Opinion individuelle de M. Shahabuddeen (traduction)

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079-19891213-ORD-01-03-EN
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OPINION INDIVIDUELLE DE M. SHAHABUDDEEN

[Traduction]

Ledispositifde l'ordonnance quelaCoura rendue aujourd'hui, etque
j'approuve, fixe des délaispour le dépôtde piècesde procédure.Mais
commecelaressort du corpsdel'ordonnance ainsique desarguments que

lesParties ont présentésverbalementoupar écritau Présidentde la Cour
et qu'ila lui-mêmeexposés àla Cour, cequi comptevraiment en l'occur-
rence, cequi oppose vraiment lesPartiesàce stade, c'estune question de
droit,la question de savoir siun défendeura ledroitd'introduireune ex-
ception préliminaire avant que le demandeur ait déposéson mémoire.
Cette question est tranchée nondans le dispositif de l'ordonnance mais
dans son dernier considérant.Ce considérant,dont je dirai quelles sont
les réserves qu'ilm'inspire,estlibellécommesuit:

((Considérantque, conformémentau paragraphe 1 de l'article79
du Règlementde la Cour, siun défendeur désireuxde présenterune
exceptionpréliminaireestendroitd'être renseignéauparavansturla
nature dela demande, grâce àlaprésentationpar ledemandeur d'un
mémoire,ilpeut néanmoins déposer son exceptionplus tôt ».

Ainsilimitée,cettedéclarationestexacte,maisqu'il mesoitpermisdedire
qu'elle nemesemblepas allerassezloin.Lestermesabsolusdanslesquels
la Cour,par cettedéclaration,énoncepour lapremièrefoisledroitqu'ale
défendeur d'introduire son exceptionpréliminaire avantle dépôt dumé-
moire du demandeur ne tiennent aucun compte d'une importante pra-
tique de la Cour restreignant cedroit etn'yaccordent aucun poids. Deux
éminentscommentateursde la pratique de la Cour s'expriment à ce sujet
dans cestermes :

((Commeonle sait, et commeil estdit dans ceparagraphe, la pra-
tique de la Cour est de n'examiner les exceptions préliminaires
formelles soulevéespar le défendeur qu'une foisque le fond a été
exposé devantelle dans une pièce de procédure (normalementle
mémoire)et il est rare que la requête elle seule suffisà élucider
les questions de compétenceoude recevabilité.»(Shabtai Rosenne,
Procedure in the International Court:A Commentary on the 1978
RulesoftheInternational CourtofJustice,1983,p. 161.)

«Leparagraphe 1[del'article79du RèglementdelaCourde 19781
n'apporte aucun changement à la pratique en vigueur, suivant la-
quelle une exception préliminaire formelle, quelle qu'elle soit, n'a
pas besoin d'être introduite(etne doit d'ailleurspas êtreintroduite)
avantl'expiration du délaifixpour ledépôtde la premièrepiècede
procédurepar la partie qui soulèvel'exception.(Ibid., p.163.) «Il semblerait que la Cour ne puisse prendre en considération les
exceptions préliminaires soulevéespar le défendeuravant le dépôt
par ledemandeurdeson mémoire. »(GenevièveGuyomar, Commen-
tairedu Règlementde la CourinternationaledeJustice,1983,p. 508.)

Témoignantde la mêmepratique, M. Guggenheim, qui plaidait en 1957
pour la Suisse contre les Etats-Unis dans l'affaire de'lnterhandel, s'est
exprimé en destermesqui n'ont pas étéréfutés :
«L'exception préliminaire américaine doit être traitée conformé-
ment aux dispositions de l'article 62 du Règlement.La Cour devra
donc instituer une procédure particulière, qui commenceraaprèsla
présentationdu mémoirede la Partie demanderesse, c'est-à-direde

la Confédération suissem, émoirequi se rapportera au fond de l'af-
faire.»(C.I.J. Mémoiresp,. 449.)
Quinze ans plus tard, dans une opinion dissidente commune qu'ils ont
rédigée en l'affaire relativeà la Compétenceen matière de pêcheries
(Royaume-Unic.Islande), MM.BengzonetJiménezdeAréchagaont éga-
lementdéclarée ,ndestermes quin'ont pas éténon plusréfuté etsqui sont
tout aussicatégoriques (un plus large extraiten sera donnéplus loin:

«Une exception préliminaire doit être déposé dans le délai fixé
pour le contre-mémoire, c'est-à-dire après la présentationdu mé-
moire et non pas avant: c'est seulement à ce moment qu'elle peut
entraîner l'effet suspensif prévuà l'article 62, paragraphe 3, du
Règlement [de 19461». (C.I.J. Recueil1972,p. 185.)

Ces éminentsjuges etjuristes setrompaient-ils? Dans la présente opi-
nion, je m'efforcerai de démontrerque non et que cette pratique de la
Cour,dont ilsattestent l'existence,nuancesensiblementlestermesvagues
dans lesquels le droit du défendeurde soulever une exception prélimi-
naire avant le dépôt du mémoirea été formulé dans le considéranten
question.
On peut dire d'abord qu'il n'est pas rare qu'un tel problème se pose
dans le cadre de l'évolution d'unrégimeprocédural vivant,la question
étant foncièrementde savoir comment concilier la lettre d'une règlefor-
melle de procédure avecune pratique ultérieure différente.Je dois dire

d'embléequeje reconnais la force de l'interprétationque le défendeur a
donnée dela règlepertinente, mais que j'estime que la difficultéest de
déterminerdans quelle mesure l'application de la règlea peut-être été
tempérée par l'interprétation qu'en adonnée lCaour,tellequecetteinter-
prétation ressort d'une certaine inflexionde la pratique. Il convient de
commencerpar un bref examen de la genèsedes règlespertinentes.

Leproblèmeremonteau faitque,malgréquelquesdébats à laCour per-
manente (C.P.J.I.sérieD no2,p. 77-78,201-203,213-214,408,434 et 522),
le Règlementde la Cour de 1922ne contenait aucune disposition appli- INCIDENT AÉRIEN DU 3 VI188 (OP.IND. SHAHABUDDEEN) 147

cable aux exceptionspréliminaires.Commeon le sait, la nécessité d'une
règleformelle est néede l'expérience acquisedans l'affaire des Conces-

sionsMavrommatisen Palestine(C.P.J.1.sérieAno2,p. 9 et 16)etl'affaire
relativeà Certains intérêatlslemandsen Haute-Silésie polonaisec,ompé-
tence(C.P.J.1.série Ano6,p. 15),Dans la première affaire,une exception
préliminairea étésoulevéaeprèsledépôt dumémoire,maisla procédure
étaitsi imprécisequ'ellel'a étéen mêmetemps qu'un «contre-mémoire
préliminaire»étaitdéposé (C.P.J.Z.sériCnO5-1,p. 439-440et479).Dans
la secondeaffaire,l'exception préliminairea étéintroduite avanltedépôt
du mémoire(C.P.J.Z.série C no9-1,p. 119-125).
A la suite de ces différencesde procédure,le Règlementde la Cour a
étémodifiéen 1926par l'insertiond'unnouvelarticle 38,dont lepremier
paragraphe était ainsilibellé

«Lorsque l'instance estintroduite par requête,toute exception
préliminaireest proposée après la présentationdu mémoirede la
partie demanderesse et dans le délai fixépour la présentationdu
contre-mémoire.»(C.P.J.Z.série D no1,p. 50.)

M. Anzilotti, qui avait étéle principal promoteur de cette disposition,
l'avait défendue contreune idée très différenteémisepar le Greffier,
M. Hammarskjold. Au sujet de la proposition du Greffier, le procès-

verbal desdébatsde 1926estrédigé commesuit:
«M. Anzilotti constate qu'il y a une divergence essentielleentre
son idée etcelledu Greffier.

D'après la proposition du Greffier, l'exception d'incompétence
doit être traitéepart, si elle estopposée parun document qui doit
suivrela requêteet êtreprésentéà un moment où la Cour ne connaît
rien de l'affaire.
M.Anzilottiestparti de l'idée inverseI.lpense que laCour ne doit
s'occuper de la compétenceque lorsqu'elleconnaît le fond de l'af-
faire. Cette différence de principe établie, M. Anzilotti ne voit
aucune difficulté à traiter maintenant la question des exceptions
d'incompétence ...A son avis, étant donnéla nature spécialede la
Cour, celle-ci ne peut juger les exceptions d'incompétence sans
connaître égalementlefond de l'affaire,du moinsjusqu'à un certain
point.»(C.P.J.Z.série ,Addendumauno2,p.79 voiraussilapropo-
sitionécrite,bid.,p. 266.)

Dans une certaine mesure, ces idées avaient déjà étéémisespar
MM.Beichmannet Moore en 1922(C.P.J.Z.série Dno2,p. 201et214).Le

succèsqu'ellesremportèrenten 1926futcependantdecourte durée :une
nouvelleréflexionfut favorable au point de vue précédemment exprimé
par leGreffier,selonlequel toute exceptionpréliminairedevaitêtreintro-
duite avant le dépôtdu mémoire.De retour dans l'arène,enjuin 1933,il
déclara: «Le trait essentiel de l'article 38 est que les exceptions prélimi-
naires ne sont pas présentéesin liminelitis,mais seulement après le
dépôtdupremiermémoiredelademanderesse.Onpeut sedemander
s'ilyaurait lieude maintenir ceprincipe au casoùviendrait à préva-
loir la tendance actuelled'après laquelle en fait sinon en droi-
lesconclusionsdoiventêtreformuléesdéjd àans l'acteintroductif(cf.
sousart. 35ci-dessus).»(C.P.J.Z.sérieD,Troisièmeaddendumau no2,
p. 819-820.)

Dans leprocès-verbaldesdébats quieurentlieu à la Cour en 1934onlitce
qui suit:
«LePrésidentrappelleque lepremier Règlementne contenaitpas
de disposition au sujetdes exceptions. C'esteu égardà l'expérience
acquise dans l'affaire Mavrommatis que la Cour a introduit l'ar-

ticle 38 du Règlementactuellement en vigueur; celui-ci exclut le
dépôtd'une exception avant le moment où le mémoireest déposé.
Cette règleayant à son tour donnélieu à des difficultés pratiques
dans une affaire récente,la deuxième Commission a proposéd'ou-
vrir la portà la présentation, dès avant ledépôt dumémoire,d'une
exception qui n'a rien à voir avec le fond de l'affaire.)) (C.P.J.Z.
sérieD, Troisièmeaddendumau no2,p. 90.)
M.Fromageota expliquéen cestermesla substance de la nouvellefor-

mulation :
«en disant que l'exception doit être présentéaeu plus tard dans le
délai fixépour le dépôtdu contre-mémoire,on indiqueque la partie
intéresséepeut souleverl'exception aussitôtqu'ellele désire»(ibid.,
p. 89).

Sur la base des discussions qui eurent lieuà ce sujet, un texte revisédu
paragraphe 1de l'article38aalorsété adoptéentantqueparagraphe 1de
l'article62du Règlementde la Cour de 1936,ainsirédigé :
«Toute exception préliminaire doit être présentéaeu plus tard
avant l'expiration du délai fixépour la premièrepiècede la procé-

dure écriteà déposerpar la partie soulevant l'exception.» (C.P.J.I.
sérieD no1,3eéd.,p. 49.)
Ladispositioncorrespondante duparagraphe 1del'article62du Règle-
ment de 1946estla suivante :

«Toute exception préliminaire doit être présentéaeu plus tard
avant l'expiration du délaifixépour la première piècede la procé-
dure écriteà déposerpar la partie soulevantl'exception.»
Sur le fond, le texte de 1946ne peut être utilement distingude celui de
1936.Dans cesconditions,puisqu'il estclairque lelibelléde 1936visait à

permettre au défendeurdeprésenterune exceptionavantle dépôtdumé-
moire, on peut penser que le texte de 1946,qui est demeuré en vigueur
jusqu'en 1972,procédaitde la mêmeintention. Quellesfurentlesmodifications apportéesen1972?Leparagraphe 1de
l'article67du Règlement revisé de 1972était ainsilibellé

«Toute exception àla compétencede laCour ou à la recevabilité
de la requête outoute autre exception sur laquelle le défendeur de-
mande une décisionavant quela procéduresur lefond sepoursuive
doit être présentépear écrit,dans le délaifixé pour le dépôtdu
contre-mémoire.Toute exceptionsoulevéepar une partie autre que
le défendeurdoit êtredéposée dans le délaifixépourle dépôtde la
premièrepièceécritede cettepartie. »

Cettedisposition estdevenueleparagraphe 1del'article79du Règlement
de 1978.
Dans le texte de 1972,les mots «dans le délai fixépour le dépôt du
contre-mémoire»remplaçaient lesmots «avantl'expiration du délaifixé

pour lapremièrepiècede la procédure écrite àdéposerpar la partie sou-
levant l'exception»;mais, en ce qui concerne le défendeur,il n'est pas
vraiment certain qu'on ait voulu modifier sensiblement le sens de la dis-
position. On pourrait soutenir que, dans la nouvelle formulation, le mot
«dans »confinait implicitement,bien que de façonelliptique,la présenta-
tion de l'exceptionà la périodecommençant avec le dépôtdu mémoire
et prenant fin à la date limite fixéepour le dépôt du contre-mémoire.
Mais l'idéeque l'expression«dans le délai»n'estpeut-être pasune base
suffisante pour étayerlathèsed'unedouble limitedu type de cellequ'im-
pliquerait une formule comme «pendant la période » semble découler
du fait que, dans le cas de l'article 38 du Règlementde 1926,on avait
jugénécessairede compléterl'expression«dans le délai fixé pour la pré-
sentation du contre-mémoire» et de la faire précéderde la formule
«après la présentationdu mémoirede la partie-demanderesse et ..» En

effet, alors que la disposition de 1926prescrivait deux limites de temps,
en fixant le débutet la fin du délai, la clause actuellementen vigueur
n'enfixe que la fin.

LA PRATIQUEDE LA COUR

Dèslors, on peut fort bien soutenir que, eu égardau libellédu Règle-

ment, le défendeurn'a jamais cesséd'avoir, depuis 1936jusqu'à mainte-
nant, le droit d'introduire une exception préliminaire mêmeavant le
dépôtdumémoire.Lorsqu'on examinesiune pratique différentes'estins-
tituée,il faut se rappeler que la modification de 1936a tenu compte de
l'expérience concrètede l'application du Règlementde 1926et qu'elle
visait probablement à protégerle droit du défendeurde recourir à une
exception préliminaire à l'effet (comme on devait le dire plus tard)
((d'éviteron seulementune décisionmaisaussitoute discussion dufond»
(BarcelonaTraction,LightandPowerCompany,Limited,exceptionsprélimi-
naires,arrêt, C.I.J.ecueil1964,p. 44.Voiraussil'opinion individuellede
MM. De Visscheret Rostworowskidans l'affairedu Chemindefer Pane-vezys-Saldutiskis,C.P.J.I.sérieA/B no76,p. 24).Le défendeurpeut aussi
avoirun intérêltégitimeàagiraveccélérité pour couper court àtout argu-
ment selon lequel l'absence de prompte contestation a eu implicitement
pour effet de proroger la compétence.En revanche, il est possible que la
Cour aiteutendanceenpratique àreveniraupoint devueprécédent selon
lequel,comme l'avaitsignaléM. Anzilotti,il pourrait être difficiled'exa-

minerune exceptionpréliminaire sansconnaîtrelesmoyensque lerequé-
rant pourrait ensuitefaire valoir dans son mémoiresur le fond.
On peut envisagerdeux catégoriesd'affaires :celles dans lesquellesle
défendeurn'apas comparu et cellesdans lesquellesil a comparu.
Pour cequi estde la première catégorie,la non-comparution du défen-
deur signifiaitévidemmentqu'aucune exceptionpréliminaire ne pouvait
être présentée. Néanmoin ilsse trouve que, dans ces affaires, des ques-
tionspréliminairesdutype decellesquiauraientpu êtresoulevéespar une
telle exception ont étédébattues et tranchéessans qu'un mémoire ait été
effectivementdéposé(voirl'affairede la Compétence enmatièredepêche-
ries, C.I.J.Recueil1972,p. 182, et C.I.J.Recueil1973,p. 3 et 93; l'affaire
du Plateaucontinentalde la mer Egée,C.I.J.Recueil1976,p. 13-14et 43,
et C.I.J.Recueil1978,p. 45; et l'affaire des Essais nucléaires (Australie

c.France),C.I.J.Recueil 1973,p. 106).11semblequ'ilen soitalléde même
dans l'affaire des Activités militaireset paramilitairesau Nicaraguaet
contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unisdymérique),C.I.J.Recueil1984,
p. 187et 209,et C.I.J.Recueil1985,p. 3),mais là aussi,bien que le défen-
deur ait comparu, il est clair qu'aucune exception préliminaire formelle
n'aétédéposé (eoirlecontre-mémoiredes Etats-Unissurla compétence
etla recevabilité,17août 1984,par. 2).
L'argument selonlequelcesaffaires - etplus particulièrement la der-
nière - impliquaient desexceptionspréliminaires - ensubstance,sinon
formellement - estséduisant. A enjuger par lamanièredont ellesont été
traitées,ellesvontvraisemblablementdans le sens de la position adoptée
par le défendeur en l'espèce. Mais peut-êtrp eas de manièreconcluante;
eneffet,bienqu'une distinctionentreune exceptionpréliminairedéposée

entant quetelle etune question préliminaireayant le caractèred'une ex-
ception préliminairemais non présentée comme exception préliminaire
puisse sembler technique, cette distinction n'est pas une argutie tech-
nique :elleestliée - etbien liée - àquelquechosed'important, àsavoir
que le fait de soulever une question préliminairen'a pour effet de sus-
pendre la procédureque si cettequestion est spécifiquementsoulevée en
tant qu'exception préliminaireau sens du paragraphe 1de l'article79du
Règlement.
Le caractère nouveaude la conception adoptéedansla première caté-
gorie d'affairesparrapport au Règlement,dont cesaffaires ont effective-
ment infléchi l'application,n'est pas passé sans discussion(voir les af-
faires de la Compétence enmatièredepêcheriesC ,.I.J.Recueil1972,p. 184

et 191).Mais, étant entenduque la Cour a compétence,par lebiais d'une
nouvellepratique, pour infléchirde la sorte l'application du Règlement,
elleétaittout aussicompétentepour infléchirpar sapratique l'applicationdu Règlementen ce qui concerne le moment où devait être déposéu ene
exceptionpréliminairelorsqu'ilyenavaiteffectivementune. Et,àcequ'il
me semble,c'estbien ce que laCour a fait.
Dans lesaffaires de la seconde catégorie,lorsqueledéfendeurcompa-
raît et veut introduire une exception préliminaire,il semble que la dé-
marche adoptéesoit différentede celle qui a été suivie pour la première

catégorie.L'affairede l'Ormonétaire(C.1.JR . ecueil1953,p. 37et44, dans
laquelle le demandeur a été autorisé àsoulever une exception prélimi-
naire avant le dépôt dumémoire, soulève quelques difficultésL . es cir-
constances particulières de cette affaire ont conduit la Courà déclarer
expressémentquesa décisionnepréjugeaip tas laquestion del'interpréta-
tion etde l'applicationdel'article62du Règlementde 1946.Mais,hormis
cepoint, il mesembleque l'exception préliminairede l'Italiea étécorrec-
tement introduiteau regard destermes de cettedisposition, dont lelibellé
exigeaitque «la partie »présentesonexceptionpréliminaireavantl'expi-
ration du délaifixépour la ((premièrepiècede laprocédureécrite»àdé-
poser par cettepartie. Comme laCour ajugéqu'unrequérant(cequ'était
l'Italie) pouvait aussi souleverune exception préliminaire(C.I.J. Recueil

1954,p. 29),cette disposition signifiaiteffectivement que l'Italie,entant
que ((partie»,non seulementpouvait, mais devait,présenter son excep-
tion préliminaire avantde déposer son mémoire, autrementdit la <pre-
mière piècede la procédure écrite »:il ne lui étaittout simplement pas
possible de le faire aprèsle dépôtdu mémoire.Dans le cas d'un deman-
deur, telle est d'ailleurs encore la situation aux termes de la deuxième
phrase duparagraphe 1del'article79du Règlementde 1978actuellement
en vigueur. Dans le cas d'un défendeur, selon le libelléde 1946,la pre-
mière piècede la procédure écrite étaitnaturellement le contre-mémoire.
Aussi, un défendeur avait-ill'obligation, alors comme maintenant, d'in-
troduire son exception préliminaire avant le dépôt de son contre-mé-
moire. Maislescirconstancesetl'argumentation particulièresde l'affaire

de l'Ormonétairenesemblentpasoffrirune basesuffisante pour soutenir
que laCour auraitétéégalementdisposé dans cetteaffaire recevoirune
exceptionpréliminaireprésentép ear le défendeur avant ledépôt dumé-
moire,comme dans le cas du requérant.
Dans l'affairede l'lnterhandel,àla suited'une demande en indication
de mesuresconservatoires,le défendeura présenté un document intitulé
«Exceptionpréliminairedes Etats-Unisd'Amérique»qui spécifiaitqu'il
s'agissaitd'une

((exceptionpréliminaire,auxtermesde l'article62du Règlementde
la Cour, dans l'instance introduitepar leGouvernement de la Suisse
en l'affaire de l'lnterhandel, par requêtedule'octobre 1957,pour
autantque cetterequêteserapporte àlaventeou aux autresmesures
de disposition desactions..»(C.I.J.Mémoiresp ,. 77).

Ainsi, le document se présentait commeune exception préliminaireen
l'affaire proprement dite,même sil'exceptionétaitlimitéeàun seulaspect
- limitationqui,à monsens,n'ôtait pas à cedocument soncaractère,quiétaitcelui d'une exception de cet ordre. La Cour ne l'a cependant pas
traitécommetelmaisarendu, lemomentvenu,uneordonnancefixantdes
délaispour le dépôt du mémoireet du «contre-mémoireou, éventuelle-
ment, Idles exceptions préliminaires du Gouvernement des Etats-Unis
d'Amérique »(C.I.J. Recueil1957,p. 123),libelléqui signifiaitvraisembla-
blementque, en ce qui concernait les délais,les exceptionspréliminaires
devaient être traitéescomme le contre-mémoireet que, dans ces condi-
tions, vuquelecontre-mémoirenepouvaitnaturellementpas êtredéposé
avant le mémoire,cette règles'appliquerait aussi au dépôtd'éventuelles
exceptions préliminaires. D'ailleurs, les exceptions préliminaires ont
été déposées aprè ls mémoire(C.I.J. Mémoires,Interhandel, p. 327;
cf, p. 144).C'estpourquoi il ne serait pas convaincant de tenter d'expli-
querque la Cour apris cettedécisionsimplementparce qu'ellea implici-
tement conclu du Règlementqu'une ordonnance fixant des délaisdevait
avoir été renduepour qu'une exception préliminairepuisse être pré-
sentée,indépendamment de la question de savoir si elle pouvait l'être
ou non avant le dépôtdu mémoire.On ne comprend pas bien pourquoi

l'adoption d'une ordonnance fixant des délais pourle dépôtde pièces
écritesaurait une importancejuridique telle, au regard de la question de
savoir si le défendeur peut présenter une exceptionpréliminaireavantle
dépôteffectifdu mémoire,quel'ondoiveconclurequ'ilpeutlefaire siune
telle ordonnance a étérendue maisnondans le cas contraire.
On netrouvenonplusaucuneexplication dans lefaitqu'on acherché à
utiliser l'exceptionpréliminairepour s'opposeràune demandeenindica-
tion de mesures conservatoires.Certes, M. Koo a déclaréce qui suit:

«Quoique cette exception ait étésoulevéepar les Etats-Unis,en
vertu de l'article 62 du Règlementde la Cour, sous la forme d'une
exceptionpréliminaire ..cetteexceptionétait,enfait,dirigéecontre
la compétence de la Cour pour indiquer les mesures conserva-
toires.»(C.I.J. Recueil1957,p. 113.)
Maisl'insistancede M.Koosur cedernieraspect visait a étayersonpoint
devue(désapprouvé par laCour) qu'ilfallaitréglerlaquestionde l'excep-
tion au stade desmesuresconservatoires; on nepouvaitraisonnablement
l'interprétercomme voulant dire que, puisque le défendeur cherchait à

l'invoquer contre la demande en indication de mesures conservatoires,
l'exception n'étaitpas pour autant dirigée contre une partie de la de-
mande principale du demandeur: il l'avaitinvoquée parce que tel était
son but (ibid.,p. 115,opinion individuelle dM. Klaestad, et p. 117-118,
opinion individuelle de sir Hersch Lauterpacht).
Ilsembleplusprobable quela Couraitimplicitement estiméque lerai-
sonnement de M. Anzilotti,qui était à l'originede l'adoption de l'article
du Règlementde 1926abrogépar la suite,était encoreassezconvaincant
et assezjudicieux pour continuer às'appliquer en pratique et pourjusti-
fier le report de la présentation d'une exception préliminaire aprèsle
dépôtdu mémoire.Telleestje crois,l'idéeimpliciteque contientla décla-
ration de la Cour selonlaquelle INCIDENT AÉRIEN DU 3VI188 (OP. INDSHAHABUDDEEN)153

«l'examen du moyen soulevépar le Gouvernement des Etats-Unis
d'Amériqueexigel'emploid'une procédure différentec ,elle qui est
déterminée par l'article62du Règlement, et..si cemoyen estmain-
tenu, celui-ci devra, le moment venu, être examinépar la Cour

conformément à cetteprocédure»(C.Z.J.Recueil1957,p. 111).

La Cour ne pouvait avoir entendu que l'exception n'étaitpas censée
constituer une exceptionpréliminaire déposée en vertu de l'article62du
Règlementde 1946.Ce qu'elle semblait dire, c'est que l'exception pou-
vait seulement être examinéeen tant qu'exception préliminairede ce
genre «le momentvenu, ..conformément à[la]procédure»prescrite par
cettedisposition. En adoptant cetteposition, laCour semblaitêtreen ac-
cordavecM.Guggenheimdontj'aicitéplushaut laplaidoirie non contre-
dite qu'ila faite sur cepoint en faveur du demandeur. Sathèsen'étaitpas
seulement qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur la compétencede façon

définitivepour pouvoir indiquer des mesuresconservatoires,mais que la
raison pour laquellel'exceptionpréliminairenepouvait êtreexaminéa eu
coursdecettephase delaprocédure étaiq t u'ellenepouvait êtreexaminée
que dans le cadre de la procédure relativeaux exceptionspréliminaires,
cette procédure étant, selon lui,celle qu'ilavait décritedans ses conclu-
sionsrappeléesci-dessus,c'est-à-direcommesignifiantqu'une exception
préliminaire devait être introduiteaprès le dépôt du mémoire(C.Z.J.
MémoiresI,nterhandel,p. 449et461-462). Il mesembleque cettefaçon de
présenterleschosesarecueillil'approbation delaCourdans lepassagede
son ordonnance cité ci-dessuset qu'elles'estmanifestéedans letour que
la procédurea effectivementpris à la suite de cetteordonnance.
Une démarche analogue à celleadoptéedans l'affaire de l'lnterhandel
a été suiviedans l'affaire Ambatielos(C.I.J. Recueil 1951,p.11,et C.I.J.
Recueil 1952,p. 16et 31), où (comme en la présente espèce)il s'agissait

non d'une exceptionpréliminaireproprement dite,maisde la notification
de l'intentiond'enintroduire une (C.1.JMémoiresp,. 522).C'estla raison
pour laquelle,en procédant àla fixation de délaispour ledépôtde pièces
de procédure, laCour n'a parléque du mémoire etdu contre-mémoire,
sans qu'ilsoitfait mention d'exceptions préliminaireséventuelles.
Quel quefût au juste le motif de la décision permettre à la Cour de
mieux apprécierles exceptions en ayant pris connaissance du fond ou
offrir au demandeur une juste occasion de compléterpar son mémoire
l'exposé des faits peut-être limité qui figuraidtans sa requête, avant
l'introduction d'une exception préliminaire quiaurait un effet suspensif
immédiat,ou lesdeux motifs àla fois -, il apparaît nettementque, dans
les cas où, comme dans l'affaire Ambatieloset celle de l'lnterhandel, le
défendeurs'estprésenté,la Coura effectivementconsidéréqu'une excep-

tion préliminaire soulevéepar un défendeur ne doit être introduite
qu'aprèsledépôtdu mémoiremême si, commo en l'avu,l'articlepertinent
du Règlementde 1936était conçupour permettre d'introduireune excep-
tion de ce genre avant le dépôtdu mémoire(voirGeorges Abi-Saab, Lesexceptionspréliminairedsanslaprocédurede la Cour internationale,1967,
p. 214).Cela a été clairement reconnuparMM. Bengzon et Jiménez de
Aréchagadans leur opinion dissidentecommune en l'affairerelative àla
Compétenceen matière de pêcheries(Royaume-Uni c. Islande), dans
laquelle, faisant une distinction entre les exceptions soulevées avantle
dépôt dumémoire et cellesqui le sont après,ilsont décla:é

«Ilyacependantentre cesdeuxcommunicationsd'importantesdif-
férences,enparticulierquant aumomentdeleurprésentation,desorte
qu'ànotre sensil estimpossibled'attribuerla lettredu ministre des
affaires étrangèrd'Islande la valeur d'une exception préliminaire.
Uneexceptionpréliminairdeoit êtrdéposée danlse délaif*é pour le
contre-mémoirce,est-à-direaprèlsaprésentatidumémoire etnonpas
avant:c'estseulementcemomentqu'ellepeue tntraînerl'effetsuspensif
prévu à l'article62,paragraphe3,duRèglement. inon,undéfendeurse-
rait en mesuredeparalyserla procédureavant le dépôtdumémoire.»
(C.Z.J. ecueil1972,p. 185,lesitaliquessont demoi;voiraussil'affaire
relative la Compétence en matièredepêcheries (Républif qudeérale
düllemagne c.Islande),C.I.J.Recueil1972,p. 192.)

Bien qu'elle figure dans une opinion dissidente, cette déclaration non
contredite n'en apas moins fait autoritéentant que reconnaissance de la
pratique effectivede la Cour.
Ni l'une ni l'autre des Parties n'acitéaucune affaire tranchéepar la
Cour actuelle, dans laquelle le défendeur ait autoriséà déposerune
exception préliminairede plein droit avant le dépôt dumémoiredu de-
mandeur: cela a été faitdans un cas, mais sur la base du consentement

mutueldesparties,l'ordonnance delaCour indiquant expressémentdans
sesconsidérants que«les Parties sont d'accord pour que lesquestions de
compétenceet de recevabilitésoienttraitées un stade préliminairede la
procédure» (Actions armées frontalières et transfrontalières (Nicaragua
c.Honduras),C.I.J.Recueil1986,p. 552;voir aussi C.I.J.Recueil1989,p.6).
Le fait que la Cour ait jugébon de consigner cette circonstance dans le
texte mêmede son ordonnance donne à penser qu'elle ne la tenait pas
pour un simplearrangement entre lesParties,dépourvude la valeurjuri-
dique qui s'attacheà l'accord visépar l'article 101du Règlementde la
Cour. A cepropos, danslalettreen date du 26septembre 1989adresséeau
Présidentde la Courpar l'agentdes Etats-Unis, il estdit:

«LesEtats-Unisreconnaissent quejusqu'à présentla Cour n'aja-
mais, sans l'accord du demandeur, examiné d'exceptions prélimi-
naires avant le dépôtdu mémoire maisrien, dans la pratique de la
Cour, ne s'opposeà l'interprétation que les Etats-Unisdonnent de
l'article79[duRèglement]. D

Il me semble que le membre de phrase concessif qui ouvre cet énoncé
concorde avec ce qui peut être considéré commuene pratique générale-
mentadmise,pratique suivantlaquelle,sansexclurelapossibilitépour un
défendeurde présenterune exceptionpréliminaireavant ledépôtdu mé-moire,la Cour, normalement,n'examinerait pasune exceptiondéposée à
ce stade, mais considérerait qu'elle doit être introaprèsle dépôt du
mémoire (voir,en général, Shabtai Rosenne, TheLaw and Practice of the
InternationalCourt,1965,vol. 1,p. 45;du mêmeauteur, Procedureinthe
InternationalCourt:A Commentaryonthe1978Rulesofthe International
CourtofJustice,1983,p. 161et 163;voiraussi GenevièveGuyomar, Com-
mentairedu Règlementde la Cour internationalede Justice,1983,p. 508).
Peut-être devrais-je ajouterque les décisionsde la Cour n'étantpas

aussinombreuses que cellesdesjuridictions nationales,lefait quela pra-
tique en question est démontréepar un nombre de cas qui n'est pas très
élevéne témoignepas nécessairementcontre son existence.Un point qui
présente davantaged'importanceest celuique M.Schwebela fort bien et
fort soigneusement développédans son argumentation - que je res-
pecte - suivantlaquelle la question spécifiquede savoirsiune exception
préliminairepeut êtresoulevéeavan ltdépôtdu mémoiren'ajusqu'à pré-
sentDasfaitdirectement I'obietd'undébatcontradictoire devantla Cour.
cet& constatation peut donner du poids aux décisionsen question,mais
celles-cin'ensontpas moins, à mon avis,révélatricesde la véritableten-
dance delapratique de laCour :ilestrarequ'une pratique tiresonorigine

d'une décisionmûrementréfléchie,rendue aprè usn débatsurla question
dont ils'agit.Deplus,commej'aicherché à lemontrerplushaut, ilsemble
bien que, dans l'affairede'lnterhandel,la Couraiteu en vue la pratique
explicitementmentionnéedans lesconclusionsexposéespar M. Guggen-
heim, selon lesquellesune exceptionpréliminairene devait être soulevée
qu'aprèsledépôtdumémoire.Bienqu'onpuisseinterpréterleschosesde
différentesmanières,le fait demeure, incontournable, que, dans cetteaf-
faire, un document revêtant indubitablementla forme d'une exception
préliminaire, destiné être déposé etnant que tel suivant la règleappli-
cable, mais qui avait été présenté avalet dépôt dumémoire,n'a pas été
considéré comme une exception préliminairepar la Cour, si bien que le
défendeur a introduitune nouvelleexceptionpréliminaire après ledépôt

du mémoire.

L'EFFE TU WGLEMEN DET1972 SUR LAPRATIQUE DELA COUR
On peut sedemander s'ilfaut considérerque cettepratique a étéabolie
par leRèglementde 1972.Deuxdispositions decetexte,lesparagraphes 6

et7del'article67(quicorrespondent auxparagraphes 6et7 del'article79
du Règlementde 1978),invitent à laréflexion. Ellessontrédigéedans les
termes suivants:
«6. Pour permettre àla Cour de seprononcer sursa compétence
au stade préliminairede la procédure, laCour peut, le cas échéant,

inviter les partiàdébattretouspoints de fait et de droit, et àpro-
duiretous moyens de preuve,qui ont trait la question.
7. La Cour, aprèsavoir entendu les parties, statue dans un arrêt
par lequel elle retient l'exception,la rejette ou déclare que cetteex-
ception n'apas danslescirconstances del'espèceun caractèrexclu- INCIDENT AÉRIEN DU 3VI188 (OP. IND.SHAHABUDDEEN) 156

sivement préliminaire. Si la Cour rejette l'exception ou déclare
qu'elle n'apas un caractèreexclusivementpréliminaire,ellefixe les
délaispour la suite de la procédure.»

En cequiconcerneleparagraphe 6,ilyestditque laCour doitpouvoir
seprononcer sur sacompétence «au stadepréliminairedelaprocédure H,
cequine veutpas dire, àmon sens,queladécisionestprise avantledépôt
du mémoire.Le «stadepréliminairedelaprocédure»étaitunenotiontrès
claire,employéesimplementpar opposition au«stadedu fond ».Iln'était
pas circonscrit àlapériodeprécédantledépôtdu mémoire.Au contraire,
encasd'exceptionpréliminaireintroduitepar ledéfendeur,cestadepréli-

minaire s'étendait toujours jusqu'à la période postérieure audépôtdu
mémoire. Rienau paragraphe 6 de l'article 67 du Règlementde 1972
n'aeu pour effetde modifier cetteinterprétation.
Quant au paragraphe 7 de l'article 67 du Règlementde 1972,son but
étaitqu'ilsoitstatué surles exceptionspréliminairesautant que possible
avant les débats surle fond et que ces exceptions ne soientpasjointes au
fond sans nécessité. elan'avaitrienàvoiraveclestade où une exception
préliminairepouvaitêtreintroduite.Lefaitqu'une telle exceptionest dé-
poséeaprèsledépôtdumémoirene devaitpas nécessairementconduire à
sajonction au fond. Lesmodifications de 1972accordaientl'importance
voulue àla rapiditéde la décisionsurles exceptionspréliminaires,mais

ellesvisaientsurtoutànepas en retarder inutilement l'examenjusqu'aux
débatssur lefond.
Lalettreque l'agent desEtats-Unisd'AmériqueaadresséeauPrésident
dela Courle 26septembre 1989signalaitun remarquablearticle d'unan-
cien Président dela Cour. Le passage pertinent de cet article est libellé
comme suit :

«a) Délaipour l'introductiond'une exception préliminairea :fin
d'accélérelra procédure etd'éviter desretards inutiles, il a été sug-
géréque l'exception préliminaire soit introduite dès que la partie
concernéea reçula requête,ou peu de temps aprèsqu'ellea reçu le
mémoire.Bienque cespropositionsaientconcordéavecl'objetprin-
cipal des amendements au Règlement, ellesn'ont paspu êtreadop-
tées parcequ'elles auraient risquéde porter atteinte aux droits du
défendeur.En cequiconcerne lapremièresuggestion,selonlaquelle
l'exception préliminairedevraitêtre déposéedès réception dere la-
quête,on a estiméque le défendeur étaiten droit d'attendre que le
demandeur ait pleinement exposé son argumentation dans le mé-

moireavantd'être obligéd'introduire sonexception.Faute dequoile
demandeur, qui a déjà eu tout letemps de rédigersa requête,aurait
aussi la possibilitéde composer son mémoirede façon à tenter de
faire échec à l'exception qu'il aurait eu le loisir d'étudier.))
(Eduardo Jiménezde Aréchaga,((TheAmendments to the Rules of
Procedure of the International Court of Justice,AmericanJoumal
ofIntemationalLaw, 1973,vol. 67,p. 19.) Cetteopinion semblebien confirmerqu'un défendeurestendroit d'intro-
duire une exception préliminaire soit avant, soit après, ledépôtdu mé-
moire. Mais, à mon avis, ellevaplus loin; en effet,si «on a estiméque le
défendeur étaiten droit d'attendre que le demandeur ait pleinement ex-
posé son argumentationdans le mémoireavantd'êtreobligéd'introduire
sonexception »,celasupposeen même tempsl'existenced'un mécanisme
par lequel un requérant peut introduire dans son mémoire des pointsde
droit ou de fait qui pourraient éventuellementse révéler pertinents au
regard d'une exception préliminaire. Celaparaît aussi compatible avec
la conclusion énoncée ci-dessusselon laquelle,si le défendeur ale droit,
conformémentau Règlement, d'introduire son exception préliminaire
avant le dépôt dumémoire,ce droit s'esten fait trouvé tempéré par une

pratique selonlaquelle, siune telleexception estintroduite avant ledépôt
du mémoire,laCour peut, à sadiscrétion,déciderdenepaslareconnaître
oulatraitercommetelle etordonner qu'elle soitdéposéeaprèslemémoire
- et celaprécisémenp t our la raison que le mémoirepourrait se révéler
pertinent auregard del'exceptionaumomentoù elleseraexaminée.Dans
sonprécieux article,M.Jiménezde Aréchagane semblepas allerjusqu'à
suggérerque cettepratique a étéabrogép ear le Règlementde 1972.Il n'a
faitaucune allusion àun teleffetdans lepassageprécité del'opinion dissi-
dente commune dont ilavaitété un desauteurs dans l'affairedela Compé-
tenceenmatièredepêcheries (Royaume-U c.Iislande)(C.I.J.Recueil972,
p. 185).Il estvraiquecetteopinion étaitfondéesurle Règlementde 1946,
mais ellea été donnéetrois mois après l'adoptionde celui de 1972.Siun
changement tant soit peu important avait étéintroduit sur un point de

procédure auquel l'opinion accordait manifestementuneimportance dé-
cisive,iln'aurait naturellementpas manqué d'en faireétat.Ornous avons
vu que cen'estpas le cas. Et celan'arien de surprenant: iln'yavait sur ce
point pas de différenceappréciable entrele Règlementde 1946et celuide
1972.D'autres auteurs,quiont écritaprèsl'introduction deschangements
de 1972dans leRèglement,semblentadmettre quelapratique enquestion
continue (voir Shabtai Rosenne, Procedurein theInternationalCourt:A
Commentaryonthe 1978Rulesof theInternational CourtofJustice,1983,
p. 161et 163,et GenevièveGuyomar, op. cit.,p. 508).Comme on l'a dit
plus haut, la procédurefondée surle consentement des parties qui a été
adoptée dansl'affaire relative à des Actions arméesfrontalières trtans-
frontalières (Nicaraguac. Honduras)(C.I.J.Recueil1986,p. 551)semble
aussi impliquer le maintien de cette pratique. La déclaration susmen-

tionnée des Etats-Unis ne peut guère être interprétée autremen qtue
comme admettant cet étatde choses en ce qui concerne la pratique en
question.

Pour lesraisonsindiquées,onpourrait soutenir quela pratique donton
. a parlén'est pas strictement conforme aux dispositions du Règlement
actuel, car elle tendà entraver l'exercice par un défendeur d'un droitapparemment absolu découlant strictement des dispositions du Règle-
ment et qui l'autoriseà introduire une exception préliminaireavant le
dépôt dumémoire.Mais, si cela est très soutenable,la possibilité d'une
interprétation différentede l'article ne peut être totalementexclue, et
bien entendu c'est àla Cour qu'il appartient d'interpréter leRèglement.
L'expérience communeenseigneque lesrèglesdeprocédure - du moins

quand il n'y a pas conflit avec un instrument constitutif supérieur(res-
triction importante à mes yeux dans ce domaine) - évoluent selon
l'interprétation qu'endonne une certaine juridiction et l'application
qu'elleen fait,ainsi qu'entémoignesa pratique.
Ils'agitdonc enfaitde savoirsila Cour, austade actuel,devraitrevenir
sur l'interprétationde l'article 79 du Règlement qui apparaît implicite-
ment dans sa pratique, au motif que cette interprétationest erronée.La
Cour n'est liée paraucune doctrine du précédent obligatoire, maiselle
n'en respecte pas moins sa propre jurisprudence. En conséquence, bien
qu'elle ait compétencepour réformerses prises de position antérieures
sur ledroit, la Cour ne devrait pas exercercettecompétenceaveclégèreté
etsans debonnes raisons (sirHerschLauterpacht, fie DevelopmentofZn-
temationalLawby theInternationalCourt,1958,p. 19).Peut-êtrenepeut-
onpasdire simplement,entermesgénérauxq , uela Cour devraitprocéder
aveccirconspection.Mais par quels critèresla Cour,dans sa sagesse,de-

vrait-elle alors se laisser guider dans une question de procédure de ce
genre?En l'absencede directivesclairesadoptéespar la Cour, il mesem-
blerait raisonnable d'appliquer, dans un casde cegenre,ledouble critère
del'erreur manifesteetdelaperturbationde labonne administration dela
justice (publicmischieflque connaissent bon nombre de hautes instances
judiciaires.Il faudraitàmon avis,qu'ily ait erreur manifeste en ce sens
que la Courdoit être certaineque lesarguments en senscontraire ne sont
pas seulementpersuasifs mais qu'ilsdémontrentde façon déterminante
l'existenced'une erreurévidentedansune prise deposition antérieure.Et
il faudrait aussi que la bonne administration de la justice, ou quelque
chosequi s'yapparente, soit en cause.Autrement dit, il faudraitque l'in-
justice crééepar le maintien d'une prise de position antérieure erronée
soit nettement plus grande que l'injustice crééepar la perturbation des
attentes fondées sur la présomption de son maintien; une simple su-

périorité marginaled'une nouvelledécisionne devraitpas suffire.
En l'espèce,on pourrait fort bien soutenir que lecritèrede l'erreur ma-
nifestes'applique. Maisje ne suispas convaincu qu'ilensoit de même du
critèrede la bonne administration de la justice. A s'entenir strictement
aux dispositions du paragraphe 1de l'article79du Règlement,un défen-
deur seraithabilitéde plein droit introduire une exceptionpréliminaire
avant que les demandes du requérantquant au fond n'aient été révélées
par lavoie du mémoire.Et c'est là un droit qu'ilne fautpas sous-estimer.
Mais il faut bien peser en contrepartie l'injustice peut-êtregrave dont
pourrait êtrevictime un requérant si ses demandes étaient rejetéesen
raison d'une exception préliminaire avantqu'il n'ait eu la possibilité,
grâce à son mémoire,de développeret de compléter sa requête sur despoints éventuellementdéfectueux, en vertud'un droit qu'il croyait non
sans raison tenir du Règlementtel qu'ila étéinterprétéet appliquéparla
Cour dans sa propre pratique. S'il n'yavait pas eu cette pratique, la re-
quêteaurait pu êtreprésentéed'emblée souunse formeplus étoffée.Tout
bien pesé,il semble à mon avisplus équitablede maintenir la pratique et
l'interprétationdu Règlementqu'elle reflète.S'ilfaut changer quelque
chose - etilsepeut qu'ilyait debonnes raisons à cela-, que cesoitpar
la voied'un amendementenbonne et due forme du Règlement,destiné à
prendre effet pour i'avenir, et non pas au moyen d'une décisionpar la-

quelle la Cour invaliderait rétrospectivementune pratique instituéepar
elle-mêmees tur laquelledes attentes raisonnables se sont fondées.

Non sans hésitation - car la position n'est pas toutà fait nette et la

logique deson évolutionn'estpas pleinement dévoilée -, j'en viensà la
conclusion que, si en principe un défendeur a le droitd'introduire son
exception préliminaire avant le dépôt du mémoiredu demandeur et
si dans certains cas l'exercice de ce droit peut se révélerparfaitement
justifié,la Cour peut, a sa guise, soit ne pas reconnaître une exception
préliminaireintroduite à cestade, soit l'examiner etordonner qu'elle soit
introduite après le dépôt dumémoire.La teneur et les fondements des
exceptions préliminairesenvisagéesn'ayant pas été divulguéeisl,n'y a
apparemment pas de raison, au stade actuel de l'affaire, de songer à
rompre avec ce qui est considérécomme l'exercicenormal de cepouvoir
d'appréciation. En définitive, onne peut que rendre une ordonnance
fixant desdélaispour laprocédure écrite (ycompris d'éventuellesexcep-
tions préliminaires).C'estce qu'on a fait, etje suis d'accord surce point.
En revanche, pour les raisons que j'ai indiquées,je considère que le

dernier considérantde l'ordonnance de la Cour manque de cohérenceen
ce que :
i) ilestaxésurledroit du défendeurdedifférerledépôtdesonexception
préliminairejusqu'àce qu'il ait été ((renseigné ..sur la nature de la
demande, grâce à la présentationpar le demandeur d'un mémoire»,
mais omet de nuancer cestermes en prenant en considérationce qui,
d'autre part, paraît êtreun droit reconnu du demandeurde compléter

sa requêtepar sonmémoiresur despoints defait ou de droit qui pour-
raient l'aiderà se prémunir contreune éventuelleexception prélimi-
naire ;et
ii) ilestaxésurledroit du défendeur «de déposersonexceptionplustôt B
(c'est-à-dire avant le mémoire), maisomet de nuancer ces termes en
prenant en considérationce qui, d'autre part, paraît êtreun pouvoir
discrétionnairede la Cour de ne pas reconnaître une exception dépo-
séeplustôt ou del'examineretd'ordonner qu'elle soitintroduiteaprès
ledépôtdumémoire. En somme, le considérant en questionaborde la procédure commesi
celle-ciétait destinée exclusiveàeaccorder des possibilitésde choix
au défendeur.Je suis d'avis que le régimeprocédural effectivementen
vigueur(à savoir le Règlementde la Cour ainsi que la pratique de la
Cour) està la fois plus souple et mieux équilibréet qu'en particulier il
existe,pour tout demandeur, des droits et des attentes qui doivent aussi
êtrepris en considération,mais qui ne lesont pas dans ceconsidérant.Je
conviens que, juridiquement, un défendeur a ledroit d'introduire son
exceptionpréliminaire avantledépôt dumémoire.Maistout n'estpas là,
et le considérant en question ne dit pas tout. D'où la réserveque je
formuleàcet égard.

(SignéM ohamed SHAHABUDDEEN.

Bilingual Content

SEPARATE OPINION OF JUDGE SHAHABUDDEEN

The operative part of the Order of Court made today, with which 1
agree,fixestime-limitsfor pleadings. But,as is shown by the body ofthe
Order and by the oral and written arguments of the Parties addressed to
the Presidentofthe Courtand byhimlaid beforetheCourt,the realinter-
estinthismatter,indeed,the realmatter incontention betweenthe Parties
atthis stage,isthe question oflawwhether a respondent has a right to file
apreliminary objectionbeforethe filingofthe applicant's Memorial.This
issue is determined not in the operative part of the Order, but in the last
recital. This recital, about which1entertain a reservation which 1would
liketo explain, reads asfollows :

"Whereas,in accordance withArticle79,paragraph 1,ofthe Rules
of Court, while a respondent which wishesto submit a preliminary
objectionisentitledbefore doingsotobeinformed astothenature of
the claimby the submission of a Memorial by the Applicant, it may
neverthelessfile itsobjection earlier."

Thisstatementis accurate asfarasitgoes,but,withmuchrespect,itseems
to me that it does not go far enough. The absolute terms in which the
Court, through that statement, for the first time enunciates a right on the
part of a respondent to file its preliminary objection before the filing of
the applicant's Memorial takesno account of,and givesno weightto, an
important qualifying practice of the Court. This aspect is referred to as
followsbytwo ofthe leading commentators on the Court's practice :

"As is well known, and as is maintained in this paragraph, the
Court's practiceis onlyto take forma1preliminary objectionsby the
respondent after the merits have been laid before it in a pleading,
normally the memorial, and it willbe rare that the application alone
will be sufficient to elucidate questions of jurisdiction or admissi-
bility." (Shabtai Rosenne, Procedure in the International Court: A
Commentaryon the 1978Rules of the International Court ofJustice,
1983,p. 161.)

"Paragraph 1[ofArticle 79of the 1978 Rules of Court] makes no
change in the existingpractice by which a forma1preliminary objec-
tion, ofwhateverclass,need not (infact should not)befiled until the
time-limit for the objecting party's first written pleading." (Zbid.,
p. 163.) OPINION INDIVIDUELLE DE M. SHAHABUDDEEN

[Traduction]

Ledispositifde l'ordonnance quelaCoura rendue aujourd'hui, etque
j'approuve, fixe des délaispour le dépôtde piècesde procédure.Mais
commecelaressort du corpsdel'ordonnance ainsique desarguments que

lesParties ont présentésverbalementoupar écritau Présidentde la Cour
et qu'ila lui-mêmeexposés àla Cour, cequi comptevraiment en l'occur-
rence, cequi oppose vraiment lesPartiesàce stade, c'estune question de
droit,la question de savoir siun défendeura ledroitd'introduireune ex-
ception préliminaire avant que le demandeur ait déposéson mémoire.
Cette question est tranchée nondans le dispositif de l'ordonnance mais
dans son dernier considérant.Ce considérant,dont je dirai quelles sont
les réserves qu'ilm'inspire,estlibellécommesuit:

((Considérantque, conformémentau paragraphe 1 de l'article79
du Règlementde la Cour, siun défendeur désireuxde présenterune
exceptionpréliminaireestendroitd'être renseignéauparavansturla
nature dela demande, grâce àlaprésentationpar ledemandeur d'un
mémoire,ilpeut néanmoins déposer son exceptionplus tôt ».

Ainsilimitée,cettedéclarationestexacte,maisqu'il mesoitpermisdedire
qu'elle nemesemblepas allerassezloin.Lestermesabsolusdanslesquels
la Cour,par cettedéclaration,énoncepour lapremièrefoisledroitqu'ale
défendeur d'introduire son exceptionpréliminaire avantle dépôt dumé-
moire du demandeur ne tiennent aucun compte d'une importante pra-
tique de la Cour restreignant cedroit etn'yaccordent aucun poids. Deux
éminentscommentateursde la pratique de la Cour s'expriment à ce sujet
dans cestermes :

((Commeonle sait, et commeil estdit dans ceparagraphe, la pra-
tique de la Cour est de n'examiner les exceptions préliminaires
formelles soulevéespar le défendeur qu'une foisque le fond a été
exposé devantelle dans une pièce de procédure (normalementle
mémoire)et il est rare que la requête elle seule suffisà élucider
les questions de compétenceoude recevabilité.»(Shabtai Rosenne,
Procedure in the International Court:A Commentary on the 1978
RulesoftheInternational CourtofJustice,1983,p. 161.)

«Leparagraphe 1[del'article79du RèglementdelaCourde 19781
n'apporte aucun changement à la pratique en vigueur, suivant la-
quelle une exception préliminaire formelle, quelle qu'elle soit, n'a
pas besoin d'être introduite(etne doit d'ailleurspas êtreintroduite)
avantl'expiration du délaifixpour ledépôtde la premièrepiècede
procédurepar la partie qui soulèvel'exception.(Ibid., p.163.)146 AERIAL INCIDENT OF 3VI188(SEP . P.SHAHABUDDEEN)

"Il semblerait que la Cour ne puisse prendre en considérationles

exceptions préliminairessoulevéespar le défendeuravant le dépôt
par ledemandeurdeson mémoire." (Geneviève Guyomar, Commen-
taire du Règlementde la CourinternationaledeJustice,1983,p. 508.)
Testifyingto the same practice, Prof. Guggenheim, arguing in 1957for
Switzerlandagainstthe United States in the Interhandel case, said in an
unrebutted statement :

"L'exception préliminaire américaine doit être traitée conformé-
ment aux dispositions de l'article 62 du Règlement.La Cour devra
donc instituer une procédure particulière,qui commenceraaprèsla
présentationdu mémoirede la Partie demanderesse, c'est-à-dire de
la Conféderationsuisse,mémoire quiserapportera au fond de l'af-
faire." (I.C.J.Pleadings, p.449.)

Fifteenyearslater,inajoint dissentingopinionin the FisheriesJurisdiction
(United Kingdomv. Iceland) case,Judges Bengzon and Jiménezde Aré-
chaga likewise said in another uncontradicted and equally categorical
statement(quoted morefully below) :

"A preliminary objection must be filed within the time-limit
assignedforthe Counter-Memorial, that isto Say,afterthe presenta-
tion of the Memorial, not before i: it is only then that it may have
the suspensive effects provided for in Article 62, paragraph 3, of
the [1946]Rules." (I.C.J. Reports1972,p. 185.)

Were these distinguished lawyers and judges wrong? It will be the
burden of this opinion that they were not, and that the practice of the
Court, the existence of which they attested, constitutes an important
qualification to the open-ended terms in which the right of a respondent
to file a preliminary objectionbefore the filing ofthe Memorial hasbeen
castin the recitalin question.
In a prefatory way,it maybe said thatthe problem presented is not an
unusual one to be thrown up from time to time within the evolution of a
livingprocedural régime,the questionin essencebeing, howarethe literal
terms of aforma1rule ofprocedure to be reconciled with a variant super-
veningpractice? For 1should Sayat oncethat 1appreciate the forceofthe

respondent's interpretation ofthe relevantrulebut considerthatthe diffi-
culty isto determine to what extent, if any, the operation of the rule has
cometo be qualified by the Court's interpretation of it as evidenced by a
somewhatdifferentpractice. A goodbeginningwouldbe to lookbrieflyat
the legislativehistoryf the relevant Rules.

The origins of the problem go back to the fact that, notwithstanding
some discussions in the Permanent Court (P.C.I.J., Series D, No. 2,
pp. 77-78,201-203,213-214,408,434 and 522),the 1922Rules of Court «Il semblerait que la Cour ne puisse prendre en considération les
exceptions préliminaires soulevéespar le défendeuravant le dépôt
par ledemandeurdeson mémoire. »(GenevièveGuyomar, Commen-
tairedu Règlementde la CourinternationaledeJustice,1983,p. 508.)

Témoignantde la mêmepratique, M. Guggenheim, qui plaidait en 1957
pour la Suisse contre les Etats-Unis dans l'affaire de'lnterhandel, s'est
exprimé en destermesqui n'ont pas étéréfutés :
«L'exception préliminaire américaine doit être traitée conformé-
ment aux dispositions de l'article 62 du Règlement.La Cour devra
donc instituer une procédure particulière, qui commenceraaprèsla
présentationdu mémoirede la Partie demanderesse, c'est-à-direde

la Confédération suissem, émoirequi se rapportera au fond de l'af-
faire.»(C.I.J. Mémoiresp,. 449.)
Quinze ans plus tard, dans une opinion dissidente commune qu'ils ont
rédigée en l'affaire relativeà la Compétenceen matière de pêcheries
(Royaume-Unic.Islande), MM.BengzonetJiménezdeAréchagaont éga-
lementdéclarée ,ndestermes quin'ont pas éténon plusréfuté etsqui sont
tout aussicatégoriques (un plus large extraiten sera donnéplus loin:

«Une exception préliminaire doit être déposé dans le délai fixé
pour le contre-mémoire, c'est-à-dire après la présentationdu mé-
moire et non pas avant: c'est seulement à ce moment qu'elle peut
entraîner l'effet suspensif prévuà l'article 62, paragraphe 3, du
Règlement [de 19461». (C.I.J. Recueil1972,p. 185.)

Ces éminentsjuges etjuristes setrompaient-ils? Dans la présente opi-
nion, je m'efforcerai de démontrerque non et que cette pratique de la
Cour,dont ilsattestent l'existence,nuancesensiblementlestermesvagues
dans lesquels le droit du défendeurde soulever une exception prélimi-
naire avant le dépôt du mémoirea été formulé dans le considéranten
question.
On peut dire d'abord qu'il n'est pas rare qu'un tel problème se pose
dans le cadre de l'évolution d'unrégimeprocédural vivant,la question
étant foncièrementde savoir comment concilier la lettre d'une règlefor-
melle de procédure avecune pratique ultérieure différente.Je dois dire

d'embléequeje reconnais la force de l'interprétationque le défendeur a
donnée dela règlepertinente, mais que j'estime que la difficultéest de
déterminerdans quelle mesure l'application de la règlea peut-être été
tempérée par l'interprétation qu'en adonnée lCaour,tellequecetteinter-
prétation ressort d'une certaine inflexionde la pratique. Il convient de
commencerpar un bref examen de la genèsedes règlespertinentes.

Leproblèmeremonteau faitque,malgréquelquesdébats à laCour per-
manente (C.P.J.I.sérieD no2,p. 77-78,201-203,213-214,408,434 et 522),
le Règlementde la Cour de 1922ne contenait aucune disposition appli-made no provisionforpreliminaryobjections. Asiswellknown,the need
for someforma1rulearoseout ofthe experiencegainedinthe Mavromma-

tisPalestineConcessionscase(P.C.I.J.,SeriesA,No.2,pp.9and 16)and the
Certain GermanInterestsinPolishUpperSilesia,Jurisdictioncase(P.C.I.J.,
SeriesA,No.6,p. 15).In the firstcase,the preliminaryobjection wasfiled
after the filing of the Case (or Memorial as it was termed as from 1936)
though, such was the procedural uncertainty, that it was filed together
witha "Preliminary Counter-Case" (P.C.I.J., SeriesC,No.5-1,pp. 439-440
and 479).In the second case, the preliminary objection was filed before
the filing ofthe Case (P.C.I.J.,SeriesC,No.9-1,pp. 119-125).
In the light ofthese differing procedures, in 1926the Rules of Court
wereamended bythe insertion of a new Article 38,the firstparagraph of
which read :

"When proceedings are begun by means of an application, any
preliminaryobjectionshall be filedafterthe filing ofthe Case bythe
Applicant and within the time fixed for the filing of the Counter-
Case." (P.C.I.J.,SeriesD,No.1,p. 50.)

Judge Anzilotti,the chief sponsor of the provision, had put it forward in
opposition to a verydifferentideaproposed by Registrar Hammarskjold.
Referringto the Registrar'sidea,the record ofthe 1926discussionsreads :

"M. Anzilottistated that there wasan essentialdifference between
his conception and that of the Registrar.
Accordingto the Registrar'sproposal,anobjection to the jurisdic-
tion mustbedealt withseparately,ifitweresubmitted byadocument
which must followthe application and be presented at a time when
the Court knew nothing ofthe case.
M.Anzilottistartedfromthe contraryconception. Hethought that
the Court should only deal with the question ofjurisdiction when it
had before it the merits of the case. Having establishedthis funda-
mental difference, M. Anzilotti saw no objectionto dealing at that
point withthequestion ofobjectiontothejurisdiction .. Inhisopin-

ion, having regard to the Court's special character, the latter could
not dealwithobjectionsto itsjurisdiction,withoutalso havingbefore
it the merits ofthe case,at al1eventsup to a certain point." (P.C.I.J.,
SeriesD,AddendumtoNo.2,p.79;and seehiswrittenproposal, ibid.,
p. 266.)

Tosome extent,theseideashad beenanticipated byJudges Beichmann
and Moore in 1922(P.C.I.J., SeriesD,No.2,pp. 201and 214).Theirvindi-
cationin 1926washowevershort-lived :newthinking favouredthe Regis-
trar's earlierviewthat apreliminaryobjectionshouldbe taken beforethe
filingofthe Case or Memorial. Returningto thefrayin June 1933hesaid : INCIDENT AÉRIEN DU 3 VI188 (OP.IND. SHAHABUDDEEN) 147

cable aux exceptionspréliminaires.Commeon le sait, la nécessité d'une
règleformelle est néede l'expérience acquisedans l'affaire des Conces-

sionsMavrommatisen Palestine(C.P.J.1.sérieAno2,p. 9 et 16)etl'affaire
relativeà Certains intérêatlslemandsen Haute-Silésie polonaisec,ompé-
tence(C.P.J.1.série Ano6,p. 15),Dans la première affaire,une exception
préliminairea étésoulevéaeprèsledépôt dumémoire,maisla procédure
étaitsi imprécisequ'ellel'a étéen mêmetemps qu'un «contre-mémoire
préliminaire»étaitdéposé (C.P.J.Z.sériCnO5-1,p. 439-440et479).Dans
la secondeaffaire,l'exception préliminairea étéintroduite avanltedépôt
du mémoire(C.P.J.Z.série C no9-1,p. 119-125).
A la suite de ces différencesde procédure,le Règlementde la Cour a
étémodifiéen 1926par l'insertiond'unnouvelarticle 38,dont lepremier
paragraphe était ainsilibellé

«Lorsque l'instance estintroduite par requête,toute exception
préliminaireest proposée après la présentationdu mémoirede la
partie demanderesse et dans le délai fixépour la présentationdu
contre-mémoire.»(C.P.J.Z.série D no1,p. 50.)

M. Anzilotti, qui avait étéle principal promoteur de cette disposition,
l'avait défendue contreune idée très différenteémisepar le Greffier,
M. Hammarskjold. Au sujet de la proposition du Greffier, le procès-

verbal desdébatsde 1926estrédigé commesuit:
«M. Anzilotti constate qu'il y a une divergence essentielleentre
son idée etcelledu Greffier.

D'après la proposition du Greffier, l'exception d'incompétence
doit être traitéepart, si elle estopposée parun document qui doit
suivrela requêteet êtreprésentéà un moment où la Cour ne connaît
rien de l'affaire.
M.Anzilottiestparti de l'idée inverseI.lpense que laCour ne doit
s'occuper de la compétenceque lorsqu'elleconnaît le fond de l'af-
faire. Cette différence de principe établie, M. Anzilotti ne voit
aucune difficulté à traiter maintenant la question des exceptions
d'incompétence ...A son avis, étant donnéla nature spécialede la
Cour, celle-ci ne peut juger les exceptions d'incompétence sans
connaître égalementlefond de l'affaire,du moinsjusqu'à un certain
point.»(C.P.J.Z.série ,Addendumauno2,p.79 voiraussilapropo-
sitionécrite,bid.,p. 266.)

Dans une certaine mesure, ces idées avaient déjà étéémisespar
MM.Beichmannet Moore en 1922(C.P.J.Z.série Dno2,p. 201et214).Le

succèsqu'ellesremportèrenten 1926futcependantdecourte durée :une
nouvelleréflexionfut favorable au point de vue précédemment exprimé
par leGreffier,selonlequel toute exceptionpréliminairedevaitêtreintro-
duite avant le dépôtdu mémoire.De retour dans l'arène,enjuin 1933,il
déclara:148 AERIALINCIDENT OF 3 VI188(SEP. OP. SHAHABUDDEEN)

"Anessentialfeature of Article 38 is that preliminary objections
are not presented in limine litis, but only after the filing of the
claimant'sfirstMemorial. It isan open questionwhetherit would be
desirable tomaintain this principle if the present tendenc- at al1
eventsinpractice - requiring submissionsto beformulatedas early
asin the documentinstitutingproceedings (cf.Art.35 above)should
become sanctioned." (P.C.I.J., Series D, Third Addendumto No. 2,
pp. 819-820.)

Therecord ofthe ensuing discussionsinthe Court in 1934then reads :

"The President pointed out that the first Rules of Court did not
contain any provisions in regard to objections. It was in the light of
the experience gained in the Mavrommatiscase that the Court had
introduced Article38ofthe existingRules;that Articleprecludedthe
filing of an objectionbeforethe submission ofthe Case. As that rule

had,in itstum, ledtopracticaldifficulties inarecentsuit,the Second
Commission had proposed to open the door tothe submission of an
objection which had nothing to do with the merits of the case, even
before the filing of the Case.."(P.C.I.J.,SerieD, ThirdAddendum
toNo. 2,p. 90.)
Explaining the substance of the new formulation, Judge Fromageot
said that

"the provision,inhistext,that theobjection mustbefiledatthe latest
by the expiry of the time-limitfixed for the filing of the Coun-Case
[sic,but "contre-mémoire"in the French text],showedthatthe party
concemed was free to raise the objection immediately, if it thought
fit" (ibid.,p. 89).
On the basis of the related discussions,a revised text of Article 38,first
paragraph, was then adopted as Article62,paragraph 1,ofthe 1936Rules
of Court, reading:

"A preliminary objection must be filed at the latest before the
expiryofthetime-limitfixedforthefiling bytheparty submittingthe
objection ofthe firstdocument ofthe writtenproceedings to be filed
by that party." (P.C.I.J.,SeriesD,No. I,3rd ed., p. 49.)
The corresponding provisions of Article 62,paragraph 1, ofthe 1946
Rules read :

"A preliminary objection must be filed by a party at the latest
before the expiry of the time-limit fixed for the delivery of its first
pleading."
Onthesubstanceofthematterinhand,the 1946provisioncannotbeusefully
distinguishedfrom its 1936predecessor.Hence,itbeingclearthat the 1936

wordingwasdesignedtopermitofan objectionbeingfiledbyarespondent
before the filingof the Memorial,this intention would seemto be equally
ascribableto the 1946provision,whichcontinuedin forceup to 1972. «Le trait essentiel de l'article 38 est que les exceptions prélimi-
naires ne sont pas présentéesin liminelitis,mais seulement après le
dépôtdupremiermémoiredelademanderesse.Onpeut sedemander
s'ilyaurait lieude maintenir ceprincipe au casoùviendrait à préva-
loir la tendance actuelled'après laquelle en fait sinon en droi-
lesconclusionsdoiventêtreformuléesdéjd àans l'acteintroductif(cf.
sousart. 35ci-dessus).»(C.P.J.Z.sérieD,Troisièmeaddendumau no2,
p. 819-820.)

Dans leprocès-verbaldesdébats quieurentlieu à la Cour en 1934onlitce
qui suit:
«LePrésidentrappelleque lepremier Règlementne contenaitpas
de disposition au sujetdes exceptions. C'esteu égardà l'expérience
acquise dans l'affaire Mavrommatis que la Cour a introduit l'ar-

ticle 38 du Règlementactuellement en vigueur; celui-ci exclut le
dépôtd'une exception avant le moment où le mémoireest déposé.
Cette règleayant à son tour donnélieu à des difficultés pratiques
dans une affaire récente,la deuxième Commission a proposéd'ou-
vrir la portà la présentation, dès avant ledépôt dumémoire,d'une
exception qui n'a rien à voir avec le fond de l'affaire.)) (C.P.J.Z.
sérieD, Troisièmeaddendumau no2,p. 90.)
M.Fromageota expliquéen cestermesla substance de la nouvellefor-

mulation :
«en disant que l'exception doit être présentéaeu plus tard dans le
délai fixépour le dépôtdu contre-mémoire,on indiqueque la partie
intéresséepeut souleverl'exception aussitôtqu'ellele désire»(ibid.,
p. 89).

Sur la base des discussions qui eurent lieuà ce sujet, un texte revisédu
paragraphe 1de l'article38aalorsété adoptéentantqueparagraphe 1de
l'article62du Règlementde la Cour de 1936,ainsirédigé :
«Toute exception préliminaire doit être présentéaeu plus tard
avant l'expiration du délai fixépour la premièrepiècede la procé-

dure écriteà déposerpar la partie soulevant l'exception.» (C.P.J.I.
sérieD no1,3eéd.,p. 49.)
Ladispositioncorrespondante duparagraphe 1del'article62du Règle-
ment de 1946estla suivante :

«Toute exception préliminaire doit être présentéaeu plus tard
avant l'expiration du délaifixépour la première piècede la procé-
dure écriteà déposerpar la partie soulevantl'exception.»
Sur le fond, le texte de 1946ne peut être utilement distingude celui de
1936.Dans cesconditions,puisqu'il estclairque lelibelléde 1936visait à

permettre au défendeurdeprésenterune exceptionavantle dépôtdumé-
moire, on peut penser que le texte de 1946,qui est demeuré en vigueur
jusqu'en 1972,procédaitde la mêmeintention. Now,whatwasthe changemade in 1972?Article 67,paragraph 1,ofthe
revised 1972 Rules ran :

"Any objection by the respondent to thejurisdiction ofthe Court
orto the admissibilityofthe application, or other objection the deci-
sionupon which is requested before any further proceedings on the
merits, shall be made in writing within the time-limit fixed for the
delivery of the Counter-Memorial. Any such objection made by a
party other than the respondent shall be filed within the time-limit
fixed forthe deliveryofthat party's first pleading."

Thisprovisionhas been continued as Article 79,paragraph 1,ofthe 1978
Rules.
Under the 1972formulation, the words "within the time-limit fixed
for the delivery of the Counter-Memorial" replaced the previous words
"before the expiryofthe time-limitfixed forthe deliveryofitsfirstplead-
ing", but, so far as a respondent is concerned,it is not very clearthat any

material change in meaning was intended. It may conceivablybe argued
that,under the new formulation,the word "within" impliedly,if elliptic-
ally, confined the filing of the objection to the period commencingwith
the filing of the Memorial and ending with the terminal date fixed for
filingthe Counter-Memorial. That the words "within the time-limit"may
not however be a reliable basis to support the kind of double limitation
involvedinwords such as"withinthe period" issuggestedbythe factthat
in the case of Article 38ofthe 1926 Rules it wasjudged necessaryforthe
words "within the time fixed for the filing of the Counter-Case" to be
coupled with and preceded by the words "after the filing of the Case by
the Applicant and ...".In effect,whereas the 1926provision prescribed
two distinct time-limits - an opening and a closing one - the existing
provisionprescribes only a closinglimit.

There is much then to support an argument that, on the face of the
Rules,arespondent has had a continuousrightfrom 1936tothepresentto
file a preliminary objection evenbefore the Memorial is filed. In consid-
ering whether a different practice has developed it is right to remember
thatthe 1936changewasmadeinthe lightofexperience ofthe workingof
the 1926Rule and was presumably intended to protect the right of a
respondent to employ a preliminary objection (as it was to be later said)
"to avoid not merelya decision on,but evenanydiscussion ofthe merits"
(Barcelona Traction, Light and Power Company,Limited, Preliminaly
Objections,Judgment, I.C.J. Reports 1964,p. 44. And see the Panevezys-
SaldutiskisRailwaycase, P.C.I.J.,SeriesA/B, No. 76,p. 24,per Judges De

Visscher and Rostworowski). A respondent may also have a legitimate Quellesfurentlesmodifications apportéesen1972?Leparagraphe 1de
l'article67du Règlement revisé de 1972était ainsilibellé

«Toute exception àla compétencede laCour ou à la recevabilité
de la requête outoute autre exception sur laquelle le défendeur de-
mande une décisionavant quela procéduresur lefond sepoursuive
doit être présentépear écrit,dans le délaifixé pour le dépôtdu
contre-mémoire.Toute exceptionsoulevéepar une partie autre que
le défendeurdoit êtredéposée dans le délaifixépourle dépôtde la
premièrepièceécritede cettepartie. »

Cettedisposition estdevenueleparagraphe 1del'article79du Règlement
de 1978.
Dans le texte de 1972,les mots «dans le délai fixépour le dépôt du
contre-mémoire»remplaçaient lesmots «avantl'expiration du délaifixé

pour lapremièrepiècede la procédure écrite àdéposerpar la partie sou-
levant l'exception»;mais, en ce qui concerne le défendeur,il n'est pas
vraiment certain qu'on ait voulu modifier sensiblement le sens de la dis-
position. On pourrait soutenir que, dans la nouvelle formulation, le mot
«dans »confinait implicitement,bien que de façonelliptique,la présenta-
tion de l'exceptionà la périodecommençant avec le dépôtdu mémoire
et prenant fin à la date limite fixéepour le dépôt du contre-mémoire.
Mais l'idéeque l'expression«dans le délai»n'estpeut-être pasune base
suffisante pour étayerlathèsed'unedouble limitedu type de cellequ'im-
pliquerait une formule comme «pendant la période » semble découler
du fait que, dans le cas de l'article 38 du Règlementde 1926,on avait
jugénécessairede compléterl'expression«dans le délai fixé pour la pré-
sentation du contre-mémoire» et de la faire précéderde la formule
«après la présentationdu mémoirede la partie-demanderesse et ..» En

effet, alors que la disposition de 1926prescrivait deux limites de temps,
en fixant le débutet la fin du délai, la clause actuellementen vigueur
n'enfixe que la fin.

LA PRATIQUEDE LA COUR

Dèslors, on peut fort bien soutenir que, eu égardau libellédu Règle-

ment, le défendeurn'a jamais cesséd'avoir, depuis 1936jusqu'à mainte-
nant, le droit d'introduire une exception préliminaire mêmeavant le
dépôtdumémoire.Lorsqu'on examinesiune pratique différentes'estins-
tituée,il faut se rappeler que la modification de 1936a tenu compte de
l'expérience concrètede l'application du Règlementde 1926et qu'elle
visait probablement à protégerle droit du défendeurde recourir à une
exception préliminaire à l'effet (comme on devait le dire plus tard)
((d'éviteron seulementune décisionmaisaussitoute discussion dufond»
(BarcelonaTraction,LightandPowerCompany,Limited,exceptionsprélimi-
naires,arrêt, C.I.J.ecueil1964,p. 44.Voiraussil'opinion individuellede
MM. De Visscheret Rostworowskidans l'affairedu Chemindefer Pane- 150 AERIAL INCIDENT OF 3 VI188(SEP .P.SHAHABUDDEEN)

interest in acting with maximum speed with a view to discouraging any
contention that a prorogated jurisdiction has impliedly arisen through
failure toprotest with reasonable promptitude. On the other hand, it is
possible that the Court tended in practice to revert to the earlier view
that, as Judge Anzilotti had warned, there could be difficulty in enter-
taining a preliminary objection without the benefit of considering it in
the lightofthe merits ofthe applicant's caseastheymightlater appearin
the Memorial.
Two groups of cases may be considered, namely, those in which the
respondent did not appear, and those inwhichthe respondent didappear.
As to the first group of cases, the non-appearance of the respondent

meant, of course,that a preliminary objection could not be filed. It isthe
position, however,that in these cases preliminary issues of a kind which
could have been raised on such an objection wereheard and determined
withoutany Memorialhavingbeeninfactfiled (seethe FisheriesJurisdic-
tioncase,I.C.J.Reports1972,p.182,and I.C.J.Reports1973,pp. 3and 93 ;
the AegeanSea ContinentalShelfcase, I.C.J.Reports1976,pp. 13-14and
43, and I.C.J. Reports1978,p. 45; and the NuclearTests (Australiav.
France)case, I.C.J.Reports1973,p. 106). A similar course seemsto have
been followed in the case concerning Militaïy andParamilitaïy Activities
in and against Nicaragua (Nicaragua v. United States of America)
(I.C.J.Reports 1984,pp. 187and 209, and I.C.J. Reports1985,p. 3) but

there also,although the respondent did appear, it was clearthat a forma1
preliminaryobjection had not been filed (seethe United States Counter-
Memorial onjurisdiction and admissibility,17August 1984,para. 2).

An argument that these cases - and particularly the last-mentioned -
involvedpreliminaryobjections in substancethough not inform isattrac-
tive.Theapproach whichtheytakepoints plausiblyin the direction ofthe
respondent's position in this case. But not perhaps conclusivelyso; for,
although it may appear technical to distinguish between a preliminary
objection filed assuch and apreliminary issuein the nature of a prelimi-
nary objectionbut not raised as apreliminaryobjection, the distinction is

not an arid technicality:something of substance turns - and turns deci-
sively- onit,intheimportant sensethatthe raisingofapreliminaryissue
doesnot operate tosuspend the proceedingsunlessit isspecificallyraised
as a preliminary objection under Article 79,paragraph 1,ofthe Rules of
Court.

The innovative character of the approach taken in the first group
of cases in relation to the Rules, the operation of which they effectively
qualified, did not pass unchallenged (seethe FisheriesJurisdictioncases,
I.C.J.Reports1972,pp. 184and 191).But,granted the competence ofthe

Court through anewpracticesoto qualifytheoperation ofthe Rules,itby
the sametoken followsthat the Court was equallycompetent by itsprac-
ticeto qualifythe operation ofthe Rulesin relation tothe timeforfilingavezys-Saldutiskis,C.P.J.I.sérieA/B no76,p. 24).Le défendeurpeut aussi
avoirun intérêltégitimeàagiraveccélérité pour couper court àtout argu-
ment selon lequel l'absence de prompte contestation a eu implicitement
pour effet de proroger la compétence.En revanche, il est possible que la
Cour aiteutendanceenpratique àreveniraupoint devueprécédent selon
lequel,comme l'avaitsignaléM. Anzilotti,il pourrait être difficiled'exa-

minerune exceptionpréliminaire sansconnaîtrelesmoyensque lerequé-
rant pourrait ensuitefaire valoir dans son mémoiresur le fond.
On peut envisagerdeux catégoriesd'affaires :celles dans lesquellesle
défendeurn'apas comparu et cellesdans lesquellesil a comparu.
Pour cequi estde la première catégorie,la non-comparution du défen-
deur signifiaitévidemmentqu'aucune exceptionpréliminaire ne pouvait
être présentée. Néanmoin ilsse trouve que, dans ces affaires, des ques-
tionspréliminairesdutype decellesquiauraientpu êtresoulevéespar une
telle exception ont étédébattues et tranchéessans qu'un mémoire ait été
effectivementdéposé(voirl'affairede la Compétence enmatièredepêche-
ries, C.I.J.Recueil1972,p. 182, et C.I.J.Recueil1973,p. 3 et 93; l'affaire
du Plateaucontinentalde la mer Egée,C.I.J.Recueil1976,p. 13-14et 43,
et C.I.J.Recueil1978,p. 45; et l'affaire des Essais nucléaires (Australie

c.France),C.I.J.Recueil 1973,p. 106).11semblequ'ilen soitalléde même
dans l'affaire des Activités militaireset paramilitairesau Nicaraguaet
contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unisdymérique),C.I.J.Recueil1984,
p. 187et 209,et C.I.J.Recueil1985,p. 3),mais là aussi,bien que le défen-
deur ait comparu, il est clair qu'aucune exception préliminaire formelle
n'aétédéposé (eoirlecontre-mémoiredes Etats-Unissurla compétence
etla recevabilité,17août 1984,par. 2).
L'argument selonlequelcesaffaires - etplus particulièrement la der-
nière - impliquaient desexceptionspréliminaires - ensubstance,sinon
formellement - estséduisant. A enjuger par lamanièredont ellesont été
traitées,ellesvontvraisemblablementdans le sens de la position adoptée
par le défendeur en l'espèce. Mais peut-êtrp eas de manièreconcluante;
eneffet,bienqu'une distinctionentreune exceptionpréliminairedéposée

entant quetelle etune question préliminaireayant le caractèred'une ex-
ception préliminairemais non présentée comme exception préliminaire
puisse sembler technique, cette distinction n'est pas une argutie tech-
nique :elleestliée - etbien liée - àquelquechosed'important, àsavoir
que le fait de soulever une question préliminairen'a pour effet de sus-
pendre la procédureque si cettequestion est spécifiquementsoulevée en
tant qu'exception préliminaireau sens du paragraphe 1de l'article79du
Règlement.
Le caractère nouveaude la conception adoptéedansla première caté-
gorie d'affairesparrapport au Règlement,dont cesaffaires ont effective-
ment infléchi l'application,n'est pas passé sans discussion(voir les af-
faires de la Compétence enmatièredepêcheriesC ,.I.J.Recueil1972,p. 184

et 191).Mais, étant entenduque la Cour a compétence,par lebiais d'une
nouvellepratique, pour infléchirde la sorte l'application du Règlement,
elleétaittout aussicompétentepour infléchirpar sapratique l'applicationpreliminary objection where there was in fact one. And, it seemsto me,
that this is what the Court did.

Thesecondgroup ofcasessuggeststhat anapproach differentfrom that

taken in the first group is adopted where the respondent appears and
seeksto filea preliminaryobjection. Somedifficulty does existin respect
ofthe MonetaïyGoldcase(I.C.J.Reports1953,pp. 37and 44), inwhichthe
applicant was allowed to file a preliminary objection before the filing
of the Memorial. The special circumstances of the case led the Court
expresslyto record that its decision did not prejudgethe question of the
interpretation and application of Article 62 of the 1946Rules of Court.
But,that apart, it seemsto me that Italy'spreliminaryobjection was cor-
rectly filed within the terms of that provision,this being so worded asto
require "a party" to file itspreliminaryobjectionbeforethe expiryof the
time-limit fixed for the delivery of its "first pleading".Since the Court
held that an applicant (as Italywas)could alsomake apreliminaryobjec-
tion (I.C.J.Reports1954,p. 29),that provision effectivelymeantthat Italy,
as "a party", not only couldfile,but had to file,itspreliminaryobjection
before filing its Memorial or "first pleading" :it simply could not do so
afterthe filing ofthe Memorial. In the caseof an applicant,thisindeed is
still the position under the second sentence of the existing provisions of
Article 79,paragraph 1,ofthe 1978 Rules.In the case of a respondent,in

terms ofthe 1946provision,the firstpleading was ofcoursethe Counter-
Memorial. Soarespondent wasrequired then, asitisnow,to fileits preli-
minary objectionbefore filing its Counter-Memorial. But the particular
circumstancesand reasoninginthe Monetaïy Goldcasewould not seema
secure basis for suggestingthat the Court in that case would have been
equallydisposed to countenanceapreliminaryobjection being filed by a
respondent before the filing of the Memorial,as in the case of an appli-
cant.

In the Interhandel case, following on an application for provisional
measures, the respondent filed a documentintituled "Preliminary Objec-
tion of the United States of Arnerica", which expressly stated that it was

"a preliminaryobjection under Article 62ofthe Rules of the Court,
to the proceedings instituted by the Government of Switzerland
in the Interhandel case by its application of October 1, 1957,in so
far as that application relates to the sale or other disposition of the
shares ..." (I.C.J. Pleadings,p.77).

Thus,the document wasbyway ofpreliminaryobjection to the caseitself,
even though limited to one branch - a limitation which, in my under-
standing, was not defeasive of the character of the document as such andu Règlementen ce qui concerne le moment où devait être déposéu ene
exceptionpréliminairelorsqu'ilyenavaiteffectivementune. Et,àcequ'il
me semble,c'estbien ce que laCour a fait.
Dans lesaffaires de la seconde catégorie,lorsqueledéfendeurcompa-
raît et veut introduire une exception préliminaire,il semble que la dé-
marche adoptéesoit différentede celle qui a été suivie pour la première

catégorie.L'affairede l'Ormonétaire(C.1.JR . ecueil1953,p. 37et44, dans
laquelle le demandeur a été autorisé àsoulever une exception prélimi-
naire avant le dépôt dumémoire, soulève quelques difficultésL . es cir-
constances particulières de cette affaire ont conduit la Courà déclarer
expressémentquesa décisionnepréjugeaip tas laquestion del'interpréta-
tion etde l'applicationdel'article62du Règlementde 1946.Mais,hormis
cepoint, il mesembleque l'exception préliminairede l'Italiea étécorrec-
tement introduiteau regard destermes de cettedisposition, dont lelibellé
exigeaitque «la partie »présentesonexceptionpréliminaireavantl'expi-
ration du délaifixépour la ((premièrepiècede laprocédureécrite»àdé-
poser par cettepartie. Comme laCour ajugéqu'unrequérant(cequ'était
l'Italie) pouvait aussi souleverune exception préliminaire(C.I.J. Recueil

1954,p. 29),cette disposition signifiaiteffectivement que l'Italie,entant
que ((partie»,non seulementpouvait, mais devait,présenter son excep-
tion préliminaire avantde déposer son mémoire, autrementdit la <pre-
mière piècede la procédure écrite »:il ne lui étaittout simplement pas
possible de le faire aprèsle dépôtdu mémoire.Dans le cas d'un deman-
deur, telle est d'ailleurs encore la situation aux termes de la deuxième
phrase duparagraphe 1del'article79du Règlementde 1978actuellement
en vigueur. Dans le cas d'un défendeur, selon le libelléde 1946,la pre-
mière piècede la procédure écrite étaitnaturellement le contre-mémoire.
Aussi, un défendeur avait-ill'obligation, alors comme maintenant, d'in-
troduire son exception préliminaire avant le dépôt de son contre-mé-
moire. Maislescirconstancesetl'argumentation particulièresde l'affaire

de l'Ormonétairenesemblentpasoffrirune basesuffisante pour soutenir
que laCour auraitétéégalementdisposé dans cetteaffaire recevoirune
exceptionpréliminaireprésentép ear le défendeur avant ledépôt dumé-
moire,comme dans le cas du requérant.
Dans l'affairede l'lnterhandel,àla suited'une demande en indication
de mesuresconservatoires,le défendeura présenté un document intitulé
«Exceptionpréliminairedes Etats-Unisd'Amérique»qui spécifiaitqu'il
s'agissaitd'une

((exceptionpréliminaire,auxtermesde l'article62du Règlementde
la Cour, dans l'instance introduitepar leGouvernement de la Suisse
en l'affaire de l'lnterhandel, par requêtedule'octobre 1957,pour
autantque cetterequêteserapporte àlaventeou aux autresmesures
de disposition desactions..»(C.I.J.Mémoiresp ,. 77).

Ainsi, le document se présentait commeune exception préliminaireen
l'affaire proprement dite,même sil'exceptionétaitlimitéeàun seulaspect
- limitationqui,à monsens,n'ôtait pas à cedocument soncaractère,qui 152 AERIAL INCIDENT OF 3VI188(SEP .P. SHAHABUDDEEN)

objection.The Court, however,didnot deal withit as suchbut proceeded
in due course to make an Order fixingtime-limitsforfilingthe Memorial
and "the Counter-Memorial or any Preliminary Objections of the Gov-
ernment of the United States of Arnerica" (I.C.J. Reports 1957,p. 123),a
formulation whichpresumablymeantthat, sofaras time-limitswere con-
cerned, the Preliminary Objections should be treated like the Counter-

Memorial and that, accordingly, since the Counter-Memorial naturally
couldnotbefiledbefore the Memorial,this would alsoapply to the filing
of any Preliminary Objections.And, indeed, the Preliminary Objections
were filed after the Memorial (I.C.J. Pleadings, Interhandel, p. 327;
cf.p. 144).For thesereasons,itwouldnotbe convincingto seekto explain
the decision on the ground that the Court simply acted on the basis that
the rule implied that an Order fixing time-limitsmust have been in exis-
tence before a preliminary objection could be filed, irrespective of the
issuewhether ornotitcouldbefiledbeforethe Memorial. Itisnot easyto
appreciate why the making of an Order fixing time-limits for pleadings
should possess such special juridical significance for the question
whether the respondent may file a preliminary objection before the
Memorial is in fact filed, as tolead tothe conclusion that it may do so if
such an Order has been made but may not if none has been.

Nor canthe explanation be found inthefactthatthe preliminary objec-

tion wassoughtto beusedinopposition to the applicationforprovisional
measures. It istrue that Judge Koo said :
"Although the objection was raised by the United States in the
form of a Preliminary Objection, under Article 62 of the Rules
of Court. ..it was,in fact, an objectiondirected againstthe Court's
jurisdiction to indicate provisional measures ..." (I.C.J. Reports
1957,p. 113.)

ButJudge Koo'semphasisonthelatteraspect wasintended tosupport his
view (with which the Court disagreed) that it was necessaryto deal with
the objection attheprovisional measuresstage;itcouldnotreasonablybe
interpreted as indicating that the fact that the objection was sought to be
relied upon by the respondent against the application for provisional
measuresmeant that itwasanythe lessdirectedto apart ofthe applicant's
main application itself: it was so relied upon because it was so directed
(ibid.,p.115,perJudgeKlaestad, and pp. 117-118,perJudge Lauterpacht.)

Itdoes seem more probable that the explanation lay in an unspoken
assumption by the Court that Judge Anzilotti's reasoning, which had
inspired the making of the revoked 1926Rule, had retained enough of
its original wisdom and virtue to be still operative in practice to justify
deferringthe filing of a preliminaryobjectionuntil afterthe filing of the
Memorial. This, 1think, is the approach implied in the observation by
the Courtthat -étaitcelui d'une exception de cet ordre. La Cour ne l'a cependant pas
traitécommetelmaisarendu, lemomentvenu,uneordonnancefixantdes
délaispour le dépôt du mémoireet du «contre-mémoireou, éventuelle-
ment, Idles exceptions préliminaires du Gouvernement des Etats-Unis
d'Amérique »(C.I.J. Recueil1957,p. 123),libelléqui signifiaitvraisembla-
blementque, en ce qui concernait les délais,les exceptionspréliminaires
devaient être traitéescomme le contre-mémoireet que, dans ces condi-
tions, vuquelecontre-mémoirenepouvaitnaturellementpas êtredéposé
avant le mémoire,cette règles'appliquerait aussi au dépôtd'éventuelles
exceptions préliminaires. D'ailleurs, les exceptions préliminaires ont
été déposées aprè ls mémoire(C.I.J. Mémoires,Interhandel, p. 327;
cf, p. 144).C'estpourquoi il ne serait pas convaincant de tenter d'expli-
querque la Cour apris cettedécisionsimplementparce qu'ellea implici-
tement conclu du Règlementqu'une ordonnance fixant des délaisdevait
avoir été renduepour qu'une exception préliminairepuisse être pré-
sentée,indépendamment de la question de savoir si elle pouvait l'être
ou non avant le dépôtdu mémoire.On ne comprend pas bien pourquoi

l'adoption d'une ordonnance fixant des délais pourle dépôtde pièces
écritesaurait une importancejuridique telle, au regard de la question de
savoir si le défendeur peut présenter une exceptionpréliminaireavantle
dépôteffectifdu mémoire,quel'ondoiveconclurequ'ilpeutlefaire siune
telle ordonnance a étérendue maisnondans le cas contraire.
On netrouvenonplusaucuneexplication dans lefaitqu'on acherché à
utiliser l'exceptionpréliminairepour s'opposeràune demandeenindica-
tion de mesures conservatoires.Certes, M. Koo a déclaréce qui suit:

«Quoique cette exception ait étésoulevéepar les Etats-Unis,en
vertu de l'article 62 du Règlementde la Cour, sous la forme d'une
exceptionpréliminaire ..cetteexceptionétait,enfait,dirigéecontre
la compétence de la Cour pour indiquer les mesures conserva-
toires.»(C.I.J. Recueil1957,p. 113.)
Maisl'insistancede M.Koosur cedernieraspect visait a étayersonpoint
devue(désapprouvé par laCour) qu'ilfallaitréglerlaquestionde l'excep-
tion au stade desmesuresconservatoires; on nepouvaitraisonnablement
l'interprétercomme voulant dire que, puisque le défendeur cherchait à

l'invoquer contre la demande en indication de mesures conservatoires,
l'exception n'étaitpas pour autant dirigée contre une partie de la de-
mande principale du demandeur: il l'avaitinvoquée parce que tel était
son but (ibid.,p. 115,opinion individuelle dM. Klaestad, et p. 117-118,
opinion individuelle de sir Hersch Lauterpacht).
Ilsembleplusprobable quela Couraitimplicitement estiméque lerai-
sonnement de M. Anzilotti,qui était à l'originede l'adoption de l'article
du Règlementde 1926abrogépar la suite,était encoreassezconvaincant
et assezjudicieux pour continuer às'appliquer en pratique et pourjusti-
fier le report de la présentation d'une exception préliminaire aprèsle
dépôtdu mémoire.Telleestje crois,l'idéeimpliciteque contientla décla-
ration de la Cour selonlaquelle153 AERIAL INCIDENT OF 3VI188(SEP. OP. SHAHABUDDEEN)

"the examination ofthe contention ofthe Government ofthe United

States requires the application of a different procedure, the pro-
cedure laid down in Article 62of the Rules of Court, and ... if this
contention is maintained, it willa11to be dealt with by the Court in
due coursein accordance with that procedure" (I.C.J. Reports1957,
p. 111).

TheCourt couldnot haveunderstood that the objection wasnotintended
asapreliminaryobjectionfiled under Article62ofthe 1946Rules.Whatit
seemedtobesayingwasthatthe objectioncould onlybedealt withassuch
a preliminary objection "in due course in accordance with [the] pro-
cedure" prescribed by that provision. In taking this position, the Court
seemedto be at one with Prof. Guggenheim whose unrebutted oral argu-
ment for the applicant on this point has been quoted above. That
argument wasnot merelythatjurisdiction didnot havetobedecided with

finality inrder to indicateprovisional measures,but that the reason why
a preliminaryobjectioncould not be heard during such proceedings was
because it could only be heard within the framework of the procedure
relating to preliminary objections,this being understood by him as indi-
cated in his submissions quoted above, that is to Say,as meaning that a
preliminary objection had to be filed after the filing of the Memorial
(I.C.J.Pleadings,Interhandel,pp. 449and 461-462).It seemstomethatthis
presentation found favour with the Court in the passage from its Order
quoted above and was in turn reflected in the coursewhichthe proceed-
ings actually took pursuant to that Order.

Acoursesimilar to that taken inthe Interhandelcasehad been followed
in the Ambatieloscase(I.C.J. Reports1951,p. 11,and I.C.J. Reports1952,
pp. 16and 31)where(asinthis case)whatwasinvolvedwasnot a prelimi-

nary objection as such but a notification of intention to file one (I.C.J.
Pleadings,p. 522). For this reason, in proceeding to fix time-limits for
pleadings the Court referred only to the Memorial and Counter-
Memorial, no mention being made of any possible preliminary objec-
tions.
Whateverthe preciserationale - whether to enable the Court betterto
appreciate the objectionsin the light of the merits, and, or, to afford the
applicant afairopportunity to supplementthrough itsMemorialthe pos-
siblylimited averments of its application before a preliminary objection
was filed with immediatesuspensory effects - it does appear that, in the
case of an appearing respondent, as in the Ambatielosand Interhandel
cases, the Court has in fact proceeded on the basis that a preliminary
objectionbyarespondentshould notbe fileduntilafterthe Memorialhas
been, eventhough,ashasbeen seen,the 1936rulewas designedto permit

of such an objection being filed before the filing of the Memorial (see
Georges Abi-Saab, Les exceptionspréliminairesdans la procédurede la
Courinternationale,1967,p. 214).This was clearly recognized by Judges INCIDENT AÉRIEN DU 3VI188 (OP. INDSHAHABUDDEEN)153

«l'examen du moyen soulevépar le Gouvernement des Etats-Unis
d'Amériqueexigel'emploid'une procédure différentec ,elle qui est
déterminée par l'article62du Règlement, et..si cemoyen estmain-
tenu, celui-ci devra, le moment venu, être examinépar la Cour

conformément à cetteprocédure»(C.Z.J.Recueil1957,p. 111).

La Cour ne pouvait avoir entendu que l'exception n'étaitpas censée
constituer une exceptionpréliminaire déposée en vertu de l'article62du
Règlementde 1946.Ce qu'elle semblait dire, c'est que l'exception pou-
vait seulement être examinéeen tant qu'exception préliminairede ce
genre «le momentvenu, ..conformément à[la]procédure»prescrite par
cettedisposition. En adoptant cetteposition, laCour semblaitêtreen ac-
cordavecM.Guggenheimdontj'aicitéplushaut laplaidoirie non contre-
dite qu'ila faite sur cepoint en faveur du demandeur. Sathèsen'étaitpas
seulement qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur la compétencede façon

définitivepour pouvoir indiquer des mesuresconservatoires,mais que la
raison pour laquellel'exceptionpréliminairenepouvait êtreexaminéa eu
coursdecettephase delaprocédure étaiq t u'ellenepouvait êtreexaminée
que dans le cadre de la procédure relativeaux exceptionspréliminaires,
cette procédure étant, selon lui,celle qu'ilavait décritedans ses conclu-
sionsrappeléesci-dessus,c'est-à-direcommesignifiantqu'une exception
préliminaire devait être introduiteaprès le dépôt du mémoire(C.Z.J.
MémoiresI,nterhandel,p. 449et461-462). Il mesembleque cettefaçon de
présenterleschosesarecueillil'approbation delaCourdans lepassagede
son ordonnance cité ci-dessuset qu'elles'estmanifestéedans letour que
la procédurea effectivementpris à la suite de cetteordonnance.
Une démarche analogue à celleadoptéedans l'affaire de l'lnterhandel
a été suiviedans l'affaire Ambatielos(C.I.J. Recueil 1951,p.11,et C.I.J.
Recueil 1952,p. 16et 31), où (comme en la présente espèce)il s'agissait

non d'une exceptionpréliminaireproprement dite,maisde la notification
de l'intentiond'enintroduire une (C.1.JMémoiresp,. 522).C'estla raison
pour laquelle,en procédant àla fixation de délaispour ledépôtde pièces
de procédure, laCour n'a parléque du mémoire etdu contre-mémoire,
sans qu'ilsoitfait mention d'exceptions préliminaireséventuelles.
Quel quefût au juste le motif de la décision permettre à la Cour de
mieux apprécierles exceptions en ayant pris connaissance du fond ou
offrir au demandeur une juste occasion de compléterpar son mémoire
l'exposé des faits peut-être limité qui figuraidtans sa requête, avant
l'introduction d'une exception préliminaire quiaurait un effet suspensif
immédiat,ou lesdeux motifs àla fois -, il apparaît nettementque, dans
les cas où, comme dans l'affaire Ambatieloset celle de l'lnterhandel, le
défendeurs'estprésenté,la Coura effectivementconsidéréqu'une excep-

tion préliminaire soulevéepar un défendeur ne doit être introduite
qu'aprèsledépôtdu mémoiremême si, commo en l'avu,l'articlepertinent
du Règlementde 1936était conçupour permettre d'introduireune excep-
tion de ce genre avant le dépôtdu mémoire(voirGeorges Abi-Saab, Lesexceptionspréliminairedsanslaprocédurede la Cour internationale,1967,
p. 214).Cela a été clairement reconnuparMM. Bengzon et Jiménez de
Aréchagadans leur opinion dissidentecommune en l'affairerelative àla
Compétenceen matière de pêcheries(Royaume-Uni c. Islande), dans
laquelle, faisant une distinction entre les exceptions soulevées avantle
dépôt dumémoire et cellesqui le sont après,ilsont décla:é

«Ilyacependantentre cesdeuxcommunicationsd'importantesdif-
férences,enparticulierquant aumomentdeleurprésentation,desorte
qu'ànotre sensil estimpossibled'attribuerla lettredu ministre des
affaires étrangèrd'Islande la valeur d'une exception préliminaire.
Uneexceptionpréliminairdeoit êtrdéposée danlse délaif*é pour le
contre-mémoirce,est-à-direaprèlsaprésentatidumémoire etnonpas
avant:c'estseulementcemomentqu'ellepeue tntraînerl'effetsuspensif
prévu à l'article62,paragraphe3,duRèglement. inon,undéfendeurse-
rait en mesuredeparalyserla procédureavant le dépôtdumémoire.»
(C.Z.J. ecueil1972,p. 185,lesitaliquessont demoi;voiraussil'affaire
relative la Compétence en matièredepêcheries (Républif qudeérale
düllemagne c.Islande),C.I.J.Recueil1972,p. 192.)

Bien qu'elle figure dans une opinion dissidente, cette déclaration non
contredite n'en apas moins fait autoritéentant que reconnaissance de la
pratique effectivede la Cour.
Ni l'une ni l'autre des Parties n'acitéaucune affaire tranchéepar la
Cour actuelle, dans laquelle le défendeur ait autoriséà déposerune
exception préliminairede plein droit avant le dépôt dumémoiredu de-
mandeur: cela a été faitdans un cas, mais sur la base du consentement

mutueldesparties,l'ordonnance delaCour indiquant expressémentdans
sesconsidérants que«les Parties sont d'accord pour que lesquestions de
compétenceet de recevabilitésoienttraitées un stade préliminairede la
procédure» (Actions armées frontalières et transfrontalières (Nicaragua
c.Honduras),C.I.J.Recueil1986,p. 552;voir aussi C.I.J.Recueil1989,p.6).
Le fait que la Cour ait jugébon de consigner cette circonstance dans le
texte mêmede son ordonnance donne à penser qu'elle ne la tenait pas
pour un simplearrangement entre lesParties,dépourvude la valeurjuri-
dique qui s'attacheà l'accord visépar l'article 101du Règlementde la
Cour. A cepropos, danslalettreen date du 26septembre 1989adresséeau
Présidentde la Courpar l'agentdes Etats-Unis, il estdit:

«LesEtats-Unisreconnaissent quejusqu'à présentla Cour n'aja-
mais, sans l'accord du demandeur, examiné d'exceptions prélimi-
naires avant le dépôtdu mémoire maisrien, dans la pratique de la
Cour, ne s'opposeà l'interprétation que les Etats-Unisdonnent de
l'article79[duRèglement]. D

Il me semble que le membre de phrase concessif qui ouvre cet énoncé
concorde avec ce qui peut être considéré commuene pratique générale-
mentadmise,pratique suivantlaquelle,sansexclurelapossibilitépour un
défendeurde présenterune exceptionpréliminaireavant ledépôtdu mé- 155 AERIALINCIDENT OF 3 VI188(SEP .P. SHAHABUDDEEN)

would not entertain it if so filed but would proceed on the basis that it
should be filed after the filing of the Memorial (see, generally, Shabtai
Rosenne, île Law and Practiceof the International Court, 1965,Vol. 1,
p.451 ;alsobyhim, ProcedureintheInternationalCourt:A Commentaryon
the1978RulesoftheInternationalCourt ofJustice,1983,pp. 161and 163;

and Geneviève Guyomar, Commentairedu Règlementde la Cour inter-
nationaledeJustice,1983,p. 508).
Perhaps 1 should add that, the decisions of the Court not being as
numerous as in the case of national courts, the fact that the practice
referred to is demonstrated by not very many cases does not necessarily
tellagainstitsexistence.Apoint ofgreaterimportance isthat presented by
Judge Schwebel'sable and careful arguments - which 1do respect - to
the effectthatthe specificissueas to whetherapreliminaryobjection may
be filedbefore the filingofthe Memorialhasnot heretoforebeen the sub-
ject ofdirectcontestbeforetheCourt. But,whilethismaygotothe weight
ofthe decisionsin question,it does not, in myview,neutralizetheir value

asindicativeofthe actualcourse ofthe Court's practice :apractice seldom
originates in a reasoned decision given after contest on the particular
point. Moreover, assoughtto be shownabove,it doesseemto betheposi-
tion that in the Interhandelcase the Court had in mind the practicexpli-
citlymentioned inthe submissionsof Prof.Guggenheimto the effectthat
a preliminaryobjection wasto be filed onlyafter the filing ofthe Memo-
rial.Whileitispossibleto interpret the caseindifferentways,thehard fact
which stubbornly remains is that, in that case, a document which was
indubitably in the form of a preliminary objection purporting to be filed
as such under the applicable mle, but whichwas filed before the filing of
the Memorial, was not entertained as such by the Court, which left it to

the respondent to file a fresh preliminary objection after the filing of the
Memorial.

THEEFFECT OF THE 1972RULES ON THE PRACTICE OF THE COURT

Thequestion ariseswhetherthispracticeshould be regarded ashaving
been abolished by the 1972 Rules.Twoprovisions ofthese Rules suggest
themselves for consideration, namely, paragraphs 6 and 7 of Article 67
(corresponding to paragraphs 6 and 7 of Article 79 of the 1978Rules).
Theyread as follows :

"6. In order to enablethe Courtto determineitsjurisdiction at the
preliminarystage ofthe proceedings,theCourt, whenever necessary,
may request the parties to argue al1questions of lawand fact, andto
adduce al1evidence,whichbear on the issue.
7. Afterhearing the parties, the Court shall giveitsdecisioninthe
form of a judgment, by which it shall either uphold the objection,
rejectit, oreclarethatthe objection does not possess,inthe circum-moire,la Cour, normalement,n'examinerait pasune exceptiondéposée à
ce stade, mais considérerait qu'elle doit être introaprèsle dépôt du
mémoire (voir,en général, Shabtai Rosenne, TheLaw and Practice of the
InternationalCourt,1965,vol. 1,p. 45;du mêmeauteur, Procedureinthe
InternationalCourt:A Commentaryonthe1978Rulesofthe International
CourtofJustice,1983,p. 161et 163;voiraussi GenevièveGuyomar, Com-
mentairedu Règlementde la Cour internationalede Justice,1983,p. 508).
Peut-être devrais-je ajouterque les décisionsde la Cour n'étantpas

aussinombreuses que cellesdesjuridictions nationales,lefait quela pra-
tique en question est démontréepar un nombre de cas qui n'est pas très
élevéne témoignepas nécessairementcontre son existence.Un point qui
présente davantaged'importanceest celuique M.Schwebela fort bien et
fort soigneusement développédans son argumentation - que je res-
pecte - suivantlaquelle la question spécifiquede savoirsiune exception
préliminairepeut êtresoulevéeavan ltdépôtdu mémoiren'ajusqu'à pré-
sentDasfaitdirectement I'obietd'undébatcontradictoire devantla Cour.
cet& constatation peut donner du poids aux décisionsen question,mais
celles-cin'ensontpas moins, à mon avis,révélatricesde la véritableten-
dance delapratique de laCour :ilestrarequ'une pratique tiresonorigine

d'une décisionmûrementréfléchie,rendue aprè usn débatsurla question
dont ils'agit.Deplus,commej'aicherché à lemontrerplushaut, ilsemble
bien que, dans l'affairede'lnterhandel,la Couraiteu en vue la pratique
explicitementmentionnéedans lesconclusionsexposéespar M. Guggen-
heim, selon lesquellesune exceptionpréliminairene devait être soulevée
qu'aprèsledépôtdumémoire.Bienqu'onpuisseinterpréterleschosesde
différentesmanières,le fait demeure, incontournable, que, dans cetteaf-
faire, un document revêtant indubitablementla forme d'une exception
préliminaire, destiné être déposé etnant que tel suivant la règleappli-
cable, mais qui avait été présenté avalet dépôt dumémoire,n'a pas été
considéré comme une exception préliminairepar la Cour, si bien que le
défendeur a introduitune nouvelleexceptionpréliminaire après ledépôt

du mémoire.

L'EFFE TU WGLEMEN DET1972 SUR LAPRATIQUE DELA COUR
On peut sedemander s'ilfaut considérerque cettepratique a étéabolie
par leRèglementde 1972.Deuxdispositions decetexte,lesparagraphes 6

et7del'article67(quicorrespondent auxparagraphes 6et7 del'article79
du Règlementde 1978),invitent à laréflexion. Ellessontrédigéedans les
termes suivants:
«6. Pour permettre àla Cour de seprononcer sursa compétence
au stade préliminairede la procédure, laCour peut, le cas échéant,

inviter les partiàdébattretouspoints de fait et de droit, et àpro-
duiretous moyens de preuve,qui ont trait la question.
7. La Cour, aprèsavoir entendu les parties, statue dans un arrêt
par lequel elle retient l'exception,la rejette ou déclare que cetteex-
ception n'apas danslescirconstances del'espèceun caractèrexclu- stancesofthe case,an exclusivelypreliminarycharacter. IftheCourt
rejectsthe objectionordeclaresthat itdoesnot possessanexclusively
preliminarycharacter,itshallfix time-limitsforthe further proceed-
ings."

As to paragraph 6, in my opinion, the reference therein to jurisdic-
tion being determined "at the preliminary stage of the proceedings" is
not synonymous with a determination being made before the filing of
the Memorial. The "preliminary stage of the proceedings" was a well-
understood concept which was used simply in opposition to the "merits
stage".Itwasnotconfined tothe periodbeforethefiling ofthe Memorial.
On the contrary, in the case of a preliminary objection by a respondent
the preliminary stage always extended into the period after the filing of
the Memorial. Nothing in Article 67, paragraph 6, of the 1972Rules

operated to changethisunderstanding.
As to paragraph 7of Article67ofthe 1972Rules,the objectherewasto
ensure that preliminaryobjections were determined as far as practicable
beforethe hearing onthemerits and notjoined tothe latterunnecessarily.
This had nothing to do with the particular stage at which a preliminary
objectioncouldbefiled.Thefactthat apreliminaryobjection isfiledafter
the filing of the Memorialshould not necessarily lead to its beingjoined
to the merits. The 1972changes did place a proper emphasis on early
determination of preliminary objections,but the focus was on not un-
necessarily deferring them to the hearing on the merits.

The letter to the President of the Court from the Agent for the United
StatesofAmerica dated 26September 1989invited attentionto a learned
articlebyaformerPresident ofthe Court,the relevantpart ofwhichreads
as follows:

"(a) Time-limiftorfiling apreliminary objection:With a viewto the
acceleration of proceedings and to avoid unnecessary delays it has
been suggested that a party should file a preliminary objection as
soonas it receivesthe Application or a short time after receivingthe
Memorial. While these proposals have an objective that coincides
with the main approach followedinthe amendments to the Rules of
Procedure, they could not be adopted since they might affect the
right ofdefenseofthe Respondent. As tothefirst suggestion,that the
preliminaryobjectionshouldbefiledassoonasthe Applicationhad
been received,itwasfeltthat a Respondent had aright to waitforthe
full development of the Applicant's case inthe Memorial before
being obligedto file itsobjection.thenvisethe Applicant, who had
had al1the time it wished to draft its Application, would also be

allowed to shape its Memorial so as to try to defeat the objectionit
had already been able to study." (Eduardo Jiménezde Aréchaga,
"The Amendments to the Rules of Procedure of the International
Court of Justice", American Journal of International Law, 1973,
Vol. 67,p. 19.) INCIDENT AÉRIEN DU 3VI188 (OP. IND.SHAHABUDDEEN) 156

sivement préliminaire. Si la Cour rejette l'exception ou déclare
qu'elle n'apas un caractèreexclusivementpréliminaire,ellefixe les
délaispour la suite de la procédure.»

En cequiconcerneleparagraphe 6,ilyestditque laCour doitpouvoir
seprononcer sur sacompétence «au stadepréliminairedelaprocédure H,
cequine veutpas dire, àmon sens,queladécisionestprise avantledépôt
du mémoire.Le «stadepréliminairedelaprocédure»étaitunenotiontrès
claire,employéesimplementpar opposition au«stadedu fond ».Iln'était
pas circonscrit àlapériodeprécédantledépôtdu mémoire.Au contraire,
encasd'exceptionpréliminaireintroduitepar ledéfendeur,cestadepréli-

minaire s'étendait toujours jusqu'à la période postérieure audépôtdu
mémoire. Rienau paragraphe 6 de l'article 67 du Règlementde 1972
n'aeu pour effetde modifier cetteinterprétation.
Quant au paragraphe 7 de l'article 67 du Règlementde 1972,son but
étaitqu'ilsoitstatué surles exceptionspréliminairesautant que possible
avant les débats surle fond et que ces exceptions ne soientpasjointes au
fond sans nécessité. elan'avaitrienàvoiraveclestade où une exception
préliminairepouvaitêtreintroduite.Lefaitqu'une telle exceptionest dé-
poséeaprèsledépôtdumémoirene devaitpas nécessairementconduire à
sajonction au fond. Lesmodifications de 1972accordaientl'importance
voulue àla rapiditéde la décisionsurles exceptionspréliminaires,mais

ellesvisaientsurtoutànepas en retarder inutilement l'examenjusqu'aux
débatssur lefond.
Lalettreque l'agent desEtats-Unisd'AmériqueaadresséeauPrésident
dela Courle 26septembre 1989signalaitun remarquablearticle d'unan-
cien Président dela Cour. Le passage pertinent de cet article est libellé
comme suit :

«a) Délaipour l'introductiond'une exception préliminairea :fin
d'accélérelra procédure etd'éviter desretards inutiles, il a été sug-
géréque l'exception préliminaire soit introduite dès que la partie
concernéea reçula requête,ou peu de temps aprèsqu'ellea reçu le
mémoire.Bienque cespropositionsaientconcordéavecl'objetprin-
cipal des amendements au Règlement, ellesn'ont paspu êtreadop-
tées parcequ'elles auraient risquéde porter atteinte aux droits du
défendeur.En cequiconcerne lapremièresuggestion,selonlaquelle
l'exception préliminairedevraitêtre déposéedès réception dere la-
quête,on a estiméque le défendeur étaiten droit d'attendre que le
demandeur ait pleinement exposé son argumentation dans le mé-

moireavantd'être obligéd'introduire sonexception.Faute dequoile
demandeur, qui a déjà eu tout letemps de rédigersa requête,aurait
aussi la possibilitéde composer son mémoirede façon à tenter de
faire échec à l'exception qu'il aurait eu le loisir d'étudier.))
(Eduardo Jiménezde Aréchaga,((TheAmendments to the Rules of
Procedure of the International Court of Justice,AmericanJoumal
ofIntemationalLaw, 1973,vol. 67,p. 19.)Thisstatement isindeed consistentwith an assumption that a respondent
had a right in lawto filea preliminaryobjectioneitherbefore or after the

filing of the Memorial. But it seems to me that the statement shows
somethingmore :for, if "it was feltthat a Respondent had a right to wait
for the full development of the Applicant's casein the Memorial before
beingobligedto fileitsobjection",this atthe sametimeassumed the exis-
tence of a system under which an applicant was entitled to include in its
Memorialmatters oflawor offactwhich mightturnout to be ofrelevance
to apossiblepreliminaryobjection.Thisin turn seemsconsistentwiththe
conclusion reached above that, while on the face of the Rules a respon-
dent had a right to file its preliminary objection before the filing of the
Memorial,this right had in fact cometo be qualified by a practice under
which, if such an objection was filed before the Memorial, the Court
could in its discretion decline to recognize or treat with it assuch and
direct that it be filed after the Memorial - and this precisely for the
reason that the Memorial might prove pertinent to the objection when

eventually taken. Judge Jiménez deAréchaga'shelpful article does not
seemto go as far as to suggestthat this practice was being abrogated by
the 1972Rules. He gave no hint of any such effectin the passage quoted
above from the joint dissenting opinion in which he participated in the
FisheriesJurisdiction (UnitedKingdom v. Iceland)case (I.C.J. Reports
1972,p. 185).True, that opinion wasbased on the 1946Rules,but it was
deliveredthree months after the 1972 Ruleswere adopted. If any signifi-
cant change had been made on a procedural point to which decisive
importance was clearlyattached by the opinion, he might naturally have
been expected to mention it. As has been seen, he did not. Nor is this
surprising : there was no material difference on the point between the
1946 Rules and the 1972Rules. Other commentators, writing after the
1972changes were made, appear to recognize the continuance of the
practice (see Shabtai Rosenne, Procedurein the InternationalCourt:A
Commentaryonthe1978Rulesof theInternational CourtofJustice,1983,

pp. 161and 163 ;and GenevièveGuyomar, op.cit.,p. 508).As suggested
above, the procedure by consent of parties adopted in the Borderand
TransborderArmed Actions (Nicaragua v. Honduras)case (I.C.J.Reports
1986, p. 551) seemed also to posit its continuance. The United States
statement referred to above can scarcely be construed as pointing to a
different conclusionso far as the actual practice was concerned.

For the reasons given,it maybe contended that the practicereferredto
isnotstrictlyconsistentwith thetermsofthe existing rule,inthe sensethat
ittendsto inhibit arespondent intheexerciseofaseeminglyabsolute right Cetteopinion semblebien confirmerqu'un défendeurestendroit d'intro-
duire une exception préliminaire soit avant, soit après, ledépôtdu mé-
moire. Mais, à mon avis, ellevaplus loin; en effet,si «on a estiméque le
défendeur étaiten droit d'attendre que le demandeur ait pleinement ex-
posé son argumentationdans le mémoireavantd'êtreobligéd'introduire
sonexception »,celasupposeen même tempsl'existenced'un mécanisme
par lequel un requérant peut introduire dans son mémoire des pointsde
droit ou de fait qui pourraient éventuellementse révéler pertinents au
regard d'une exception préliminaire. Celaparaît aussi compatible avec
la conclusion énoncée ci-dessusselon laquelle,si le défendeur ale droit,
conformémentau Règlement, d'introduire son exception préliminaire
avant le dépôt dumémoire,ce droit s'esten fait trouvé tempéré par une

pratique selonlaquelle, siune telleexception estintroduite avant ledépôt
du mémoire,laCour peut, à sadiscrétion,déciderdenepaslareconnaître
oulatraitercommetelle etordonner qu'elle soitdéposéeaprèslemémoire
- et celaprécisémenp t our la raison que le mémoirepourrait se révéler
pertinent auregard del'exceptionaumomentoù elleseraexaminée.Dans
sonprécieux article,M.Jiménezde Aréchagane semblepas allerjusqu'à
suggérerque cettepratique a étéabrogép ear le Règlementde 1972.Il n'a
faitaucune allusion àun teleffetdans lepassageprécité del'opinion dissi-
dente commune dont ilavaitété un desauteurs dans l'affairedela Compé-
tenceenmatièredepêcheries (Royaume-U c.Iislande)(C.I.J.Recueil972,
p. 185).Il estvraiquecetteopinion étaitfondéesurle Règlementde 1946,
mais ellea été donnéetrois mois après l'adoptionde celui de 1972.Siun
changement tant soit peu important avait étéintroduit sur un point de

procédure auquel l'opinion accordait manifestementuneimportance dé-
cisive,iln'aurait naturellementpas manqué d'en faireétat.Ornous avons
vu que cen'estpas le cas. Et celan'arien de surprenant: iln'yavait sur ce
point pas de différenceappréciable entrele Règlementde 1946et celuide
1972.D'autres auteurs,quiont écritaprèsl'introduction deschangements
de 1972dans leRèglement,semblentadmettre quelapratique enquestion
continue (voir Shabtai Rosenne, Procedurein theInternationalCourt:A
Commentaryonthe 1978Rulesof theInternational CourtofJustice,1983,
p. 161et 163,et GenevièveGuyomar, op. cit.,p. 508).Comme on l'a dit
plus haut, la procédurefondée surle consentement des parties qui a été
adoptée dansl'affaire relative à des Actions arméesfrontalières trtans-
frontalières (Nicaraguac. Honduras)(C.I.J.Recueil1986,p. 551)semble
aussi impliquer le maintien de cette pratique. La déclaration susmen-

tionnée des Etats-Unis ne peut guère être interprétée autremen qtue
comme admettant cet étatde choses en ce qui concerne la pratique en
question.

Pour lesraisonsindiquées,onpourrait soutenir quela pratique donton
. a parlén'est pas strictement conforme aux dispositions du Règlement
actuel, car elle tendà entraver l'exercice par un défendeur d'un droitavailableunder the strictterms of the rule to file a preliminary objection
before the filing of the Memorial. But, however arguable that might be,
the possibilityofa differentinterpretation ofthe rule could not be wholly
excluded,and ofcoursethe competenceto interpret the Ruleslaywiththe
Court. It is general experience that forma1rules of procedure - at any

rate where no conflict with an overriding constituent instrument is
involved (a caveat to which 1attach importance in this field) - develop
through the way in which they are interpreted and applied by the court
concerned as evidenced by itspractice.

The real question then is, should this Court at this stage overrule the
interpretation ofArticle79ofthe Rules,whichisimplicitinitspractice,on
the ground that it is erroneous? The Court is not committed to any doc-
trine ofbindingprecedent,but it doesrespectitsownjurisprudence. Con-
sequently,though competent to reverse itsprevious holdings on the law,
the Court isnot expected to exercisethat competence lightlyand without
good reason (Sir Hersch Lauterpacht, TheDevelopmentof International
Law bytheInternational Court,1958,p. 19).It maybetoo generala wayof

puttingtheposition merelyto Saythatthe Court should actcautiously.But
what then should be the criteria guiding the prudence of the Court in a
procedural matter of this kind? In the absence of any clear guidelines
havingbeen adopted bythe Court, itseemsto methat, in a caseofthis par-
ticular kind, it would be reasonable for the Court to apply something
corresponding to the twin tests of clear error and public mischief as
known to theupper levelsofjudicial activityin manyjurisdictions. There
should, 1think, be clearerror inthe sensethatthe Court mustbe satisfied
that the opposing arguments are not barely persuasive but are conclu-
sivelydemonstrative of manifest error in a previous holding. And there
should be public mischief, or something akin to it, in the sense that the
injustice created by maintaining a previous but erroneous holding must
decisively outweigh the injustice created by disturbing settled expecta-
tions based on the assumption of its continuance; mere marginal superi-
ority of a new ruling should not suffice.

In this case, it could plausibly be argued that the test of clear error is
satisfied.1am not however convinced that the test of public mischief is
met. Under the strict terms of Article 79, paragraph 1, of the Rules of
Court, a respondent would be entitled as of right to file a preliminary
objection before the disclosure of the merits of the applicant's claim
through its Memorial. And that is a right not to be underestimated. But
that right has to be balanced againstpossibly substantial injusticewhich
an applicant mightsufferifitscaseweredismissedon apreliminaryobjec-
tion before it had the opportunity, through its Memorial, of developing
and supplementing its application on points of possible deficiency pur-
suant to arightto do sowhich itnotunreasonablythoughtit had under theapparemment absolu découlant strictement des dispositions du Règle-
ment et qui l'autoriseà introduire une exception préliminaireavant le
dépôt dumémoire.Mais, si cela est très soutenable,la possibilité d'une
interprétation différentede l'article ne peut être totalementexclue, et
bien entendu c'est àla Cour qu'il appartient d'interpréter leRèglement.
L'expérience communeenseigneque lesrèglesdeprocédure - du moins

quand il n'y a pas conflit avec un instrument constitutif supérieur(res-
triction importante à mes yeux dans ce domaine) - évoluent selon
l'interprétation qu'endonne une certaine juridiction et l'application
qu'elleen fait,ainsi qu'entémoignesa pratique.
Ils'agitdonc enfaitde savoirsila Cour, austade actuel,devraitrevenir
sur l'interprétationde l'article 79 du Règlement qui apparaît implicite-
ment dans sa pratique, au motif que cette interprétationest erronée.La
Cour n'est liée paraucune doctrine du précédent obligatoire, maiselle
n'en respecte pas moins sa propre jurisprudence. En conséquence, bien
qu'elle ait compétencepour réformerses prises de position antérieures
sur ledroit, la Cour ne devrait pas exercercettecompétenceaveclégèreté
etsans debonnes raisons (sirHerschLauterpacht, fie DevelopmentofZn-
temationalLawby theInternationalCourt,1958,p. 19).Peut-êtrenepeut-
onpasdire simplement,entermesgénérauxq , uela Cour devraitprocéder
aveccirconspection.Mais par quels critèresla Cour,dans sa sagesse,de-

vrait-elle alors se laisser guider dans une question de procédure de ce
genre?En l'absencede directivesclairesadoptéespar la Cour, il mesem-
blerait raisonnable d'appliquer, dans un casde cegenre,ledouble critère
del'erreur manifesteetdelaperturbationde labonne administration dela
justice (publicmischieflque connaissent bon nombre de hautes instances
judiciaires.Il faudraitàmon avis,qu'ily ait erreur manifeste en ce sens
que la Courdoit être certaineque lesarguments en senscontraire ne sont
pas seulementpersuasifs mais qu'ilsdémontrentde façon déterminante
l'existenced'une erreurévidentedansune prise deposition antérieure.Et
il faudrait aussi que la bonne administration de la justice, ou quelque
chosequi s'yapparente, soit en cause.Autrement dit, il faudraitque l'in-
justice crééepar le maintien d'une prise de position antérieure erronée
soit nettement plus grande que l'injustice crééepar la perturbation des
attentes fondées sur la présomption de son maintien; une simple su-

périorité marginaled'une nouvelledécisionne devraitpas suffire.
En l'espèce,on pourrait fort bien soutenir que lecritèrede l'erreur ma-
nifestes'applique. Maisje ne suispas convaincu qu'ilensoit de même du
critèrede la bonne administration de la justice. A s'entenir strictement
aux dispositions du paragraphe 1de l'article79du Règlement,un défen-
deur seraithabilitéde plein droit introduire une exceptionpréliminaire
avant que les demandes du requérantquant au fond n'aient été révélées
par lavoie du mémoire.Et c'est là un droit qu'ilne fautpas sous-estimer.
Mais il faut bien peser en contrepartie l'injustice peut-êtregrave dont
pourrait êtrevictime un requérant si ses demandes étaient rejetéesen
raison d'une exception préliminaire avantqu'il n'ait eu la possibilité,
grâce à son mémoire,de développeret de compléter sa requête sur desrule asinterpreted and applied bythe Court inthe course ofitsownprac-

tice. Had it not been forthe existenceof the practice, such an applicant's
application mighthavebeenmore fullyframedinthe firstinstance. In my
opinion, the balance when struck speaks with persuasive fairness in
favour ofthe continuance ofthat practice and ofthe correspondinginter-
pretation of the Rules which it portrays. If there is to be a change - and
there may be good reason why there should be - it should be made by
way ofa forma1amendment ofthe Rulesdesignedtotake effectprospec-
tively, and not by way of a decision of the Court retrospectively invali-
dating a practice of its own creation upon which reasonable expecta-
tions have been founded.

Though not withouthesitation - forthe position is not quite tidy and
the logicofdevelopmentnot fullyrevealed - 1reachthe conclusionthat,
whileinprinciple a respondenthas a rightto file itspreliminaryobjection
beforethe applicant's Memorial isfiled and whilein somecasesrecourse
tothat right maybe perfectlyjustifiable, the Court may exercisea discre-
tion both to decline to recognizeor treat with a preliminaryobjectionso

filed and to direct that it be filed after the filing of the Memorial. The
terms and grounds of the proposed preliminary objections not having
been disclosed,there is no apparent basis at this stage for considering a
possibledeparture inthis casefromtheusual wayinwhichitisconsidered
that that discretionshouldbe exercised.In the result,the only courseisto
makean Order fixingtime-limitsforpleadings(includinganypreliminary
objections). Thishas been done, and this 1support. But, for the reasons
given, 1consider that the last recital of the Court's Order lacks interna1
balance in that -

(i) the recital focuses on the entitlement of a respondent to defer the fil-
ing of itspreliminaryobjectionuntil after it has been "informed asto
the nature ofthe claimbythe submissionofa Memorial bythe Appli-
cant" but neglects to balance this by taking account of what, on the
other hand, seemsto be a recognized entitlement of an applicant to
supplement itsapplicationthroughitsMemorial on matters offact or
law which could help to protect it against an eventual preliminary
objection; and
(ii) the recitalocusesontheentitlement ofarespondent to "file itsobjec-

tion earlier"(i.e.,beforethe Memorial),but neglectstobalancethis by
taking account ofwhat, onthe otherhand, seemsto be a discretion of
the Court to decline to recognize or treat with an objection so filed
and to directthat itbefiledafterthefiling oftheMemorial.points éventuellementdéfectueux, en vertud'un droit qu'il croyait non
sans raison tenir du Règlementtel qu'ila étéinterprétéet appliquéparla
Cour dans sa propre pratique. S'il n'yavait pas eu cette pratique, la re-
quêteaurait pu êtreprésentéed'emblée souunse formeplus étoffée.Tout
bien pesé,il semble à mon avisplus équitablede maintenir la pratique et
l'interprétationdu Règlementqu'elle reflète.S'ilfaut changer quelque
chose - etilsepeut qu'ilyait debonnes raisons à cela-, que cesoitpar
la voied'un amendementenbonne et due forme du Règlement,destiné à
prendre effet pour i'avenir, et non pas au moyen d'une décisionpar la-

quelle la Cour invaliderait rétrospectivementune pratique instituéepar
elle-mêmees tur laquelledes attentes raisonnables se sont fondées.

Non sans hésitation - car la position n'est pas toutà fait nette et la

logique deson évolutionn'estpas pleinement dévoilée -, j'en viensà la
conclusion que, si en principe un défendeur a le droitd'introduire son
exception préliminaire avant le dépôt du mémoiredu demandeur et
si dans certains cas l'exercice de ce droit peut se révélerparfaitement
justifié,la Cour peut, a sa guise, soit ne pas reconnaître une exception
préliminaireintroduite à cestade, soit l'examiner etordonner qu'elle soit
introduite après le dépôt dumémoire.La teneur et les fondements des
exceptions préliminairesenvisagéesn'ayant pas été divulguéeisl,n'y a
apparemment pas de raison, au stade actuel de l'affaire, de songer à
rompre avec ce qui est considérécomme l'exercicenormal de cepouvoir
d'appréciation. En définitive, onne peut que rendre une ordonnance
fixant desdélaispour laprocédure écrite (ycompris d'éventuellesexcep-
tions préliminaires).C'estce qu'on a fait, etje suis d'accord surce point.
En revanche, pour les raisons que j'ai indiquées,je considère que le

dernier considérantde l'ordonnance de la Cour manque de cohérenceen
ce que :
i) ilestaxésurledroit du défendeurdedifférerledépôtdesonexception
préliminairejusqu'àce qu'il ait été ((renseigné ..sur la nature de la
demande, grâce à la présentationpar le demandeur d'un mémoire»,
mais omet de nuancer cestermes en prenant en considérationce qui,
d'autre part, paraît êtreun droit reconnu du demandeurde compléter

sa requêtepar sonmémoiresur despoints defait ou de droit qui pour-
raient l'aiderà se prémunir contreune éventuelleexception prélimi-
naire ;et
ii) ilestaxésurledroit du défendeur «de déposersonexceptionplustôt B
(c'est-à-dire avant le mémoire), maisomet de nuancer ces termes en
prenant en considérationce qui, d'autre part, paraît êtreun pouvoir
discrétionnairede la Cour de ne pas reconnaître une exception dépo-
séeplustôt ou del'examineretd'ordonner qu'elle soitintroduiteaprès
ledépôtdumémoire. In sum,the recitalin questionapproaches the procedural situation as if
it weredesigned solelyto conferoptions on arespondent. 1amofopinion
that the procedural régimeactually in force (that is to Say,the Rules of
Courtas wellasthe practice oftheCourt) isboth moreflexibleand more
balanced, and that, in particular, there are rights and expectations of an
applicant which are also to be considered but which the recitaldoes not
take into account.1acceptthat, in law,a respondent has a right to fileits
preliminary objection before the filing of the Memorial. But that is not

the whole picture, and the whole picture is notprojected by the recital in
question.Whencethis resemation to that effect.

(Signed)Mohamed SHAHABUDDEEN. En somme, le considérant en questionaborde la procédure commesi
celle-ciétait destinée exclusiveàeaccorder des possibilitésde choix
au défendeur.Je suis d'avis que le régimeprocédural effectivementen
vigueur(à savoir le Règlementde la Cour ainsi que la pratique de la
Cour) està la fois plus souple et mieux équilibréet qu'en particulier il
existe,pour tout demandeur, des droits et des attentes qui doivent aussi
êtrepris en considération,mais qui ne lesont pas dans ceconsidérant.Je
conviens que, juridiquement, un défendeur a ledroit d'introduire son
exceptionpréliminaire avantledépôt dumémoire.Maistout n'estpas là,
et le considérant en question ne dit pas tout. D'où la réserveque je
formuleàcet égard.

(SignéM ohamed SHAHABUDDEEN.

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Opinion individuelle de M. Shahabuddeen (traduction)

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