Opinion individuelle de M. Buergenthal (traduction)

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090-20031106-JUD-01-07-EN
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090-20031106-JUD-01-00-EN
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OPINION INDIVIDUELLE DE M. LE JUGE BUERGENTHAL

[Traduction]

Je souscris au rejet par la Cour de la demande formulée par l'Iran à l'en-
contre des Etats-Unis en vertu du paragraphe 1 de l'article X du traité de 1955

- Je souscrismutatis mutandis au rejet de la demande reconventionnelle des
Etats-Unis présentée au titre du même article - Violation par la Cour de la
règle non ultra petita- La conclusion erronée relative à la pertinence de l'ali-
néa d) du paragraphe 1 de l'article XX n'est pas à sa place dans le dispositif-
La Cour n'a pas compétence pour interpréter l'alinéa d) du paragraphe 1 de
l'article XX dès lors qu'elle estime que les Etats-Unis n'ont pas violé le para-
graphe 1 de l'article X - L'alinéa c) du paragraphe 3 de l'article 31 de la
convention de Vienne sur le droit des traités n'autorise pas valablementà inter-
préter l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'article XX du traité par rapport aux
autres règles de droit international ne relevant pas de la compétence de la
Cour - La Cour a mal conçu la méthode d'établissement desfaits - Le critère
de preuve n'est pas déjini.

1. Dans l'arrêtqu'elle rend en l'espèce, la Cour adopte deux décisions
auxquelles je souscris et une décision à laquelle je ne souscris pas. C'est-
à-dire que je vote avec la majorité quand elle estime que les Etats-Unis
d'Amérique n'ont pas violé le paragraphe 1 de l'article X du traité

de 1955 qu'ils ont conclu avec l'Iran et que par conséquent il faut rejeter
la demande de réparation émanant de l'Iran. Je souscris également à la
décision de la Cour quand celle-ci rejette la demande reconventionnelle
formulée par les Etats-Unis à l'encontre de l'Iran. A mon sens, cette déci-
sion est justifiée pour les raisons mêmes,mutatis mutandis, qui ont amené
la Cour à dire au paragraphe 1 du dispositif que les Etats-Unis n'ont pas
violéles obligations que leur impose à l'égard de l'Iran le paragraphe 1 de

l'articleX du traité de 1955.
2. Mais la Cour tient en outre à dire au paragraphe 1 du dispositif de
17arrêt.queles actions menées par les Etats-Unis, quand ceux-ci attaquent
certaines plates-formes pétrolières iraniennes, ne sauraient êtrejustifiées
en vertu de l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'article XX du traité «tel
qu'interprété à la lumière du droit international relatif à l'emploi de la
force)). Ce prononcé n'est pas à sa place dans l'arrêt, et encore moins

dans le dispositif, et je m'oppose par conséquent à ce prononcé pour les
raisons que j'expose à présent sous forme d'opinion individuelle.

3. Quand il porte sur l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'article XX,
l'arrêt de la Cour souffre pour plusieurs raisons de graves vices de
conception. Premièrement, la Cour formule une conclusion en ce qui
concerne cet alinéa d) du paragraphe 1 de l'articleXX du traité de 1955 PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (OP. IND. BUERGENTHAL) 271

qui viole la règle non ultra petita, règle cardinale régissant l'action judi-
ciaire de la Cour, laquelle interdità celle-ci de traiter dans le dispositif de
son arrêtune question que les Parties à l'affaire ne lui ont pas demandé
dans leurs conclusions finales de trancher. Deuxièmement, la Cour for-
mule une constatation sur une question au sujet de laquelle elle n'avait
pas compétence aux termes de la clause de règlement des différends du
traité de 1955 - le paragraphe 2 del'article XXI -, laquelle était la seule
base de compétencede la Cour en l'espèce dès lors qu'elle avait constaté
que les Etats-Unis n'avaient pas violé le paragraphe 1 de l'article X du
traité. Troisièmement, à supposer mêmeque la Cour fût dotée de la com-
pétence voulue pour se prononcer sur l'alinéa d) du paragraphe 1 de
l'articleXX, elle franchissait la limite de sa compétence en interprétant
cet articleà la lumière du droit international relatifàl'emploi de la force.
En dernier lieu, je crois que la façon dont la Cour analyse les moyens de
preuve évoqués quand elle fait application de l'alinéa d) du paragraphe 1
de l'article XX souffre de graves vices de conception.

4. Dans son arrêt, la Cour dit que les Etats-Unis n'ont pas violé le
paragraphe 1de l'article X du traité de 1955. Dans leurs conclusions res-
pectives, l'Iran a prié la Cour de dire que les attaques lancées par les
Etats-Unis contre les plates-formes pétrolières iraniennes violaient le
paragraphe 1 de l'article X du traité tandis que les Etats-Unis ont
demandé à la Cour de rejeter ladite prétention. Pour trancher la question
qui opposait ainsi les Parties, l'alinéa d) du paragraphe 1de l'article XX
du traité n'aurait été pertinent qu'au cas où la Cour serait parvenue à la
conclusion que les Etats-Unis avaient effectivement violé leparagraphe 1
del'article X. C'est-à-dire que, si la Cour avait conclu à pareille violation,
la question se serait alors posée de savoir si les mesures adoptées par les
Etats-Unis n'échappaient néanmoins pas à ((l'interdictio» sous l'effet
des dispositions de l'alinéa d) du paragraphe 1de l'article XX du traité.
Ces dispositions sont les suivantes:

«1. Le présent traité ne fera pas obstacle à l'application de me-
sures :
.............................

d) Hautes Parties contractantes desrelatives au maintien ou au réta-des

blissement de lapaix et de la sécuritéinternationales ou à la pro-
tection des intérêts vitaux de cette Haute Partie contractante sur
le plan de la sécurité.»
5. Autrement dit, l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'article XX n'est
censé entrer en jeu ou n'est pertinent que s'il est constaté qu'une des
parties au traité a violé l'une de ses dispositions de fond. En pareil cas,
l'alinéa d) du paragraphe 1de l'article XX pourrait constituer une raison PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (OP.IND.BUERGENTHAL)
272

valable ou un moyen de défense à l'encontre de l'accusation de violation
à condition, bien entendu, que les mesures contestéesrépondent aux pres-
criptions de cet article. La Cour a admis que l'alinéa d) du paragraphe 1
de l'articleXX jouait ce rôle- ce seul rôle- dans l'affaire des Activités
militaires etparamilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c.
Etats--Unis d'Amérique), quand, dans cette affaire-là, interprétant une
disposition comparable du traité de 1956 entre les Etats-Unis et le Nica-
ragua, elle a dit ceci:

«Les Parties s'étant réservéchacune par l'article XXI du traité
de 1956 la faculté de déroger aux autres dispositions de cet instru-
ment, la possibilité d'invoquer les clauses de cet article doit être
examinée dès lors qu'une contradiction apparaît entre certaines
conduites des Etats-Unis et les dispositions pertinentes du traité. »
(Fond, arrêt, C. 1J. Recueil 1986, p. 1 17, par. 225.)

En outre, dans l'arrêtqu'elle a rendu en l'espèce sur l'exception prélimi-
naire (C.1 J. Recueil 1996 (11)'p. 811, par. 20)' la Cour a qualifié cette
disposition de ((défense au fond qu'il ..appartiendra [aux Parties], le cas
échéant, de faire valoir le moment venu)). Manifestement, ce moment ne
se présenterait que s'il est constaté qu'une des parties au traité a violéune
autre de ses dispositions et veut invoquer l'alinéa d) du paragraphe 1 de
l'article XX comme moyen de défense.
6. Cela ne veut pas dire pour autant que, lorsqu'elle analyse l'affaire,
la Cour est empêchéepar principe de s'arrêter d'abord sur l'alinéa d) du
paragraphe 1 de l'article XX si l'une des Parties fait de cette disposition
un moyen de défense. Mais dès lors que la Cour conclut que l'alinéa d)
du paragraphe 1 de l'article XX ne constitue pas un moyen de défense

valable et qu'elle constate en outre que le paragraphe 1 de l'article X n'a
pas étéviolé, la règle non ultra petita empêchela Cour de dire et juger,
tout particulièrement dans son dispositif, que l'action contestée, sans
constituer de violation du paragraphe 1 de l'article X, ne saurait néan-
moins être justifiée au titre de l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'articleXX
alors que, dans leurs conclusions, les Parties ne lui ont pas demandé de se
prononcer en ce sens en ce qui concerne ladite disposition, et les Parties
ne l'ont effectivement pas demandé en l'espèce. L'ordre dans lequel la
Cour examine les articles visés - qu'elle s'arrête enpremier sur le para-
graphe 1 de l'article X ou sur l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'ar-
ticleXX - est sans pertinence pour l'issue du problème concernant la
règle non ultra petita telle que je viens de la formuler.
7. Cette conclusion est confortée par les explications données par la
Cour elle-mêmedans l'affaire du Mandat d'arrêtjugée en 2002, la Cour
rappelant alors :

«le principe bien établi selon lequel elle a «le devoir de répondre aux
demandes des parties telles qu'elles s'expriment dans leurs conclu-
sions finales, mais aussi celui de s'abstenir de statuer sur des points PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (OP. IND. BUERGENTHAL)
273

non compris dans lesdites demandes ainsi exprimées» (Droit d'asile,
arrêt,C.Z. J. Recueil 1950,p. 402). Si la Cour ne peut donc pas tran-
cher des questions qui ne lui ont pas étésoumises, en revanche, la
règle non ultra petita ne saurait l'empêcherd'aborder certains points
de droit dans sa motivation. Aussi la Cour ne saurait-elle en l'espèce
se prononcer, dans le dispositif de son arrêt, sur la question de savoir
si le mandat d'arrêt litigieux, émispar le juge d'instruction belge en
vertu de la compétence universelle dont il se réclame, est conforme
sur ce point aux règles et principes du droit international gouvernant
les compétences des juridictions nationales. Toutefois, il ne s'ensuit
pas que la Cour ne puisse aborder, si elle l'estime nécessaire ou sou-
haitable, tel ou tel aspect de cette question dans les motifs de son
arrêt.)) (C.Z.J. Recueil 2002, p. 18-19, par. 43; les italiques sont de
moi.)

Comme il ressort de ce texte, la Cour, du fait qu'elle ne s'abstient pas, en
la présente espèce, «de statuer sur des points non compris dans [les]
conclusions finales» a violé la règle non ultra petita et ne pouvait donc
pas se prononcer sur l'alinéa d) du paragraphe 1 del'article XX du traité.
8. La règle non ultra petita a des incidences directes sur l'étendue de la
compétencede la Cour. Comme ladite compétence dans une affaire don-
née est strictement limitée au consentement donné par les parties à
l'affaire, la règlenon ultra petita vise à garantir que la Cour ne franchit
pas les limites juridictionnelles que les parties ont définies dans leurs
conclusions finales. C'est ce que la Cour a voulu dire dans cet extrait de

l'affaire du Droit d'asile citéci-dessus: «la Cour a le devoir de répondre
aux demandes des parties telles qu'elles s'expriment dans leurs conclu-
sions finales, mais aussi celui de s'abstenir de statuer sur des points non
compris dans lesdites demandes ainsi exprimées B. Fitzmaurice formule la
mêmeobservation sous la forme suivante:
«La règle non ultra petita n'est pas seulement un corollaire inévi-
table du principe généraldu consentement - d'ailleurs ladite règle
fait pratiquement partie intégrante de ce principe général qui est que

le consentement des parties est la base de compétence internatio-
nale -, c'est aussi une règle indispensable, car en son absence le
principe du consentement lui-même pourrait être constamment mis
en échec. >>l
Le danger dont Fitzmaurice fait état et qui se présente quand la Cour ne
respecte pas la règle non ultra petita est tout particulièrement utile à noter
dans la façon dont la Cour aborde la présente espèce.
9. C'est-à-dire que, indépendamment du fait que, dans leurs conclu-

sions finales, les Parties ont exclusivement demandé à la Cour de dire si

l Gerald Fitzmaurice,The Law and Procedure of the International Court of Justice,
vol. II, 1986, p. 529. Voir aussi Shabtai Rosenne, The Law and Practice of the Interna-
tional Court of Justice,. 1, 1997, p. 173.

116 PLATES-FORME PSTROLIÈRES (OP.IND.BUERGENTHAL) 274

les actions des Etats-Unis ont ou non violé le paragraphe 1 de l'article X
du traité, question tranchée en faveur des Etats-Unis, la Cour va
faire d'une disposition du traité - l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'ar-

ticle XX - qui, manifestement, n'était pertinente qu'à titre de moyen de
défense au cas où il y aurait eu violation du paragraphe 1 de l'articleX,
un moyen de se servir précisément de l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'ar-
ticle XX pour statuer sur le droit international relatif à l'emploi de la force
et constater par ce biais que les actions des Etats-Unis sont contraires
audit droit. Ce modus operandi judiciaire revient à violer la règle non ultra
petita de façon patente. A mon sens, ce que la Cour dit de la question qui
n'est pas posée dans les conclusions des Parties ne saurait constituer de

prononcé faisant autorité quant au droit applicable aux actions des
Etats-Unis.
10. Il ne faut pas oublier à ce propos que, selon la pratique de la Cour,
la teneur du dispositif correspond à la partie de l'arrêt qui est la seule à
avoir force obligatoire pour les parties en vertu de l'article 59 du Statut
de la Cour. Tout le reste de l'arrêtne représente simplement que la moti-
vation, laquelle conforte ou non la constatation énoncéedans le disposi-
tif. C'est pourquoi, quand elle inclut dans le dispositif des questions

sur lesquelles il ne lui était pas demandé de statuer dans les conclusions
des parties, la Cour va au-delà des limites de sa compétence. Et c'est
dans ce cas de figure que nous nous trouvons ici pour ce qui concerne la
décision de la Cour relative à l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'article XX
du traité.

II. LE DÉFAUT DE COMPÉTENCE

11. En rapport étroit avec la question que nous venons d'examiner
existe le fait que la Cour a étésaisie du différend au titre du paragraphe 2
de l'article XXI du traité de 1955. En l'espèce, la Cour n'a pas d'autre
base de compétence. Les Parties ne s'opposent pas sur ce point-là. Ce
paragraphe 2 de l'article XXI du traité se lit comme suit:

((Tout différend qui pourrait s'élever entre les Hautes Parties
contractantes quant à l'interprétation ou à l'application du présent
traité et qui ne pourrait pas êtrerégléd'une manière satisfaisante par
la voie diplomatique sera porté devant la Cour internationale de Jus-
tice à moins que les Hautes Parties contractantes ne conviennent de
le régler par d'autres moyens pacifiques. »

12. Comme nous l'avons vu, l'Iran a saisi la Cour du différend en soute-
nant que l'action menée par les Etats-Unis quand ils ont attaqué certaines
plates-formes pétrolières iraniennes violait le paragraphe 1 de l'article X du
traité. De leur côté,pour se défendre contre cette accusation, les Etats-Unis

ont soutenu ne pas avoir violéledit article et soutenu également que, même PLATES-FORMES PETROLIERES (OP. IND. BUERGENTHAL) 275

s'ils avaient violécette disposition, les mesures en question ne pouvaient pas
êtreconsidéréescomme une violation du traité puisqu'il n'étaitpas «fait obs-
tacle))à ces mesures en vertu de l'alinéa d) du paragraphe 1de l'article XX2.
13. L'alinéad) du paragraphe 1 de l'article XX est conçu pour entrer en
jeu ou ne revêtde pertinence que lorsque la Cour établit qu'une partie au

traité a violéune autre de ses dispositions, car en pareil cas cette disposi-
tion de l'article XX peut servir de moyen de défense ou dejustification de
l'action considérée comme contraire au traité. Indépendamment du fait
que l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'article XX s'interprète facilement en ce
sens à la simple lecture, la Cour en a déjà à deux reprises au moins donné
précisément cette interprétation. C'est le cas, comme nous l'avons déjà
noté, dans l'affaire des Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua
et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d'Amérique), quand la Cour dit
d'une disposition comparable du traité de 1956 conclu entre les Etats-Unis
et le Nicaragua qu'elle donne à chacune des parties «la faculté de déroger
aux autres dispositionsde cet instrument » (C.I.J.Recueil 1986,fond, arrêt,

p. 117, par. 225). Et dans la présente espèce, dans son arrêt sur l'excep-
tion préliminaire (C.I. J.Recueil 1996 (II), p. 8 11, par. 20)' la Cour dit de
la disposition en question qu'elle offre seulement aux parties «une défense
au fond qu'il leur appartiendra, le cas échéant, de faire valoir le moment
venu)). C'est bien entendu là la seule interprétation de ladite disposition
qu'il soit possible de lui donner légitimement. On est ainsiamené à conclure
manifestement que ladite disposition n'a pas d'autre intérêtque d'entrer en
jeu quand la Cour constate qu'une autre disposition du traité a étéviolée.
Bref, l'alinéad) du paragraphe 1 de l'article XX est sansimportance en soi.
14. Par suite, dès lors que la Cour avait constaté comme elle l'a cons-
taté en l'espèce que le paragraphe 1 de l'article X du traité de 1955 n'avait
pas étéviolépar les Etats-Unis, il n'existait plus de différend au sens du

paragraphe 2 de l'article XXI du traité entre les Etats-Unis et l'Iran. Par
voie de conséquence, la Cour n'était pas compétente pour décider que
l'action des Etats-Unis

«ne saur[ait] êtrejustifi[ée]en tant que mesur[e] nécessair[e] à la pro-
tection des intérêts vitaux des Etats-Unis d'Amérique sur le plan de
la sécurité en vertu de l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'article XX
du traité ...de 1955 ...tel qu'interprété à la lumière du droit inter-
national relatif à l'emploi de la force)) (arrêt, par. 125, point 1)).

L'article XX se lit comme suit:
«1. Le présent traité ne fera pas obstaàl'application de mesure:
.....................................
d) ..nécessairesà l'exécution des obligations de lou l'autre des Hautes Parties
contractantesrelatives au maintien ou au rétablissement de la paix et de la sécu-
rité internationales oula protectiondes intérêts vitaux de cette Haute Partie
contractantesur le plan de la sécurité.
Seul nous intéresseen la présente espèce le dernier membre de phrase de ld)linéa
du paragraphe 1, car la première partie de l'alinéa n'a pas été invoquée. PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (OP.IND.BUERGENTHAL) 276

La Cour n'aurait eu la compétence voulue pour prononcer cette décision
que si, indépendamment du traité de 1955, elle avait été dotée d'une autre
base de compétence. Mais ce n'était manifestement pas le cas.
15. Dans son arrêt,la Cour ne nie pas l'intérêt que présentent pour sa
compétence les prononcés qui lui sont dus dans l'affaireNicaragua et
dans son arrêt de 1996 sur l'exception préliminaire en la présente ins-
tance. D'ailleurs, laCour ne pense pas avoir lieu de s'écarter desdits pro-
noncés (voir arrêt, par. 33 et 34). Pour se dire fondée à conclure qu'elle
est compétente pour apprécier l'applicabilité et la portée de l'alinéa d) du
paragraphe 1 de l'article XX du traité, mêmeaprès avoir établi qu'il n'y
a pas eu violation du paragraphe 1 de l'article X du traité, la Cour pré-
sente un certain nombre d'arguments. Premièrement, elle s'appuie sur la
thèse des Etats-Unis selon laquelle, si la Cour devait constater que les
Etats-Unis adoptent valablement la défense offerte par l'alinéa d) du
paragraphe 1 de l'article XX, ((elle doit en conclure qu'aucune violation
du paragraphe 1 de l'article X du traité n'a été établie»(par. 34). Cet
argument incite la Cour à affirmer,à l'appui de sa compétence, que, pour
accueillir la demande de l'Iran, elle doit être convaincue que les actions
des Etats-Unis, dont l'Iran a soutenu qu'elles violaient le paragraphe 1 de
l'articleX, violaient effectivement ladite disposition et que les actions en
question n'étaient pas justifiées au titre de l'alinéa) du paragraphe 1 de
l'article XX. Deuxièmement, quand elle s'interroge sur l'ordre dans lequel
elle va examiner ces questions, c'est-à-dire quand elle se demande si elle
va ou non suivre l'ordre qu'elle a adopté dans l'affaire Nicaragua et trai-
ter en premier du paragraphe 1 de l'article X ou bien de l'alinéa d) du
paragraphe 1 de l'article XX, la Cour conclut que l'approche adoptée
dans l'affaire Nicaragua n'était pas dictée par ((l'économie du traité» et
qu'elle a donc le choix, c'est-à-dire qu'elle peut inverser l'ordre retenu
alors. Troisièmement,la Cour fait observer que les Etats-Unis ont plaidé
à l'appui de leur demande que leurs actions répondaient aux dispositions
de l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'article XX et que ledit article est une
disposition de fond qui définit et délimite les obligations des Parties, est
comparable à la disposition énoncéeau paragraphe 1 de l'article X et se
situe sur le mêmeplan.
16. Aucun de ces arguments n'est convaincant. La Cour s'appuie sur
la thèse des Etats-Unis qui est que, pour que la Cour conclue que les
mesures adoptées par les Etats-Unis répondaient aux prescriptions de
l'alinéad) du paragraphe 1 del'article XX, elle devrait rejeter la demande
formulée au titre du paragraphe 1 de l'article X, tandis que, pour se pro-
noncer en faveur de l'Iran, elle devrait dire qu'il y a violation du para-
graphe 1 de l'article X et qu'il n'est pas possible de faire valoir la défense
offerte par l'alinéad) du paragraphe 1 del'article XX. C'est parfaitement

exact, bien sûr, mais cela est sans pertinence pour la question de la com-
pétence en l'espèce précisémentparce que l'Iran a invoqué la compétence
de la Cour en faisant état d'une violation du paragraphe 1de l'article X.
C'était là l'unique question à régler en définitive tant que la Cour n'aurait
pas établi qu'il y avait eu violation dudit article. PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (OP.IND.BUERGENTHAL) 277

17. Deuxièmement, en décidant d'inverser l'ordre d'examen et en se

penchant d'abord sur l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'article XX, la Cour
n'a pas remédié à l'absence de la compétence voulue pour formuler des
conclusions distinctes au titre de cet article dès lors qu'elle avait conclu,
que ce fût avant ou après s'être penchéesur l'un ou l'autre desdits articles,
que l'article X n'avait pas étéviolé. Ici, il ne faut pas oublier qudans son
arrêtsur l'exception préliminaire des Etats-Unis en l'espèce, la Cour a dit
((qu'elle a[vait] compétence, sur la base du paragraphe 2 de l'article XXI
du traité de 1955, pour connaître des demandes formulées par la Répu-
blique islamique d'Iran au titre du paragraphe 1 de l'article X dudit traité))
(C.I.J. Recueil 1996 (II), p. 821, par. 55, point 2)). Le cas de figure, ici,

n'est pas celui où la Cour, compétente au moment où l'action a été inten-
tée, ne peut pas perdre ladite compétence sous l'effet d'événements exté-
rieurs survenant ultérieurement (voir par exemple Questions d'interpréta-
tion et d'application de la convention de Montréal de 1971 résultant de
l'incident aérien de Lockerbie (Jamahiriya arabe libyenne c. Royaume-
Uni), exceptions préliminaires, arrêt,C.I.J. Recueil 1998, p. 23-24, par. 38).
Dans cette affaire Lockerbie, l'événementextérieur fut une résolution ulté-
rieure du Conseilde sécurité desNations Unies. Des événements extérieurs
du mêmeordre sont intervenus dans les deux autres affaires que l'on cite
fréquemment pour étayer l'idée que, une fois acquise, la compétence ne

peut disparaître sous l'effet d'événements ultérieurs (voir Nottebohm
(Liechtenstein c. Guatemala), exception préliminaire, arrêt,C.I.J. Recueil
1953, p. 123; et Droit de passage sur territoire indien (Portugal c. Inde),
exceptions préliminaires, arrêt,C.I.J. Recueil 1957,p. 142). Dans l'affaire
Nottebohm, la Cour formule l'idée comme suit: «Un fait extérieur tel que
la caducité ultérieure de la déclaration par échéance du terme ou par
dénonciation ne saurait retirer à la Cour une compétence déjà établie.))
Mais, en l'espèce, nous ne sommes pas en présence d'un fait ou événement
extérieur, nous sommes en présence d'un événement ou d'un fait intrin-
sèque à l'arrêtlui-même :en formulant elle-mêmeune conclusion en vertu du
paragraphe 1 de l'article X du traité de 1955, la Cour a perdu ou s'est retiré

elle-mêmela compétence voulue pour formuler des conclusions indépen-
dantes relevant de l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'article XX.
18. En dernier lieu, la Cour a tort de faire fond sur l'argument des
Etats-Unis suivant lequel l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'article XX est
une disposition de fond et que leur action répond aux dispositions dudit
article. En formulant cette thèse, les Etats-Unis n'ont pas conférécom-
pétence à la Cour pour dire isolément si les mesures adoptées par les
Etats-Unis répondaient ou non aux prescriptions de l'alinéa d) du para-
graphe 1 de l'article XX dès lors que la Cour estimait que lesdites me-
sures ne violaient pas le paragraphe 1 de l'article X du traité. Autrement

dit, quand elle dit implicitement en l'occurrence que les Etats-Unis en for-
mulant cette proposition s'en remettent à la compétence de la Cour,
celle-ci adopte à mon sens une position qui est tout bonnement insoute-
nable. Il ne s'agit absolument pas ici d'un cas de forum prorogatum
implicite, nous sommes face à un moyen de défense qu'utilisent les Etats- PLATES-FORMES PETROLIERES (OP.IND.BUERGENTHAL) 278

Unis uniquement pour le cas où la Cour déciderait qu'il y a violation du

paragraphe 1 de l'articleX (voir Anglo-Zranian Oil Co. (Royaume- Uni
c. Iran), exception préliminaire, C.Z.J. Recueil 1952, p. 93-114).
19. Nous dirons sans ménagement qu'ici la Cour s'autorise intellec-
tuellement un vrai bond dans l'espace: en l'absence de la compétence
judiciaire et juridictionnelle voulue, elle se contente à tort d'une disposi-
tion conventionnelle - l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'article XX du
traité - pour conclure officiellement dans le dispositif de l'arrêt que
ladite disposition ne saurait justifier l'action des Etats-Unis, action dont

la Cour dit dans le mêmedispositif qu'elle ne constitue pas violation de
l'article même du traité - le paragraphe 1 de l'articleX - sur lequel
l'Iran fondait exclusivement sa demande en l'espèce. C'est avec cette ima-
gination que la Cour stigmatise l'action des Etats-Unis qu'elle qualifie
d'infraction au droit international relatif à l'emploi de la force sans avoir
la compétence requise pour formuler pareille décision.

111. LA COUR S'APPUIE A TORT SUR LE DROIT INTERNATIONAL

RELATIF A L'EMPLOI DE LA FORCE

20. Même si l'on devait accepter l'avis de la Cour qui est que celle-ci
est compétente pour statuer en particulier sur l'alinéa d) du paragraphe 1
de l'articleXX du traité, il faudrait néanmoins souligner que, lorsqu'elle
interprète cette disposition à la lumière du droit international relatif à
l'emploi de la force, la Cour a passé outre aux limites de sa compétence.
Au paragraphe 41 de l'arrêt, la Cour dit en conclusion qu'elle

«ne saurait admettre que l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'articlXX
du traité de 1955 ait étéconçu comme devant s'appliquer de manière
totalement indépendante des règles pertinentes du droit international
relatif à l'emploi de la force, de sortequ'il puisse êtreutilement invo-

qué, y compris dans le cadre limité d'une réclamation fondée sur une
violation du traité, en cas d'emploi illicite de la force)).
21. La Cour affirme qu'il faut interpréter l'alinéa d) du paragraphe 1
de l'articleXX par rapport au droit international relatif à l'emploi de la

force, ce qui l'amène à conclure que, au cas où elle constaterait que l'ac-
tion des Etats-Unis violait le droit international relatif à l'emploi de la
force, elle devrait dire que cet emploi de la force ne saurait se justifier au
titre de l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'articlXX du traité de 1955. Pour
aboutir à cette conclusion,la Cour s'appuie principalement sur l'alinéa c)
du paragraphe 3 de l'article 31 de la convention de Vienne sur le droit des
traités et sur l'article premier du traité de 1955. L'alinéa c) du para-
graphe 3 de l'article 31 de la convention dispose qu'aux fins de l'inter-
prétation d'un traité il faut tenir compte «de toute règle pertinente de

droit international applicable dans les relations entre les parties)).
22. La difficulté qui surgit du fait que la Cour table sur cette disposi-
tion de la convention de Vienne tient à ce que cette règle, laquelle estbonne et est incontestée en principe du point de vue de l'interprétation
des traités, ne peut avoir pour effet d'autoriser la Cour à prendre en
considération comme elle le fait ici les «règle[s] pertinente[s] de droit
international applicable[s] ...entre les parties >>que les parties à l'instance
n'ont pas soumises à la compétence de la Cour au titre de la clause de

règlement des différends du traité de 1955. C'est-à-dire que les principes
de droit international coutumier et tous les autres traités que les parties à
un différend porté devant la Cour peuvent avoir conclus ne relèvent pas
de la compétence de la Cour en vertu de l'alinéa c) du paragraphe 3 de
l'article 31 de la convention. Et il en est de la sorte que ces principes ou
ces traités soient ou non pertinents dans l'abstrait pour l'interprétation
d'un traité sur lequel la Cour a compétence. Qu'on le veuille ou non, cela
découle en l'occurrence du fait que la compétence de la Cour, quand elle
doit régler des différends entre les parties qui l'ont saisie, est limitée aux
règles de droit international coutumier et aux traités au sujet desquels les
parties ont accepté que la Cour soit compétente. S'il en était autrement,
un Etat qui s'est soumis à la compétence de la Cour pour l'interprétation

d'un traité déterminé constaterait soudain qu'il risque de devoir subir
l'examen judiciaire sous l'angle d'autres traités conclus entre les parties
au différend, plus ou moins pertinents, qui n'entrent pas dans le champ
de la clause de règlement des différends du traité qui a initialement
conféré compétence à la Cour. Ce serait là la conséquence naturelle du
fait pour la Cour de se fonder en l'espèce sur l'alinéa c) du paragraphe 3
de l'article 31 de la convention de Vienne pour interpréter l'alinéa d) du
paragraphe 1 de l'article XX du traité. Pareil résultat serait contraire à la
base de compétence consensuelle de la Cour et ébranlerait chez les Etats
leur propension à accepter la compétence de la Cour pour le règlement
judiciaire de différends relatifs à l'interprétation ou à l'application de
règles particulières de droit international.

23. Il convient de souligner à ce sujet que, même si les ((règlesperti-
nentes de droit international» étaient par ailleurs de celles que proclame
la Charte des Nations Unies par exemple, la Cour n'en serait toujours
pas moins dans l'impossibilité de faire appel à ces règles sauf si les parties
à l'instance dont elle connaît ont accepté qu'elle soit compétente pour
régler des différends relatifs à l'interprétation ou à l'application de ces
dispositions de la Charte. Dans ces conditions, pour que la Cour puisse
conclure que le recours à la force dont l'une des parties à un traité bila-
téral veut faire son moyen de défense ne peut pas avoir été envisagé par
les parties audit traité parce que l'emploi de la force est incompatible avec
une disposition de la Charte des Nations Unies, la Cour devrait aupara-
vant établir à titre préliminaire que cet emploi contesté de la force cons-

tituait une violation de la disposition de la Charte. Mais la Cour ne serait
habilitée à procéder ainsi que si les parties avaient préalablement accepté
de lui conférer compétence pour interpréter et appliquer la Charte dans le
cadre d'un différend entre elles. Il serait sans pertinence à ce sujet que la
disposition en question de la Charte soit peut-être aussi censée êtreune
règle de jus cogens. PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (OP. IND. BUERGENTHAL) 280

24. En l'espèce, la Cour n'a pas la compétence requise pour procéder à
cette détermination préliminaire, que ce soit ou non au titre de la Charte
des Nations Unies ou du droit international coutumier. La Cour se
trompe donc par consëqaent quand elle affirme pouvoir, en se fondant
sur le principe général d'interprétation des traités énoncé à l'alinéac) du
paragraphe 3 de l'article 31 de la convention de Vienne, interpréter l'ali-
néa d) du paragraphe 1 de l'article XX du traité de 1955 à la lumière du
droit international relatifà l'emploi de la force ou de toute autre règle de
droit international au sujet de laquelle les Etats-Unis n'ont pas accepté la
compétence de la Cour.
25. Comme nous l'avons déjà vu, la Cour s'appuie également sur
l'article premier du traité de 1955 et dit que

«[u]ne interprétation de l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'article XX
selon laquelle les «mesures» qui y sont prévues pourraient même
comprendre un recours illicite àla force par une partie contre l'autre
ne serait guère compatible avec l'article premier)) (par. 41).
Or l'article premier dispose simplement :((Il y aura paix stable et durable et
amitié sincère entre les Etats-Unis d'Amérique et l'Iran.)) Dans son arrêt
de 1996 sur l'exception préliminaire en l'espèce,la Cour avait dit que ledit

articleavait exclusivement un rôle «de nature à éclairerl'interprétation des
autres dispositions du traité» (C.IJ. Recueil 1996 (II), p. 815, par. 31). Il
est difficile de voir comment l'articlepremier peut éclairer l'interprétation
de l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'article XX. En principe, tout emploi de
la force, quel qu'il soit, licite ou non, seraàt première vue incompatible
avec l'objectif proclamé à l'article premier de paix et d'amitié stable et
durable. Et il en irait de mêmede bien d'autres mesures ne consistant pas
à recourir à la force. Mais ces mesures ne seraient pas pour autant inter-
dites au titre de l'alinéd) du paragraphe 1 de l'article XX si elles étaient
nécessaires à la protection d'«intérêts vitaux en matière de sécurité» d'un
Etat. Voilà évidemment la question centrale à laquelle il faut répondre.
Mais la réponse ne consistera pas pour la Cour 'àdire que l'action menée
est ((illicite)) au regard du droit international relaàil'emploi de la force
quand sa compétence en l'espèce ne s'étend pas au droit en question.
26. Pour montrer à quel point la Cour en l'espèce s'éloignede la com-
pétence qui lui a été conféréepar le paragraphe 2 de l'article XXI du
traité de 1955, il suffit de lire ce qu'elle dit au paragraphe 39 de l'arrêà:
cet endroit, la Cour relève pour la première fois que, pour les Etats-Unis,

«La Cour n'a ...pas besoin de traiter la question de la légitime
défense...Le champ d'application de l'exception prévue à l'alinéad)
du paragraphe 1 de l'article XX ne se limite pas aux actions qui
répondraient aussi aux conditions de la légitime défense imposées
par le droit international coutumier et par la Charte des
Nations Unies. )>
La Cour répond à cet argument au paragraphe 39 en soulignant que les
Etats-Unis PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (OP. IND. BUERGENTHAL) 281

«n'en affirment pas pour autant que le traité les libère, dans les rela-
tions entre les parties, des obligations prescrites par le droit interna-

tional en matière d'emploi de la force, mais simplement que, si une
partie justifie une action donnée en invoquant l'alinéa d) du para-
graphe 1 de l'article XX, cette action doit êtreappréciéeuniquement
en fonction des critères énoncés dans cette disposition, et que la
compétence conférée à la Cour par le paragraphe 2 de l'article XXI
du traité ne va pas plus loin)).

27. Bien entendu, les Etats-Unis ne plaident pas la thèse que leur attri-
bue la Cour. Pour les Etats-Unis, la question dont la Cour doit connaître
n'est pas de savoir si le traité libère les Parties des obligations prescrites
par la Charte des Nations Unies ou par le droit international relatifà
l'emploi de la force, elle est de savoir si la Cour est compétente en l'espèce
pour s'interroger sur la portée et la nature de ces obligations, soit dans
l'abstrait soit par rapport au traité de 1955. Et la réponse à cette question
est négative, car les Etats-Unis n'ont pas, au paragraphe 2 de l'ar-

ticle XXI du traité, conféré compétence à la Cour pour statuer sur la ques-
tion de savoir si leurs actions étaient conformes ou non aux obligations
que leur imposait la Charte des Nations Unies ou bien le droit interna-
tional. Par conséquent, la Cour a tort, vu le contexte dans lequel les
Etats-Unis plaident, de présumer que les Etats-Unis souscrivaient aux
vues de la Cour au sujet de l'interprétation de l'alinéa d) du paragraphe 1
de l'article XX, car tel n'était manifestement pas le cas.
28. On ne peut pas faire indirectementappel en l'occurrence aux règles
de fond de droit international susmentionnéesen invoquant l'alinéa c) du

paragraphe 3 de l'article 31 de la convention de Vienne sur le droit des
traités en l'absence de toute compétence particulière que les Parties
auraient conféréeà la Cour pour qu'elle statue à ce sujet. C'est pourquoi
la conclusion formulée par la Cour au paragraphe 40 qui est que, «[d]e
l'avis de la Cour, il s'agit ici d'une question d'interprétation du traité, et
en particulier de l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'article XX», est tout
bonnement indéfendable. Cela revient à fausser abusivement le sens de la
compétence conférée à la Cour par le paragraphe 2 de l'article XXI du
traité car la Cour s'abstient ici de tenir dûment compte des contraintes
juridictionnelles qui, vu la nature consensuelle de sa compétence,limitent
la liberté qu'elle exerce pour interpréter les traités.

29. Au paragraphe 42 de l'arrêt, la Cour dit estimer
«que la compétence que lui confère le paragraphe 2 de l'article XXI
du traité de 1955 pour régler toute question concernant l'interpréta-
tion ou l'application de - notamment - l'alinéa d) du para-

graphe 1 de l'article XX de ce traité l'autorise aussi, en tant que de
besoin, à déterminer si une action présentée comme justifiée par ce
paragraphe constituait ou non un recours illicite à la force au regard
du droit international applicable en la matière, à savoir les disposi-
tions de la Charte des Nations Unies et du droit international cou-
tumier ». PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (OP. IND. BUERGENTHAL) 282

Ayant conscience des problèmes d'ordre j~~ridictionnel que cette conclu-
sion soulève implicitement, la Cour se hâte d'ajouter que «sa compétence

demeure limitée à celle que lui confère le paragraphe 2 de l'article XXI du
traité de 1955~. Mais la phrase ne peut pas masquer ce que la Cour, en
l'espèce, fait en réalité: se fondant sur la compétence que le paragraphe 2
de l'article XXI lui a conférée pour interpréter et appliquer le traité de
1955, la Cour va appliquer le droit international relatif à l'emploi de la
force tout simplement parce que les parties au différend s'opposent peut-
être aussi au sujet dudit droit et que ce droit a peut-être un rapport avec
les faits du différend dont la Cour est saisie. Or, la Cour n'est pas habi-
litée à procéder ainsi.

30. Il devient encore plus patent que la Cour procède précisément
comme elle ne devrait pas le faire quand, cherchant à nouveau àjustifier la
décision qu'elle a prise d'interpréter l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'ar-
ticleXX par rapport au droit international relatif à l'emploi de la force, elle
relève que «le différend initial entre les Parties portait sur la licéité des
actions menées par les Etats-Unis, à la lumière du droit international rela-
tifà l'emploi de la force)) (par. 37). A cette fin, la Cour souligne que

«A l'époque, aucune des deux Parties n'a mentionné le traité
de 1955. Les Etats-Unis soutenaient alors que leurs attaques contre
les plates-formes pétrolières étaient justifiées au titre de la légitime
défense, en réponse à ce qu'ils considéraient comme des agressions
armées de l'Iran, raison pour laquelle ils ont porté leurs actions à la
connaissance du Conseil de sécuritéconformément à l'article 51 de
la Charte des Nations Unies. Devant la Cour, les Etats-Unis ont
continué d'affirmer que l'exercice du droit de légitime défense justi-

fiait leurs actions; ils soutiennent que, même si la Cour devait
conclure que leurs actions n'entraient pas dans le champ d'applica-
tion de l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'article XX, elles n'étaient pas
illicites, en tant qu'elles constituaient des actes de légitime défense
nécessaires et appropriés. » (Par. 37.)

Il n'y a vraiment pas lieu ici de plaider qu'un Etat qui informe le Conseil
de sécuritéau titre de l'article 51 n'a pas à invoquer aussi les dispositions
d'un traité commercial bilatéral ni à se fonder sur ses dispositions et va
tout naturellement chercher à justifier sa conduite au titre des disposi-
tions de l'article51. En outre, 1'Etat en question a certainement toute lati-
tude au Conseil de sécuritéou au sein de quelque autre organisation de
présenter d'autres arguments juridiques ou moyens de défense que ceux
qu'il présente dans le cadre d'une affaire portée devant la Cour au titre
d'une clause de règlement des différendsfigurant dans un traité bilatéral.

Cela ne veut toutefois pas dire que la Cour peut par conséquent désor-
mais examiner en l'espèce tous les autres moyens de défense présentéspar
ledit Etat dans d'autres enceintes et justifier ainsi sa compétence à leur
endroit.
31. En fait, les longues citations que la Cour puise dans les arguments
présentés par les Etats-Unis au Conseil de sécuritédes Nations Unies ausujet du conflit armé dans le golfe Persique (voir, par exemple, les para-
graphes 48 et 67 de l'arrêt) prouvent s'il en était besoin que la Cour en
l'espèce se comporte comme si elle était compétente pour juger l'action
des Etats-Unis quand ceux-ci attaquent les plates-formes par rapport à
des dispositions précises de la Charte des Nations Unies ou du droit
international. Il est un peu trop facile et un peu trop transparent de la
part de la Cour de chercher à masquer le fait en prétendant que:

«En l'espèce, la question de savoir si les mesures adoptées étaient
«nécessaires» recoupe en partie celle de leur validité en tant qu'actes
de légitime défense. Ainsi que la Cour l'a relevé dans sa décision
de 1986, les critères de nécessitéet de proportionnalité doivent être
respectés pour qu'une mesure puisse êtrequalifiée d'acte de légitime
défense (voir C.I.J. Recueil 1986, p. 103, par. 194, et paragraphe 74
ci-dessous).» (Par. 43.)
32. Il convient de relever que la citation ci-dessus extraite de l'affaire
Nicaragua se situe dans la partie de l'arrêt rendu dans ladite affaireNica-

ragua dans laquelle la Cour exerçait sa compétence au titre du droit inter-
national coutumier et non la compétence conféréepar le traité de 1956
entre les Etats-Unis et le Nicaragua. Le fait que la Cour s'abstient
d'employer les termes de l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'article XX
quand elle analyse les moyens de preuve présentés au sujet des mesures
contestées prises par les Etats-Unis et qu'elle s'intéresse uniquement au
droit international relatifà l'emploi de la force a malencontreusement
transformé l'affaire en un différend relatifà l'emploi de la force en droit
international alors que c'était un différend faisant appel à l'interprétation
et à l'application d'un traité bilatéral au sujet duquel la Cour était seule
compétente.

IV. LA MÉTHODE RETENUE POUR ÉTABLIR LES FAITS EST MAUVAISE

33. A supposer mêmeque la Cour ait raison d'interpréter l'alinéa d) du
paragraphe 1 de l'article XX à la lumière du droit international relatif à
l'emploi de la force, il est révélateur que la Cour n'analyse pas vraiment
les moyens de preuve présentés par les Etats-Unis en faisant avant tout
appel aux termes précis et à l'objet de cette disposition.Après tout, c'eût
étélà la voie à suivre avant de se demander si les mesures en question
étaient compatibles avec le droit international relatifà l'emploi de la
force, ne serait-ce que parce que cette recherche aurait pu éclairer les
considérations concrètes que les parties au traité de 1955 auraient pu juger
pertinentes aux fins de l'interprétation et de l'application del'alinéad) du
paragraphe 1 de l'article XX. Au lieu de quoi, la Cour conclut que

«la compétence que lui confère le paragraphe 2 de l'article XXI du
traité de 1955 pour régler toute question concernant l'interprétation
ou l'application de - notamment - l'alinéa d) du paragraphe 1 de
l'article XX de ce traité l'autorise aussi, en tant que de besoin, à PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (OP. IND.BUERGENTHAL)
284

déterminer si une action présentée comme justifiée par ce paragraphe
constituait ou non un recours illicite à la force au regard du droit
international applicable en la matière, à savoir les dispositions de la
Charte des Nations Unies et du droit international coutumier»
(par. 42).

34. Cela dit, la Cour va immédiatement examiner les faits pertinents
pour l'application de ladite disposition par rapport au ((principe de l'inter-
diction en droit international de l'emploi de la force et [à]sa limitation
constituée par le droit de légitimedéfense» (par. 43). Notant que l'alinéad)
du paragraphe 1de l'article XX autorise un pays à prendre certaines me-
sures que ledit pays estime« nécessaires» àla protection de ses intérêtvitaux
en matière de sécurité,la Cour cite à ce sujet la décision formulée dans
l'affaire Nicaragua qui est que lesdites mesures ne doivent pas simplement
((tendre à protéger les intérêtsvitaux de sécurité de la partie qui les
adopte», elles doivent ((être«nécessaires» à cette fin». En outre, la ques-
tion de savoir «si une mesure donnée est «nécessaire» ne relève pas de
l'appréciation subjective de la partie intéresséeet peut êtreévaluéepar la
Cour ».En dernier lieu, toujoursdans le mêmeparagraphe, la Cour déclare :

«En l'espèce, la question de savoir si les mesures adoptées étaient
«nécessaires»recoupe en partie celle de leur validitéen tant qu'actes
de légitime défense. Ainsi que la Cour l'a relevé dans sa décision
de 1986, les critères de nécessitéet de proportionnalité doivent être
respectés pour qu'une mesure puisse êtrequalifiée d'acte de légitime
défense (voir C.1.J.Recueil 1986,p. 103, par. 194, et paragraphe 74
ci-dessous).» (Par. 43.)

35. La façon dont la Cour s'exprime dans la citation ci-dessus donne
l'impression que, dans l'affaire Nicaragua, la Cour avait analysé l'article
comparable du traité de 1956 entre les Etats-Unis et le Nicaragua comme
la Cour analyse actuellement l'alinéa d) du paragraphe 1de l'article XX.
Or, tel n'est pas le cas. Dans l'affaire Nicaragua, on sait que la Cour était
dotée de deux titres de compétence: le traité de 1956, qui comprenait une
clause de règlement des différends comparable à la disposition énoncée
au paragraphe 2 de l'article XXI du traité de 1955, et la clause facultative
d'attribution de compétence énoncéeau paragraphe 2 de l'article 36 du
Statut de la Cour. Pour statuer sur la licéité desmesures adoptées par les
Etats-Unis contre le Nicaragua, la Cour en cette affaire a pris grand soin
de faire la distinctionentre l'examen de la licéitédesdites mesures au titre
du droit international, au regard duquel la Cour était compétente en
vertu du paragraphe 2 de l'article36 du Statut, et l'examen du point de
savoir si lesdites mesures étaient justifiées au titre du traité de 1956. Pour
analyser la seconde question, la Cour a porté essentiellement son atten-
tion sur les termes précis de la disposition conventionnelle applicable, la
disposition comparable à celle de l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'ar-
ticle XX du traité de 1955 (comparer C.I.J. Recueil 1986,p. 97, par. 183,
et ibid., p. 140, par. 280-282). PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (OP.IND.BUERGENTHAL) 285

36. Il y a donc lieu de noter que les termes citésde l'affaire Nicaragua
au sujet de la légitime défense,que la Cour en l'espècerattache à son ana-
lyse de l'alinéad) du paragraphe l de l'article XX du traité, ne figurent
pas dans l'interprétation donnée par la Cour dans l'affaire Nicaragua de

la disposition pertinente pour cette affaire-là du traité de 1956 entre les
Etats-Unis et le Nicaragua, mais sont tirésde l'examen par la Cour de la
licéitédes mesures prises par les Etats-Unis au regard du droit interna-
tional coutumier. Sans expliquer dans quel contexte particulier se situe la
citation extraite de l'arrêtNicaragua, la Cour conclut que, « [e]n l'espèce,
la question de savoir si les mesures adoptées étaient ((nécessaires»recoupe
en partie celle de leur validité en tant qu'actes de légitime défense»
(par. 43). Logiquement, étant donné le pouvoir sur lequel la Cour se
fonde dans ce contexte, cette conclusion ne serait exacte que si la Cour
en l'espèce était compétente au titre du paragraphe 2 de l'article 36 de
son Statut. Or, tel n'est pas le cas.
37. L'approche adoptée par la Cour fausse le processus ou l'orientation à
retenir ici pour établir les faits. Le texte de l'alid)a du paragraphe 1 de
l'articleXX - ((mesures ...nécessaires à la protection des intérêts
vitaux ...sur le plan de la sécurité» - donne à penser que les parties au
traité, sansvouloir s'en remettre exclusivementà leur appréciation subjective
du point de savoir si les mesures prises étaient ou non nécessaires à la pro-
tection de leurs intérêts vitaux du point de vue de la sécurité, ne doivent
néanmoins pas êtrecenséesavoir exclu pour chacune des parties le droit de
procéder à cette évaluation par rapport à une norme correspondant au
caractère raisonnable desdites mesures. C'est là en tout cas ce que postule
implicitement la prescription énoncéedans cette disposition, ne serait-ceque
parce que le concept d'«intérêtsvitaux sur le plan de la sécurité» a néces-
sairement un lien avec l'évaluation raisonnable de ses intérêts vitaux surle
plan de la sécuritéà laquelle un Etat procède lui-même,même si,en défini-
tive, il appartienà la Cour de se prononcer sur ladite évaluation. Et c'est là

aussi ce qui ressort de la décisionrendue par la Cour dans l'affaire Nicara-
gua. Là, la Cour a noté que le point de savoir si «une mesure [donnée] est
nécessaire ...ne relève pas [simplement] de l'appréciation subjective de la
partie intéressée [maispeut êtreappréciépar la Cour] » (C.I.J.Recueil 1986,
p. 141, par. 282; les italiques sont de moi). Quand la Cour donne à penser
dans l'affaire Nicaragua que cette question ne relève pas «simplement» de
l'appréciation subjective d'une partie, cela signifie implicitement que la
Cour, si elle peut en définitiverevenir sur l'appréciation d'un Etat, ne peut
toutefois pas remplacer complètement cette appréciation par la sienne
propre, car l'Etat, quand il évalue si les mesures contestées étaient néces-
saires, doit se voir donner la possibilité de prouver que, dans les conditions
où il a procédé à cette évaluation, il a appréciéde façon raisonnable la
menace pesant à son avis sur ses intérêts vitauxde sécurité.
38. C'est-à-dire que, même sil'on adhère aux vues de la Cour quand
elle estime que, «[e]n l'espèce, la question de savoir si les mesures adop-
téesétaient «nécessaires» recoupe en partie celle de leur validité en tant
qu'actes de légitime défense», on aurait tort d'analyser les moyens de PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (OP. IND. BUERGENTHAL) 286

preuve présentés par les Etats-Unis àl'appui desdites mesures exclusive-
ment à la lumière de leur validité en tant qu'actes de légitime défense,
sans admettre que, à l'alinéad) du paragraphe 1 de l'article XX, les

parties ont opténon pour une appréciation stricte ou absolue des moyens
de preuve, mais pour un examen de ces moyens de preuve consistant à se
demander si, d'après les faits dont elle est saisie, une partie a des raisons
convaincantes d'estimer que les mesures étaient nécessaires à la protec-
tion de ses intérêts vitaux en matière de sécurité. Pareille analysepermet-
traità la Cour d'avoir un avis beaucoup plus nuancé en ce qui concerne
les moyens de preuve qui lui sont présentésen l'espèce et d'apprécier les
actions des Etats-Unis avec la souplesse que l'alinéa d) du paragraphe 1
de l'article XX semble réclamer. Faute d'adopter cette approche en
l'espèce, la Cour, à toutes fins pratiques, supprime l'alinéa d) du para-
graphe 1 de l'article XX du traité et procède ensuite à l'évaluation des
moyens de preuve comme si cet alinéa d) du paragraphe 1 de l'article XX
n'existait pas.
39. On voit très bien que c'est là ce que la Cour fait en réalitéquand
on considère l'approche qu'elle adopte quant aux élémentsde preuve.
Elle formule en effet au paragraphe 57 de l'arrêt la conclusion ci-après:

«La Cour doit en l'espèce simplement déterminer si les Etats-Unis
ont démontré qu'ils avaient été victimes de la part de l'Iran d'une
((agression armée» de nature à justifier l'emploi qu'ils ont fait de la
force armée au titre de la légitime défense; or, c'est à eux qu'il
revient de prouver l'existence d'une telle agression. Il n'appartient
pas à la Cour d'établir, par une appréciation des différents éléments
de preuve, si la responsabilité du tir de missile contre le SIsle City
doit êtreattribuée à l'Iran ou à l'Iraq. Si, en définitive, les preuves
disponibles sont insuffisantes pour permettre de déterminer si l'Iran
est à l'origine de ce tir de missile, les Etats-Unis ne se seront pas
acquittés de la charge de la preuve qui pèse sur eux. »

40. Cette façon de procéder ne tient nul compte des faits tels que les
Etats-Unis les ont peut-être raisonnablement appréciésavant de décider
d'agir, étant donné que l'Iran et l'Iraq étaient alors en guerre l'un contre
l'autre et que l'Iran nie systématiquementêtre responsable de la moindre
action militaire menée contre des navires neutres. La disposition énoncée
à l'alinéad) du paragraphe 1de l'article XX, si elle avait étéinterprétée
comme elle le fut dans l'affaire Nicaragua, aurait exigéd'analyser les élé-
ments de preuve de cette façon, dans leur contexte.
41. On peut de surcroît se demander comment il est possible de juger
les preuves «insuffisantes» (voir plus haut le paragraphe 39) et par rap-
port à quelles normes la Cour applique ce critère. Que veut-elle dire par
((preuvesinsuffisantes»? Faut-il que, pour êtresuffisants, les élémentsde
preuve soient ((convaincants », ((prépondérants », ((écrasants» ou «ne
laissent subsisteraucun doute raisonnable»? La Cour ne définitjamais ce
qu'est en l'espèce le critère de preuveà respecter. En outre, il se peut fort
bien que chacun des élémentsde preuve présentés par les Etats-Unis, s'ilest analysé seul comme le fait la Cour (voir, par exemple, dans l'arrêt, les
paragraphes 58 et suivants), ne soit pas suffisant pour prouver que le tir

de missile est dû à l'Iran. Considérésensemble, toutefois, ces élémentsde
preuve établissent peut-être qu'il n'était pas déraisonnable de la part des
Etats-Unis de présumer que ce tir de missile était dû à l'Iran, d'autant
que l'Iran, face aux preuves montrant de façon accablante qu'il fallait lui
imputer à tout le moins certaines des attaques lancées contre des navires
neutres, a nié toute responsabilité dans ce domaine. Si l'alinéa d) du
paragraphe 1 de l'article XX du traité avait été bien appliqué, la Cour
aurait ététenue de se pencher sur ces considérations.
42. Au paragraphe 60 de l'arrêt, laCour dit ceci:
«Dans le cadre de leur thèse selon laquelle le Sea Isle City aurait
étévictime d'une attaque iranienne, les Etats-Unis se sont référés à
une déclaration du président iranien Ali Khameini faite environ trois
mois plus tôt, dans laquelle celui-ci indiquait que l'Iran attaquerait
les Etats-Unis s'ils ne quittaient pas la région. Mais cela ne suffit évi-
demment pas à étayer la conclusion selon laquelle toute attaque
menée par la suite contre les Etats-Unis dans le golfe Persique était
effectivement l'Œuvre de l'Iran.))

Cela ne suffit peut-être pas à étayer la conclusion formulée au sujet de
telle ou telle autre attaquemenéepar la suite, mais cela a certainementun
rapport avec les intentions ou les politiques iraniennes relatives aux at-
taques àlancer contre les intérêtsdes Etats-Unis dans le Golfe. Ces inten-
tions ou politiques, peut-on présumer, seraient des élémentsparticulière-
ment pertinents à retenir pour apprécier les faits contestés entre les
Parties et apprécier également le caractère raisonnable des hypothèses
retenues par les Etats-Unis quant aux menaces pesant sur leurs intérêts
vitaux de sécurité.La Cour s'abstient de procéder à cette évaluation.
43. Dans le mêmeparagraphe 60 de l'arrêt, la Cour constate que

«le «service d'information maritime du Lloyd's, le General Council
of British Shipping,la Jane's Intelligence Review et d'autres sources
publiques dignes de foi» tenaient l'Iran pour responsable de l'at-
taque [contre le Sea Isle City]. Ces «sources publiques » constituent
par définition des preuves de seconde main, et la Cour n'a pas eu
connaissance de la source ou des sources originelles, ni des preuves
sur lesquelles ces sources publiques se sont appuyées. La Cour rap-
pellera à cet égard la réserve qu'elle a introduite dans son arrêt en
l'affaire des Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et
contre celui-ci: «Il peut apparaître après examen que des nouvelles
fort répandues proviennent d'une sourceunique, de sorte qu'en dépit
de leur nombre elles n'ont pas de force probante plus grande que
celle-ci» (C.1.J. Recueil 1986, p. 41, par. 63.) »
Il faut peut-être bien accepter tout cela, mais la Cour n'accorde aucune
attention aux élémentsde preuve indiquant que ces «sources publiques)),pour les hommes de mer naviguant dans le Golfe, étaient des sources
d'information d'excellente qualité et très sûres, de sorte que ces marins
considéraient ces sources comme fiables. Quand elle rejette ces éléments
de preuve tout simplement en arguant de leur insuffisance, la Cour esca-
mote d'importants élémentsde preuve utiles non seulement pour pouvoir
formuler des hypothèses raisonnables sur le rôlejoué par l'Iran dans les
attaques menées contre les navires dans le Golfe, mais aussi pour établir
la véracitédes comptes rendus en question. De surcroît, le seul fait que
ces sourcessoientde ((secondemain » ne veut pas dire qu'elles ne suffisent
pas à renvoyer la balle dans le camp de l'Iran pour lui demander de prou-
ver que ces sources ne sont effectivement pas dignes de foi, question que
la Cour s'abstient purement et simplement de poser.
44. Au paragraphe 71 de l'arrêt, on a un autre exemple de la technique
d'établissement des faits adoptée par la Cour qui, dans le cadre de la pré-
sente affaire, est sujettà caution. Ici, les Etats-Unis présententà l'appui
de leur thèse, qui est que la mine heurtée par le Samuel B. Roberts a été
mouillée par l'Iran, des éléments de preuve correspondant à «la décou-
verte dans la mêmezone de mines lestées portant des numéros de série
similairesà ceux d'autres mines iraniennes,en particulier celles trouvéesà
bord de l'Iran Arj [navireiranien])),navire qui avait été repéréen train de
mouiller des mines et qui avait par la suite étéarraisonné par les Etats-
Unis. La Cour apprécie la valeur probante de cet élément de preuve
comme suit: «Cet élémentde preuve n'est certes pas dépourvu d'impor-
tance, mais il n'est pas déterminant.)) Mis à part le fait que le critère de
preuve est brutalement modifié, sans explication, et que l'on passe d'élé-
ments ((suffisants» à des éléments((déterminants », on peut se demander
pourquoi des élémentsde preuve ((non dépourvus d'importance » ne sont
toujours pas aux yeux de la Cour suffisants mêmedans le cadre de cette
affaire particulière.
45. Fait plus important encore, parce qu'elle fait porter son analyse
sur le droit de légitimedéfense en droit international et non surl'alinéad)
du paragraphe 1de l'article XX du traité, la Cour invoque à tort pour en
tirer argument les différences théoriques existant en droit international
entre la légitime défenseindividuelle et la légitime défense collective. C'est
ainsi que la Cour note que

(([alfin de justifier le choix des plates-formes pour cible, les Etats-
Unis ont affirmé qu'elles avaient servià mener ((diversesactions diri-
gées contre des bâtiments battant pavillon américain et contre des
bâtiments et aéronefs non belligérants »» (par. 50).

La Cour écarte ce moyen de défense en disant ceci:

«Bien que s'étant ainsi référés à des attaques menées contre des
bâtiments et aéronefs d'autres nationalités, les Etats-Unis ne pré-
tendent pas avoir agi dans l'exercice de la légitime défense collective
au nom des Etats neutres se livrant à la navigation dans le golfe Per-
sique, ce qui aurait exigéqu'une demande en ce sens leur fût adressée PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (OP.IND. BUERGENTHAL) 289

par « 1'Etat sejugeant victime d'une agression armée » (C.1J. Recueil
1986, p. 105, par. 199). Par conséquent, pour établir qu'ils étaient en
droit d'attaquer les plates-formesiraniennes dans l'exercice du droit
de légitime défense individuelle, les Etats-Unis doivent démontrer
qu'ils ont étéattaqués ..» (Par. 51.)
46. En s'abstenant de faire porter son analyse sur l'alinéa d) du para-
graphe 1 de l'article XX du traité et en se contentant
d'analyser les
moyens de preuve exclusivement par rapport au droit de légitime défense
en droit international, la Cour énonce, à partir de la dichotomie existant
entre la légitime défense individuelle et la légitime défense collective, des
conclusions qui n'ont pas leur place en l'espèce. Ce type d'analyse est
erroné quand il est appliqué à l'interprétation de l'alinéa d) du para-
graphe 1 de l'article XX du traité de 1955 car il autorise les ((mesures ...
nécessaires à la protection des intérêts vitaux [d'un Etat] sur le plan de la
sécurité)) sans préciser si lesdites mesures ne peuvent être prises qu'à
l'encontre d'un Etat qui avait l'intention de porter atteinte aux intérêts
vitaux de la victime en matière de sécurité.Dans ces conditions, on pour-
rait mêmetirer argument d'une attaque non cibléene visant pas particu-
lièrement la partie au traité qui est en cause pour se défendrevalablement
au titre de l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'article XX si ladite attaque
menaçait ses intérêts de sécurité.En s'abstenant de faire la distinction
entre les prescriptions de cet articlXX et les prescriptions du droit inter-
national relatif à l'emploi de la force, la Cour commet l'erreur de s'ab-
stenir d'examiner d'importants moyens de preuve que les Etats-Unis ont
présentéspour justifier les mesures qu'ils ont prises à l'encontre de l'Iran.

47. Pour tous les motifs ci-dessus, je conclus que la Cour a tort de se
prononcer comme elle le fait au sujet de l'alinéa d) du paragraphe 1 de
l'article XX du traité de 1955.

(Signé) Thomas BUERGENTHAL.

Bilingual Content

SEPARATE OPINION OF JUDGE BUERGENTHAL

Agreement with Court's rejection of Iran's claim against the United States
under Article X, paragraph 1, of the 1955 Treaty - Agreement, mutatis

mutandis, with rejection of United States counter-claim under same Article -
Violation of non ultra petita rule by Court - ErroneousJinding regarding rele-
vance of Article XX, paragraph 1 (d), has no place in dispositif - Court's lack
of jurisdictionto interpret Article XX, paragraph I (d), once it held that United
States did not violate Article X, paragraph 1 - Article 31, paragraph 3 (c), of
Vienna Convention on the Law of Treaties not a valid basisfor interpretation of
Article XX, paragraph 1 (d), of Treaty by reference to other rules of interna-
tional law not subject to Court's jurisdiction - Flawed fact-Jinding process -
UndeJined standard of prooJ:

1. The Court's Judgment in this case adopts two decisions with which
1 agree and one with which 1 disagree. That is, 1 associate myself with
the Court's holdings that the United States of America did not breach

Article X, paragraph 1, of the 1955 Treaty between it and Iran, and
that, therefore, Iran's claim for reparation must be rejected. 1 also agree
with the Court's decision rejecting the counter-claim interposed by the
United States against Iran. In my view that decision of the Court is justi-
fied for the very reasons, mutatis mutandis, that led the Court to hold,
in paragraph 1 of the dispositif, that the United States did not breach

the obligations it owed Iran under Article X, paragraph 1, of the 1955
Treaty.

2. But the Court also purports to find in paragraph 1 of the dispositif
of the Judgment that the actions of the United States, in attacking certain
Iranian oil platforms, cannot be justified under Article XX, para-

graph 1 (d), of the Treaty "as interpreted in the light of international law
on the use of force". That pronouncement has no place in the Judgment,
much less in the dispositif, and 1 therefore dissent from it for the reasons
set out in this separate opinion.

3. The Court's Judgment, as it relates to Article XX, paragraph 1 (d),

is seriously flawed for a number of reasons. First, it makes a finding with
regard to Article XX, paragraph 1 (d), of the 1955 Treaty that violates
the non ultra petita rule, a cardinal rule governing the Court's judicial OPINION INDIVIDUELLE DE M. LE JUGE BUERGENTHAL

[Traduction]

Je souscris au rejet par la Cour de la demande formulée par l'Iran à l'en-
contre des Etats-Unis en vertu du paragraphe 1 de l'article X du traité de 1955

- Je souscrismutatis mutandis au rejet de la demande reconventionnelle des
Etats-Unis présentée au titre du même article - Violation par la Cour de la
règle non ultra petita- La conclusion erronée relative à la pertinence de l'ali-
néa d) du paragraphe 1 de l'article XX n'est pas à sa place dans le dispositif-
La Cour n'a pas compétence pour interpréter l'alinéa d) du paragraphe 1 de
l'article XX dès lors qu'elle estime que les Etats-Unis n'ont pas violé le para-
graphe 1 de l'article X - L'alinéa c) du paragraphe 3 de l'article 31 de la
convention de Vienne sur le droit des traités n'autorise pas valablementà inter-
préter l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'article XX du traité par rapport aux
autres règles de droit international ne relevant pas de la compétence de la
Cour - La Cour a mal conçu la méthode d'établissement desfaits - Le critère
de preuve n'est pas déjini.

1. Dans l'arrêtqu'elle rend en l'espèce, la Cour adopte deux décisions
auxquelles je souscris et une décision à laquelle je ne souscris pas. C'est-
à-dire que je vote avec la majorité quand elle estime que les Etats-Unis
d'Amérique n'ont pas violé le paragraphe 1 de l'article X du traité

de 1955 qu'ils ont conclu avec l'Iran et que par conséquent il faut rejeter
la demande de réparation émanant de l'Iran. Je souscris également à la
décision de la Cour quand celle-ci rejette la demande reconventionnelle
formulée par les Etats-Unis à l'encontre de l'Iran. A mon sens, cette déci-
sion est justifiée pour les raisons mêmes,mutatis mutandis, qui ont amené
la Cour à dire au paragraphe 1 du dispositif que les Etats-Unis n'ont pas
violéles obligations que leur impose à l'égard de l'Iran le paragraphe 1 de

l'articleX du traité de 1955.
2. Mais la Cour tient en outre à dire au paragraphe 1 du dispositif de
17arrêt.queles actions menées par les Etats-Unis, quand ceux-ci attaquent
certaines plates-formes pétrolières iraniennes, ne sauraient êtrejustifiées
en vertu de l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'article XX du traité «tel
qu'interprété à la lumière du droit international relatif à l'emploi de la
force)). Ce prononcé n'est pas à sa place dans l'arrêt, et encore moins

dans le dispositif, et je m'oppose par conséquent à ce prononcé pour les
raisons que j'expose à présent sous forme d'opinion individuelle.

3. Quand il porte sur l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'article XX,
l'arrêt de la Cour souffre pour plusieurs raisons de graves vices de
conception. Premièrement, la Cour formule une conclusion en ce qui
concerne cet alinéa d) du paragraphe 1 de l'articleXX du traité de 1955process, which does not allow the Court to deal with a subject in the dis-
positif of its judgment that the parties to the case have not, in their final
submissions, asked it to adjudicate. Second, the Court makes a finding on
a subject which it had no jurisdiction to make under the dispute resolu-
tion clause - Article XXI, paragraph 2 - of the 1955 Treaty, which was
the sole basis of the Court's jurisdiction in this case once itfound that the

United States had not violated Article X, paragraph 1, of the Treaty.
Third, even assuming that the Court had the requisite jurisdiction to
make the finding regarding Article XX, paragraph 1 (d), its interpreta-
tion of that Article in light of the international law on the use of force
exceeded its jurisdiction. Finally, 1 believe that the manner in which the
Court analyses the evidence bearing on its application of Article XX,
paragraph 1 (d), is seriously flawed.

4. In its Judgment, the Court holds that the United States did not
breach Article X, paragraph 1, of the 1955 Treaty. In their respective sub-
missions, Iran asked the Court to find that the United States attacks
on Iran's oil platforms violated Article X, paragraph 1, of the Treaty,
whereas the United States asked the Court to reject that claim. In decid-
ing the question dividing the Parties, Article XX, paragraph 1 (d), of the
Treaty would have been relevant only if the Court had concluded that the
United States had violated Article X, paragraph 1. That is, had the Court
found such a violation, the question would then arise whether the
measures taken by the United States were nevertheless not "precluded"

by virtue of the provisions of Article XX, paragraph 1 (d). That Article
reads as follows:

"1. The present Treaty shall not preclude the application of
measures :

....*........................
(d) necessary to fulfil the obligations of a High Contracting Party
for the maintenance or restoration of international peace and
security, or necessary to protect its essential security interests."

5. In other words, Article XX, paragraph 1 (d), is intended to come
into play or is relevant only if a party to the Treaty is found to have vio-
lated one of its substantive provisions. In that case, Article XX, para-
graph 1 (d), might provide an excuse or defence against the charge of a PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (OP. IND. BUERGENTHAL) 271

qui viole la règle non ultra petita, règle cardinale régissant l'action judi-
ciaire de la Cour, laquelle interdità celle-ci de traiter dans le dispositif de
son arrêtune question que les Parties à l'affaire ne lui ont pas demandé
dans leurs conclusions finales de trancher. Deuxièmement, la Cour for-
mule une constatation sur une question au sujet de laquelle elle n'avait
pas compétence aux termes de la clause de règlement des différends du
traité de 1955 - le paragraphe 2 del'article XXI -, laquelle était la seule
base de compétencede la Cour en l'espèce dès lors qu'elle avait constaté
que les Etats-Unis n'avaient pas violé le paragraphe 1 de l'article X du
traité. Troisièmement, à supposer mêmeque la Cour fût dotée de la com-
pétence voulue pour se prononcer sur l'alinéa d) du paragraphe 1 de
l'articleXX, elle franchissait la limite de sa compétence en interprétant
cet articleà la lumière du droit international relatifàl'emploi de la force.
En dernier lieu, je crois que la façon dont la Cour analyse les moyens de
preuve évoqués quand elle fait application de l'alinéa d) du paragraphe 1
de l'article XX souffre de graves vices de conception.

4. Dans son arrêt, la Cour dit que les Etats-Unis n'ont pas violé le
paragraphe 1de l'article X du traité de 1955. Dans leurs conclusions res-
pectives, l'Iran a prié la Cour de dire que les attaques lancées par les
Etats-Unis contre les plates-formes pétrolières iraniennes violaient le
paragraphe 1 de l'article X du traité tandis que les Etats-Unis ont
demandé à la Cour de rejeter ladite prétention. Pour trancher la question
qui opposait ainsi les Parties, l'alinéa d) du paragraphe 1de l'article XX
du traité n'aurait été pertinent qu'au cas où la Cour serait parvenue à la
conclusion que les Etats-Unis avaient effectivement violé leparagraphe 1
del'article X. C'est-à-dire que, si la Cour avait conclu à pareille violation,
la question se serait alors posée de savoir si les mesures adoptées par les
Etats-Unis n'échappaient néanmoins pas à ((l'interdictio» sous l'effet
des dispositions de l'alinéa d) du paragraphe 1de l'article XX du traité.
Ces dispositions sont les suivantes:

«1. Le présent traité ne fera pas obstacle à l'application de me-
sures :
.............................

d) Hautes Parties contractantes desrelatives au maintien ou au réta-des

blissement de lapaix et de la sécuritéinternationales ou à la pro-
tection des intérêts vitaux de cette Haute Partie contractante sur
le plan de la sécurité.»
5. Autrement dit, l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'article XX n'est
censé entrer en jeu ou n'est pertinent que s'il est constaté qu'une des
parties au traité a violé l'une de ses dispositions de fond. En pareil cas,
l'alinéa d) du paragraphe 1de l'article XX pourrait constituer une raisonviolation, provided, of course, that the challenged measures satisfied
the requirements of that Article. This function of Article XX, para-
graph 1 (d) - its sole function - was recognized by the Court in Mili-
tary and Paramilitary Activities in and against Nicaragua (Nicaragua v.
United States of America). In that case, when interpreting a comparable
provision of the United States-Nicaragua Treaty of 1956, the Court said:

"Since Article XXI of the 1956 Treaty contains a power for each
of the parties to derogate from the other provisions of the Treaty,
the possibility of invoking the clauses of that Article must be con-
sidered once it is apparent that certain forms of conduct by the
United States would otherwise be in conflict with the relevant pro-
visions of the Treaty." (Merits, Judgment, I. C.J. Reports 1986,
p. 117, para. 225.)

Moreover, in its Judgment on the Preliminary Objection in the instant
case (1C..J. Reports 1996 (II), p. 811, para. 20), the Court characterized
the provision as a "possible defence on the merits to be used should the
occasion arise". Obviously, such an occasion would arise only if a party

to the Treaty is found to have violated some other provision of the
Treaty and sought to invoke Article XX, paragraph 1 (d), as a defence.

6. Al1 this does not mean that in analysing the case, the Court is
debarred in principle from dealing first with Article XX, paragraph 1 (d),
if one of the Parties relies on that Article as a defence. But once the Court
concludes that Article XX, paragraph 1 (d), does not provide a valid
defence and makes the further finding that Article X, paragraph 1, has
not been violated, the non ultra petita rule prevents the Court from mak-

ing a specific finding in its dispositif that the challenged action, while not
a violation of Article X, paragraph 1, is nevertheless not justified under
Article XX, paragraph 1 (d), when the Parties in their submission did
not request such a finding with regard to that Article, which they did not
do in this case. The order in which the Court takes up consideration of
the Articles - whether it looks at Article X, paragraph 1, or Article XX,
paragraph 1 (d), first- is irrelevant to the above result as far as the non
ultra petita rule is concerned.

7. This conclusion finds support in the following explanation provided
by the Court in the Arrest Warrant case, decided in 2002, which referred
to:

"the well-established principle that 'it is the duty of the Court not
only to reply to the questions as stated in the final submissions of the
parties, but also to abstain from deciding points not included in PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (OP.IND.BUERGENTHAL)
272

valable ou un moyen de défense à l'encontre de l'accusation de violation
à condition, bien entendu, que les mesures contestéesrépondent aux pres-
criptions de cet article. La Cour a admis que l'alinéa d) du paragraphe 1
de l'articleXX jouait ce rôle- ce seul rôle- dans l'affaire des Activités
militaires etparamilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c.
Etats--Unis d'Amérique), quand, dans cette affaire-là, interprétant une
disposition comparable du traité de 1956 entre les Etats-Unis et le Nica-
ragua, elle a dit ceci:

«Les Parties s'étant réservéchacune par l'article XXI du traité
de 1956 la faculté de déroger aux autres dispositions de cet instru-
ment, la possibilité d'invoquer les clauses de cet article doit être
examinée dès lors qu'une contradiction apparaît entre certaines
conduites des Etats-Unis et les dispositions pertinentes du traité. »
(Fond, arrêt, C. 1J. Recueil 1986, p. 1 17, par. 225.)

En outre, dans l'arrêtqu'elle a rendu en l'espèce sur l'exception prélimi-
naire (C.1 J. Recueil 1996 (11)'p. 811, par. 20)' la Cour a qualifié cette
disposition de ((défense au fond qu'il ..appartiendra [aux Parties], le cas
échéant, de faire valoir le moment venu)). Manifestement, ce moment ne
se présenterait que s'il est constaté qu'une des parties au traité a violéune
autre de ses dispositions et veut invoquer l'alinéa d) du paragraphe 1 de
l'article XX comme moyen de défense.
6. Cela ne veut pas dire pour autant que, lorsqu'elle analyse l'affaire,
la Cour est empêchéepar principe de s'arrêter d'abord sur l'alinéa d) du
paragraphe 1 de l'article XX si l'une des Parties fait de cette disposition
un moyen de défense. Mais dès lors que la Cour conclut que l'alinéa d)
du paragraphe 1 de l'article XX ne constitue pas un moyen de défense

valable et qu'elle constate en outre que le paragraphe 1 de l'article X n'a
pas étéviolé, la règle non ultra petita empêchela Cour de dire et juger,
tout particulièrement dans son dispositif, que l'action contestée, sans
constituer de violation du paragraphe 1 de l'article X, ne saurait néan-
moins être justifiée au titre de l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'articleXX
alors que, dans leurs conclusions, les Parties ne lui ont pas demandé de se
prononcer en ce sens en ce qui concerne ladite disposition, et les Parties
ne l'ont effectivement pas demandé en l'espèce. L'ordre dans lequel la
Cour examine les articles visés - qu'elle s'arrête enpremier sur le para-
graphe 1 de l'article X ou sur l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'ar-
ticleXX - est sans pertinence pour l'issue du problème concernant la
règle non ultra petita telle que je viens de la formuler.
7. Cette conclusion est confortée par les explications données par la
Cour elle-mêmedans l'affaire du Mandat d'arrêtjugée en 2002, la Cour
rappelant alors :

«le principe bien établi selon lequel elle a «le devoir de répondre aux
demandes des parties telles qu'elles s'expriment dans leurs conclu-
sions finales, mais aussi celui de s'abstenir de statuer sur des points those submissions' (Asylum, Judgment, 1. C.J. Reports 19.50, p. 402).
While the Court is thus not entitled to decide upon questions not
asked of it, the non ultrapetita rule nonetheless cannot preclude the
Court from addressing certain legal points in its reasoning. Thus in
the present case the Court may not rule, in the operative part of its
Judgment, on the question whether the disputed arrest warrant,

issued by the Belgian investigatingjudge in exercise of his purported
universal jurisdiction, complied in that regard with the rules and
principles of international law governing the jurisdiction of national
courts. This does not mean, however, that the Court may not deal
with certain aspects of that question in the reasoning of its Judg-
ment, should it deem this necessary or desirable." (1C..J. Reports
2002, pp. 18-19, para. 43 ; emphasis added.)

As this language indicates, by not abstaining "from deciding points not
included in [the] submissions", the Court in the instant case violated
the non ultra petita rule and, hence, was not entitled to make a finding
relating to Article XX, paragraph 1 (d), of the Treaty.

8. The non ultra petita rule has a direct bearing on the scope of the
Court's jurisdiction. Since this Court's jurisdiction in a particular case is
strictly limited to the consent given by the parties to a case, the function
of the non ultra petita rule is to ensure that the Court does not exceed the
jurisdictional confines spelled out by the parties in their final submissions.
That is what is meant by the Court's statement in the Asylum case,
quoted above, that "it is the duty of the Court not only to reply to the
questions as stated in the final submissions of the parties, but also to
abstain from deciding points not included in those submissions". Fitz-

maurice puts the matter in the following terms:

"The non ultra petita rule is not only an inevitable corollary -

indeed, virtually a part of the general principle of consent of the
parties as the basis of international jurisdiction - it is also a neces-
sary rule, for without it the consent principle itself could constantly
be circumvented." '

The point Fitzmaurice makes about the risk resulting from the failure of
the Court to adhere to the non ultra petita rule is particularly relevant to
the Court's approach in this case.
9. That is to Say, notwithstanding the fact that the Parties in their final
submissions asked the Court to decide only whether or not the actions of

lGerald Fitzmaurice, The Law and Procedure of the International Court of Justice,
Vol. II, p. 529 (1986). See also, Shabtai Rosenne, The Law and Practice of the Interna-
tional Court of Justice, Vol. 1, p. 173 (1997).

116 PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (OP. IND. BUERGENTHAL)
273

non compris dans lesdites demandes ainsi exprimées» (Droit d'asile,
arrêt,C.Z. J. Recueil 1950,p. 402). Si la Cour ne peut donc pas tran-
cher des questions qui ne lui ont pas étésoumises, en revanche, la
règle non ultra petita ne saurait l'empêcherd'aborder certains points
de droit dans sa motivation. Aussi la Cour ne saurait-elle en l'espèce
se prononcer, dans le dispositif de son arrêt, sur la question de savoir
si le mandat d'arrêt litigieux, émispar le juge d'instruction belge en
vertu de la compétence universelle dont il se réclame, est conforme
sur ce point aux règles et principes du droit international gouvernant
les compétences des juridictions nationales. Toutefois, il ne s'ensuit
pas que la Cour ne puisse aborder, si elle l'estime nécessaire ou sou-
haitable, tel ou tel aspect de cette question dans les motifs de son
arrêt.)) (C.Z.J. Recueil 2002, p. 18-19, par. 43; les italiques sont de
moi.)

Comme il ressort de ce texte, la Cour, du fait qu'elle ne s'abstient pas, en
la présente espèce, «de statuer sur des points non compris dans [les]
conclusions finales» a violé la règle non ultra petita et ne pouvait donc
pas se prononcer sur l'alinéa d) du paragraphe 1 del'article XX du traité.
8. La règle non ultra petita a des incidences directes sur l'étendue de la
compétencede la Cour. Comme ladite compétence dans une affaire don-
née est strictement limitée au consentement donné par les parties à
l'affaire, la règlenon ultra petita vise à garantir que la Cour ne franchit
pas les limites juridictionnelles que les parties ont définies dans leurs
conclusions finales. C'est ce que la Cour a voulu dire dans cet extrait de

l'affaire du Droit d'asile citéci-dessus: «la Cour a le devoir de répondre
aux demandes des parties telles qu'elles s'expriment dans leurs conclu-
sions finales, mais aussi celui de s'abstenir de statuer sur des points non
compris dans lesdites demandes ainsi exprimées B. Fitzmaurice formule la
mêmeobservation sous la forme suivante:
«La règle non ultra petita n'est pas seulement un corollaire inévi-
table du principe généraldu consentement - d'ailleurs ladite règle
fait pratiquement partie intégrante de ce principe général qui est que

le consentement des parties est la base de compétence internatio-
nale -, c'est aussi une règle indispensable, car en son absence le
principe du consentement lui-même pourrait être constamment mis
en échec. >>l
Le danger dont Fitzmaurice fait état et qui se présente quand la Cour ne
respecte pas la règle non ultra petita est tout particulièrement utile à noter
dans la façon dont la Cour aborde la présente espèce.
9. C'est-à-dire que, indépendamment du fait que, dans leurs conclu-

sions finales, les Parties ont exclusivement demandé à la Cour de dire si

l Gerald Fitzmaurice,The Law and Procedure of the International Court of Justice,
vol. II, 1986, p. 529. Voir aussi Shabtai Rosenne, The Law and Practice of the Interna-
tional Court of Justice,. 1, 1997, p. 173.

116the United States violated Article X, paragraph 1, of the Treaty, a ques-
tion it resolves in favour of the United States, the Court proceeds to con-
vert a provision of the Treaty - Article XX, paragraph 1 (d) - which

was clearly relevant only as a defence had there been a violation of
Article X, paragraph 1, into an opportunity to use Article XX, para-
graph 1 (d), in order to render a decision on the international law on the
use of force and thus to find the actions of the United States in breach of
that law. This judicial modus operandi amounts to clear violation of the
non ultra petita rule. In my opinion, the Court's pronouncement on
the issue not raised in the submissions of the Parties is not a statement
entitled to be treated as an authoritative statement of the law appli-
cable to the actions of the United States.

10. It must be remembered, in this connection, that in the Court's
practice the contents of the dispositif is that part of the judgment which
alone is binding on the parties by virtue of Article 59 of the Court's
Statute. Everything else in the judgrnent is merely the reasoning that
may or may not support the finding made in the dispositzf. Hence, when
the Court includes matters in the dispositif that it was not asked in the
submissions of the parties to adjudicate, it exceeds its jurisdiction.
This is what we have here as far as the Court's ruling on Article XX,

paragraph 1 (d), is concerned.

II. LACK OF JURISDICTION

11. Closely related to the issue that has just been discussed is the fact
that this case was referred to the Court under Article XXI, paragraph 2,
of the 1955 Treaty. The Court has no other basis of jurisdiction in this
case. That point is not in dispute between the Parties. Article XXI, para-
graph 2, reads as follows:

"Any dispute between the High Contracting Parties as to the
interpretation or application of the present Treaty, not satisfactorily

adjusted by diplomacy, shall be submitted to the International Court
of Justice, unless the High Contracting Parties agree to settlement by
some other pacific means."

12. As we have seen, this dispute was referred to the Court by Iran
on the ground that the action of the United States in attacking certain
Iranian oil platforms violated Article X, paragraph 1,of the Treaty. The
United States, in defending itself against this charge, contended that it
had not violated the Article and that, even if it had, the measures could PLATES-FORME PSTROLIÈRES (OP.IND.BUERGENTHAL) 274

les actions des Etats-Unis ont ou non violé le paragraphe 1 de l'article X
du traité, question tranchée en faveur des Etats-Unis, la Cour va
faire d'une disposition du traité - l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'ar-

ticle XX - qui, manifestement, n'était pertinente qu'à titre de moyen de
défense au cas où il y aurait eu violation du paragraphe 1 de l'articleX,
un moyen de se servir précisément de l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'ar-
ticle XX pour statuer sur le droit international relatif à l'emploi de la force
et constater par ce biais que les actions des Etats-Unis sont contraires
audit droit. Ce modus operandi judiciaire revient à violer la règle non ultra
petita de façon patente. A mon sens, ce que la Cour dit de la question qui
n'est pas posée dans les conclusions des Parties ne saurait constituer de

prononcé faisant autorité quant au droit applicable aux actions des
Etats-Unis.
10. Il ne faut pas oublier à ce propos que, selon la pratique de la Cour,
la teneur du dispositif correspond à la partie de l'arrêt qui est la seule à
avoir force obligatoire pour les parties en vertu de l'article 59 du Statut
de la Cour. Tout le reste de l'arrêtne représente simplement que la moti-
vation, laquelle conforte ou non la constatation énoncéedans le disposi-
tif. C'est pourquoi, quand elle inclut dans le dispositif des questions

sur lesquelles il ne lui était pas demandé de statuer dans les conclusions
des parties, la Cour va au-delà des limites de sa compétence. Et c'est
dans ce cas de figure que nous nous trouvons ici pour ce qui concerne la
décision de la Cour relative à l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'article XX
du traité.

II. LE DÉFAUT DE COMPÉTENCE

11. En rapport étroit avec la question que nous venons d'examiner
existe le fait que la Cour a étésaisie du différend au titre du paragraphe 2
de l'article XXI du traité de 1955. En l'espèce, la Cour n'a pas d'autre
base de compétence. Les Parties ne s'opposent pas sur ce point-là. Ce
paragraphe 2 de l'article XXI du traité se lit comme suit:

((Tout différend qui pourrait s'élever entre les Hautes Parties
contractantes quant à l'interprétation ou à l'application du présent
traité et qui ne pourrait pas êtrerégléd'une manière satisfaisante par
la voie diplomatique sera porté devant la Cour internationale de Jus-
tice à moins que les Hautes Parties contractantes ne conviennent de
le régler par d'autres moyens pacifiques. »

12. Comme nous l'avons vu, l'Iran a saisi la Cour du différend en soute-
nant que l'action menée par les Etats-Unis quand ils ont attaqué certaines
plates-formes pétrolières iraniennes violait le paragraphe 1 de l'article X du
traité. De leur côté,pour se défendre contre cette accusation, les Etats-Unis

ont soutenu ne pas avoir violéledit article et soutenu également que, mêmenot be deemed to amount to a Treaty violation since they were not "pre-
cluded" under Article XX, paragraph 1 (d) 2.

13. Article XX, paragraph 1 (d), is designed to come into play or
becomes relevant only in the event that the Court determines that a party
to the Treaty has violated another provision thereof, in which case it
might serve as a defence to or justification for the action that was found
to conflict with the Treaty. Apart from the fact that that reading of
Article XX, paragraph 1 (d), is obvious on its face, this Court has on
at least two prior occasions so interpreted it. Thus, as we have already
noted, in the case of Military and Paramilitary Activities in and against
Nicaragua (Nicaragua v. United States of America) , the Court described

a comparable provision of the United States-Nicaragua Treaty of 1956,
as containing "a power for each of the parties to derogate from the other
provisions of the Treaty" (Merits, Judgment, I. C.J. Reports 1986, p. 117,
para. 225). And in its Judgment on the Preliminary Objection in
the instant case (1C..J. Reports 1996 (II), p. 811, para. 20), the Court
characterizes the provision as a "possible defence on the merits to be used
should the occasion arise". That, of course, is the only possible interpre-
tation of the clause that can legitimately be made. It leads to the obvious
conclusion that the clause has no relevance other than to come into play

when another Article of the Treaty is found by the Court to have been
violated. In short, Article XX, paragraph 1 (d), has no independent
significance.

14. Hence, once the Court had found, as it has in this case, that
Article X, paragraph 1, of the 1955 Treaty had not been violated by the
United States, there no longer exists a dispute within the meaning of
Article XXI, paragraph 2, of the Treaty between the United States and
Iran. Consequently, the Court lacked jurisdiction to rule that the action

"cannot be justified as measures necessary to protect the essential

security interest of the United States under Article XX, para-
graph 1 (d), of the 1955 Treaty . . . as interpreted in the light of
international law on the use of force" (Judgment, para. 125 (1)).

* That Article reads as follows:
"1. The present Treaty shall not preclude the applicaof measures
.....................................

(d) nance or restoratioof internationapeace and security, or necessary to protect
its essential security interests."

having been invoked.se of subparagraph (d) is relevant to this case, the first part not PLATES-FORMES PETROLIERES (OP. IND. BUERGENTHAL) 275

s'ils avaient violécette disposition, les mesures en question ne pouvaient pas
êtreconsidéréescomme une violation du traité puisqu'il n'étaitpas «fait obs-
tacle))à ces mesures en vertu de l'alinéa d) du paragraphe 1de l'article XX2.
13. L'alinéad) du paragraphe 1 de l'article XX est conçu pour entrer en
jeu ou ne revêtde pertinence que lorsque la Cour établit qu'une partie au

traité a violéune autre de ses dispositions, car en pareil cas cette disposi-
tion de l'article XX peut servir de moyen de défense ou dejustification de
l'action considérée comme contraire au traité. Indépendamment du fait
que l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'article XX s'interprète facilement en ce
sens à la simple lecture, la Cour en a déjà à deux reprises au moins donné
précisément cette interprétation. C'est le cas, comme nous l'avons déjà
noté, dans l'affaire des Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua
et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d'Amérique), quand la Cour dit
d'une disposition comparable du traité de 1956 conclu entre les Etats-Unis
et le Nicaragua qu'elle donne à chacune des parties «la faculté de déroger
aux autres dispositionsde cet instrument » (C.I.J.Recueil 1986,fond, arrêt,

p. 117, par. 225). Et dans la présente espèce, dans son arrêt sur l'excep-
tion préliminaire (C.I. J.Recueil 1996 (II), p. 8 11, par. 20)' la Cour dit de
la disposition en question qu'elle offre seulement aux parties «une défense
au fond qu'il leur appartiendra, le cas échéant, de faire valoir le moment
venu)). C'est bien entendu là la seule interprétation de ladite disposition
qu'il soit possible de lui donner légitimement. On est ainsiamené à conclure
manifestement que ladite disposition n'a pas d'autre intérêtque d'entrer en
jeu quand la Cour constate qu'une autre disposition du traité a étéviolée.
Bref, l'alinéad) du paragraphe 1 de l'article XX est sansimportance en soi.
14. Par suite, dès lors que la Cour avait constaté comme elle l'a cons-
taté en l'espèce que le paragraphe 1 de l'article X du traité de 1955 n'avait
pas étéviolépar les Etats-Unis, il n'existait plus de différend au sens du

paragraphe 2 de l'article XXI du traité entre les Etats-Unis et l'Iran. Par
voie de conséquence, la Cour n'était pas compétente pour décider que
l'action des Etats-Unis

«ne saur[ait] êtrejustifi[ée]en tant que mesur[e] nécessair[e] à la pro-
tection des intérêts vitaux des Etats-Unis d'Amérique sur le plan de
la sécurité en vertu de l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'article XX
du traité ...de 1955 ...tel qu'interprété à la lumière du droit inter-
national relatif à l'emploi de la force)) (arrêt, par. 125, point 1)).

L'article XX se lit comme suit:
«1. Le présent traité ne fera pas obstaàl'application de mesure:
.....................................
d) ..nécessairesà l'exécution des obligations de lou l'autre des Hautes Parties
contractantesrelatives au maintien ou au rétablissement de la paix et de la sécu-
rité internationales oula protectiondes intérêts vitaux de cette Haute Partie
contractantesur le plan de la sécurité.
Seul nous intéresseen la présente espèce le dernier membre de phrase de ld)linéa
du paragraphe 1, car la première partie de l'alinéa n'a pas été invoquée.The Court would only have had the requisite jurisdiction to make this
finding if, apart from the 1955 Treaty, it did have some other jurisdic-
tional basis. But this it clearly did not have.
15. In its Judgment, the Court does not deny the relevance to its juris-

diction of its pronouncements in the Nicaragua case and in the 1996 Judg-
ment on the Preliminary Objection in the instant case. As a matter of
fact, itsees no reason to depart from them (see paras. 33 and 34). In sup-
port of its conclusion that it has jurisdiction to make a finding regarding
the applicability and scope of Article XX, paragraph 1 (d), of the Treaty,
even after it has determined that there has been no violation of Article X,
paragraph 1, of the Treaty, the Court advances a number of arguments.
First, it bases itself on the contention of the United States that, if
the Court were to find that the United States had a valid defence under
Article XX, paragraph 1 (d), "it must hold that no breach of Article X,

paragraph 1, of the Treaty has been established" (para. 34). This
argument prompts the Court to assert, in support of itsjurisdiction, that
in order to uphold the claim of Iran, it must be satisfied that the
actions of the United States, which Iran contended violated Article X,
paragraph 1, did breach that Article and that these actions were not
justified under Article XX, paragraph 1 (d). Second, in considering the
order in which these questions are taken up, that is, whether or not
to follow the order adopted by the Court in the Nicaragua case, which
dealt with Article X, paragraph 1, first, or to start with Article XX,
paragraph 1 (d), the Court concludes that the approach adopted in

the Nicaragua case was not dictated by the "economy of the Treaty",
and that it was therefore free to reverse that order. Third, the Court
points to the fact that the United States argued in support of its claim,
that its actions satisfied the provisions of Article XX, paragraph 1 (d),
and that that Article was a substantive provision which defines and
limits the obligations of the Parties, comparable to and on the same
level as Article X, paragraph 1.

16. None of these arguments convince. First, there is the Court's reli-
ance on the contention of the United States that, if the Court were to find
that the measures taken by the United States satisfied the requirements of
Article XX, paragraph 1 (d), it would have to dismiss the claim with
regard to Article X, paragraph 1, whereas to rule in favour of Iran, it
would have to find a violation of Article X, paragraph 1, and no valid
defence under Article XX, paragraph 1 (d). That is al1 true, of course,
but it is irrelevant to the issue of jurisdiction in this case, precisely
because of the fact that Iran invoked the Court's jurisdiction by charging
a violation of Article X, paragraph 1. That was the sole issue ultimately

to be determined unless and until the Court found that there had been a
violation of that Article. PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (OP.IND.BUERGENTHAL) 276

La Cour n'aurait eu la compétence voulue pour prononcer cette décision
que si, indépendamment du traité de 1955, elle avait été dotée d'une autre
base de compétence. Mais ce n'était manifestement pas le cas.
15. Dans son arrêt,la Cour ne nie pas l'intérêt que présentent pour sa
compétence les prononcés qui lui sont dus dans l'affaireNicaragua et
dans son arrêt de 1996 sur l'exception préliminaire en la présente ins-
tance. D'ailleurs, laCour ne pense pas avoir lieu de s'écarter desdits pro-
noncés (voir arrêt, par. 33 et 34). Pour se dire fondée à conclure qu'elle
est compétente pour apprécier l'applicabilité et la portée de l'alinéa d) du
paragraphe 1 de l'article XX du traité, mêmeaprès avoir établi qu'il n'y
a pas eu violation du paragraphe 1 de l'article X du traité, la Cour pré-
sente un certain nombre d'arguments. Premièrement, elle s'appuie sur la
thèse des Etats-Unis selon laquelle, si la Cour devait constater que les
Etats-Unis adoptent valablement la défense offerte par l'alinéa d) du
paragraphe 1 de l'article XX, ((elle doit en conclure qu'aucune violation
du paragraphe 1 de l'article X du traité n'a été établie»(par. 34). Cet
argument incite la Cour à affirmer,à l'appui de sa compétence, que, pour
accueillir la demande de l'Iran, elle doit être convaincue que les actions
des Etats-Unis, dont l'Iran a soutenu qu'elles violaient le paragraphe 1 de
l'articleX, violaient effectivement ladite disposition et que les actions en
question n'étaient pas justifiées au titre de l'alinéa) du paragraphe 1 de
l'article XX. Deuxièmement, quand elle s'interroge sur l'ordre dans lequel
elle va examiner ces questions, c'est-à-dire quand elle se demande si elle
va ou non suivre l'ordre qu'elle a adopté dans l'affaire Nicaragua et trai-
ter en premier du paragraphe 1 de l'article X ou bien de l'alinéa d) du
paragraphe 1 de l'article XX, la Cour conclut que l'approche adoptée
dans l'affaire Nicaragua n'était pas dictée par ((l'économie du traité» et
qu'elle a donc le choix, c'est-à-dire qu'elle peut inverser l'ordre retenu
alors. Troisièmement,la Cour fait observer que les Etats-Unis ont plaidé
à l'appui de leur demande que leurs actions répondaient aux dispositions
de l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'article XX et que ledit article est une
disposition de fond qui définit et délimite les obligations des Parties, est
comparable à la disposition énoncéeau paragraphe 1 de l'article X et se
situe sur le mêmeplan.
16. Aucun de ces arguments n'est convaincant. La Cour s'appuie sur
la thèse des Etats-Unis qui est que, pour que la Cour conclue que les
mesures adoptées par les Etats-Unis répondaient aux prescriptions de
l'alinéad) du paragraphe 1 del'article XX, elle devrait rejeter la demande
formulée au titre du paragraphe 1 de l'article X, tandis que, pour se pro-
noncer en faveur de l'Iran, elle devrait dire qu'il y a violation du para-
graphe 1 de l'article X et qu'il n'est pas possible de faire valoir la défense
offerte par l'alinéad) du paragraphe 1 del'article XX. C'est parfaitement

exact, bien sûr, mais cela est sans pertinence pour la question de la com-
pétence en l'espèce précisémentparce que l'Iran a invoqué la compétence
de la Cour en faisant état d'une violation du paragraphe 1de l'article X.
C'était là l'unique question à régler en définitive tant que la Cour n'aurait
pas établi qu'il y avait eu violation dudit article. 17. Second, by deciding to reverse the order and by taking up consid-
eration first of Article XX, paragraph 1 (d), the Court did not overcome

its lack of jurisdiction to make separate findings under that Article once
it had concluded, whether before or after dealing with one or the other of
these Articles, that Article X had not been violated. Here it should not be
forgotten that in its Judgment on the Preliminary Objection in the instant
case, the Court found "that it has jurisdiction, on the basis of
Article XXI, paragraph 2, of the Treaty of 1955, to entertain the claims
made by the Islamic Republic of Iran under Article X, paragraph 1, of
that Treaty" (I. C. J. Reports 1996 (II), p. 821, para. 55 (2)). We are here
therefore not dealing with a situation in which the Court, having acquired
jurisdiction at the time an action was instituted, cannot be divested of

that jurisdiction by later external events. (See, for example, the case con-
cerning Questions of Interpretation and Application of the 1971 Montreal
Convention arising from the Aerial Incident ut Lockerbie (Libyan Arab
Jamahiriya v. United Kingdom), 1.C.J. Reports 1998, pp. 23-24, para. 38.)
In the Lockerbie case, the external event was a later United Nations
Security Council resolution. Similar external events came into play in the
two other cases which are frequently cited as authority to uphold the
proposition that jurisdiction once acquired is not divested by subsequent
events. (See Nottebohm (Liechtenstein v. Guatemala), Preliminary Objec-
tion, Judgment, I. C.J. Reports 1953, p. 123; and Right of Passage over
Indian Territory (Portugal v. India), Preliminary Objections, Judgment,

I. C.J. Reports 1957, p. 142.) The matter was put as follows by the Court
in the Nottebohm case, supra, where it said: "An extrinsic fact such as the
subsequent lapse of the Declaration, by reason of the expiry of the period
or by denunciation, cannot deprive the Court of the jurisdiction already
established." But what we have in the present case is not an extrinsic fact
or event but an event or fact intrinsic to the Judgment itself: the Court,
by its own ruling under Article X, paragraph 1, of the 1955 Treaty has
divested or deprived itself of jurisdiction to make independent findings
with regard to Article XX, paragraph 1 (d).

18. Finally, the Court's reliance on the United States argument that
Article XX, paragraph 1 (d), was a substantive provision and that its
action satisfied the provisions of the Article is misplaced. The United
States did not by that contention confer jurisdiction on the Court to
make a separate finding as to whether the measures of the United States
satisfied the requirements of Article XX, paragraph 1 (d), once the Court
found that these measures did not violate Article X, paragraph 1, of the
Treaty. In other words, the unstated implication in the Court's argument
that the United States by that proposition submitted itself to the Court's

jurisdiction is, in my view, simply untenable. This is certainly not a case
of an implicit forum prorogatum, but a litigation argument in defence,
advanced by the United States solely in case the Court were to find a vio-
lation of Article X, paragraph l. (See Anglo-Iranian Oil Co. (United PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (OP.IND.BUERGENTHAL) 277

17. Deuxièmement, en décidant d'inverser l'ordre d'examen et en se

penchant d'abord sur l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'article XX, la Cour
n'a pas remédié à l'absence de la compétence voulue pour formuler des
conclusions distinctes au titre de cet article dès lors qu'elle avait conclu,
que ce fût avant ou après s'être penchéesur l'un ou l'autre desdits articles,
que l'article X n'avait pas étéviolé. Ici, il ne faut pas oublier qudans son
arrêtsur l'exception préliminaire des Etats-Unis en l'espèce, la Cour a dit
((qu'elle a[vait] compétence, sur la base du paragraphe 2 de l'article XXI
du traité de 1955, pour connaître des demandes formulées par la Répu-
blique islamique d'Iran au titre du paragraphe 1 de l'article X dudit traité))
(C.I.J. Recueil 1996 (II), p. 821, par. 55, point 2)). Le cas de figure, ici,

n'est pas celui où la Cour, compétente au moment où l'action a été inten-
tée, ne peut pas perdre ladite compétence sous l'effet d'événements exté-
rieurs survenant ultérieurement (voir par exemple Questions d'interpréta-
tion et d'application de la convention de Montréal de 1971 résultant de
l'incident aérien de Lockerbie (Jamahiriya arabe libyenne c. Royaume-
Uni), exceptions préliminaires, arrêt,C.I.J. Recueil 1998, p. 23-24, par. 38).
Dans cette affaire Lockerbie, l'événementextérieur fut une résolution ulté-
rieure du Conseilde sécurité desNations Unies. Des événements extérieurs
du mêmeordre sont intervenus dans les deux autres affaires que l'on cite
fréquemment pour étayer l'idée que, une fois acquise, la compétence ne

peut disparaître sous l'effet d'événements ultérieurs (voir Nottebohm
(Liechtenstein c. Guatemala), exception préliminaire, arrêt,C.I.J. Recueil
1953, p. 123; et Droit de passage sur territoire indien (Portugal c. Inde),
exceptions préliminaires, arrêt,C.I.J. Recueil 1957,p. 142). Dans l'affaire
Nottebohm, la Cour formule l'idée comme suit: «Un fait extérieur tel que
la caducité ultérieure de la déclaration par échéance du terme ou par
dénonciation ne saurait retirer à la Cour une compétence déjà établie.))
Mais, en l'espèce, nous ne sommes pas en présence d'un fait ou événement
extérieur, nous sommes en présence d'un événement ou d'un fait intrin-
sèque à l'arrêtlui-même :en formulant elle-mêmeune conclusion en vertu du
paragraphe 1 de l'article X du traité de 1955, la Cour a perdu ou s'est retiré

elle-mêmela compétence voulue pour formuler des conclusions indépen-
dantes relevant de l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'article XX.
18. En dernier lieu, la Cour a tort de faire fond sur l'argument des
Etats-Unis suivant lequel l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'article XX est
une disposition de fond et que leur action répond aux dispositions dudit
article. En formulant cette thèse, les Etats-Unis n'ont pas conférécom-
pétence à la Cour pour dire isolément si les mesures adoptées par les
Etats-Unis répondaient ou non aux prescriptions de l'alinéa d) du para-
graphe 1 de l'article XX dès lors que la Cour estimait que lesdites me-
sures ne violaient pas le paragraphe 1 de l'article X du traité. Autrement

dit, quand elle dit implicitement en l'occurrence que les Etats-Unis en for-
mulant cette proposition s'en remettent à la compétence de la Cour,
celle-ci adopte à mon sens une position qui est tout bonnement insoute-
nable. Il ne s'agit absolument pas ici d'un cas de forum prorogatum
implicite, nous sommes face à un moyen de défense qu'utilisent les Etats-Kingdom v. Iran), Preliminary Objection, 1.C.J. Reports 1952,
pp. 93-114.)

19. To put it bluntly, here the Court takes a giant intellectual leap
lacking a valid judicial and jurisdictional basis that propels it improperly
from an analysis of a Treaty provision - Article XX, paragraph 1 (d) -
to a forma1 holding in the operative part of the Judgment that the Article
provides no justification for the action of the United States, which action
the Court declares in the same operative part not to constitute a violation
of the very Article of the Treaty - Article X, paragraph 1 - that was
the sole basis of Iran's claim in this case. In this creative fashion the
Court stigmatizes the actions of the United States as a breach of inter-

national law on the use of force without having the requisite jurisdiction
to make such a ruling.

III. ERRONEOUS RELIANCE ON INTERNATIONAL LAW
ON THE USE OF FORCE

20. Even if one were to accept the Court's view that it had jurisdiction
to make a specific ruling on Article XX, paragraph 1 (d), it would still
have to be emphasized that its interpretation of that provision in the light
of international law on the use of force exceeded itsjurisdiction. In para-
graph 41 of the Judgment, the Court concludes that

"[it] cannot accept that Article XX, paragraph 1 (d), of the
1955 Treaty was intended to operate wholly independently of the
relevant rules of international law on the use of force, so as to be
capable of being successfully invoked, even in the limited context
of a claim for breach of the Treaty, in relation to an unlawful
use of force".

21. The Court's assertion that Article XX, paragraph 1 (d), must be
interpreted by reference to international law on the use of force, leads it
to conclude that, if it were to find that the action of the United States
violated international law on the use of force, it would have to rule that
such use of force cannot be justified under Article XX, paragraph 1 (d),

of the 1955 Treaty. In reaching this conclusion, the Court relies prin-
cipally on Article 31, paragraph 3 (c), of the Vienna Convention on
the Law of Treaties and on Article 1 of the 1955 Treaty. Article 31,
paragraph 3 (c), of the Convention provides that the interpretation of
treaties must take into account "any relevant rules of international law
applicable in the relations between the parties".

22. The problem with the Court's reliance on this provision of the

Vienna Convention is that, while the rule is sound and undisputed in PLATES-FORMES PETROLIERES (OP.IND.BUERGENTHAL) 278

Unis uniquement pour le cas où la Cour déciderait qu'il y a violation du

paragraphe 1 de l'articleX (voir Anglo-Zranian Oil Co. (Royaume- Uni
c. Iran), exception préliminaire, C.Z.J. Recueil 1952, p. 93-114).
19. Nous dirons sans ménagement qu'ici la Cour s'autorise intellec-
tuellement un vrai bond dans l'espace: en l'absence de la compétence
judiciaire et juridictionnelle voulue, elle se contente à tort d'une disposi-
tion conventionnelle - l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'article XX du
traité - pour conclure officiellement dans le dispositif de l'arrêt que
ladite disposition ne saurait justifier l'action des Etats-Unis, action dont

la Cour dit dans le mêmedispositif qu'elle ne constitue pas violation de
l'article même du traité - le paragraphe 1 de l'articleX - sur lequel
l'Iran fondait exclusivement sa demande en l'espèce. C'est avec cette ima-
gination que la Cour stigmatise l'action des Etats-Unis qu'elle qualifie
d'infraction au droit international relatif à l'emploi de la force sans avoir
la compétence requise pour formuler pareille décision.

111. LA COUR S'APPUIE A TORT SUR LE DROIT INTERNATIONAL

RELATIF A L'EMPLOI DE LA FORCE

20. Même si l'on devait accepter l'avis de la Cour qui est que celle-ci
est compétente pour statuer en particulier sur l'alinéa d) du paragraphe 1
de l'articleXX du traité, il faudrait néanmoins souligner que, lorsqu'elle
interprète cette disposition à la lumière du droit international relatif à
l'emploi de la force, la Cour a passé outre aux limites de sa compétence.
Au paragraphe 41 de l'arrêt, la Cour dit en conclusion qu'elle

«ne saurait admettre que l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'articlXX
du traité de 1955 ait étéconçu comme devant s'appliquer de manière
totalement indépendante des règles pertinentes du droit international
relatif à l'emploi de la force, de sortequ'il puisse êtreutilement invo-

qué, y compris dans le cadre limité d'une réclamation fondée sur une
violation du traité, en cas d'emploi illicite de la force)).
21. La Cour affirme qu'il faut interpréter l'alinéa d) du paragraphe 1
de l'articleXX par rapport au droit international relatif à l'emploi de la

force, ce qui l'amène à conclure que, au cas où elle constaterait que l'ac-
tion des Etats-Unis violait le droit international relatif à l'emploi de la
force, elle devrait dire que cet emploi de la force ne saurait se justifier au
titre de l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'articlXX du traité de 1955. Pour
aboutir à cette conclusion,la Cour s'appuie principalement sur l'alinéa c)
du paragraphe 3 de l'article 31 de la convention de Vienne sur le droit des
traités et sur l'article premier du traité de 1955. L'alinéa c) du para-
graphe 3 de l'article 31 de la convention dispose qu'aux fins de l'inter-
prétation d'un traité il faut tenir compte «de toute règle pertinente de

droit international applicable dans les relations entre les parties)).
22. La difficulté qui surgit du fait que la Cour table sur cette disposi-
tion de la convention de Vienne tient à ce que cette règle, laquelle estprinciple as far as treaty interpretation is concerned, it cannot have the
effect of allowing the Court to take account, as it does here, of those
"relevant rules of international law applicable between the parties", which
the parties to the dispute have not submitted to the Court's jurisdiction
under the dispute resolution clause of the 1955 Treaty. That is, the prin-
ciples of customary international law and whatever other treaties the

parties to a dispute before the Court may have concluded do not by vir-
tue of Article 31, paragraph 3 (c), become subject to the Court's jurisdic-
tion. This is so whether or not they might be relevant in the abstract to
the interpretation of a treaty with regard to which the Court has jurisdic-
tion. Whether one likes it or not, that is the consequence of the fact that
the Court's jurisdiction, in resolving disputes between the parties before
it, is limited to those rules of customary international law and to those
treaties with regard to which the parties have accepted the Court's juris-
diction. If it were otherwise, a State that has submitted itself to the
Court's jurisdiction for the interpretation of one treaty would suddenly

find that it has opened itself up to judicial scrutiny with regard to other
more or less relevant treaties between the parties to the dispute that are
not covered by the dispute resolution clause of the treaty which conferred
jurisdiction on the Court in the first place. This would be the natural con-
sequence of the Court's reliance in this case on Article 31,paragraph 3 (c) ,
in order to interpret Article XX, paragraph 1 (d). Such a result would
conflict with the consensual basis of the Court's jurisdiction and would
jeopardize the willingness of States to accept the Court's jurisdiction for
the adjudication of disputes relating to the interpretation or application
of specific rules of international law.

23. It should be emphasized, in this connection, that even if the other-
wise "relevant rules of international law" happened to be proclaimed in
the Charter of the United Nations, for example, the Court would still
lack the power to rely on such rules, unless the parties before it had
accepted its jurisdiction to adjudicate disputes relating to the interpreta-
tion or application of these Charter provisions. Thus, in order for the
Court to conclude that the use of force, sought by one of the parties to a

bilateral treaty to be excused in reliance on it, could not have been con-
templated by the parties to that treaty because of its incompatibility with
a provision of the United Nations Charter, the Court would first have to
make a preliminary determination that the challenged use of force was in
breach of the Charter provision. But that it would be entitled to do only
if the parties had agreed to confer jurisdiction on the Court to interpret
and apply the Charter in a dispute between them. It would be irrelevant,
in that connection, whether the Charter provision in question might also
be deemed to be a jus cogens rule.bonne et est incontestée en principe du point de vue de l'interprétation
des traités, ne peut avoir pour effet d'autoriser la Cour à prendre en
considération comme elle le fait ici les «règle[s] pertinente[s] de droit
international applicable[s] ...entre les parties >>que les parties à l'instance
n'ont pas soumises à la compétence de la Cour au titre de la clause de

règlement des différends du traité de 1955. C'est-à-dire que les principes
de droit international coutumier et tous les autres traités que les parties à
un différend porté devant la Cour peuvent avoir conclus ne relèvent pas
de la compétence de la Cour en vertu de l'alinéa c) du paragraphe 3 de
l'article 31 de la convention. Et il en est de la sorte que ces principes ou
ces traités soient ou non pertinents dans l'abstrait pour l'interprétation
d'un traité sur lequel la Cour a compétence. Qu'on le veuille ou non, cela
découle en l'occurrence du fait que la compétence de la Cour, quand elle
doit régler des différends entre les parties qui l'ont saisie, est limitée aux
règles de droit international coutumier et aux traités au sujet desquels les
parties ont accepté que la Cour soit compétente. S'il en était autrement,
un Etat qui s'est soumis à la compétence de la Cour pour l'interprétation

d'un traité déterminé constaterait soudain qu'il risque de devoir subir
l'examen judiciaire sous l'angle d'autres traités conclus entre les parties
au différend, plus ou moins pertinents, qui n'entrent pas dans le champ
de la clause de règlement des différends du traité qui a initialement
conféré compétence à la Cour. Ce serait là la conséquence naturelle du
fait pour la Cour de se fonder en l'espèce sur l'alinéa c) du paragraphe 3
de l'article 31 de la convention de Vienne pour interpréter l'alinéa d) du
paragraphe 1 de l'article XX du traité. Pareil résultat serait contraire à la
base de compétence consensuelle de la Cour et ébranlerait chez les Etats
leur propension à accepter la compétence de la Cour pour le règlement
judiciaire de différends relatifs à l'interprétation ou à l'application de
règles particulières de droit international.

23. Il convient de souligner à ce sujet que, même si les ((règlesperti-
nentes de droit international» étaient par ailleurs de celles que proclame
la Charte des Nations Unies par exemple, la Cour n'en serait toujours
pas moins dans l'impossibilité de faire appel à ces règles sauf si les parties
à l'instance dont elle connaît ont accepté qu'elle soit compétente pour
régler des différends relatifs à l'interprétation ou à l'application de ces
dispositions de la Charte. Dans ces conditions, pour que la Cour puisse
conclure que le recours à la force dont l'une des parties à un traité bila-
téral veut faire son moyen de défense ne peut pas avoir été envisagé par
les parties audit traité parce que l'emploi de la force est incompatible avec
une disposition de la Charte des Nations Unies, la Cour devrait aupara-
vant établir à titre préliminaire que cet emploi contesté de la force cons-

tituait une violation de la disposition de la Charte. Mais la Cour ne serait
habilitée à procéder ainsi que si les parties avaient préalablement accepté
de lui conférer compétence pour interpréter et appliquer la Charte dans le
cadre d'un différend entre elles. Il serait sans pertinence à ce sujet que la
disposition en question de la Charte soit peut-être aussi censée êtreune
règle de jus cogens. 24. In the instant case, the Court lacks the requisite jurisdiction to
make such determination, whether or not in reliance on the United
Nations Charter or customary international law. It follows that the
Court errs when it asserts that it may, on the basis of the general prin-
ciple of treaty interpretation codified in Article 31, paragraph 3 (c), of
the Vienna Convention, interpret Article XX, paragraph 1 (d), of
the 1955 Treaty in light of international law on the use of force or any

other international law rules with regard to which the United States
has not accepted the Court's jurisdiction.

25. The Court, as noted above, also relies on Article 1 of the
1955 Treaty, and declares that

"[ilt is hardly consistent with Article 1 to interpret Article XX, para-
graph 1 (dl, to the effect that the 'measures' there contemplated
could include even an unlawful use of force by one party against the
other" (para. 41).
Article 1 provides only that "There shall be firm and enduring peace and
sincere friendship between the United States of America and Iran." In its

1996 Judgment on the Preliminary Objection in the instant case, the Court
had found that the Article's sole function "is such as to throw light on the
interpretation of the other Treaty provisions" (1.C.J. Reports 1996 (II),
p. 8 15, para. 31). It is difficult to see what light Article 1can throw on the
interpretation of Article XX, paragraph 1 (d). In principle, any use of
force, whether lawful or not, would on its face appear to be inconsistent
with the proclaimed professions of enduring peace and friendship in
Article 1. The same would be true of many other measures not involv-
ing the use of force. They would nevertheless not be precluded under
Article XX, paragraph 1 (d), if they were necessary to protect a State's
"essential security interests". That, of course, is the critical question
which needs to be answered. But it may not be answered by the Court's

ruling that the action is "unlawful" in light of international law on the
use of force, when its jurisdiction in this case does not extend to that
law.
26. To demonstrate how far afield the Court strays in this case from the
jurisdiction conferred on it by Article XXI, paragraph 2, of the 1955
Treaty, one need only to read what the Court has to Say in paragraph 39 of
the Judgment. Here the Court notes first that the United States argued that

"the Court need not address the question of self-defence . . . [Tlhe
scope of the exemption provided by Article XX, paragraph 1 (d), is
not limited to those actions that would also meet the standards for
self-defence under customary international law and the United
Nations Charter."

The Court answers this argument in paragraph 39 by emphasizing that
the United States PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (OP. IND. BUERGENTHAL) 280

24. En l'espèce, la Cour n'a pas la compétence requise pour procéder à
cette détermination préliminaire, que ce soit ou non au titre de la Charte
des Nations Unies ou du droit international coutumier. La Cour se
trompe donc par consëqaent quand elle affirme pouvoir, en se fondant
sur le principe général d'interprétation des traités énoncé à l'alinéac) du
paragraphe 3 de l'article 31 de la convention de Vienne, interpréter l'ali-
néa d) du paragraphe 1 de l'article XX du traité de 1955 à la lumière du
droit international relatifà l'emploi de la force ou de toute autre règle de
droit international au sujet de laquelle les Etats-Unis n'ont pas accepté la
compétence de la Cour.
25. Comme nous l'avons déjà vu, la Cour s'appuie également sur
l'article premier du traité de 1955 et dit que

«[u]ne interprétation de l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'article XX
selon laquelle les «mesures» qui y sont prévues pourraient même
comprendre un recours illicite àla force par une partie contre l'autre
ne serait guère compatible avec l'article premier)) (par. 41).
Or l'article premier dispose simplement :((Il y aura paix stable et durable et
amitié sincère entre les Etats-Unis d'Amérique et l'Iran.)) Dans son arrêt
de 1996 sur l'exception préliminaire en l'espèce,la Cour avait dit que ledit

articleavait exclusivement un rôle «de nature à éclairerl'interprétation des
autres dispositions du traité» (C.IJ. Recueil 1996 (II), p. 815, par. 31). Il
est difficile de voir comment l'articlepremier peut éclairer l'interprétation
de l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'article XX. En principe, tout emploi de
la force, quel qu'il soit, licite ou non, seraàt première vue incompatible
avec l'objectif proclamé à l'article premier de paix et d'amitié stable et
durable. Et il en irait de mêmede bien d'autres mesures ne consistant pas
à recourir à la force. Mais ces mesures ne seraient pas pour autant inter-
dites au titre de l'alinéd) du paragraphe 1 de l'article XX si elles étaient
nécessaires à la protection d'«intérêts vitaux en matière de sécurité» d'un
Etat. Voilà évidemment la question centrale à laquelle il faut répondre.
Mais la réponse ne consistera pas pour la Cour 'àdire que l'action menée
est ((illicite)) au regard du droit international relaàil'emploi de la force
quand sa compétence en l'espèce ne s'étend pas au droit en question.
26. Pour montrer à quel point la Cour en l'espèce s'éloignede la com-
pétence qui lui a été conféréepar le paragraphe 2 de l'article XXI du
traité de 1955, il suffit de lire ce qu'elle dit au paragraphe 39 de l'arrêà:
cet endroit, la Cour relève pour la première fois que, pour les Etats-Unis,

«La Cour n'a ...pas besoin de traiter la question de la légitime
défense...Le champ d'application de l'exception prévue à l'alinéad)
du paragraphe 1 de l'article XX ne se limite pas aux actions qui
répondraient aussi aux conditions de la légitime défense imposées
par le droit international coutumier et par la Charte des
Nations Unies. )>
La Cour répond à cet argument au paragraphe 39 en soulignant que les
Etats-Unis "does not contend that the Treaty exempts it, as between the parties,
from the obligations of international law on the use of force,
but simply that where a party justifies certain action on the basis of

Article XX, paragraph 1 (d), that action has to be tested solely
against the criteria of that Article, and the jurisdiction conferred
on the Court by Article XXI, paragraph 2, of the Treaty goes no
further than that".

27. Of course, the United States does not advance the contention the
Court attributes to it. For the United States the question before the
Court is not whether the Treaty exempts the Parties from the obligations
of the United Nations Charter or international law on the use of force,

but whether the Court has jurisdiction in this case to address the scope
and nature of these obligations, either in the abstract or in relation to the
1955 Treaty. And the answer is that it does not, for the United States did
not in Article XXI, paragraph 2, of the Treaty confer jurisdiction on the
Court to adjudicate the question whether its actions conformed or not to
its obligations under the United Nations Charter or international law.
Consequently, it is improper for the Court, given the context of the argu-
ment of the United States, to assume that the United States agreed with
the Court's view regarding the interpretation of Article XX, para-
graph 1 (d), which it clearly did not.

28. The above-mentioned substantive rules of international law cannot
be brought into this litigation through the back door by invoking
Article 31, paragraph 3 (c), of the Vienna Convention on the Law of
Treaties in the absence of specific jurisdiction conferred by the Parties on
the Courtto rule on them. It follows that the Court's conclusion, expressed
in paragraph 40, that "[iln the view of the Court, the matter is one of
interpretation of the Treaty, and in particular of Article XX, para-
graph 1 (d)", is untenable, to Say the least. It amounts to an unwar-
ranted distortion of the meaning of the jurisdiction conferred on the

Court under Article XXI, paragraph 2, of the Treaty, for it fails to
seriously address the jurisdictional restraints on the Court's freedom
of treaty interpretation, given the consensual nature of the Court's juris-
diction.
29. In paragraph 42 of its Judgment, the Court professes to be

"satisfied that itsjurisdiction under Article XXI, paragraph 2, of the
1955 Treaty to decide any question of interpretation or application
of (interalia) Article XX, paragraph 1 (d), of that Treaty extends,
where appropriate, to the determination whether action alleged to be

justified under that paragraph was or was not an unlawful use of
force, by reference to international law applicable to this question,
that is to Say, the provisions of the Charter of the United Nations
and customary international law". PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (OP. IND. BUERGENTHAL) 281

«n'en affirment pas pour autant que le traité les libère, dans les rela-
tions entre les parties, des obligations prescrites par le droit interna-

tional en matière d'emploi de la force, mais simplement que, si une
partie justifie une action donnée en invoquant l'alinéa d) du para-
graphe 1 de l'article XX, cette action doit êtreappréciéeuniquement
en fonction des critères énoncés dans cette disposition, et que la
compétence conférée à la Cour par le paragraphe 2 de l'article XXI
du traité ne va pas plus loin)).

27. Bien entendu, les Etats-Unis ne plaident pas la thèse que leur attri-
bue la Cour. Pour les Etats-Unis, la question dont la Cour doit connaître
n'est pas de savoir si le traité libère les Parties des obligations prescrites
par la Charte des Nations Unies ou par le droit international relatifà
l'emploi de la force, elle est de savoir si la Cour est compétente en l'espèce
pour s'interroger sur la portée et la nature de ces obligations, soit dans
l'abstrait soit par rapport au traité de 1955. Et la réponse à cette question
est négative, car les Etats-Unis n'ont pas, au paragraphe 2 de l'ar-

ticle XXI du traité, conféré compétence à la Cour pour statuer sur la ques-
tion de savoir si leurs actions étaient conformes ou non aux obligations
que leur imposait la Charte des Nations Unies ou bien le droit interna-
tional. Par conséquent, la Cour a tort, vu le contexte dans lequel les
Etats-Unis plaident, de présumer que les Etats-Unis souscrivaient aux
vues de la Cour au sujet de l'interprétation de l'alinéa d) du paragraphe 1
de l'article XX, car tel n'était manifestement pas le cas.
28. On ne peut pas faire indirectementappel en l'occurrence aux règles
de fond de droit international susmentionnéesen invoquant l'alinéa c) du

paragraphe 3 de l'article 31 de la convention de Vienne sur le droit des
traités en l'absence de toute compétence particulière que les Parties
auraient conféréeà la Cour pour qu'elle statue à ce sujet. C'est pourquoi
la conclusion formulée par la Cour au paragraphe 40 qui est que, «[d]e
l'avis de la Cour, il s'agit ici d'une question d'interprétation du traité, et
en particulier de l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'article XX», est tout
bonnement indéfendable. Cela revient à fausser abusivement le sens de la
compétence conférée à la Cour par le paragraphe 2 de l'article XXI du
traité car la Cour s'abstient ici de tenir dûment compte des contraintes
juridictionnelles qui, vu la nature consensuelle de sa compétence,limitent
la liberté qu'elle exerce pour interpréter les traités.

29. Au paragraphe 42 de l'arrêt, la Cour dit estimer
«que la compétence que lui confère le paragraphe 2 de l'article XXI
du traité de 1955 pour régler toute question concernant l'interpréta-
tion ou l'application de - notamment - l'alinéa d) du para-

graphe 1 de l'article XX de ce traité l'autorise aussi, en tant que de
besoin, à déterminer si une action présentée comme justifiée par ce
paragraphe constituait ou non un recours illicite à la force au regard
du droit international applicable en la matière, à savoir les disposi-
tions de la Charte des Nations Unies et du droit international cou-
tumier ».Aware of the jurisdictional problems implicit in this conclusion, the
Court hastens to add that "its jurisdiction remains limited to that con-
ferred on it by Article XXI, paragraph 2, of the 1955 Treaty". But these
words cannot gloss over the reality of what the Court is doing in this

case: on the basis of jurisdiction conferred on it in Article XXI, para-
graph 2, to interpret and apply the 1955 Treaty, the Court proceeds to
apply international law on the use of force simply because that law may
also be in dispute between the parties before it and bears some factual
relationship to the dispute of which the Court is seised. That it may not
do.

30. That the Court is doing precisely what it may not do becomes even
more evident when, in further seeking to justify its decision to interpret
Article XX, paragraph 1 (d), by reference to international law on the use

of force, it notes that "the original dispute between the Parties related to
the legality of the actions of the United States, in the light of interna-
tional law on the use of force" (para. 37). To this end, the Court empha-
sizes that
"At the time of those actions, neither Party made any mention of

the 1955 Treaty. The contention of the United States at the time was
that its attacks on the oil platforms were justified as acts of self-
defence, in response to what it regarded as armed attacks by Iran,
and on that basis it gave notice of its action to the Security Council
under Article 51 of the United Nations Charter. Before the Court, it
has continued to maintain that it was justified in acting as it did in
exercise of the right of self-defence; it contends that, even if the
Court were to find that its actions do not fa11within the scope of
Article XX, paragraph 1 (d), those actions were not wrongful since
they were necessary and appropriate actions in self-defence."

(Para. 37.)

It should require no argument that a State, which gives notice to the
Security Council under Article 51, has no reason there to rely on or to
invoke also the provisions of a bilateral commercial treaty, and will quite

naturally attempt to justify its conduct by reference to the provisions of
that Article. Moreover, such a State is certainly free in the Security
Council or in some other forum to advance legal arguments or defences
different from those it makes in a specific case in this Court under a dis-
pute resolution clause of a bilateral treaty. This does not mean, however,
that al1 other defensive arguments it has asserted in other forums may
therefore now be scrutinized by the Court in this case and serve to justify
its assertion of jurisdiction with regard to them.

31. As a matter of fact, the Court's extensive quotations from the
arguments advanced by the United States in the United Nations Security PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (OP. IND. BUERGENTHAL) 282

Ayant conscience des problèmes d'ordre j~~ridictionnel que cette conclu-
sion soulève implicitement, la Cour se hâte d'ajouter que «sa compétence

demeure limitée à celle que lui confère le paragraphe 2 de l'article XXI du
traité de 1955~. Mais la phrase ne peut pas masquer ce que la Cour, en
l'espèce, fait en réalité: se fondant sur la compétence que le paragraphe 2
de l'article XXI lui a conférée pour interpréter et appliquer le traité de
1955, la Cour va appliquer le droit international relatif à l'emploi de la
force tout simplement parce que les parties au différend s'opposent peut-
être aussi au sujet dudit droit et que ce droit a peut-être un rapport avec
les faits du différend dont la Cour est saisie. Or, la Cour n'est pas habi-
litée à procéder ainsi.

30. Il devient encore plus patent que la Cour procède précisément
comme elle ne devrait pas le faire quand, cherchant à nouveau àjustifier la
décision qu'elle a prise d'interpréter l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'ar-
ticleXX par rapport au droit international relatif à l'emploi de la force, elle
relève que «le différend initial entre les Parties portait sur la licéité des
actions menées par les Etats-Unis, à la lumière du droit international rela-
tifà l'emploi de la force)) (par. 37). A cette fin, la Cour souligne que

«A l'époque, aucune des deux Parties n'a mentionné le traité
de 1955. Les Etats-Unis soutenaient alors que leurs attaques contre
les plates-formes pétrolières étaient justifiées au titre de la légitime
défense, en réponse à ce qu'ils considéraient comme des agressions
armées de l'Iran, raison pour laquelle ils ont porté leurs actions à la
connaissance du Conseil de sécuritéconformément à l'article 51 de
la Charte des Nations Unies. Devant la Cour, les Etats-Unis ont
continué d'affirmer que l'exercice du droit de légitime défense justi-

fiait leurs actions; ils soutiennent que, même si la Cour devait
conclure que leurs actions n'entraient pas dans le champ d'applica-
tion de l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'article XX, elles n'étaient pas
illicites, en tant qu'elles constituaient des actes de légitime défense
nécessaires et appropriés. » (Par. 37.)

Il n'y a vraiment pas lieu ici de plaider qu'un Etat qui informe le Conseil
de sécuritéau titre de l'article 51 n'a pas à invoquer aussi les dispositions
d'un traité commercial bilatéral ni à se fonder sur ses dispositions et va
tout naturellement chercher à justifier sa conduite au titre des disposi-
tions de l'article51. En outre, 1'Etat en question a certainement toute lati-
tude au Conseil de sécuritéou au sein de quelque autre organisation de
présenter d'autres arguments juridiques ou moyens de défense que ceux
qu'il présente dans le cadre d'une affaire portée devant la Cour au titre
d'une clause de règlement des différendsfigurant dans un traité bilatéral.

Cela ne veut toutefois pas dire que la Cour peut par conséquent désor-
mais examiner en l'espèce tous les autres moyens de défense présentéspar
ledit Etat dans d'autres enceintes et justifier ainsi sa compétence à leur
endroit.
31. En fait, les longues citations que la Cour puise dans les arguments
présentés par les Etats-Unis au Conseil de sécuritédes Nations Unies auCouncil with regard to the armed conflict in the Persian Gulf (see, for
example, paragraphs 48 and 67) prove, if proof were necessary, that the
Court in this case is acting as if it had jurisdiction to judge the action of
the United States in attacking the platforms by reference to specific pro-

visions of the Charter of the United Nations or international law. It is
much too easy and too transparent an attempt for the Court to gloss over
this fact by claiming that
"In the present case, the question whether the measures taken
were 'necessary' overlaps with the question of their validity as acts of

self-defence. As the Court observed in its decision of 1986 the cri-
teria of necessity and proportionality must be observed if a measure
is to be qualified as self-defence (see 1.C.J. Reports 1986, p. 103,
para. 194, and paragraph 74 below)." (Para. 43.)

32. It is worth noting that the above quote from the Nicaragua case
comes from that part of the Nicaragua Judgment in which the Court was
exercising its jurisdiction under customary international law rather than
the United States-Nicaragua Treaty of 1956. The Court's failure to apply
the language of Article XX, paragraph 1 (d), in its analysis of the evi-
dence relating to the challenged United States measures and its focus,
instead, on international law on the use of force has improperly trans-
formed the case into a dispute relating to the use of force under interna-
tional law rather than one calling for the interpretation and application
of a bilateral treaty with regard to which it alone had jurisdiction.

IV. DEFECTIVE FACT-FINDINGPROCESS

33. Even assuming that the Court were correct in interpreting
Article XX, paragraph 1 (d), in light of international law on the use of
force, it is telling that the Court does not really analyse the evidence
presented by the United States by reference first to the specific language
and purpose of the Article. That, after all, would be the appropriate
way to proceed before enquiring whether the measures were compatible
with international law on the use of force, if only because such an
enquiry might throw some light on the factual considerations the parties

to the 1955 Treaty might have thought relevant to the interpretation
and application of Article XX, paragraph 1 (d). Instead, the Court con-
cludes that
"its jurisdiction under Article XXI, paragraph 2, of the 1955 Treaty

to decide any question of interpretation or application of (inter
alia) Article XX, paragraph 1 (d), of that Treaty extends, where
appropriate, to the determination whether action alleged to be jus-sujet du conflit armé dans le golfe Persique (voir, par exemple, les para-
graphes 48 et 67 de l'arrêt) prouvent s'il en était besoin que la Cour en
l'espèce se comporte comme si elle était compétente pour juger l'action
des Etats-Unis quand ceux-ci attaquent les plates-formes par rapport à
des dispositions précises de la Charte des Nations Unies ou du droit
international. Il est un peu trop facile et un peu trop transparent de la
part de la Cour de chercher à masquer le fait en prétendant que:

«En l'espèce, la question de savoir si les mesures adoptées étaient
«nécessaires» recoupe en partie celle de leur validité en tant qu'actes
de légitime défense. Ainsi que la Cour l'a relevé dans sa décision
de 1986, les critères de nécessitéet de proportionnalité doivent être
respectés pour qu'une mesure puisse êtrequalifiée d'acte de légitime
défense (voir C.I.J. Recueil 1986, p. 103, par. 194, et paragraphe 74
ci-dessous).» (Par. 43.)
32. Il convient de relever que la citation ci-dessus extraite de l'affaire
Nicaragua se situe dans la partie de l'arrêt rendu dans ladite affaireNica-

ragua dans laquelle la Cour exerçait sa compétence au titre du droit inter-
national coutumier et non la compétence conféréepar le traité de 1956
entre les Etats-Unis et le Nicaragua. Le fait que la Cour s'abstient
d'employer les termes de l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'article XX
quand elle analyse les moyens de preuve présentés au sujet des mesures
contestées prises par les Etats-Unis et qu'elle s'intéresse uniquement au
droit international relatifà l'emploi de la force a malencontreusement
transformé l'affaire en un différend relatifà l'emploi de la force en droit
international alors que c'était un différend faisant appel à l'interprétation
et à l'application d'un traité bilatéral au sujet duquel la Cour était seule
compétente.

IV. LA MÉTHODE RETENUE POUR ÉTABLIR LES FAITS EST MAUVAISE

33. A supposer mêmeque la Cour ait raison d'interpréter l'alinéa d) du
paragraphe 1 de l'article XX à la lumière du droit international relatif à
l'emploi de la force, il est révélateur que la Cour n'analyse pas vraiment
les moyens de preuve présentés par les Etats-Unis en faisant avant tout
appel aux termes précis et à l'objet de cette disposition.Après tout, c'eût
étélà la voie à suivre avant de se demander si les mesures en question
étaient compatibles avec le droit international relatifà l'emploi de la
force, ne serait-ce que parce que cette recherche aurait pu éclairer les
considérations concrètes que les parties au traité de 1955 auraient pu juger
pertinentes aux fins de l'interprétation et de l'application del'alinéad) du
paragraphe 1 de l'article XX. Au lieu de quoi, la Cour conclut que

«la compétence que lui confère le paragraphe 2 de l'article XXI du
traité de 1955 pour régler toute question concernant l'interprétation
ou l'application de - notamment - l'alinéa d) du paragraphe 1 de
l'article XX de ce traité l'autorise aussi, en tant que de besoin, à tified under that paragraph was or was not an unlawful use of force,
by reference to international law applicable to this question, that is
to Say, the provisions of the Charter of the United Nations and
customary international law" (para. 42).

34. This said, the Court proceeds immediately to examine the facts rele-
vant to the application of that Article by reference to "the principle of
the prohibition in international law of the use of force, and the qualifica-
tion to it constituted by the right of self-defence" (para. 43). Noting that

Article XX, paragraph 1 (d), permits a country to take certain measures,
which it deems "necessary" for the protection of its essential security
interests, the Court quotes from the holding in the Nicaragua case, that it
was not enough for these measures to "tend to protect the essential secu-
rity interests of the party taking them", but that they had to "be 'neces-
sary' for that purpose". Moreover, whether "a given measure is 'neces-
sary' is not purely a question for the subjectivejudgment of the party but
may be assessed by the Court". Finally, still in thesame paragraph, the
Court declares that

"In the present case, the question whether the measures taken
were 'necessary' overlaps with the question of their validity as acts of
self-defence. As the Court observed in its decision of 1986 the cri-
teria of necessity and proportionality must be observed if a measure

is to be qualified as self-defence (see 1.C.J. Reports 1986, p. 103,
para. 194, and paragraph 74 below)." (Para. 43.)

35. The Court's language, quoted above, creates the impression that
the Court in the Nicaragua case had analysed the comparable Article in
the United States-Nicaragua Treaty of 1956 as the Court now analyses
Article XX, paragraph 1 (d). That is not true. In the Nicaragua case, it
will be recalled, the Court had two bases of jurisdiction: the 1956 Treaty,
which contained a dispute resolution clause comparable to Article XXI,
paragraph 2, of the 1955 Treaty, and the optional jurisdiction clause set
out in Article 36, paragraph 2, of the Statute of the Court. In passing on
the legality of the measures taken by the United States against Nicara-
gua, the Court there was very careful to separate its examination of the

legality ofthese measures under international law, with regard to which it
has jurisdiction under Article 36, paragraph 2, of the Statute, from the
question whether these measures were justified under the 1956 Treaty.
Its analysis of the latter issue focused on the specific language of the
applicable Treaty provision, the one comparable to Article XX, para-
graph 1 (d), of the 1955 Treaty. (Compare 1.C.J. Reports 1986, p. 97,
para. 183, with ibid., p. 140, paras. 280-282.) PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (OP. IND.BUERGENTHAL)
284

déterminer si une action présentée comme justifiée par ce paragraphe
constituait ou non un recours illicite à la force au regard du droit
international applicable en la matière, à savoir les dispositions de la
Charte des Nations Unies et du droit international coutumier»
(par. 42).

34. Cela dit, la Cour va immédiatement examiner les faits pertinents
pour l'application de ladite disposition par rapport au ((principe de l'inter-
diction en droit international de l'emploi de la force et [à]sa limitation
constituée par le droit de légitimedéfense» (par. 43). Notant que l'alinéad)
du paragraphe 1de l'article XX autorise un pays à prendre certaines me-
sures que ledit pays estime« nécessaires» àla protection de ses intérêtvitaux
en matière de sécurité,la Cour cite à ce sujet la décision formulée dans
l'affaire Nicaragua qui est que lesdites mesures ne doivent pas simplement
((tendre à protéger les intérêtsvitaux de sécurité de la partie qui les
adopte», elles doivent ((être«nécessaires» à cette fin». En outre, la ques-
tion de savoir «si une mesure donnée est «nécessaire» ne relève pas de
l'appréciation subjective de la partie intéresséeet peut êtreévaluéepar la
Cour ».En dernier lieu, toujoursdans le mêmeparagraphe, la Cour déclare :

«En l'espèce, la question de savoir si les mesures adoptées étaient
«nécessaires»recoupe en partie celle de leur validitéen tant qu'actes
de légitime défense. Ainsi que la Cour l'a relevé dans sa décision
de 1986, les critères de nécessitéet de proportionnalité doivent être
respectés pour qu'une mesure puisse êtrequalifiée d'acte de légitime
défense (voir C.1.J.Recueil 1986,p. 103, par. 194, et paragraphe 74
ci-dessous).» (Par. 43.)

35. La façon dont la Cour s'exprime dans la citation ci-dessus donne
l'impression que, dans l'affaire Nicaragua, la Cour avait analysé l'article
comparable du traité de 1956 entre les Etats-Unis et le Nicaragua comme
la Cour analyse actuellement l'alinéa d) du paragraphe 1de l'article XX.
Or, tel n'est pas le cas. Dans l'affaire Nicaragua, on sait que la Cour était
dotée de deux titres de compétence: le traité de 1956, qui comprenait une
clause de règlement des différends comparable à la disposition énoncée
au paragraphe 2 de l'article XXI du traité de 1955, et la clause facultative
d'attribution de compétence énoncéeau paragraphe 2 de l'article 36 du
Statut de la Cour. Pour statuer sur la licéité desmesures adoptées par les
Etats-Unis contre le Nicaragua, la Cour en cette affaire a pris grand soin
de faire la distinctionentre l'examen de la licéitédesdites mesures au titre
du droit international, au regard duquel la Cour était compétente en
vertu du paragraphe 2 de l'article36 du Statut, et l'examen du point de
savoir si lesdites mesures étaient justifiées au titre du traité de 1956. Pour
analyser la seconde question, la Cour a porté essentiellement son atten-
tion sur les termes précis de la disposition conventionnelle applicable, la
disposition comparable à celle de l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'ar-
ticle XX du traité de 1955 (comparer C.I.J. Recueil 1986,p. 97, par. 183,
et ibid., p. 140, par. 280-282). 36. It is therefore worth noting that the language from the Nicaragua
case concerning self-defence, which the Court in the instant case ties to its
analysis of Article XX, paragraph 1 (d), is taken not from the Nicaragua
Court's interpretation of the here relevant provision of the 1956 United
States-Nicaragua Treaty, but from its examination of the legality of the
measures of the United States under customary international law. With-
out explaining that specific context of the quotation from the Nicaragua

case, the Court concludes that "[iln the present case, the question whether
the measures taken were 'necessary' overlaps with the question of their
validity as acts of self-defence" (para. 43). Logically, given the context of
the authority on which the Court relies, this conclusion would be true
only if the Court in this case had jurisdiction under Article 36, para-
graph 2, of its Statute. That it does not have.

37. The Court's approach distorts the here relevant fact-finding
process or focus. The language of Article XX, paragraph 1 (d) -
"measures . . . necessary to protect essential security interests" -

suggests that the parties to the Treaty, without leaving it exclusively to
their subjective determination as to whether or not the measures were
necessary to protect their respective essential security interests, must
nevertheless not be understood to have excluded the right of each party
to make that assessment by reference to a standard of reasonableness.
That much is implicit in the requirement the Article postulates, if only
because the concept of "essential security interests" must of necessity
bear some relation to a State's own reasonable assessment of its essential
security interests, even if ultimately it is for the Court to pass on that
assessment. This is apparent also from the Nicaragua Court's holding.

Here the Court noted that, whether "a [given] measure is necessary . . .
is not . ..purely a question for the subjectivejudgment of the party [but
may be assessed by the Court]" (1C..J. Reports 1986, p. 141, para. 282;
emphasis added). The Nicaragua Court's suggestion that it may not be
"purely" a matter of the subjective judgment of a party, implies that
while a Government's determination is ultimately subject to review by
the Court, it may not substitute its judgment completely for that of the
Government which, in assessing whether the disputed measures were
necessary, must be given the opportunity to demonstrate that its assess-
ment of the perceived threat to its essential security interests was reason-
able under the circumstances.

38. Thus, even if one were to adopt the Court's view that "in the
present case, the question whether the measures taken were 'necessary'
overlaps with the question of their validity as acts of self-defence", it
would be improper to analyse the evidence adduced by the United States PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (OP.IND.BUERGENTHAL) 285

36. Il y a donc lieu de noter que les termes citésde l'affaire Nicaragua
au sujet de la légitime défense,que la Cour en l'espècerattache à son ana-
lyse de l'alinéad) du paragraphe l de l'article XX du traité, ne figurent
pas dans l'interprétation donnée par la Cour dans l'affaire Nicaragua de

la disposition pertinente pour cette affaire-là du traité de 1956 entre les
Etats-Unis et le Nicaragua, mais sont tirésde l'examen par la Cour de la
licéitédes mesures prises par les Etats-Unis au regard du droit interna-
tional coutumier. Sans expliquer dans quel contexte particulier se situe la
citation extraite de l'arrêtNicaragua, la Cour conclut que, « [e]n l'espèce,
la question de savoir si les mesures adoptées étaient ((nécessaires»recoupe
en partie celle de leur validité en tant qu'actes de légitime défense»
(par. 43). Logiquement, étant donné le pouvoir sur lequel la Cour se
fonde dans ce contexte, cette conclusion ne serait exacte que si la Cour
en l'espèce était compétente au titre du paragraphe 2 de l'article 36 de
son Statut. Or, tel n'est pas le cas.
37. L'approche adoptée par la Cour fausse le processus ou l'orientation à
retenir ici pour établir les faits. Le texte de l'alid)a du paragraphe 1 de
l'articleXX - ((mesures ...nécessaires à la protection des intérêts
vitaux ...sur le plan de la sécurité» - donne à penser que les parties au
traité, sansvouloir s'en remettre exclusivementà leur appréciation subjective
du point de savoir si les mesures prises étaient ou non nécessaires à la pro-
tection de leurs intérêts vitaux du point de vue de la sécurité, ne doivent
néanmoins pas êtrecenséesavoir exclu pour chacune des parties le droit de
procéder à cette évaluation par rapport à une norme correspondant au
caractère raisonnable desdites mesures. C'est là en tout cas ce que postule
implicitement la prescription énoncéedans cette disposition, ne serait-ceque
parce que le concept d'«intérêtsvitaux sur le plan de la sécurité» a néces-
sairement un lien avec l'évaluation raisonnable de ses intérêts vitaux surle
plan de la sécuritéà laquelle un Etat procède lui-même,même si,en défini-
tive, il appartienà la Cour de se prononcer sur ladite évaluation. Et c'est là

aussi ce qui ressort de la décisionrendue par la Cour dans l'affaire Nicara-
gua. Là, la Cour a noté que le point de savoir si «une mesure [donnée] est
nécessaire ...ne relève pas [simplement] de l'appréciation subjective de la
partie intéressée [maispeut êtreappréciépar la Cour] » (C.I.J.Recueil 1986,
p. 141, par. 282; les italiques sont de moi). Quand la Cour donne à penser
dans l'affaire Nicaragua que cette question ne relève pas «simplement» de
l'appréciation subjective d'une partie, cela signifie implicitement que la
Cour, si elle peut en définitiverevenir sur l'appréciation d'un Etat, ne peut
toutefois pas remplacer complètement cette appréciation par la sienne
propre, car l'Etat, quand il évalue si les mesures contestées étaient néces-
saires, doit se voir donner la possibilité de prouver que, dans les conditions
où il a procédé à cette évaluation, il a appréciéde façon raisonnable la
menace pesant à son avis sur ses intérêts vitauxde sécurité.
38. C'est-à-dire que, même sil'on adhère aux vues de la Cour quand
elle estime que, «[e]n l'espèce, la question de savoir si les mesures adop-
téesétaient «nécessaires» recoupe en partie celle de leur validité en tant
qu'actes de légitime défense», on aurait tort d'analyser les moyens dein support of its measures exclusively in light of their validity as acts of
self-defence, without recognizing that in Article XX, paragraph 1 (d),
the parties opted, not for a rigid or absolute assessment of the evidence,
but for an examination of the evidence that asked whether, on the facts
before it, a party had convincing reasons for believing that the measures

were necessary to protect its essential security interests. This analysis
would permit the Court to view the evidence before it in this case in a
much more nuanced way and to assess the actions of the United States
with the flexibility Article XX, paragraph 1 (d), appears to demand. By
not adopting this approach in the instant case, the Court, for al1practical
purposes, reads Article XX, paragraph 1 (d), out of the Treaty and then
proceeds to assess the evidence as if Article XX, paragraph 1 (d), did not
exist.

39. That this is in fact what the Court does, is readily apparent from
the evidentiary approach it adopts. Thus, in paragraph 57 of the Judg-
ment, the Court concludes that:
"For present purposes, the Court has simply to determine whether

the United States has demonstrated that it was the victim of an
'armed attack' by Iran such as to justify it using arrned force in self-
defence; and the burden of proof of the facts showing the existence
of such attack rests on the United States. The Court does not have
to attribute responsibility for firing the missile that struck the Sea
Isle City, on the basis of a balance of evidence, either to Iran or to
Iraq; if at the end of the day the evidence available is insufficient
to establish that the missile was fired by Iran, then the necessary
burden of proof has not been discharged by the United States."

40. This test takes no account of the facts as they might reasonably
have been assessed by the United States before it decided to act, given the
context of the Iraq-Iran armed conflict and Iran's consistent denial that it
was not responsible for any military actions against neutral shipping.
Article XX, paragraph 1 (d), as interpreted in the Nicaragua case, would
have required such a contextual analysis of the evidence.

41. One might ask, moreover, where the test of "insufficient" evidence
comes from (see para. 39, supra) and by reference to what standards the
Court applies it? What is meant by "insufficient" evidence? Does the evi-
dence have to be "convincing", "preponderant", "overwhelming" or
"beyond a reasonable doubt" to be sufficient? The Court never spells out
what the here relevant standard of proof is. Moreover, it may well be that
each of the pieces of proof the United States adduces, if analysed sepa-
rately, as the Court does (see, for example, Judgment, paras. 58 et seq.), PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (OP. IND. BUERGENTHAL) 286

preuve présentés par les Etats-Unis àl'appui desdites mesures exclusive-
ment à la lumière de leur validité en tant qu'actes de légitime défense,
sans admettre que, à l'alinéad) du paragraphe 1 de l'article XX, les

parties ont opténon pour une appréciation stricte ou absolue des moyens
de preuve, mais pour un examen de ces moyens de preuve consistant à se
demander si, d'après les faits dont elle est saisie, une partie a des raisons
convaincantes d'estimer que les mesures étaient nécessaires à la protec-
tion de ses intérêts vitaux en matière de sécurité. Pareille analysepermet-
traità la Cour d'avoir un avis beaucoup plus nuancé en ce qui concerne
les moyens de preuve qui lui sont présentésen l'espèce et d'apprécier les
actions des Etats-Unis avec la souplesse que l'alinéa d) du paragraphe 1
de l'article XX semble réclamer. Faute d'adopter cette approche en
l'espèce, la Cour, à toutes fins pratiques, supprime l'alinéa d) du para-
graphe 1 de l'article XX du traité et procède ensuite à l'évaluation des
moyens de preuve comme si cet alinéa d) du paragraphe 1 de l'article XX
n'existait pas.
39. On voit très bien que c'est là ce que la Cour fait en réalitéquand
on considère l'approche qu'elle adopte quant aux élémentsde preuve.
Elle formule en effet au paragraphe 57 de l'arrêt la conclusion ci-après:

«La Cour doit en l'espèce simplement déterminer si les Etats-Unis
ont démontré qu'ils avaient été victimes de la part de l'Iran d'une
((agression armée» de nature à justifier l'emploi qu'ils ont fait de la
force armée au titre de la légitime défense; or, c'est à eux qu'il
revient de prouver l'existence d'une telle agression. Il n'appartient
pas à la Cour d'établir, par une appréciation des différents éléments
de preuve, si la responsabilité du tir de missile contre le SIsle City
doit êtreattribuée à l'Iran ou à l'Iraq. Si, en définitive, les preuves
disponibles sont insuffisantes pour permettre de déterminer si l'Iran
est à l'origine de ce tir de missile, les Etats-Unis ne se seront pas
acquittés de la charge de la preuve qui pèse sur eux. »

40. Cette façon de procéder ne tient nul compte des faits tels que les
Etats-Unis les ont peut-être raisonnablement appréciésavant de décider
d'agir, étant donné que l'Iran et l'Iraq étaient alors en guerre l'un contre
l'autre et que l'Iran nie systématiquementêtre responsable de la moindre
action militaire menée contre des navires neutres. La disposition énoncée
à l'alinéad) du paragraphe 1de l'article XX, si elle avait étéinterprétée
comme elle le fut dans l'affaire Nicaragua, aurait exigéd'analyser les élé-
ments de preuve de cette façon, dans leur contexte.
41. On peut de surcroît se demander comment il est possible de juger
les preuves «insuffisantes» (voir plus haut le paragraphe 39) et par rap-
port à quelles normes la Cour applique ce critère. Que veut-elle dire par
((preuvesinsuffisantes»? Faut-il que, pour êtresuffisants, les élémentsde
preuve soient ((convaincants », ((prépondérants », ((écrasants» ou «ne
laissent subsisteraucun doute raisonnable»? La Cour ne définitjamais ce
qu'est en l'espèce le critère de preuveà respecter. En outre, il se peut fort
bien que chacun des élémentsde preuve présentés par les Etats-Unis, s'ilmay not be sufficient to prove that the missile was fired by Iran. Taken
together, however, they may establish that it was not unreasonable for
the United States to assume that it was fired by Iran, particularly since
Iran, in the face of overwhelming evidence that it was responsible for at
least some attacks on neutral shipping, denied al1 such responsibility. A
proper application of Article XX, paragraph 1 (d), of the Treaty would

have required the Court to take these considerations into account.

42. In paragraph 60 of the Judgment, the Court states

"In connection with its contention that the Sea Isle City was the
victim of an attack by Iran, the United States has referred to an
announcement by President Ali Khameini of Iran some three months
earlier, indicating that Iran would attack the United States if it did
not 'leave the region'. This however is evidently not sufficient to jus-
tify the conclusion that any subsequent attack on the United States
in the Persian Gulf was indeed the work of Iran."

It may not be sufficient to justify the conclusion regarding specific sub-
sequent attacks, but it certainly has a bearing on determining Iran's
intentions or policies about attacking United States interests in the Gulf.
Such intentions or policies, one would assume, would be highly relevant
elements in assessing the facts disputed by the Parties as well as the
reasonableness of the assumption made by the United States about
threats to its essential security interests.This the Court fails to do.

43. In the same paragraph 60, the Court also comments on the evi-
dence proffered by the United States that
"Iran was blamed for the attack [on the Sea Isle City] by 'Lloyd's

Maritime Information Service, the General Council of British
Shipping, Jane's Intelligence Review and other authoritative public
sources'. These 'public sources' are by definition secondary evidence ;
and the Court has no indication of what was the original source, or
sources, or evidence on which the public sources relied. In this
respect the Court would recall the caveat it included in its Judgment
in the case concerning Military and Paramilitary Activities in and
against Nicaragua, that 'Widespread reports of a fact may prove on
closer examination to derive from a single source, and such reports,
however numerous, will in such case have no greater value as evi-

dence than the original source.' (I.C.J. Reports 1986, p. 41,
para. 63.)"
Al1 that may be true, but the Court pays no attention to the evidence
indicating that these "public sources" were deemed by mariners in theest analysé seul comme le fait la Cour (voir, par exemple, dans l'arrêt, les
paragraphes 58 et suivants), ne soit pas suffisant pour prouver que le tir

de missile est dû à l'Iran. Considérésensemble, toutefois, ces élémentsde
preuve établissent peut-être qu'il n'était pas déraisonnable de la part des
Etats-Unis de présumer que ce tir de missile était dû à l'Iran, d'autant
que l'Iran, face aux preuves montrant de façon accablante qu'il fallait lui
imputer à tout le moins certaines des attaques lancées contre des navires
neutres, a nié toute responsabilité dans ce domaine. Si l'alinéa d) du
paragraphe 1 de l'article XX du traité avait été bien appliqué, la Cour
aurait ététenue de se pencher sur ces considérations.
42. Au paragraphe 60 de l'arrêt, laCour dit ceci:
«Dans le cadre de leur thèse selon laquelle le Sea Isle City aurait
étévictime d'une attaque iranienne, les Etats-Unis se sont référés à
une déclaration du président iranien Ali Khameini faite environ trois
mois plus tôt, dans laquelle celui-ci indiquait que l'Iran attaquerait
les Etats-Unis s'ils ne quittaient pas la région. Mais cela ne suffit évi-
demment pas à étayer la conclusion selon laquelle toute attaque
menée par la suite contre les Etats-Unis dans le golfe Persique était
effectivement l'Œuvre de l'Iran.))

Cela ne suffit peut-être pas à étayer la conclusion formulée au sujet de
telle ou telle autre attaquemenéepar la suite, mais cela a certainementun
rapport avec les intentions ou les politiques iraniennes relatives aux at-
taques àlancer contre les intérêtsdes Etats-Unis dans le Golfe. Ces inten-
tions ou politiques, peut-on présumer, seraient des élémentsparticulière-
ment pertinents à retenir pour apprécier les faits contestés entre les
Parties et apprécier également le caractère raisonnable des hypothèses
retenues par les Etats-Unis quant aux menaces pesant sur leurs intérêts
vitaux de sécurité.La Cour s'abstient de procéder à cette évaluation.
43. Dans le mêmeparagraphe 60 de l'arrêt, la Cour constate que

«le «service d'information maritime du Lloyd's, le General Council
of British Shipping,la Jane's Intelligence Review et d'autres sources
publiques dignes de foi» tenaient l'Iran pour responsable de l'at-
taque [contre le Sea Isle City]. Ces «sources publiques » constituent
par définition des preuves de seconde main, et la Cour n'a pas eu
connaissance de la source ou des sources originelles, ni des preuves
sur lesquelles ces sources publiques se sont appuyées. La Cour rap-
pellera à cet égard la réserve qu'elle a introduite dans son arrêt en
l'affaire des Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et
contre celui-ci: «Il peut apparaître après examen que des nouvelles
fort répandues proviennent d'une sourceunique, de sorte qu'en dépit
de leur nombre elles n'ont pas de force probante plus grande que
celle-ci» (C.1.J. Recueil 1986, p. 41, par. 63.) »
Il faut peut-être bien accepter tout cela, mais la Cour n'accorde aucune
attention aux élémentsde preuve indiquant que ces «sources publiques)),Gulf to be highly knowledgable and reputable sources of information,
and that they were treated by them as reliable. By simply dismissing this
evidence as insufficient, the Court glosses over important elements of
proof bearing not only on the assumptions that could reasonably be
made about Iran's sole in the attacks on vessels in the Gulf, but also the

veracity of these reports. Besides, merely because these sources were
"secondary", does not mean that they are insufficient to shift the bur-
den of going forward with the evidence to Iran and thus requiring it to
prove their unreliability, an issue the Court simply fails to address.

44. Another example of a questionable fact-finding process, given the
context of this case, is found in paragraph 71 of the Judgment. Here
the United States supports its contention that the mine which the

USS Samuel B. Roberts struck was laid by Iran, with evidence of "the
discovery of moored mines in the same area, bearing serial numbers
matching the other Iranian mines, particularly those found aboard the
[Iranian] vesse1 Iran Ajr", which had been observed laying mines and
subsequently been boarded by the United States. The Court assesses the
probative value of this evidence as follows: "[tlhis evidence is highly
suggestive, but not conclusive". Apart from the fact that the standard
of proof has suddenly changed, without an explanation,from "sufficient"
to "conclusive", one wonders why evidence that is "highly suggestive"
appears for the Court not to be sufficient even in the context of this par-
ticular case.

45. More important, because of its focus on the right of self-defence
under international law rather than on Article XX, paragraph 1 (d), the
Court erroneously invokes and relies on the conceptual differences under
international law between individual and collective self-defence. Thus, for
example, the Court notes that

"[tlo justify its choice of the platforms as targets, the United States
asserted that they had 'engaged in a variety of actions directed
against United States flag and other non-belligerent vessels and air-
craft' " (para. 50).

The Court rejects this defence in the following terms:

"Despite having thus referred to attacks on vessels and aircraft of
other nationalities, the United States has not claimed to have been
exercising collective self-defence on behalf of the neutral States
engaged in shipping in the Persian Gulf; this would have required
the existence of a request made to the United States 'by the Statepour les hommes de mer naviguant dans le Golfe, étaient des sources
d'information d'excellente qualité et très sûres, de sorte que ces marins
considéraient ces sources comme fiables. Quand elle rejette ces éléments
de preuve tout simplement en arguant de leur insuffisance, la Cour esca-
mote d'importants élémentsde preuve utiles non seulement pour pouvoir
formuler des hypothèses raisonnables sur le rôlejoué par l'Iran dans les
attaques menées contre les navires dans le Golfe, mais aussi pour établir
la véracitédes comptes rendus en question. De surcroît, le seul fait que
ces sourcessoientde ((secondemain » ne veut pas dire qu'elles ne suffisent
pas à renvoyer la balle dans le camp de l'Iran pour lui demander de prou-
ver que ces sources ne sont effectivement pas dignes de foi, question que
la Cour s'abstient purement et simplement de poser.
44. Au paragraphe 71 de l'arrêt, on a un autre exemple de la technique
d'établissement des faits adoptée par la Cour qui, dans le cadre de la pré-
sente affaire, est sujettà caution. Ici, les Etats-Unis présententà l'appui
de leur thèse, qui est que la mine heurtée par le Samuel B. Roberts a été
mouillée par l'Iran, des éléments de preuve correspondant à «la décou-
verte dans la mêmezone de mines lestées portant des numéros de série
similairesà ceux d'autres mines iraniennes,en particulier celles trouvéesà
bord de l'Iran Arj [navireiranien])),navire qui avait été repéréen train de
mouiller des mines et qui avait par la suite étéarraisonné par les Etats-
Unis. La Cour apprécie la valeur probante de cet élément de preuve
comme suit: «Cet élémentde preuve n'est certes pas dépourvu d'impor-
tance, mais il n'est pas déterminant.)) Mis à part le fait que le critère de
preuve est brutalement modifié, sans explication, et que l'on passe d'élé-
ments ((suffisants» à des éléments((déterminants », on peut se demander
pourquoi des élémentsde preuve ((non dépourvus d'importance » ne sont
toujours pas aux yeux de la Cour suffisants mêmedans le cadre de cette
affaire particulière.
45. Fait plus important encore, parce qu'elle fait porter son analyse
sur le droit de légitimedéfense en droit international et non surl'alinéad)
du paragraphe 1de l'article XX du traité, la Cour invoque à tort pour en
tirer argument les différences théoriques existant en droit international
entre la légitime défenseindividuelle et la légitime défense collective. C'est
ainsi que la Cour note que

(([alfin de justifier le choix des plates-formes pour cible, les Etats-
Unis ont affirmé qu'elles avaient servià mener ((diversesactions diri-
gées contre des bâtiments battant pavillon américain et contre des
bâtiments et aéronefs non belligérants »» (par. 50).

La Cour écarte ce moyen de défense en disant ceci:

«Bien que s'étant ainsi référés à des attaques menées contre des
bâtiments et aéronefs d'autres nationalités, les Etats-Unis ne pré-
tendent pas avoir agi dans l'exercice de la légitime défense collective
au nom des Etats neutres se livrant à la navigation dans le golfe Per-
sique, ce qui aurait exigéqu'une demande en ce sens leur fût adressée which regards itself as the victim of an armed attack' (I. C.J. Reports
1986, p. 105, para. 199). Therefore, in order to establish that it was
legally justified in attacking the Iranian platforms in exercise of the
right of individual self-defence, the United States has to show that
attacks had been made upon it .. ." (Para. 51 .)

46. By failing to focus on Article XX, paragraph 1 (d), and by ana-
lysing the evidence exclusively in terms of the right of self-defence under
international law, the Court draws conclusions from the dichotomy
between individual and collective self-defence that have no place in this
case. This type of analysis is erroneous when applied to the interpretation
of Article XX, paragraph 1 (d), of the 1955 Treaty, since it permits
"measures . . .necessary to protect [a State's] essential security interests"
without specifying that these measures can only be taken against a State

that intended to damage the victim's essential security interests. Hence,
even an indiscriminate attack not specifically aimed at the party to the
Treaty, would provide a valid defence under Article XX, paragraph 1 (d),
if it threatened those interests. By failing to differentiate between the
requirements of that Article and those of international law on the use
of force, the Court erroneously fails to examine important evidence
presented by the United States in justification of the measures it took
against Iran.

47. For al1 the foregoing reasons, 1 conclude that the Court erred in
its ruling with regard to Article XX, paragraph 1 (d).

(Signed) Thomas BUERGENTHAL. PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (OP.IND. BUERGENTHAL) 289

par « 1'Etat sejugeant victime d'une agression armée » (C.1J. Recueil
1986, p. 105, par. 199). Par conséquent, pour établir qu'ils étaient en
droit d'attaquer les plates-formesiraniennes dans l'exercice du droit
de légitime défense individuelle, les Etats-Unis doivent démontrer
qu'ils ont étéattaqués ..» (Par. 51.)
46. En s'abstenant de faire porter son analyse sur l'alinéa d) du para-
graphe 1 de l'article XX du traité et en se contentant
d'analyser les
moyens de preuve exclusivement par rapport au droit de légitime défense
en droit international, la Cour énonce, à partir de la dichotomie existant
entre la légitime défense individuelle et la légitime défense collective, des
conclusions qui n'ont pas leur place en l'espèce. Ce type d'analyse est
erroné quand il est appliqué à l'interprétation de l'alinéa d) du para-
graphe 1 de l'article XX du traité de 1955 car il autorise les ((mesures ...
nécessaires à la protection des intérêts vitaux [d'un Etat] sur le plan de la
sécurité)) sans préciser si lesdites mesures ne peuvent être prises qu'à
l'encontre d'un Etat qui avait l'intention de porter atteinte aux intérêts
vitaux de la victime en matière de sécurité.Dans ces conditions, on pour-
rait mêmetirer argument d'une attaque non cibléene visant pas particu-
lièrement la partie au traité qui est en cause pour se défendrevalablement
au titre de l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'article XX si ladite attaque
menaçait ses intérêts de sécurité.En s'abstenant de faire la distinction
entre les prescriptions de cet articlXX et les prescriptions du droit inter-
national relatif à l'emploi de la force, la Cour commet l'erreur de s'ab-
stenir d'examiner d'importants moyens de preuve que les Etats-Unis ont
présentéspour justifier les mesures qu'ils ont prises à l'encontre de l'Iran.

47. Pour tous les motifs ci-dessus, je conclus que la Cour a tort de se
prononcer comme elle le fait au sujet de l'alinéa d) du paragraphe 1 de
l'article XX du traité de 1955.

(Signé) Thomas BUERGENTHAL.

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Document Long Title

Opinion individuelle de M. Buergenthal (traduction)

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