Opinion individuelle de M. Schwebel (traduction)

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079-19891213-ORD-01-02-EN
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079-19891213-ORD-01-00-EN
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OPINION INDIVIDUELLE DE M. SCHWEBEL

[Traduction]

J'ai votépour l'ordonnance de la Cour, qui est conforme aux disposi-
tionspertinentes de son Règlement et,je lecrois, àla pratique dominante
relative à l'application de ces dispositions. Toutefois, vu que certains
doutes ont été exprimés àpropos de la concordance du dernier considé-
rant de l'ordonnance avecla pratique de la Cour, il estpeut-êtreutileque
j'indique pourquoi, àmon avis,cettepratique clairseméeet quelque peu
divergenten'esten contradiction ni aveclesensetla teneurdu Règlement
ni aveclesdispositions de la présente ordonnance.
Iln'ya apparemment aucun désaccordau seindelaCourquantau sens
desdispositionsdu Règlement,c'est-à-diredesdispositionsdel'article79.
Leparagraphe 1 de cet article dispos:

«Toute[any]exception à la compétencede la Cour ...sur laquelle
le défendeurdemande une décision avantque la [any] procédure
sur le fond se poursuive doit être présentép ear écritdans le délai
fixépourle dépôt du contre-mémoire ..»(Lesitaliquessont de moi.)

Leparagraphe 3stipule :

«Dèsréceptionpar leGreffedel'acte introductifdel'exception,la
procéduresur le fond est [shall bel suspendue et la Cour ...fixe le
délaidans lequel la partie contre laquelle l'exception est introduite
peut présenterun exposéécrit contenantsesobservations et conclu-
sions...»(Lesitaliques sont de moi.)
Il s'ensuitque, non pas certaines exceptions seulement mais «toute »

(any) - c'est-à-dire((n'importequelle» (nomatter which),«toutes »(all),
«chaque» (eveïy)(Webster'sNewInternational Dictionaty of the English
Language,deuxièmeéditionintégrale1 ,945,p. 121)- exceptionàlacom-
pétencedela Cour soulevéepar ledéfendeur, surlaquelleildemandeune
décisionavantque«la »(anylprocéduresurlefond sepoursuive,doitêtre
traitée conformémentaux stipulationsde l'article79.Par «la »(any)pro-
céduresurlefond, on doitentendre exactement cela :c'est-à-diretout acte
de procédure,qu'il s'agissedu mémoire(si l'exception préliminaireest
introduite avant ledépôtdu mémoire)ou d'actesde procédure ultérieurs,
écritsouoraux.Lesseulesconditions dont cetterègle estassortiesontque
l'exception doit être présentée«par écrit» et «dans le délai fixépour le
dépôtducontre-mémoire ».Ilestclairquelalimiteultimeainsifixéecom-
prend la périodequi va du dépôtde la requêteau dépôt dumémoiredu
requérant sur lefond et celle qui va du dépôt du mémoire à celui ducontre-mémoire. Dès réceptionpar le Greffe d'une exception prélimi-
naire,la procédure surlefond «est »(shallbe) - c'est-à-diredoit êtr-
suspendue; il s'agitd'une dispositionimpérativeàlaquellela Courdonne
automatiquement effet.
Lajustesse de cetteinterprétationdu Règlement estconfirméepar les
références aux travaux préparatoiresportant sur l'article 79, que l'on
trouve dans un article faisant autorité dont M. Jiménezde Aréchaga,
ancien Présidentde la Cour, est l'auteur. Celui-cirapporte que, s'ila été
décidéde ne pas obliger la partie qui souhaite présenterune exception
préliminaire à le faire aussitôt après avoir reçu la requête, parceque
l'«on a estiméque le défendeur avaitledroit d'attendre l'exposé intégral
de l'argumentation du requérantdans le mémoire avant d'être tenu de
déposerson exception»,l'omissiond'unetelleconditionvisait a protéger

«les droits du défendeur)).Par conséquent,si le défendeur décidaitde
présenter son exception préliminaire avantle dépôt du mémoire,une
telleprocédure seraitacceptable,lesinconvénientséventuels de ce choix
étant assuméspar le défendeur(Eduardo Jiménezde Aréchaga, ((The
Arnendments to the Rules of Procedure of the International Court of
Justice»,AmericanJournal ofZnternationalLaw, 1973,vol. 67,p. 19).
De 1922 àl'adoption du Règlementactuellementenvigueur,lepoint de
vuedelaCour surlaquestiondesavoirsiune exceptionpréliminaireéma-
nant du défendeur peut être présentée avaln etdépôt dumémoiredu re-
quérant asubi une évolution quiest bien retracéedans l'opinion indivi-
duelle de M.Shahabuddeen quisuitlaprésenteopinion.Ilestcertain que
les idées,au sein de la Cour, ont fluctué en présencede considérations
opposées.Certains ontestimé,commeM.Anzilottien 1926,que «la Cour
ne doits'occuperdelacompétencequelorsqu'elle connaîtlefondde l'af-

faire..du moinsjusqu'à un certain point »(C.P.J.Z.sérieD,Addendumau
no2, p. 79). En revanche, d'autres ont considéré, commele Greffier de
l'époque, M. Ake Hammarskjold, qui devaitdevenir juge, qu'ilétait

((nécessaireque 1'Etatait la possibilité d'arrêter la procédure avant
toute discussionsurlefond ..[qu'ilfallait]évitertoute inégalitéentre
les parties et que l'égali[pouvait]n'êtrepas assurée sila Cour se
pronon[çait]surla question de compétenceaprèsavoirreçu,de l'une
desparties seulement, un mémoiresur lefond »(ibid.,p.84).

Lord Finlay a pris une position intermédiaire :
«Souvent,1'EtatcitédevantlaCour déclarerasansautreque celle-

ciestincompétenteetrécuseral'obligation que l'adversairea pu voir
dans un traité.Dans ce cas, il importe que la Cour puisse se pro-
noncer d'unefaçon sommaire etrapide sur cettepremièreexception.
Mais,souventaussi,laquestiondecompétenceetlaquestion defond
sont tellement entremêléeq su'il estdifficile,parfois impossible, de
trancher la question de compétence avant d'avoir examiné le fond.
Dèslors,iln'estpas indiquéd'introduiredans leRèglementunerègle inflexible.Il devraplutôt appartenir a la Cour d'exercer sonpouvoir
de discrimination, en se prononçant selon les circonstances de
chaque affaire.»(C.P.J.Z.sérieD,Addendumau no 2, p. 87.)

En 1926,laCour a optépour la thèsede M. Anzilotti;en 1934,comme
M. Shahabuddeen l'expose de façon plus complète, la Cour est reve-
nue sur cette position en permettant qu'une exception préliminaire soit
introduite avant aussi bien qu'après le dépôt dumémoiredu requérant.
Lorsquela Cour, en 1946,a étéreconstituéesouslenom de Cour interna-
tionale de Justice, elle a conservé cette dernièreoption dans son Règle-
ment de 1946et dans le Règlementadoptéen 1972,lequel,en 1978,a été
maintenu sur cepoint dans lelibelléde l'article79qui estceluidu Règle-
ment actuel de la Cour.
Parallèlement,afin semble-t-ildeconcilierlespositionsextrêmesrepré-
sentéespar la thèsede M. Anzilotti etpar celle de M. Hammarskjold, la

Cour a adopté les dispositions qui constituent actuellement les para-
graphes 5et 6de l'article79,ainsi libell:s
«5. Lesexposésdefaitet dedroitcontenusdansles piècesdepro-
cédure mentionnées aux paragraphes2 et 3 du présent article etles
exposésetmoyensdepreuveprésentés pendant lesaudiencesenvisa-
géesau paragraphe4sont limitésauxpoints ayanttrait àl'exception.
6. Pourpermettre a la Cour de seprononcer sur sacompétenceau

stade préliminairede la procédure, laCour peut, le cas échéant, in-
viter lesparties àdébattretouspoints de faitetde droit, eta produire
tous moyens de preuve, quiont trait a la question.»
Parconséquent,danslesécrituresetlesexposésorauxportant surl'excep-
tion préliminaire,lesparties doivent selimitercequia trait a l'exception
et ne pas aborder indûment lefond de l'affaire.En revanche,dans la me-
sureoù ilpeut êtrenécessaire àla Cour, pour seprononcer surune excep-

tionpréliminaire,d'êtrepluscomplètementinformé serdespoints defait
ou de droit concernant lefond du différend (quiautrement devraientêtre
en principe abordés dansle mémoire),la Cour elle-mêmepeut inviterles
partiesà débattre detels points de droit et de fait pour autant qu'ilsont
traitàla question de compétence.

Qu'en est-ilde la pratique suivie par la Cour en application de son
Règlement?Cettepratique tend-elle àmaintenir ou à modifier le sensdu
Règlement?
Bienquevariable,lapratique renforceplus qu'ellen'infirme à monavis
lesdispositions du Règlement.
Dans un certain nombre d'affaires, le défendeur ne s'est pas pré-
sentémais a néanmoins fait connaîtresesobjections à la compétencesur INCIDENT AÉRIEN DU 3VI188 (OP.IND:SCHWEBEL) 139

laquelle s'appuyait le demandeur. Cela signifie que si,du fait de sa non-
participation, le défendeur ne pouvait pas introduire- et n'a effective-
mentpas introduit - une exceptionpréliminaireproprement diteetainsi
qualifiéepar lui, en revanche il a portéàl'attention de laCour sesobjec-
tions à la compétencede celle-ci. Il n'est pas indifférent que,dans ces
affaires, les exceptionspréliminaires qui,si le défendeur s'était présenté,
auraient pu être introduites régulièrementet faire l'objet d'une décision
avant ou après le dépôtdu mémoiredu requérantont étéen substance
uniformémentrégléea svant le dépôt de toutmémoire.Sansêtredécisifs,
ces précédents vontdonc dans le sens plutôt qu'à l'encontre des dispo-

sitions du Règlement.
Ainsi,dans l'affairede laCompétence enmatière depêcheriels ',Islande,
bien que non-comparante, avait présenté des communicationsdans les-
quellesilétait«affirméquelaCour nepeuttrouver dansson Statutaucun
fondement pour l'exercicedesacompétenceenl'affaire »;laCouranéan-
moins indiquédes mesures conservatoires, ce qui ne préjuge en rien la
compétencede la Cour pour connaître du fond du différend».La Cour a
poursuivi : Considérant que,dans cesconditions, il estnécessairede ré-
gler en premier lieu la question de la compétencede la Cour »,et elle a
décidé«que les premières pièces écrites porterontsur la question de la
compétencede laCourpour connaître du différend »(Compétence enma-

tièredepêcherie( sRoyaume-Unic. Islande),ordonnancedu 18août 1972,
C.I.J.Recueil1972,p. 182).LaCour aensuiteexaminélespiècesécrites sur
la compétenceet a conclu qu'elleavait compétencepour connaître de la
requête déposé pear leRoyaume-Uni; cen'estqu'après seulementqu'elle
a fixé des délaispour la procédure écrite surle fond,y compris pour le
dépôt dumémoiredu Royaume-Uni (Compétence enmatièredepêcheries
(Royaume-Uni c. Islande), ordonnancd eu 15février1973, C.I.J.Recueil
1973,p. 94).
Dans l'affaire de laMerEgée,la Turquie ne s'étaitpas présentée mais
avait communiquéàla Cour des observations dans lesquelles elle affir-
mait que celle-ci n'avait pas compétencepour connaître de la requête

grecque. La Cour a répondu à cela qu'ail est nécessairede résoudreen
premier lieula question de lacompétencedela Cour enl'espèce )etellea
décidé que lespiècesécritesporteront d'abord surlaquestiondelacom-
pétencede la Cour pour connaître du différend» (c'est-à-dire que les
piècesécritesne comprendraientpas dans un premier temps le mémoire
de la Grèce)(Plateaucontinentalde la merEgée,mesures conservatoires,
ordonnancedu 11septembre1976,C.I.J.Recueil1976,p. 13-14).La Cour a
ensuite conclu, sans avoir reçu aucun mémoirede la Grècesur le fond,
«qu'ellen'apas compétence»pour connaître de la requête grecque(Pla-
teau continentaldelamerEgée, arrêC t,.I.J.Recueil78,p. 45).
Dans les affaires des Essais nucléairesq,ui ont opposé l'Australie et

la Nouvelle-Zélande àla France, le Gouvernement français a informé la
Cour que celle-ci n'avait manifestement pas compétence enl'espèce»
et il n'a pas été représenté aux audiencsur lesmesuresconservatoires;
laCour a indiqué desmesuresconservatoires;elleaestiméque danscesconditions, il est nécessairede régleraussi rapidement que possible la

question de la compétencede la Cour et celle de la recevabilitéde la
requête » et ellea décidé que«les piècesécritesporterontd'abord sur la
question de la compétencede la Courpour connaître du différendet sur
celledela recevabilitédelarequête »(Essaisnucléaire(sAustraliec.France),
mesuresconservatoires,ordonnance du 22juin 1973,C.Z.J.Recueil1973,
p. 105-106e,t Essais nucléair(s ouvelle-Zélandc.France)m, esures conser-
vatoires,ordonnancedu 22juin 1973,C.Z.J.Recueil1973,p. 142).Là non
plus,la Cour n'apas conclu que,pour qu'elle puisse seprononcer sur ces
questions, il fallait au préalable quele requérant dépose son mémoire
sur le fond.
Enfin, dans l'affaire durocèsdeprisonniersde guerrepakistanais,le
Gouvernement indien a soutenu «qu'il n'existe aucun fondement juri-
dique à lacompétencede laCour enl'espèce»et,sanssefairereprésenter
aux audiences publiques qui ont porté sur la demande pakistanaise en
indication de mesures conservatoires, il a envoyédes communications
dans lesquelles il a ((présentun nouvel exposé motivépour démontrer

l'incompétencede la Cour en l'espèce».Lorsquele Pakistan l'apriéede
différerl'examendesademande enindication demesuresconservatoires,
la Cour a estimé qu'ellen'était pas appeléeàse prononcer sur cette de-
mande,mais ellea concluqu'elle «doitd'abord s'assurerqu'ellea compé-
tence pour connaître du différend ». Elle a donc décidé que«les pièces
écritesporteront d'abord sur la question de la compétencede la Cour »
(c'est-à-dire avant le dépôt de tout mémoiredu réquérantsur le fond)
(Procèsdeprisonniersdeguerrepakistanais, mesuresconservatoires,ordon-
nancedu 13juillet 1973,C.Z.J.Recueil1973,p. 329-330).
Lesaffairesdans lesquellesla question s'estposéeet dans lesquellesle
défendeur était présent sone tlles aussi, pour la plupart, conformes aux
dispositions du Règlement.
Dans l'affairede l'Ormonétaireq ,ui étaitd'une exceptionnellesingula-
rité,la Cour a rendu une ordonnance prévoyantledépôtd'unmémoiredu
requérant - l'Itali- sur lefond. Avantla date fixéepour ledépôtde ce
mémoire,l'Italie a présentéun document intitulé ((Question prélimi- .
naire»,par lequel ellepriait la Cour de statuer «sur la question prélimi-
naire desacompétencepour connaître aufondde lademande »(Ormoné-

taireprisàRomeen1943(questionpréliminaire)a ,rrêtC, .Z.J.Recueil1954,
p.22).Paruneordonnancedu 3novembre 1953,laCour, «sans préjugerla
question del'interprétationetdel'applicationdel'article62[aujourd'hui,
article 791du Règlement»(ibid.,p. 22-23),a suspendu la procéduresur le
fond etfixédesdélais pour ledépôtdepiècesécritessurla questionpréli-
minaire. Les conclusions de l'Italiedevant la Cour ont été exposée«svu
l'article62du RèglementdelaCour»(ibid.,p.23),etellespriaient la Cour
de statuer sur la question préliminairede sa compétenceet de conclure
quelaCourn'était pascompétentp eour statuersurlefond delademande.
Le Royaume-Uni a affirmé, entre autres, que laCour avait compétence.
Dans son arrêt, laCoura relevéque l'Italie,«au lieu de présenterun mé-
moire sur le fond dans le délai qui lui avait été impaiar la Cour àcet INCIDENT AÉRIEN DU 3VI188 (OP.IND. SCHWEBEL) 141

effet..amisendoute la compétencedela Cour»etqu'ellea soulevécette
question «comme une ((question préliminaire» (C.Z.J. Recueil 1954,
p. 26-27).La Cour a notéqu'il est((assurémentinsolite que 1'Etatqui a
introduit unedemande enprésentantune requêteviennecontesterlajuri-
diction de la Couràlaquelle ils'estvolontairementadressé»(ibid.,p.28).
Néanmoins,ellea qualifiél'actionde l'Italiede((véritableexceptionpré-
liminaire» et elle l'a examinée(ibid.,p. 29).Ce faisant, elle a estiméque
l'article62n'interdisaitpas la présentation d'une exceptionpréliminaire

par le requérant. Ce quiest intéressantpour l'affaire qui nous occupe,
c'est que non seulement la Cour a traité cette exception préliminaire
comme telle mais qu'elle a estimé qu'elleavait été présentée en temps
opportun, bien que préalablementau dépôt dumémoiresur lefondpour
lequelun délaiavaitdéjàétfé ixé.Audemeurant, leRèglementactuelpré-
voitexpressémentque,lorsqu'une exceptionpréliminaire estsoulevéepar
une partie autre que le défendeur,elle adoit être déposédeans le délai
fixépour le dépôtde la premièrepiècede procédure émanantde cette
partie)) (art. 79, par.1). Ainsi, on peut considérer que l'affaire de
l'Ormonétairen'éclairp eas vraiment le débat.
Lesautres affaires ne sont qu'un peu plus instructives.
Dans l'affaireAmbatielos,la Grècea déposé unerequête;le Royaume-
Uni a aviséla Cour qu'ilavait l'intention de contester les motifs sur les-

quelslaGrèceprétendait fonderlacompétence delaCour; lePrésidentde
laCour, «aprèsrenseignementspris ..auprèsdesPartiessurlesquestions
de procédure »,a alors impartià la Grèceet au Royaume-Unides délais
pour ledépôtdeleursmémoire etcontre-mémoiresurlefond (Ambatielos,
ordonnancedu 18mai 1951,C.Z.J.Recueil 1951,p. 12). LeRoyaume-Uni
s'abstint de présenter, avantle dépôtdes piècesécritessur le fond, une
exception préliminaire visant à suspendre la procédure au fond; il se
borna à attendre ledépôtdumémoiredelaGrèceet à affirmerau débutde
son contre-mémoireque la Cour n'avait pas compétence en l'affaire
(contre-mémoiredu Royaume-Uni, C.Z.J.Mémoires,Ambatielos(Grèce
c.Royaume-Uni),p. 132, 133-139)A . pparemment, laCour n'a pas été in-
vitéeà déterminersile Royaume-Unipouvait, s'illesouhaitait, présenter
son exception préliminaire avant d'avoirreçu le mémoirede la Grèce;il
sembleplutôt que le Royaume-Uni lui-mêmeait préféré recevoir le mé-

moire de la Grèce avantde répliquer àla fois sur la compétenceet sur le
fond, commeilenavaitledroit. Ainsi,mesemble-t-il,l'affaireAmbatielos
n'incline nidansun sens ni dans l'autre.
Dansl'affairede l'znterhandel,lesEtats-Unisontprésentéun document
succinctintituléExceptionpréliminaire»portantsurun seulélémend te
la requêtede la Suisse,ainsirédig:

«Le Gouvernement des Etats-Unis d'Amérique ..déposepar la
présenteune exception préliminaire, aux termesde l'article 62 du
Règlementde la Cour, dans l'instance introduite par le Gouverne-
ment de la Suisse enl'affairede'lnterhandel,par requêtedu le'octo-
bre 1957,pour autant que cetterequêteserapporte àla venteou aux autres mesures de disposition des actions de la General Aniline and
Film Corporation actuellement détenuespar le Gouvernement des
Etats-Unis. Le Gouvernement des Etats-Unis a décidéque la vente
ou la dispositiondesactions dela sociétéaméricained,ont letitre de
propriétéestdétenupar leGouvernementdesEtats-Unis dansl'exer-
cicede son autoritésouveraine,estune questionqui relèveessentiel-
lement de sa compétencenationale. En conséquence,en application
du paragraphe b)desconditionsattachées à l'acceptationpar cepays
de lajuridiction obligatoire de la Cour en date du 14août 1946,ce
paysrefuserespectueusement,sanspréjudicedetoutes autresexcep-
tions préliminairesqu'ilpourrait soulever,de soumettre àla compé-

tence de la Cour la question de laventeou de la disposition desdites
actions.» (C.I.J. Mémoires,Interhandel (Suissec. Etats-Unis d'Amé-
rique),p. 77.)

La Cour a estimé, s'agissantdu moyen susviséque, s'ilétait maintenu,il
devrait «le moment venu, être examiné par la Cour»conformément àla
procédure fixéepar l'article62 de son Règlement(Interhandel,mesures
conservatoires,ordonnancedu 24octobre1957, C.I.J.Recueil1957,p. 11l),
mais que, dans l'immédiat,elle devait prendre une décision sur la
demande en indication de mesures conservatoires de la Suisse,décision
qui «ne préjuge en rien la questionde la compétencede la Cour pour
connaître au fond de l'affaire» (ibid.).Elle a estiméen l'occurrence que,
puisque la vente des actions de'Interhandelaux Etats-Unis étaitsubor-

donnée àune décisionjudiciairependantedans cepays etqu'aucun délai
n'était fixpour laventede cesactions,iln'yavaitpas lieu d'indiquer des
mesuresconservatoires(ibid.,p. 112). Lemême jour, la Cour a rendu une
autre ordonnancedans laquelleelleafaitréférence àsonordonnance pré-
cédenteetafixé,après s'êtrrenseignéeauprèsdesParties,ladate d'expi-
ration desdélaispour ledépôtdespiècesdelaprocédure écrite, àsavoirle
mémoirede la Suisse et le contre-mémoire des Etats-Unis. En temps
opportun, la Suissea déposéun mémoiresurlefond dans lequelellesou-
tenait, entre autres, que la Cour était compétente etles Etats-Unis ont
déposéun contre-mémoiredans lequel ils se bornaient à affirmer, en se
fondant sur de nombreux moyens,que la Cour n'était pas compétente ou
que la requête était irrecevable(C.I.J. Mémoires,loc. cit., p. 139-141,
303-327).Ainsi,dans cetteaffaire, il estclair que des exceptionsprélimi-
naires ont été présentée est débattues après réceptiondu mémoiredu

requérantsur lefond. Mais ceque cetteaffaire nemontre pas, c'estque la
Cour aconcluquec'était làlecoursnécessairedelaprocédure. Eneffet,le
document d'un seulparagraphe initialement présentépar les Etats-Unis
sous letitre'a Exceptionpréliminaire»visaituniquement à s'opposer à
l'indication de mesures conservatoires,et il n'a tout simplement pas été
traitécommeune exceptionpréliminairepar laCour, quiaestimépouvoir
rejeterpourunautre motiflademandeen indication demesuresconserva-
toires dela Suisse.Apparemment, la Cour a estiméque «laprocédure des
exceptionspréliminairesn'apour effetquede suspendre laprocéduresurle fond, et ne peut être appliquéeà une procédureincidente)) (Shabtai
Rosenne, TheLaw and Practiceof theInternational Court,vol. 1, 1965,
p. 455).Il ne ressort pas du tout clairement de cette succession d'événe-
ments que les Etats-Unisaientjamais soutenu qu'ilsavaientle droit d'in-
troduire une exception préliminaire généraleavanlte dépôt dumémoire
de la Suissesur le fond, ni que la Cour ait rejetéun tel moyen des Etats-
Unis. L'éclairageapportépar cetteaffaire estdonc lui aussi limité.
Plus instructive est l'affaire desivités militairstparamilitairesau
Nicaraguaetcontre celui-ci.u stade desmesuresconservatoires,le Nica-

ragua aaffirméquelaCour étaitcompétente tandis quelesEtats-Unis ont
affirméqu'ellene l'étaitpas. LesEtats-Unis ont égalementallégué que la
requête était irrecevablpeour plus d'un motif,tandis que le Nicaragua a
soutenu le contraire. L'antagonisme entre les Parties sur ces questions
a étéd'une intensité exceptionnelle.La Cour a rejetéà l'unanimité la
demande des Etats-Unis tendant à ce que la requêtedu Nicaragua et sa
demandeenindicationdemesuresconservatoiressoientrayées du rôleE . lle
a indiquécertaines mesures conservatoires,la plupart par un vote una-
nime,maislaplus importanteparun votepartagé.Traitant apparemment
les exceptions soulevéesà titre préliminairepar les Etats-Unis comme
substantiellementconformesaux conditions du Règlement,laCour a dé-
cidé à l'unanimitéque «les pièces écrites porteront d'abordsur la ques-
tion de la compétencede la Cour pour connaître du différend etsur celle

de la recevabilitéde la requête» (Activités militaires et paramilitaireasu
Nicaragua etcontre celui-ciNicaraguac.Etats-Unis d'Amérique),mesures
conservatoires,ordonnancedu 10mai 1984, C.I.J.Recueil1984, p. 187).La
Cour s'estensuite renseignéeauprès des Parties et a rendu une ordon-
nance, le 14mai 1984,fixant les délaispour le dépôt dumémoireet du
contre-mémoire à présenterpar les Parties sur les questions de compé-
tence et de recevabilité,cesdeux documentsdevant être déposésavant la
présentationdetout mémoiresurlefond.Ainsi,laCoura agicommesiles
Etats-Unisavaientprésentéune exceptionpréliminaire; enfait,ellea sus-
pendu la procéduresur le fond et demandéaux Parties d'exposer leurs
moyenssurlacompétenceetlarecevabilité,décision quenil'une nil'autre
desPartiesn'acontestée.Au vudecequiprécède,onnesauraitdirequela
Cour a interprétéle Règlement comme signifiant que le mémoiredu
requérant devait être déposé avaq nte la Cour n'examinelesexceptions

préliminairesdu défendeur;ellesemblemêmeavoiragi sur labase d'une
interprétation contraire.
Enfin, dans lesens,apparemment, d'une sorte d'entente - expresseou
tacite- entre lesparties qui semble se manifester dans certaines des af-
faires susvisées,l'ordonnance de la Cour en l'affaire desActions armées
frontaliè.reset transfrontalièsote que «les Parties sont d'accord pour
que les questions de compétenceet de recevabilité soient traitées à un
stade préliminairede la procédure »(Actions arméesfrontalières tertans-
frontalières (Nicaraguac. Honduras),ordonnancedu 22 octobre 1986,
C.I.J.enteil1986,p. 552). LaCoura doncdécidé quelespremièrespièces
devraient exclusivement porter sur les questions de compétenceet de INCIDENT AÉRIEN DU3 VI188 (OP.IND. SCHWEBEL) 144

recevabilité.Cette affaire montre bien que la Cour et les partiese
affairesont entièrementlibresde s'occuper despiècesde procédure rela-
tivesàla compétenceet à la recevabilitéavant le dépôtd'un mémoiredu
requérantsur le fond; elle ne permet nullement de penser que ce résultat
estsubordonné àun accord préalable desparties.
A lalumièredel'analysequiprécèdej,e conclus que lapratique prédo-
minante va dans le sens des dispositions du Règlementqui autorisent le

défendeur, dansune affaire, à introduire ses exceptions préliminaires
avantle dépôt dumémoiredu requérantsur lefond.
Il convient d'ajouter que, une fois que le défendeura introduit une
exception préliminaire,ce que la Cour a qualifiéde disposition ((for-
melle»du Règlementprend effet(Interhandel,C.I.J.Recueil1959,p. 20).
Comme la Cour l'a affirmé dans l'affairede la BarcelonaTraction,le
dépôt parle défendeur d'un document qualifié d'exception préliminaire
((entraîne automatiquement la suspension de la procéduresur le fond »
(Barcelona Traction, ightand PowerCompany, Limited,exceptionspréli-
minaires,arrêCt,.I.J.Recueil1964,p. 43).

(Signé)Stephen M. SCHWEBEL.

Bilingual Content

SEPARATE OPINION OF JUDGE SCHWEBEL

1have voted forthe Order oftheCourt, which isin accordance withthe
pertinent provisions of the Rules of Court and, 1believe, predominant
practice in pursuance of those provisions. Since some doubt has been
expressed about the consistency of the last recital of the Order with the
practice oftheCourt, however, it maybe usefulto set out my understand-
ingofwhythat sparse and somewhatdivergentpractice isnot inconsistent
with the intent and terms of the Rules and with the provisions of this
Order.
There appears to be no difference in the Court about the tenor of
the terms of the Rules, i.e., of the provisions of Article 79.Paragraph 1of
Article 79provides :

"Any objection by the respondent to the jurisdiction of the
Court .. .the decision upon which is requested before any further
proceedings on the merits, shall be made in writing within the time-
limit fixed for the delivery ofthe Counter-Memorial ..." (Emphasis
added.)
Paragraph 3provides :

"Upon receipt by the Registry of a preliminary objection, the
proceedings on the merits shall be suspended and the Court . ..
shall fix the time-limit within which the other party may present a
written statement of its observations and submissions ..." (Em-
phasis added.)

It follows that not only some but "any" - that is to Say,"no matter
which", "all", "every" (Webster'sNew International Dictionary of the
EnglishLanguage, 2nd ed.,unabridged, 1945,p. 121) - objection by the
respondent to the jurisdiction of the Court, the decision upon which
objection is requested before "any" further proceedings on the merits,
shallbe dealt with asprescribed by Article 79."Any" further proceedings
on the merits must be understood tobe just that :that is,al1such proceed-
ings, whether they be the Memorial (if the preliminary objection is filed
before the Memorial has been filed),or subsequent pleadings,written or
oral. The sole qualifications to this rule are that the objection shall be
made "in writing" and "within the time-limit fixed forthe delivery of the
Counter-Memorial". The outer time-limit so fixed clearly embraces the
period of timebetween the filing of the Application and the filing of the
applicant's Memorial on the merits as well as the timebetween the filing
ofthe Memorial and the delivery ofthe Counter-Memorial. Upon receipt OPINION INDIVIDUELLE DE M. SCHWEBEL

[Traduction]

J'ai votépour l'ordonnance de la Cour, qui est conforme aux disposi-
tionspertinentes de son Règlement et,je lecrois, àla pratique dominante
relative à l'application de ces dispositions. Toutefois, vu que certains
doutes ont été exprimés àpropos de la concordance du dernier considé-
rant de l'ordonnance avecla pratique de la Cour, il estpeut-êtreutileque
j'indique pourquoi, àmon avis,cettepratique clairseméeet quelque peu
divergenten'esten contradiction ni aveclesensetla teneurdu Règlement
ni aveclesdispositions de la présente ordonnance.
Iln'ya apparemment aucun désaccordau seindelaCourquantau sens
desdispositionsdu Règlement,c'est-à-diredesdispositionsdel'article79.
Leparagraphe 1 de cet article dispos:

«Toute[any]exception à la compétencede la Cour ...sur laquelle
le défendeurdemande une décision avantque la [any] procédure
sur le fond se poursuive doit être présentép ear écritdans le délai
fixépourle dépôt du contre-mémoire ..»(Lesitaliquessont de moi.)

Leparagraphe 3stipule :

«Dèsréceptionpar leGreffedel'acte introductifdel'exception,la
procéduresur le fond est [shall bel suspendue et la Cour ...fixe le
délaidans lequel la partie contre laquelle l'exception est introduite
peut présenterun exposéécrit contenantsesobservations et conclu-
sions...»(Lesitaliques sont de moi.)
Il s'ensuitque, non pas certaines exceptions seulement mais «toute »

(any) - c'est-à-dire((n'importequelle» (nomatter which),«toutes »(all),
«chaque» (eveïy)(Webster'sNewInternational Dictionaty of the English
Language,deuxièmeéditionintégrale1 ,945,p. 121)- exceptionàlacom-
pétencedela Cour soulevéepar ledéfendeur, surlaquelleildemandeune
décisionavantque«la »(anylprocéduresurlefond sepoursuive,doitêtre
traitée conformémentaux stipulationsde l'article79.Par «la »(any)pro-
céduresurlefond, on doitentendre exactement cela :c'est-à-diretout acte
de procédure,qu'il s'agissedu mémoire(si l'exception préliminaireest
introduite avant ledépôtdu mémoire)ou d'actesde procédure ultérieurs,
écritsouoraux.Lesseulesconditions dont cetterègle estassortiesontque
l'exception doit être présentée«par écrit» et «dans le délai fixépour le
dépôtducontre-mémoire ».Ilestclairquelalimiteultimeainsifixéecom-
prend la périodequi va du dépôtde la requêteau dépôt dumémoiredu
requérant sur lefond et celle qui va du dépôt du mémoire à celui du137 AERIAL INCIDENT OF 3VII-88(SEP .P. SCHWEBEL)

by the Registryof a preliminary objection,the proceedings on the merits
"shall" - i.e., must - be suspended; this is a mandatory provision to
whichthe Court givesautomatic effect.

That this interpretation of the rule is the correct interpretation is sup-
ported bythepublished referencestothe travauxpréparatoires ofArticle79
found in an authoritative article by Judge Jiménezde Aréchaga,then
President of the Court. He recounts that, while it was decided not to
require that a party should file a preliminary objection as soon as it
receivestheApplication because "it wasfeltthata Respondent hada right
to wait forthe full development of the Applicant's caseinthe Memorial
before being obligedto file its objection", thepurpose of omittingsuch a
requirement was to protect "the right of defense ofthe Respondent". He
accordinglyimports that, ifthe respondent wereto chooseto fileitspreli-

minary objection before the applicant were to file its Memorial, that
would be a permissible procedure; any burden of so proceeding would
be assumed by it (Eduardo Jiménezde Aréchaga,"The Amendments to
the Rules of Procedure of the International Court of Justice", American
Journal of International Law, 1973,Vol. 67,p. 19).
Theevolution of thinkinginthe Court fromasearlyas 1922totheadop-
tion of the Rules currently in force on the question of whether or not a
preliminary objection by a respondent may be filed before the presenta-
tion ofthe applicant's Memorialiswellsetoutinthe separate opinion of
Judge Shahabuddeen which followsthis opinion. It is clearthat viewsin
the Court have fluctuated, in response to competing considerations. On

the one hand, there has been the view that it is preferable that, as
Judge Anzilottiin 1926put it, "the Court should only deal with the ques-
tion ofjurisdiction when it had before it the merits of the case ... at al1
eventsup to a certainpoint" (P.C.Z.J.,SeriesD,AddendumtoNo.2,p. 79).
Onthe other hand, there hasbeen the viewthat it ispreferable that, as the
then Registrar and later Judge Ake Hammarskjold maintained,

"a Stateshould be ableto stoptheproceedingsbeforeanydiscussion
on the merits ...anyinequalitybetween the Parties must beavoided
and that equalitymightnotbe secured ifthe Court decidedthe ques-
tion ofjurisdiction after having received a Case on the merits from
one Party only" (ibid.,p. 84).

Lord Finlay took an intermediateposition :

"Often, a State against whom an action was brought before
the Court, simply declared that the Court had no jurisdiction and
refused to acknowledge the obligation which the other side had
allegedto exist under sometreaty. In that case,it was necessarythat
the Court should beableto decideina summaryand rapid mannerin
regard to that first objection. Butoften also,the question ofjurisdic-
tion and the merits were so intermingled that it was difficult, some-
times impossible, to decide the question of jurisdiction beforecontre-mémoire. Dès réceptionpar le Greffe d'une exception prélimi-
naire,la procédure surlefond «est »(shallbe) - c'est-à-diredoit êtr-
suspendue; il s'agitd'une dispositionimpérativeàlaquellela Courdonne
automatiquement effet.
Lajustesse de cetteinterprétationdu Règlement estconfirméepar les
références aux travaux préparatoiresportant sur l'article 79, que l'on
trouve dans un article faisant autorité dont M. Jiménezde Aréchaga,
ancien Présidentde la Cour, est l'auteur. Celui-cirapporte que, s'ila été
décidéde ne pas obliger la partie qui souhaite présenterune exception
préliminaire à le faire aussitôt après avoir reçu la requête, parceque
l'«on a estiméque le défendeur avaitledroit d'attendre l'exposé intégral
de l'argumentation du requérantdans le mémoire avant d'être tenu de
déposerson exception»,l'omissiond'unetelleconditionvisait a protéger

«les droits du défendeur)).Par conséquent,si le défendeur décidaitde
présenter son exception préliminaire avantle dépôt du mémoire,une
telleprocédure seraitacceptable,lesinconvénientséventuels de ce choix
étant assuméspar le défendeur(Eduardo Jiménezde Aréchaga, ((The
Arnendments to the Rules of Procedure of the International Court of
Justice»,AmericanJournal ofZnternationalLaw, 1973,vol. 67,p. 19).
De 1922 àl'adoption du Règlementactuellementenvigueur,lepoint de
vuedelaCour surlaquestiondesavoirsiune exceptionpréliminaireéma-
nant du défendeur peut être présentée avaln etdépôt dumémoiredu re-
quérant asubi une évolution quiest bien retracéedans l'opinion indivi-
duelle de M.Shahabuddeen quisuitlaprésenteopinion.Ilestcertain que
les idées,au sein de la Cour, ont fluctué en présencede considérations
opposées.Certains ontestimé,commeM.Anzilottien 1926,que «la Cour
ne doits'occuperdelacompétencequelorsqu'elle connaîtlefondde l'af-

faire..du moinsjusqu'à un certain point »(C.P.J.Z.sérieD,Addendumau
no2, p. 79). En revanche, d'autres ont considéré, commele Greffier de
l'époque, M. Ake Hammarskjold, qui devaitdevenir juge, qu'ilétait

((nécessaireque 1'Etatait la possibilité d'arrêter la procédure avant
toute discussionsurlefond ..[qu'ilfallait]évitertoute inégalitéentre
les parties et que l'égali[pouvait]n'êtrepas assurée sila Cour se
pronon[çait]surla question de compétenceaprèsavoirreçu,de l'une
desparties seulement, un mémoiresur lefond »(ibid.,p.84).

Lord Finlay a pris une position intermédiaire :
«Souvent,1'EtatcitédevantlaCour déclarerasansautreque celle-

ciestincompétenteetrécuseral'obligation que l'adversairea pu voir
dans un traité.Dans ce cas, il importe que la Cour puisse se pro-
noncer d'unefaçon sommaire etrapide sur cettepremièreexception.
Mais,souventaussi,laquestiondecompétenceetlaquestion defond
sont tellement entremêléeq su'il estdifficile,parfois impossible, de
trancher la question de compétence avant d'avoir examiné le fond.
Dèslors,iln'estpas indiquéd'introduiredans leRèglementunerègle138 AERIAL INCIDENT OF 3 VI188(SEP . P.SCHWEBEL)

examiningthe merits. It did not therefore seemright to insert in the

Rulesan invariable mle. It should rather be for theCourtto exercise
its power of discrimination by deciding in accordance with the cir-
cumstances of each case." (P.C.Z.J.,Series D, Addendum to No. 2,
p. 87.)
In 1926,theCourt decided infavour ofthe position ofJudge Anzilotti;
in 1936,asJudge Shahabuddeen morefullydescribes, the Court reversed

that positionto permit apreliminaryobjectionto befiledbeforeas wellas
after the filing of the applicant's Memorial. The Court, when recon-
stituted as the International Court of Justice in 1946,maintained that
reversedposition inits 1946Rulesand inthe Rulesadoptedin 1972,which
weremaintained on this point in 1978in the terms in which Article79of
the Rules of Court today appear.

At the sametime, apparently in order to conciliatethe positions repre-
sentedatone extremeinthe Anzilottiapproach and atthe otherextremein
the Hammarskjold approach,the Court adopted what isnowparagraphs
5and 6 of Article79,providing:

"5. The statements of fact and law in the pleadings referred to in
paragraphs 2 and 3 of this Article, and the statements and evidence
presented at the hearings contemplated by paragraph 4, shall be
confined to those matters that arerelevant tothe objection.
6. In order to enable the Courtto determineitsjurisdiction at the
preliminarystage oftheproceedings,theCourt, whenever necessary,

may request the parties to argueal1questions oflaw and fact, and to
adduce al1evidence,whichbear on the issue."
Accordingly, in the pleadings and oral argument on the preliminary
objection, the parties shall confine themselves tothose matters that are
relevantto the objection and not enter unduly intothe merits ofthe case.
At the sametime, in so far as it may be necessaryforthe Court, in deter-

mining a preliminary objection, to be more fullyinformed ofthe facts or
the law of the merits of the dispute (which othenvise would be expected
to have been argued in the Memorial), the Court itself may request the
parties to argue such questions of law and fact in so far as they bear
on thejurisdictional issue.

THE ~ACTICE OF THE COURT

What ofthe practice ofthe Court in implementation ofits Rules? Does
that practicesubstantially maintain or substantiallymodifytheir import?

In my understanding, the practice, while variable, more sustains than
subtracts from the provisions ofthe Rules.
Therearea number ofcasesinwhichthe respondent did not appear but
in which, nevertheless,it made manifest its objections to thejurisdiction inflexible.Il devraplutôt appartenir a la Cour d'exercer sonpouvoir
de discrimination, en se prononçant selon les circonstances de
chaque affaire.»(C.P.J.Z.sérieD,Addendumau no 2, p. 87.)

En 1926,laCour a optépour la thèsede M. Anzilotti;en 1934,comme
M. Shahabuddeen l'expose de façon plus complète, la Cour est reve-
nue sur cette position en permettant qu'une exception préliminaire soit
introduite avant aussi bien qu'après le dépôt dumémoiredu requérant.
Lorsquela Cour, en 1946,a étéreconstituéesouslenom de Cour interna-
tionale de Justice, elle a conservé cette dernièreoption dans son Règle-
ment de 1946et dans le Règlementadoptéen 1972,lequel,en 1978,a été
maintenu sur cepoint dans lelibelléde l'article79qui estceluidu Règle-
ment actuel de la Cour.
Parallèlement,afin semble-t-ildeconcilierlespositionsextrêmesrepré-
sentéespar la thèsede M. Anzilotti etpar celle de M. Hammarskjold, la

Cour a adopté les dispositions qui constituent actuellement les para-
graphes 5et 6de l'article79,ainsi libell:s
«5. Lesexposésdefaitet dedroitcontenusdansles piècesdepro-
cédure mentionnées aux paragraphes2 et 3 du présent article etles
exposésetmoyensdepreuveprésentés pendant lesaudiencesenvisa-
géesau paragraphe4sont limitésauxpoints ayanttrait àl'exception.
6. Pourpermettre a la Cour de seprononcer sur sacompétenceau

stade préliminairede la procédure, laCour peut, le cas échéant, in-
viter lesparties àdébattretouspoints de faitetde droit, eta produire
tous moyens de preuve, quiont trait a la question.»
Parconséquent,danslesécrituresetlesexposésorauxportant surl'excep-
tion préliminaire,lesparties doivent selimitercequia trait a l'exception
et ne pas aborder indûment lefond de l'affaire.En revanche,dans la me-
sureoù ilpeut êtrenécessaire àla Cour, pour seprononcer surune excep-

tionpréliminaire,d'êtrepluscomplètementinformé serdespoints defait
ou de droit concernant lefond du différend (quiautrement devraientêtre
en principe abordés dansle mémoire),la Cour elle-mêmepeut inviterles
partiesà débattre detels points de droit et de fait pour autant qu'ilsont
traitàla question de compétence.

Qu'en est-ilde la pratique suivie par la Cour en application de son
Règlement?Cettepratique tend-elle àmaintenir ou à modifier le sensdu
Règlement?
Bienquevariable,lapratique renforceplus qu'ellen'infirme à monavis
lesdispositions du Règlement.
Dans un certain nombre d'affaires, le défendeur ne s'est pas pré-
sentémais a néanmoins fait connaîtresesobjections à la compétencesur139 AERIAL INCIDENT OF 3VI188(SEP .P.SCHWEBEL)

on which the applicant relied. That is to Say,while, because of its non-

participation, the respondent could not and did not file a preliminary
objectionstrictlyso-called and so denominated by it, at the same time it
brought to the attention ofthe Court itsobjectionstothe Court's jurisdic-
tion. Itissignificantthat, inthese cases,thepreliminaryobjections which,
hadthe respondentbeenappearing inthe case,could havebeen regularly
filed and determined either before or after the filing of the applicant's
Memorial, were in substance uniformly determined before the filing of
any Memorial. While these cases are not dispositive, they accordingly
support rather than counter the terms ofthe Rules.

Thus, in the FisheriesJurisdictioncase, Iceland, while not appearing,
submitted communicationsin which it "was asserted that there was no
basis under the Statute of the Court for exercising jurisdiction in the
case"; the Court neverthelessindicated provisional measures "which ...

in no wayprejudgesthejurisdiction ofthe Courtto consider themerits of
the dispute". The Court then continued: "Whereas, in these circum-
stances, it is necessary to resolve first of al1the question of the Court's
jurisdiction"; and the Court decided "that the first pleadings shall be
addressed to the question ofthejurisdiction of the Courtto entertainthe
dispute" (Fisheries Jurisdiction (UnitedKingdom v. Iceland), Order of
18August1972,I.C.J.Reports1972,p. 182).The Court subsequently pro-
ceededto cohsiderpleadings onjurisdiction andto findthat it had juris-
diction to entertain the Application filed by the United Kingdom; only
thereafter did it fix time-limitsfor the written proceedingson the merits,
including the Memorial of the United Kingdom (FisheriesJurisdiction
(United Kingdomv.Iceland),Orderof15February1973,I.C.J.Reports1973,
p. 94).

In theAegeanSea case, Turkey, while not appearing, communicated

observationsto the Court maintainingthat ithad nojurisdiction to enter-
tain the Greek Application.The Court responsivelyconcluded that "it is
necessaryto resolvefirstof al1the questionofthe Court'sjurisdiction with
respectto the case" and itdecidedthat "the writtenproceedingsshallfirst
be addressed to the question of thejurisdiction of the Courtto entertain
the dispute" (that is, it decided that the written proceedings should not
first of al1comprise the Memorial of Greece) (AegeanSea Continental
ShelfjInterimProtection,Orderof 11September1976,I.C.J.Reports1976,
pp. 13-14).The Court subsequentlydetermined,without having had the
benefit ofaGreekMemorial onthe merits,"that itiswithoutjurisdiction"
to entertain the Greek Application (AegeanSea ContinentalSheg Judg-
ment, I.C.J.Reports1978,p. 45).
In the NuclearTestscases between Australia and New Zealand, and

France, the French Government informed the Court that it "was mani-
festlynot competent in the case" and was not representedatthe hearings
on provisionalmeasures;the Court indicatedinterimmeasures ofprotec-
tion; itheldthat, "inhese circumstances,itisnecessaryto resolveassoon INCIDENT AÉRIEN DU 3VI188 (OP.IND:SCHWEBEL) 139

laquelle s'appuyait le demandeur. Cela signifie que si,du fait de sa non-
participation, le défendeur ne pouvait pas introduire- et n'a effective-
mentpas introduit - une exceptionpréliminaireproprement diteetainsi
qualifiéepar lui, en revanche il a portéàl'attention de laCour sesobjec-
tions à la compétencede celle-ci. Il n'est pas indifférent que,dans ces
affaires, les exceptionspréliminaires qui,si le défendeur s'était présenté,
auraient pu être introduites régulièrementet faire l'objet d'une décision
avant ou après le dépôtdu mémoiredu requérantont étéen substance
uniformémentrégléea svant le dépôt de toutmémoire.Sansêtredécisifs,
ces précédents vontdonc dans le sens plutôt qu'à l'encontre des dispo-

sitions du Règlement.
Ainsi,dans l'affairede laCompétence enmatière depêcheriels ',Islande,
bien que non-comparante, avait présenté des communicationsdans les-
quellesilétait«affirméquelaCour nepeuttrouver dansson Statutaucun
fondement pour l'exercicedesacompétenceenl'affaire »;laCouranéan-
moins indiquédes mesures conservatoires, ce qui ne préjuge en rien la
compétencede la Cour pour connaître du fond du différend».La Cour a
poursuivi : Considérant que,dans cesconditions, il estnécessairede ré-
gler en premier lieu la question de la compétencede la Cour »,et elle a
décidé«que les premières pièces écrites porterontsur la question de la
compétencede laCourpour connaître du différend »(Compétence enma-

tièredepêcherie( sRoyaume-Unic. Islande),ordonnancedu 18août 1972,
C.I.J.Recueil1972,p. 182).LaCour aensuiteexaminélespiècesécrites sur
la compétenceet a conclu qu'elleavait compétencepour connaître de la
requête déposé pear leRoyaume-Uni; cen'estqu'après seulementqu'elle
a fixé des délaispour la procédure écrite surle fond,y compris pour le
dépôt dumémoiredu Royaume-Uni (Compétence enmatièredepêcheries
(Royaume-Uni c. Islande), ordonnancd eu 15février1973, C.I.J.Recueil
1973,p. 94).
Dans l'affaire de laMerEgée,la Turquie ne s'étaitpas présentée mais
avait communiquéàla Cour des observations dans lesquelles elle affir-
mait que celle-ci n'avait pas compétencepour connaître de la requête

grecque. La Cour a répondu à cela qu'ail est nécessairede résoudreen
premier lieula question de lacompétencedela Cour enl'espèce )etellea
décidé que lespiècesécritesporteront d'abord surlaquestiondelacom-
pétencede la Cour pour connaître du différend» (c'est-à-dire que les
piècesécritesne comprendraientpas dans un premier temps le mémoire
de la Grèce)(Plateaucontinentalde la merEgée,mesures conservatoires,
ordonnancedu 11septembre1976,C.I.J.Recueil1976,p. 13-14).La Cour a
ensuite conclu, sans avoir reçu aucun mémoirede la Grècesur le fond,
«qu'ellen'apas compétence»pour connaître de la requête grecque(Pla-
teau continentaldelamerEgée, arrêC t,.I.J.Recueil78,p. 45).
Dans les affaires des Essais nucléairesq,ui ont opposé l'Australie et

la Nouvelle-Zélande àla France, le Gouvernement français a informé la
Cour que celle-ci n'avait manifestement pas compétence enl'espèce»
et il n'a pas été représenté aux audiencsur lesmesuresconservatoires;
laCour a indiqué desmesuresconservatoires;elleaestiméque dansces as possible the questions ofthe Court's jurisdiction and the admissibility
of the Application"; and it decided that "the written proceedings shall
firstbeaddressedto the questionsofthejurisdiction ofthe Court to enter-
tain the dispute, and of the admissibility of the Application" (Nuclear
Tests (Australiav. France),Interim Protection,Order of 22 June 1973,
I.C.J. Reports 1973, pp. 105-106; and Nuclear Tests (NewZealand v.
France),Interim Protection,Orderof 22 June 1973, I.C.J. Reports 1973,
p. 142).Onceagain,there wasno question oftheCourt concludingthat,in

order to resolvethose questions, it had need ofa prior filingofthe Appli-
cants'Memorials on the merits.

Finally,in the caseof TrialofPakistaniPrisonersof War,India claimed
that "there wasno legalbasiswhateverforthejurisdiction ofthe Court in
the case" and, while not appearing at public hearings on Pakistan's
request for interim measures, sent communications which "presented a
further reasoned statementthat the Court had nojurisdiction inthe case".
While the Court in circumstancesin which Pakistan asked the Courtto
postpone consideration of its request for the indication of interim
measuresheld that itwasnot calledupon to pronounce upon that request,
the Court concluded that it "must first ofal1satisfyitselfthat it hasjuris-
dictionto entertainthe dispute". It accordinglydecided that "the written
proceedings shall first be addressed to the question of the jurisdiction
of the Court" (Le.,before the filing of any Memorial of the applicant on
the merits) (TrialofPakistaniPrisonersof War,InterimProtection,Order
of 13July1973,I.C.J.Reports1973,pp. 329-330).

The cases in which the issue has arisen and in which the respondent
participated alsoarepredominantly consistent withthetermsofthe Rules
of Court.
In the Monetary Goldcase,a caseof exceptional singularity, the Court
issuedan Orderprovidingforthe filingofa Memorialon themeritsbythe
Applicant,Italy. Beforetheduedate ofthat Memorial,Italy filedadocu-
ment entitled, "Preliminary Question", by which Italy requested the
Court to adjudicate "on the Preliminary Question of its jurisdiction to
deal with the merits of the claim" (case of the Monetary Gold Removed
from Rome in1943(PreliminaryQuestion),Judgment, I.C.J.Reports 1954,
p. 22).Byan Order of 3 November 1953,the Court, "without prejudging
the question of the interpretation and application of Article 62 [today,
Article 791of the Rules of Court" (ibid.,pp. 22-23),suspended proceed-
ings on the merits and fixed time-limitsfor pleadings on the preliminary
question.The submissionsof Italyin the Court werecouched as "Having
regard to Article62ofthe RulesofCourt" (ibid.,p. 23),and requested the
Court to adjudicate the preliminary question of its jurisdiction and to
hold thatthe Court waswithoutjurisdiction to adjudicate themeritsofthe
claim.TheUnited Kingdomsubmitted, interalia,thatthe Court hadjuris-
diction. In itsJudgment, the Court noted that Italy,"instead ofpresenting

a Memorial on the merits within the time-limitfixed for that purpose byconditions, il est nécessairede régleraussi rapidement que possible la

question de la compétencede la Cour et celle de la recevabilitéde la
requête » et ellea décidé que«les piècesécritesporterontd'abord sur la
question de la compétencede la Courpour connaître du différendet sur
celledela recevabilitédelarequête »(Essaisnucléaire(sAustraliec.France),
mesuresconservatoires,ordonnance du 22juin 1973,C.Z.J.Recueil1973,
p. 105-106e,t Essais nucléair(s ouvelle-Zélandc.France)m, esures conser-
vatoires,ordonnancedu 22juin 1973,C.Z.J.Recueil1973,p. 142).Là non
plus,la Cour n'apas conclu que,pour qu'elle puisse seprononcer sur ces
questions, il fallait au préalable quele requérant dépose son mémoire
sur le fond.
Enfin, dans l'affaire durocèsdeprisonniersde guerrepakistanais,le
Gouvernement indien a soutenu «qu'il n'existe aucun fondement juri-
dique à lacompétencede laCour enl'espèce»et,sanssefairereprésenter
aux audiences publiques qui ont porté sur la demande pakistanaise en
indication de mesures conservatoires, il a envoyédes communications
dans lesquelles il a ((présentun nouvel exposé motivépour démontrer

l'incompétencede la Cour en l'espèce».Lorsquele Pakistan l'apriéede
différerl'examendesademande enindication demesuresconservatoires,
la Cour a estimé qu'ellen'était pas appeléeàse prononcer sur cette de-
mande,mais ellea concluqu'elle «doitd'abord s'assurerqu'ellea compé-
tence pour connaître du différend ». Elle a donc décidé que«les pièces
écritesporteront d'abord sur la question de la compétencede la Cour »
(c'est-à-dire avant le dépôt de tout mémoiredu réquérantsur le fond)
(Procèsdeprisonniersdeguerrepakistanais, mesuresconservatoires,ordon-
nancedu 13juillet 1973,C.Z.J.Recueil1973,p. 329-330).
Lesaffairesdans lesquellesla question s'estposéeet dans lesquellesle
défendeur était présent sone tlles aussi, pour la plupart, conformes aux
dispositions du Règlement.
Dans l'affairede l'Ormonétaireq ,ui étaitd'une exceptionnellesingula-
rité,la Cour a rendu une ordonnance prévoyantledépôtd'unmémoiredu
requérant - l'Itali- sur lefond. Avantla date fixéepour ledépôtde ce
mémoire,l'Italie a présentéun document intitulé ((Question prélimi- .
naire»,par lequel ellepriait la Cour de statuer «sur la question prélimi-
naire desacompétencepour connaître aufondde lademande »(Ormoné-

taireprisàRomeen1943(questionpréliminaire)a ,rrêtC, .Z.J.Recueil1954,
p.22).Paruneordonnancedu 3novembre 1953,laCour, «sans préjugerla
question del'interprétationetdel'applicationdel'article62[aujourd'hui,
article 791du Règlement»(ibid.,p. 22-23),a suspendu la procéduresur le
fond etfixédesdélais pour ledépôtdepiècesécritessurla questionpréli-
minaire. Les conclusions de l'Italiedevant la Cour ont été exposée«svu
l'article62du RèglementdelaCour»(ibid.,p.23),etellespriaient la Cour
de statuer sur la question préliminairede sa compétenceet de conclure
quelaCourn'était pascompétentp eour statuersurlefond delademande.
Le Royaume-Uni a affirmé, entre autres, que laCour avait compétence.
Dans son arrêt, laCoura relevéque l'Italie,«au lieu de présenterun mé-
moire sur le fond dans le délai qui lui avait été impaiar la Cour àcetthe Court. ..raised an issueasto the Court's jurisdiction" and had done
so "in the form of a 'preliminary question"' (I.C.J. Reports 1954,
pp. 26-27).The Court observed that it is "indeed unusual that a State
whichhassubmitted a claimbythe filingofan Application should subse-
quentlychallengethejurisdiction ofthe Courtto which ofits ownaccord
it has applied" (ibid.,p. 28).Nevertheless,theCourt characterized Italy's
actionas "agenuinePreliminaryObjection" and proceeded to dealwithit
(ibid.,p.29).In sodoing,itheld that Article62did not precludethe raising
ofa preliminaryobjection by an applicant. What is suggestiveforpresent

purposes is that the Court treated that preliminary objection not only as
genuinebut asfiledin atimelyfashion, eventhough filedbefore the filing
of a Memorial on the merits whose filinghad alreadybeen provided for.
At the same time, the current Rules expresslycontemplate that, where a
preliminary objection is made by a party other than the respondent, it
"shall be filed within the time-limitfixed for the delivery of that party's
firstpleading" (Art. 79,para. 1).Thus MonetaryGoldmaybe held to shed
no clearlight on the present issue.

Theremaining casesare only somewhatmoreinstructive.
In the Ambatieloscase, Greecefiled an Application; the United King:
dom notified the Court that it was itsintention to contest the grounds on
which Greece maintained that the Court had jurisdiction; and the Presi-
dent oftheCourt, "having ascertained the viewsofthe Parties upon ques-
tions of procedure", fixed the time-limits of Greece and the United
Kingdom for the Memorial and Counter-Memorial on the merits(Amba-
tielos,Orderof 18May 1951,I.C.J. Reports1951,p. 12).The United King-
dom did not choose to file in advance of the pleadings on the merits

a preliminary objection which sought to suspend proceedings on the
merits; it was content to receive Greece'sMemorial and to argue at the
outset of its Counter-Memorial that the Court had no jurisdiction in the
case (United Kingdom Counter-Memorial, I.C.J. Pleadings, Ambatielos
(Greecev. UnitedKingdom),pp. 132,133-139).The Court apparently was
not calledupon to decidethe question ofwhether ornotthe United King-
dom could if it wished file its preliminary objection before receipt of
Greece'sMemorial; rather, it seemsthat the United Kingdom itself pre-
ferred to receiveGreece's Memorialbefore responding both onjurisdic-
tion and on the merits, as was its right. Thus, in my view,the Ambatielos
case leans neither one waynor the other.
In the Interhandel case, the United States filed a succinct document
denominated as"PreliminaryObjection" withrespectto onlyoneelement
of Switzerland'sApplication, in the followingterms :

"The Government of the United States of America .. .herewith
files a preliminary objection under Article 62 of the Rules of the
Court, to the proceedings instituted by the Government of Switzer-

land in the Interhandel caseby its application of October 1,1957,in
sofar asthat application relatesto the saleorother disposition ofthe INCIDENT AÉRIEN DU 3VI188 (OP.IND. SCHWEBEL) 141

effet..amisendoute la compétencedela Cour»etqu'ellea soulevécette
question «comme une ((question préliminaire» (C.Z.J. Recueil 1954,
p. 26-27).La Cour a notéqu'il est((assurémentinsolite que 1'Etatqui a
introduit unedemande enprésentantune requêteviennecontesterlajuri-
diction de la Couràlaquelle ils'estvolontairementadressé»(ibid.,p.28).
Néanmoins,ellea qualifiél'actionde l'Italiede((véritableexceptionpré-
liminaire» et elle l'a examinée(ibid.,p. 29).Ce faisant, elle a estiméque
l'article62n'interdisaitpas la présentation d'une exceptionpréliminaire

par le requérant. Ce quiest intéressantpour l'affaire qui nous occupe,
c'est que non seulement la Cour a traité cette exception préliminaire
comme telle mais qu'elle a estimé qu'elleavait été présentée en temps
opportun, bien que préalablementau dépôt dumémoiresur lefondpour
lequelun délaiavaitdéjàétfé ixé.Audemeurant, leRèglementactuelpré-
voitexpressémentque,lorsqu'une exceptionpréliminaire estsoulevéepar
une partie autre que le défendeur,elle adoit être déposédeans le délai
fixépour le dépôtde la premièrepiècede procédure émanantde cette
partie)) (art. 79, par.1). Ainsi, on peut considérer que l'affaire de
l'Ormonétairen'éclairp eas vraiment le débat.
Lesautres affaires ne sont qu'un peu plus instructives.
Dans l'affaireAmbatielos,la Grècea déposé unerequête;le Royaume-
Uni a aviséla Cour qu'ilavait l'intention de contester les motifs sur les-

quelslaGrèceprétendait fonderlacompétence delaCour; lePrésidentde
laCour, «aprèsrenseignementspris ..auprèsdesPartiessurlesquestions
de procédure »,a alors impartià la Grèceet au Royaume-Unides délais
pour ledépôtdeleursmémoire etcontre-mémoiresurlefond (Ambatielos,
ordonnancedu 18mai 1951,C.Z.J.Recueil 1951,p. 12). LeRoyaume-Uni
s'abstint de présenter, avantle dépôtdes piècesécritessur le fond, une
exception préliminaire visant à suspendre la procédure au fond; il se
borna à attendre ledépôtdumémoiredelaGrèceet à affirmerau débutde
son contre-mémoireque la Cour n'avait pas compétence en l'affaire
(contre-mémoiredu Royaume-Uni, C.Z.J.Mémoires,Ambatielos(Grèce
c.Royaume-Uni),p. 132, 133-139)A . pparemment, laCour n'a pas été in-
vitéeà déterminersile Royaume-Unipouvait, s'illesouhaitait, présenter
son exception préliminaire avant d'avoirreçu le mémoirede la Grèce;il
sembleplutôt que le Royaume-Uni lui-mêmeait préféré recevoir le mé-

moire de la Grèce avantde répliquer àla fois sur la compétenceet sur le
fond, commeilenavaitledroit. Ainsi,mesemble-t-il,l'affaireAmbatielos
n'incline nidansun sens ni dans l'autre.
Dansl'affairede l'znterhandel,lesEtats-Unisontprésentéun document
succinctintituléExceptionpréliminaire»portantsurun seulélémend te
la requêtede la Suisse,ainsirédig:

«Le Gouvernement des Etats-Unis d'Amérique ..déposepar la
présenteune exception préliminaire, aux termesde l'article 62 du
Règlementde la Cour, dans l'instance introduite par le Gouverne-
ment de la Suisse enl'affairede'lnterhandel,par requêtedu le'octo-
bre 1957,pour autant que cetterequêteserapporte àla venteou aux shares of General Aniline and Film Corporation now held by the
United States Government. The United States Government has
determined that such sale or disposition of the shares in the Ameri-
can corporation, title to which isheld by the United States Govern-

ment inthe exerciseof its sovereignauthority, is a matter essentially
within its domestic jurisdiction. Accordingly, pursuant to para-
graph (b)of the conditions attached to this country's acceptance of
the Court's compulsory jurisdiction, dated August 14, 1946,this
countryrespectfullydeclines,withoutprejudice to other and further
preliminary objections which itmay file,to submit the matter ofthe
sale or disposition of such shares to the jurisdiction of the Court."
(Z.C.J.Pleadings, Znterhandel (Switzerland v. UnitedStates of Amer-
ica),p. 77.)

The Court held with respect to the foregoing contention that, if main-
tained, "it willfa11to be dealt withbythe Court in due course" in accord-
ance with the procedure set forth in Article 62 of its Rules (Znterhandel,
ZnterimProtection,Orderof 24 October1957,Z.C.J.Reports 1957,p. 111)
but that it was immediately concerned with Switzerland's request for
interim measures of protection, a decision as to which "in no way pre-

judges the question ofthejurisdiction ofthe Court to dealwiththe merits
ofthe case" (ibid.).It heldthat, incircumstancesin whichthesaleof Inter-
handel'ssharesinthe United Stateswasconditional upon a United States
judicialdecision and in whichno timescheduleforthe saleofsuchshares
was fixed, there was no need to indicate interim measures of protection
(ibid., p. 112).On the same day, the Court issued another Order, which,
having regard to its Order on interim measures, and having ascertained
the viewsof the Parties, fixed time-limits for the filing of pleadingsthe
Memorial ofSwitzerlandand the Counter-Memorial ofthe UnitedStates.
In due course, Switzerlandfiled a Memorial on the merits which main-
tained, interalia, that the Court had jurisdiction, and the United States
filed a Counter-Memorial, which exclusively maintained, on a multi-
plicity of grounds, that it did not or that the case was inadmissible
(Z.C.J.Pleadings,loc.cit.,pp. 139-141,303-327)T. hus inthis case,it isclear
that PreliminaryObjections werefiled and argued after the receipt ofthe
Applicant's Memorialon the merits. Butwhat this case does not show is
that the Court concluded that this wasthe necessarycourse.For the one-
paragraphpaper initiallysubmittedbythe United Statesand describedby

it as a "Preliminary Objection", and whichwasdirected solelyagainstthe
grantingofinterimmeasuresofprotection,wassimplynotacted upon asa
preliminary objection by the Court, which rather found it possible to
reject Switzerland's request for interim measures on another ground.
Apparently the Court was of the view that "the preliminary objection
procedure isonlyoperativeto suspend theproceedings onthe merits,and
cannot be applied in incidentalproceedings" (Shabtai Rosenne, TheLaw
and Practiceof the International Court, 1965, Vol.1, p. 455). It is not at autres mesures de disposition des actions de la General Aniline and
Film Corporation actuellement détenuespar le Gouvernement des
Etats-Unis. Le Gouvernement des Etats-Unis a décidéque la vente
ou la dispositiondesactions dela sociétéaméricained,ont letitre de
propriétéestdétenupar leGouvernementdesEtats-Unis dansl'exer-
cicede son autoritésouveraine,estune questionqui relèveessentiel-
lement de sa compétencenationale. En conséquence,en application
du paragraphe b)desconditionsattachées à l'acceptationpar cepays
de lajuridiction obligatoire de la Cour en date du 14août 1946,ce
paysrefuserespectueusement,sanspréjudicedetoutes autresexcep-
tions préliminairesqu'ilpourrait soulever,de soumettre àla compé-

tence de la Cour la question de laventeou de la disposition desdites
actions.» (C.I.J. Mémoires,Interhandel (Suissec. Etats-Unis d'Amé-
rique),p. 77.)

La Cour a estimé, s'agissantdu moyen susviséque, s'ilétait maintenu,il
devrait «le moment venu, être examiné par la Cour»conformément àla
procédure fixéepar l'article62 de son Règlement(Interhandel,mesures
conservatoires,ordonnancedu 24octobre1957, C.I.J.Recueil1957,p. 11l),
mais que, dans l'immédiat,elle devait prendre une décision sur la
demande en indication de mesures conservatoires de la Suisse,décision
qui «ne préjuge en rien la questionde la compétencede la Cour pour
connaître au fond de l'affaire» (ibid.).Elle a estiméen l'occurrence que,
puisque la vente des actions de'Interhandelaux Etats-Unis étaitsubor-

donnée àune décisionjudiciairependantedans cepays etqu'aucun délai
n'était fixpour laventede cesactions,iln'yavaitpas lieu d'indiquer des
mesuresconservatoires(ibid.,p. 112). Lemême jour, la Cour a rendu une
autre ordonnancedans laquelleelleafaitréférence àsonordonnance pré-
cédenteetafixé,après s'êtrrenseignéeauprèsdesParties,ladate d'expi-
ration desdélaispour ledépôtdespiècesdelaprocédure écrite, àsavoirle
mémoirede la Suisse et le contre-mémoire des Etats-Unis. En temps
opportun, la Suissea déposéun mémoiresurlefond dans lequelellesou-
tenait, entre autres, que la Cour était compétente etles Etats-Unis ont
déposéun contre-mémoiredans lequel ils se bornaient à affirmer, en se
fondant sur de nombreux moyens,que la Cour n'était pas compétente ou
que la requête était irrecevable(C.I.J. Mémoires,loc. cit., p. 139-141,
303-327).Ainsi,dans cetteaffaire, il estclair que des exceptionsprélimi-
naires ont été présentée est débattues après réceptiondu mémoiredu

requérantsur lefond. Mais ceque cetteaffaire nemontre pas, c'estque la
Cour aconcluquec'était làlecoursnécessairedelaprocédure. Eneffet,le
document d'un seulparagraphe initialement présentépar les Etats-Unis
sous letitre'a Exceptionpréliminaire»visaituniquement à s'opposer à
l'indication de mesures conservatoires,et il n'a tout simplement pas été
traitécommeune exceptionpréliminairepar laCour, quiaestimépouvoir
rejeterpourunautre motiflademandeen indication demesuresconserva-
toires dela Suisse.Apparemment, la Cour a estiméque «laprocédure des
exceptionspréliminairesn'apour effetquede suspendre laprocéduresural1clearfromthis series of eventsthat the United States evermaintained
that it was entitled to file a comprehensive Preliminary Objectionbefore
Switzerlandfiled its Memorial on the merits and that the Court rejected
sucha contention ofthe United States.Thusthe lightshed bythiscasetoo
islimited.

A more instructive case is Militaryand Paramilitary Activitiesin and
against Nicaragua. In that case, at the stage of provisional measures,
Nicaraguamaintainedthatthe Court hadjurisdiction whereasthe United
Statesmaintained that it did not. The United States also argued that the
casewasinadmissible on morethan oneground, whileNicaragua argued
to the contrary.Theclash of viewsbetweenthe Parties on these questions
was ofexceptional intensity.The Court unanimously rejected the United
Statesrequest that Nicaragua'sApplication and requestfor the indication
ofprovisional measuresbeterminated byremovalofthe casefromthe list.
It indicated certain provisional measures, most by unanimous vote, the
mostimportant measureby a dividedvote.Apparentlytreating the objec-
tions of the United Stateson preliminarygrounds as substantially fulfill-

ing the requirements of the Rules, the Court unanimously decided that
"the written proceedingsshall first be addressed to the questions of the
jurisdiction of the Court to entertain the dispute and of the admissibility
of the Application" (Militaryand Paramilitary Activitiesin and against
Nicaragua (Nicaragua v. UnitedStates ofAmerica),ProvisionalMeasures,
Orderof1OMay1984,Z.C.J.Reports1984,p. 187).Itthereafterascertained
the views ofthe Parties and issued an Order of 14May 1984fixing the
time-limitsforthe Memorial and Counter-Memorial ofthe Partiesonthe
questions ofjurisdiction and admissibility,both to be filedbeforethe fil-
ing of any Memorialon the merits of the case.Thus the Court acted as if
the UnitedStates had filed apreliminaryobjection; in effect,ifsuspended
proceedings onthe meritsand requiredthe Parties to plead tojurisdiction
and admissibility,acoursetowhichneitherPartyobjected. Byproceeding
in this way, the Court hardly construed the Rules as meaning that the
Memorial of the applicant should be filed before the Court considers

preliminaryobjections oftherespondent; rather,it seemsto haveactedon
a contraryunderstanding.

Finally,in what appears to be consistent withthe pattern of agreement
- whether express or not - between the parties which some of the fore-
going cases suggest,in the case of Borderand TransborderArmed Actions
the Order ofthe Court recordsthat "the Partiesare agreedthat the issues
of jurisdiction and admissibility should be dealt with at a preliminary
stageofthe proceedings" (BorderandTransborder ArmedActions(Nicara-
gua v. Honduras),Orderof 22 October1986,Z.C.J.Reports 1986,p. 552).
The Court thus decided that the initialpleadingsshould exclusivelydeal
with issues ofjurisdiction and admissibility.This case illustratesthe fullle fond, et ne peut être appliquéeà une procédureincidente)) (Shabtai
Rosenne, TheLaw and Practiceof theInternational Court,vol. 1, 1965,
p. 455).Il ne ressort pas du tout clairement de cette succession d'événe-
ments que les Etats-Unisaientjamais soutenu qu'ilsavaientle droit d'in-
troduire une exception préliminaire généraleavanlte dépôt dumémoire
de la Suissesur le fond, ni que la Cour ait rejetéun tel moyen des Etats-
Unis. L'éclairageapportépar cetteaffaire estdonc lui aussi limité.
Plus instructive est l'affaire desivités militairstparamilitairesau
Nicaraguaetcontre celui-ci.u stade desmesuresconservatoires,le Nica-

ragua aaffirméquelaCour étaitcompétente tandis quelesEtats-Unis ont
affirméqu'ellene l'étaitpas. LesEtats-Unis ont égalementallégué que la
requête était irrecevablpeour plus d'un motif,tandis que le Nicaragua a
soutenu le contraire. L'antagonisme entre les Parties sur ces questions
a étéd'une intensité exceptionnelle.La Cour a rejetéà l'unanimité la
demande des Etats-Unis tendant à ce que la requêtedu Nicaragua et sa
demandeenindicationdemesuresconservatoiressoientrayées du rôleE . lle
a indiquécertaines mesures conservatoires,la plupart par un vote una-
nime,maislaplus importanteparun votepartagé.Traitant apparemment
les exceptions soulevéesà titre préliminairepar les Etats-Unis comme
substantiellementconformesaux conditions du Règlement,laCour a dé-
cidé à l'unanimitéque «les pièces écrites porteront d'abordsur la ques-
tion de la compétencede la Cour pour connaître du différend etsur celle

de la recevabilitéde la requête» (Activités militaires et paramilitaireasu
Nicaragua etcontre celui-ciNicaraguac.Etats-Unis d'Amérique),mesures
conservatoires,ordonnancedu 10mai 1984, C.I.J.Recueil1984, p. 187).La
Cour s'estensuite renseignéeauprès des Parties et a rendu une ordon-
nance, le 14mai 1984,fixant les délaispour le dépôt dumémoireet du
contre-mémoire à présenterpar les Parties sur les questions de compé-
tence et de recevabilité,cesdeux documentsdevant être déposésavant la
présentationdetout mémoiresurlefond.Ainsi,laCoura agicommesiles
Etats-Unisavaientprésentéune exceptionpréliminaire; enfait,ellea sus-
pendu la procéduresur le fond et demandéaux Parties d'exposer leurs
moyenssurlacompétenceetlarecevabilité,décision quenil'une nil'autre
desPartiesn'acontestée.Au vudecequiprécède,onnesauraitdirequela
Cour a interprétéle Règlement comme signifiant que le mémoiredu
requérant devait être déposé avaq nte la Cour n'examinelesexceptions

préliminairesdu défendeur;ellesemblemêmeavoiragi sur labase d'une
interprétation contraire.
Enfin, dans lesens,apparemment, d'une sorte d'entente - expresseou
tacite- entre lesparties qui semble se manifester dans certaines des af-
faires susvisées,l'ordonnance de la Cour en l'affaire desActions armées
frontaliè.reset transfrontalièsote que «les Parties sont d'accord pour
que les questions de compétenceet de recevabilité soient traitées à un
stade préliminairede la procédure »(Actions arméesfrontalières tertans-
frontalières (Nicaraguac. Honduras),ordonnancedu 22 octobre 1986,
C.I.J.enteil1986,p. 552). LaCoura doncdécidé quelespremièrespièces
devraient exclusivement porter sur les questions de compétenceet de144 AERIALINCIDENTOF 3 VI188 (SEP.OP. SCHWEBEL)

freedom of the Court and the parties to a case to deal with pleadings
on jurisdiction and admissibilitybefore the filing of a Memorial on the
merits bytheapplicant; it in no waysuggeststhat agreement betweenthe
parties is a condition precedent forthat result.

Inthe lightofthe foregoinganalysis,1concludethat predominant prac-
tice supportsthe provisions of the Rules which permit a respondent in a
casetofileitspreliminaryobjectionsbefore the Meriorial ofthe applicant
on the merits is filed.
It should be added that, once a respondent files a preliminary objec-
tion, what the Court has described as the "categorical" provision of the

Rules takes effect (Interhandel, I.C.J.Reports1959,p. 20).As the Court
held inBarcelonaTraction,by filinga plea as a preliminaryobjection, the
respondents "automatically bring about the suspension of the proceed-
ings on the merits" (Barcelona Traction,Light and Power Company,
Limited,PreliminaryObjections,Judgment,I.C.J.Reports 1964,p. 43).

(Signed) Stephen M. SCHWEBEL. INCIDENT AÉRIEN DU3 VI188 (OP.IND. SCHWEBEL) 144

recevabilité.Cette affaire montre bien que la Cour et les partiese
affairesont entièrementlibresde s'occuper despiècesde procédure rela-
tivesàla compétenceet à la recevabilitéavant le dépôtd'un mémoiredu
requérantsur le fond; elle ne permet nullement de penser que ce résultat
estsubordonné àun accord préalable desparties.
A lalumièredel'analysequiprécèdej,e conclus que lapratique prédo-
minante va dans le sens des dispositions du Règlementqui autorisent le

défendeur, dansune affaire, à introduire ses exceptions préliminaires
avantle dépôt dumémoiredu requérantsur lefond.
Il convient d'ajouter que, une fois que le défendeura introduit une
exception préliminaire,ce que la Cour a qualifiéde disposition ((for-
melle»du Règlementprend effet(Interhandel,C.I.J.Recueil1959,p. 20).
Comme la Cour l'a affirmé dans l'affairede la BarcelonaTraction,le
dépôt parle défendeur d'un document qualifié d'exception préliminaire
((entraîne automatiquement la suspension de la procéduresur le fond »
(Barcelona Traction, ightand PowerCompany, Limited,exceptionspréli-
minaires,arrêCt,.I.J.Recueil1964,p. 43).

(Signé)Stephen M. SCHWEBEL.

Document file FR
Document Long Title

Opinion individuelle de M. Schwebel (traduction)

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