Déclaration de M. le juge Keith

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148-20140331-JUD-01-03-EN
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148-20140331-JUD-01-00-EN
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336

DÉCLARATION DE M. LE JUGE KEITH

[Traduction]

1. Ainsi qu’il ressort de mon vote, je souscris aux conclusions aux -
quelles la Cour a abouti. Je suis aussi globalement d’accord avec lesé
motifs avancés à l’appui de ces conclusions. Dans la présentée déclaration,

je me propose simplement de revenir sur trois aspects intervenus dans leé
raisonnement de la Cour :

a) le contexte large dans lequel il convient de replacer l’affaire ;
b) l’étendue du pouvoir de délivrer des permis spéciaux en vertéu de l’ar -
ticle VIII de la convention dont jouissent les gouvernements contrac -
tants et la question connexe du critère d’examen que la Cour doit é
appliquer en cas de différend relatif à la délivrance de telsé permis;

c) l’application de ce critère d’examen aux faits de l’espècée.

A. Le contexte plus généraél

2. Au cours des soixante-cinq ans écoulés depuis que la convention est
entrée en vigueur, l’industrie baleinière a connu une évolutéion considé -
rable, de même que les attitudes à l’égard de la chasse àé la baleine et les

politiques dans ce domaine. Le règlement annexé à la conventioné, tel
qu’en vigueur dans les premiers temps, autorisait un nombre de prisesé
annuelles de 16 000 pour les baleines bleues, 32 000 pour les rorquals
communs ou encore 40 000 pour les baleines à bosse dans les eaux situées
au sud du 40 degré de latitude sud (la prise de petits rorquals ne faisant

initialement l’objet d’aucune réglementation). Dès 1965, la capture de
baleines bleues fut néanmoins interdite et, dès 1972, une limite de capture
de 5000 spécimens fut fixée pour les petits rorquals de l’Antarctiéque, deux
décisions emblématiques des nombreuses manifestations de l’exerécice par

la commission baleinière internationale (ci-après dénommée la « CBI» ou
la « commission») de ses pouvoirs de réglementation. De telles mesures
contraignantes pouvaient être adoptées, à condition d’êtrée votées à la
majorité requise et étant entendu qu’un gouvernement contractanét avait
la faculté d’élever une objection et de se soustraire ainsi àé la nouvelle

réglementation.
3. En 1972, année où fut introduite, et fixée à 5000 spécimens, la limite
de capture pour les petits rorquals, les participants à la conféreénce des
Nations Unies sur l’environnement, qui se tenait à Stockholm, recom -
mandèrent l’adoption d’un moratoire de dix ans sur la chasse coémmer -

ciale. Alors que certains des neuf membres initiaux de la commission, quéi

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tous étaient des nations baleinières, renonçaient peu à peu à la chasse à la
baleine, de nouveaux membres, fortement appuyés par certaines ONG,

rejoignaient la commission, venant grossir en son sein les rangs des paréti-
sans du moratoire. Celui-ci, comme le rappelle la Cour dans son arrêt, fut
adopté en 1982. Il ne saurait faire de doute que de nombreux facteurs
— d’ordres commercial, scientifique, technologique, environnemental,
politique et autre — ont motivé cette adoption, facteurs dont témoignent

également les très nombreux cas de limites de capture fixées à zéro que
l’on trouve aujourd’hui dans les tableaux du règlement annexéé à la
convention. Ce règlement, à l’heure actuelle, est ainsi trèsé différent de
celui qui était en vigueur voici soixante-cinq ans et il est difficile d’imagi -
ner que ceux qui, en 1946, étaient favorables à l’adoption d’un nouveau
«mécanisme administratif efficace » en aient anticipé une utilisation aussi

drastique. Ils auraient pu juger pour le moins étrange qu’un méécanisme
établi pour réglementer une industrie existante soit quasiment utiélisé pour
en interdire les activités ; cf., par exemple, l’affaire du Différend relatif à
des droits de navigation et des droits connexes (Costa Rica c. Nicaragua)
(arrêt, C.I.J. Recueil 2009, p. 249, par. 87 1)).

4. Les gouvernements contractants qui se livraient à la chasse à la
baleine et partageaient un tel point de vue avaient néanmoins à leéur dis -
position plusieurs possibilités. Ils pouvaient se retirer de la conveéntion, en
adressant la notification de retrait prévue à cet effet, et certéains l’ont fait.
Ils pouvaient exercer leur droit de présenter une objection contre les

mesures adoptées et, de même, un certain nombre d’Etats — dont le
Japon — l’ont fait. Ils avaient aussi la possibilité de proposer des modifi -
cations aux termes de la convention, mais aucun Etat ne s’en est préévalu.
Enfin, ils avaient la faculté de contester la licéité de telle éou telle mesure,
mais, là encore, aucun d’entre eux n’en a usé.
5. Au cours des trente dernières années, la composition de la commis -

sion a une fois de plus évolué, avec une augmentation du nombre deé
gouvernements contractants favorables à la chasse à la baleine, maéis
également d’opposants à cette pratique, de sorte qu’on a pu éentendre, de
part et d’autre, que la commission était désormais trop politiséée ; en
conséquence de cette polarisation, la commission se trouve maintenant

dans l’impasse, et a récemment décidé de ne se réunir qu’éune fois tous les
deux ans.
6. Je conclurai ce passage introductif en replaçant le présent difféérend,
soumis pour règlement à la Cour conformément au droit internatiéonal,
dans le contexte plus large des méthodes de règlement pacifique deés diffé -

rends internationaux. Entre 2007 et 2010, nombreuses ont été les tenta -
tives de régler par voie de négociations, dans le cadre du Processus sur
l’avenir de la CBI, un ensemble de problèmes, y compris la question
aujourd’hui en litige devant la Cour. Si ces tentatives ont fait longé feu, le
processus prenant fin quelques jours seulement après le dépôt, épar l’Aus -
tralie, de sa requête en la présente instance, le président du groupe de

soutien, lorsqu’il est revenu sur ce processus, a tout particulièréement
rendu hommage aux Etats-Unis d’Amérique pour l’énergie et l’esprit

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8 CIJ1062.indb 359 18/05/15 09:29 chasse à la baleine déansl’antarctique (décl. kéeith) 338

d’initiative dont ils avaient fait preuve à cette occasion, et au éJapon pour
sa participation active et son empressement à trouver un compromis. Le

Japon a plusieurs fois évoqué cette appréciation dans ses écéritures et à
l’audience, mais l’Australie n’en a rien dit.

B. L’étendue du pouvoir deé délivrer un permis spécéial

et le critère d’exameén

7. Je considère qu’il existe un lien étroit entre l’étendue édu pouvoir
reconnu à un gouvernement contractant de délivrer des permis spééciaux
et l’étendue du pouvoir reconnu à la Cour d’examiner les perémis ainsi
délivrés. Plus grand sera le pouvoir du gouvernement contractant, plus

limité sera le pouvoir d’examen de la Cour. A cet égard, trois aspects du
pouvoir conféré aux gouvernements contractants par le paragraphe 1 de
l’article VIII de la convention me semblent devoir être soulignés, le pre -
mier étant que la disposition qui confère ce pouvoir n’est pas éformulée en
termes subjectifs. Il n’est pas indiqué qu’un gouvernement contéractant

peut délivrer un permis spécial au titre de ce qu’il « estime» relever de la
recherche scientifique, omission dont le caractère délibéré éme semble res -
sortir du contraste avec la clause subjective — « que le gouvernement
contractant jugera opportune » — qui est employée à la fin de la proposi -
tion. La question de l’élément de subjectivité introduit paré le libellé d’une

disposition s’est notamment posée en l’affaire relative à éCertaines ques -
tions concernant l’entraide judiciaire en matière pénale ((Djibouti c. France),
arrêt, C.I.J. Recueil 2008, p. 229, par. 145), où la Cour s’est néanmoins
estimée dotée d’un certain pouvoir d’examen. Ce précédéent — et ce sera
mon deuxième point — est également pertinent à un autre égard, plus
important, car l’appréciation faite dans ce contexte par l’autoérité étatique

compétente s’appuyait sur l’évaluation, par l’Etat en queéstion lui-même,
d’un préjudice causé à ses « intérêts essentiels ». Or, le pouvoir dont il
s’agit d’apprécier l’exercice en l’espèce porte sur deés questions plus
concrètes: la réalisation d’un programme mené en vue de recherches
scientifiques sur les baleines et des questions connexes. Le troisièmée aspect

qui me paraît important réside dans l’intérêt commun qu’éont tous les
gouvernements contractants à un bon fonctionnement de la convention, é
ce dont témoignent les rôles conférés à la commission et éau comité scien -
tifique. Ces trois aspects attestent selon moi l’existence de réeléles limites
au pouvoir qu’a un gouvernement contractant de délivrer des permis spé -

ciaux. Un autre élément a par ailleurs une incidence directe sur lé’exercice
par la Cour de son pouvoir d’examen en la présente espèce : les très nom -
breux éléments versés au dossier, qui nous renseignent sur le pérocessus
ayant conduit aux diverses décisions relatives à l’établisseément du pro -
gramme JARPA II et à la mise en œuvre de celui-ci.
8. Ainsi qu’il ressort de l’arrêt, les positions des Parties et deé l’Etat inter

venant sur le critère d’examen ont évolué au fil de la préésente procédure
(par. 62-69). Si je suis globalement d’accord avec le critère énoncéé par la

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8 CIJ1062.indb 361 18/05/15 09:29 chasse à la baleine déansl’antarctique (décl. kéeith) 339

Cour, j’aurais quant à moi tendance à le formuler ainsi : la décision
du gouvernement contractant de délivrer un permis spécial peut-elle se

justifier objectivement en ce sens qu’elle est étayée par un raéisonnement
scientifique cohérent? Ce critère ne nécessite pas que le programme soit
«justifié», mais qu’il puisse se justifier au vu des éléments verséés au dossier.
La Cour n’a pas non plus à statuer sur le bien-fondé scientifique des objec -
tifs du programme ni sur la question de savoir si la conception et la mise

en œuvre de celui-ci constituent le meilleur moyen possible d’atteindre
ces objectifs. En revanche, son rôle est de déterminer si, à la lumière des
caractéristiques du pouvoir de délivrer des permis mises en évidence au
paragraphe précédent, les éléments de preuve dont elle dispoése démon-
trent que les grandes lignes du programme reposent sur un raisonnement
scientifique cohérent. De tels critères, à l’instar de celuié énoncé par la

Cour, deviennent plus clairs à mesure qu’ils sont appliqués aux faitsé de
l’espèce.

C. L’application du critèére d’examen aux faitsé de l’espèce

9. A une exception près, je n’ai rien à ajouter aux motifs avancéés à
l’appui des conclusions auxquelles aboutit la Cour quant au choix des
autorités japonaises d’utiliser des méthodes létales plutôét que des
méthodes non létales (par. 128-144), aux tailles d’échantillon retenues

(par. 147-198) ou encore à la comparaison entre les objectifs de capture
et les prises effectivement réalisées (par. 199-212). Ce que je tiens toute -
fois à souligner, c’est qu’il ressort selon moi du dossier que éles autori -
tés japonaises n’ont même pas réfléchi à certains problèmes fon da-
mentaux soulevés par la conception initiale puis par la mise en œuévre du
programme.

10. S’agissant du choix de recourir à des méthodes létales ou noén
létales, je juge déterminant le fait que le Japon n’ait fourni éaucun élément
attestant qu’il aurait réalisé des études sur l’utilisatiéon de méthodes non
létales au cours de la longue période allant du stade de la planification du
programme à aujourd’hui (voir, en particulier, les paragraphes 136-141).

Or, les deux experts cités par l’Australie ont témoigné devant léa Cour
de l’amélioration et de la généralisation, au cours de cette mêéme période,
des méthodes non létales qui peuvent désormais être utiliséées pour
atteindre certains au moins des objectifs poursuivis par le programme.
11. Pour ce qui est de la détermination des tailles d’échantillon, él’ab -

sence de tout élément d’explication clair dans le dossier justiéfiant le choix
de retenir une période de recherche de douze ans dans le cas de deux des
espèces, et de six pour la dernière, implique, à mon sens, que ce choix
n’est pas fondé sur un raisonnement scientifique cohérent, sachéant que,
parmi les objectifs annoncés du programme, figure l’étude de laé concur -
rence entre espèces et de l’écosystème (par. 176-178). Les explications

sont tout aussi inexistantes en ce qui concerne le choix de fixer à 5é0 spéci -
mens la taille de l’échantillon annuel de baleines à bosse et dée rorquals

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communs, alors que le plan de recherche de JARPA II indiquait qu’il
était nécessaire, pour atteindre l’un des objectifs annoncésé, d’envisager de

prélever, pour chacune de ces espèces, un minimum de 131 individus par
an (par. 179).
12. Je juge également significatif le fait que le Japon n’ait nullemenét
expliqué de manière convaincante la hausse sensible du volume de céap -
tures de petits rorquals entre JARPA et JARPA II. Si, d’un côté, il

invoque principalement l’existence de nouveaux objectifs — qui, cepen -
dant, ne semblent guère différents de ceux de JARPA, tels qu’éils existaient
dans les derniers temps de ce programme —, de l’autre, le Japon met en
avant la nécessité d’assurer une continuité d’un programmée à l’autre
(par. 147-156). Or, je vois mal comment l’on peut, sur un plan scienti -
fique, défendre simultanément l’un et l’autre de ces argumenéts.

13. Pour finir, je voudrais revenir sur les différences entre les taillées
d’échantillon et les volumes réels de captures. Il me paraîté notable que,
s’il a continué de délivrer des permis spéciaux prévoyant la prise d’un
nombre de spécimens qui, pour les trois espèces, est resté identique tout
au long du programme — si ce n’est en 2005 et en 2006 en ce qui concerne

les rorquals communs et les baleines à bosse —, le Japon n’a jamais rendu
compte à la CBI et, en particulier, à son comité scientifique, édes consé -
quences qu’aurait, pour la conception et la mise en œuvre du progréamme,
la différence entre les chiffres annoncés et les prises effeéctives de petits
rorquals et de rorquals communs, sans parler de l’absence de capture éde

baleines à bosse (par. 209-212). Les annexes du contre-mémoire reprodui -
sant les documents publiés par le Japon (annexes 133-159) ne contiennent
que trois documents soumis à la CBI ou à son comité scientifiquée qui
auraient pu être pertinents (annexes 152, 153 et 156), mais aucun, a priori,
n’aborde la question de cette différence et de ses éventuelleés conséquences
pour les travaux de recherche. L’un seulement date de l’époque éoù

JARPA II était pleinement opérationnel, mais il se contente d’énuméérer
les publications liées à ce programme, ainsi qu’à JARPA. Or,é ce manque -
ment doit être apprécié à la lumière des prescriptions dué paragraphe 30
du règlement et du devoir de coopération avec la CBI et son comitéé scien -
tifique qui, comme le relève la Cour, a été reconnu par les deuéx Parties et

par l’Etat intervenant (par. 83 et 240).
14. Pour résumer, les éléments versés au dossier ne montrent pasé, selon
moi, que les autorités japonaises auraient, au stade de la planificatéion ou de
la mise en œuvre du programme, accordé une grande — voire la moindre —
attention aux aspects essentiels de celui-ci tels qu’ils ont été évoqués ci-

dessus. Pour ces raisons, comme pour celles exposées par la Cour, j’éaboutis
à la conclusion que le programme ne relève pas des prévisions déu para -
graphe 1 de l’article VIII et que, par conséquent, les mesures prises en
application de celui-ci en vue de tuer, capturer et traiter des baleines l’ont
été en violation des paragraphes 10 e), 10 d) et 7 b) du règlement.

(Signé) Kenneth Keith.

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8 CIJ1062.indb 365 18/05/15 09:29

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DECLARATION OF JUDGE KEITH

1. As my votes indicate, I agree with the conclusions the Court has
reached. I also agree generally with the reasons it has given in reachinég
those conclusions. My purpose in this declaration is to address three mat-

ters in support of those reasons :

(a) the broader context in which the case is to be seen ;
(b) the extent of the power of a Contracting Government to grant a spe -
cial permit under Article VIII of the Convention and the related issue
of the standard of review to be applied by the Court in the event of
a dispute about the grant of particular permits ;

(c) the application of that standard of review to the facts of the present
case.

A. The Broader Context

2. In the 65 years the International Convention for the Regulation of
Whaling (hereinafter “the Convention”) has been in force, there éhave
been massive changes both in the operation of the whaling industry and

in attitudes and policies towards whaling. Under the Schedule, as in efféect
at the outset, the total allowable annual catch in the waters south of
40 degrees south latitude was 16,000 blue whales, or 32,000 fin whales or
40,000 humpback whales. (No provision was originally made in respect of
minke whales.) By 1965 the taking of blue whales had been prohibited,

and by 1972 the limit for Antarctic minke whales had been set at 5,000.
These limits are two of the many manifestations of the exercise by the
International Whaling Commission of its powers of regulation. Such
binding action could be taken, if the necessary majority was available, é

subject to the power of a Contracting Government to object, with the
consequence that it would not be bound by the new regulation.

3. In 1972, the year the 5,000 limit on the take of minke whales was
introduced, the United Nations Conference on the Human Environment,
held in Stockholm, recommended a ten-year moratorium on commercial
whaling. As some of the nine original members of the Commission, which

were all whaling nations at the outset, abandoned whaling and new mem -

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DÉCLARATION DE M. LE JUGE KEITH

[Traduction]

1. Ainsi qu’il ressort de mon vote, je souscris aux conclusions aux -
quelles la Cour a abouti. Je suis aussi globalement d’accord avec lesé
motifs avancés à l’appui de ces conclusions. Dans la présentée déclaration,

je me propose simplement de revenir sur trois aspects intervenus dans leé
raisonnement de la Cour :

a) le contexte large dans lequel il convient de replacer l’affaire ;
b) l’étendue du pouvoir de délivrer des permis spéciaux en vertéu de l’ar -
ticle VIII de la convention dont jouissent les gouvernements contrac -
tants et la question connexe du critère d’examen que la Cour doit é
appliquer en cas de différend relatif à la délivrance de telsé permis;

c) l’application de ce critère d’examen aux faits de l’espècée.

A. Le contexte plus généraél

2. Au cours des soixante-cinq ans écoulés depuis que la convention est
entrée en vigueur, l’industrie baleinière a connu une évolutéion considé -
rable, de même que les attitudes à l’égard de la chasse àé la baleine et les

politiques dans ce domaine. Le règlement annexé à la conventioné, tel
qu’en vigueur dans les premiers temps, autorisait un nombre de prisesé
annuelles de 16 000 pour les baleines bleues, 32 000 pour les rorquals
communs ou encore 40 000 pour les baleines à bosse dans les eaux situées
au sud du 40 degré de latitude sud (la prise de petits rorquals ne faisant

initialement l’objet d’aucune réglementation). Dès 1965, la capture de
baleines bleues fut néanmoins interdite et, dès 1972, une limite de capture
de 5000 spécimens fut fixée pour les petits rorquals de l’Antarctiéque, deux
décisions emblématiques des nombreuses manifestations de l’exerécice par

la commission baleinière internationale (ci-après dénommée la « CBI» ou
la « commission») de ses pouvoirs de réglementation. De telles mesures
contraignantes pouvaient être adoptées, à condition d’êtrée votées à la
majorité requise et étant entendu qu’un gouvernement contractanét avait
la faculté d’élever une objection et de se soustraire ainsi àé la nouvelle

réglementation.
3. En 1972, année où fut introduite, et fixée à 5000 spécimens, la limite
de capture pour les petits rorquals, les participants à la conféreénce des
Nations Unies sur l’environnement, qui se tenait à Stockholm, recom -
mandèrent l’adoption d’un moratoire de dix ans sur la chasse coémmer -

ciale. Alors que certains des neuf membres initiaux de la commission, quéi

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bers, with extensive NGO support, joined the Commission, the votes
favouring a moratorium grew. As the Judgment recounts, the morato -

rium was adopted in 1982. Many factors, commercial, scientific, techno -
logical, environmental, political and others, no doubt lay behind that
decision. Those factors are also manifested in the very many zero catch é
limits now to be found in the tables in the Schedule. Today’s Schedulée is
in very sharp contrast to that which operated 65 years ago. It is hard to

imagine that those who in 1946 proposed and adopted the new “effectéive
administrative machinery” anticipated it being used in such dramatic
ways. They might think it strange that a power established to regulate aén
ongoing industry had been used virtually to prohibit it ; compare, e.g.,
Dispute regarding Navigational and Related Rights (Costa Rica v. Nicara -
gua) (Judgment, I.C.J. Reports 2009, p. 249, para. 87 (1)).

4. Those Contracting Governments which engaged in whaling and
took that view had a number of options open to them. They could with -
draw from the Convention by giving notice under its terms, as some did.
They could exercise their right to object to the measures, as, again, a
number of States, including Japan, did. They could seek to amend the

Convention, but that possibility has not been pursued. Or they could
challenge the lawfulness of a particular measure, again a course not takéen.

5. Over the last 30 years, the membership of the Commission has again

changed, with an increase of those Contracting Governments which sup -
port whaling, as well as of those which are opposed. It has been possiblée
for those on each side of the argument about whaling to complain that
the Commission has become over politicized. One consequence has been
that the Commission has become deadlocked and has recently decided to

meet only every second year.

6. I conclude this introductory passage by putting the current dispute,
brought before the Court for decision in accordance with international
law, in the broader context of methods of peaceful settlement of internaé -

tional disputes. From 2007 until 2010 there were extensive attempts
through The Future of the IWC Process to resolve through negotiations a
range of matters, including the dispute which is now before the Court.
That process however failed. It ended just days after Australia filed ités
Application in this case. The Chair of the Support Group, when review -
ing the process, particularly paid tribute to the United States of Ameriéca

for its energy and leadership during the negotiating process, and to Japéan
for its huge commitment and its willingness for compromise. Japan

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8 CIJ1062.indb 358 18/05/15 09:29 chasse à la baleine déansl’antarctique (décl. kéeith) 337

tous étaient des nations baleinières, renonçaient peu à peu à la chasse à la
baleine, de nouveaux membres, fortement appuyés par certaines ONG,

rejoignaient la commission, venant grossir en son sein les rangs des paréti-
sans du moratoire. Celui-ci, comme le rappelle la Cour dans son arrêt, fut
adopté en 1982. Il ne saurait faire de doute que de nombreux facteurs
— d’ordres commercial, scientifique, technologique, environnemental,
politique et autre — ont motivé cette adoption, facteurs dont témoignent

également les très nombreux cas de limites de capture fixées à zéro que
l’on trouve aujourd’hui dans les tableaux du règlement annexéé à la
convention. Ce règlement, à l’heure actuelle, est ainsi trèsé différent de
celui qui était en vigueur voici soixante-cinq ans et il est difficile d’imagi -
ner que ceux qui, en 1946, étaient favorables à l’adoption d’un nouveau
«mécanisme administratif efficace » en aient anticipé une utilisation aussi

drastique. Ils auraient pu juger pour le moins étrange qu’un méécanisme
établi pour réglementer une industrie existante soit quasiment utiélisé pour
en interdire les activités ; cf., par exemple, l’affaire du Différend relatif à
des droits de navigation et des droits connexes (Costa Rica c. Nicaragua)
(arrêt, C.I.J. Recueil 2009, p. 249, par. 87 1)).

4. Les gouvernements contractants qui se livraient à la chasse à la
baleine et partageaient un tel point de vue avaient néanmoins à leéur dis -
position plusieurs possibilités. Ils pouvaient se retirer de la conveéntion, en
adressant la notification de retrait prévue à cet effet, et certéains l’ont fait.
Ils pouvaient exercer leur droit de présenter une objection contre les

mesures adoptées et, de même, un certain nombre d’Etats — dont le
Japon — l’ont fait. Ils avaient aussi la possibilité de proposer des modifi -
cations aux termes de la convention, mais aucun Etat ne s’en est préévalu.
Enfin, ils avaient la faculté de contester la licéité de telle éou telle mesure,
mais, là encore, aucun d’entre eux n’en a usé.
5. Au cours des trente dernières années, la composition de la commis -

sion a une fois de plus évolué, avec une augmentation du nombre deé
gouvernements contractants favorables à la chasse à la baleine, maéis
également d’opposants à cette pratique, de sorte qu’on a pu éentendre, de
part et d’autre, que la commission était désormais trop politiséée ; en
conséquence de cette polarisation, la commission se trouve maintenant

dans l’impasse, et a récemment décidé de ne se réunir qu’éune fois tous les
deux ans.
6. Je conclurai ce passage introductif en replaçant le présent difféérend,
soumis pour règlement à la Cour conformément au droit internatiéonal,
dans le contexte plus large des méthodes de règlement pacifique deés diffé -

rends internationaux. Entre 2007 et 2010, nombreuses ont été les tenta -
tives de régler par voie de négociations, dans le cadre du Processus sur
l’avenir de la CBI, un ensemble de problèmes, y compris la question
aujourd’hui en litige devant la Cour. Si ces tentatives ont fait longé feu, le
processus prenant fin quelques jours seulement après le dépôt, épar l’Aus -
tralie, de sa requête en la présente instance, le président du groupe de

soutien, lorsqu’il est revenu sur ce processus, a tout particulièréement
rendu hommage aux Etats-Unis d’Amérique pour l’énergie et l’esprit

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8 CIJ1062.indb 359 18/05/15 09:29 338 whaling in the antarcétic (decl. keith)

referred to this assessment several times during the written and oral pléead -

ings. Australia said nothing at all about it.

B. The Extent of the Power éto Grant a Special Permité
and the Standard of Revéiew

7. I see the extent of the power of the Contracting Government to
grant a special permit and the extent of the power of the Court to revieéw

the grant as being essentially interrelated. The wider the power of the é
Contracting Government the more limited the power of the Court to
review. For me, three features of the power conferred on Contracting
Governments by Article VIII (I) of the Convention are significant. The
first is that the wording of the provision at its core is not subjectiveé. It

does not say that a Contracting Government may grant a special permit
for “what it considers to be” scientific research. The non-appearance of
those words is emphasized by the subjective wording appearing at the end
of that sentence — “as the Contracting Government thinks fit”. Such
wording was, for instance, in issue in the Certain Questions of Mutual

Assistance in Criminal Matters case, where the Court nevertheless consid -
ered that it had some power of review ((Djibouti v. France), Judgment,
I.C.J. Reports 2008, p. 229, para. 145). That case is helpful in a second
and more important way since the assessment there by the relevant State é
authority was based on that State’s own assessment of prejudice to ités

“essential interests”. The assessment here, by contrast, relates téo a much
more concrete matter — a programme for the purposes of scientific
research relating to whales and associated matters. A third feature is téhe
common interest of all the Contracting Governments in the operation of
the Convention with the related roles of the IWC and its Scientific Com -

mittee. Those features all indicate for me real limits on the power of téhe
Contracting Government to grant a special permit. A fourth significant
matter bearing directly on the Court’s exercise of its power of revieéw in
this case is the extensive body of information in the record before it aébout
the process which led to the range of decisions to establish the

JARPA II programme and about its implementation.

8. As the Judgment indicates, the positions of the Parties and the Inter-
vener on the standard of review have evolved over the course of the pro -

ceedings (paras. 62-69). While in general I agree with the test stated by

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8 CIJ1062.indb 360 18/05/15 09:29 chasse à la baleine déansl’antarctique (décl. kéeith) 338

d’initiative dont ils avaient fait preuve à cette occasion, et au éJapon pour
sa participation active et son empressement à trouver un compromis. Le

Japon a plusieurs fois évoqué cette appréciation dans ses écéritures et à
l’audience, mais l’Australie n’en a rien dit.

B. L’étendue du pouvoir deé délivrer un permis spécéial

et le critère d’exameén

7. Je considère qu’il existe un lien étroit entre l’étendue édu pouvoir
reconnu à un gouvernement contractant de délivrer des permis spééciaux
et l’étendue du pouvoir reconnu à la Cour d’examiner les perémis ainsi
délivrés. Plus grand sera le pouvoir du gouvernement contractant, plus

limité sera le pouvoir d’examen de la Cour. A cet égard, trois aspects du
pouvoir conféré aux gouvernements contractants par le paragraphe 1 de
l’article VIII de la convention me semblent devoir être soulignés, le pre -
mier étant que la disposition qui confère ce pouvoir n’est pas éformulée en
termes subjectifs. Il n’est pas indiqué qu’un gouvernement contéractant

peut délivrer un permis spécial au titre de ce qu’il « estime» relever de la
recherche scientifique, omission dont le caractère délibéré éme semble res -
sortir du contraste avec la clause subjective — « que le gouvernement
contractant jugera opportune » — qui est employée à la fin de la proposi -
tion. La question de l’élément de subjectivité introduit paré le libellé d’une

disposition s’est notamment posée en l’affaire relative à éCertaines ques -
tions concernant l’entraide judiciaire en matière pénale ((Djibouti c. France),
arrêt, C.I.J. Recueil 2008, p. 229, par. 145), où la Cour s’est néanmoins
estimée dotée d’un certain pouvoir d’examen. Ce précédéent — et ce sera
mon deuxième point — est également pertinent à un autre égard, plus
important, car l’appréciation faite dans ce contexte par l’autoérité étatique

compétente s’appuyait sur l’évaluation, par l’Etat en queéstion lui-même,
d’un préjudice causé à ses « intérêts essentiels ». Or, le pouvoir dont il
s’agit d’apprécier l’exercice en l’espèce porte sur deés questions plus
concrètes: la réalisation d’un programme mené en vue de recherches
scientifiques sur les baleines et des questions connexes. Le troisièmée aspect

qui me paraît important réside dans l’intérêt commun qu’éont tous les
gouvernements contractants à un bon fonctionnement de la convention, é
ce dont témoignent les rôles conférés à la commission et éau comité scien -
tifique. Ces trois aspects attestent selon moi l’existence de réeléles limites
au pouvoir qu’a un gouvernement contractant de délivrer des permis spé -

ciaux. Un autre élément a par ailleurs une incidence directe sur lé’exercice
par la Cour de son pouvoir d’examen en la présente espèce : les très nom -
breux éléments versés au dossier, qui nous renseignent sur le pérocessus
ayant conduit aux diverses décisions relatives à l’établisseément du pro -
gramme JARPA II et à la mise en œuvre de celui-ci.
8. Ainsi qu’il ressort de l’arrêt, les positions des Parties et deé l’Etat inter

venant sur le critère d’examen ont évolué au fil de la préésente procédure
(par. 62-69). Si je suis globalement d’accord avec le critère énoncéé par la

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8 CIJ1062.indb 361 18/05/15 09:29 339 whaling in the antarcétic (decl. keith)

the Court, I formulate it in this way : Is the Contracting Government’s
decision to award a special permit objectively justifiable in the sense that

the decision is supported by coherent scientific reasoning ? The test does
not require that the programme be “justified”, rather, that on the record
it is justifiable. Nor is it for the Court to decide on the scientific merit of
the programme’s objectives nor whether its design and implementation é
are the best possible means of achieving those objectives. But it does have

the role of assessing, in the light of the features of the power mentionéed
in the previous paragraph, the evidence to see whether it demonstrates
coherent scientific reasoning supporting central features of the pro -
gramme. Such tests, like that stated by the Court, become clearer as theéy
are applied to the facts in issue.

C. The Application of the Stéandard of Review to theé Facts

9. Subject to one matter of emphasis, I have nothing to add to the
reasons given in support of the conclusions reached by the Court relatinég
to the decisions taken by the Japanese authorities regarding the use of é
lethal methods as opposed to non-lethal ones (paras. 128-144) and the

determination of the sample sizes (paras. 147-198) ; and relating to the
comparison of the sample size to the actual take (paras. 199-212). The
matter of emphasis is that for me the evidence demonstrates a failure byé
the Japanese authorities even to address central matters involved in theé
initial design and ongoing implementation of the programme.

10. In respect of the decisions regarding the use of lethal methods and
non-lethal ones, I see as critical the failure of Japan to provide any evi -
dence of any studies which it undertook of the use of non-lethal methods
through the long period running from the planning of the programme to
the present day (see in particular paragraphs 136-141). The Court did, by

contrast, receive evidence from the two experts called by Australia abouét
the enhancement and wider use over that time of non-lethal methods
which were capable of being used for at least some of the objectives of the
programme.
11. So far as the determination of the sample sizes is concerned, the

lack of any clear explanation in the record for the choices of a 12-year
research period for two of the species and of six years for the other means,
as I see the matter, that those aspects of the decision which are criticéal for
the sizes of the samples of the different species are not supported by
coherent scientific reasoning. Among the objectives of the programme areé
inter-species competition and ecosystem research (paras. 176-178). A sim -

ilar lack of explanation appears in respect of the choice of annual sampéle
sizes of 50 for each of the humpback and fin species when the Research

117

8 CIJ1062.indb 362 18/05/15 09:29 chasse à la baleine déansl’antarctique (décl. kéeith) 339

Cour, j’aurais quant à moi tendance à le formuler ainsi : la décision
du gouvernement contractant de délivrer un permis spécial peut-elle se

justifier objectivement en ce sens qu’elle est étayée par un raéisonnement
scientifique cohérent? Ce critère ne nécessite pas que le programme soit
«justifié», mais qu’il puisse se justifier au vu des éléments verséés au dossier.
La Cour n’a pas non plus à statuer sur le bien-fondé scientifique des objec -
tifs du programme ni sur la question de savoir si la conception et la mise

en œuvre de celui-ci constituent le meilleur moyen possible d’atteindre
ces objectifs. En revanche, son rôle est de déterminer si, à la lumière des
caractéristiques du pouvoir de délivrer des permis mises en évidence au
paragraphe précédent, les éléments de preuve dont elle dispoése démon-
trent que les grandes lignes du programme reposent sur un raisonnement
scientifique cohérent. De tels critères, à l’instar de celuié énoncé par la

Cour, deviennent plus clairs à mesure qu’ils sont appliqués aux faitsé de
l’espèce.

C. L’application du critèére d’examen aux faitsé de l’espèce

9. A une exception près, je n’ai rien à ajouter aux motifs avancéés à
l’appui des conclusions auxquelles aboutit la Cour quant au choix des
autorités japonaises d’utiliser des méthodes létales plutôét que des
méthodes non létales (par. 128-144), aux tailles d’échantillon retenues

(par. 147-198) ou encore à la comparaison entre les objectifs de capture
et les prises effectivement réalisées (par. 199-212). Ce que je tiens toute -
fois à souligner, c’est qu’il ressort selon moi du dossier que éles autori -
tés japonaises n’ont même pas réfléchi à certains problèmes fon da-
mentaux soulevés par la conception initiale puis par la mise en œuévre du
programme.

10. S’agissant du choix de recourir à des méthodes létales ou noén
létales, je juge déterminant le fait que le Japon n’ait fourni éaucun élément
attestant qu’il aurait réalisé des études sur l’utilisatiéon de méthodes non
létales au cours de la longue période allant du stade de la planification du
programme à aujourd’hui (voir, en particulier, les paragraphes 136-141).

Or, les deux experts cités par l’Australie ont témoigné devant léa Cour
de l’amélioration et de la généralisation, au cours de cette mêéme période,
des méthodes non létales qui peuvent désormais être utiliséées pour
atteindre certains au moins des objectifs poursuivis par le programme.
11. Pour ce qui est de la détermination des tailles d’échantillon, él’ab -

sence de tout élément d’explication clair dans le dossier justiéfiant le choix
de retenir une période de recherche de douze ans dans le cas de deux des
espèces, et de six pour la dernière, implique, à mon sens, que ce choix
n’est pas fondé sur un raisonnement scientifique cohérent, sachéant que,
parmi les objectifs annoncés du programme, figure l’étude de laé concur -
rence entre espèces et de l’écosystème (par. 176-178). Les explications

sont tout aussi inexistantes en ce qui concerne le choix de fixer à 5é0 spéci -
mens la taille de l’échantillon annuel de baleines à bosse et dée rorquals

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8 CIJ1062.indb 363 18/05/15 09:29 340 whaling in the antarcétic (decl. keith)

Plan for the programme called for a take of at least 131 of each speciesé
for the purpose of one of the objectives (para. 179).

12. I next see as significant the essential failure of Japan to explain in aé
persuasive manner the big increase in the target for minke whales from
JARPA to JARPA II. On the one hand, it said that the new objectives

were a major reason, when they do not appear to be clearly distinct fromé
the objectives of JARPA as they existed in the last part of that pro -
gramme; but, on the other, it emphasized the need for continuity in mov -
ing from the first to the second programme (paras. 147-156). It does not
appear to me to be scientifically credible to maintain both of those argéu -
ments at one and the same time.

13. Finally, I consider the difference between the sample size and the
actual take. I see it as significant that, while Japan has continued to éissue
special permits for the taking of the same numbers of the three species é
throughout the programme, except for 2005 and 2006 in respect of fin
and humpback whales, it has never reported to the IWC and in particular é

to the Scientific Committee on the consequences of the much reduced
takes of minke whales and fin whales and the nil take of humpback
whales for the design and implementation of the programme
(paras. 209-212). The Annexes to Japan’s Counter-Memorial in the part
concerned with documents which it issued (Anns. 133-159) include only

three possibly relevant documents submitted to the IWC or its Scien -
tific Committee (Anns. 152, 153 and 156) and none on its face addresses
those changes and the possible consequences for the research. Only one oéf
them dates from the time of the full-scale operation of JARPA II and
does no more than list publications arising from JARPA II as well as
from JARPA. That failure is to be seen in the context of the requirements

of paragraph 30 of the Schedule and the duty of co-operation with the
IWC and its Scientific Committee which, as the Court notes, both Partiesé
and the intervening State recognize (paras. 83 and 240).

14. To summarize, the evidence before the Court, as I read it, does not
show that the Japanese authorities in planning and implementing the pro -
gramme have given any real consideration or indeed any consideration at é
all to the central elements of the programme discussed above. Accord -

ingly, and for the reasons also given by the Court, I conclude that the é
programme does not fall within the scope of Article VIII (1) and that, as
a consequence, the actions of Japan, taken in terms of the programme,
for the killing, taking and treating of whales under it, breach para -
graph 10 (e), paragraph 10 (d) and paragraph 7 (b) of the Schedule.

(Signed) Kenneth Keith.

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8 CIJ1062.indb 364 18/05/15 09:29 chasse à la baleine déansl’antarctique (décl. kéeith) 340

communs, alors que le plan de recherche de JARPA II indiquait qu’il
était nécessaire, pour atteindre l’un des objectifs annoncésé, d’envisager de

prélever, pour chacune de ces espèces, un minimum de 131 individus par
an (par. 179).
12. Je juge également significatif le fait que le Japon n’ait nullemenét
expliqué de manière convaincante la hausse sensible du volume de céap -
tures de petits rorquals entre JARPA et JARPA II. Si, d’un côté, il

invoque principalement l’existence de nouveaux objectifs — qui, cepen -
dant, ne semblent guère différents de ceux de JARPA, tels qu’éils existaient
dans les derniers temps de ce programme —, de l’autre, le Japon met en
avant la nécessité d’assurer une continuité d’un programmée à l’autre
(par. 147-156). Or, je vois mal comment l’on peut, sur un plan scienti -
fique, défendre simultanément l’un et l’autre de ces argumenéts.

13. Pour finir, je voudrais revenir sur les différences entre les taillées
d’échantillon et les volumes réels de captures. Il me paraîté notable que,
s’il a continué de délivrer des permis spéciaux prévoyant la prise d’un
nombre de spécimens qui, pour les trois espèces, est resté identique tout
au long du programme — si ce n’est en 2005 et en 2006 en ce qui concerne

les rorquals communs et les baleines à bosse —, le Japon n’a jamais rendu
compte à la CBI et, en particulier, à son comité scientifique, édes consé -
quences qu’aurait, pour la conception et la mise en œuvre du progréamme,
la différence entre les chiffres annoncés et les prises effeéctives de petits
rorquals et de rorquals communs, sans parler de l’absence de capture éde

baleines à bosse (par. 209-212). Les annexes du contre-mémoire reprodui -
sant les documents publiés par le Japon (annexes 133-159) ne contiennent
que trois documents soumis à la CBI ou à son comité scientifiquée qui
auraient pu être pertinents (annexes 152, 153 et 156), mais aucun, a priori,
n’aborde la question de cette différence et de ses éventuelleés conséquences
pour les travaux de recherche. L’un seulement date de l’époque éoù

JARPA II était pleinement opérationnel, mais il se contente d’énuméérer
les publications liées à ce programme, ainsi qu’à JARPA. Or,é ce manque -
ment doit être apprécié à la lumière des prescriptions dué paragraphe 30
du règlement et du devoir de coopération avec la CBI et son comitéé scien -
tifique qui, comme le relève la Cour, a été reconnu par les deuéx Parties et

par l’Etat intervenant (par. 83 et 240).
14. Pour résumer, les éléments versés au dossier ne montrent pasé, selon
moi, que les autorités japonaises auraient, au stade de la planificatéion ou de
la mise en œuvre du programme, accordé une grande — voire la moindre —
attention aux aspects essentiels de celui-ci tels qu’ils ont été évoqués ci-

dessus. Pour ces raisons, comme pour celles exposées par la Cour, j’éaboutis
à la conclusion que le programme ne relève pas des prévisions déu para -
graphe 1 de l’article VIII et que, par conséquent, les mesures prises en
application de celui-ci en vue de tuer, capturer et traiter des baleines l’ont
été en violation des paragraphes 10 e), 10 d) et 7 b) du règlement.

(Signé) Kenneth Keith.

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8 CIJ1062.indb 365 18/05/15 09:29

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Déclaration de M. le juge Keith

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