conflict, make clear
that nothing in the Charter includingtheactions of the Court under

the Statute shall affect the right of individual or collective self-
defence and make clear that such armed conflict is not a legal
dispute within the competence of the Court ; and

- that thoseprovisionsproperlyconstrued makethe States of Central
America indispensable parties to any proceeding concerned with
the ongoing Central American conflict, and since these States are
not parties to the proceeding it cannot go fonvard.cause, ni l'exposéde l'interprétation qu'El Salvador donne de ces dispo-
sitions.
Le 10septembre 1984,cependant, El Salvadoraadresséau Greffier une
lettre qui précisaitsa déclaration en des termes qui répondent aux condi-
tions essentielles de l'article 82, paragraphe 2, du Règlement. Lespara-
graphes 1 et 3 de cette lettre sont ainsi rédigés:

1. L'interprétationdesconventionsinternationales auxquelles El
Salvador est partie est un élémentclef des délibérationsque consa-
crera la Cour àsa propre compétenceet à la recevabilitéde la requête
du Nicaragua. El Salvador se prévautde son droit automatique d'in-
tervenir dans cette phase ou étape de la procédure pour se faire

entendre sur les questions primordiales ayant trait à l'interprétation
de l'article 36 du Statut de la Cour et, corrélativement, des disposi-
tions pertinentes de la Charte des Nations Unies, et notamment des
articles 39, 51 et 52. El Salvador est partieà ces deux conventions,
comme indiquédans sadéclaration.El Salvador entend soutenir qu'il
convient de faire de ces dispositions une interprétation qui nie la
compétencede la Cour pour connaîtrede l'affaire et pour appliquer
les principes conventionnels du droit international invoquéspar le
Nicaragua à un conflit armédéjàen cours, tel que celui sévissant
actuellement en Amérique centrale, et il entend soutenir l'irrecevabi-
litéde la requêtedu Nicaragua en vertu d'un raisonnement analogue.
Plus particulièrement, El Salvador entend soutenir lavaliditéde cette

interprétationdes articles 39,51et 52de la Charte, entre autres, et de
l'article 36 du Statut, pour les motifs suivants:
- ces dispositions, correctement interprétées démontrent que l'ap-
plication des principes invoqués par le Nicaragua à un conflit
armé en cours est une question politique et non judiciaire, et
que le seul mécanismeconvenant à l'examen des questions ayant
trait à la recherche de la paix en cas de conflit armé en cours

est le recours prévu auxorganes politiques du système interna-
tional;
- ces dispositions conventionnelles, correctement interprétées, nient
la compétencede la Cour à l'égardde tout conflit arméen cours,
stipulent qu'aucune disposition de la Charte, ycompris lesmesures
que peut prendre la Cour en vertu de son Statut, ne doit porter
atteinte au droit de légitime défense, individuelleou collective, et
précisent qu'un conflit arméde ce genre n'est pas un différend
juridique relevant de la compétencede la Cour ;
- enfin ces dispositions, correctement interprétées, font des Etats
d'Amérique latine des parties indispensables à toute procédure
ayant trait au conflit en cours en Amérique centrale, et, dans la

mesure où ces Etats ne sont pas à la procédure,celle-cine
peut se poursuivre.226 MILITARY AND PARAMILITARY ACTIVITIES (DISSO. P.SCHWEBEL)

3. El Salvador thus invokes its right to intervene in a way whch
strictly conforms to the conditions of Article 63. Its intervention is
limited. It seeks to speak only to the construction of the conventions
to whichit isaparty. Thus, it does not propose toaddress the question

whetherNicaragua ratified the Protocol of Signature of the Statute of
the Permanent Court of International Justice, referred to in the
Court's Order of 10 May 1984. . .El Salvador may address the
effectiveness of the declaration of the United States of 6 April 1984,
under Article 36, paragraph 2, of the Statute, referred to in. .. the
Order of 10 May 1984,only to the extent that the Court's determi-
nation of the question might affect the reservation of El Salvador to
the Court's jurisdiction."

It is accordingly clear that El Salvador sought to intervene in thejuris-
dictional phase of the proceedings between Nicaragua and the United
Statesto argue that aproper construction ofArticle 36of the Statute of the
Court, and of Articles 39, 51and 52of the Charter, debar the Court from
addressing the merits of Nicaragua's claims.Its argument appears to be
more addressed to the admissibility of the claims of Nicaragua than to the
Court'sjurisdiction over them ;the principal thrust of El Salvador'scon-
tentions is that the resolution of an ongoing armed conflict is remitted to
the political organs of the international system (in this case, the United
Nations and regional arrangements) rather than to the Court.
However, this does not appear to be the whole of El Salvador's argu-
ment, for it also relies on the terms of Article 36 of the Statute and on
adherences to the Court's compulsory jurisdiction under the Optional

Clause of that article, as wellas on provisions of the OAS Charterand two
other inter-American conventions. The intendment of El Salvador's argu-
ment in these respects requires clarification,clarification whichcould have
been sought by putting questions to El Salvador,either in the course of an
oral hearing of otherwise.

In the absence of that hearing, and because the Court declined to put
such questions to El Salvador before the Court convened to examine its
Declaration, it is not possible to be certain of the meaning of El Salvador's
contentions. Butasfar as 1can make them out, at least as they relate to the
UnitedNations Charter, the Statute and the Optional Clause, they appear
to be as follows.
El Salvador maintains that Nicaragua's substantive case against the
United States, which is essentially based on four multilateral treaties to
which El Salvador equally is party, bears upon exercise of El Salvador's

right of collectiveself-defencetogether with the United States. El Salvador
observes that it has not consented (by the terms of its adherence to the
Optional Clause which excludes disputes relating to individual or collec-
tive actions taken in self-defence), and does not consent, to a case being
brought before theCourt by Nicaragua againstit. El Salvador thus argues 3. El Salvador invoque donc son droit d'intervenir de manière
strictement conforme aux dispositions de l'article 63.Son interven-
tion est limitée.Il entend s'exprimeruniquement sur l'interprétation
des conventions auxquelles il est partie. Ainsi, il ne se propose pas
d'aborder la question de savoir si le Nicaragua a ratifié ou non le
protocole de signature du Statut de la Cour permanente de Justice
internationale, qui est évoquéedans l'ordonnance de la Cour du
10mai 1984...Et, s'ilest possible qu'il aborde la question de la vali-
ditéde la déclaration faitepar les Etats-Unis le6 avril 1984en appli-
cation de l'article 36,paragraphe 2, du Statut, qui est évoquée [dans]
l'ordonnance du 10 mai 1984, c'est seulement dans la mesure où la
décisionde la Cour sur ce point pourrait avoir des effets sur les

réserves d'ElSalvador à l'égardde la compétencede la Cour. ))
Il est donc clair que, si El Salvadorcherchaità intervenir dans la phase
juridictionnelle de l'instance entre le Nicaragua et les Etats-Unis, c'était
pour soutenir que l'article36du Statut de la Cour et les articles 39,5 1et 52
de la Charte, correctement interprétés, interdisaient à la Cour de se pro-

noncer aufond sur lesdemandes du Nicaragua. L'argumentation d'El Sal-
vador semble d'ailleurs porter davantage sur la recevabilitéde la requête
nicaraguayenne que sur la compétencede la Courpour en connaître :son
argument principal est en effet que la solution desconflits armés en cours
relèvedesorganespolitiques du systèmeinternational (en l'occurrence,les
Nations Unies et les accords régionaux)et non pas de la Cour.
Cependant l'argumentation salvadorienne ne semble pas s'arrêterlà,
puisque El Salvadorinvoque également les termesde l'article 36du Statut
et les adhésions àlajuridiction obligatoire de la Cour faites en vertu de la
clausefacultative contenuedans cet article, ainsi que les dispositions de la
Charte de l'organisation des Etats américains etde deux autres conven-
tions interaméricaines. L'intention à laquelle répondl'argumentation sal-
vadoriennesur cespoints appellecertaines précisions - précisionsquel'on

aurait pu chercher à obtenir en posant des questions au Salvador, soit en
audience soit autrement.
Faute d'audience, et la Cour ayant refusé de poser ces questions au
Salvador avant de se réunir pour examiner sa déclaration, il n'est pas
possible d'être certainde la signification des arguments d'El Salvador.
Pour autant cependant queje lescomprenne, ces arguments semblent être
les suivants, au moins dans la mesure où ils portent sur la Charte des
Nations Unies, le Statut et la clause facultative.
El Salvadormaintient que l'instance ouverte par leNicaragua contre les
Etats-Unis, étantessentiellement fondéesur quatre traités multilatéraux
auxquels El Salvador est égalementpartie, met en jeu l'exercice, par El
Salvador, de son droit de légitimedéfensecollective avec les Etats-Unis.

ElSalvadorfait observer qu'il n'apasconsenti(aux termes deson adhésion
à la clausefacultative, qui exclut lesdifférendsserapportant à des actes de
légitimedéfenseindividuelsoucollectifs),et qu'ilne consent toujours pas,
à être traduit devant la Cour par le Nicaragua. El Salvador affirme en227 MILITARY AND PARAMILITARY ACTIVITIES (DISSO . PSCHWEBEL)

that Nicaragua's caseagainsttheUnited States is equally inadmissibleand
beyond the Court's jurisdiction. The logic of this aspect of El Salvador's
claim tointervene under Article 63inthejurisdictional phase of the instant
case may be summarized in this way :

First, El Salvador claims to be actingin collectiveself-defencewith the
United States to resist Nicaraguan intervention and aggression ;

Second,the United States claims to be acting in collective self-defence
with El Salvador to resist Nicaraguan intervention in and aggression
against El Salvador ;
Third, El Salvadoritself, by reason of the terms of its adherence to the
Court's compulsoryjurisdiction, isnot subject to theCourt'sjurisdiction in
this classof matter involvingclaimsof aggression,self-defence, etc.,and El

Salvador does not consent to the Court's jurisdiction ;

Fourth, the Court cannot adjudge the legality of the actions of the
United States of which Nicaragua complainswithout in effect adjudging
the legality of the actions of El Salvador, for the United States and El
Salvador act jointly in collective self-defence against Nicaragua ;

Fifth, since the Court cannot exercisejurisdiction either in the absence
of El Salvador whose rights areat issue,or where Nicaragua directly seeks
to bring El Salvador before the Court in this class of matter, it equally

cannot exercisejurisdiction where the effect of Nicaragua's action against
the United States - were the Court to assumejurisdiction over it - would
be indirectly to bring El Salvador'srightsbeforethe Court inthe veryclass
of matter which El Salvador's adherence to the Court's compulsory juris
diction excludes.

II. THEFAILURE TO ACCORDEL SALVADO ARHEARING

Article 84 of the Rules of Court provides :

"1. The Court shall decide.. .whether an intervention under
Article 63of the Statute is admissible, as a matter of priority unless in
viewof the circumstances of the casethe Court shallotherwise deter-
mine.
2. If,.. .an objection is filed ... to the adrnissibility of a dec-
laration ofintervention,theCourt shallhearthe State seekingto inter-
vene and the parties before deciding."

Pursuant to Article 83 of the Rules, Nicaragua and the United States
were invited to furnish their written observationson El Salvador's Decla-
ration. The United States, in a letter of 14 September 1984, extensively
examined the right of intervention under Article 63,and concludedthat it
is : ACTIVITÉS MILITAIRES ET PARAMILITAIRES (OP.DISSS . CHWEBEL) 227

conséquencequel'instance intentéecontrelesEtats-Unis par leNicaragua
est elle aussi irrecevable, et étrangèreà la compétence de la Cour. On
pourrait résumercomme suit la logique de cet aspect de l'argumentation
par laquelle El Salvadorcherche àinterveniren vertu de l'article 63dans la
phasejuridictionnelle de la présente affaire :

Premièrement, ElSalvador affirme exercer avecles Etats-Unis son droit
de légitime défense collectivecontre une intervention et une agression du
Nicaragua.
Deuxièmement, les Etats-Unis affirment exercer avec El Salvador leur
droit de légitimedéfensecollective contre une intervention du Nicaragua
au Salvador et une agression du Nicaragua contre El Salvador.
Troisièmement, El Salvador lui-même,en raison des termes de son
adhésion à lajuridiction obligatoire de la Cour, n'est pas soumisà ladite

juridiction pour la catégoriede questions serapportant à desactes d'agres-
sion,delégitimedéfense, etc.e ,t ElSalvadorne consent pas présentement à
cettejuridiction de la Cour.
Quatrièmement, la Cour ne peut se prononcer sur la légalitédes actes
dont le Nicaragua accuse les Etats-Unis sans se prononcer en fait sur la
légalitédes actes d'El Salvador, étant donnéque les Etats-Unis et El
Salvador agissent conjointement enexerçantleur droit de légitime défense
collective contre le Nicaragua.
Cinquièmement, la Cour ne pouvant exercer sajuridiction ni en l'ab-
sence d'El Salvador,dont les droits sont en cause, ni sur la catégorie des
questions pour lesquelles le Nicaragua cherche directement à traduire El

Salvadordevant elle, ellene peut davantage l'exercersur l'instanceintentée
par le Nicaragua contre les Etats-Unis, puisque, si la Cour se déclarait
compétente,les droits d'El Salvador se trouveraient indirectement soumis
à l'examen de la Cour dans la catégorie même de questions qu'exclut
l'adhésion d'ElSalvador à lajuridiction obligatoire de la Cour.

II. LE REFUS D'ENTENDRE EL SALVADOR

L'article 84 du Règlement de la Cour dispose :

((1. La décisionde la Cour sur ..la recevabilitéd'uneintervention
fondéesur l'article 63 du Statut est prise par prioritémoins que, vu
les circonstances de l'espèce,la Cour n'en décideautrement.

2. Si ...il est fait objection...à la recevalitéd'une déclaration
d'intervention, la Cour entend, avant de statuer, 1'Etatdésireux d'in-
tervenir ainsi que les parties))

Le Nicaragua et les Etats-Unis ont étéinvités,conformément à l'ar-
ticle 83du Règlement, à présenter des observations écritessur la déclara-
tion d'El Salvador.Les Etats-Unis, dans une lettre du 14septembre 1984,
concluaient, après une analyse détailléedu droit d'intervenir en vertu de
l'article 63: ". ..in the nature of intervention under Article 63 that it could be
limited to one or another stage of proceedings, depending on the
questions of treaty interpretation which form the basis for the right to

intervene. Moreover, the interpretation contended for by the inter-
vening State may itself imply such a limitation. This would appear to
be the casehere, sinceamajor purpose of El Salvador'sintervention is
to arguethat consideration of the merits of the Nicaraguan Applica-
tion would be contrary to the Charter of the United Nations, with
serious prejudice to El Salvador's interests and rights.
In sum, the United States respectfully submits its view that El
Salvador is entitled to intervene in this case pursuant to Article 63of
the Statute of the Court, as a Stateparty to multilateral conventions
whose construction is at issue in this phase of the case. Further, as we
understand the object and scope of El Salvador'sproposed interven-
tion, it is appropriately related and inherently limited to the current
phase of proceedings. Accordingly, the United States seesno ground
for objection to the admissibility of this intervention."

Nicaragua's letter of 10 September 1984 was not as straightfonvard.
Sinceinterpretation of the terms of that letter is essential to evaluatingthe
Court's application of Article 84 of its Rules, it will be extensively
quoted :

"1. Nicaragua has no objection in principle to a proper interven-
tion by El Salvador in this case in accordance with Article 63 of the
Statute of the Court and Articles 82-85 of the Rules of Court. Nica-
ragua'sApplication, in addition to claims under general international
law, asserts claims under certain conventions. It is well established
that any State may intervene as of right under Article 63 in a case
involving the interpretation of a convention to which it is a party if it
meets the requirements of the Article and the relevant Rules.

2. Although Nicaragua has no intention to oppose El Salvador's
intervention, it feels bound to cal1the Court's attention to certain
deficiencies, both as to form and substance, in the Declaration of
Intervention.
3. As to form :The declaration purports to be made under Article
63of the Statute of the Court.(That Article permits intervention by a
State that is party to a convention the construction of which is in

question in the case.) Article 82 of the Rules of the Court, which
governs interventions under Article 63,provides that a declaration of
intervention

'shall contain ACTIVITÉS MILITAIRES ET PARAMILITAIRES (OP.DISSS . CHWEBEL) 228

<L'intervention en vertu de l'article 63 peut ...par nature, être
limitée àune phase ou une autre de la procédureselon les questions
d'interprétation de traitésqui sontà la base du droit d'intervention.
En outre, l'interprétation défenduepar 1'Etatintervenant peut elle-
mêmeimpliquerune tellelimitation. C'est cequi sembleêtrelecasici,
El Salvador intervenant essentiellement pour la raison que l'examen
de la requêtedu Nicaragua serait contraire à la Charte des Nations
Unies et porterait gravement préjudiceaux intérêts et aux droits d'El
Salvador.
En conclusion, les Etats-Unis expriment respectueusement l'avis
qu'ElSalvadora ledroit d'intervenir dans cette instance sur la base de

l'article63 du Statut de la Cour, en tant qu'Etat partià des conven-
tions mutilatérales dont l'interprétation est en jeu à ce stade du
procès. Les Etats-Unis considèrent en outre que l'intervention d'El
Salvador,par sonobjet et saportée, serattache comme ilconvient à la
phase actuelle du procèset est intrinsèquement limitée àcelle-ci. En
conséquence, lesEtats-Unis n'aperçoivent aucun motif defaire objec-
tion à la recevabilitéde cette intervention.)>

La lettre du Nicaragua, datéedu 10septembre 1984,est moins simple.
Comme il est indispensable d'en interpréter les termes pour apprécier la
façon dont la Cour a appliquél'article 84 de son Règlement,je la citerai
longuement :

<<1. LeNicaragua n'aenprincipe rien à objecterà uneintervention
régulière d'ElSalvador,faite sur la base de l'article63du Statut de la
Cour et des articles 82à 85 du Règlement. Larequêtedu Nicaragua
contient en effet des demandes présentéesnon seulement en vertu du
droit international général, mais aussien vertu de certaines conven-
tions. Or il est établique tout Etatpeut, en application de l'article 63,
intervenir deplein droitdans toute affaireoù ils'agitd'interpréterune
convention à laquelle il est partie, s'ilsatisfait aux conditions énon-
céesdans cet article et dans les dispositions applicables du Règle-
ment.
2. Si le Nicaragua n'entend pas s'opposer à l'intervention d'El
Salvador, il s'estimeen revanche tenu d'attirer l'attention de la Cour

sur certains défauts, de forme et de fond, de la déclaration d'inter-
vention.
3. Surlaforme :ladéclarationest censéeêtrefondée surl'article 63
du Statut de la Cour (article qui permet l'intervention de tout Etat
partie à une convention qu'il s'agit d'interpréter en l'affaire). Or
l'article 82du Règlement de la Cour, applicable aux interventions
fondées surl'article 63, dispose que la déclaration d'intervention

(<contient : (b) identification of the particular provisions of theconvention the
construction of which (the declarant) considers to be in ques-
tion ;

(c) a statement of the construction of those provisions for which it
contends.'
The Declaration of El Salvador contains no such 'identification'
and no such 'statement'.
4. The requirements of Article 82of the Rules are not merematters
of form. They are necessary to ensure that the intervention falls
properly within the provisions of Article 63 of the Statute, and to

make clear what portions of the Court'sjudgment are binding on the
intervenor in accordance with that Article.

5. As tosubstance :The declaration states that ElSalvador seeksto
intervene for the sole and limited purpose of arguing that this Court
does not havejurisdiction over Nicaragua's application of the claims
set forth therein, that for multiple reasons the Court should declare
itself unable to proceed concerning such application and claims, and
that such application and claims are inadmissible.

To another point the Declaration states that El Salvadore :
'also wishesto participate in order tomakeita matter ofrecord that
contrary to what Nicaragua has asserted in its allegation in this

case, El Salvadorconsiders itself under the pressure of an effective
armed attack on the part of Nicaragua'.
Article 63of the Statute, however,does not permit intervention for
the purpose of opposing jurisdiction or to make things a 'matter
of record', but only for the purpose of the interpretation of an
identified provision of a convention to which the intervenor is a
Party. ..

In Nicaragua's view, the prompt disposition of the present juris-
dictional phase of thecase and a speedy determination of themerits is
a matter of utmost urgency. In agreeing in principle to the interven-
tion of El Salvador, Nicaragua does soon theunderstanding that such
intervention shall not become the occasion for delaying the proceed-
ings."

Thus, while Nicaragua purported in its letter not to have filed "an
obiection" to the admissibilitv of El Salvador's Declaration of Interven-
tion,it voicedobjections. It characterized theseobjections as "deficiencies,
both as to form and substance, in the Declaration of Intervention". Those
of form related to requirements which Nicaragua describes as "necessary
to ensure that the intervention falls properly within the provisions of
Article 63 of the Statute". Those of substance led Nicaragua to conclude b) l'indication des dispositions de la convention dont il [l'Etat
déclarant]estime que l'interprétation est en cause ;

c) un exposé de l'interprétation qu'il donne de ces disposi-
tions o.

Cependant la déclaration d'El Salvador ne contient ni cette << in-
dication )),ni cet <(exposé )).
4. Les conditions énoncées à l'article 82 du Règlement ne corres-
pondent pas à de simples questions de forme :elles ont pour but de

veillerà ce que l'intervention relève bien des dispositions de l'ar-
ticle63 du Statut, et d'indiquer exactement quelles sont lesparties de
l'arrêtde la Cour qui obligeront l'intervenant par application de cet
article.
5. Sur lefond :aux termes de ladéclaration,El Salvador demande
à intervenir avec pour but unique et limitéde faire valoir que la Cour
n'apas compétencepour connaître de la requêtedu Nicaragua et des
demandes qui y sont énoncées, qu'elle doit pour de multiples raisons

déclarernepaspouvoir donner suite à cetterequêteet àcesdemandes,
et que ladite requête etlesdites demandes sont irrecevables.
Par ailleurs, il est dit dans la déclaration qu'El Salvador :

<souhaite aussi intervenir afin de faire savoir officiellement que,
contrairement à ce que le Nicaragua a affirmédans ses allégations
en l'espèce,il estime êtrel'objet d'une agression arméeréellede la
part du Nicaragua )).

Cependant l'article 63 ne permet d'intervenir ni pour dénier la
compétence, nipour <faire savoir officiellement ))quoi que ce soit,
mais aux seules fins de l'interprétation d'une disposition déterminée

de la convention à laquelle l'intervenant est partie...

De l'avisdu Nicaragua, il importe de toute urgence de régler avec
céléritéla phase actuelle de l'affaire, relativeà la compétence,et de
statuer rapidement sur le fond. Acceptant en principe l'intervention

d'El Salvador, leNicaragua le fait à condition que cette intervention
ne devienne pas l'occasion de retards dans la procédure.

Ainsi le Nicaragua, tout en affirmant dans sa lettre n'avoir << rien à
objecter 1)à la recevabilitéde la déclaration d'intervention d'El Salvador,
formulait desobjections qu'il définissaitcommedes <défauts,de forme et
de fond, de la déclaration d'intervention D.Les défautsde forme portaient
sur les conditions qui, d'après le Nicaragua, <(ont pour but de veiller à ce
que l'intervention relèvebiendesdispositions de l'article63du Statut )>.Et
lesdéfautsdefond amenaient leNicaragua a conclure que <<l'article63ne230 MILITARY AND PARAMILITARY ACTIVITIES (DISSO . P.SCHWEBEL)

that "Article 63 of the Statute .. .does not permit intervention for the
purpose of opposingjurisdiction .. .",that is,the verypurpose for which El
Salvadorsought to intervene. Now it isplain that ifwhat Nicaragua called
deficiencies in form were so serious as to result in El Salvador's having
failed to do what was "necessary" to comply with Article 63, and that if
what Nicaragua called deficiencies of substance were so serious as not to
"permit intervention" under Article 63, then Nicaragua objected to El
Salvador's Declaration on these grounds. It objected in fact even if it
professed to agree "in principle".
El Salvador, by letter of 17 September 1984,arrived at the following
evaluation of Nicaragua's written observations :

"4. Nicaragua's observations constitute an attempt to object to El
Salvador's Declaration of Intervention while, at the same time, pre-
venting El Salvador from exercising its procedural right to oral pro-
ceedings before the Court in the event of an objection. On the one
hand, Nicaragua purports not toobject in order to avoid triggering El
Salvador's automatic right to a hearing under Article 84 (2) of the
Rules of the Court when an 'objection'isreceived. On the other hand,
Nicaragua then launches a full-scale attack on both the form and the
substance of theDeclaration inwhat constitutesasstrong and clear an

'objection'as one can imagine. Nicaragua, in short, disclaims oppos-
ing El Salvador's intervention, but then offers lengthy alternative
explanations why the Court should find the intervention inadrnissi-
ble. It is inconceivable that the Court should proceed in the peremp-
tory and injudicious fashion that Nicaragua invites. EitherNicaragua
should be taken at its word and the Declaration of Intervention
admitted as the exercise of an automatic right fully consistent with
Article 63of the Statute and Article 84of the Rules due to the absence
of any objection from either Party, or Nicaragua's observations must
berecognized astheobjection that thedocument undeniably isand El
Salvador allowed the oral proceedings which Article 84 (2) of the
Rules requires when an objection is received."

The Court, however,disregardednot onlywhat ElSalvador's letter of 17
September says but what Nicaragua's letter of 10 September says. The
Court insisted on taking at full and face value what Nicaragua's letter says
it saysrather than what itplainly said.The Court thereby found it possible
not to apply the mandatory terms of Article 84,paragraph 2, of its Rules,
which prescribe that, if an objection is filed to the admissibility of a
declaration of intervention, "the Court shall hear the State seeking to
intervene and the Parties before deciding". Nicaragua's written observa-
tionscontained in its letter of 10September werecarefully, indeed artfully,
crafted, but thiswashardlyreason to reward them with such an applicationpermet [pas] d'intervenir pour dénier la compétence ))- autrement dit,
dans lebut mêmequ'El Salvadorpoursuivait en demandant àintervenir. Il

est donc évidentque, si les défautsdits de formepar le Nicaragua étaient
d'une telle gravitéque la déclaration d'ElSalvador ne répondait pasaux
conditions de l'article 63,et si les défauts dits de fond par le Nicaragua
étaientd'une telle gravitéque l'intervention d'El Salvador ne pouvait être
permise en vertu de l'article63,leNicaragua objectait pour cesmotifs à la
déclaration d'El Salvador. Il affirmait lui donner son accord << en prin-
cipe O; mais il y objectait en fait.
ElSalvador, dans une lettre du 17septembre 1984,portait l'appréciation
suivante sur les observations du Nicaragua :

<4. Lesobservations du Nicaragua constituent une tentative pour
s'opposer à la déclarationd'intervention d'ElSalvador tout en empê-
chant celui-ci d'exercer son droit à participer à la procédure orale
devant la Cour en cas d'objection. D'une part, le Nicaragua prétend
qu'il n'opposepasd'objection afind'éviterde déclencherl'application

automatique de l'article 84, paragraphe 2, du Règlement de la Cour
qui accorde à El Salvador automatiquement le droit de se faire
entendre s'ilest fait <objection ))àsa requête. D'autrepart, le Nica-
ragua lance ensuiteune attaque complètesurla forme et lefond de la
déclaration, attaque qui constitue 1'<o <bjection ))la plus forte et la
plus netteque l'onpuisse imaginer. En résumé, le Nicaragua nie qu'il
s'oppose à l'intervention d'ElSalvador mais explique ensuite abon-
damment les raisons pour lesquelles la Cour devrait considérer cette
intervention comme irrecevable. Il n'est pas possible d'imaginer que
la Cour puisse agirpéremptoirement etinconsidérémentcommelelui

suggèreleNicaragua. Ou bien lesobservations du Nicaragua doivent
êtreprises au pied de la lettre et la déclaration d'intervention être
déclarée recevable en tant qu'exerciced'un droit automatique pleine-
ment compatible avec l'article 63 du Statut et l'article 84 du Règle-
ment de la Cour en l'absence de toute objection de l'une ou l'autre
Partie, oubien lesobservationsduNicaragua doivent êtreconsidérées
comme l'objection qu'ellesconstituent en fait sans doute possible et
El Salvador êtreautorisé àsefaire entendre au coursde la procédure
orale comme le prévoit l'article84,paragraphe 2, du Règlement lors-
qu'il estfait objection à une requête. ))

Cependant la Cour a écarté, non seulementce que dit la lettre d'El
Salvador du 17septembre, mais aussi ce que dit la lettre du Nicaragua du
10septembre ;etelleatenu à admettre pleinementet sans réservecequela
lettre du Nicaragua dit qu'elledit,au lieude cequ'elledit clairement. C'est
ce qui a permis à la Cour de ne pas appliquer les termes impératifs de

l'article 84,paragraphe 2, de son Règlement,qui prescrit que, s'ilest fait
objection à la recevabilité d'une déclaration d'intervention, << la Cour
entend, avant de statuer, 1'Etatdésireux d'intervenirainsi que lesparties o.
Il est vrai que les observations contenues dans la lettre du Nicaragua du
10septembre étaitrédigées avec prudence, et même avec habileté ;maisceof the Court's Rules. It isnot the business of the Court to restore theforms
of action - the wording of pleadings - to that exalted and determinative

state from which they were long ago toppled in the common law. If the
Court is to deserve and maintain the confidence of States, it must act with
scrupulous regard to the letter and spirit of its Rules. 1am pained to find
myselfconstrained to Saythat, in my view,the Courthas not demonstrated
that regard in this case.
It should be added that, once the Court took the position, as it did,that
Nicaragua had not filed an objection to El Salvador's intervention, it
followed that neither Party to the principal case opposed according El
Salvador the right to intervene. That would appear to be a substantial
consideration in favour of the Court'streating ElSalvador'sDeclaration as
admissible. But there is no indication that the Court gave weight to that
consideration.
Be that as it may, the Court remained free to hold a hearing on El
Salvador's Declaration, however it chose to interpret the written observa-
tions of Nicaragua. El Salvadorhad requested a hearing. The unanswered

questions raised by El Salvador's communications, the fact that this was
only the second instance in this Court's history in whicha State sought to
invoke Article 63 and the first in which it sought to intervene in ajuris-
dictionalphase of a case,aswell asthe fact that there werequestions which
at leastonejudge of theCourt wishedtoputto ElSalvador,indicated that a
hearing should be held. Considerations of judicial propriety, of the sov-
ereignequality of Statesbefore the law,and of fair play, required ahearing.
Moreover, failure to hold ahearing conflicts with thesingleprior precedent
of the Court.

In the Haya de la Torrecase,Cuba sought to intervene in terms to which
a Party to the case, Peru objected. The Court held a hearing (I.C.J.
Pleadings,Haya de la Torre,pp. 149-150), and granted Cuba the right to
intervene on a much more limited aspect of the case than Cuba initially

sought. The Court held that :

"Reduced in this way, and operating withn these limits, the inter-
vention of the Government of Cuba conformed to the conditions of
Article 63 of the Statute, and the Court ... decided ... to admit the
intervention .. ."(Haya de la Torre,Judgment, I.C.J. Reports 1951,

p. 77.)
Now it is important to recall that the Rules of Court in force at that time
didnot provide for ahearing in respect of the admissibility of declarations
filedunder Article 63.The pertinent Rule then provided :"If any objection
or doubt should arise as to whether the intervention is admissible under
Article 63 of the Statute, the decision shall rest with the Court." Nev-
ertheless,in the face of an objectionor doubt, the Court did accord Cuba a

hearing, and was able to narrow the scope of the intervention which Cuba ACTIVITÉS MILITAIRES ET PARAMILITAIRES (OP.DISSS. CHWEBEL) 231

n'étaitpas une raison d'en récompenser lesauteurs par une telle applica-
tion du Règlement.LaCour n'apas àsesoucierderendre au formalisme de
l'acte écrit(forms of action) le rôle prééminent etdéterminant que le
commonlawluiafait perdre depuis longtemps. Elledoit, sielleveut mériter
etgarder laconfiancedesEtats, agir avecun respect scrupuleux de la lettre
et de l'esprit de son Règlement. J'ai la tristesse de devoir dire que, selon
moi, c'est un respect dont elle n'a pas fait preuve en l'espèce.
Il faut ajouterà cela que, la Cour ayant jugé bon de conclure que le
Nicaragua n'avait pas fait d'objection à l'intervention d'El Salvador, il
s'ensuivait qu'aucune des Parties à l'instance principale ne contestait le
droit d'intervenir d'El Salvador. Il semble que cela aurait dû êtreune
considération importante en faveur de la recevabilitéde la déclaration

salvadorienne. Or rien n'indique que la Cour ait accordéune valeur quel-
conque à cette considération.
Quoi qu'il en soit, et quelle que fût la façon dont la Cour choisissait
d'interpréter les obse~ations du Nicaragua, elle n'en restait pas moins
libre de tenir audience sur la déclaration d'El Salvador. El Salvador avait
demandé à être entendu. Les questions restées sans réponse dans les
communicationsd'El Salvador,le faitque c'étaitla secondefois seulement
dans l'histoire de la Cour qu'un Etat invoquait l'article-6et la première
fois qu'un Etat demandait àintervenir dans la phasejuridictionnelle de la
procédure -, enfin le fait qu'il y avait des questions qu'un membre de la
Cour au moins souhaitait poser au Salvador, militaient en faveur d'une
décision d'entendre El Salvador. Le respect des formes judiciaires, le

principe de l'égalité souverainedes Etats devant la loi et les exigences du
fair play allaient dans le même sens.De plus, ne pas entendre 1'Etat
demandant à intervenir était contredire l'unique précédentdans la juris-
prudence de la Cour.
Dans l'affaireHaya de la Torre,Cuba avait demandé àintervenir dans
des termes auxquels objectait le Pérou,partie à l'affaire. La Cour, après
avoir tenu audience (C.I.J. Mémoires,Haya de la Torre, p. 149-150),a
autoriséCuba àintervenir sur un aspect de l'affaire beaucoup plus limité
que cet Etat ne l'avait demandé, en s'exprimant dans les termes sui-
vants :

<<Ainsi circonscrite et s'exerçant dans ces limites, l'intervention du
Gouvernement de Cuba répondait aux conditions de l'article 63du
Statut, et la Cour..a ...décidéde l'admettre ..>>(Haya de la Torre,
arrêt, CI..J. Recueil951, p. 77).

Or on voudra bien remarquer que le Règlementen vigueur à l'époquene
prévoyaitpas d'audience pour statuer sur la recevabilitédes déclarations
faites en vertu de l'article 63, puisque l'article applicable disp:s<<En
cas de contestation ou de doute sur l'admissibilitéde l'intervention sur la
base de l'article 63 du Statut, la Cour décideD.Malgré cela,la Cour, en
présenced'une contestation ou d'un doute, a décidéd'entendre Cuba, ce
qui lui a permis de ramener àdes limites acceptables la portée del'inter-sought to permissible limits. In this case, the Court has disregarded the
instructive precedent which the Haya de la Torrecase provides. Far from
holding a hearing whch the current Rules do require, and far from
endeavouring to reduce El Salvador'sintervention to those limits which it
adjudged to be appropriate, the Courthas contented itself with dismissing
El Salvador's Declaration in terse terms.
That dismissal appears to have been foreshadowed by the Court's press

communiqué No. 84/28 which the President of the Court caused to be
issued on 27 September 1984. The communiqué announced that, on 8
October 1984,the Court willopen a hearing on the questions of whether it
hasjurisdiction to deal with the merits of the case brought by Nicaragua
against the United States and whether Nicaragua's application is admis-
sible. The release concluded with the following paragraph :
"Meanwhile, El Salvador has filed a declaration of intervention
within themeaning ofArticle 63of theCourt's Statute, which enables
States to intervene if notified that the interpretation of a treaty to

which they are party is in issue.. .The Court's decision in regard to
this declaration wiH be made known to the press in a subsequent
communiqué."
At the time of the issuance of this release, the Court had not met, and
was not scheduled to meet until 4 October 1984,but was in receipt of a
communication from the Agent of El Salvador of 24 September to the
Registrar which recounted that he had been informed by the Registry that
any decision the Court might take in connection with the Declaration of
Intervention willbe communicated to the Agents of the Parties and to the

Agent of El Salvador prior to 8October, on which date the President had
fixed the opening of oral proceedings on the questions ofjurisdiction and
admissibility. El Salvador's communication of 24 September requested a
postponement of the 8 October date, on the ground that it would be
"difficult in the extreme for El Salvador adequately to prepare" to take
part in those hearings, the moreso sinceit hadnot yetbeen afforded access
to the written pleadings of Nicaragua and the United States on these
questions.
Inthesecircumstances, itmust have been clear to ElSalvador and others
who were closely following the matter that the time schedule fixed by the
President and announced to the press in the terms in which it was
announced had been shaped on the assumption that El Salvador's Decla-
ration of Intervention would be denied. The Court of courseremained free
to override that assumption. But it hardly seems to be an assumption to
have been made, the more so since,in a letter of 14September 1984to the
Registrar, the United States had already drawn the matter to the Court's
attention in these terms :

"Article 86 of the Rules of Court provides that a State whose
intervention as of right under Article 63 of the Statute is admitted
'shallbe furnished with copies of the pleadings' of the Parties to thevention demandée par cet Etat. En la présente affaire, la Cour a fait
abstraction de leçons de ceprécédent :au lieu de tenir audience, comme le
Règlement actuel le demande, et de tenter de ramener l'intervention d'El
Salvador aux limites qu'elle jugeait appropriées, elle s'est contentée de
refuser la déclaration salvadorienne en termes sévères.

D'ailleurs lecommuniquédepresse no84/28de laCour, que lePrésident
a fait publier le27 septembre 1984,laissait présagerce refus. En effet ce
communiqué, qui annonçait que la Cour tiendrait audience le 8 octobre
1984sur la question de savoir si elle étaitcompétente pour connaître au
fond de l'instance introduite par leNicaragua contre les Etats-Unis et sila

requêtedu Nicaragua était recevable, s'achevait sur le paragraphe sui-
vant :
<Entre-temps, El Salvadoradéposéunedéclaration d'intervention
au sens de l'article 63 du Statut de la Cour, qui permet aux Etats
d'intervenir s'ilsreçoivent notification de ce que l'interprétation d'un

traitéauquel ils sont parties est encause..La décisionque prendra la
Cour au sujet de cette déclaration fera l'objet d'un communiqué
ultérieur.
Ala date depublication de cecommuniqué,la Courne s'étaitpas réunie,
et elle ne prévoyaitpas de se réuniravant le 4 octobre 1984 ;en revanche
elleétaiten possession d'une communication qu'ElSalvadoravait adressée

le24septembre au Greffier,et oùl'agentdecet Etat disait avoir été informé
par leGreffe que toute décisionque la Courpourraitprendre au sujet de la
déclaration d'intervention de sonpays seraitcommuniquéeauxagentsdes
Parties età lui-mêmeavant le 8 octobre, date à laquelle le Président avait
fixél'ouverture de laprocédure orale sur lesquestions de compétenceetde
recevabilité.Dans cette mêmecommunication du 24 septembre, El Sal-
vador demandait que cette date fût différée,pour la raison qu'il serait
<<extrêmement difficile à El Salvador d'êtresuffisamment prêt ))pour
prendre part à cette procédure, d'autant plus que cet Etat n'avait pas
encore reçu accès aux écritures du Nicaragua et des Etats-Unis sur ces
questions.
Dans ces conditions, il a dû paraître évidentau Salvadoret àtout autre
observateurintéresséque lecalendrier fixépar le Président,etannoncé àla

presse dans les termes où il était annoncé, avait étéétabli à partir de
l'hypothèsedu refus de ladéclaration d'intervention d'El Salvador.Certes
la Cour restait libre de revenir sur cette hypothèse. Mais il ne semble pas
que cette possibilité ait étéenvisagée,surtout si l'on serappelle que les
Etats-Unis avaient d'ores et déjàattirél'attention de la Cour sur ce point,
dans une lettre adresséeau Greffier le 14 septembre 1984 :

<L'article 86du Règlement disposequ'un Etat dont l'intervention
fondée sur l'article 63 du Statut est déclarée recevable (reçoit copie
des pièces de procédure des parties et a le droit de soumettre des case, and shall be entitled to submit written observations on the
subject-matter of its intervention 'within a time-limit to be ..x.'.
In his letter of 10 September, the Agent of El Salvador requested a
reasonable period of timein which to reviewthe pleadings in order to
determine how they bear on El Salvador'sconstruction of the various
conventions the meaningof whoseprovisions are at issueat thisphase
of the case.
The United States respectfully submits that consideration of the
scheduling of further proceedings on the questions of thejurisdiction
of the Court and the admissibility of the Nicaraguan Application

should be deferred until after such time as a determination has been
reached by the Court on the admissibility of the Salvadoran inter-
vention as of right."

111.THERIGHT OF ELSALVADO TRO INTERVEN IN THE JURISDICTIONAL
PHASE OF THE CURRENT PROCEEDING ON THE GROUNDS STATED BY IT

Whileunder Article63 of the Statute, aStatehas "the right" to intervene
whenever the construction of a convention to which it is a party is in

question in proceedings beforethe Court, it alwayshas been accepted that
the Court must pass upon whether the State seeking to intervene isuch a
party, and whether the construction of the convention cited is in question
in the proceedings. If the Court sofinds, theCourt does not need to grant
permission to intervene;it simply- and,as the distinguished President of
the Court has put it, "rather significantly" (Taslim Elias, The Interna-
tional Courtof Justice and Some Contemporary Problems,1983,p. 86) -
"records" that the declarant State intends to avail itself of the right to
intervene conferred upon it by Article 63 of the Statute and "accepts" its
intervention.(S.S. "Wimbledon",Judgments, 1923,P.C.I.J, SeriesA, No. 1,

p. 13.But in the Haya de la Torrecase, supra, the Court "decided ...to
admit" the intervention.)
A Statehas the right to intervene whether ornot it has been notified by
the Registrar that the construction of a convention to which it is aparty is
in question ;Article 82,paragraph 3,of the Rules of Court soprovides. By
an administrative decision of this Court taken early in its history under the
Presidency of Judge Basdevant, and affirmed by President Winiarski, the
Registrar does not routinely send notifications to Statesparties when the
United Nations Charter is cited before the Court, particularly because,
under the terms of Article 40, paragraph 3, of the Statute, the Registrar,

when a case is brought before the Court, shall forthwith communicatethe
application to the Members of the United Nations and any other States
entitled to appear before the Court. It was accordingly decided that,nce
States which could intervene under Article 63 have already had the appli-
cation communicated to them under Article 40, there is no need to send
them a new communication in such cases even though their attention had ACTIVITES MILITAIRES ET PARAMILITAIRES (OP.DISSS. CHWEBEL) 233

observations écritessur l'objetde l'intervention <dansun délaifixé O.

Dans sa lettre du IO septembre, l'agent d'El Salvador a demandé
qu'on lui laisse le temps d'examiner les pièces écritesafin de déter-
miner leurs répercussionssur la manière dont El Salvador interprète
lesdiverses conventions dont l'interprétationest enjeu dans la phase
actuelle de l'affaire.

Les Etats-Unis demandent respectueusement que l'examen du

calendrier pour la suite de la procédure sur les questions de compé-
tence de la Cour et de recevabilitéde la requêtedu Nicaragua soit
différéjusqu'à cequelaCour sesoitprononcéesurlarecevabilitéde la
déclaration d'intervention d'El Salvador. i)

111.LE DROIT D'ELSALVADO R'INTERVENIR
DANS LA PHASE JURIDICTIONNELLE DE L'INSTANCE EN COURS
POUR LES MOTIFS INDIQUÉS PAR LUI

Bien que l'article.63 du Statut donne aux Etats (le droiti)d'intervenir
lorsque la Cour a à connaître de l'interprétation d'une convention àla-

quelle ils sont parties, il a toujours été admisquela Cour devait décidersi
1'Etatdemandant à intervenir étaitbien une telle partie, et si l'interpré-
tation de la convention citéepar lui étaiteffectivement enjeu. Si la Cour
répond affirmativement à ces questions, elle n'a pas à donner à 1'Etat
intéresséla permission d'intervenir :tout simplement - et, comme l'adit
notre distingué Président, (<de façon assezsignificative 1(T. O. Elias, The

International Court of Justice and Some Contemporary Problems, 1983,
p. 86) - elledonne acte à 1'Etatdéclarantde son intention de seprévaloir
du droit d'intervenir qui lui est conférépar l'article 63 du Statut, et elle
(<reçoit))son intervention. (VapeurWimbledon, C. P.J.I. sériA no1,p. 13.
Cependant, dans l'affaire Haya de la Torre, voir ci-dessus, la Cour a
décidé i)d'(<admettre >)l'intervention.)
Cedroitqu'ont lesEtats d'intervenir est constant, qu'ilsaient ou nonété

avertis par le Greffier que l'interprétationd'une convention à laquelle ils
sont parties est enjeu :ainsi le veut l'article 82,paragraphe 3, du Règle-
ment. En vertu d'une décisionadministrative prise dèsles débutsde la
Cour actuelle, sous la présidencedujuge Basdevant, puis confirméepar le
Président~iniarski, le Greffier n'avertit pas systématiquementles Etats
parties quand la Charte des Nations Unies est invoquéedevantla Cour, ce

qui s'explique enparticulier par le fait que, lorsqu'une instance est intro-
duite devant la Cour, l'article40,paragraphe 3,du Statut obligeleGreffier
à donner immédiatement communication delarequêteauxEtats Membres
des Nations Unies et aux autres Etats admis à ester devant la Cour. C'est
pourquoi il a étédécidéque l,s Etats susceptiblesd'intervenir en vertu de
l'article 63 recevant déjà communication de la requête en applicationde

l'article0, il n'étaitpas nécessairedans de tels cas de leur envoyer unenot been expressly drawn to Article 63. While, in general, the Registrar
subsequently hasbeen soguided in respect of the Charter, otherwisehe has
usually sent out notices specificallyreferring to Article 63.The practice of
the Court appears to indicate that an intervention based on Article 63
cannot be aimed at theinterpretation of aconvention referred tobut which
is not at issuein thedisputebrought before theCourt.(Cf. Appeal Relating
to the Jurisdiction of the ICA0 Council,Judgment, I.C.J. Reports 1972,

p. 48, where the Court recorded that, Pakistan having advanced the con-
tention that questions concerning the construction of the Convention on
International Civil Aviation and the International Air Services Transit
Agreement were "in issue", States werenotified in accordance withArticle
63.)

Unprecedentedquestions not resolvedby the foregoingbody ofpractice
have ansen in the instant case. They are these :

- May intervention under Article 63 take place in the jurisdictional
phase of a proceeding ?
- If so, is such intervention confined to conventions other than the
Statute of the Court and the Charter of the United Nations ?

- If such intervention is not so confined, does it embrace the Statute as
welI as the Charter ?
- If so, may intervention embrace not only the Charter and the Statute
but declarations submitted under the Optional Clause of the Statute ?

It will be convenient to begin with jurisdictional intervention in
general.

A. Intervention underArticle 63 in the Jurisdictional Phase of
Proceedings

The terms of Article 63 of the Statute are comprehensively cast :
"Whenever" theconstruction of "a convention" is"in question ...".There

isnohint in theseterms - orin their travauxpréparatoires - that they mean
other than what their plain meaning says. "Whenever" - that is, whatever
time in the proceedings of a case - imports not some but all, not some
phases of a case but any phase. Moreover, the Rules of Court support the
interpretation that "Whenever" indeed means whenever.Article 82,para-
graph 1,of the Rules provides :

"A State which desires to avail itself of the right of intervention
conferred upon it by Article63 ofthe Statute shallfileadeclaration to
that effect . . Suchadeclaration shallbefiled assoon aspossible, and
not later than the date fixedfor theopening of theoral proceedings. In ACTIVITÉS MILITAIRES ET PARAMILITAIRES (OP.DISSS . CHWEBEL) 234

nouvelle communication, mêmesi leur attention n'avait pas étéexpressé-

ment attiréesur les dispositions de l'article 63. Tellea été depuislors la
ligne deconduite générale du Greffierde la Cour pour ce qui concerne la
ChartedesNations Unies ;dans les autres cas, ilenvoiegénéralementaux
Etats desnotifications seréférantspécialement à l'article 63.Cependant la
pratique de la Cour semble indiquer que l'intervention en vertu de l'ar-
ticle63 ne peut porter sur l'interprétation d'une convention qui,bien que
citéedans un différendsoumis à la Cour, n'y est pas en cause. (Voir l'af-

faire de l'Appelconcernantlacompétencedu Conseilde1'OACI, arrêtC , .Z.J.
Recueil1972,p. 48,où la Cour a constaté que,lePakistan ayant fait valoir
que des questions concernant l'interprétation de la convention relative à
l'aviation civileinternationale et de l'accord relatifau transit des services
aériens internationaux étaient (<enjeu O, les Etats avaient étéavertis
conformément à l'article 63.)

Cependant la présente affaire soulève des questions sans'précédent,
pour lesquelles la pratique résumée ci-dessus n'offrepas de réponse. Ces
questions sont les suivantes :

- L'intervention en vertu de l'article 63 peut-elle avoir lieu pendant la
phasejuridictionnelle de l'instance ?
- Dans l'affirmative,cette intervention doit-elleêtre limitéeaux conven-
tions autres que le Statut de la Cour et la Charte des Nations Unies?
- Si l'intervention n'est pas ainsi limitée, peut-elle s'étendreau Statut,
en plus de la Charte ?

- Siellepeut s'étendreauStatut enplus dela Charte, peut-elle s'étendre
aussi aux déclarations faites en vertu de la clause facultative ?
Je commencerai par la question de l'intervention juridictionnelle en

général.

A. L'intervention en vertude l'article63
pendant laphase juridictionnellede l'instance

L'article 63du Statut est rédigé entermesgénéraux : <Lorsqu'il s'agit ))

de l'interprétation ((d'une convention )),etc. Rien n'indique dans ces
termes - ni dans les travaux préparatoires - qu'ils puissent vouloir dire
autre chose que leur sens clair. Le mot << lorsque ))[en anglais, whenever]
- c'est-à-dire, à tout moment pendant le déroulement d'une affaire - ne
signifie pas dans certains cas )),mais dans tous les cas)) :non pas
pendant certaines phases de l'instance, mais pendant n'importe quelle

phase. D'ailleurs le Règlementde la Cour confirme que << lorsque >)ne
signifie pas autre chose que lorsque )).C'est ainsique l'article 82,para-
graphe 1, dispose :

Un Etat qui désirese prévaloirdu droit d'intervention que lui
confèrel'article 63du Statut dépose àcet effet une déclaration ...Cette
déclaration est déposéele plus tôt possible avant la date fixéepour
l'ouverture de la procédure orale. Toutefois, dans des circonstances exceptional circumstances a declaration submitted at a later stage
may however be admitted."

It willbe observed that that Rule does not provide that adeclaration under
Article 63 shall be filed not later than the date fixed for the opening of the
oral proceedings "on the merits" but simply the opening of "the oral
proceedings". If theintention had been to confineintervention to the stage
of the merits, the Rule presumably would have so stated.

Indeed, that conclusion is more than apresumption. The fact is that the
question of barring intervention under Article 63 of the Statute in the
jurisdictional phase of a case never seems to have been proposed to,
consideredor accepted by the Court. In contrast, the Court did givecareful
consideration to limiting intervention under Article 62 of the Statute only

to the merits of the case before the Court, so as to exclude intervention
under Article 62in respect of interlocutory proceedings (though ultimately
the Court did not so provide in the version of its Rules it adopted). The
reason whichwasgivenfor soproposing in respect ofArticle 62recognized
that a third State could have a legalinterest in thejurisdictional phase of a
case,but it was suggestedthat that interest was too remote to be admitted.
However,a showingof "an interest of alegalnature which may be affected
by the decision in the case" is acondition of intervention under Article 62.
There isno suchcondition inArticle 63 ; thereit sufficesifthethird Stateis
party to a convention whose construction is in question in the principal
case.
Thus the terms of Article 63and the Rules which the Courthasadopted
in implementation of those terms both indicate that intervention under
Article 63 in thejurisdictional phase of a case is permitted. The sense of
Article 63 implies no less. Why should intervention at thejurisdictional
phase of a casenot be admitted ? There are multilateral conventions that,
in wholeor in part, relate tojurisdictional questions.Theirconstruction by
the Court in a case between two States can affect the legal position of a
third State under such conventions no less than it can affect their position

under other conventions, or parts of other conventions, whose clauses are
substantive rather thanjurisdictional. Take, for example, the controversies
that have come before the Court more than once over the force and effect
of the General Act of 26 September 1928 for the Pacific Settlement of
International Disputes. If one State maintains that that Act remains in
force and is a basis of the Court'sjurisdiction, and another contests those
contentions, why should not a third State party to the Act be able to
intervene under Article 63 at thejurisdictional stage of the proceedings to
submit a statement of the construction of the relevant provisions of that
Act for which it contends ?

In fact, as willbe shown below, the Court and the Registrar have acted
consistently with the conclusion that intervention in the jurisdictional ACTIVITÉS MILITAIRES ET PARAMILITAIRES (OP.DISS. SCHWEBEL) 235

exceptionnelles, la Cour peut connaître d'une déclaration présentée
ultérieurement. >)
On remarquera que cet article nedit pas quelesdéclarationsfaitesen vertu
de l'article 63doivent êtredéposées le plus tôt possible avant ladate fixée

pour l'ouverture de la procédure orale <sur le fond 1: il dit seulement
qu'ellesdoivent êtredéposéesavant la date fixéepour l'ouverture << de la
procédure orale o.Sil'onavait voulu confinerl'intervention à laprocédure
sur le fond, sans doute le Règlement le dirait-il.
Cetteconclusion est d'ailleursplusqu'une simplehypothèse,etle fait est
que la possibilitéd'interdire l'intervention en vertu de l'article63pendant
la phasejuridictionnelle n'a apparemment jamais été proposée à la Cour,
ni envisagée ou acceptéepar celle-ci.La Cour, il est vrai, a attentivement
considéréla questionde limiter l'intervention faite en vertu de l'article 62
à la procédure sur le fond, de façon à l'exclure en cas de procédure

interlocutoire (bien que finalement la Cour n'ait pas retenu cette solution
dans son Règlement) : la raison donnée àl'appui de cetteproposition était
que les Etats tiers pouvaient avoir un intérêt juridiquedans la phase
juridictionnelle de l'instanceà quoi ilfutréponduquecetintérêé t taittrop
lointain pour êtreadmis. Cependant, 1'Etat demandant à intervenir en
vertu de l'article 62doit démontrer qu'<< un intérêtd'ordre juridique est
pour lui en cause 1).Rien de tel dans l'article 63,où il suffit que 1'Etat
tiers soit partià une convention dont l'interprétation est enjeu au prin-
cipal.

Ainsi lestermes de l'article63du Statut, etlesarticles du Règlementque
la Cour a adoptésen application de ces termes, indiquent que l'interven-
tion en vertu de l'article 63 est permise pendant la phasejuridictionnelle.
Le texte de l'article63ne permet pas une lectureplus restrictive. Pourquoi
d'ailleursl'intervention austadejuridictionnelne serait-ellepasadmise ? Il
existe des conventions multilatérales qui portent en tout ou en partie sur
desquestions dejuridiction. Leur interprétationpar la Courau cours d'un
différend entre deux Etats peut donc affecter la position juridique des
Etats tiers par rapport à ces conventions, tout autant qu'ellepeut affecter
leur position par rapport àd'autres conventions,ou par rapport àcertaines

parties d'autres conventions, dont lesclauses sontde caractère substantiel
et non pasjuridictionnel. Prenons par exemplelescontroverses qui ont été
plus d'une fois soumises à la Cour au sujet du maintien en vigueur et des
effets de l'actegénéraldu 26 septembre 1928pour le règlement pacifique
des différendsinternationaux :si un Etat maintient que cet acte est tou-
jours en vigueur et peut servir de base de compétence à la Cour, et qu'un
autre le conteste, pourquoi un Etat tiers, partieà l'acte, nepourrait-il pas
intervenir en vertu de l'article 63 pendant la phase juridictionnelle de
l'instance, pour soumettre un exposéde l'interprétation qu'il donne aux
dispositions pertinentes de cet acte ?

D'ailleurs, comme on le verra plus loin, la Cour et le Greffier ont
toujours agi de façon conforme àla conclusion qui veut que l'interventionphase of a proceeding iswithin the scope of the right with which Statesare
endowed by the terms of Article 63.

B. Intervention in Respectof Constructionof the UnitedNations

Charter
It hasbeen shown that the terms and theintendment of Article 63of the
Statute generally embrace intervention in thejurisdictional phase of the

proceedings over the construction of conventions, such as the 1928Gen-
eral Act. Another convention which has been the subject ofjurisdictional
controversy before the Court and described as a convention whose con-
struction was susceptible of such intervention is the Convention on the
Prevention and Punishment of the Crime of Genocide. (Seethe dissenting
opinion of Judge Petrénin thecaseconcerning TrialofPakistani Prisoners
of War, Interim Protection, Order of 13 July 1973, I.C.J. Reports 1973,
pp. 334-335.) Evenif intervention in thejurisdictional phase of a case is
generally permitted, however,may a State intervene under Article 63over
the construction of provisions of the United Nations Charter ?

Sincethe provisions and purpose of Article 63 suggestno reason why a
State should not be permitted to intervene over the construction of the
United Nations Charter, the burden of showing that intervention to con-
strue articles of the Charter is imperrnissible rests on those who so main-
tain. No arguments in support of such an exceptional conclusion have
come to light. On the contrary, the understanding of the Court and of its
Registry appears to have been that intervention in construction of the
Charter is appropriate, and that such intervention may be made at a

jurisdictional stage.
The pertinent provision of Article 63 is unqualified : whenever the
construction of "a convention" is in question, the right to intervene arises.
The United Nations Charter is not only a convention, it is the most
important existing component of the body of conventional international
law.The firstdistinguishedRegistrar of theInternationalCourt of Justice,
the late EdvardHambro, who studied Article 63intensivelyin a number of
published papers, concluded :

"Article 63 uses the word Convention, whch must be given the
sameinterpretation hereas under Article 38whch usesthe sameterm.
According to the Vienna Convention on the lawof treaties, which to a
verylarge extent is acodification of international customary law, this
means :'An international agreement concluded between States in
written formand governed byinternational law,whether embodied in
a single instrument or in two or more related instruments and what-
ever its particular designation'." (Edvard Hambro, "Intervention
under Article 63of the Statute of the International Court of Justice",
Il processo internazionale.Studi in onore di Gaetano Morelli, 1975,
pp. 388-389.) ACTIVITÉS MILITAIRES ET PARAMILITAIRES (OP.DISSS . CHWEBEL) 236

pendant la phase juridictionnelle de l'instance fasse partie du droit que
l'article 63 confère aux Etats.

B. L'interventionpour cause d'interprétation
de la Charte des Nations Unies

Comme on vient de le voir, I'article63 du Statut, dans sa lettre et dans
son esprit, s'étend à l'intervention, pendant la phase juridictionnelle de
l'instance, pour cause d'interprétation des conventions telles que l'acte
généralde 1928.Une autre convention, sujet de controversejuridiction-

nelle devant la Cour, a étédécritecomme un instrument dont l'interpré-
tation se prêtait àune telle intervention :il s'agitde la convention pour la
prévention et larépressiondu crime de génocide. (Voir lesopinions dis-
sidentes du juge Petréndans l'affaire du Procèsdeprisonniers de guerre
pakistanais, mesures conservatoires, ordonnance du 13juillet 1973, C.I.J.
Recueil 1973, p. 334 et 335.) Mais, si l'intervention pendant la phase
juridictionnelle est autorisée,les Etats peuvent-ils intervenir en vertu de
l'article 63 au sujet de l'interprétation des dispositions de la Charte des
Nations Unies ?
Etant donné que ni lelibelléni l'esprit de l'article63n'offrent de raison

pour que les Etats ne puissent intervenir au sujet de l'interprétationde la
Charte des Nations Unies, c'est aux adversaires d'une telle intervention
qu'il incombe d'en démontrerl'inadmissibilité.Or aucun argument n'est
apparu à l'appui d'uneconclusion aussisingulière.Au contraire, la Cour et
le Greffe semblent avoir toujours considéréque l'intervention pour cause
d'interprétation de la Charte était acceptable, et qu'elle pouvait se faire
pendant la phasejuridictionnelle.

Les dispositions de l'article 63 sont sans restriction :lorsqu'il s'agitde
l'interprétation <(d'une convention ))ilya droit d'intervenir. Or la Charte
des Nations Unies n'est pas seulement une convention : c'est le plus im-

portant des éléments envigueur qui composent le droit international
conventionnel. Comme concluait l'éminentpremier Greffier de la Cour
internationale deJustice, Edvard Hambro, après avoirattentivement étu-
dié l'article 63dans plusieurs études :

<<L'article63sesert du terme convention O, auquel ilfaut donner
ici la mêmeinterprétation que dans l'article 38, où il est également
employé.D'aprèsla convention de Vienne sur le droit des traités, qui
est dans une trèsgrande mesure une codification du droit internatio-
nal coutumier, le mot signifie : un accord international conclu par
écritentre Etats et régipar le droit international, qu'il soit consigné
dans un instrument unique ou dans deux ou plus instruments con-
nexes, et quelle que soit sa dénomination particulière. )) (Edvard
Hambro, << Intervention under Article 63 of the Statute of the Inter-
nationalCourt of Justice ))Ilprocesso internazionale.Studi in onoredi

Gaetano Morelli, 1975,p. 388-389.) When the Court had cause to consider the meaning of the term "a
convention" as it is found in Article 63, in the course of revision of its
Rules, it was accepted that the definition of treaties contained in the
Vienna Convention on the Law of Treaties applied to it. Indeed, it was
understood that "a convention" as used in Article 63 referred to multila-
teral conventions as described in the following definition which the Inter-

national Law Commission of the United Nations had composed for what
ultimately became the Vienna Convention :
"(a) Treaty means any international agreement in written form,
whether embodied in a single instrument or in two or more related
instruments and whatever its particular designation (treaty, conven-
tion,protocol, covenant, charter, statute, act, declaration, concordat,
exchange of notes, agreed minute, memorandum of agreement, modus
vivendi or any other appellation), concluded between two or more
States or other subjects of international law and governed by inter-
national law." (Draft Articles on the Law of Treaties, Article 1,

Definitions, Yearbook of the International Law Commission, 1962,
Vol. II, p. 161.)
Moreover, the Rules of Court whicharein forcegiveno suggestion that the
term "the convention" as used in Article 82 does not embrace the United
Nations Charter.
The practice of the Court in implementation of Article 63of the Statute
and its pertinent Rules supports two conclusions : first, that intervention
under Article 63may occur in ajurisdictional phase of a case ;and second,
that such intervention may concern the construction of the Statute of the
Court and of the United Nations Charter.

In the very first case to come before the Court asit was constituted with
the coming into force of the United Nations Charter, the Corfu Channel
case, the Court took a position on these questions which it has never
modified. In its Application instituting proceedings, the British Govern-
ment relied, inter alia,on construction of Article 36, paragraph 1,of the
Statute, and of Articles 25, 32 and 36 of the Charter. In its Preliminary
Objection,Albania invoked aconstruction ofparagraphs 1and 3ofArticle
36, and Article 40, of the Statute, and Articles 25 and 32 of the Charter
(Corfu Channel, Preliminaty Objection, Judgment, 1948, I.C.J. Reports
1947-1948, pp. 17, 20-23). The Court's Judgment on the Prelirninary
Objection records :

"The Albanian Prelirninary Objection was transrnitted, .. .to the
Agent for the United Kingdom and was communicated ... to the
Members of theUnited Nations, pursuant to the provisions of Article
63 of the Statute." (Ibid., p. 23.)
That is to Say,"pursuant to the provisions of Article 63of the Statute", the
Court notified the Members of the United Nations who are parties to the

Statute of the Court and the Charter of the United Nations that construc- Quand la Cour, pendant la revision de son Règlement, a eu lieu de se
pencher sur laquestion du terme <<convention O,tel qu'utilisà l'article 63,
elle a admis que la définition des traitésdonnéedans la convention de
Viennes'appliquait àcemot. Et elleaadmis delamêmemanièreque lemot
convention D, tel qu'utiliséàl'article 63, désignait lesconventions mul-
tilatéralesviséesdans la définitionsuivante, que la Commission du droit
international des Nations Unies avait rédigéepour le dernier projet de
texte qui devait devenir la convention de Vienne :

a) L'expression << traité))s'entend de tout accord international
enforme écrite, qu'il soitconsigné dans un instrument uniqueou dans
deux ou plusieurs instruments connexes, et quelle que soit sa déno-
mination particulière (traité, convention, protocole, pacte, charte,
statut, acte, déclaration,concordat, échangede notes, procès-verbal
approuvé, mémorandumd'accord, modus vivendi,etc.), conclu entre
deux ou plusieurs Etats ou autres sujets du droit international et régi

par le droit international. ))(Projet d'articles sur le droit des traités,
article premier, définitions,Annuaire de la Commissiondu droit inter-
national, 1962, vol.II, p. 176.)
Par ailleurs, leRèglementde la Cour en vigueur n'indique nulle part que le
terme << convention O, tel qu'employé à l'article 82, ne s'étendpas a la

Charte des Nations Unies.
De son côté, lapratique de la Cour dans l'application de l'article 63 du
Statut et des articles correspondants du Règlementpermet de faire deux
conclusions :premièrement,que l'intervention en vertu de l'article63peut
seproduire pendant laphasejuridictionnelle ;deuxièmement,qu'une telle
intervention peut porter sur l'interprétation duStatut de la Cour et de la
Charte des Nations Unies.
Dans la toute premièreaffaire quifut soumise à la Cour aprèsl'entréeen
vigueur de la Charte des Nations Unies, l'affaire du Détroit de Corfou,la
Cour a adoptésur ces questions une position sur laquelle ellen'estjamais
revenue. Le Gouvernement britannique, dans sa requête introductive

d'instance, avait notamment invoquél'interprétationde l'article 36,para-
graphe 1,du Statut etdesarticles 25.32 et 36de laCharte. L'Albanie,dans
son objection préliminaire, invoqua une interprétation de l'article 36.
paragraphes 1et 3, et de l'article 40du Statut, et des articles 25 et 32de la
Charte (Détroitde Corfou,exceptionpréliminaire, arrêt, 194C 8.,I.J. Recueil
1947-1948, p. 17et 20-23). Or l'arrêtde la Cour sur cette objection pré-
liminaire constate ce qui suit :

L'exceptionpréliminairede l'Albanieaété notifiée...àl'agentdu
Royaume-Uni, puis communiquée ... aux Membres des Nations
Unies, conformément aux dispositions de l'article 63 du Statut. ))
(Ibid., p. 23.)

Autrement dit, la Cour, <<conformément auxdispositions de l'article 63du
Statut »,avait averti lesEtats Membres desNations Unies, qui sont parties
au Statut de la Cour et à la Charte des Nations Unies, que l'interprétation tion of the Statute and the Charter was at issue in the phase of a case
concerned with jurisdiction and admissibility, so that those Members
might consider employing their right under Article 63 to intervene.
In theAnglo-Iranian Oil Co.case, the Registrar addressed the following
letter to the States Members of the United Nations :

21 février1952.
Monsieur le Ministre,
Par ma lettre en date du 12 février1952,j'ai fait savoir à Votre
Excellencequ'enl'affairede 1'Anglo-IranianOilCompany, introduite
devant la Cour internationale de Justice par requêtedu Gouverne-
ment du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, le
Gouvernement impérial de l'Iran, défendeur, avait présenté,aux
termes de l'article 62du Règlementde la Cour, un document intitulé

'Observationspréliminaire: s-refusdu Gouvernement impériad le recon-
naître la compétencede la Cour.'
J'aiaujourd'hui l'honneur, en me référant àl'article63du Statutde
la Cour, de porter à votre connaissance que, dans ce document, le
Gouvernement de l'Iran invoque, entreautres considérations,l'inter-
prétation qu'il donne de l'article 2, paragraphe 7, de la Charte des
Nations Unies..." (I.C.J. Pleadings,Anglo-Iranian Oil Co., p. 741.)

This letter records that, at thejurisdictional phase of that case,Iran, among
other preliminary objections, raised a question of interpretation of an
article of the United Nations Charter. Referring expressly to Article 63of
the Statute, the Registrartransmitted the Iranian preliminaryobjectionsso
that other Members of the United Nations might consider invoking their
right to intervene. This constitutes a renewed demonstration of the under-
standing of the Court that Article 63 both permits intervention at the
jurisdictional stage and permits it on questions of construction of the
United Nations Charter.
In its Judgment on Iran's Prelirninary Objections, the Court confirmed
this conclusion. It recorded that the British Application had been circu-
lated among Statesentitled to appear before the Court pursuant to Article
40 of the Statute ; that these States were informed of the Iranian Objec-
tion ; and that :

"Finally, inpursuance of Article 63of the Statute of the Court, the
Members of the United Nations were informed that in its Objection,
the Iranian Government, relied, inter aliu, upon its interpretation of
Article 2,paragraph 7,of the Charter of the United Nations." (Anglo-
Iranian Oil Co.,Judgrnent,I.C.J. Reports 1952, p. 96.)

As has been observed above, the Registrar did not subsequently follow
thepractice ofsendingnotifications under Article 63when the Charter was
at issue in a case before the Court,but rather relied upon transmission of
the application pursuant to Article 40of the Statute, as has the Court. (Cf.du Statut et dela Charteétaitenjeu dansla phase del'affaireconsacrée àla
compétenceet à la recevabilité,de tellefaçon que cesEtats pussent exercer
leur droit d'intervenir en vertu de l'article 63.
Dans l'affairede 17Anglo-lranianOilCo.,leGreffier de la Cour a adressé
aux Etats Membres des Nations Unies la lettre ci-après :

21 février1952.
Monsieur le Ministre,
Par ma lettre en date du 12 février1952,j'ai fait savoir à Votre
Excellencequ'en l'affairede 1'Anglo-IranianOilCompany, introduite
devant la Cour internationale de Justice par requêtedu Gouverne-

ment du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, le
Gouvernement impérial de l'Iran, défendeur, avait présenté,aux
termes de l'article 62 du Règlementde la Cour, un document intitulé
«Observationspréliminaires :refusdu Gouvernementimpériad lerecon-
naître la compétencede la Cour. ))
J'aiaujourd'hui l'honneur, en meréférant à l'article63du Statut de
la Cour, de porter à votre connaissance que, dans ce document, le
Gouvernement de l'Iran invoque, entreautres considérations, l'inter-
prétation qu'il donne de l'article 2, paragraphe 7, de la Charte des
Nations Unies ...)(C.I.J. Mémoires,Anglo-Iranian Oil Co., p. 741.)

Cette lettreprenait acte du faitque l'Iran,pendant laphasejuridictionnelle
de l'affaire, avait soulevune questiond'interprétation relative àun article
de la Charte des Nations Unies. Le Greffier, se référant formellement à
l'article63du Statut,transmettait lesobjections préliminairesde l'Iran aux
autres Etats Membres des Nations Unies, afin qu'ils pussent, le cas

échéant,invoquerleurdroit d'intervenir. C'est là une nouvellepreuve de la
position de la Cour, àsavoir que l'article63permet l'intervention pendant
la phasejuridictionnelle, et qu'elle la permet sur les questions d'interpré-
tation de la Charte des Nations Unies.
La Cour a confirmé cette conclusion dans son arrêt surles objections
préliminairesde l'Iran, où elle a constatéque la requêtebritannique avait
étécommuniquée aux Etats pouvant ester devant la Cour en vertu de
l'article 40du Statut et que ces Etats avaient étéinformésde l'objection
iranienne, en ajoutant :

Enfin, les Membres des Nations Unies ont, aux termes de l'ar-
ticle 63 du Statut,étéavertis que, dans l'exception, le Gouvernement
de l'Iran invoquait, entre autres considérations, l'interprétationqu'il
donnait de l'article2,paragraphe 7,de la Charte desNations Unies. u
(Anglo-Iranian Oil Co., arrêt, C.I.J. Recuei1 l 952,p. 96.)

Comme on l'a vu plus haut, le Greffier n'a pas suivi par la suite la
pratique consistant à envoyer des notifications en vertu de l'article 63
chaquefoisquela Charteétaitenjeu dans lesdifférendssoumis à laCour :
il se contente, comme la Cour, de transmettre la requête introductive239 MILITARY AND PARAMILITARY ACTIVITIES (DISSO . PSCHWEBEL)

Aerial Incidentof27 July 1955(Israelv.Bulgaria),Judgment, I.C.J. Reports
1959,p. 129.)In respect of other conventions, usually but not invariably

notifications have been made with express reference to Article 63. See,for
example, I.C.J. Pleadings, AppealRelating to theJurisdiction of the ICA0
Council, p. 781 ;I.C.J. Pleadings, Trial of Pakistani Prisoners of War,
pp. 113,166 ;and I.C.J. Pleadings, UnitedStates Diplomaticand Consular
Staffin Tehran,p. 498. (A fuller listing is found in the Court's Yearbooks,
e.g., that of 1962-1963,pp. 101-103.)

C. Intervention in Respectof Constructionof the Statute

While the foregoing analysis and exposition of practice indicate that a
State may exerciseits right to intervene under Article 63at ajurisdictional
phase of the proceedings over the construction of the Court's Statute as

wellas the United Nations Charter, distinctions have been raised between
the two which may merit consideration.

In thefirst place,itisargued that, under Article 1of its Statute, theCourt
"shall function in accordance with the provisions of the present Statute" ;
that, therefore, al1the Court does engages the provisions of the Statute ;
and that it cannot be that, by functioning under its Statute, the Court
furnishesground for States to intervene under Article 63on questions that
may arise in respect of those functions.

Thisargument is true asfaras itgoes,but that isnot far. Article 63isnot
concerned with theapplication ofprovisions of aconvention,including the
Statute, but their construction, i.e., interpretation, and questions of inter-
pretation of the Statute are not posed by itsroutine application. Moreover,

it has been established in the practice of the Court that Article 63 comes
into play only if a provision of a convention is "at issue" in a case. If a
provision of the Statute is not incidentally engaged or mentioned, but is at
issuein acase between two States, then there isno reason whya third State
cannot intervene over the construction of that provision. And, apart from
Article 36, other provisions of the Statute are not frequeritly at issue in a
case.
In the second place, it is argued,asa consequence of the first argument,
that, if Article 63 meant that, whenever the construction of the Statute of
theCourt arisesin a case,notification shallbe made under Article 63,there
would be no purpose in Article 40, pursuant to whch the Registrar
forthwith communicates applications in cases to al1 States entitled to
appear before the Court. Article 63 assumes exceptional notification in

some cases,not notification in everycase as under Article 40. But treating
the Statute as a convention within the meaning of Article 63 requires
notification under that Article in every case. ACTIVITÉS MILITAIRES ET PARAMILITAIRES (OP.DISSS . CHWEBEL) 239

d'instance conformément à l'article 40 du Statut. (Voir Incident aériendu
27juillet 1955(Israël c.Bulgarie),arrêtC ,.I.J. Recueil 1959,p. 129.)Pour ce

qui est des autres conventions, il est généralement, maisnon pas invaria-
blement, procédé àdes notifications avec référence expresse à l'article63.
(Voir par exemple C.I.J. Mémoires,Appel concernant la compétencedu
Conseilde i'OACI, p. 781 ;C.I.J. Mémoire,Procèsdeprisonniers deguerre
pakistanais, p. 1 13 et 166, et C.I.J. Mémoire,Personnel diplomatiqueet
consulaire desEtats-Unis à Téhéranp ,. 498 ;voir également,pour plus de
détails, lesAnnuaires de la Cour, par exemple l'éditionpour 1962-1963,
p. 99 et 100).

C. L'interventionpour cause d'interprétation du Statut

Bien qu'il ressorte de l'analyse et de l'exposé consacrés ci-dessus à la

pratique que les Etats peuvent, au stade juridictionnel de la procédure,
intervenir en vertu de l'article 63surune question d'interprétation portant
soit sur la Charte des Nations Unies, soit sur le Statut de la Cour, il est
arrivéque l'on fasseentre cesdeux cascertainesdistinctions,sur lesquelles
je m'arrêterai.
En premier lieu, on fait valoir que l'article 1 du Statut dispose que la
Cour ((fonctionnera conformément aux dispositions du présentStatut ;
que par conséquent toutce que fait la Courfait intervenir lesdispositions
du Statut ; et qu'il n'est pas possible que la Cour, en fonctionnant en
application de son Statut,donne aux Etats des motifs d'intervenir envertu
de l'article 63sur les questions qui peuvent se poser au sujet de ce fonc-
tionnement.

L'argument aunecertaine valeur, maison ne sauraitle pousser trop loin.
En effet l'article 63 ne vise pas l'application des dispositions des conven-
tions, parmi lesquelles le Statut, mais leur interprétation, et l'application
habituelle du Statutne soulèvepasde question d'interprétation. De plus, il
est établidans lapratique de la Courque l'article63ne s'appliqueque siles
dispositions d'une convention sont << enjeu 1dans une affaire donnée.Si
donc une disposition du Statut setrouve, nonpas incidemment évoquéeou
citée,maisenjeu dans un litigeentre deux Etats, il n'yapas de raison pour
quelesEtats tiersne puissent intervenir au sujetde l'interprétationdecette
disposition. A part l'article 36, d'ailleurs, rares sont les dispositions du
Statut qui sont mises en jeu dans les affaires dont la Cour est saisie.
En deuxièmelieu,on soutient,enprolongeant cepremierargument, que,

si l'article 63entraînait l'obligation d'avertir les Etats chaque fois que la
question de l'interprétationdu Statut seposedans uneaffaire, celarendrait
superflu l'article40, en vertu duquel le Greffier doit immédiatement don-
ner communication des requêtes introductives d'instance à tous les Etats
admis à ester devant la Cour. L'article 63, ajoute-t-on, est prévupour des
notifications exceptionnelles, dans certains cas seulement,et nonpas dans
tous lescas,comme l'article40. Or, sile Statut était considérécomme une
convention aux termes de l'article63, ilfaudrait que la notification prévue
dans cet article soit faite dans chaque cas. The answer to this argument is that the purpose of notification under
Article40issimplyto inform Statesthat an application has been made and
ofwhat the terms of that application are. Thepurpose ofnotification under
Article 63is to alert States to the fact that theconstruction of aconvention

to which they are party may be at issue in the case before the Court. Such
construction may be pleaded not only in the application but othenvise, as
in preliminary objections. Treating the Statute as a convention within the
meaning of Article 63does not require that the exceptionalnotification of
Article 63shall be made to the Statesparties to the Statute in everycase.It
only requires that notification be made - or it only permits intervention
under Article 63 - in those exceptional caseswhere the pleadings in a case
reveal that the construction of a provision of the Statute is at issue.

In the third place, it is observed that the Registrar has not routinely sent
notifications under Article 63wheneverArticle 36or 38or other Articles of
the Statute of the Court are invoked in a case. That is true, but it is not
probative, for the reason that the Registrar does not send notices under
Article 63 in respect of construction of the Charter, a practice which
appears to have included the Statute.
The apprehension has been expressed that, if the Statute were to be
treated asaconvention within themeaning ofArticle 63, third States party
to the Statute would be entitled to intervene in a case whenever there is a
jurisdictional dispute between the Parties ; and the result could be a
cascade of interventions. That does not follow,if thejurisdictional dispute
concerns - as it often does - not the terms of the Statute but of other

conventions or of declarations under the Optional Clause. But in any
event, the Court's Judgment in the Corfu Channelcase which has been
quoted above surely is open to the interpretation that the Statute is a
convention within themeaning ofArticle 63 ;that Judgment was rendered
36 years ago ; and in that time, only one State (Cuba) has, before the
instant case, sought to intervene under Article 63at all, and El Salvador is
the first to seek to intervene at ajurisdictional stage in construction of the
Statute. Thus there hardly seemsground to be concerned about a flood of
interventions.

It may be added that the Statute affirms that the International Court of
Justice is established by the Charter of the United Nations as theprincipal

judicial organ ofthe United Nations (Art. 1).The Charter provides that the
Statute of the Court, which is annexed to the Charter, "forms an integral
part of the present Charter" (Art. 92).If a State has the right to intervene
under Article 63of the Statute on aquestion ofconstruction of the Charter,
does it not follow that it equally has the right to intervene on a question of
the construction of that Statute which is an integral part of the Char-
ter? ACTIVITÉS MILITAIRES ET PARAMILITAIRES (OP.DISSS . CHWEBEL) 240

La réponse à cet argument est que le but de la notification prévue à
l'article 40 est seulement d'informer les Etats qu'il y a eu requête intro-
ductive d'instance, et de leurenfaire connaître les termes ;alors que lebut
de la notification prévue à l'article 63 est de faire savoir aux Etats que
l'interprétation d'une convention à laquelle ils sont parties peut se trouver
enjeu dans une affaire dont la Cour est saisie.Or l'interprétationdu Statut
peut êtreinvoquée,non seulement dansla requêteintroductive d'instance,
mais aussi pendant le reste de la procédure,par exemple dans le cadre des
exceptions préliminaires. Voirdans le Statut une convention au sens de

l'article63n'exigedonc pas que la notification exceptionnelle prévuedans
cet article soit faite dans tous lescasaux Etats parties au Statutcelaexige
seulement que la notification soit faite - ou cela permet seulement l'in-
tervention en vertu de l'article 63 - dans les cas exceptionnels où le
déroulement du procès révèleque l'interprétation d'une disposition du
Statut est en jeu.
En troisième lieu,on fait observer que le Greffier n'envoiepas réguliè-
rement des notifications en vertu de l'article63chaquefoisque lesparties à
un différendinvoquent lesarticles 36,38 ou autres du Statut. Cela est vrai,
mais n'est pas probant, pour la raison que le Greffier n'envoie pas de

notifications en vertu de l'article63lorsqu'ils'agitde l'interprétationde la
Charte, et que cette pratique semble s'êtreétendueau Statut.
On a aussi exprimélacrainte que, sile Statut étaitconsidéré comme une
convention au sens de l'article 63, lesEtats tiers qui sont parties au Statut
n'aient le droit d'intervenir chaque fois qu'il y a controverse juridiction-
nelle entre les parties principales, et que la conséquence n'en soit une
cascaded'interventions. Cela me paraît cependant loind'être certain,sila
controversejuridictionnelle, comme cela arrive souvent, ne porte pas sur
les termes du Statut, mais sur les termes d'autres conventions ou de
déclarations faites en vertu de la clause facultative. D'ailleurs l'arrêtde la
Cour dans l'affaire du Détroitde Corfou, que j'ai cité plus haut, peut

indubitablement être interprétécomme signifiant que le Statut est une
convention au sens de l'article 63.Or cet arrêta étérenduil y a trente-six
ans ; pendant cette période, un seulEtat (Cuba) avait, avant la présente
affaire, demandé à intervenir en vertu de l'article 6; et El Salvador est le
premier à demander à intervenir au stade juridictionnel pour cause d'in-
terprétationdu Statut. Il sembledonc yavoirpeu de raisons decraindre un
déluged'interventions.
J'ajouterai qu'aux termes du Statut la Courinternationale de Justice est
instituée par la Charte des Nations Unies comme organe principal de
l'organisation (art. 1).Or ilest dit, dansla Charte, que le Statut de la Cour

est annexé à laCharte, (dont ilfait partie intégrante (art.92). Sidonc les
Etats ont le droit d'intervenir en vertu de l'article 63du Statut pour cause
d'interprétationde la Charte,ne s'ensuit-ilpas qu'ilsont également ledroit
d'intervenir pour cause d'interprétation du Statut, qui fait partie inté-
grante de la Charte ? D. Intervention in Respect of the Constructionof Declarations
under the Optional Clause

Does intervention under Article 63 embrace disputes over the effect of
declarations of States under the Optional Clause of the Statute ?

That great Judge and scholar of international law, Sir Hersch Lauter-
pacht, expressed the conclusion in twoseparate opinions that intervention
under Article 63 is permissible at thejurisdictional phase and not merely

with regard to interpretation of the Statute but evenof declarations under
the Optional Clause. In the Nonvegian Loanscase,JudgeLauterpacht said,
in referring to the self-judging element of the subrnission to the Court's
compulsoryjurisdiction which was there at issue :

"The circumstance that a decision of the Court mav affect Gov-
ernments which have had no opportunity to express their viewon the
subject is a cause of concern. It would have been preferable if, in
accordance with Article 63of the Statute, the Governments whichhad
made a Declaration in these terms had been given an opportunity to

intemene." (Certain Nonvegian Loans, Judgment, I.C.J. Reports
1957, pp. 63-64.)

In the Interhandel case, Judge Lauterpacht concluded

"1have refrained from referring to or elaborating the additional,
and no less decisive, reason why, in my view, the Court is without
jurisdiction to entertain the request for interim measures filed by the
Swiss Government. In my separate opinion in the case of Certain
NorwegianLoans ... 1came to the conclusion that a reservation of the
kind as now before the Court is invalid and that its invalidity entails
the invalidity of the Declaration of Acceptance as a whole. If that is
so,the Government of the United States cannot validly become either
a plaintiff or a defendant under its Declaration of Acceptance -
although it is open to it, in respect of any claim brought against it in
reliance on its Declaration of Acceptance, to submit to the jurisdic-
tion of the Courton someother basis. However,1have abstained from
adopting that viewas a ground of the present opinion seeing that the
question of the validity of the above reservation of the United States

of America is not now before the Court and that it may, with the
possible participation of other Signatories of the Optional Clause
intervening by virtue of Article 63 of the Statute, form the subject-
matter of a decision of the Court at a subsequent stage of the pro-
ceedings." (Interhandel,Interim Protection,Orderof24 October 1957,
I.C.J. Reports 1957,p. 120.) ACTIVITES MILITAIRES ET PARAMILITAIRES (OP.DISSS. CHWEBEL) 241

D. L'intervention pour cause d'interprétatiod nes déclarations
faites en vertu de la clausefacultative

L'intervention faite en application de l'article 63 s'étend-elle aux
controverses sur l'effet des déclarations faites par les Etats en vertu de la
clause facultative du Statut ?
L'éminent jugeet connaisseur du droit international qu'étaitsir Hersch
Lauterpacht a exprimé,dans deux opinions individuelles, la conclusion
que l'intervention en vertu de l'article 63 est permise au stade juridiction-
nel, et non pas seulement pour les questions d'interprétation du Statut,
mais aussi pour les questions d'interprétation des déclarations faites en

vertu de la clause facultative. Dans l'affaire des Emprunts norvégiens,
parlant de l'élémentd'appréciation qui est laisséaux Etats dans leur
soumission à lajuridiction obligatoire de la Cour, tel que cet élémentse
trouvait en jeu dans cette affaire, lejuge Lauterpacht s'exprimait ainsi :

<<Le fait qu'une décisionde la Cour est susceptible d'affecter les
gouvernementsqui n'ont pas eula possibilité d'exprimerleur opinion
en la matière est une cause de préoccupations. 11eût étépréférable
que, conformément à l'article63du Statut, lesgouvernements qui ont

fait une déclarationen cestermesaient eu la possibilitéd'intervenir.))
(Certains emprunts norvégiens,arrêt, C. I.J. Recueil 1957,p. 63-64.)

Et dans l'affaireInterhandel, il concluait:

<<Jeme suis abstenu de mentionner ou de développer la raison
supplémentaire,et non moins concluante, pour laquellej'estime que
la Cour est sans compétencepour connaître de la demande en indi-
cation de mesures conservatoires déposéepar le Gouvernement
suisse. Dans mon opinion individuelle en l'affaire relativeà Certains
emprunts norvégiens ...je suis parvenu àla conclusion qu'une réserve
telle que celle qui se présente la Cour en l'espèce est nulleet que sa
nullitéentraîne la nullité de la déclaration d'acceptation dans son

ensemble. S'ilen est ainsi, leGouvernement des Etats-Unis ne saurait
valablement paraître comme demandeur ou défendeur en vertu de
cette déclaration d'acceptation - bien qu'il puisse,àl'égardde toute
demande formuléecontre lui sur la base de sa déclaration d'accep-
tation, se soumettreà lacompétencede la Coursur une autre base. Je
mesuistoutefoisabstenu deprendre cepointde vuecommebase dela
présente opinion, considérantque la question de la validitéde ladite
réservedesEtats-Unis d'Amériquen'estpas actuellement soumise àla
Cour et qu'elle peut, avec l'éventuelleparticipation d'autres signa-
taires de la disposition facultative intervenant en vertu de l'article 63
du Statut, faire l'objet d'une décisionde la Courà un stade ultérieur

de la procédure. )(Interhandel,mesuresconservatoires,ordonnancedu
24 octobre1957, C.I.J. Recueil 1957,p. 120.)The views of Judge Lauterpacht are entitled to exceptional weight.
Nevertheless, there is room for another opinion, based upon the fact that
the declarations which Statessubmit pursuant to Article 36,paragraphs 2,

3 and 4, of the Statute are not conventions. May it be maintained that
Article 63 - which expressly relates to the construction of "a convention"
- may be extended to include declarations made pursuant to a conven-
tion ? That appears to be questionable.
The legalcharacter of declarationsmade under the Optional Clause isat
issueinthejurisdictional phase of thecurrent case between Nicaragua and
the United States. At this point, it would not be appropriateto note more
than that neither Party appears to view declarations made under the
Optional Clause as treaties or conventions.

E. The Scope of El Salvador's Declaration

As was shown in Section 1 of this opinion, El Salvador's Declaration
invokes the construction of provisions of the Statute (Art. 36), the United
Nations Charter (Arts. 39, 51 and 52), and, with insufficient specificity,
provisions of the OAS Charter and two inter-American treaties. It also

appears to invoke theconstruction of the terms ofits declaration under the
Optional Clause, as well, in somelimited measure, as that of the United
States.
In the light of the analysisset forth in this opinion, 1conclude that El
Salvador'sDeclaration of Intervention isadmissible,and shouldhave been
found admissible by the Court, even though it relates to the current
jurisdictional phase of the proceedings brought by Nicaragua against the
United States. However, there might have been ground for the Court
excludingfromthe scopeof suchan admissionconstruction by ElSalvador
of declarations under the Optional Clause,particularly those of the Parties
to the case.

F. ShouldEl Salvador's DeclarationHaveBeen Barred onthe Groundthatit

Relates to Admissibility Rather than Jurisdiction and that Questions of
Admissibility Should Be Joined to the Merits ?

A question which remains is this. Even if it is accepted that the right of
intervention under Article 63 applies to the jurisdictional phase of pro-
ceedings, and evenif it is acceptedthat it embraces the construction of the
Statute and Charter as well as other conventions, should the Court have
barred intervention by El Salvador at this stage on the ground that it
sought to intervene on questions of admissibilityrather than jurisdiction
and that these questions can be properly dealt with only at the stage of
merits since they are so intertwined with the merits ? ACTIVITES MILITAIRES ET PARAMILITAIRES (OP.DISSS . CHWEBEL) 242

Les vuesainsi expriméespar lejuge Lauterpacht pèsentcertainement d'un
grand poids. Il est cependant possible de pencher pour une autre opinion,

fondéesur le fait que les déclarationsque font les Etats conformément à
l'article 36, paragraphes 2, 3 et 4 du Statut, ne sont pas des conventions.
Peut-on affirmer que l'article 63- qui vise expressémentl'interprétation
<<d'une convention » - s'applique également auxdéclarations faites en
vertu d'une convention ? Cela paraît discutable.
La valeur juridique des déclarations faites en application de la clause
facultative est enjeu dans la phasejuridictionnelle de la présente instance
entre le Nicaragua et les Etats-Unis. Mais on doit se contenter pour
l'instant de noter que ni l'uneni l'autre Partie ne sembleconsidérerque les
déclarations faites en application de la clausefacultative soient des traités
ou des conventions.

E. La portée de la déclaratiod n'El Salvador

Comme on l'a vu plus haut (sect. 1),El Salvador, dans sa déclaration,
invoque l'interprétation des dispositionsdu Statut (art. 36), de la Charte
des Nations Unies (art. 39, 51 et 52) et, avec un certain manque de
précision,de la Charte de 170EAet de deux traités interaméricains.Il
semble aussi qu'ilinvoque l'interprétation destermes de sa propre décla-
ration en vertu delaclause facultative, ainsique, dans unecertaine mesure,
des termes de la déclaration des Etats-Unis.

A la lumière de l'analyse qui précède,je conclus que la déclaration
d'intervention d'El Salvadorest recevable,et que la Cour aurait dûlajuger
telle, bien qu'elle porte sur l'actuelle phase juridictionnelle de l'instance
intentée contre les Etats-Unis par le Nicaragua. La Cour aurait pu en
revanche, après avoir reçu la déclaration salvadorienne, exclure de sa
portée la question de l'interprétation par El Salvador des ,déclarations
faites en vertu de la clause facultative, et en particulier des déclarations
faites par les Partiesàl'instance.

F. La déclarationd'El Salvador aurait-elledû être rejetéa eu motif quélle
porte davantage surlarecevabilitéquesur la compétence et,que les questions
de recevabilité doivent êtrejointasufond?

Reste la question suivante : mêmesi l'on accepte que le droit d'inter-
venir en vertu de l'article 63 s'applique la phase juridictionnelle de la
procédure,etmême sil'on accepte quecedroit s'applique àl'interprétation
du Statut et de la Charte tout aussi bien qu'à l'interprétation desautres
conventions, la Cour aurait-elle dû rejeter l'intervention d'El Salvador
pendant la phase actuelle de l'affaireau motif qu'El Salvadordemandait à
intervenir sur des questions de recevabilitéplutôt que de compétence, et
quecesquestions, vuleurs liensétroitsaveclasubstance mêmedu litige,ne

peuvent êtrejugées commeil convient que pendant la procédure sur le
fond ? That is a substantial question, the answer to which, in my view, is
negative. 1 so conclude for the following reasons :

- Whilethemain thrust of thecontentions of ElSalvador does appear to
relate essentially to questions of admissibility rather than jurisdiction,
those are questions whch are before the Court at the stage of the pro-
ceedings on which it is now about to embark. In thehearings which led up

to the issuance of the Court's Order of 10May 1984,the United Stateshad
advanced arguments which purported to demonstrate that Nicaragua's
claims were inadmissible, essentially on the ground that other organs and
modalities of the international system are to be charged, and have in this
case been charged, with resolution of a political dispute involving the
current use of armed force. Nicaragua advanced arguments to meet these
contentions of the United States. Having heard these arguments, the
Court, in its Order of 10 May, decided :

"that the written proceedings shallfirst be addressed to the questions
of the jurisdiction of the Court to entertain the dispute and of the
admissibility of the Application" (Militaiy and Paramilitary Activities
in and against Nicaragua (Nicaragua v. United States of America),
Provisional Measures, Order of IO May 1984, I.C.J. Reports 1984,
p. 187.)

- In response to the Court's Order, the Memorial submitted by Nica-
ragua and the Counter-Memorial submitted by the United States exten-
sively address questions of admissibility.
- In seeking to intervene, El Salvador seeks the construction of provi-
sions of the United Nations Charter and other conventions which relate to

some of the very questions of admissibility argued by the Parties to the
case.
- Thus to deny El Salvador the right to intervene on the ground that it
willargue issuesof admissibility is at odds with the Order of the Court and
the presumed course of the impending hearings.
- Moreover, such a conclusion is unnecessary. Suppose that it is
assumed, arguendo,that such arguments of admissibility of El Salvador
(and of the United States and Nicaragua) gomore to themerits and should
bejoined to the merits, on theground, e.g.,that the argument that another
organ than the Court should dealwith an ongoingarmed conflict requires a

finding that there is a conflict and that that is a question of finding a fact.
Nevertheless, for the purpose of appraising and admitting El Salvador's
Declaration of Intervention, it can equally be assumed, arguendo, and
without prejudice to an ultimate holding at the stage of the merits, that
there is an armed conflict. On such an assumption, 1 conclude that, on the
basis of its arguments of admissibility, El Salvador should have been
admitted to intervene at thecurrent stageof theproceedings. That isnot, of
course, to Saythat its arguments are, or arenot, good arguments, any more
than it is to Sayat thisjuncture that the arguments on admissibility of the La question est d'importance, mais la réponseest, selon moi, négative.
Mes raisons sont les suivantes :

- S'il est vrai que les principaux arguments d'El Salvador semblent
porter essentiellement sur des questions de recevabilitéplutôt que sur des
questions de compétence,cesontnéanmoinsdesquestions dont laCour est
saisie au stade de l'instance qui est sur le point de s'ouvrir. Aucours des
audiences qui ont précédé l'ordonnance de la Cour du 10 mai 1984,les
Etats-Unis ont avancédes argumentspar lesquels ils entendaient démon-
trer l'irrecevabilitédes demandes du Nicaragua, pour la raison principale
que la solutiondesdifférendspolitiques entraînant un usage en coursde la
force armée étaitconfiée à d'autres organes ou modalités du système

international - et qu'en l'espèceledifférend avaitété en effet confié àdes
organes ou modalités de ce genre. Le Nicaragua a avancéd'autres argu-
ments,en réponse à ceux desEtats-Unis. La Cour, aprèsavoir entendu les
deux Parties, a décidédans son ordonnance du 10 mai :

<<que les pièces écritesporteront d'abord sur la question de la com-
pétence de la Cour pour connaître du différend et sur celle de la
recevabilitéde la requête ))(Activitésmilitaires et paramilitaires au
Nicaragua et contre celui-ci(Nicaragua c. Etats-Unis d'Amérique),
mesures conservatoires,ordonnance du 10 mai 1984, C.I.J. Recueil
1984, p. 187.)

- Conformément àl'ordonnance de la Cour, le mémoiredu Nicaragua
et le contre-mémoire des Etats-Unis examinent en détailles questions de
recevabilité.
- El Salvador, en cherchant à intervenir, demandeque soient interpré-
téeslesdispositions delaCharte desNations Uniesetd'autres conventions
qui portent précisémentsur les questions de recevabilitéqu'invoquent les
Parties à l'instance.

- Refuser à El Salvador le droit d'intervenir au motif qu'ilinvoque des
questions de recevabilité estdonc contradictoire avec l'ordonnance de la
Cour et avec la teneur probable des plaidoiries des Parties.
- En outre, une telle conclusion n'estpas logiquement nécessaire.Sup-
posons en effet, à titre d'hypothèse,que les arguments sur la recevabilité
avancéspar El Salvador (ainsi d'ailleurs que par les Etats-Unis et le
Nicaragua) portent surtout sur le fond et doivent lui êtrejoints, pour la
raison par exemplequel'argument tendant àconclure que lesquestions de

conflit arméen cours doivent êtresoumises àd'autres organesque la Cour
exigelaconstatationde l'existence d'unconflit, et que c'estlàune question
de constatationde fait. Mais supposons aussi, toujours à titre d'hypothèse,
dans leseulbut d'apprécier etd'admettre ladéclarationd'interventiond'El
Salvador,et sans préjugerde la décisionfinale pendant laprocéduresur le
fond, qu'ilya effectivement conflit armé.Cette hypothèseétantadmise,je
conclus qu'El Salvador, sur la base de ses arguments concernant la rece-
vabilité,aurait dû êtreadmis à intervenir au stade actuel de l'instance. Ce
n'est pas dire pour autant que les arguments d'El Salvador sont - ou neUnited States and Nicaragua are or are not good arguments. But to deny
the admissibility of El Salvador's Declaration of Intervention on the
ground that it may involve assumptions of or findings of fact does not
appear to me to be either necessary or, given the state of the pleadings of
the Parties, equitable.

(Signed) Stephen M. SCHWEBEL.sont pas - de bons arguments, pas plus qu'on ne saurait dire pour le
moment que les arguments des Etats-Unis et du Nicaragua concernant la
recevabilité sont - ou ne sont pas - de bons arguments. Mais déclarer

irrecevable la déclaration d'intervention d'El Salvador pour la raison
qu'ellepourrait donner lieu àdeshypothèses ou à desconstatations de fait
ne me semble ni nécessaireni, vu les arguments des Parties, équitable.

(Signé Stephen M. SCHWEBEL.

Document file FR
Document Long Title

Opinion dissidente de M. Schwebel (traduction)

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