Opinion dissidente de M. Ignacio-Pinto

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058-19730622-ORD-01-08-EN
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058-19730622-ORD-01-00-EN
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OPINION DISSIDENTE DE M. IGNACIO-PINTO

Je regrette de ne pouvor souscrire à l'ordonnance de la Cour faisant
droità la demande de 1'Australieen indication de mesuresconservatoires

en attendant lerèglement,quant au fond, du différendentre cette dernière
et la France au sujet des essais nucléairesque le Gouvernement français
veut entreprendre dans le Pacifique Sud.
J'ai voté contre l'octroi de ces mesures conservatoires parce que je
trouve cette décisioninjuste en droit, en tout cas mal fondée. Maisje
tiensà affirmer que mon vote contraire ne signifiepas pour autant que je
sois partisan des essais nucléaires,bien au contraire, je suis adversaire
acharné de tous ces essais etje suis solidaire de tous ceux qui souhaitent
la prohibition de toutes ces expériences dangereusespour notre planète
et dont le moins qu'on puisse dire est qu'on en ignore encore toutes les
conséquences nocives ainsique la duréedes effets atomiques dans I'at-
mosphère.
Or dans le différendporté devant la Cour par l'Australie il ne s'agit
pas de faire du sentiment, encore moins de se laisser impressionner par
l'émotion - très compréhensible d'ailleurs- que soulèvela décision

du Gouvernement français de procéder à des essais nucléaires,tout com-
me d'autres Etats usant de leur droit de souverainetéont procédé aux-
dits essais et un autre Etat, et non des moindres, continàele faire avec
des engins produisant une explosion plus polluante.Il importe en consé-
quence d'examiner avec sérénité et luciditéla question de compétence
de la Cour en me bornant strictement aux règlesdu droit international
actuel.
En effetil faut noter que l'affairedont laCour est saisie est une affaire
suigeneris qui n'est identiqueàaucune autre affaire dont la Cour a eu à
connaître jusqu'ici pour déterminersa compétence.En vain l'oninvoque
l'affairede laompétenceenmatièredepêcheriesc ,omme référence à une
récentejurisprudence de la Cour,pour prétendrequ'elle estcompétente.
Dans l'affairede laCompétenceenmatière depêcherielse, fondementjuri-
dique de la demande en indication de mesures conservatoires est net et
clair et se trouve clairement exposédans l'échangede notes du 11mars
1961 entre l'Islande et le Royaume-Uni, à l'avant-dernier alinéaqui est
ainsi libellé

«Le Gouvernement islandais continuera de s'employer à mettre
en Œuvrela résolutionde 1'Althingen date du 5 mai 1959relative
àl'élargissementde lajuridiction sur lespêcheriesautoür de l'Islande
mais notifiera six moisà l'avance au Gouvernement du Royaurne- Uni toute mesure en ce sens; au cas où surgirait un différend enla
matière, la question sera portée, à la demande de l'une ou l'autre

partie, devant la Cour internationalede Justice.»
Aucun doute n'est possible au sujet du consentement des parties;
le recours à cette jurisprudence pour justifier la demande de l'Australie
est donc à rejeter.
Dans l'affaire pendante devant la Cour, il n'y a rien de comparable
à la situation juridique crééepar l'avant-dernier alinéade l'échangede
notes du 11mars 1961entre l'Islandeet le Royaume-Uni.

Sans doute, l'Australie invoque l'Acte générald'arbitrage du 26 sep-
tembre 1928auquel elle-même et la France étaient parties,mais le doute
demeure sur sa validitéet les controverses à ce sujet sont telles qu'à
mon avis cet acte ne saurait aucunement constituer un moyen suffisam-
ment pertinent pour emporter la décisionde la Cour et faire accorder à
l'Australie le bénéficedes mesures conservatoires sollicitées.Pas plus
d'ailleurs n'est valablel'argument qu'on prétend tiré d'un autre arrêtde
la Cour, celui du 6 juillet 1957 où l'Agent du Gouvernement français
avait invoqué la validité de l'Acte généraldans l'affaire de Certains
emprunts norvégiens. Au demeurant la Cour n'a pas admis ce moyen
nonobstant l'opinion contraire de M. Basdevant.
En l'espècede quoi s'agit-il?
La demande répond amplement à cette question et consiste à faire
valoir:

(ci) le droit de l'Australie et de seshabitants, ainsi que celui d'autres
Etats et de leurs habitants, ne pas êtreexposésaux essais d'ar-
mesnucléaireseffectués dans l'atmosphèrepar unpaysquelconque
est et sera violé;
ii) le dépôtde retombées radioactivessur le territoire australien et
leur dispersion dans l'espace aérien australiensans le consente-
ment de l'Australie:

a) violent la souverainetéde l'Australie sur son territoire;
6) compromettent le droit que l'Australie possède en toute
indépendancede déciderdes actes qui auront lieu sur son
territoire et plus particulièrement de décidersi l'Australie et
ses habitants seront exposés à des rayonnements de sources
artificielles

iii) la gêneapportée aux navires et aux aéronefs enhaute mer et
dans l'espace aériensurjacent ainsi que la pollution de la haute
mer par des retombéesradioactives constituent des infractions à
la libertéde la haute mer.»
La majoritéde la Cour accepte que ces moyens sont suffisantspour
lui permettre de dire que cette demande semble relever de la juridiction
internationale.
Or le Gouvernement français fort de son droit a dès 1966exclu de la
compétencede la Cour tous «les différendsconcernant lesactivitésserap-

34portant à la défensenationale)),sa souscriptioàl'article36,paragraphe 2,

du Statut est donc limitéepar l'expression formelle de sa volonté.A mon
avis, cette limitation trouve par ailleurs sa raison d'êtredans l'article 2,
paragraphe 7, de la Charte qui dispose:
«Aucune disposition de la présenteCharte n'autorise les Nations
Unies à intervenir dans des affaires qui relèvent essentiellementdela
compétence nationale d'un Etat ni n'oblige lesMembres à soumettre

des affaires de ce genre une procédure derèglementaux termes de
la présenteCharte; toutefois, ce principe ne porte en rien atteinte
l'application des mesures de coercition prévue?au chapitre VII.»
Les moyens invoqués par l'Australie, notamment sur la validité de
l'Acte généralde 1928, ne sont pas pertinents car il est admis en droit
international qu'une règle spécialel'emporte sur une règle générale.
En l'espèce, les événementd s'après la guerre 1939-1945ayant complète-

ment bouleversé lesconceptions de la sécuritéd'une nation par I'intro-
duction dela bombe nucléaire,il est difficilede ne pas accepter que la ré-
serve du Gouvernement français l'emporte sur l'Acte généraldatant
d'avant la deuxièmeguerre mondiale, époque où nul Etat ne détenaitla
bombe atomique.
Au demeurant, alors que l'Acte généralde 1928est l'objet de sérieuse
controverse, et apparaît en tout cas n'avoir jamais été invoqué comme
une base de juridiction de la Cour par aucun des Etats depuis son entrée
en vigueur, la déclaration du Gouvernement français constitue l'élément
fondamental de son adhésion à la juridiction obligatoire de l'article 36,
paragraphe 2, en ce qu'il est fondé sur son consentement formel et non
équivoque.
11est un autre point important dont on n'a pas sembléavoir tenu
suffisamment compte dans les moyens invoqués par le Gouvernement
français, c'est la demande réitéréefaite au Gouvernement australien,

exposéedans la lettre de son ambassadeur en date du 7 février 1973au
premier ministre et ministre des affaires étrangères de l'Australie(annexe
10,p. 56, de la requête introductive d'instance)de lui indiquer les règles
précisesdu droit international que viole la France:
«Mais le Gouvernement français voit mal quelle est la règlepré-
cise dont l'existenceserait invoquéeparl'Australie. Celle-ci pourrait
peut-êtrel'éclairersur ce point.

En véritéil semble bien au Gouvernement français que ce grief de
violation du droit international du fait de la pollution atomique
revientà soutenir que les expériences nucléaires enatmosphère sont
automatiquement illicites. De son point de vue il n'en estpas ainsi.
Mais ici encore le Gouvernement français apprécierait les précisions
qui pourraient lui être apportéeà l'appui de l'opinion inverse.»
Cettedemande de précisionsbien déterminéesn'a reçu aucune réponse
et l'Australie s'est bornéàprésumerI'existenced'un droit quin'encons-

titue pas un, à mon avis, alléguantau demeurant des dommages plus oumoinshypothétiquesdont l'appréciationest desplusdifficiles.Néanmoins
il a plu à la majorité de la Cour de reconnaître que ces dommages,
quelque incertains ou imprécis qu'ilssoient, suffisentpour faire droita
demande en indication de mesures conservatoires, sans pour autant
préciserla nature des droits qu'ilya lieu de protégerou conserver.

Sans doute, l'Australie peut invoquer sa souverainetésur son territoire
et son droit d'en empêcherla poilution par le fait d'un autre Etat. Mais
le Gouvernement français qui prétend exercer égalementson droit de
souveraineté territoriale en procédantàdes expériencessur son territoire

peut-il êtreprivéjuridiquement de ce droit, par la seule expression de la
volontéde l'Australie?
A mon avis et jusqu'à nouvel ordre le droit international est un droit
en formation et dont la notion de responsabiliténe peut être qu'à poste-
riori, contrairement audroit interne oùl'onpeut fixerd'unemanière précise
la notion de responsabilité à priori. Quoi qu'en pensent ceuxqui sont
d'une opinion opposée, chaque Etat est libre d'agir comme bon lui
semble dans leslimites du ressort desasouverainetéet encasdedommages
ou préjudice réel,si lesdits dommages sont clairement établis, il doit
réparation à 1'Etatqui a subi ce dommage.
11n'y a pas que je sache en droit international une hiérarchiedans
l'exercicedu droit de souveraineté et I'ordonnaceprise par la Cour n'a,
du moins pour l'heure, aucune raison juridique pour empêcher leGou-
vernement français d'user de son droit de souverainetéen faisant exploser

un engin atomique, comme d'autres Etats l'avaient fait avant lui et un
certain autre Etat le fait encore présentement,la recherche des moyens
de garantir leur propre sécurité.
Faudrait-il considérer commesupérieurle droit de l'Australie dans
l'exercicede sa souverainetépar rapport au mêmedroit qu'a la France
qui viendrait ainsi en deuxièmeposition lorsqu'il s'agira d'exercerle sien?
En enjoignant au Gouvernement français qu'il ((s'abstiennedeprocéder
à des essaisnucléairesprovoquanlte dépôtde retombées radioactives sur le
territoire australien))(dispositif de l'ordonna-cec'estmoiquisouligne)
laCour outrepassecertainement ses attributions et paraît ainsiinnoveren
déclarant illicite I'exerciced'un droit jusqu'ici considécomme du do-
maine de la souveraineté d'unEtat. La Cour n'est pas encore une Cour
suprêmeendroit interne ni un législateur,elle n'estpasen droit deprendre
une décisioncontre un Etat qui lui dénieen une déclarationformelle la

compétenceenmatièrede différendsconcernant lesactivités serapportant
à la défense nationale.
Je suisen parfait accord avecl'Australie pour reconnaître qu'ellecourt
un grand risque à voir les retombéesatomiques sur son territoire et voir
sa population en subir les effets nocifs et je souhaiterais, quant moi,
voir éloigner définitivemencte risque, mais je ne vois aucun moyenjuri
dique existant en l'étatactuel du droit pour autoriser un Etat de venir
demander àla Cour d'interdire à un autreEtat d'exercer sur son propre
territoire telle activitéproductrice de risque chez le voisin. Ceci est tellement pertinent que j'en vois l'expression même dans le
traité deMoscou du 5juin 1963dont le but est précisément l'interdiction

des expériences nucléaires atmosphériques - le Gouvernement français
n'en est pas partie d'ailleurs en son article IV qui fait une réserve telle-
ment importante pour ménagerprobablement lesgrands Etats détenteurs
des plus grands stocks de bombes nucléaires,que l'interdiction devient
virtuellement de nul effet.L'articleVdispose :
«Le présentTraitéa une durée-illimitée.
Chaque Partie, dans l'exercicede sa souveraineté nationale,aura

le droit de se retirer du Traité si elle décideque des événements
extraordinaires,en rapport avec l'objetduprésentTraité,ont compro-
mis les intérêtssuprêm dessonpays. Elle devra notifier ce retraàt
toutes les autres Parties avec un préavisde trois mois.)) (C'est moi
qui souligne.)

Est-il admissibleque la réserve faitepar cesEtats demeure valablepour
les autoriserà reprendre leurs expériences nucléairesdans le cas où des
événements extraordinaires ont compromis les intérêts suprêmesde leur
pays, alors que l'ordonnance de la Cour interdit à la France d'user de
son droit de procéder actuellement aux siennes, dès lors qu'aucun enga-
gement conventionnel valable n'existe pour l'heure pouvant l'en empê-
cher?
L'existenced'un tel traitécomportant une telle réserve ne démontre-t-
elle pas le manque de fondement juridique qui aurait dû faire rejeter
par la Cour la demande de l'Australie en indication de mesures conserva-
toires?
En effet,adopter la thèsede la demande de l'Australienous amènerait à
une nouvelle conception en droit international, qui consisteraità inter-
dire aux Etats l'exercicedans le cadre de leur souverainetéterritoriale de

toute activité créatricde risque; mais celaaboutiraità l'octroidu droià
tout Etat d'intervenir à titre préventif dans les affaires nationales des
autres Etats. Or l'article paragraphe 7, de la Charte, est formel.

Dans l'étatactuel du droit international, ((l'appréhension))d'unEtat
ou ((l'angoisse)),le risque de radiations atomiques)) ne suffisentpas,à
mon avis,pour constituer lajustification d'un droit supérieurqui s'impose
à tous les Etats et limite leur souverainetéen matière d'essais nucléaires
dans l'atmosphère.
Ceux qui sont d'une opinion opposéefont peut êtrefigure de proue ou
d'avant-garde dans un systèmede développement progressifdu droit
international, mais leur désir nesaurait êtrepris en considérationpour
modifier l'état actueldu droit.

Enfin pour terminer il y a une considérationdont on n'a pas asseztenu
compte, me semble-t-il, et qu'il importe de ne pas négliger,c'est le fait
que l'Australie avait elle-mêmeacceptéque le Royaume-Uni procède à
des essais nucléaires au-dessusde son propre territoire, notamment à
Maralinga dans l'Australie du Sud, avec des enginsautrement plus puis-
37sants que ceux destinésaux essaisfrançais, qui sont situésdans une zone
éloignée de l'Australie de plus de 6000kilomètres.
Si donc elle a pu laisser le Royaume-Uni agir, avec son accord, de la
sorte directement au-dessus d'une zone dépendant de sa souveraineté
nationale, elledevrait êtredéclarémal fondéepour venir demander d'in-
terdire au Gouvernement français d'agir de même au-dessusd'une zone

qui est du ressort de sa souveraineté.
En conséquence, à mon avis, il n'y a donc pas lieu de faire droit à
la demande en indication de mesures conservatoires. La question de
l'illicéidesessaisnucléaires dépassela compétencedela Cour et devient,
selon moi, un problème politique. Je n'en veux pour preuve que les pro-
pres déclarationsdu premier ministre et ministre des affaires étrangères
de l'Australie danssa note au ministre des affairesétrangèresduGuuver-
nement français le 13février1973(requête, annexe11,p. 63),déclaration
libelléecomme suit:

«Au coursde mon entretien du 8 février1973avecvotre ambassa-
deur, j'ai dit avec quelle vivacitél'opinion en Australie réagitaux
effetsdes essaisfrançais dans le Pacifique.J'ai expliquéque l'opinion
publique réagissait si vivement que le parti politique au pouvoir,
quel qu'il soit, ferait l'objetde pressions considérablespour passer
l'action. Le public australien estimerait intolérable que les essais
nucléaires se poursuivent pendant des discussions auxquelles le
Gouvernement australien aurait consenti.»

En guisedeconclusionj'incline àpenser que lecaractèrenettementpoli-
tique que présente cetteaffaire aurait dû, me semble-t-il, inciter la àour
plus de circonspection et lui faire prendre la décisionde rejeter purement
et simplement la demandede l'Australie en indication de mesures conser-
vatoires.Il ne lui appartient pas de déclarerillicite ou du moins laisser
croire par sa décision qu'est illicitel'de souverainetéd'un Etat agis-
sant dans les limites de son intégrité territoriale.C'est donc tort que
l'Australie a obtenu le bénéficdes mesures conservatoires qu'ellea solli-
citéeset c'esten violation de l'articleparagraphe 7, de la Charte.

(SignéL ). IGNACIO-PINTO.

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OPINION DISSIDENTE DE M. IGNACIO-PINTO

Je regrette de ne pouvor souscrire à l'ordonnance de la Cour faisant
droità la demande de 1'Australieen indication de mesuresconservatoires

en attendant lerèglement,quant au fond, du différendentre cette dernière
et la France au sujet des essais nucléairesque le Gouvernement français
veut entreprendre dans le Pacifique Sud.
J'ai voté contre l'octroi de ces mesures conservatoires parce que je
trouve cette décisioninjuste en droit, en tout cas mal fondée. Maisje
tiensà affirmer que mon vote contraire ne signifiepas pour autant que je
sois partisan des essais nucléaires,bien au contraire, je suis adversaire
acharné de tous ces essais etje suis solidaire de tous ceux qui souhaitent
la prohibition de toutes ces expériences dangereusespour notre planète
et dont le moins qu'on puisse dire est qu'on en ignore encore toutes les
conséquences nocives ainsique la duréedes effets atomiques dans I'at-
mosphère.
Or dans le différendporté devant la Cour par l'Australie il ne s'agit
pas de faire du sentiment, encore moins de se laisser impressionner par
l'émotion - très compréhensible d'ailleurs- que soulèvela décision

du Gouvernement français de procéder à des essais nucléaires,tout com-
me d'autres Etats usant de leur droit de souverainetéont procédé aux-
dits essais et un autre Etat, et non des moindres, continàele faire avec
des engins produisant une explosion plus polluante.Il importe en consé-
quence d'examiner avec sérénité et luciditéla question de compétence
de la Cour en me bornant strictement aux règlesdu droit international
actuel.
En effetil faut noter que l'affairedont laCour est saisie est une affaire
suigeneris qui n'est identiqueàaucune autre affaire dont la Cour a eu à
connaître jusqu'ici pour déterminersa compétence.En vain l'oninvoque
l'affairede laompétenceenmatièredepêcheriesc ,omme référence à une
récentejurisprudence de la Cour,pour prétendrequ'elle estcompétente.
Dans l'affairede laCompétenceenmatière depêcherielse, fondementjuri-
dique de la demande en indication de mesures conservatoires est net et
clair et se trouve clairement exposédans l'échangede notes du 11mars
1961 entre l'Islande et le Royaume-Uni, à l'avant-dernier alinéaqui est
ainsi libellé

«Le Gouvernement islandais continuera de s'employer à mettre
en Œuvrela résolutionde 1'Althingen date du 5 mai 1959relative
àl'élargissementde lajuridiction sur lespêcheriesautoür de l'Islande
mais notifiera six moisà l'avance au Gouvernement du Royaurne- DISSENTING OPINION OF JUDGE IGNACTO-PINTO

[Translation]

To my regret, 1am unable to supportthe Order of theCourt upholding
Australia's request fi3rthe indication of interim measures of protection
pending the settlement on the merits of the dispute between that State
and France with regard to the nuclear tests which the French Govern-
ment wishes to carry out in the South Pacific.

1voted against the:grant of those interim measures because 1find this
decision legally unjust, or in any event without sufficient basis. But T
wish to emphasize that my negative vote does not mean that 1 am in
favour of nuclear teists,-on the contrary, 1 am strongly opposed to al1
such tests, and align myself with those who wish to see the prohibition of
al1these experiment:; which are dangerous for our planet, and of which
the least one can saiyis that we do not yet fully know what harmful
consequences they rnay have, and how long the effects of atomic tests
last in the atmosphere.
In the disputebroiight before the Court by Australia, however, we must
not be swayed by sentiment, and stillless must we permit ourselves to be
affected by the feelings-which in fact are veryunderstandable-prompt-
ed by the decision of the French Government to carry out nuclear tests,
just as other States, in exercise of their rights of sovereignty, have carried
out such tests, and a further State, and no minor one at that, still con-
tinues to do so, usingdeviceswhich produce explosions which give rise to
still greater pollution. It is therefore important that1 should examine
calmly and lucidly the question of the Court's jurisdiction, confining

myself strictly to existing rules of international law.
It is to be observed that the case of which the Court is seised is sui
generis, and is not on al1fours with any other case in which, up to the
present, the Court has had to examine in order to determine the question
of its jurisdiction.1.tis in vain that reliance has been placed upon the
FisheriesJurisdictioncase, by way of reference to recent jurisprudence of
the Court, in order to claim that the Court has jurisdiction. In the
FisheriesJurisdictiofilcase, the legal basis of the request for the indication
of interim measures is clear and definite, and is to be found clearly set out
in the Exchange of Notes of 11 March 1961 between Iceland and the
United Kingdom, the penultimate paragraph of which reads as follows:

"The Icelandic Government will continue to work for the im-
plementation of the Althing Resolution of May 5 1959, regarding
the extension a,f fisheries jurisdiction around Iceland, but shall give
to the United Kingdom Government six months' notice of such
33 Uni toute mesure en ce sens; au cas où surgirait un différend enla
matière, la question sera portée, à la demande de l'une ou l'autre

partie, devant la Cour internationalede Justice.»
Aucun doute n'est possible au sujet du consentement des parties;
le recours à cette jurisprudence pour justifier la demande de l'Australie
est donc à rejeter.
Dans l'affaire pendante devant la Cour, il n'y a rien de comparable
à la situation juridique crééepar l'avant-dernier alinéade l'échangede
notes du 11mars 1961entre l'Islandeet le Royaume-Uni.

Sans doute, l'Australie invoque l'Acte générald'arbitrage du 26 sep-
tembre 1928auquel elle-même et la France étaient parties,mais le doute
demeure sur sa validitéet les controverses à ce sujet sont telles qu'à
mon avis cet acte ne saurait aucunement constituer un moyen suffisam-
ment pertinent pour emporter la décisionde la Cour et faire accorder à
l'Australie le bénéficedes mesures conservatoires sollicitées.Pas plus
d'ailleurs n'est valablel'argument qu'on prétend tiré d'un autre arrêtde
la Cour, celui du 6 juillet 1957 où l'Agent du Gouvernement français
avait invoqué la validité de l'Acte généraldans l'affaire de Certains
emprunts norvégiens. Au demeurant la Cour n'a pas admis ce moyen
nonobstant l'opinion contraire de M. Basdevant.
En l'espècede quoi s'agit-il?
La demande répond amplement à cette question et consiste à faire
valoir:

(ci) le droit de l'Australie et de seshabitants, ainsi que celui d'autres
Etats et de leurs habitants, ne pas êtreexposésaux essais d'ar-
mesnucléaireseffectués dans l'atmosphèrepar unpaysquelconque
est et sera violé;
ii) le dépôtde retombées radioactivessur le territoire australien et
leur dispersion dans l'espace aérien australiensans le consente-
ment de l'Australie:

a) violent la souverainetéde l'Australie sur son territoire;
6) compromettent le droit que l'Australie possède en toute
indépendancede déciderdes actes qui auront lieu sur son
territoire et plus particulièrement de décidersi l'Australie et
ses habitants seront exposés à des rayonnements de sources
artificielles

iii) la gêneapportée aux navires et aux aéronefs enhaute mer et
dans l'espace aériensurjacent ainsi que la pollution de la haute
mer par des retombéesradioactives constituent des infractions à
la libertéde la haute mer.»
La majoritéde la Cour accepte que ces moyens sont suffisantspour
lui permettre de dire que cette demande semble relever de la juridiction
internationale.
Or le Gouvernement français fort de son droit a dès 1966exclu de la
compétencede la Cour tous «les différendsconcernant lesactivitésserap-

34 extension and, in case of a dispute in relation to such extension, the

matter shall, at the request of either Party, be referred to the Inter-
national Court of Justice."
There is no possible doubt as to the consent of the parties; the re-
course had to this precedent in order to justify Australia's request must
therefore be rejected.
In the case now before the Court, there is nothing comparable to the
legal situation created by the penultimate paragraph of the Exchange of
Notes of 11March 1961between Iceland and the United Kingdom.

Australia does of course rely on the General Act of 26 September 1928,
to which it and France were parties, but there is still doubt as to the
validity thereof, and the controversy on the point is such that in my
opinion the Act cannot possibly be a sufficientground to turnthe scaleof
the Court's decision, and result in the award to Australia of the interim
measures asked for. Nor is there any more validity in the argument
which has been based on another decision of the Court, the Judgment of
6 July 1957on the Certain Norwegian Loanscase, in which proceedings
the Agent of the French Government relied on the validity ofthe General
Act. The Court in fact did not accept this point, despite the contrary
opinion expressed by YudgeBasdevant.
Of what is it a question in the present case?
The request amply answersthis question, adducing:

"(i) The right of Australia and its people, in common with other
States and their peoples, to be free from atmospheric nuclear
weapon tests by any country is and willbe violated;
(ii) The deposit of radio-active fall-out on the territory of Australia
and its dispersion in Australia's airspace without Australia's
consent :

(a) violates Australian sovereignty over its territory;
(b) impairs Australia's independent right to determine what
acts shall take place within its territory and in particular
whether Australia and its people shall be exposed to
radiation from artificial sources;

(iii) The interference with ships and aircraft on the high seas and in
the superjacent airspace, and the pollution of the high seas by
radio-active fall-out, constitutes infringements ofthe freedom of
the high seas."

The majority of the Court finds that these submissions are sufficientto
enable it to say that this request appears to faIl within the purview of
international jurisdiction.
But the French Government, with full right, has from 1966 onward
excluded from the Court's jurisdiction al1"disputes concerning activitiesportant à la défensenationale)),sa souscriptioàl'article36,paragraphe 2,

du Statut est donc limitéepar l'expression formelle de sa volonté.A mon
avis, cette limitation trouve par ailleurs sa raison d'êtredans l'article 2,
paragraphe 7, de la Charte qui dispose:
«Aucune disposition de la présenteCharte n'autorise les Nations
Unies à intervenir dans des affaires qui relèvent essentiellementdela
compétence nationale d'un Etat ni n'oblige lesMembres à soumettre

des affaires de ce genre une procédure derèglementaux termes de
la présenteCharte; toutefois, ce principe ne porte en rien atteinte
l'application des mesures de coercition prévue?au chapitre VII.»
Les moyens invoqués par l'Australie, notamment sur la validité de
l'Acte généralde 1928, ne sont pas pertinents car il est admis en droit
international qu'une règle spécialel'emporte sur une règle générale.
En l'espèce, les événementd s'après la guerre 1939-1945ayant complète-

ment bouleversé lesconceptions de la sécuritéd'une nation par I'intro-
duction dela bombe nucléaire,il est difficilede ne pas accepter que la ré-
serve du Gouvernement français l'emporte sur l'Acte généraldatant
d'avant la deuxièmeguerre mondiale, époque où nul Etat ne détenaitla
bombe atomique.
Au demeurant, alors que l'Acte généralde 1928est l'objet de sérieuse
controverse, et apparaît en tout cas n'avoir jamais été invoqué comme
une base de juridiction de la Cour par aucun des Etats depuis son entrée
en vigueur, la déclaration du Gouvernement français constitue l'élément
fondamental de son adhésion à la juridiction obligatoire de l'article 36,
paragraphe 2, en ce qu'il est fondé sur son consentement formel et non
équivoque.
11est un autre point important dont on n'a pas sembléavoir tenu
suffisamment compte dans les moyens invoqués par le Gouvernement
français, c'est la demande réitéréefaite au Gouvernement australien,

exposéedans la lettre de son ambassadeur en date du 7 février 1973au
premier ministre et ministre des affaires étrangères de l'Australie(annexe
10,p. 56, de la requête introductive d'instance)de lui indiquer les règles
précisesdu droit international que viole la France:
«Mais le Gouvernement français voit mal quelle est la règlepré-
cise dont l'existenceserait invoquéeparl'Australie. Celle-ci pourrait
peut-êtrel'éclairersur ce point.

En véritéil semble bien au Gouvernement français que ce grief de
violation du droit international du fait de la pollution atomique
revientà soutenir que les expériences nucléaires enatmosphère sont
automatiquement illicites. De son point de vue il n'en estpas ainsi.
Mais ici encore le Gouvernement français apprécierait les précisions
qui pourraient lui être apportéeà l'appui de l'opinion inverse.»
Cettedemande de précisionsbien déterminéesn'a reçu aucune réponse
et l'Australie s'est bornéàprésumerI'existenced'un droit quin'encons-

titue pas un, à mon avis, alléguantau demeurant des dommages plus ouconnected with national defence", and its assent under Article 36,

paragraph 2, of the Statute is therefore limited by the categorical expres-
sion of its will. In my view,this limitation has itsraison d'être, moreover,
in Article 2, paragraph.7, of the Charter, which provides:
"Nothing contained in the present Charter shall authorize the
United Nations to intervene in matters which are essentially within
the domestic jurisdiction of any State or shall require the Members
to submit such matters to settlement under the present Charter; but
this principle shall not prejudice the application of enforcement

measures under Chapter VII."
The arguments put forward by Australia, in particular with regard to
the validity of the 1928General Act, are not relevant, for it is admitted in
international law that a special rule overrides the general rule. In the
present case, events after the war of 1939-1945having completely over-
turned conceptions of national security through the introduction of the
nuclear bomb, it is difficult not to accept that the reservation of the
French Government overrides the General Act dating from before the
Second World War, an era in which no State possessed the atomic

bomb.
Moreover, whereas the General Act of 1928 is the subject of serious
controversy and appears at al1events never to have been invoked as a
basis of the Court's jurisdiction by any State ever since its entry into
force, the declaration of the French Government constitutes the funda-
mental element of its acceptance of compulsory jurisdiction under
Article 36, paragraph 2, in so far as it is based on its forma1 and un-
equivocal consent.
There is another important point which does not seem to have been
sufficientlytaken into acçount in the arguments put forward by the
French Government. 1 refer to its reiterated request to the Australian
Government, expressed in its Ambassador's letter of 7 February 1973to
the Australian Prime Minister and Foreign Minister (Application, Annex
10, p. 57), that it be given some indication of the precise rules of inter-
national law which France is said to violate:

"But the French Government finds it hard to see what is the
precise rule on whose existence Australia relies. Perhaps Australia
could enlighten it on this point.
In reality, it seems to the French Government that this complaint
of the violation of international law on account of atomic pollution
amounts to a claim that atmospheric nuclear experiments are auto-
matically unlawful. This, in its view, is not the case. But here again
the French Government would appreciate having its attention drawn
to any points lending colour to the opposite opinion."

This request for specific enlightenment has received no reply, and
Australia has confined itself to presuming the existence of a right which
in my view does not really exist, allegingmoreover more or less hypothe-moinshypothétiquesdont l'appréciationest desplusdifficiles.Néanmoins
il a plu à la majorité de la Cour de reconnaître que ces dommages,
quelque incertains ou imprécis qu'ilssoient, suffisentpour faire droita
demande en indication de mesures conservatoires, sans pour autant
préciserla nature des droits qu'ilya lieu de protégerou conserver.

Sans doute, l'Australie peut invoquer sa souverainetésur son territoire
et son droit d'en empêcherla poilution par le fait d'un autre Etat. Mais
le Gouvernement français qui prétend exercer égalementson droit de
souveraineté territoriale en procédantàdes expériencessur son territoire

peut-il êtreprivéjuridiquement de ce droit, par la seule expression de la
volontéde l'Australie?
A mon avis et jusqu'à nouvel ordre le droit international est un droit
en formation et dont la notion de responsabiliténe peut être qu'à poste-
riori, contrairement audroit interne oùl'onpeut fixerd'unemanière précise
la notion de responsabilité à priori. Quoi qu'en pensent ceuxqui sont
d'une opinion opposée, chaque Etat est libre d'agir comme bon lui
semble dans leslimites du ressort desasouverainetéet encasdedommages
ou préjudice réel,si lesdits dommages sont clairement établis, il doit
réparation à 1'Etatqui a subi ce dommage.
11n'y a pas que je sache en droit international une hiérarchiedans
l'exercicedu droit de souveraineté et I'ordonnaceprise par la Cour n'a,
du moins pour l'heure, aucune raison juridique pour empêcher leGou-
vernement français d'user de son droit de souverainetéen faisant exploser

un engin atomique, comme d'autres Etats l'avaient fait avant lui et un
certain autre Etat le fait encore présentement,la recherche des moyens
de garantir leur propre sécurité.
Faudrait-il considérer commesupérieurle droit de l'Australie dans
l'exercicede sa souverainetépar rapport au mêmedroit qu'a la France
qui viendrait ainsi en deuxièmeposition lorsqu'il s'agira d'exercerle sien?
En enjoignant au Gouvernement français qu'il ((s'abstiennedeprocéder
à des essaisnucléairesprovoquanlte dépôtde retombées radioactives sur le
territoire australien))(dispositif de l'ordonna-cec'estmoiquisouligne)
laCour outrepassecertainement ses attributions et paraît ainsiinnoveren
déclarant illicite I'exerciced'un droit jusqu'ici considécomme du do-
maine de la souveraineté d'unEtat. La Cour n'est pas encore une Cour
suprêmeendroit interne ni un législateur,elle n'estpasen droit deprendre
une décisioncontre un Etat qui lui dénieen une déclarationformelle la

compétenceenmatièrede différendsconcernant lesactivités serapportant
à la défense nationale.
Je suisen parfait accord avecl'Australie pour reconnaître qu'ellecourt
un grand risque à voir les retombéesatomiques sur son territoire et voir
sa population en subir les effets nocifs et je souhaiterais, quant moi,
voir éloigner définitivemencte risque, mais je ne vois aucun moyenjuri
dique existant en l'étatactuel du droit pour autoriser un Etat de venir
demander àla Cour d'interdire à un autreEtat d'exercer sur son propre
territoire telle activitéproductrice de risque chez le voisin. NUCLEAR TESTS (DISS.OP. IGNACIO-PINTO) 131

tical damage, the assessment of which is difficult in the extreme. Never-
theless the majority of the Court has seen fit to recognize that such dam-
age, however uncertain or imprecise it may be, is sufficient to justify
acceding to the request for the indication of provisional measures
without any clear statement of the nature of the rights which have to be
~rotected or ~reserved.
Of course, Australia can invoke its sovereignty over its territory and
its right to prevent pollution caused by another State. But when the
French Government also claims to exercise its right of territorial sover-
eignty, by proceeding to rarry out tests in its territory, is it possible
legally todeprive it of that right, on account of the mere expression of the
will of Australia?
In my opinion, international law is now, and will be for some time to

come, a law in process of formation, and one which contains only a
concept of responsibility after the fact, unlike municipal law, in which
the possible range of responsibility can be determined with precision a
priori. Whatever those who hold the opposite view may think, each
State is free to act as it thinks fit within the limits of its sovereignty, and
in the event of genuine damage or injury, if the said damage is clearly
established, it owes reparation to the State having suffered thatdamage.
There is, sofar as1 am aware, in international law no hierarchy in the
exercise of the right of sovereignty, and the Order issued by the Court
has-at least, for the moment-no legal ground for preventing the
French Government from making use of its right of sovereignty and
exploding an atomic device, as other States have done before it, and as

one other State is still doing at the present time, in order to obtain the
means of ensuring their own security.
1sAustralia's right, in the exercise of its sovereignty, to be regarded as
superior to the identical right possessed by France, which would thus
rank second when it came to exercise of its own right?
By directing the French Government to "avoid nuclear tests causing
the deposit of radio-active,fall-out inAustralianterrito(operative clause
of the Order; emphasii; added), the Court certainly oversteps the limits
of its powers, and appears thereby to be innovating in declaring unlawful
the exercise of a right which up to now has been regarded as falling
within the sovereignty of a State. The Court is not yet a supreme courtas
in municipal law, nor does it have legislative powers, and it has no right

to hand down a decision against a State which by a forma1 declaration
excludes its jurisdiction over disputes concerning activities connected
with national defence.
1entirely agree with Australia that that country runs considerable risk
by seeing atomic fall-out descend upon its territory and seeing its people
suffer the harmful effects thereof, and for my own part, 1would like to
see that risk finally exorcised, but 1see no existing legal means in the
present state of the law which would authorize a State to come before
theCourt asking it to prohibit another State from carrying out on its own
territory such activities, which involve risks to its neighbours. Ceci est tellement pertinent que j'en vois l'expression même dans le
traité deMoscou du 5juin 1963dont le but est précisément l'interdiction

des expériences nucléaires atmosphériques - le Gouvernement français
n'en est pas partie d'ailleurs en son article IV qui fait une réserve telle-
ment importante pour ménagerprobablement lesgrands Etats détenteurs
des plus grands stocks de bombes nucléaires,que l'interdiction devient
virtuellement de nul effet.L'articleVdispose :
«Le présentTraitéa une durée-illimitée.
Chaque Partie, dans l'exercicede sa souveraineté nationale,aura

le droit de se retirer du Traité si elle décideque des événements
extraordinaires,en rapport avec l'objetduprésentTraité,ont compro-
mis les intérêtssuprêm dessonpays. Elle devra notifier ce retraàt
toutes les autres Parties avec un préavisde trois mois.)) (C'est moi
qui souligne.)

Est-il admissibleque la réserve faitepar cesEtats demeure valablepour
les autoriserà reprendre leurs expériences nucléairesdans le cas où des
événements extraordinaires ont compromis les intérêts suprêmesde leur
pays, alors que l'ordonnance de la Cour interdit à la France d'user de
son droit de procéder actuellement aux siennes, dès lors qu'aucun enga-
gement conventionnel valable n'existe pour l'heure pouvant l'en empê-
cher?
L'existenced'un tel traitécomportant une telle réserve ne démontre-t-
elle pas le manque de fondement juridique qui aurait dû faire rejeter
par la Cour la demande de l'Australie en indication de mesures conserva-
toires?
En effet,adopter la thèsede la demande de l'Australienous amènerait à
une nouvelle conception en droit international, qui consisteraità inter-
dire aux Etats l'exercicedans le cadre de leur souverainetéterritoriale de

toute activité créatricde risque; mais celaaboutiraità l'octroidu droià
tout Etat d'intervenir à titre préventif dans les affaires nationales des
autres Etats. Or l'article paragraphe 7, de la Charte, est formel.

Dans l'étatactuel du droit international, ((l'appréhension))d'unEtat
ou ((l'angoisse)),le risque de radiations atomiques)) ne suffisentpas,à
mon avis,pour constituer lajustification d'un droit supérieurqui s'impose
à tous les Etats et limite leur souverainetéen matière d'essais nucléaires
dans l'atmosphère.
Ceux qui sont d'une opinion opposéefont peut êtrefigure de proue ou
d'avant-garde dans un systèmede développement progressifdu droit
international, mais leur désir nesaurait êtrepris en considérationpour
modifier l'état actueldu droit.

Enfin pour terminer il y a une considérationdont on n'a pas asseztenu
compte, me semble-t-il, et qu'il importe de ne pas négliger,c'est le fait
que l'Australie avait elle-mêmeacceptéque le Royaume-Uni procède à
des essais nucléaires au-dessusde son propre territoire, notamment à
Maralinga dans l'Australie du Sud, avec des enginsautrement plus puis-
37 This is so pertinent that 1find it expressed even in the Moscow Treaty
of 5June 1963,the object of which isin fact the prohibition of atmospher-
ic nuclear tests-the French Government, incidentally, is not a party to

this Treaty-for Article IV thereof embodies a reservation which is so
substantial, probabiy in order to satisfy the major States which hold the
greatest stocks of nuclear weapons, that the prohibition becomes
practically ineffective.Article IV provides that :
"This Treaty shall be of unlimited duration.
Each Party shall in exercising its national sovereignty have the
right to withdraw from the Treaty if it decides that extraordinary
events, related to the subjectmatter of this Treaty, havejeopardized

the supreme interests of ifs country. It shall give notice of such
withdrawal to al1 other Parties to the Treaty three months in
advance." (Emphasis added.)
1s it admissible that the reservation effected by these States should
remain valid, so as to authorize them to recommence their nuclear
experiments if extraordinary events should have jeopardized the supreme
interests of their countries, while the Court's Order forbids France to
exercise its right to carry out its tests at the present time, when no valid
treaty obligation now exists to prevent it from doing so?

Does not the existence of such a treaty, containing such a reservation,
demonstrate the lack of legal basis which should have led the Court to
dismiss the Australian request for the indication of interim measures?

The point is that if the Court were to adopt the contention of the
Australian request it would be near to endorsing a novel conception in
international law whereby States would be forbidden to engage in any
risk-producing activity within the area of their ownterritorial sovereignty;
but that would amount to granting any State the right to intervene pre-
ventivelyin the national affairsof other States.Yet Article 2, paragraph 7,
of the Charter is categorical on that point.
In the present state of international law, the "apprehension" of a
State, or "anxiety", "the risk of atomic radiation", do not in my view
sufficeto substantiate some higher law imposed on al1States and limiting
their sovereignty as regards atmospheric nuclear tests.

Those who hold the opposite view may perhaps represent the figure-
heads or vanguard of a system of gradua1 development of international
law, but it is not admissible to take their wishes into account in order to
modify the present state of the law.
To conclude, there is one consideration which, or so it seems to me,
has not sufficiently been taken into account and which it is important
not to overlook. 1refer to the fact that Australia had itself accepted the
conducting by the United Kingdom of nuclear tests above its own
territory, more particularly at Maralinga in South Australia, withsants que ceux destinésaux essaisfrançais, qui sont situésdans une zone
éloignée de l'Australie de plus de 6000kilomètres.
Si donc elle a pu laisser le Royaume-Uni agir, avec son accord, de la
sorte directement au-dessus d'une zone dépendant de sa souveraineté
nationale, elledevrait êtredéclarémal fondéepour venir demander d'in-
terdire au Gouvernement français d'agir de même au-dessusd'une zone

qui est du ressort de sa souveraineté.
En conséquence, à mon avis, il n'y a donc pas lieu de faire droit à
la demande en indication de mesures conservatoires. La question de
l'illicéidesessaisnucléaires dépassela compétencedela Cour et devient,
selon moi, un problème politique. Je n'en veux pour preuve que les pro-
pres déclarationsdu premier ministre et ministre des affaires étrangères
de l'Australie danssa note au ministre des affairesétrangèresduGuuver-
nement français le 13février1973(requête, annexe11,p. 63),déclaration
libelléecomme suit:

«Au coursde mon entretien du 8 février1973avecvotre ambassa-
deur, j'ai dit avec quelle vivacitél'opinion en Australie réagitaux
effetsdes essaisfrançais dans le Pacifique.J'ai expliquéque l'opinion
publique réagissait si vivement que le parti politique au pouvoir,
quel qu'il soit, ferait l'objetde pressions considérablespour passer
l'action. Le public australien estimerait intolérable que les essais
nucléaires se poursuivent pendant des discussions auxquelles le
Gouvernement australien aurait consenti.»

En guisedeconclusionj'incline àpenser que lecaractèrenettementpoli-
tique que présente cetteaffaire aurait dû, me semble-t-il, inciter la àour
plus de circonspection et lui faire prendre la décisionde rejeter purement
et simplement la demandede l'Australie en indication de mesures conser-
vatoires.Il ne lui appartient pas de déclarerillicite ou du moins laisser
croire par sa décision qu'est illicitel'de souverainetéd'un Etat agis-
sant dans les limites de son intégrité territoriale.C'est donc tort que
l'Australie a obtenu le bénéficdes mesures conservatoires qu'ellea solli-
citéeset c'esten violation de l'articleparagraphe 7, de la Charte.

(SignéL ). IGNACIO-PINTO.devices notably more powerful than those to be used in the French tests,
which are located in an area over 6,000kilometres distant from Australia.
If Australia thus allowed the United Kingdom, with its consent, to

proceed to such actions directly above an area subject to its own national
sovereignty, it ought to be declared without title to request thatthe French
Government be prohibited from acting in the same manner above an
area under French sovereignty.
Consequently, in my opinion, there isno reason to accedeto the request
for the indication of provisional measures. The question of the illegality
of nuclear tests exceeds the competence of the Court and becomes, as 1
seeit, a political problem. No further proof is in my viewneeded than the
statements of the Prime Minister and Foreign Minister himself in his
Note to the Minister for Foreign Affairs of the French Government,
dated 13February 1973(Application, Annex Il, p. 62), in which we find
the following words:

"In my discussion with your Ambassador on 8 February 1973, 1
referred to the strength of public opinion in Australia about the
effectsof French tests in theacific. 1explained that the strength of
public opinion was such that, whichever political party was in
office,it would bender great pressure totake action. The Australian
public would consider it intolerable if the nuclear tests proceeded
during discussionsto whichthe Australian Government had agreed."

Byway of conclusion, 1am inclined to think thatthe decidedly political
character of the case ought, or so it seems to me, to have prompted the
Court to exercisegreater circumspection and to have caused it to take the
decision of purely and simply rejecting the request of Australia for the
indication of provisional measures. It is not for the Court to declare
unlawful the act of a State exercising its sovereignty within its own
territorial limits, or at least to lend credence by itssion to the propo-
sition that the act in question is unlawful. It was therefore wrong for
Australia to have secured the benefit of the provisional measures which
it sought, and a violation of Article paragraph 7, of the Charter.

(Signed) L. IGNACIO-PINTO.

Document file FR
Document Long Title

Opinion dissidente de M. Ignacio-Pinto

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