Opinion dissidente de M. le juge Bennouna

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148-20140331-JUD-01-04-EN
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148-20140331-JUD-01-00-EN
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OPINION DISSIDENTE DE M. LE JUGE BENNOUNA

[Texte original français]

Interprétation de la convention — Pouvoir discrétionnaire d’un Etat partie —
Caractère raisonnable d’un programme de chasse « en vue de recherches
scientifiques » — Finalité d’un programme de chasse « en vue de recherches
scientifiques » — Choix entre les méthodes létales et non létales — Détermination
de la taille des échantillons — Fondements des conclusions de la Cour — Nécessité
d’examiner le caractère « commercial» de JARPA II — Absence de caractère
«commercial» de JARPA II — Substitution aux organes créés par la convention
— Coopération des Etats parties à la convention.

A mon grand regret, j’ai dû voter contre les points 2, 3, 4, 5 et 7 du
dispositif de l’arrêt, dans la mesure où je suis en désaccoréd avec
l’interprétation, par la majorité, des dispositions pertinentesé de la conven -
tion internationale pour la réglementation de la chasse à la baleiéne (ci-

après la « convention»), du 2 décembre 1946, et du règlement annexé à
celle-ci (ci-après le « règlement»).
Je regrette, en particulier, que la majorité ne s’en soit pas tenue aux
méthodes d’interprétation prévues par la convention de Viennée sur le

droit des traités (art. 31 et 32), qui ont valeur coutumière et, par consé -
quent, à une analyse strictement juridique des obligations des Parties. Je
sais que la question de la chasse à la baleine est empreinte d’uneé grande
charge émotionnelle et culturelle, nourrie au travers des siècles épar la lit -
térature, les récits mythologiques et les textes religieux. Cet arérière-plan a

certes été évoqué devant la Cour et les juges, lesquels, s’éils ne peuvent
l’ignorer, sont tenus, de par leur fonction, de veiller à ce qu’éil n’interfère
d’aucune manière dans la stricte analyse juridique. La contributioén de la
Cour à la poursuite, dans les meilleures conditions, de la coopéraétion
entre les Etats concernés est de rendre la justice en appliquant le droit

international, ainsi que le prévoit son statut.
Malheureusement, l’approche retenue par la majorité demeure quelquée
peu « impressionniste», dans la mesure où elle procède essentiellement
d’interrogations, de doutes, de soupçons, à partir d’indicesé sélectionnés

dans la masse des rapports et des expertises scientifiques.
La convention a été adoptée en 1946 dans un contexte très différent de
celui où la Cour est appelée à l’interpréter et à l’éappliquer. La consomma -
tion de viande de baleine a énormément diminué, au point de devéenir
négligeable, et l’industrie baleinière a décliné en consééquence. Il n’en

demeure pas moins que, lorsqu’elle interprète l’une des dispositions de la
convention, la Cour est tenue de prendre en compte les objectifs inscrités
dans le préambule, et notamment la conservation et le développemenét
durable des stocks de baleines. Elle ne peut se contenter d’affirmeré qu’il
«n’est justifié d’interpréter l’article VIII ni dans un sens restrictif, ni dans

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8 CIJ1062.indb 367 18/05/15 09:29 chasse à la baleine déansl’antarctique (op. disés. bennouna) 342

un sens extensif », et que les programmes menés à des fins de recherche
scientifique «peuvent poursuivre un but autre que la conservation ou l’ex-

ploitation durable des stocks de baleines » (arrêt, par. 58). Or, il ne s’agit
pas de se demander si l’interprétation doit être faite dans un sens « restric-
tif» ou « extensif», mais plutôt de rechercher quel est « le sens ordinaire à
attribuer aux termes du traité dans son contexte et à la lumière de son
objet et de son but » (convention de Vienne, art. 31, par. 1).

Il s’agit de confronter l’article VIII, en tant que partie intégrante de la
convention, à l’objet et au but de celle-ci, et de se demander, àé la lumière
du sens ordinaire de cette disposition, si le programme de recherche, en
l’occurrence JARPA II, s’y inscrit pleinement.
Par ailleurs, l’article VIII doit être analysé dans le contexte des autres

dispositions de la convention et de son règlement annexé, tel qu’éil a été
modifié depuis son adoption. Selon cet article, l’Etat partie peuté « accorder
à ses ressortissants un permis spécial autorisant l’intéressé à tuer, capturer
et traiter des baleines en vue de recherches scientifiques» à de telles condi-
tions qu’il «jugera opportunes». Ce faisant, l’Etat partie n’est pas tenu de

se conformer aux autres dispositions de la convention, notamment celles
relatives à la chasse commerciale. Il ne s’agissait, à l’éépoque de l’adoption
de la convention, que de réglementation et non de prohibition de cettée
catégorie de chasse. Et c’est pour cela que le pouvoir donné àé l’Etat partie
d’accorder des permis «en vue de recherches scientifiques» était très large,

puisque la chasse commerciale était réglementée par la conventiéon, dans le
cadre du respect des objectifs de celle-ci. Tant que l’on restait danés le cadre
de la recherche scientifique, le gouvernement concerné pouvait décéider de
l’utilisation du produit de la vente des baleines capturées et traéitées. Il est
implicite que le produit éventuel de la vente de ces baleines devra êétre

affecté à l’objectif de la recherche scientifique, qui est au cœur de l’ar -
ticle VIII, et qui justifie l’exemption de l’Etat partie de toutes les aéutres
obligations relatives à la réglementation de la chasse commercialeé.
J’admets, comme le souligne la Cour (arrêt, par. 61), que le pouvoir
discrétionnaire de l’Etat partie, au titre de l’article VIII de la convention,

ne signifie pas que le fait de tuer, capturer et traiter des baleines déépend
«simplement de la perception qu’en a cet Etat ».
Je suis également d’avis que l’Etat partie s’assurera, dans l’exercice de
ce pouvoir, que « la conception et la mise en œuvre du programme sont
raisonnables au regard de ses objectifs déclarés » et que « ce critère d’exa-

men revêt un caractère objectif » (ibid., par. 67).
Le large pouvoir normatif dans la délivrance des permis spéciaux, équi
est néanmoins consenti à l’Etat partie par l’article VIII, est compensé par
un contrôle de la part de l’institution centrale, créée par éla convention, à
savoir la commission internationale de la chasse à la baleine (conveéntion,

art. III) (ci-après la «commission»), assistée par le comité scientifique. En
effet, aux termes du paragraphe 3 de l’article VIII, l’Etat concerné

«devra transmettre à l’organisme que la commission pourra désignéer
à cet effet, à des intervalles d’un an au maximum, les renseiégnements

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8 CIJ1062.indb 369 18/05/15 09:29 chasse à la baleine déansl’antarctique (op. disés. bennouna) 343

de caractère scientifique dont il disposera sur les baleines et la chéasse
à la baleine, y compris les recherches effectuées en vertu du paéra -

graphe 1 de cet article et de l’article IV ».
L’arrêt reconnaît que le Japon s’est acquitté de ses obliégations procédu -

rales à l’égard de la commission et du comité scientifique, énotamment en
soumettant, préalablement à leur délivrance, les propositions dée permis
spéciaux, en vertu du paragraphe 30 du règlement.
Il est évident que l’adoption, en 1982, par la commission, du moratoire
sur la chasse commerciale (règlement, par. 10 e), le nombre des captures

de baleines à des fins commerciales étant fixé à zéro), éentré en vigueur
pendant la saison 1985-1986, allait avoir un impact sur le sens et l’agence-
ment des dispositions de la convention et de son règlement. Le Japon,é qui
s’y est opposé à l’origine, a retiré son objection en 1987. Cependant, il ne
faut pas perdre de vue que ce moratoire n’était, par définition, qu’une

décision provisoire, dans l’attente d’une évaluation, préévue en 1990,
laquelle n’aura jamais lieu.
Le Japon a lancé, parallèlement à son acceptation du moratoire,é le pro -
gramme de recherche JARPA. Mais rien ne laissait supposer, a priori,
comme cela a été suggéré par l’Australie (arrêt, par. 101), que c’était une

façon de poursuivre la chasse commerciale sous une autre couverture juri-
dique. En réalité, le lancement de JARPA n’avait rien de surpreénant en soi
puisque le moratoire sur la chasse commerciale interdisait désormais él’accès
à un certain nombre d’informations sur les baleines, pour les besoéins de la
recherche scientifique. Or, il est établi que la recherche sur les peuplements

baleiniers, et notamment sur leur régime alimentaire, était importéante pour
la connaissance de l’écosystème marin et de ses ressources. La écommission
n’a d’ailleurs pas contesté, en 2006, l’apport de JARPA à cet égard. Quoi
qu’il en soit, l’arrêt rappelle, à juste titre, que la Cour én’est pas appelée à se
prononcer sur le fonctionnement et la légalité du programme JARPA é(ibid.,

par. 99). Ce qui est en cause, en effet, c’est le programme JARPA II qui lui
a succédé, à partir de la saison 2005-2006.
La légalité de ce second programme a été contestée devanté la Cour, par
l’Australie, qui considère que celui-ci n’est pas un programme émené « en
vue de recherches scientifiques » au sens de l’article VIII de la convention

et que, en l’autorisant et en l’exécutant, le Japon a violé éle para -
graphe 10 e) du règlement sur le moratoire sur la chasse commerciale, le
paragraphe 7 b) sur le sanctuaire de l’océan Austral et le paragraphe 10 d)
sur le moratoire sur l’utilisation des usines flottantes.
Dès lors, la démarche de la majorité devient surprenante, puisqéu’elle

revient à consacrer l’essentiel du raisonnement à démontrer éque JARPA II
n’est pas un programme « en vue de recherches scientifiques », en évitant,
en fin de compte, de se demander quel est l’objectif réel poursuivéi par un
tel programme.
La Cour se refuse tout d’abord à établir une définition de léa notion de

«recherches scientifiques », celle-ci ne figurant pas dans la convention.
Quant à la définition proposée par les experts, elle a étéé considérée comme

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8 CIJ1062.indb 371 18/05/15 09:29 chasse à la baleine déansl’antarctique (op. disés. bennouna) 344

inapplicable en l’espèce (arrêt, par. 86). Mais, la Cour s’engage, aussitôt
après, dans l’analyse du sens de l’expression « en vue de recherches scien -

tifiques » (ibid., par. 87), ce qui, en soi, peut paraître paradoxal. En effet,
il s’agit d’établir ce qui est destiné à la réalisatioén d’une activité donnée
sans avoir clarifié, au préalable, le contenu de l’activité éen question.
L’exercice est périlleux et il le sera d’autant plus qu’il véa consister à se
demander si la conception et la mise en œuvre du programme « sont rai -

sonnables au regard des objectifs scientifiques annoncés » (ibid., par. 88).

On s’aperçoit, dans la suite du raisonnement, que le test de la corres -
pondance entre les objectifs, d’un côté, et la conception ainsié que la mise
en œuvre, de l’autre, n’est pas réellement utilisé. En efféet, l’arrêt (par. 135
à 156) se livre essentiellement à une comparaison entre JARPA et

JARPA II pour estimer que le second n’a pas été mené « en vue de
recherches scientifiques». Et cela pour la raison qu’il aurait recouru à des
méthodes létales alors qu’il aurait pu se fonder plus largementé sur des
méthodes non létales. Mais, la majorité n’avance nulle part él’existence
d’une obligation imposant à l’Etat concerné de donner la priéorité à des

méthodes non létales dans la conduite des recherches scientifiquesé.

Afin de pallier l’absence de cette obligation, la Cour évoque (arérêt,
par. 144) l’insuffisance de l’analyse menée par le Japon en ce quié concerne
le recours à des méthodes non létales et la non-prise en considération par

celui-ci des résolutions et lignes directrices de la CBI, alors que celles-éci ne
s’imposent pas, en tant que telles, à cet Etat. On peut se demandeér com -
ment une obligation juridique peut découler d’une insuffisance d’analyse
ou d’une non-prise en considération d’actes d’organismes internationaux
qui n’ont pas de caractère décisionnel à l’égard de leéurs destinataires.

A mon avis, l’Etat a parfaitement le droit, pour les besoins de la
recherche scientifique, d’écarter les méthodes non létales, és’il les estime
trop onéreuses, et de couvrir éventuellement le coût de la rechéerche par le
produit de la vente des captures.
Mais, la Cour ne s’arrête pas là dans son œuvre de comparaiséon de

JARPA et de JARPA II. Elle s’interroge sur l’ampleur de ce dernier par
référence, de nouveau, au premier (ibid., par. 145 à 156). Elle en vient, au
terme de cette comparaison, à noter des « faiblesses de l’explication avan -
cée par le Japon » (ibid., par. 156) et à cautionner pratiquement le procès
d’intention qui a été fait à ce pays :

«Ces faiblesses tendent également à accréditer la thèse de l’éAustra -
lie, à savoir que la priorité du Japon était d’assurer la coéntinuité de

ses activités de chasse à la baleine, comme il l’avait déjàé fait en lan -
çant JARPA dans l’année qui suivit l’entrée en vigueur dué moratoire
sur la chasse commerciale. » (Ibid.).

Alors que la majorité avait avancé comme postulat qu’elle n’éallait pas
définir la recherche scientifique, elle va cependant s’engager danés une

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8 CIJ1062.indb 373 18/05/15 09:29 chasse à la baleine déansl’antarctique (op. disés. bennouna) 345

analyse détaillée de la détermination des tailles d’échanétillon pour chaque
espèce en distinguant cinq étapes, dans ce processus, illustréeés par des

études statistiques (arrêt, par. 157 à 202).
A l’issue de tous ces développements, ardus et complexes, la Cour éen
arrive à considérer que « c’est là une raison supplémentaire de douter que
la conception de JARPA II soit raisonnable au regard de ses objectifs
annoncés » (ibid., par. 198). Il s’agit là d’un doute supplémentaire,

construit à partir de statistiques et d’études très élaboérées, mais une série
de doutes ne peut permettre de parvenir à une certitude, celle étaéblissant
la violation, en droit, d’une obligation internationale.
Peut-on, cependant, aller au-delà de tout doute raisonnable, par une é
comparaison entre les tailles d’échantillon et les prises effectéives?
La Cour se livre à cet exercice (ibid., par. 199 à 211) pour affirmer de

nouveau que la différence constatée entre tailles d’échantéillon et prises
effectives jette «un doute supplémentaire sur le fait que JARPA II soit un
programme en vue de recherches scientifiques » (ibid., par. 212). Ainsi,
l’arrêt, après avoir rappelé cette différence pour les épetits rorquals, ajoute
que «[c]et élément accrédite encore la thèse de l’Australie seélon laquelle la

détermination des tailles d’échantillon de petits rorquals obééissait à des
considérations qui n’étaient pas scientifiques» (ibid., par. 209). En d’autres
termes, il aurait suffi que le Japon ait chassé l’ensemble des baéleines pré -
vues dans l’échantillon pour que celui-ci devienne crédible dans le contexte
de la chasse « en vue de recherches scientifiques ». De surcroît, une telle

conclusion serait en contradiction avec la priorité, soulignée prééalable -
ment, des méthodes non létales sur les méthodes létales.
Dans sa conclusion finale sur le point de savoir si JARPA II est conduit
en vue de recherches scientifiques (ibid., par. 223 à 227), la Cour estime
que «l’utilisation des méthodes létales en tant que telle n’est pas déraison -
nable » (ibid., par. 224), mais c’est seulement en comparant celui-ci

avec JARPA qu’elle considère que la taille des échantillons de petités ror -
quals a été fortement majorée, même si la proportion des prises efféectives
était, dans l’absolu, faible. En effet, comparé à la populéation de petits
rorquals qui est comprise entre 338 000 et 1 486 000 individus (mémoire
de l’Australie, vol. I, par. 2.116), le nombre de prises effectives de petits

rorquals pour l’ensemble du programme JARPA II n’a pas dépassé
3264 individus (ibid., figure 6, et contre-mémoire du Japon, p. 178 et 181).

L’ensemble de ces doutes et de ces interrogations est-il suffisant pour
conclure que JARPA II n’a pas été conçu et mis en œuvre « en vue de

recherches scientifiques» (arrêt, par. 227) ?
La Cour se penche ensuite (ibid., par. 228) sur les allégations de viola -
tion par le Japon des dispositions du règlement avancées par l’éAustralie,
qui imposent le moratoire sur la chasse commerciale (par. 10 e)), le mora -
toire sur l’utilisation des usines flottantes (par. 10 d)) et le sanctuaire de
l’océan Austral (par. 7 b)). On aurait pu s’attendre, à ce stade du raison -

nement, que la Cour se pose la question de savoir si le programme
JARPA II a été conçu et appliqué à des fins commerciales. En efféet, la

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8 CIJ1062.indb 375 18/05/15 09:29 chasse à la baleine déansl’antarctique (op. disés. bennouna) 346

convention ne prévoit que trois catégories de chasse à la baleine (à des
fins commerciales, « en vue de recherches scientifiques » et aborigène de

subsistance). Si on laisse de côté la dernière catégorie quéi n’est pas concer -
née dans cette affaire, la seule option qui demeure est celle entreé les deux
premières catégories. D’ailleurs, les deux Parties et l’Etaté intervenant ne le
contestent pas, ainsi que leur rappelle la Cour (arrêt, par. 229). Bien plus,
l’Australie a plaidé le caractère commercial de JARPAII afin d’en déduire

la violation des dispositions en question du règlement.
Comment alors comprendre le refus de la Cour « d’examiner les élé -
ments de preuve apportés par les Parties à l’appui de leurs thèéses contra -
dictoires sur le point de savoir si la chasse pratiquée dans le cadreé de
JARPA II est, à certains égards, de nature commerciale» (ibid., par. 230)?
La Cour relève, d’abord, que la disposition qui établit le moratoire suér

l’utilisation des usines flottantes (par. 10 d) du règlement) ne fait pas
explicitement référence à la chasse commerciale, à la difféérence de celles
imposant le moratoire sur la chasse commerciale et créant le sanctuaiére
de l’océan Austral. Malgré cela, elle interprète cependant les épara -
graphes 10 e) et 7 b) du règlement, qui s’y rapportent, comme n’interdi -

sant pas, à titre exclusif, la chasse à des fins commerciales. Seléon la Cour,
interpréter autrement ces deux dispositions par la Cour « laisserait hors
du champ d’application de la convention certaines catégories non dééfinies
de chasse à la baleine » (arrêt, par. 229). Je dois avouer ne pas percevoir
quel est le fondement de cette interprétation extensive de textes claéirs qui

interdisent la chasse à des fins commerciales, ni non plus quelle esté, parmi
les méthodes d’interprétation prévues par la convention de Véienne, celle à
laquelle il a été fait recours en l’occurrence.
Je reviens maintenant au constat établi par la Cour en ce qui concernée
le paragraphe 10 d) du règlement relatif au moratoire sur l’utilisation
des usines flottantes. Certes, cette disposition ne fait pas explicitementé

référence à la chasse commerciale. Cependant, l’examen des téravaux pré -
paratoires, la concernant, permet d’éclairer l’absence de cetteé qualifica -
tion, par opposition aux deux autres paragraphes en question du
règlement.
Le paragraphe 10 d) du règlement trouve son origine dans une propo -

sition des Etats-Unis d’Amérique d’adopter un moratoire sur la chasse
commerciale. Cette proposition a été reprise par le Panama qui a péroposé
de la scinder en deux parties en instaurant, d’une part, un moratoireé sur
l’utilisation des usines flottantes et, d’autre part, un moratoiére sur les sta -
tions terrestres (voir Chairman’s Report of the Thirty-First Annual Mee -

ting, Report of the International Whaling Commission, vol. 30, 1980, p. 26,
contre-mémoire du Japon, vol. II, annexe 46; voir également P. W. Bir -
nie, International Regulation of Whaling : From Conservation of Whaling
to Conservation of Whales and Regulation of Whale Watching, vol. 1,
Oceana Publications, 1985, p. 505). Seule la première partie de la propo -
sition a été adoptée par la commission, et est devenue l’actéuel para -

graphe 10 d) du règlement. Le moratoire sur l’utilisation des usines
flottantes a été ainsi élaboré sur la base d’une proposition de mora-

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8 CIJ1062.indb 377 18/05/15 09:29 chasse à la baleine déansl’antarctique (op. disés. bennouna) 347

toire sur la chasse commerciale et il était clair lors de son adoption

que seule la chasse commerciale était concernée. Par conséquent, leés para -
graphes 10 d), 10 e) et 7 b) du règlement s’appliquent donc exclusivement
à la chasse commerciale.
Ainsi, je pense que la majorité ne pouvait faire l’économie de éla preuve
du caractère commercial de JARPA II. Elle ne pouvait manifestement pas

établir une telle conclusion dans la mesure où une activité àé des fins com -
merciales doit être menée en vue de réaliser un profit, mêmeé si celui-ci
n’est pas au rendez-vous. Or cela n’est tout simplement pas le cas pour
JARPA II et pour les permis spéciaux délivrés dans ce cadre, le produéit
de la vente des baleines capturées et traitées étant affectéé à un institut de

recherche sur les baleines, à but non lucratif.
J’ajouterai que la démarche suivie par la majorité, outre qu’elle n’est
pas fondée juridiquement, n’a pas pris en compte l’esprit de laé conven -
tion, qui vise à renforcer la coopération entre les Etats parties épour la
gestion d’une ressource partagée. La commission et le comité scientifique

jouent un rôle central à cet égard. Il leur appartient notammenét d’exami -
ner périodiquement les permis spéciaux délivrés par les Etats parties et de
formuler des observations, notamment sur les aspects susceptibles d’être
améliorés. Ils se sont d’ailleurs acquittés de cette mission à l’égard de
JARPA comme le témoigne la liste de résolutions adoptées par laé com -

mission. A l’heure actuelle, JARPA II a fait l’objet d’un examen préalable
en 2005 et son examen périodique est en cours. Les résultats devraienét
être publiés incessamment. En d’autres termes, ni la commissioné ni le
comité scientifique n’ont encore eu l’opportunité de se pronéoncer sur la
mise en œuvre de JARPA II. En se livrant à l’évaluation du programme,

la Cour s’est substituée, d’une certaine façon, à ces deuéx organes.

Afin de renforcer l’objet et le but de la convention, il est certaineément
souhaitable, pour les Etats parties, d’agir de l’intérieur du séystème institu-
tionnel prévu par celle-ci. C’est probablement le meilleur moyen dée ren -

forcer la coopération multilatérale des Etats parties dans la dééfense de
leur intérêt commun, souligné par le préambule de la conventéion, et de
parvenir à une interprétation authentique de celle-ci par les Etats parties.

(Signé) Mohamed Bennouna.

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8 CIJ1062.indb 379 18/05/15 09:29

Bilingual Content

341

DISSENTING OPINION OF JUDGE BENNOUNA

[English Original Text]

Interpretation of the Convention — Discretionary power of State party —
Reasonableness of a whaling programme “for purposes of scientific res▯earch” —
Aim of a whaling programme “for purposes of scientific research” — Choice
between lethal and non-lethal methods — Determination of sample sizes — Bases
for the Court’s findings — Need to decide whether JARPA II is of a “commercial”
nature — JARPA II not of a “commercial” nature — Court substituting itself for
Convention bodies — Co-operation between States parties to the Convention.

To my great regret, I have had to vote against points 2, 3, 4, 5 and 7 of
the Judgment’s operative paragraph, since I do not agree with the majéor -
ity’s interpretation of the relevant provisions of the International éCon -
vention for the Regulation of Whaling of 2 December 1946 (hereinafter

the “Convention”) and of the Schedule annexed thereto (hereinaftéer the
“Schedule”).
I regret, in particular, that the majority has failed to adhere to the
methods of interpretation envisaged by the Vienna Convention on the

Law of Treaties (Arts. 31 and 32), which have the status of customary
law, and has consequently failed to confine itself to a strictly legal analy -
sis of the Parties’ obligations. I know that the issue of whaling is one that
carries a heavy emotional and cultural charge, nourished over the centu -
ries by literature, mythology and religious writings. This background waés

indeed evoked before the Court, but the judges, while they cannot ignoreé
it, are bound, by virtue of their function, to ensure that it does not
impinge in any way on their strictly legal analysis. The best way for thée
Court to contribute to the promotion of co-operation between the States
concerned is to do justice by applying international law, in accordance é

with its Statute.
Unfortunately, the approach adopted by the majority remains some -
what “impressionistic”, inasmuch as it rests essentially on queries, doubts
and suspicions, based on a selection of indicators from among the mass

of reports and scientific studies.
The Convention was adopted in 1946, in a context very different from
that in which the Court is called upon to interpret and apply it today. éThe
consumption of whale meat has fallen dramatically, so as to have become é
negligible, and the whaling industry has declined accordingly. The fact é

nonetheless remains that, when interpreting a provision of the Conven -
tion, the Court is bound to take account of the objectives set out in ités
Preamble, in particular the conservation and sustainable development of é
whale stocks. The Court cannot content itself with stating that “neitéher a
restrictive nor an expansive interpretation of Article VIII is justified”, and

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8 CIJ1062.indb 366 18/05/15 09:29 341

OPINION DISSIDENTE DE M. LE JUGE BENNOUNA

[Texte original français]

Interprétation de la convention — Pouvoir discrétionnaire d’un Etat partie —
Caractère raisonnable d’un programme de chasse « en vue de recherches
scientifiques » — Finalité d’un programme de chasse « en vue de recherches
scientifiques » — Choix entre les méthodes létales et non létales — Détermination
de la taille des échantillons — Fondements des conclusions de la Cour — Nécessité
d’examiner le caractère « commercial» de JARPA II — Absence de caractère
«commercial» de JARPA II — Substitution aux organes créés par la convention
— Coopération des Etats parties à la convention.

A mon grand regret, j’ai dû voter contre les points 2, 3, 4, 5 et 7 du
dispositif de l’arrêt, dans la mesure où je suis en désaccoréd avec
l’interprétation, par la majorité, des dispositions pertinentesé de la conven -
tion internationale pour la réglementation de la chasse à la baleiéne (ci-

après la « convention»), du 2 décembre 1946, et du règlement annexé à
celle-ci (ci-après le « règlement»).
Je regrette, en particulier, que la majorité ne s’en soit pas tenue aux
méthodes d’interprétation prévues par la convention de Viennée sur le

droit des traités (art. 31 et 32), qui ont valeur coutumière et, par consé -
quent, à une analyse strictement juridique des obligations des Parties. Je
sais que la question de la chasse à la baleine est empreinte d’uneé grande
charge émotionnelle et culturelle, nourrie au travers des siècles épar la lit -
térature, les récits mythologiques et les textes religieux. Cet arérière-plan a

certes été évoqué devant la Cour et les juges, lesquels, s’éils ne peuvent
l’ignorer, sont tenus, de par leur fonction, de veiller à ce qu’éil n’interfère
d’aucune manière dans la stricte analyse juridique. La contributioén de la
Cour à la poursuite, dans les meilleures conditions, de la coopéraétion
entre les Etats concernés est de rendre la justice en appliquant le droit

international, ainsi que le prévoit son statut.
Malheureusement, l’approche retenue par la majorité demeure quelquée
peu « impressionniste», dans la mesure où elle procède essentiellement
d’interrogations, de doutes, de soupçons, à partir d’indicesé sélectionnés

dans la masse des rapports et des expertises scientifiques.
La convention a été adoptée en 1946 dans un contexte très différent de
celui où la Cour est appelée à l’interpréter et à l’éappliquer. La consomma -
tion de viande de baleine a énormément diminué, au point de devéenir
négligeable, et l’industrie baleinière a décliné en consééquence. Il n’en

demeure pas moins que, lorsqu’elle interprète l’une des dispositions de la
convention, la Cour est tenue de prendre en compte les objectifs inscrités
dans le préambule, et notamment la conservation et le développemenét
durable des stocks de baleines. Elle ne peut se contenter d’affirmeré qu’il
«n’est justifié d’interpréter l’article VIII ni dans un sens restrictif, ni dans

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8 CIJ1062.indb 367 18/05/15 09:29 342 whaling in the antarcétic (diss. op. bennounaé)

that programmes for purposes of scientific research “may pursue an aiém
other than either conservation or sustainable exploitation of whale

stocks” (Judgment, para. 58). But we are not concerned here with the
issue of whether the interpretation should be “restrictive” or “éexpansive”,
but rather with determining “the ordinary meaning to be given to the é
terms of the treaty in their context and in the light of its object and épur -
pose” (Vienna Convention, Art. 31, para. 1).

What the Court has to do is to confront Article VIII, as an integral
part of the Convention, with the latter’s object and purpose, and to éask
itself whether, in light of its ordinary meaning, the research programmeé,
in this case JARPA II, is fully covered by this provision.
Furthermore, Article VIII must be analysed in the context of the other

provisions of the Convention and of its Schedule, as amended since its
adoption. Under that Article, any State party may “grant to any of ités
nationals a special permit authorizing that national to kill, take and téreat
whales for purposes of scientific research”, subject to such conditioéns as it
“thinks fit”. In so doing, the State in question is not required téo comply

with the other provisions of the Convention, in particular those relating to
commercial whaling. At the time when the Convention was adopted, the
only concern was to regulate and not to prohibit this category of whalinég.
And it was for that reason that the power given to a State party to granét
permits “for scientific research” was a very wide one, since commeércial

whaling was regulated by the Convention and subject to compliance with
the latter’s objectives. As long as it remained within the framework éof sci-
entific research, the Government concerned was free to decide on the useé to
be made of the proceeds from the sale of killed and processed whales. Ité is
implicit that any proceeds from the sale of such whales must be allocateéd to

the objective of scientific research, which lies at the heart of Articleé VIII,
and which justifies the exemption of the State party concerned from all éof
the other obligations relating to the regulation of commercial whaling.
I accept, as the Court points out (Judgment, para. 61), that a State
party’s discretionary power under Article VIII of the Convention does

not mean that the killing, taking and treating of whales depends “siméply
on that State’s perception”.
I am likewise of the view that a State party, in exercising this power, é
must satisfy itself that “the programme’s design and implementatioén are
reasonable in relation to achieving its stated objectives”, and that é“[t]his

standard of review is an objective one” (ibid., para. 67).
The wide normative power which Article VIII nevertheless gives to
States parties in issuing permits is offset by the supervision exerciséed by
the central body established by the Convention, namely the Internationalé
Whaling Commission (Convention, Art. III) (hereinafter the “Commis -

sion”), assisted by the Scientific Committee. Thus, under the terms of
paragraph 3 of Article VIII, the State concerned

“shall transmit to such body as may be designated by the Commission,
in so far as practicable, and at intervals of not more than one year,

120

8 CIJ1062.indb 368 18/05/15 09:29 chasse à la baleine déansl’antarctique (op. disés. bennouna) 342

un sens extensif », et que les programmes menés à des fins de recherche
scientifique «peuvent poursuivre un but autre que la conservation ou l’ex-

ploitation durable des stocks de baleines » (arrêt, par. 58). Or, il ne s’agit
pas de se demander si l’interprétation doit être faite dans un sens « restric-
tif» ou « extensif», mais plutôt de rechercher quel est « le sens ordinaire à
attribuer aux termes du traité dans son contexte et à la lumière de son
objet et de son but » (convention de Vienne, art. 31, par. 1).

Il s’agit de confronter l’article VIII, en tant que partie intégrante de la
convention, à l’objet et au but de celle-ci, et de se demander, àé la lumière
du sens ordinaire de cette disposition, si le programme de recherche, en
l’occurrence JARPA II, s’y inscrit pleinement.
Par ailleurs, l’article VIII doit être analysé dans le contexte des autres

dispositions de la convention et de son règlement annexé, tel qu’éil a été
modifié depuis son adoption. Selon cet article, l’Etat partie peuté « accorder
à ses ressortissants un permis spécial autorisant l’intéressé à tuer, capturer
et traiter des baleines en vue de recherches scientifiques» à de telles condi-
tions qu’il «jugera opportunes». Ce faisant, l’Etat partie n’est pas tenu de

se conformer aux autres dispositions de la convention, notamment celles
relatives à la chasse commerciale. Il ne s’agissait, à l’éépoque de l’adoption
de la convention, que de réglementation et non de prohibition de cettée
catégorie de chasse. Et c’est pour cela que le pouvoir donné àé l’Etat partie
d’accorder des permis «en vue de recherches scientifiques» était très large,

puisque la chasse commerciale était réglementée par la conventiéon, dans le
cadre du respect des objectifs de celle-ci. Tant que l’on restait danés le cadre
de la recherche scientifique, le gouvernement concerné pouvait décéider de
l’utilisation du produit de la vente des baleines capturées et traéitées. Il est
implicite que le produit éventuel de la vente de ces baleines devra êétre

affecté à l’objectif de la recherche scientifique, qui est au cœur de l’ar -
ticle VIII, et qui justifie l’exemption de l’Etat partie de toutes les aéutres
obligations relatives à la réglementation de la chasse commercialeé.
J’admets, comme le souligne la Cour (arrêt, par. 61), que le pouvoir
discrétionnaire de l’Etat partie, au titre de l’article VIII de la convention,

ne signifie pas que le fait de tuer, capturer et traiter des baleines déépend
«simplement de la perception qu’en a cet Etat ».
Je suis également d’avis que l’Etat partie s’assurera, dans l’exercice de
ce pouvoir, que « la conception et la mise en œuvre du programme sont
raisonnables au regard de ses objectifs déclarés » et que « ce critère d’exa-

men revêt un caractère objectif » (ibid., par. 67).
Le large pouvoir normatif dans la délivrance des permis spéciaux, équi
est néanmoins consenti à l’Etat partie par l’article VIII, est compensé par
un contrôle de la part de l’institution centrale, créée par éla convention, à
savoir la commission internationale de la chasse à la baleine (conveéntion,

art. III) (ci-après la «commission»), assistée par le comité scientifique. En
effet, aux termes du paragraphe 3 de l’article VIII, l’Etat concerné

«devra transmettre à l’organisme que la commission pourra désignéer
à cet effet, à des intervalles d’un an au maximum, les renseiégnements

120

8 CIJ1062.indb 369 18/05/15 09:29 343 whaling in the antarcétic (diss. op. bennounaé)

scientific information available to that Government with respect to
whales and whaling, including the results of research conducted pur -

suant to paragraph 1 of this Article and to Article IV”.
The Judgment recognizes that Japan has complied with its procedural

obligations in relation to the Commission and to the Scientific Commit -
tee, in particular by submitting proposals of special permits prior to téheir
granting, as required under paragraph 30 of the Schedule.
Clearly, the Commission’s adoption in 1982 of the moratorium on
commercial whaling (Schedule, para. 10 (e), the number of whales to be

taken for commercial purposes being set at zero), which entered into
force during the 1985-1986 season, would have an impact on the meaning
and structure of the provisions of the Convention and its Schedule. Japaén,
having initially opposed the moratorium, withdrew its objection in 1987.é
However, we should not lose sight of the fact that the moratorium was,

by definition, only a provisional decision, pending an evaluation, envisé -
aged for 1990, which ultimately never took place.
In parallel with its acceptance of the moratorium, Japan launched its
JARPA research programme. However, there is nothing to lead one to
suppose, a priori, as was suggested by Australia (Judgment, para. 101),

that this was a way of continuing commercial whaling under a differenté
legal guise. In reality, there was nothing surprising in itself about the
launch of JARPA, since the moratorium on commercial whaling now
prevented access to certain kinds of information about whales, which
were needed for scientific research. It has, however, been established téhat

research on whale stocks, and in particular on their diet, had an impor -
tant role to play as a source of knowledge of the marine ecosystem and iéts
resources. Moreover, in 2006 the Commission did not dispute JARPA’s
contribution in this regard. In any event, as the Judgment correctly poiénts
out, the operation and legality of JARPA are not at issue here (ibid.,

para. 99). What is in fact at issue here is JARPA II, which succeeded
JARPA with effect from the 2005-2006 season.
The legality of this second programme has been challenged before the
Court by Australia, which claims that it is not “a programme for pur -
poses of scientific research within the meaning of Article VIII of the Con -

vention”, and that, in authorizing and implementing it, Japan has beeén in
breach of paragraph 10 (e) of the Schedule on the moratorium on com -
mercial whaling, of paragraph 7 (b) on the Southern Ocean Sanctuary,
and of paragraph 10 (d) on the moratorium on factory ships.
The position adopted by the majority is thus a surprising one, since it

amounts to devoting the essence of the reasoning to showing that
JARPA II is not a programme “for purposes of scientific research”, whileé
ultimately avoiding the issue of what the true aim of such a programme
is.
The Court begins by declining to establish a definition of the notion ofé

“scientific research”, of which there is not one in the Conventioné. As
regards the definition proposed by the experts, the Court considers thaté it

121

8 CIJ1062.indb 370 18/05/15 09:29 chasse à la baleine déansl’antarctique (op. disés. bennouna) 343

de caractère scientifique dont il disposera sur les baleines et la chéasse
à la baleine, y compris les recherches effectuées en vertu du paéra -

graphe 1 de cet article et de l’article IV ».
L’arrêt reconnaît que le Japon s’est acquitté de ses obliégations procédu -

rales à l’égard de la commission et du comité scientifique, énotamment en
soumettant, préalablement à leur délivrance, les propositions dée permis
spéciaux, en vertu du paragraphe 30 du règlement.
Il est évident que l’adoption, en 1982, par la commission, du moratoire
sur la chasse commerciale (règlement, par. 10 e), le nombre des captures

de baleines à des fins commerciales étant fixé à zéro), éentré en vigueur
pendant la saison 1985-1986, allait avoir un impact sur le sens et l’agence-
ment des dispositions de la convention et de son règlement. Le Japon,é qui
s’y est opposé à l’origine, a retiré son objection en 1987. Cependant, il ne
faut pas perdre de vue que ce moratoire n’était, par définition, qu’une

décision provisoire, dans l’attente d’une évaluation, préévue en 1990,
laquelle n’aura jamais lieu.
Le Japon a lancé, parallèlement à son acceptation du moratoire,é le pro -
gramme de recherche JARPA. Mais rien ne laissait supposer, a priori,
comme cela a été suggéré par l’Australie (arrêt, par. 101), que c’était une

façon de poursuivre la chasse commerciale sous une autre couverture juri-
dique. En réalité, le lancement de JARPA n’avait rien de surpreénant en soi
puisque le moratoire sur la chasse commerciale interdisait désormais él’accès
à un certain nombre d’informations sur les baleines, pour les besoéins de la
recherche scientifique. Or, il est établi que la recherche sur les peuplements

baleiniers, et notamment sur leur régime alimentaire, était importéante pour
la connaissance de l’écosystème marin et de ses ressources. La écommission
n’a d’ailleurs pas contesté, en 2006, l’apport de JARPA à cet égard. Quoi
qu’il en soit, l’arrêt rappelle, à juste titre, que la Cour én’est pas appelée à se
prononcer sur le fonctionnement et la légalité du programme JARPA é(ibid.,

par. 99). Ce qui est en cause, en effet, c’est le programme JARPA II qui lui
a succédé, à partir de la saison 2005-2006.
La légalité de ce second programme a été contestée devanté la Cour, par
l’Australie, qui considère que celui-ci n’est pas un programme émené « en
vue de recherches scientifiques » au sens de l’article VIII de la convention

et que, en l’autorisant et en l’exécutant, le Japon a violé éle para -
graphe 10 e) du règlement sur le moratoire sur la chasse commerciale, le
paragraphe 7 b) sur le sanctuaire de l’océan Austral et le paragraphe 10 d)
sur le moratoire sur l’utilisation des usines flottantes.
Dès lors, la démarche de la majorité devient surprenante, puisqéu’elle

revient à consacrer l’essentiel du raisonnement à démontrer éque JARPA II
n’est pas un programme « en vue de recherches scientifiques », en évitant,
en fin de compte, de se demander quel est l’objectif réel poursuivéi par un
tel programme.
La Cour se refuse tout d’abord à établir une définition de léa notion de

«recherches scientifiques », celle-ci ne figurant pas dans la convention.
Quant à la définition proposée par les experts, elle a étéé considérée comme

121

8 CIJ1062.indb 371 18/05/15 09:29 344 whaling in the antarcétic (diss. op. bennounaé)

is not applicable in the present case (Judgment, para. 86). However,
immediately afterwards, the Court undertakes an analysis of the meaning

of the phrase “for purposes of scientific research” (ibid., para. 87), which
might be regarded as something of a paradox. In effect, the Court seekés
to determine the purpose of a given activity without having first clarifiéed
what that activity consists of. This is a perilous exercise, all the morée so
since what it turns out to consist in is a discussion of whether the deséign

and implementation of the programme “are reasonable in relation to ités
stated scientific objectives” (ibid., para. 88).
It becomes apparent, reading the Court’s subsequent reasoning, that ién
reality it fails to apply the test of correspondence between the pro -
gramme’s objectives, on the one hand, and its design and implementatiéon
on the other. Thus the Judgment (in paragraphs 135 to 156) essentially

undertakes a comparison between JARPA and JARPA II, in order to
conclude that the latter has not been conducted “for purposes of scieéntific
research”. And this is said to be because the programme has utilized é
lethal methods, when it could have had greater recourse to non-lethal
methods. However, nowhere does the majority demonstrate the existence

of a requirement on the State concerned to give priority to non-lethal
methods in the conduct of scientific research.
The Court seeks to remedy the lack of such an obligation by invoking
(Judgment, para. 144) the inadequacy of Japan’s analysis of non-lethal
methods, and its failure to give due regard to IWC resolutions and Guideé -

lines, despite the fact that, by their nature, these are not binding upoén
that State. We may well ask ourselves how a legal obligation can derive é
from the inadequacy of an analysis, or from a failure to have regard to
acts of international bodies which carry no normative force in relation éto
those to whom they are addressed.

In my view, a State is perfectly entitled, for purposes of scientific
research, to eschew the use of non-lethal methods if it considers them too
costly and, if need be, to fund the costs of research out of the proceedés
from the sale of the whales taken and processed.
But the Court does not stop there in its comparison between JARPA

and JARPA II. It queries the latter’s scale, again by reference to the for -
mer (ibid., paras. 145 to 156). It concludes this comparison by noting
“weaknesses in Japan’s explanation” (ibid., para. 156), relying largely on
these to justify the assumption made about Japan’s intention :

“These weaknesses also give weight to the contrary theory advanced
by Australia — that Japan’s priority was to maintain whaling opera -

tions without any pause, just as it had done previously by commenc -
ing JARPA in the first year after the commercial whaling moratorium
had come into effect for it.” (Ibid.)

Despite having proceeded on the premise that it would not define scien -
tific research, the majority then, however, engages in a detailed analyséis of

122

8 CIJ1062.indb 372 18/05/15 09:29 chasse à la baleine déansl’antarctique (op. disés. bennouna) 344

inapplicable en l’espèce (arrêt, par. 86). Mais, la Cour s’engage, aussitôt
après, dans l’analyse du sens de l’expression « en vue de recherches scien -

tifiques » (ibid., par. 87), ce qui, en soi, peut paraître paradoxal. En effet,
il s’agit d’établir ce qui est destiné à la réalisatioén d’une activité donnée
sans avoir clarifié, au préalable, le contenu de l’activité éen question.
L’exercice est périlleux et il le sera d’autant plus qu’il véa consister à se
demander si la conception et la mise en œuvre du programme « sont rai -

sonnables au regard des objectifs scientifiques annoncés » (ibid., par. 88).

On s’aperçoit, dans la suite du raisonnement, que le test de la corres -
pondance entre les objectifs, d’un côté, et la conception ainsié que la mise
en œuvre, de l’autre, n’est pas réellement utilisé. En efféet, l’arrêt (par. 135
à 156) se livre essentiellement à une comparaison entre JARPA et

JARPA II pour estimer que le second n’a pas été mené « en vue de
recherches scientifiques». Et cela pour la raison qu’il aurait recouru à des
méthodes létales alors qu’il aurait pu se fonder plus largementé sur des
méthodes non létales. Mais, la majorité n’avance nulle part él’existence
d’une obligation imposant à l’Etat concerné de donner la priéorité à des

méthodes non létales dans la conduite des recherches scientifiquesé.

Afin de pallier l’absence de cette obligation, la Cour évoque (arérêt,
par. 144) l’insuffisance de l’analyse menée par le Japon en ce quié concerne
le recours à des méthodes non létales et la non-prise en considération par

celui-ci des résolutions et lignes directrices de la CBI, alors que celles-éci ne
s’imposent pas, en tant que telles, à cet Etat. On peut se demandeér com -
ment une obligation juridique peut découler d’une insuffisance d’analyse
ou d’une non-prise en considération d’actes d’organismes internationaux
qui n’ont pas de caractère décisionnel à l’égard de leéurs destinataires.

A mon avis, l’Etat a parfaitement le droit, pour les besoins de la
recherche scientifique, d’écarter les méthodes non létales, és’il les estime
trop onéreuses, et de couvrir éventuellement le coût de la rechéerche par le
produit de la vente des captures.
Mais, la Cour ne s’arrête pas là dans son œuvre de comparaiséon de

JARPA et de JARPA II. Elle s’interroge sur l’ampleur de ce dernier par
référence, de nouveau, au premier (ibid., par. 145 à 156). Elle en vient, au
terme de cette comparaison, à noter des « faiblesses de l’explication avan -
cée par le Japon » (ibid., par. 156) et à cautionner pratiquement le procès
d’intention qui a été fait à ce pays :

«Ces faiblesses tendent également à accréditer la thèse de l’éAustra -
lie, à savoir que la priorité du Japon était d’assurer la coéntinuité de

ses activités de chasse à la baleine, comme il l’avait déjàé fait en lan -
çant JARPA dans l’année qui suivit l’entrée en vigueur dué moratoire
sur la chasse commerciale. » (Ibid.).

Alors que la majorité avait avancé comme postulat qu’elle n’éallait pas
définir la recherche scientifique, elle va cependant s’engager danés une

122

8 CIJ1062.indb 373 18/05/15 09:29 345 whaling in the antarcétic (diss. op. bennounaé)

sample sizes for each species, identifying five stages in this process, éillus -
trated by statistical studies (Judgment, paras. 157 to 202).

At the close of this whole arduous and complex discussion, the Court
concludes that “this raises further concerns about whether the design of
JARPA II is reasonable in relation to achieving its stated objectives”
(ibid., para. 198). These concerns are based on a very elaborate structure

of statistics and studies, but a series of concerns cannot result in cerétainty,
namely that there has been a legal breach of an international obligationé.

Is it possible, nonetheless, to exclude all reasonable doubt by compar -
ing sample sizes and actual catches ?
Having undertaken such an exercise (ibid., paras. 199 to 211), the Court

again asserts that the discrepancy noted between sample sizes and the
actual take of whales “cast[s] further doubt on the characterization éof
JARPA II as a programme for purposes of scientific research” (ibid.,
para. 212). Thus, the Judgment, having again noted this discrepancy in
the case of minke whales, goes on to state that “[t]his adds force toé Aus -

tralia’s contention that the target sample size for minke whales was éset for
non-scientific reasons” (ibid., para. 209). In other words, if Japan had
taken all the whales provided for in the sample, that would have sufficéed
to make the programme a credible one “for purposes of scientific
research”. Such a finding would, moreover, contradict the previous

emphasis on the priority of non-lethal methods over lethal methods.

In its final conclusion on the issue of whether JARPA II has been con-
ducted for purposes of scientific research (ibid., paras. 223 to 227), the
Court finds that “the use of lethal sampling per se is not unreasonabéle in
relation to the research objectives of JARPA II” (ibid., para. 224), but it

is only by comparing the latter with JARPA that it finds that the size oéf
the samples for minke whales has been significantly increased, even
though, in absolute terms, the proportion of whales actually taken was
limited. Thus, in relation to the minke whale population, which numbers é
between 338,000 and 1,486,000 individuals (Memorial of Australia,

Vol. I, para. 2.116), the actual total take of minke whales for the entire
JARPA II programme did not exceed 3,264 individuals (ibid., Fig. 6, and
Counter-Memorial of Japan, pp. 178 and 181).
Are all of these concerns and queries sufficient for the Court to con -
clude that JARPA II was not designed and implemented “for purposes of

scientific research” (Judgment, para. 227) ?
The Court then addresses (ibid., para. 228) Australia’s contentions
regarding Japan’s breaches of the Schedule, namely the moratorium on é
commercial whaling (para. 10 (e)), the factory ship moratorium
(para. 10 (d)), and the prohibition on commercial whaling in the South -
ern Ocean Sanctuary (para. 7 (b)). One might have expected, at this stage

in the reasoning, that the Court would ask itself whether JARPA II was
designed and implemented for commercial purposes. Indeed, the Conven -

123

8 CIJ1062.indb 374 18/05/15 09:29 chasse à la baleine déansl’antarctique (op. disés. bennouna) 345

analyse détaillée de la détermination des tailles d’échanétillon pour chaque
espèce en distinguant cinq étapes, dans ce processus, illustréeés par des

études statistiques (arrêt, par. 157 à 202).
A l’issue de tous ces développements, ardus et complexes, la Cour éen
arrive à considérer que « c’est là une raison supplémentaire de douter que
la conception de JARPA II soit raisonnable au regard de ses objectifs
annoncés » (ibid., par. 198). Il s’agit là d’un doute supplémentaire,

construit à partir de statistiques et d’études très élaboérées, mais une série
de doutes ne peut permettre de parvenir à une certitude, celle étaéblissant
la violation, en droit, d’une obligation internationale.
Peut-on, cependant, aller au-delà de tout doute raisonnable, par une é
comparaison entre les tailles d’échantillon et les prises effectéives?
La Cour se livre à cet exercice (ibid., par. 199 à 211) pour affirmer de

nouveau que la différence constatée entre tailles d’échantéillon et prises
effectives jette «un doute supplémentaire sur le fait que JARPA II soit un
programme en vue de recherches scientifiques » (ibid., par. 212). Ainsi,
l’arrêt, après avoir rappelé cette différence pour les épetits rorquals, ajoute
que «[c]et élément accrédite encore la thèse de l’Australie seélon laquelle la

détermination des tailles d’échantillon de petits rorquals obééissait à des
considérations qui n’étaient pas scientifiques» (ibid., par. 209). En d’autres
termes, il aurait suffi que le Japon ait chassé l’ensemble des baéleines pré -
vues dans l’échantillon pour que celui-ci devienne crédible dans le contexte
de la chasse « en vue de recherches scientifiques ». De surcroît, une telle

conclusion serait en contradiction avec la priorité, soulignée prééalable -
ment, des méthodes non létales sur les méthodes létales.
Dans sa conclusion finale sur le point de savoir si JARPA II est conduit
en vue de recherches scientifiques (ibid., par. 223 à 227), la Cour estime
que «l’utilisation des méthodes létales en tant que telle n’est pas déraison -
nable » (ibid., par. 224), mais c’est seulement en comparant celui-ci

avec JARPA qu’elle considère que la taille des échantillons de petités ror -
quals a été fortement majorée, même si la proportion des prises efféectives
était, dans l’absolu, faible. En effet, comparé à la populéation de petits
rorquals qui est comprise entre 338 000 et 1 486 000 individus (mémoire
de l’Australie, vol. I, par. 2.116), le nombre de prises effectives de petits

rorquals pour l’ensemble du programme JARPA II n’a pas dépassé
3264 individus (ibid., figure 6, et contre-mémoire du Japon, p. 178 et 181).

L’ensemble de ces doutes et de ces interrogations est-il suffisant pour
conclure que JARPA II n’a pas été conçu et mis en œuvre « en vue de

recherches scientifiques» (arrêt, par. 227) ?
La Cour se penche ensuite (ibid., par. 228) sur les allégations de viola -
tion par le Japon des dispositions du règlement avancées par l’éAustralie,
qui imposent le moratoire sur la chasse commerciale (par. 10 e)), le mora -
toire sur l’utilisation des usines flottantes (par. 10 d)) et le sanctuaire de
l’océan Austral (par. 7 b)). On aurait pu s’attendre, à ce stade du raison -

nement, que la Cour se pose la question de savoir si le programme
JARPA II a été conçu et appliqué à des fins commerciales. En efféet, la

123

8 CIJ1062.indb 375 18/05/15 09:29 346 whaling in the antarcétic (diss. op. bennounaé)

tion envisages only three categories of whaling (commercial whaling,
whaling “for purposes of scientific research”, and aboriginal subséistence

whaling). Leaving aside the latter category, which is not at issue in téhis
case, the sole remaining choice lies between the first two categories.
Indeed, both Parties and the intervening State do not dispute this, as téhe
Court points out (Judgment, para. 229). Furthermore, it was on the alle -
gation that JARPA II was of a commercial nature that Australia based its

claim that the above provisions of the Schedule had been breached.
Why, then, does the Court refuse “to evaluate the evidence in supporté
of the Parties’ competing contentions about whether or not JARPA II
has attributes of commercial whaling” (ibid., para. 230) ?

The Court begins by noting that the moratorium on factory ships

(para. 10 (d) of the Schedule) makes no explicit reference to commercial
whaling, unlike those imposing the moratorium on commercial whaling
and establishing the Southern Ocean Sanctuary. Yet the Court nonethe -
less interprets paragraphs 10 (e) and 7 (b) of the Schedule, which con -
cern these two latter matters, as not relating exclusively to commercial

whaling. According to the Court, any contrary interpretation “would
leave certain undefined categories of whaling activity beyond the scope éof
the Convention” (Judgment, para. 229). I must confess that I cannot see
what is the basis for this expansive interpretation of clear texts which
prohibit commercial whaling; nor can I work out which, from among the

methods of interpretation envisaged by the Vienna Convention, is that
relied on here.

I now return to the Court’s finding concerning paragraph 10 (d) of the
Schedule in relation to the moratorium on factory ships. It is true thaté
this provision makes no explicit reference to commercial whaling. How -

ever, examination of the travaux préparatoires in this regard explains
why, unlike the other two subparagraphs of the Schedule with which we
are concerned, it contains no such reference.

Paragraph 10 (d) of the Schedule originated in a proposal by the

United States for a moratorium on commercial whaling. This proposal
was taken up by Panama, which proposed that it be divided into two
parts, with, on the one hand, a moratorium on factory ships and, on the é
other, one on land station operations (see Chairman’s Report of the é
Thirty-First Annual Meeting, Report of the International Whaling Com -

mission, Vol. 30, 1980, p. 26, Counter-Memorial of Japan, Vol. II,
Ann. 46; see also P. W. Birnie, International Regulation of Whaling: From
Conservation of Whaling to Conservation of Whales and Regulation of
Whale Watching, Vol. 1, Oceana Publs., 1985, p. 505). Only the first part
of the proposal was adopted by the Commission, and became the current
paragraph 10 (d) of the Schedule. The moratorium on factory ships was

thus drafted on the basis of a proposal for a moratorium on commercial
whaling, and it was clear at the time of its adoption that it only conceérned

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8 CIJ1062.indb 376 18/05/15 09:29 chasse à la baleine déansl’antarctique (op. disés. bennouna) 346

convention ne prévoit que trois catégories de chasse à la baleine (à des
fins commerciales, « en vue de recherches scientifiques » et aborigène de

subsistance). Si on laisse de côté la dernière catégorie quéi n’est pas concer -
née dans cette affaire, la seule option qui demeure est celle entreé les deux
premières catégories. D’ailleurs, les deux Parties et l’Etaté intervenant ne le
contestent pas, ainsi que leur rappelle la Cour (arrêt, par. 229). Bien plus,
l’Australie a plaidé le caractère commercial de JARPAII afin d’en déduire

la violation des dispositions en question du règlement.
Comment alors comprendre le refus de la Cour « d’examiner les élé -
ments de preuve apportés par les Parties à l’appui de leurs thèéses contra -
dictoires sur le point de savoir si la chasse pratiquée dans le cadreé de
JARPA II est, à certains égards, de nature commerciale» (ibid., par. 230)?
La Cour relève, d’abord, que la disposition qui établit le moratoire suér

l’utilisation des usines flottantes (par. 10 d) du règlement) ne fait pas
explicitement référence à la chasse commerciale, à la difféérence de celles
imposant le moratoire sur la chasse commerciale et créant le sanctuaiére
de l’océan Austral. Malgré cela, elle interprète cependant les épara -
graphes 10 e) et 7 b) du règlement, qui s’y rapportent, comme n’interdi -

sant pas, à titre exclusif, la chasse à des fins commerciales. Seléon la Cour,
interpréter autrement ces deux dispositions par la Cour « laisserait hors
du champ d’application de la convention certaines catégories non dééfinies
de chasse à la baleine » (arrêt, par. 229). Je dois avouer ne pas percevoir
quel est le fondement de cette interprétation extensive de textes claéirs qui

interdisent la chasse à des fins commerciales, ni non plus quelle esté, parmi
les méthodes d’interprétation prévues par la convention de Véienne, celle à
laquelle il a été fait recours en l’occurrence.
Je reviens maintenant au constat établi par la Cour en ce qui concernée
le paragraphe 10 d) du règlement relatif au moratoire sur l’utilisation
des usines flottantes. Certes, cette disposition ne fait pas explicitementé

référence à la chasse commerciale. Cependant, l’examen des téravaux pré -
paratoires, la concernant, permet d’éclairer l’absence de cetteé qualifica -
tion, par opposition aux deux autres paragraphes en question du
règlement.
Le paragraphe 10 d) du règlement trouve son origine dans une propo -

sition des Etats-Unis d’Amérique d’adopter un moratoire sur la chasse
commerciale. Cette proposition a été reprise par le Panama qui a péroposé
de la scinder en deux parties en instaurant, d’une part, un moratoireé sur
l’utilisation des usines flottantes et, d’autre part, un moratoiére sur les sta -
tions terrestres (voir Chairman’s Report of the Thirty-First Annual Mee -

ting, Report of the International Whaling Commission, vol. 30, 1980, p. 26,
contre-mémoire du Japon, vol. II, annexe 46; voir également P. W. Bir -
nie, International Regulation of Whaling : From Conservation of Whaling
to Conservation of Whales and Regulation of Whale Watching, vol. 1,
Oceana Publications, 1985, p. 505). Seule la première partie de la propo -
sition a été adoptée par la commission, et est devenue l’actéuel para -

graphe 10 d) du règlement. Le moratoire sur l’utilisation des usines
flottantes a été ainsi élaboré sur la base d’une proposition de mora-

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8 CIJ1062.indb 377 18/05/15 09:29 347 whaling in the antarcétic (diss. op. bennounaé)

commercial whaling. It follows that paragraphs 10 (d), 10 (e) and 7 (b)

of the Schedule thus apply solely to commercial whaling.

I therefore believe that the majority was not entitled to dispense with é
an examination of the question whether JARPA II was of a commercial

nature. Clearly, it could not have so found, since any commercial activiéty
must be conducted with a view to profit, even if that is not achieved.
However, this is simply not the case for JARPA II, or for the special per -
mits issued thereunder, since the proceeds from the sale of whales takené
and processed are given to a non-profit whale research institute.

I would add that the position taken by the majority is not only
unfounded in law, but has failed to take account of the spirit of the Coén -
vention, which aims at strengthening co-operation between States parties
for the purposes of managing a shared resource. The Commission and the

Scientific Committee play a key role in this regard. In particular, theyé are
required to conduct periodic examinations of the special permits grantedé
by States parties and to comment thereon, including on aspects which
might be improved. Moreover, they performed this task in relation to
JARPA, as is shown by the list of resolutions adopted by the Commis -

sion. As things stand at present, JARPA II underwent a prior examina -
tion in 2005, and its periodic examination is currently under way. The
results are due to be published shortly. In other words, neither the Com -
mission nor the Scientific Committee has yet had the opportunity to passé
judgment on the implementation of JARPA II. In engaging in an evalua -

tion of the programme, the Court has, in a sense, substituted itself foré
these two bodies.
In order to strengthen the object and purpose of the Convention, it is
clearly desirable that States parties should act within the institutional
framework established by the latter. That would probably be the best wayé

of strengthening multilateral co-operation between States parties in
defence of their common interest — as the Preamble to the Convention
emphasizes — and of enabling them to arrive at an authentic interpreta -
tion of the Convention.

(Signed) Mohamed Bennouna.

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8 CIJ1062.indb 378 18/05/15 09:29 chasse à la baleine déansl’antarctique (op. disés. bennouna) 347

toire sur la chasse commerciale et il était clair lors de son adoption

que seule la chasse commerciale était concernée. Par conséquent, leés para -
graphes 10 d), 10 e) et 7 b) du règlement s’appliquent donc exclusivement
à la chasse commerciale.
Ainsi, je pense que la majorité ne pouvait faire l’économie de éla preuve
du caractère commercial de JARPA II. Elle ne pouvait manifestement pas

établir une telle conclusion dans la mesure où une activité àé des fins com -
merciales doit être menée en vue de réaliser un profit, mêmeé si celui-ci
n’est pas au rendez-vous. Or cela n’est tout simplement pas le cas pour
JARPA II et pour les permis spéciaux délivrés dans ce cadre, le produéit
de la vente des baleines capturées et traitées étant affectéé à un institut de

recherche sur les baleines, à but non lucratif.
J’ajouterai que la démarche suivie par la majorité, outre qu’elle n’est
pas fondée juridiquement, n’a pas pris en compte l’esprit de laé conven -
tion, qui vise à renforcer la coopération entre les Etats parties épour la
gestion d’une ressource partagée. La commission et le comité scientifique

jouent un rôle central à cet égard. Il leur appartient notammenét d’exami -
ner périodiquement les permis spéciaux délivrés par les Etats parties et de
formuler des observations, notamment sur les aspects susceptibles d’être
améliorés. Ils se sont d’ailleurs acquittés de cette mission à l’égard de
JARPA comme le témoigne la liste de résolutions adoptées par laé com -

mission. A l’heure actuelle, JARPA II a fait l’objet d’un examen préalable
en 2005 et son examen périodique est en cours. Les résultats devraienét
être publiés incessamment. En d’autres termes, ni la commissioné ni le
comité scientifique n’ont encore eu l’opportunité de se pronéoncer sur la
mise en œuvre de JARPA II. En se livrant à l’évaluation du programme,

la Cour s’est substituée, d’une certaine façon, à ces deuéx organes.

Afin de renforcer l’objet et le but de la convention, il est certaineément
souhaitable, pour les Etats parties, d’agir de l’intérieur du séystème institu-
tionnel prévu par celle-ci. C’est probablement le meilleur moyen dée ren -

forcer la coopération multilatérale des Etats parties dans la dééfense de
leur intérêt commun, souligné par le préambule de la conventéion, et de
parvenir à une interprétation authentique de celle-ci par les Etats parties.

(Signé) Mohamed Bennouna.

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8 CIJ1062.indb 379 18/05/15 09:29

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Opinion dissidente de M. le juge Bennouna

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