Opinion dissidente de M. le juge Owada

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148-20140331-JUD-01-01-EN
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OPINION DISSIDENTE DE M. LE JUGE OWADA

[Traduction]

1. A mon plus grand regret, je ne puis m’associer au présent arrêté en ce
qui concerne les conclusions exposées aux points 2, 3, 5 et 7 du dispositif
et le raisonnement correspondant. Mon désaccord porte sur l’interpérétation
de la nature fondamentale de la convention internationale pour la régle -

mentation de la chasse à la baleine (ci-après « la convention») qu’y déve-
loppe la Cour, sur la méthode qu’elle emploie pour en interprétéer et en
appliquer les dispositions et, par voie de conséquence, sur plusieurs des
conclusions auxquelles elle parvient.
2. Dans la présente opinion, je m’attacherai à expliquer ces pointés de

divergence dans leurs grandes lignes. Comme je suis en désaccord fonda -
mental avec la majorité sur certaines questions de fond, j’exposeréai l’in -
terprétation que j’en fais en vue d’expliciter les raisons qui ém’amènent à
me dissocier de l’arrêt, sans m’attarder sur chacun des aspectsé précis qui
me posent problème.

I. Compétence de la Cour

3. En ce qui concerne la compétence, si je maintiens certaines réservées à
l’égard de l’un ou l’autre aspect du raisonnement suivi dansé l’arrêt, je

m’abstiendrai de les développer ici, dans la mesure où je fais mienne la
conclusion de la Cour affirmant sa compétence en l’affaire. Je édéplore
néanmoins, et tiens à le faire savoir, que, en raison de circonstaénces procé -
durales pour le moins malheureuses, les Parties n’aient pas, en la préésente
instance, eu tout le loisir de développer leurs arguments respectifs ésur la

question de la compétence, de sorte que je n’ai pu faire autrementé que de
conclure que le défendeur n’était pas parvenu à démontreré que la Cour
était incompétente pour connaître de la présente affaire aéu titre des décla -
rations faites par les deux Parties en vertu de la clause facultative.

II. Objet et but de la convéention

4. Selon moi, les points de controverse que présente cette affaire et équi
en sont venus à diviser la Cour tiennent essentiellement aux divergenéces

entre les Parties quant aux changements intéressant les baleines et léa
chasse à la baleine qui se seraient produits depuis l’adoption de éla conven -
tion. A cet égard, deux points de vue s’opposent. Le premier consiéste à
soutenir que la perception socio-économique, au sein de la communauté
internationale, de la question des baleines et de la chasse à la baleéine a

évolué depuis 1946 et que cet élément doit être pris en compte dans

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l’interprétation et l’application de la convention. Le second céonsiste à

affirmer que le cadre juridico-institutionnel fixé par celle-ci n’a pas changé
depuis cette même date, cet instrument se fondant sur des principes béien
établis de droit international relatifs à la conservation et à éla gestion des
ressources halieutiques, y compris baleinières, et que cette nature fonda -
mentale de la convention doit pour l’essentiel être préservéée. Tel est, selon

moi, le clivage juridique fondamental qui sépare la position juridiquée du
demandeur, l’Australie, et de la Nouvelle-Zélande, Etat intervenant au
titre de l’article 63 du Statut, de celle du Japon, Etat défendeur.
5. Pour bien comprendre le différend, il convient donc d’analyser lées
caractéristiques essentielles du régime juridique établi par laé convention,

à la lumière de son objet et de son but. e
6. L’histoire de la chasse à la baleine moderne remonte au XIX siècle :
nombre de nations du monde entier, et, en particulier, les Etats-Unis et la
Grande-Bretagne, participaient alors activement à la capture et à la miseé
à mort de baleines, prisées essentiellement pour leur huile, indisépensable

au mode de vie urbain civilisé, et notamment à l’éclairage dées particuliers.
A une époque où les ressources naturelles des océans, et en partiéculier les
ressources halieutiques, étaient tenues pour inépuisables, les baléeiniers se
livraient partout à cette chasse de manière effrénée, essentiellement pous -
sés par l’appât du gain. Les préoccupations suscitées paré cette exploita -

tion excessive conduisirent les nations baleinières à conclure l’éaccord
international pour la réglementation de la chasse à la baleine de é1937, afin
de réglementer cette pratique et d’éviter l’épuisement deés stocks de
baleines. Cet accord devait toutefois se révéler pour le moins ineéfficace
car, s’il prévoyait un mécanisme consistant essentiellement àé surveiller les

prises, il n’établissait pas de régime rigoureux de réglemenétation de la
chasse. C’est dans ce contexte que fut adoptée la convention de 1946, en
vue de remédier à une situation désastreuse qui en était venéue à compro -
mettre la capacité de renouvellement des stocks de baleines et, partaént, la
pérennité de l’industrie baleinière. L’objectif essentielé était «d’élaborer un

programme fiable de conservation qui permettra[it] de préserver un stéock
reproducteur suffisant et sain » (M. Kellogg, président de la conférence
internationale sur la chasse à la baleine (IWC), procès-verbal de la
2e séance, IWC, 1946, p. 13, par. 137), en appelant à ce que cesse l’exploi -
tation excessive de certains stocks de baleines déclinants.

7. C’est donc dans ce contexte que doivent être appréhendés l’éobjet et
le but de la convention. Le préambule en fait clairement état, quié expose
ainsi les objectifs de cet instrument :

«Les gouvernements [contractants]
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . é . . . . . . . . . . . . . .
Considérant que, depuis son début, la chasse à la baleine a donné

lieu à l’exploitation excessive d’une zone après l’autre éet à la destruc -
tion immodérée d’une espèce après l’autre, au point oùé il est essentiel
de protéger toutes les espèces de baleines contre la poursuite d’éune
[telle] exploitation ;

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Reconnaissant qu’une réglementation appropriée de la chasse àé la

baleine serait de nature à assurer un accroissement naturel des stockés
de baleines, ce qui permettrait d’augmenter le nombre de baleines
pouvant être capturées sans compromettre ces ressources naturellesé;

Reconnaissant qu’il est dans l’intérêt commun de faire en soérte
que les stocks de baleines atteignent leur niveau optimal aussi rapide-
ment que possible, sans provoquer une pénurie plus ou moins généé -
ralisée sur les plans économique et alimentaire ;
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . é . . . . . . . . . . . . . .

Désirant instituer un système de réglementation internationale éde
la chasse à la baleine qui soit de nature à assurer d’une manièére
appropriée et efficace la conservation et l’accroissement [des stéocks
de baleines] ;

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . é . . . . . . . . . . . . . .
Sont convenus des dispositions suivantes : …» (Préambule, par. 3,
4, 5, 7.)

8. A propos de l’objet et des buts de la convention, M. Kellogg, pré -
sident de la conférence, s’exprima en ces termes :

«Le préambule, comme il est d’usage, expose la finalité et les
objectifs de la convention … Par ailleurs, il souligne expressément et

avant tout que cette convention a pour objet d’élaborer un pro -
gramme fiable de conservation qui permettra de préserver un stock
reproducteur suffisant et sain. Grâce à la reconstitution des peuéple -
ments déclinants, tels que, notamment, les baleines bleues et les
baleines à bosse, et à une gestion avisée des populations existéantes,

un rendement maximal de renouvellement pourra être assuré. Voilà,
en quelques mots, l’intention générale du préambule.» (Procès-verbal
de la 2e séance, IWC, 1946, p. 13, par. 137.)

9. Il en ressort clairement que, pour ce qui est de son objet et de son
but, la convention poursuit une double finalité, consistant à la féois à assu -
rer à long terme le rendement maximal de renouvellement (RMR) des

stocks en question et à garantir la pérennité de l’industrieé baleinière.
Nulle part dans la convention il n’est fait allusion à une interdiéction totale
et définitive de la chasse à la baleine. Le procès-verbal de la réunion de la
commission baleinière internationale (CBI), à l’issue de laquéelle fut
adopté ce moratoire, vient confirmer que telle n’était pas l’intention des
e
auteurs de la proposition de moratoire avancée en 1982 (CBI, 34 réunion
annuelle, 19-24 juillet 1982, p. 72-86). Voici en effet ce qu’a déclaré, en
l’introduisant, le président du comité technique :

«[L’auteur de la proposition], voyant dans les baleines une res -
source d’avenir, a cherché à mettre au point un mode de gestioné
rationnel, objectif difficile à atteindre. D’un point de vue scieéntifique,
certaines incertitudes demeurent, et les données ne sont pas toujoursé

pleinement disponibles. Eu égard aux problèmes occasionnés pouré

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l’industrie baleinière et les parties prenantes, il a proposé de ramener

progressivement les prises à zéro, sur une période donnée, eén dimi -
nuant la chasse et le nombre de captures sur la base d’avis scienti -
fiques. Cela s’est traduit par l’ajout d’une nouvelle clause au
paragraphe 10 du règlement, ayant pour effet de ménager une période
de trois ans devant permettre à l’industrie de s’ajuster ; il y est précisé

que le sestème de quotas totaux prendra fin en 1985. » (Procès-verbal
de la 34 séance, IWC, 19-24 juillet 1982, p. 72.)

10. La notion de « rendement maximal/optimal de renouvellement »
telle qu’employée dans la convention fait partie intégrante de él’objectif de
«conservation des ressources halieutiques», ce qui, du reste, est conforme
à l’approche admise en matière de pêche hauturière en géénéral, bien éta -
blie dans le droit international contemporain en matière de pêche.é Ainsi,

en 1958, la convention de Genève sur la pêche et la conservation dées res -
sources biologiques de la haute mer définissait le concept de « conserva-
tion des ressources biologiques de la haute mer » comme « l’ensemble des
mesures rendant possible le rendement optimal constant de ces ressources,
de façon à porter au maximum les disponibilités en produits mar▯ins, alimen -
taires et autres » (art. 2 ; les italiques sont de moi).

11. Il est donc essentiel que la Cour interprète l’objet et le but de éla
convention en les replaçant dans leur juste perspective, c’est-à-dire en
tenant compte des caractéristiques essentielles du régime mis en place par
la convention. Il importe en premier lieu de bien comprendre ces caracté -
ristiques pour être en mesure de saisir la structure et la nature exaéctes du

régime de réglementation établi par les dispositions concrètées de la
convention, ainsi que la portée juridique des droits et obligations iéncom-
bant aux Etats contractants qui se livrent à des activités scientifiques en
vertu de l’article VIII, élément central dans la définition de ce régime.

12. Or, selon moi, la Cour n’a pas dans son arrêt analysé les caracétéris -
tiques essentielles de ce dernier. Dans la partie consacrée à la «é[p]résenta-
tion générale de la convention» (par. 42-50), elle se contente de reproduire
le libellé de ses dispositions, sans tenter d’analyser la raison d’être de cet
instrument, telle que reflétée dans son préambule. Elle se boérne à ce com-
mentaire laconique : « Du fait des fonctions conférées à [la commission

baleinière internationale], la convention est un instrument en constante
évolution» (arrêt, par. 45 ; les italiques sont de moi), mais ne précise pas
les conséquences qu’elle en tire. Or, tout accord international esét suscep -
tible d’évoluer dans la mesure où il peut être modifié si les parties s’en -
tendent à cet effet. Que la commission soit habilitée à apporéter des

modifications au règlement, lequel fait partie intégrante de la coénvention,
modifications qui peuvent, en l’absence d’objection de la part desé Etats
parties, leur devenir opposables, et que la commission ait ainsi modifiéé le
règlement à maintes reprises, ne prouve pas en soi que la conventiéon soit
«en constante évolution » en tant que telle. La convention n’est pas, par
nature, un instrument malléable sur le plan juridique, censé évéoluer au gré

des mutations socio-économiques.

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III. Les caractéristiquesé essentielles du régiéme de réglementation
mis en place par la convéention

13. Pour bien comprendre les caractéristiques essentielles du régiéme
établi par la convention, il convient d’analyser plus en détailé l’économie
générale de cet instrument. Celle-ci peut globalement se résumer comme
suit :

1) les gouvernements contractants ont créé une commission baleinièére
internationale (ci-après la « commission» ou la « CBI») en tant qu’or -
gane exécutif (art. III). La commission peut prendre des décisions à la

majorité des trois quarts, si les modifications prévues à l’éarticle V sont
nécessaires ;
2) aux termes de l’article V, la commission peut modifier les dispositions
du règlement qui est annexé à la convention et en fait partie iéntégrante
(art. premier) en adoptant des dispositions au sujet de la conservatioén

et de l’utilisation des ressources baleinières (art. V, par. 1), sous réserve,
notamment, que ces modifications du règlement a) s’inspirent de la
nécessité d’atteindre les objectifs et les buts de la conventioén et d’assu -
rer la conservation, le développement et l’utilisation optimale deés res-
sources baleinières ; b) se fondent sur des données scientifiques ; et

c) tiennent compte des intérêts des consommateurs de produits tiréés
de la baleine et des intérêts de l’industrie baleinière (arét. V, par. 2).
Chacune de ces modifications entre en vigueur à l’égard de tousé les
gouvernements contractants qui n’ont pas présenté d’objectioén, cepen -
dant que, à l’égard d’un gouvernement qui en a présentéé, elle n’entre
en vigueur qu’après le retrait de l’objection (art. V, par. 3) ;

3) la commission peut également formuler, à l’intention de l’uné quel -
conque ou de tous les gouvernements contractants, des recommanda -
tions à propos de questions ayant trait soit aux baleines et à la chasse
à la baleine, soit aux objectifs et aux buts de la convention (art. VI) ;
4) nonobstant toute disposition contraire de la convention, un gouverne -

ment contractant peut accorder à l’un quelconque de ses ressortisséants
un permis spécial autorisant l’intéressé à tuer, captureré et traiter des
baleines en vue de recherches scientifiques sous réserve de restrictiéons
concernant le nombre de ces baleines et de telles autres conditions que é
le gouvernement en question jugera opportunes, les baleines pouvant,

dans ce cas, être tuées, capturées ou traitées conformémeént aux prévi -
sions de l’article VIII sans qu’il y ait lieu de se conformer aux autres
dispositions de la convention (art. VIII, par. 1).

14. Il semble légitime de conclure de ce bref aperçu que, concernant léa
réglementation de la question des baleines et de la chasse à la baéleine, la
convention a établi un régime se suffisant à lui-même — assez comparable
à celui d’une organisation intergouvernementale internationale dotéée de
sa propre autonomie administrative et d’un mécanisme de contrôlée cou -

vrant les questions relevant de sa compétence. Néanmoins, il va saéns dire
qu’un tel système laissant leur autonomie aux parties, bien qu’éétabli

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inter se, ne peut échapper au contrôle judiciaire de la Cour, au vu du
pouvoir conféré à celle-ci d’interpréter et d’appliquer la convention por -

tant création de ce système.
15. Dans le cadre de ce régime autonome, la commission n’a pas le
pouvoir de prendre à la majorité des décisions qui puissent s’éimposer
automatiquement aux parties contractantes, si ce n’est en vertu d’éune
forme de consentement telle que spécifiée au paragraphe 3 de l’ar -

ticle V. Toujours dans le cadre de ce régime de réglementation créé par les
parties, aucune modification du règlement n’entre en vigueur à l’égard
d’une partie contractante si celle-ci y a formulé une objection, aucune
recommandation adoptée par la commission ne pouvant par ailleurs
acquérir force contraignante à l’égard d’une partie contréactante.
16. A la suite de la réunion tenue en 1982 par la CBI, marquée par

l’adoption d’une modification du paragraphe 10 du règlement proposée
par les Seychelles et appuyée, entre autres Etats membres, par l’Aéustralie,
dont l’effet était d’interdire la chasse commerciale de touteés les espèces à
compter de la saison de chasse 1985-1986, le Japon a bien exercé son édroit
d’objection prévu à l’article V, avant de retirer son objection sous la pres -

sion des Etats-Unis. Accepter l’argument avancé par le demandeur et
développé plus avant par l’Etat intervenant, faisant valoir l’éévolution
qu’aurait connue la convention au cours de ces soixante dernières éannées
à mesure que se modifiait la perception de la question des baleines eét de
la chasse à la baleine, et que se renforçait, au sein de la communéauté, le

sentiment de la nécessité d’assurer la préservation des baleéines en tant
qu’espèces revêtant une valeur particulière, reviendrait semble-t-il à chan -
ger la règle du jeu fixée par la convention et acceptée par lesé parties
contractantes en 1946. (L’argument serait qualitativement différent, s’il
s’agissait de montrer, sur la base de données scientifiques, qu’éune exploi -
tation excessive serait en train de mener à un épuisement des stocéks de

baleines lourd de conséquences, voire à l’extinction d’espèéces données, et
que, pour cette raison, des mesures préventives s’imposeraient àé titre de
précaution — un argument qui relèverait à bon droit du champ de la
convention. Toutefois, il me semble qu’aucun argument de cette natureé
n’a sérieusement été plaidé par le demandeur, preuve scieéntifique crédible

à l’appui, en la présente espèce.)
17. Le défendeur soutient que, face à la situation créée par l’éadoption
d’un moratoire sur la chasse à la baleine à des fins commercialées, il s’est
vu contraint de présenter un programme d’activités menées àé des fins de
recherche scientifique pour pouvoir recueillir et soumettre à l’exéamen de

la commission (ou de son comité scientifique) des données scientéifiques
destinées à permettre à cette dernière de lever ou de reconséidérer le mora -
toire qui, théoriquement, était une mesure temporaire et sujette àé réexa -
men. En effet, il avait expressément été précisé que laé disposition fixant à
zéro le nombre maximal de captures « sera[it] régulièrement soumise à un
examen fondé sur les meilleurs avis scientifiques et [que], d’ici 1990 au

plus tard, la commission procédera[it] à une évaluation exhaustive des
effets de cette mesure sur les populations de baleines et envisagera[iét] le

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cas échéant de modifier cette disposition pour fixer d’autres léimites de
capture» (règlement, par. 10 e)). Il semble dès lors difficile de trouver à

redire à la démarche adoptée par le défendeur.
18. Indépendamment de ce que l’on peut penser de cet argument du
défendeur, il convient de relever que la convention dispose que

1) «[l]es modifications [du règlement] … devront s’inspirer de la
nécessité d’atteindre les objectifs et les buts de la conventioén et
d’assurer la conservation, le développement et l’utilisation optimale
des ressources baleinières»; [et] «se fonder sur des données scien -

tifiques [et]
2) «chaque gouvernement contractant pourra accorder à l’un quel -
conque de ses ressortissants un permis spécial autorisant l’intééressé
à tuer, capturer et traiter des baleines en vue de recherches scien -
tifiques» (art. V, par. 2, et art. VIII, par. 1).

En ce sens, les activités entreprises par le défendeur dans le cadre de
JARPA et de JARPA II doivent à première vue être considérées comme
conformes à la convention et à son règlement revisé, y compréis son para -

graphe 10 e).
Toute la question de la licéité des activités de chasse à laé baleine menées
par le Japon au titre de JARPA, puis de JARPA II, se résume donc à
savoir si les activités entreprises par le défendeur entrent ou noén dans la
catégorie des activités menées « en vue de recherches scientifiques » au

sens de l’article VIII de la convention.

IV. Interprétation de l’aréticleVIII

19. La convention a ceci de fondamental, ainsi qu’il a déjà étéé indiqué,

que les parties contractantes ont créé un régime qui se suffité à lui-même
pour réglementer la question des baleines et de la chasse à la baleine. La
clause figurant à l’article VIII de la convention est, à mon avis, un élément
important de ce régime de réglementation. En ce sens, il serait eréroné de
qualifier de simple exception à celui-ci — plus exactement d’exception

reconnue eu égard à la notion traditionnelle de droit souverain deé se livrer
à la chasse à la baleine en vertu de la liberté de pêcher ené haute mer — le
pouvoir conféré à une partie contractante d’accorder des perémis spéciaux
à ses ressortissants pour « tuer, capturer et traiter des baleines en vue de
recherches scientifiques» (convention, art. VIII, par. 1). La partie contrac -

tante jouissant d’une telle prérogative aux termes de l’articleé VIII a en fait
un rôle important à jouer dans le cadre de ce régime, en tant qéu’elle
recueille des éléments et des données scientifiques susceptibleés de contri-
buer à la réalisation des objectifs et des buts de la convention, édont la
nouvelle procédure de gestion (New Management Procedure ou « NMP»)
ou la procédure de gestion revisée (Revised Management Procedure éou

«RMP») envisagées au sein de la CBI aux fins d’assurer une gestioné
méthodique des stocks de baleines. C’est pourquoi l’Etat en queéstion,

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auquel la convention confère le pouvoir discrétionnaire de déciéder du type
de recherches scientifiques qu’il entend mener à bien et des modaléités de

cette recherche, sera ensuite soumis au contrôle de son organe exéécutif, la
CBI et, plus particulièrement de son émanation scientifique, le coémité scien-
tifique qui formuleront un avis critique. Tels sont les organes auxquelsé
il revient, dans le cadre de ce régime de réglementation, de mener àé bien le
processus d’examen et d’analyse critique de ces activités, en véue de réaliser

l’objet et le but de la convention sur la base d’une évaluationé scientifique.
Relevons que ne figure, ni à l’article VIII ni ailleurs dans la convention,
aucune disposition qui permette à la CBI ou à son comité scientifique de
restreindre concrètement, sur le plan juridique, l’exercice de cette préroga -
tive qu’a la partie contractante d’accorder des permis spéciauxé, sauf que les
permis spéciaux ne peuvent être accordés qu’« en vue de recherches scien -

tifiques» et qu’ils sont subordonnés «aux restrictions en ce qui concerne le
nombre et à telles autres conditions que le gouvernement contractant
jug[e] opportunes » (convention, art. VIII, par. 1). En d’autres termes,
en vertu du régime de réglementation établi par la convention, la édécision
de savoir en quoi doivent consister les composantes d’une recherche scien -

tifique ou comment cette recherche doit être conçue et mise en œéuvre dans
une situation donnée relève, au premier chef, du pouvoir discréétionnaire
du gouvernement qui délivre le permis. Le gouvernement contractant a
l’obligation d’exercer ce pouvoir de bonne foi, uniquement aux finés de la
recherche scientifique, et d’accepter de rendre ensuite compte de sesé activi -

tés de recherche scientifique devant les organes exécutifs de la céonvention,
à savoir la commission et le comité scientifique. Ces derniers onté la respon -
sabilité, en procédant à un examen et en formulant des avis criétiques d’un
point de vue scientifique, de s’assurer que l’Etat concerné s’éacquitte bien
de son obligation.
20. Comme je l’ai déjà indiqué, cela ne signifie pas que la Couré, en sa

qualité d’institution judiciaire chargée d’interpréter eté d’appliquer les dis -
positions de la convention, et tout en ayant dûment égard à l’éautonomie
interne de la convention, n’a aucun rôle à jouer d’un bout àé l’autre de ce
processus. De par sa fonction d’instance judiciaire, la Cour a le pouévoir
d’interpréter et d’appliquer les dispositions de la convention éd’un point

de vue juridique. Cependant, compte tenu de la nature et des caractéris -
tiques propres au cadre réglementaire créé par la convention, féorce lui
est d’exercer ce pouvoir avec circonspection, dans la mesure où sont en
jeu : a) l’application de ce cadre réglementaire ; et b) la tâche de nature
technico-scientifique assignée par la convention au comité scientifique,

consistant à évaluer le bien-fondé de la recherche scientifique.

21. S’agissant du premier aspect du problème, relatif à l’applicéation
du cadre réglementaire créé par la convention (point a), par. 20, ci-
dessus), la bonne foi de l’Etat contractant, qui est partie prenante à ce
régime, doit nécessairement être présumée. La fonction deé la Cour

consiste à cet égard à s’assurer que l’Etat en question péoursuit ses activi -
tés en toute bonne foi et, conformément aux exigences du régime de régle-

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mentation, qu’il le fait dans le cadre de recherches scientifiques deévant
permettre d’obtenir des résultats susceptibles de contribuer à éla réalisa -

tion de l’objet et du but de la convention. En revanche, les modalitéés
concrètes des activités de recherche scientifique que mènera l’éEtat en
question, et notamment la conception et les modalités d’exécutiéon du pro -
gramme, constituent par nature des questions qui ne sont pas de son res -
sort. L’article VIII reconnaît expressément que c’est au gouvernement

contractant qu’il incombe au premier chef d’en décider, en tanté qu’il dis -
pose que,

«[n]onobstant toute disposition contraire de la … convention,
chaque gouvernement contractant pourra accorder … un permis spé -
cial … subordonn[ant] cette autorisation aux restrictions en ce qui
concerne le nombre et à telles autres conditions que le gouvernement é
contractant jugera opportunes » (convention, art. VIII, par. 1).

Il accorde ainsi clairement à l’Etat en question le pouvoir, prima facie, de
déterminer les modalités concrètes des activités de recherchée qu’il s’agit
d’entreprendre au titre de l’article VIII, même si, en vertu de ce régime de

réglementation, les modalités ainsi fixées par l’Etat en queéstion seront
soumises à une évaluation de la CBI et de son comité scientifiqéue dans le
cadre du processus d’examen.
22. Les allégations du demandeur selon lesquelles les activités de chaésse
en cause ont été conçues et mises en œuvre sous couvert de réecherche

scientifique, mais à des fins autres, ne peuvent donc pas être retenues sur
la base de simples présomptions, mais demandent à être établéies par de
solides éléments de preuve ne laissant aucun doute sur le fait que l’Etat en
question a agi de mauvaise foi. Le bien-fondé d’accusations d’une telle
gravité, explicitement ou implicitement portées à l’encontreé d’un Etat
souverain, ne peut jamais se présumer, et ne saurait être admis paér la

Cour à moins d’avoir pu être établi par le demandeur sur la ébase d’élé -
ments de preuve déterminants et incontestables. Il s’agit là d’éun principe
établi en droit international (voir, par exemple, l’affaire du éLac Lanoux
(France c. Espagne), Recueil des sentences arbitrales (RSA), vol. XII,
p. 281). Les visées subsidiaires de telle ou telle partie prenante, queélle que

puisse être sa position, ne doivent pas, en principe, être considéérées
comme pertinentes, à moins que des éléments de preuve ne permetétent
d’établir avec certitude qu’elles ont joué un rôle décéisif dans la conception
et le lancement des programmes, et constituent la véritable source juéri -
dique (fons et origo) des activités entreprises.

23. S’agissant du second aspect du problème, relatif à la question éde
savoir ce que recouvrent des activités menées « en vue de recherches scien -
tifiques » (pointb), par. 20, ci-dessus), je ne souscris pas à la logique sui -
vie par la Cour dans son arrêt, qui distingue la « recherche scientifique »
en tant que telle des activités menées « en vue de recherches scientifiques »
(arrêt, par. 70-71). Certes, après avoir longuement cherché (ibid., par. 73-86)

à définir ce qui constitue la «recherche scientifique», la Cour semble avoir
fini par renoncer, rejetant les critères avancés par le demandeur ésur la

87

8 CIJ1062.indb 303 18/05/15 09:29 chasse à la baleine déansl’antarctique (op. disés. owada) 310

base de l’exposé de son expert. Néanmoins, elle semble s’être appesantie
sur cette distinction entre «recherche scientifique» et activités menées «en

vue de recherches scientifiques » dans le dessein d’établir qu’une activité
pouvant contenir des éléments de « recherche scientifique » ne pouvait
automatiquement être réputée constituer une activité menéée « en vue de
recherches scientifiques ». Or, pour moi, cette distinction est si artificielle
qu’elle ne peut s’appliquer de manière réaliste à une situation concrète.

La Cour aurait dû s’en tenir à la seule question de savoir ce qéue recouvrent
des activités menées « en vue de recherches scientifiques », selon le sens
naturel et ordinaire de cette expression.
24. Or, quant à cette dernière question, force est d’admettre en toéute
franchise que la Cour, en tant qu’instance judiciaire, n’est pas profession -
nellement qualifiée pour y apporter une réponse qui soit scientifiquement

pertinente, et ne devrait pas prétendre être en mesure de le faireé, bien
qu’elle puisse à bon droit et utilement avancer, sur tel ou tel aspect de
cette notion, des éléments propres à en faciliter l’analyse éjuridique.
25. Savoir en quoi consiste la «recherche scientifique» est une question
sur laquelle les scientifiques eux-mêmes sont divisés et ne parviennent pas

à un consensus. Les quatre critères avancés par l’un des expéerts ayant
déposé devant la Cour et sur lesquels s’est appuyé le demandéeur n’ont
pas, dans le présent arrêt, été jugés pouvoir constituer él’aune à laquelle
devait être tranchée la question de savoir si les activités menéées par le
défendeur dans le cadre de JARPA/JARPA II l’étaient à des fins de

recherche scientifique. Pourtant, lorsqu’elle applique comme critèére d’exa -
men la notion de caractère objectivement raisonnable, la Cour se livrée de
fait à une «évaluation scientifique » de plusieurs aspects fondamentaux
des activités menées dans le cadre de JARPA/JARPA II, pour conclure
en définitive que ces activités ne répondent pas aux critèreés requis pour
être qualifiées d’activités « en vue de recherches scientifiques », car, selon

sa propre analyse scientifique, elles ne peuvent être considérées comme
objectivement raisonnables. Comme il ressort clairement de l’arrêt, la
Cour se livre à sa propre analyse de fond sous couvert de déterminéer
objectivement si ces activités sont raisonnables. Se pose toutefois aélors
immédiatement la question suivante : « sous quel angle ce caractère rai -

sonnable doit-il être apprécié ?» — est-ce dans une optique juridique ou
scientifique que la Cour entend se placer ? Dans le premier cas, la situa -
tion est claire, et ce, d’après la convention elle-même, qui, en tout état de
cause sur le plan juridique, laisse au premier chef à l’Etat partiée entrepre -
nant la recherche le soin de procéder à une appréciation de bonéne foi.

Dans le second, en revanche, la Cour n’est absolument pas en mesure
d’établir si telles ou telles activités sont objectivement raiséonnables, d’un
point de vue scientifique, sauf à se livrer à un examen et à unée analyse
technico-scientifique de la conception et de la mise en œuvre de JARPA/
JARPA II, ce qui n’est pas du tout de son ressort et dont elle doit se gar -
der. Voilà l’autre raison pour laquelle la Cour ne doit pas s’eéngager dans

cette voie. J’y reviendrai dans les sections suivantes, qui seront coénsacrées
à la portée de l’examen et au critère retenu pour s’y livérer.

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8 CIJ1062.indb 305 18/05/15 09:29 chasse à la baleine déansl’antarctique (op. disés. owada) 311

V. La portée de l’examen deé la Cour

26. La structure de la convention, telle qu’interprétée à la luméière de
son objet et de son but, fait apparaître que les parties contractantes recon-
naissent expressément la nécessité et l’importance de la recéherche scien-

tifique pour le fonctionnement d’un « système de réglementation inter-
nationale de la chasse à la baleine qui soit de nature à assurer dé’une
manière appropriée et efficace la conservation et l’accroisseméent des peu -
plements baleiniers» (préambule, alinéa 7), tel qu’établi par la convention,
dont le but est d’«assurer la conservation appropriée des stocks de baleine

et … ainsi [de] donner à l’industrie baleinière la possibilité de se dévelop -
per d’une manière méthodique» (ibid., alinéa 8). Voilà pourquoi les parti-
cipants à la conférence qui a donné naissance à la conventioén de 1946 ont
souligné l’importance cruciale de la recherche scientifique réaélisée par des

organisations scientifiques menant des études sur les cétacés. éA cet égard,
la déclaration du président de la conférence internationale suré la chasse à
la baleine (IWC) est particulièrement pertinente. Elle se lit commeé suit:

«[I]l n’est pas dans notre idée ou notre intention [celles des partéies
contractantes] que la présente commission [à savoir la CBI] usurpeé
l’une quelconque des anciennes prérogatives … des diverses organi -
sations scientifiques qui ont mené des recherches sur les baleines …

Nous sommes pour l’essentiel dépendants des informations factuelleés
et du travail de leurs équipes … [N]ous devons garder à l’esprit tout
ce que nous devons à ces organisations de recherche. » (Procès-verbal
de la 3e séance, IWC/20, p. 11, par. 117.)

Si le paragraphe 1 de l’article VIII reproduisait le libellé de l’article X de
l’accord international pour la réglementation de la chasse à la baleine de

1937, le président faisait remarquer que la formule « «chaque gouvernement
contractant devra porter à la connaissance de la commission toutes leés auto -
risations de cette nature qu’il aura accordées » [était] nouvelle» et que « la
suite de l’article VIII soulign[ait] l’importance de la recherche scientifique et
encourag[eait] la diffusion des informations que celle-ci permet[tait]
e
d’obtenir» (procès-verbal de la 7 séance, IWC/32, p. 23, par. 322-323).
27. Cette citation montre bien que, lorsqu’elles se sont accordées suré le
libellé de l’article VIII, les parties contractantes entendaient se réserver le
droit de délivrer à leurs ressortissants des permis spéciaux auétorisant la

chasse à la baleine en vue de recherches scientifiques. Il s’agit élà d’une
prérogative que l’article VIII de la convention confère effectivement aux
gouvernements contractants, lesquels peuvent délivrer de tels permis ésans
devoir au préalable consulter la CBI ou son comité scientifique, néi re-
cueillir leur approbation. C’est ce qu’illustre clairement le rejeét d’une

contre-proposition avancée pendant le processus rédactionnel par l’un édes
délégués, qui tendait à « exiger que les gouvernements contractants ne
délivrent ces dispenses qu’après avoir consulté la commission, et non
indépendamment d’elle » (procès-verbal de la 3 eséance, IWC/20, p. 11,
par. 115; les italiques sont de moi).

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8 CIJ1062.indb 307 18/05/15 09:29 chasse à la baleine déansl’antarctique (op. disés. owada) 312

28. Le gouvernement contractant ne jouit pas pour autant d’une
entière discrétion dans l’exercice de sa liberté souveraine éde délivrer des

permis spéciaux. La prérogative qui lui est reconnue en vertu de lé’ar -
ticle VIII l’est dans le cadre de la convention, et plus précisément du
régime de réglementation établi par celle-ci. Si l’appréciation de la validité
scientifique d’activités de recherche telles que celles menées dans le cadre
du programme JARPA/JARPA II, y compris l’évaluation scientifique de

leur conception et de leur mise en œuvre au regard des buts visés épar la
convention, est un aspect qui a été expressément assigné auxé organes de
la convention, en particulier la CBI et son comité scientifique, il est
d’autres aspects de ce processus qui relèvent de l’analyse juriédique de la
Cour, dans l’exercice du pouvoir de contrôle qui lui a été réeconnu aux fins
d’interpréter et d’appliquer la convention.

Dans ce contexte bien circonscrit, le rôle de la Cour consiste à dééter -
miner d’un point de vue juridique si les procédures expressément établies
dans le cadre du régime institué par la convention (à savoir lées obligations
de nature procédurale imposées à la partie contractante en vertéu de
l’article VIII) sont scrupuleusement observées. Sans se lancer dans une

analyse technico-scientifique de ce que recouvre fondamentalement la
notion de recherche scientifique, ni se livrer à une évaluation coéncrète
de chaque aspect des activités en cause — tâche qui incombe au comité
scientifique —, il est également loisible à la Cour de vérifier si les acétivités
en question peuvent être considérées comme répondant à la notion de

«recherches scientifiques» généralement admise (en référence à l’obligationé
de fond conférée à l’Etat contractant par l’article VIII). Pour ce faire, la
Cour doit tout d’abord déterminer le critère d’examen à aéppliquer.

VI. Question du critère dé’examen

29. En définissant le critère d’examen, la Cour, dans l’arrêét, résume les
positions des Parties de la manière suivante. Elle décrit d’aboérd ainsi celle
du demandeur :

«Selon [l’Australie], le pouvoir de contrôle de la Cour ne devrait épas
se limiter à s’assurer de la bonne foi de l’Etat ayant délivéré le permis,
qui bénéficierait d’une forte présomption favorable, sous peéine de pri -

ver d’effet le régime multilatéral établi par la conventioén aux fins de la
gestion collective d’une ressource commune. L’Australie prie instam -
ment la Cour, aux fins de déterminer si un permis spécial a été délivré
en vue de recherches scientifiques, de prendre en considération des éélé -
ments objectifs; elle se réfère en particulier à « la conception du pro-

gramme de chasse [à la baleine] et [aux] modalités de son exécuétion,
ainsi qu’[aux] résultats éventuellement obtenus».» (Arrêt, par. 63.)
30. La Cour met ensuite en regard cette déclaration du demandeur et

un passage de la plaidoirie du défendeur censé représenter la péosition de
celui-ci. Ce passage est le suivant :

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8 CIJ1062.indb 309 18/05/15 09:29 chasse à la baleine déansl’antarctique (op. disés. owada) 313

«Le Japon est d’accord avec l’Australie et la Nouvelle-Zélande
pour estimer que la question à se poser est celle de savoir si la dééci -

sion prise par un Etat est objectivement raisonnable ou « étayée par
un raisonnement cohérent et des preuves scientifiques dignes de foi et
est, en ce sens, objectivement justifiable ».» (Arrêt, par. 66.)

31. Sur la base de ces deux déclarations des Parties, la Cour formule sa é
propre conclusion sur la question du critère d’examen, dans les teérmes
suivants :

«Lorsqu’elle se penchera sur la question de la délivrance d’un péermis
spécial autorisant la mise à mort, la capture et le traitement de baleines,
la Cour examinera, en premier lieu, si le programme dans le cadre duquelé

se déroulent ces activités comporte des recherches scientifiques. éElle éta-
blira, en second lieu, si les baleines mises à mort, capturées et étraitées le
sont «en vue de » recherches scientifiques, en examinant si, en ce qui
concerne le recours à des méthodes létales, la conception et laé mise en
œuvre du programme sont raisonnables au regard de ses objectifs décla -

rés. Ce critère d’examen revêt un caractère objectif» . (Ibid., par. 67.)
32. Or, force est de constater que la Cour emprunte un raccourci

logique lorsqu’elle prétend tirer de ce qu’elle présente auxé paragraphes 63
et 66 des motifs comme les positions respectives des Parties la conclusion é
précitée sur la question du critère d’examen. Elle semble seé ranger aux
vues de l’une des Parties, sans faire le moindre cas du clivage existéant
entre les deux Etats sur la question de la portée de l’examen et déu critère

d’examen à appliquer, et sans aucune autre explication. Lorsque, aéu para -
graphe 67, elle annonce, pour ainsi dire ex abrupto et ex cathedra, qu’elle
examinera « si, en ce qui concerne le recours à des méthodes létales, la
conception et la mise en œuvre du programme sont raisonnables », elle
reprend de fait la formulation avancée par le demandeur à propos dée la

portée de l’examen de la Cour en l’associant au critère d’examen préten -
dument admis par le défendeur, comme si les Parties avaient reconnu
pouvoir s’entendre sur l’application de ce critère du caractèére objective -
ment raisonnable à propos de la portée globale de l’examen alorés que, en
réalité, l’une de leurs divergences profondes tenait à ce poéint particulier.

Je me dois de relever que, ce faisant, elle dénature totalement les aéspects
dont les Parties étaient prêtes à admettre qu’ils faisaient l’unanimité entre
elles s’agissant de la portée de l’examen et du critère àé appliquer à cet
égard dans le présent contexte.

En décidant, pour une raison qui par ailleurs demeure inexpliquée,é que
c’est le caractère objectivement raisonnable qui constitue le critéère à
appliquer, la Cour introduit un élément entièrement nouveau — celui de
la « conception et [de] la mise en œuvre » du programme de chasse à la

baleine (ibid., par. 67), qui renvoie à la portée de son examen. Or, s’il
s’agit là d’un élément que le demandeur a tenu à inclure à l’appui de son

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8 CIJ1062.indb 311 18/05/15 09:29 chasse à la baleine déansl’antarctique (op. disés. owada) 314

argumentation, il n’est nullement précisé dans l’arrêt ené quoi il serait
légitime ou approprié pour la Cour d’étendre la portée deé son examen à

l’analyse de ces aspects du programme JARPA II ayant trait au fond.

33. A l’examen attentif des arguments développés en l’espèce épar les P-ar
ties dans leurs écritures et à l’audience, il apparaît que lée critère d’examen
retenu trouverait son origine dans la jurisprudence de l’organe d’éappel de

l’Organisation mondiale du commerce (OMC), qui a eu à connaîtére d’un
certain nombre d’affaires impliquant un contrôle judiciaire de déécisions sou -
veraines prises par des Etats membres sur des questions scientifiques coén- tro
versées, ainsi que l’a relevé l’une des Parties lors de la pérocédure écrite.
34. Or, lorsque l’on examine de plus près, et en les replaçant dans leur
contexte, les extraits de la jurisprudence de l’organe d’appel de él’OMC qui

ont été cités, il apparaît clairement que la formule fort géénérale mettant en
avant ce critère trouve son origine dans le raisonnement très approfondi de
l’organe d’appel quant à la ligne de démarcation qu’il coénvient de tracer
entre science et droit lorsque le contrôle judiciaire concerne une siétuation
où les juristes ne sont pas en mesure de s’appuyer sur un point deé vue fai -

sant clairement consensus, ou du moins majoritaire, dans la communautéé
scientifique. Le raisonnement suivi dans la décision rendue par l’éorgane
d’appel de l’OMC dans la dernière phase de l’affaire Etats-Unis— Maintien
de la suspension d’obligations dans le différend CE-Hormones (ci-après le
différend « CE-Hormones ») l’illustre bien. Or, selon moi, dans son arrêt, la

Cour reprend cette formule magique du caractère objectivement raison -
nable en la coupant de son contexte, pour en faire une application quelqéue
peu mécanique aux fins de l’espèce, sans prendre en compte commée il se
devrait le cadre dans lequel ce critère d’examen a été appliéqué.
35. Le défendeur a tenté de clarifier sa position sur la question du céri -
tère d’examen en expliquant ainsi de quelle manière la notion dée caractère

objectivement raisonnable pourrait trouver à s’appliquer en l’eéspèce:
«La Cour peut effectivement se demander si un Etat pourrait rai -

sonnablement considérer qu’il s’agit d’une investigation sciéentifique
correctement articulée. Mais, de la même façon qu’elle ne peéut pas
décider ce qui est de l’« art» et ce qui n’en est pas, elle ne peut impo -
ser une distinction entre science et non-science. Selon le Japon, la
question qu’il convient de poser est la suivante : un Etat peut-il raison -

nablement considérer qu’il s’agit de recherche scientifique ?
Voilà pourquoi le Japon s’accorde avec l’Australie et la Nouveléle -
Zélande pour dire que la question à poser est celle de savoir si la
décision prise par un Etat est objectivement raisonnable,ou «étayée par
un raisonnement cohérent et …, en ce sens, objectivement justifiable». »

(CR 2013/22, p. 60, par. 20-21 (Lowe) ; les italiques sont de moi.)
Le défendeur reprend ici mot pour mot un extrait de la décision reéndue
par l’organe d’appel dans la dernière phase de l’affaire CE-Hormones.

D’où l’importance d’analyser cet extrait dans son contexte pérécis.

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8 CIJ1062.indb 313 18/05/15 09:29 chasse à la baleine déansl’antarctique (op. disés. owada) 315

36. La décision, reproduite dans le rapport final du 16 octobre 2008,
par laquelle, après l’avoir examinée, l’organe d’appel deé l’OMC a annulé

celle du groupe spécial de règlement des différends, se lit aéinsi:
«[E]n ce qui concerne l’établissement des faits par les groupes spé -

ciaux [de l’OMC], le critère applicable n’[est] « ni l’examen de novo
proprement dit, ni la « déférence totale », mais « l’évaluation objec -
tive des faits »…
C’est la tâche du membre de l’OMC d’effectuer l’évaléuation des

risques. La tâche du groupe spécial est d’examiner cette évaéluation
des risques. [Dès lors qu’]un groupe spécial [irait] au-delà de ce man -
dat limité et agi[rait] en tant qu’[évaluateur] des risques, il substitue -
rait son propre jugement scientifique à celui du responsable de
l’évaluation des risques et ferait un examen de novo et, par consé -
quent, outrepasserait ses fonctions au titre de l’article 11 du [mémo -

randum d’accord sur le règlement des différends]. En consééquence, le
pouvoir … d’examen d’un groupe spécial [autorise celui-ci] non pas à
déterminer si l’évaluation des risques effectuée par un membre de
l’OMC est correcte mais [à] déterminer si cette évaluation d▯es risques
est étayée par un raisonnement cohérent et des preuves scientifiques

respectables et est, en ce sens, objectivement justifiable.» (WT/DS320/
AB/R, p. 246, par. 589-590 ; les italiques sont de moi.)

Nous avons là un exposé détaillé de la raison d’être essentielle du critère
d’examen mis au point dans la jurisprudence que cite le défendeur élorsqu’il
se déclare d’accord pour retenir celui du caractère objectivemeént raison -
nable. L’organe d’appel prend bien soin de préciser qu’« un groupe spé -
cial ne peut pas [faire appel aux] experts pour aller au-delà de son mandat

limité en matière d’examen » mais
«peut demander [leur] aide afin d’identifier le fondement scientifiqueé
de la mesure … et de vérifier que ce fondement provient d’une

source compétente et respectée, [et ce,] qu’il représente des opiniéons
scientifiques minoritaires ou majoritaires » (ibid., p. 247, par. 592).

37. En dépit des différences que présentent ces deux affaires — l’une
portée devant l’organe d’appel de l’OMC, l’autre devant léa CIJ — en ce
qui concerne le droit applicable, la nature de la question en jeu et le
contexte de la genèse du différend, et nonobstant cette évideénce qu’une
décision de l’OMC ne saurait en aucun cas servir de précédenét au cas d’es -

pèce, il n’en existe pas moins entre elles un élément communé dont la Cour
peut tenir compte. Il réside en ceci que, lorsqu’une institution jéudiciaire se
livre à une évaluation juridique d’une question scientifique suér laquelle les
scientifiques eux-mêmes sont divisés, son pouvoir se trouve intrinsèque -
ment limité, et elle doit se garder d’outrepasser la compétenceé qui lui est
reconnue en matière d’administration du droit en se fourvoyant danés un

domaine allant au-delà de la fonction bien circonscrite qui est la sienne.
Ainsi, si l’organe judiciaire en cause était chargé d’examinéer l’évaluation

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8 CIJ1062.indb 315 18/05/15 09:29 chasse à la baleine déansl’antarctique (op. disés. owada) 316

des risques effectuée par l’Etat membre habilité à y procéder et que, pour
reprendre l’expression employée dans la jurisprudence de l’OMC,é il allait

«au-delà de ce mandat limité et agi[ssait] en tant qu’[évaluateur] des
risques, il substituerait son propre jugement scientifique à celui dué

responsable de l’évaluation des risques et ferait un examen de novo
et, par conséquent, outrepasserait ses fonctions » (WT/DS320/AB/R,
p. 246, par. 590).

Selon moi, c’est dans ce sens et dans ce contexte que la jurisprudencée
que constitue cette décision de l’OMC peut ici utilement servir deé réfé -
rence à la Cour, dont la fonction, en l’espèce, n’est pas «é de déterminer si
l’évaluation … effectuée … est correcte mais de déterminer si cette évalua -

tion … est étayée par un raisonnement cohérent et des preuves sciéenti -
fiques respectables et est, en ce sens, objectivement justifiable » (ibid.).

38. A mon sens, la Cour s’est ici fourvoyée en sortant de son contexteé
le critère du caractère objectivement raisonnable pour l’appliqéuer mécani -

quement dans un sens allant à l’encontre de son propos — c’est-à-dire
pour se livrer à une évaluation de novo des activités du défendeur. Selon
la convention, c’est à l’Etat qu’appartient au premier chef éle pouvoir de
déterminer les modalités d’exécution d’un programme de reécherche scien -
tifique et de délivrer des permis spéciaux en vue de telles recheréches ; ce

pouvoir, discrétionnaire, est soumis au processus d’examen et àé l’avis cri -
tique du comité scientifique de la CBI d’après le cadre régléementaire éta -
bli par cet instrument.
39. La notion de « caractère raisonnable » apparaît de temps à autre
dans la jurisprudence de la Cour. Selon moi, il n’est toutefois ni poéssible

ni utile de tenter de l’ériger en critère général de toute analyseé de fond.
Nul ne contestera la validité d’une telle notion qui, à l’inéstar de celle
d’«équité», constitue l’un des principes fondamentaux du droit interna -
tional, sinon du droit en général, mais son interprétation et son applica -
tion concrètes en tant que critère d’examen dépendront entièérement du

contexte dans lequel il s’agira d’en faire usage. Il s’agit noné pas d’un cri -
tère d’analyse de fond, mais de la pierre de touche par laquelle ééprouver
si une décision ou un acte sont « arbitraires» ou clairement « inoppor -
tuns ».
Dans l’affaire du Différend relatif à des droits de navigation et droits

connexes (Costa Rica c. Nicaragua), la Cour, se référant au grief du
demandeur (le Costa Rica) selon lequel le défendeur (le Nicaragua) avait
soumis ses droits de navigation sur le fleuve San Juan à des restrictions
«déraisonnables», avait précisé comme suit la nature de ce concept :

«La Cour note que le Costa Rica, à l’appui de sa thèse selon
laquelle l’action du Nicaragua est illicite, avance des élémentés de fait

visant à en démontrer le caractère déraisonnable en invoquanét l’inci -
dence prétendument disproportionnée des mesures en question. La

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8 CIJ1062.indb 317 18/05/15 09:29 chasse à la baleine déansl’antarctique (op. disés. owada) 317

Cour rappelle que, selon un principe général bien établi, c’éest au
Costa Rica qu’il incombe d’établir ces éléments (Délimitation mari -

time en mer Noire (Roumanie c. Ukraine), arrêt, C.I.J. Recueil 2009,
p. 86, par. 68, et affaires qui y sont citées). En outre, une juridiction
qui examine le caractère raisonnable d’une réglementation doit é
reconnaître que c’est à l’autorité de réglementation, éen l’occurrence à
l’Etat qui jouit de la souveraineté sur le fleuve, que revient la ▯responsa

bilité principale d’apprécier la nécessité de réglemen▯ter et, en se fon -
dant sur sa connaissance de la situation, de retenir à cette fin la m▯esure
qu’il estime la plus appropriée. Il ne suffit pas, pour contester ▯une
réglementation, d’affirmer en termes généraux qu’elle est▯ déraison -
nable ; pour qu’une juridiction fasse droit à une telle contestation,

des faits concrets et spécifiques doivent lui être présentés. »
(C.I.J. Recueil 2009, p. 253, par. 101 ; les italiques sont de moi.)

40. Le défendeur dans la présente instance se trouve, du point de vue é
juridique, dans une position similaire à celle du défendeur au regéard du
traité de 1858 en l’affaire du Différend relatif à des droits de navigation et
droits connexes (Costa Rica c. Nicaragua). Le dictum ci-dessus aurait
donc dû être applicable au cas d’espèce.

VII. Application du critèére d’examen au cas d’eéspèce

41. Ayant ainsi clarifié la portée de l’examen de la Cour, et le créitère à

appliquer aux fins d’évaluer les activités menées en vertu dée l’article VIII
dans le cadre de JARPA II, je n’entreprendrai pas de réfuter les conclusions
que la Cour a formulées dans l’arrêt sur la base de son analyseé de fond de
chacun des aspects concrets de la conception et de la mise en œuvre dée ce
programme, aux fins de déterminer, comme la Cour a cherché à le faire

dans la partie 3.B de la section II (arrêt, par. 127-227), s’ils peuvent être
tenus pour objectivement raisonnables. Se livrer à un tel exercice reévien -
drait selon moi à faire exactement ce dont la Cour aurait dû s’éabstenir au
regard de la convention, compte tenu de la nature fondamentale de celle-ci,
si manifeste dans son objet et dans son but, et en particulier compte tenu

de la structure juridique du régime de réglementation établi en veértu de la
convention, et — plus important encore — de la limitation inhérente aux
prérogatives de la Cour en tant qu’institution juridique dotée du pouvoir
de contrôle a posteriori qui est le sien dans le présent contexte.
42. Je voudrais néanmoins appeler l’attention de la Cour sur un point éde

droit, ayant trait à une question de principe qui intéresse l’eénsemble de
l’analyse de fond du programme JARPAII à laquelle se livre la Cour dans
la partie 3.B. Ma critique porte sur la manière dont la Cour a appliqué dansé
l’arrêt le critère du caractère objectivement raisonnable auéx fins de se pro -
noncer sur les activités concrètes menées dans le cadre de JARPéA II en

vertu de l’article VIII de la convention. Selon moi, le sens naturel et ordi -
naire de l’article VIII est clair : c’est au premier chef au gouvernement

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8 CIJ1062.indb 319 18/05/15 09:29 chasse à la baleine déansl’antarctique (op. disés. owada) 318

contractant qu’il incombe de délivrer des permis spéciaux autoréisant à tuer,
capturer et traiter des baleines en vue de recherches scientifiques. Il éy a dès

lors lieu de présumer — c’est là une forte présomption qui peut toutefois
être réfutée — que le gouvernement accordant de tels permis aura pris cette
décision non seulement de bonne foi, mais également après s’éêtre soigneu -
sement assuré que les activités envisagées seraient bien menéées en vue de
recherches scientifiques. Comme je l’ai maintes fois souligné, la éfonction de

la Cour, lorsqu’elle se livre à un examen judiciaire de l’exercéice d’un pou -
voir par un gouvernement contractant, est de déterminer si la déciésion prise
par ce gouvernement revêt un caractère objectivement raisonnable —é en
d’autres termes, si le programme de recherche est basé sur un raiséonnement
cohérent et sur des avis respectables d’experts scientifiques spéécialistes des
baleines, quand bien même ce programme n’emporterait pas l’adhéésion de

la majorité au sein de la communauté scientifique concernée.
43. Mais lorsque la Cour se penche en particulier sur la question des
prélèvements létaux de baleines, pivot de l’évaluation àé laquelle elle se
livre pour déterminer si le programme, dans sa conception et dans sa émise
en œuvre, peut être considéré comme objectivement raisonnablée, elle

semble appliquer le critère retenu d’une façon telle qu’elleé met à la charge
de la partie délivrant le permis l’obligation de démontrer que le recours à
ces prélèvements tel qu’envisagé dans le cadre du programme éest d’une
ampleur raisonnable et que ce programme peut donc être considéréé
comme véritablement mené « en vue de recherches scientifiques ».

44. Or, imposer à la partie qui délivre les permis spéciaux en vertéu des
dispositions de la convention des exigences aussi strictes va à l’éencontre
du sens naturel et ordinaire de l’article VIII, qui reconnaît à la partie
contractante le droit inconditionnel d’«accorder … [des] permis spécia[ux]
autorisant … à tuer, capturer et traiter des baleines en vue de recherches
scientifiques» dans le cadre du régime de réglementation établi en vertu

de la convention.
45. Dans le contexte du présent différend, et dès lors que l’oén applique
le critère du caractère objectivement raisonnable à l’aune déuquel la Cour,
dans son arrêt, entend déterminer si les activités visées onét été menées «en
vue de recherches scientifiques », c’est au demandeur et non au défendeur

qu’il devrait incomber de prouver, sur la base d’éléments créédibles, que
les activités menées par ce dernier dans le cadre de JARPA II ne consti -
tuent pas des activités «raisonnables» de recherche scientifique au sens de
l’article VIII de la convention, laquelle reconnaît a priori au défendeur le
pouvoir de délivrer des permis autorisant des activités en vue de érecherches

scientifiques. Or, selon moi, le demandeur n’a pas apporté la preuve que
les activités menées dans le cadre de JARPA II n’étaient pas des activités
scientifiques « raisonnables ».
46. Quant à moi, j’estime que les activités menées dans le cadreé de
JARPA II peuvent être considérées comme « raisonnables» aux fins de la
recherche scientifique. Certes, JARPA II est peut-être loin d’être parfait,

mais il ressort clairement des éléments de preuve qui ont étéé présentés à la
Cour que ce programme permet d’obtenir sur les petits rorquals certaiénes

96

8 CIJ1062.indb 321 18/05/15 09:29 chasse à la baleine déansl’antarctique (op. disés. owada) 319

informations scientifiques utiles, lesquelles se sont même révélées précieuses
pour les travaux du comité scientifique. L’intérêt scientifiéque que présentent

les activités menées dans le cadre de JARPA/JARPA II a ainsi été évoqué
par le président du comité scientifique, qui, en 2007, a jugé[« la contribution
du Japon à la recherche sur les cétacés en Antarctique … considérable, et
même cruciale» (contre-mémoire du Japon, annexe 207, vol. IV, p. 387).
Signalons encore qu’un important examen du programme JARPA II devant

être réalisé par la CBI dans le courant de l’année (2014), il était prématuré
d’en effectuer une évaluation complète (autre raison pour laéquelle la Cour
n’avait pas à se hâter de se prononcer). Si l’on ne disposeé pas encore d’éva -
luation spécifique de la contribution que représentent les recherches scient-i
fiques entreprises dans le cadre de JARPA II lui-même, on pouvait lire dans
le rapport du groupe de travail intersessions chargé d’examiner leés données

et les résultats obtenus dans le cadre de JARPA, qui présente biené des simi -
litudes avec son successeur, l’appréciation suivante :

«Les résultats de JARPA, s’ils ne sont pas nécessaires du point éde
vue de la RMP, sont susceptibles d’améliorer à [deux] égardsé la ges -
tion des petits rorquals dans l’hémisphère sud … Ils pourraient ainsi
permettre d’augmenter, sans aggraver le risque d’épuisement, leé
nombre de prises de petits rorquals autorisées dans l’hémisphèére sud,

au-delà du niveau indiqué par les essais de simulation de mise en
œuvre déjà réalisés pour ces petits rorquals. » (Rapport du groupe de
travail intersessions chargé d’examiner les données et les réésultats
obtenus dans le cadre de la chasse au petit rorqual dans l’Antarc -
tique au titre d’un permis spécial en vue de recherches scientifiques,

Tokyo, 4-8 décembre 2006 ; contre-mémoire du Japon, annexe 113,
vol. III, p. 201 ; les italiques sont dans l’original.)
En d’autres termes, le groupe de travail estimait que le programme

JARPA pouvait permettre d’obtenir des données statistiques précéieuses
susceptibles d’entraîner un réexamen de la limite des captures éde petits
rorquals fixée dans le cadre de la RMP.
47. Les données dont il est fait état dans ce rapport sont précisément
de l’ordre de celles considérées comme utiles dans la conventioén. L’ar -

ticle VIII de celle-ci « [r]econna[ît] qu’il est indispensable, pour assurer
une gestion saine et profitable de l’industrie baleinière, de rasséembler et
d’analyser constamment les renseignements biologiques recueillis àé l’occa -
sion des opérations des usines flottantes et des stations terrestreés » et dis-
pose que les « Gouvernements contractants prendront toutes les mesures

en leur pouvoir pour se procurer ces renseignements » (art. VIII, par. 4).
L’article V de la convention indique en outre que les modifications du
règlement « se fonder[ont] sur des données scientifiques » (art. V, par. 2),
et la disposition établissant le moratoire elle-même précise, comme je l’ai
dit plus haut, que celui-ci «sera régulièrement soumi[s] à un examen fondé
sur les meilleurs avis scientifiques » (règlement, par. 10 e)).

48. A la lumière de cette conclusion autorisée du comité scientifiqéue,
selon laquelle les activités de JARPA ont précisément permis d’éobtenir

97

8 CIJ1062.indb 323 18/05/15 09:29 chasse à la baleine déansl’antarctique (op. disés. owada) 320

certains de ces renseignements que les auteurs de la convention estimaieént

«indispensable[s] … pour assurer une gestion saine et profitable de l’in -
dustrie baleinière » (art. VIII, par. 4), il est difficile de saisir en quoi les
activités menées dans le cadre de JARPA puis de JARPA II peuvent être
considérés comme « déraisonnables ».

VIII. Conclusion

49. En conclusion, je voudrais insister sur le fait que la question cru -
ciale en l’espèce consistait uniquement à savoir si le programmée JARPA II

était bien mené « en vue de recherches scientifiques ». Il ne s’agissait pas
pour la Cour de déterminer s’il constitue un programme de recherchée
scientifique idéal pour réaliser l’objet et le but de la convenétion, question
qui est du ressort du comité scientifique. Il se peut que le programmée
JARPA II soit loin d’être parfait pour atteindre un tel objectif et doivée,

dans cette optique, être amélioré. Il serait sans doute utile dée le soumettre
à une évaluation critique dans le cadre du processus d’examen, aux fins
d’ajuster ou de revoir du tout au tout les activités de recherche qu’il
recouvre pour assurer leur conformité aux prescriptions du cadre réégle -
mentaire mis en place par la convention. Reste que la Cour ne peut

s’appuyer sur de telles critiques pour affirmer que les activités menées
dans le cadre du programme ne sont pas raisonnables aux fins de la
recherche scientifique. JARPA II n’est peut-être pas dépourvu de défauts
en tant que programme mené en vue de recherches scientifiques, mais céela
ne suffit pas à en faire un programme de chasse commerciale à la ébaleine.

Et ce n’est certainement pas ce qui pouvait fonder la Cour à concléure à la
nécessité pour «le Japon [de] révoquer tout permis, autorisation ou licence
déjà délivré dans le cadre de JARPA II » (arrêt, dispositif, point 7,
par. 247).

(Signé) Hisashi Owada.

98

8 CIJ1062.indb 325 18/05/15 09:29

Bilingual Content

301

DISSENTING OPINION OF JUDGE OWADA

1. To my greatest regret, I cannot associate myself with the present
Judgment in terms of the conclusions stated in paragraphs 2, 3, 5 and 7 of
its operative part, as well as the reasoning stated in the reasoning parét.
My disagreement lies with the understanding of the Judgment on the

basic character of the International Convention for the Regulation of
Whaling (hereinafter “the Convention”), with the methodology theé Judg -
ment employs for interpreting and applying the provisions of the Conven-
tion, and thus with a number of conclusions that it reaches.
2. In this opinion, I shall try to deal with some of the salient aspects ofé

these points of disagreement. In view of the fundamental disagreement oné
some basic points, I shall be setting out my understanding on these poinéts
to clarify the differences that I have with the Judgment, rather than éfocus -
ing on each and every concrete point on which I disagree.

I. Jurisdiction of the Coéurt

3. With regard to jurisdiction, while I maintain certain reservations on
some aspects of the reasoning of the Judgment, I am not going to discussé

this issue in this opinion, inasmuch as I have concurred with the conclué -
sion of the Judgment that the Court has jurisdiction in this case. I wiséh,
however, to place on record my reservation that under the somewhat
unfortunate procedural circumstances, the Parties were not provided in
the proceedings with ample opportunities to develop their respective

arguments on the issue of jurisdiction, with the result that I could noté but
come to the conclusion that the Respondent has not succeeded in estab -
lishing that the Court lacks the jurisdiction to hear the present case uénder
the Optional Clause declarations of the two Parties.

II. The Object and Purpose oéf the Convention

4. It is my view that this case has come to present controversies on which
the opinions of Judges have come to be divided, mainly due to the difference

between the Parties on the perceived evolution in the situation surrounding
whales and whaling that has come to emerge during the period between theé
time when the Convention was concluded and the present. A discrepancy iné
perception has come to develop between two opposing views. It is argued éon
the one hand that there has been an evolution in the economic-social vista

of the world surrounding whales and whaling over the years since 1946, aénd

79

8 CIJ1062.indb 286 18/05/15 09:29 301

OPINION DISSIDENTE DE M. LE JUGE OWADA

[Traduction]

1. A mon plus grand regret, je ne puis m’associer au présent arrêté en ce
qui concerne les conclusions exposées aux points 2, 3, 5 et 7 du dispositif
et le raisonnement correspondant. Mon désaccord porte sur l’interpérétation
de la nature fondamentale de la convention internationale pour la régle -

mentation de la chasse à la baleine (ci-après « la convention») qu’y déve-
loppe la Cour, sur la méthode qu’elle emploie pour en interprétéer et en
appliquer les dispositions et, par voie de conséquence, sur plusieurs des
conclusions auxquelles elle parvient.
2. Dans la présente opinion, je m’attacherai à expliquer ces pointés de

divergence dans leurs grandes lignes. Comme je suis en désaccord fonda -
mental avec la majorité sur certaines questions de fond, j’exposeréai l’in -
terprétation que j’en fais en vue d’expliciter les raisons qui ém’amènent à
me dissocier de l’arrêt, sans m’attarder sur chacun des aspectsé précis qui
me posent problème.

I. Compétence de la Cour

3. En ce qui concerne la compétence, si je maintiens certaines réservées à
l’égard de l’un ou l’autre aspect du raisonnement suivi dansé l’arrêt, je

m’abstiendrai de les développer ici, dans la mesure où je fais mienne la
conclusion de la Cour affirmant sa compétence en l’affaire. Je édéplore
néanmoins, et tiens à le faire savoir, que, en raison de circonstaénces procé -
durales pour le moins malheureuses, les Parties n’aient pas, en la préésente
instance, eu tout le loisir de développer leurs arguments respectifs ésur la

question de la compétence, de sorte que je n’ai pu faire autrementé que de
conclure que le défendeur n’était pas parvenu à démontreré que la Cour
était incompétente pour connaître de la présente affaire aéu titre des décla -
rations faites par les deux Parties en vertu de la clause facultative.

II. Objet et but de la convéention

4. Selon moi, les points de controverse que présente cette affaire et équi
en sont venus à diviser la Cour tiennent essentiellement aux divergenéces

entre les Parties quant aux changements intéressant les baleines et léa
chasse à la baleine qui se seraient produits depuis l’adoption de éla conven -
tion. A cet égard, deux points de vue s’opposent. Le premier consiéste à
soutenir que la perception socio-économique, au sein de la communauté
internationale, de la question des baleines et de la chasse à la baleéine a

évolué depuis 1946 et que cet élément doit être pris en compte dans

79

8 CIJ1062.indb 287 18/05/15 09:29 302 whaling in the antarcétic (diss. op. owada)

that this is to be reflected in the interpretation and the applicationé of the
Convention. It is argued, on the other hand, that the juridico-institutional

basis of the Convention has not changed since it was drafted, based as iét was
on the well-established principles of international law relating to the conser -
vation and management of fishing resources, including whales, and that téhis
basic character of the Convention should essentially be maintained. Thisé to
my mind is the fundamental divide that separates the legal positions of the

Applicant, Australia, and New Zealand as an intervener under Article 63 of
the Statute, and that of the Respondent, Japan.
5. In order to have a proper understanding of the dispute, therefore,
one has to look to the essential characteristics of the legal régime created
under the Convention, in light of its object and purpose.
6. The history of modern whaling dates back to the nineteenth cen -

tury, when many nations of the world, including in particular the Unitedé
States and Great Britain, were actively participating in catching and kill -
ing whales in the oceans, primarily for their oil which was indispensablée
in those days for civilized urban people who depended upon oil extractedé
from whales for their lighting. In the days when natural resources of thée

sea, especially fishing resources, were thought to be inexhaustible, ramé -
pant taking and slaughtering of whales went unchecked all over the
world, motivated primarily by the desire for economic gains. Concern
about overfishing led whaling nations of the world to conclude the Interé -
national Agreement for the Regulation of Whaling of 1937, in order to

regulate whaling and avoid the depletion of whale stocks. This agree -
ment, however, turned out to be less than effective, lacking a strong éregu-
latory régime on whaling, except for a system basically of monitoringé
whale catches. It was against such a state of affairs that the Conventéion
of 1946 came to be concluded in order to improve this devastating situa -
tion which came to threaten the sustainability of whale stocks and thus é

the viability of the whaling industry. The basic objective to be attaineéd in
concluding this Convention was “to develop a sound conservation pro -
gram which [will] maintain an adequate and healthy breeding stock”
(Chair Mr. Kellogg, International Whaling Conference, Minutes of the
Second Session, 1946, p. 13, para. 137), by calling for a halt to further

overfishing of certain whale stocks that were being depleted.

7. The object and purpose of the Convention is to be understood in the
context of this situation. It is clearly enunciated in its Preamble. Theé objec-
tives of the Convention are listed in its Preamble in the following wordés:

“The [Contracting] Governments
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . é . . . . . . . . . . . . . .

Considering that the history of whaling has seen overfishing of one
area after another and of one species of whale after another to such
a degree that it is essential to protect all species of whales from furtéher
overfishing ;

80

8 CIJ1062.indb 288 18/05/15 09:29 chasse à la baleine déansl’antarctique (op. disés. owada) 302

l’interprétation et l’application de la convention. Le second céonsiste à

affirmer que le cadre juridico-institutionnel fixé par celle-ci n’a pas changé
depuis cette même date, cet instrument se fondant sur des principes béien
établis de droit international relatifs à la conservation et à éla gestion des
ressources halieutiques, y compris baleinières, et que cette nature fonda -
mentale de la convention doit pour l’essentiel être préservéée. Tel est, selon

moi, le clivage juridique fondamental qui sépare la position juridiquée du
demandeur, l’Australie, et de la Nouvelle-Zélande, Etat intervenant au
titre de l’article 63 du Statut, de celle du Japon, Etat défendeur.
5. Pour bien comprendre le différend, il convient donc d’analyser lées
caractéristiques essentielles du régime juridique établi par laé convention,

à la lumière de son objet et de son but. e
6. L’histoire de la chasse à la baleine moderne remonte au XIX siècle :
nombre de nations du monde entier, et, en particulier, les Etats-Unis et la
Grande-Bretagne, participaient alors activement à la capture et à la miseé
à mort de baleines, prisées essentiellement pour leur huile, indisépensable

au mode de vie urbain civilisé, et notamment à l’éclairage dées particuliers.
A une époque où les ressources naturelles des océans, et en partiéculier les
ressources halieutiques, étaient tenues pour inépuisables, les baléeiniers se
livraient partout à cette chasse de manière effrénée, essentiellement pous -
sés par l’appât du gain. Les préoccupations suscitées paré cette exploita -

tion excessive conduisirent les nations baleinières à conclure l’éaccord
international pour la réglementation de la chasse à la baleine de é1937, afin
de réglementer cette pratique et d’éviter l’épuisement deés stocks de
baleines. Cet accord devait toutefois se révéler pour le moins ineéfficace
car, s’il prévoyait un mécanisme consistant essentiellement àé surveiller les

prises, il n’établissait pas de régime rigoureux de réglemenétation de la
chasse. C’est dans ce contexte que fut adoptée la convention de 1946, en
vue de remédier à une situation désastreuse qui en était venéue à compro -
mettre la capacité de renouvellement des stocks de baleines et, partaént, la
pérennité de l’industrie baleinière. L’objectif essentielé était «d’élaborer un

programme fiable de conservation qui permettra[it] de préserver un stéock
reproducteur suffisant et sain » (M. Kellogg, président de la conférence
internationale sur la chasse à la baleine (IWC), procès-verbal de la
2e séance, IWC, 1946, p. 13, par. 137), en appelant à ce que cesse l’exploi -
tation excessive de certains stocks de baleines déclinants.

7. C’est donc dans ce contexte que doivent être appréhendés l’éobjet et
le but de la convention. Le préambule en fait clairement état, quié expose
ainsi les objectifs de cet instrument :

«Les gouvernements [contractants]
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . é . . . . . . . . . . . . . .
Considérant que, depuis son début, la chasse à la baleine a donné

lieu à l’exploitation excessive d’une zone après l’autre éet à la destruc -
tion immodérée d’une espèce après l’autre, au point oùé il est essentiel
de protéger toutes les espèces de baleines contre la poursuite d’éune
[telle] exploitation ;

80

8 CIJ1062.indb 289 18/05/15 09:29 303 whaling in the antarcétic (diss. op. owada)

Recognizing that the whale stocks are susceptible of natural

increases if whaling is properly regulated, and that increases in the
size of whale stocks will permit increases in the number of whales
which may be captured without endangering these natural resources ;

Recognizing that it is in the common interest to achieve the opti -
mum level of whale stocks as rapidly as possible without causing
widespread economic and nutritional distress ;

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . é . . . . . . . . . . . . . .

Desiring to establish a system of international regulation for the
whale fisheries to ensure proper and effective conservation and devel -
opment ;

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . é . . . . . . . . . . . . . .
Have agreed as follows : . . .” (Preamble, paras. 3, 4, 5, 7.)

8. In explaining the purpose and objectives of the Convention, the
Chair of the Conference, Mr. Kellogg, stated as follows :

“The Preamble, as is customary, explains the purpose and the
objectives of the Convention . . . The Preamble also points out spe -

cifically and primarily that the purpose of this Convention is to
develop a sound conservation programme which will maintain an
adequate and healthy breeding stock. By restoring depleted stocks,
as, for instance, the blue whale and the humpbacked whale, and by
wise management of the existing stocks a maximum sustained yield

of this natural resource can be assured. That, in a few words, is the
general intent of the Preamble.” (Minutes of the Second Session,
IWC, 1946, p. 13, para. 137.)

9. It is clear from this that the object and purpose of the Convention is
to pursue the goal of achieving the twin purposes of the sustainability of
the maximum sustainable yield (“MSY”) of the stocks in question éand the

viability of the whaling industry. Nowhere in this Convention is to be
found the idea of a total permanent ban on the catch of whales. That thiés
was not the intention of the 1982 proposal for a moratorium can be con -
firmed by the Verbatim Record of the International Whaling Commission
which voted for the Moratorium (IWC 34th Annual Meeting,

19-24 July 1982, pp. 72-86). In introducing this proposal, the Chairman
of the Technical Committee stated :

“[The sponsor of the proposal] regards the whales as a trust for the é
future and has looked for rational management, but this has been
difficult to attain. There is scientific uncertainty and lack of data, é
some of which are not fully available. Recognizing the disruption to

the whaling industry and the communities involved it proposed a

81

8 CIJ1062.indb 290 18/05/15 09:29 chasse à la baleine déansl’antarctique (op. disés. owada) 303

Reconnaissant qu’une réglementation appropriée de la chasse àé la

baleine serait de nature à assurer un accroissement naturel des stockés
de baleines, ce qui permettrait d’augmenter le nombre de baleines
pouvant être capturées sans compromettre ces ressources naturellesé;

Reconnaissant qu’il est dans l’intérêt commun de faire en soérte
que les stocks de baleines atteignent leur niveau optimal aussi rapide-
ment que possible, sans provoquer une pénurie plus ou moins généé -
ralisée sur les plans économique et alimentaire ;
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . é . . . . . . . . . . . . . .

Désirant instituer un système de réglementation internationale éde
la chasse à la baleine qui soit de nature à assurer d’une manièére
appropriée et efficace la conservation et l’accroissement [des stéocks
de baleines] ;

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . é . . . . . . . . . . . . . .
Sont convenus des dispositions suivantes : …» (Préambule, par. 3,
4, 5, 7.)

8. A propos de l’objet et des buts de la convention, M. Kellogg, pré -
sident de la conférence, s’exprima en ces termes :

«Le préambule, comme il est d’usage, expose la finalité et les
objectifs de la convention … Par ailleurs, il souligne expressément et

avant tout que cette convention a pour objet d’élaborer un pro -
gramme fiable de conservation qui permettra de préserver un stock
reproducteur suffisant et sain. Grâce à la reconstitution des peuéple -
ments déclinants, tels que, notamment, les baleines bleues et les
baleines à bosse, et à une gestion avisée des populations existéantes,

un rendement maximal de renouvellement pourra être assuré. Voilà,
en quelques mots, l’intention générale du préambule.» (Procès-verbal
de la 2e séance, IWC, 1946, p. 13, par. 137.)

9. Il en ressort clairement que, pour ce qui est de son objet et de son
but, la convention poursuit une double finalité, consistant à la féois à assu -
rer à long terme le rendement maximal de renouvellement (RMR) des

stocks en question et à garantir la pérennité de l’industrieé baleinière.
Nulle part dans la convention il n’est fait allusion à une interdiéction totale
et définitive de la chasse à la baleine. Le procès-verbal de la réunion de la
commission baleinière internationale (CBI), à l’issue de laquéelle fut
adopté ce moratoire, vient confirmer que telle n’était pas l’intention des
e
auteurs de la proposition de moratoire avancée en 1982 (CBI, 34 réunion
annuelle, 19-24 juillet 1982, p. 72-86). Voici en effet ce qu’a déclaré, en
l’introduisant, le président du comité technique :

«[L’auteur de la proposition], voyant dans les baleines une res -
source d’avenir, a cherché à mettre au point un mode de gestioné
rationnel, objectif difficile à atteindre. D’un point de vue scieéntifique,
certaines incertitudes demeurent, et les données ne sont pas toujoursé

pleinement disponibles. Eu égard aux problèmes occasionnés pouré

81

8 CIJ1062.indb 291 18/05/15 09:29 304 whaling in the antarcétic (diss. op. owada)

phasing out over a fixed period of time during which there would be
a diminution of whaling and catches based on scientific advice. This

took the form of a new clause to paragraph 10 of the Schedule which
has the effect of introducing a three-year period for the industry to
accommodate, noting that block quotas will end in 1985.” (Verbatim
Record, IWC 34th Annual Meeting, 19-24 July 1982, p. 72.)

10. The concept of “conservation of fisheries resources” contains the é

element of “maximum/optimum sustainable yield” as its integral parét as
employed in the Convention. This is in line with the accepted approach téo
high-sea fisheries in general, which is well-established in the contempo -
rary international law on fisheries. For example, the 1958 Geneva Con -
vention on Fishing and Conservation of the Living Resources of the High é
Seas defines the term “conservation of the living resources of the hiégh

seas” as “the aggregate of the measures rendering possible the optimum
sustainable yield from those resources so as to secure a maximum supply of
food and other marine products” (Art. 2 ; emphasis added).

11. It is therefore of cardinal importance that the Court understands
this object and purpose of the Convention in its proper perspective, whiéch

defines the essential characteristics of the régime established underé the
Convention. In this sense, the proper grasp of the essential characteristics
of the régime created by the Convention should be the starting-point that
constitutes the key to the proper understanding of the precise nature anéd
structure of the regulatory régime contained in the concrete provisioéns of
the Convention, and the legal scope of the rights and obligations pre -

scribed for a contracting State engaging in scientific activities under éArti-
cle VIII as its central element.
12. In other words, the present Judgment has failed in my view to
engage in analysing the essential characteristics of the régime of thée Con-
vention. The Judgment in its subsection on “General Overview of the
Convention” (paras. 42-50), does no more than reproduce what is con -

tained in the provisions of the Convention, without trying to analyse thée
raison d’être of the Convention as reflected in its Preamble, except foér the
laconic statement that “[t]he functions conferred on the Commission héave
made the Convention an evolving instrument” (Judgment, para. 45 ;
emphasis added). It does not specify what this implies. Any internationéal
agreement can be evolving inasmuch as it is susceptible to modification é

by the agreement of the parties. The fact that the Commission is given téhe
power to adopt amendments to the Schedule as an integral part of the
Convention, which can become binding upon those States parties which
do not raise an objection, and that the Commission has amended the
Schedule many times in this sense would not support the thesis that the

Convention is an “evolving instrument” as such. The Convention is not
malleable as such in the legal sense, according to the changes in the sur -
rounding socio-economic environments.

82

8 CIJ1062.indb 292 18/05/15 09:29 chasse à la baleine déansl’antarctique (op. disés. owada) 304

l’industrie baleinière et les parties prenantes, il a proposé de ramener

progressivement les prises à zéro, sur une période donnée, eén dimi -
nuant la chasse et le nombre de captures sur la base d’avis scienti -
fiques. Cela s’est traduit par l’ajout d’une nouvelle clause au
paragraphe 10 du règlement, ayant pour effet de ménager une période
de trois ans devant permettre à l’industrie de s’ajuster ; il y est précisé

que le sestème de quotas totaux prendra fin en 1985. » (Procès-verbal
de la 34 séance, IWC, 19-24 juillet 1982, p. 72.)

10. La notion de « rendement maximal/optimal de renouvellement »
telle qu’employée dans la convention fait partie intégrante de él’objectif de
«conservation des ressources halieutiques», ce qui, du reste, est conforme
à l’approche admise en matière de pêche hauturière en géénéral, bien éta -
blie dans le droit international contemporain en matière de pêche.é Ainsi,

en 1958, la convention de Genève sur la pêche et la conservation dées res -
sources biologiques de la haute mer définissait le concept de « conserva-
tion des ressources biologiques de la haute mer » comme « l’ensemble des
mesures rendant possible le rendement optimal constant de ces ressources,
de façon à porter au maximum les disponibilités en produits mar▯ins, alimen -
taires et autres » (art. 2 ; les italiques sont de moi).

11. Il est donc essentiel que la Cour interprète l’objet et le but de éla
convention en les replaçant dans leur juste perspective, c’est-à-dire en
tenant compte des caractéristiques essentielles du régime mis en place par
la convention. Il importe en premier lieu de bien comprendre ces caracté -
ristiques pour être en mesure de saisir la structure et la nature exaéctes du

régime de réglementation établi par les dispositions concrètées de la
convention, ainsi que la portée juridique des droits et obligations iéncom-
bant aux Etats contractants qui se livrent à des activités scientifiques en
vertu de l’article VIII, élément central dans la définition de ce régime.

12. Or, selon moi, la Cour n’a pas dans son arrêt analysé les caracétéris -
tiques essentielles de ce dernier. Dans la partie consacrée à la «é[p]résenta-
tion générale de la convention» (par. 42-50), elle se contente de reproduire
le libellé de ses dispositions, sans tenter d’analyser la raison d’être de cet
instrument, telle que reflétée dans son préambule. Elle se boérne à ce com-
mentaire laconique : « Du fait des fonctions conférées à [la commission

baleinière internationale], la convention est un instrument en constante
évolution» (arrêt, par. 45 ; les italiques sont de moi), mais ne précise pas
les conséquences qu’elle en tire. Or, tout accord international esét suscep -
tible d’évoluer dans la mesure où il peut être modifié si les parties s’en -
tendent à cet effet. Que la commission soit habilitée à apporéter des

modifications au règlement, lequel fait partie intégrante de la coénvention,
modifications qui peuvent, en l’absence d’objection de la part desé Etats
parties, leur devenir opposables, et que la commission ait ainsi modifiéé le
règlement à maintes reprises, ne prouve pas en soi que la conventiéon soit
«en constante évolution » en tant que telle. La convention n’est pas, par
nature, un instrument malléable sur le plan juridique, censé évéoluer au gré

des mutations socio-économiques.

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8 CIJ1062.indb 293 18/05/15 09:29 305 whaling in the antarcétic (diss. op. owada)

III. The Essential Characteéristics of the Regulaétory
Régime under the Conventéion

13. For the purpose of understanding the essential characteristics of
the régime established under the Convention, the structure of the Coné -
vention has to be analysed in somewhat greater detail. It can be summa -
rized roughly as follows :

(1) the Contracting Governments have created an International Whaling
Commission (hereinafter “IWC”) as its executive organ (Art.III). The
IWC can take a decision by a three-fourths majority, if action is

required in pursuance of Article V;

(2) under Article V, the IWC may amend the provisions of the Schedule,
which forms an integral part of the Convention (Art. I), by adopting
regulations with respect to the conservation and utilization of whale

resources (Art. V, para. 1), with the conditions that these amendments
of the Schedule, inter alia, (a) shall be such as are necessary to carry
out the objectives and purposes of the Convention and to provide for
the conservation, development, and optimum utilization of the whale
resources ;(b) shall be based on scientific findings; and (c) shall take

into consideration the interests of the consumers of whale products
and the whaling industry (Art. V, para. 2). Each of such amendments
shall become effective with respect to those Contracting Governments
which have not presented objection, but shall not be effective with
respect to a Government which has so objected until such date as the
objection is withdrawn (Art. V, para. 3);

(3) the IWC may also make recommendations to any or all Contracting
Governments on any matters which relate to whales or whaling and
to the objectives and purposes of the Convention (Art. VI);

(4) notwithstanding anything contained in the Convention, a Contract -

ing Government may grant to any of its nationals a special permit
authorizing that national to kill, take and treat whales for purposes
of scientific research, subject to such restrictions as to number, and
subject to such other conditions as the Contracting Government
thinks fit, and the killing, taking and treating of whales in accordanceé

with the provisions of ArticleVIII shall be exempt from the operation
of the Convention (Art. VIII, para. 1).

14. It seems fair to conclude from what has been summarized above
that the Convention has created a kind of self-contained regulatory
régime on whales and whaling — somewhat comparable to the self-
contained system of an intergovernmental international organization withé
its own administrative autonomy— equipped with its regulatory régime for

matters within the purview of its jurisdiction. It goes without saying téhat
such a system providing for the autonomy of the parties, while created

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8 CIJ1062.indb 294 18/05/15 09:29 chasse à la baleine déansl’antarctique (op. disés. owada) 305

III. Les caractéristiquesé essentielles du régiéme de réglementation
mis en place par la convéention

13. Pour bien comprendre les caractéristiques essentielles du régiéme
établi par la convention, il convient d’analyser plus en détailé l’économie
générale de cet instrument. Celle-ci peut globalement se résumer comme
suit :

1) les gouvernements contractants ont créé une commission baleinièére
internationale (ci-après la « commission» ou la « CBI») en tant qu’or -
gane exécutif (art. III). La commission peut prendre des décisions à la

majorité des trois quarts, si les modifications prévues à l’éarticle V sont
nécessaires ;
2) aux termes de l’article V, la commission peut modifier les dispositions
du règlement qui est annexé à la convention et en fait partie iéntégrante
(art. premier) en adoptant des dispositions au sujet de la conservatioén

et de l’utilisation des ressources baleinières (art. V, par. 1), sous réserve,
notamment, que ces modifications du règlement a) s’inspirent de la
nécessité d’atteindre les objectifs et les buts de la conventioén et d’assu -
rer la conservation, le développement et l’utilisation optimale deés res-
sources baleinières ; b) se fondent sur des données scientifiques ; et

c) tiennent compte des intérêts des consommateurs de produits tiréés
de la baleine et des intérêts de l’industrie baleinière (arét. V, par. 2).
Chacune de ces modifications entre en vigueur à l’égard de tousé les
gouvernements contractants qui n’ont pas présenté d’objectioén, cepen -
dant que, à l’égard d’un gouvernement qui en a présentéé, elle n’entre
en vigueur qu’après le retrait de l’objection (art. V, par. 3) ;

3) la commission peut également formuler, à l’intention de l’uné quel -
conque ou de tous les gouvernements contractants, des recommanda -
tions à propos de questions ayant trait soit aux baleines et à la chasse
à la baleine, soit aux objectifs et aux buts de la convention (art. VI) ;
4) nonobstant toute disposition contraire de la convention, un gouverne -

ment contractant peut accorder à l’un quelconque de ses ressortisséants
un permis spécial autorisant l’intéressé à tuer, captureré et traiter des
baleines en vue de recherches scientifiques sous réserve de restrictiéons
concernant le nombre de ces baleines et de telles autres conditions que é
le gouvernement en question jugera opportunes, les baleines pouvant,

dans ce cas, être tuées, capturées ou traitées conformémeént aux prévi -
sions de l’article VIII sans qu’il y ait lieu de se conformer aux autres
dispositions de la convention (art. VIII, par. 1).

14. Il semble légitime de conclure de ce bref aperçu que, concernant léa
réglementation de la question des baleines et de la chasse à la baéleine, la
convention a établi un régime se suffisant à lui-même — assez comparable
à celui d’une organisation intergouvernementale internationale dotéée de
sa propre autonomie administrative et d’un mécanisme de contrôlée cou -

vrant les questions relevant de sa compétence. Néanmoins, il va saéns dire
qu’un tel système laissant leur autonomie aux parties, bien qu’éétabli

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8 CIJ1062.indb 295 18/05/15 09:29 306 whaling in the antarcétic (diss. op. owada)

inter se, is not free from the process of judicial review by the Court in
accordance with the power given to it for interpreting and applying its é

constitutional document, namely, the Convention.
15. Within this self-contained regulatory régime, no power of decision-
making by a majority is given to the IWC automatically to bind the
Contracting Parties, except through a mechanism of consent to be given
by each of the Parties as specified in Article V, paragraph 3. In this regu -

latory régime created by the Parties, no amendments to the Schedule wéill
become effective in relation to the Contracting Party who objects to téhe
amendments in question. Nor can any recommendation adopted by the
IWC acquire a binding character in relation to a Contracting Party.

16. Following the 1982 meeting of the IWC, when an amendment pro -

posed by the Seychelles and supported by Australia and several other
member States was adopted, amending paragraph 10 of the Schedule to
ban commercial whaling of all species beginning in the 1985-1986 season,
Japan did eventually exercise this right to raise objection under Articlée V,
which it later withdrew under pressure from the United States. The argu -

ment advanced with regard to this situation by the Applicant, and devel -
oped further by the Intervener, that the Convention has gone through an é
evolution during these 60 years in accordance with the change in the envi -
ronment surrounding whales and whaling, and especially in the growth in é
the community interest of the world that whales be preserved as preciousé

animals, would seem to be an argument that would be tantamount to an
attempt to change the rules of the game as provided for in the Conven -
tion and accepted by the Contracting Parties in 1946. (The argument
could be qualitatively different, if it were advanced on the ground, béased
on scientific evidence, that whales were being overfished to severe deplée -
tion or even extinction and that therefore precautionary measures would

have to be taken to prevent this happening — an argument which would
legitimately fall within the ambit of the Convention. It is my understanéd -
ing, however, that such an argument has not been seriously advanced by
the Applicant with supporting credible scientific evidence in the presenét
case.)

17. The Respondent claims that, faced with this new situation of the
adoption of a moratorium on whaling for commercial purposes, it became
necessary for the Respondent to advance a programme of activities for
purposes of scientific research so that scientific evidence could be colé -

lected for the consideration of the IWC (or its Scientific Committee),é with
a view to enabling the IWC to lift or review the moratorium, which pro -
fessedly was a measure adopted to be of not unlimited duration and sub -
ject to future review. The moratorium explicitly provided that the
provision setting catch limits at zero “will be kept under review, based
upon the best scientific advice, and by 1990 at the latest the Commissioén

will undertake a comprehensive assessment of the effects of this decision
on whale stocks and consider modification of this provision and the

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8 CIJ1062.indb 296 18/05/15 09:29 chasse à la baleine déansl’antarctique (op. disés. owada) 306

inter se, ne peut échapper au contrôle judiciaire de la Cour, au vu du
pouvoir conféré à celle-ci d’interpréter et d’appliquer la convention por -

tant création de ce système.
15. Dans le cadre de ce régime autonome, la commission n’a pas le
pouvoir de prendre à la majorité des décisions qui puissent s’éimposer
automatiquement aux parties contractantes, si ce n’est en vertu d’éune
forme de consentement telle que spécifiée au paragraphe 3 de l’ar -

ticle V. Toujours dans le cadre de ce régime de réglementation créé par les
parties, aucune modification du règlement n’entre en vigueur à l’égard
d’une partie contractante si celle-ci y a formulé une objection, aucune
recommandation adoptée par la commission ne pouvant par ailleurs
acquérir force contraignante à l’égard d’une partie contréactante.
16. A la suite de la réunion tenue en 1982 par la CBI, marquée par

l’adoption d’une modification du paragraphe 10 du règlement proposée
par les Seychelles et appuyée, entre autres Etats membres, par l’Aéustralie,
dont l’effet était d’interdire la chasse commerciale de touteés les espèces à
compter de la saison de chasse 1985-1986, le Japon a bien exercé son édroit
d’objection prévu à l’article V, avant de retirer son objection sous la pres -

sion des Etats-Unis. Accepter l’argument avancé par le demandeur et
développé plus avant par l’Etat intervenant, faisant valoir l’éévolution
qu’aurait connue la convention au cours de ces soixante dernières éannées
à mesure que se modifiait la perception de la question des baleines eét de
la chasse à la baleine, et que se renforçait, au sein de la communéauté, le

sentiment de la nécessité d’assurer la préservation des baleéines en tant
qu’espèces revêtant une valeur particulière, reviendrait semble-t-il à chan -
ger la règle du jeu fixée par la convention et acceptée par lesé parties
contractantes en 1946. (L’argument serait qualitativement différent, s’il
s’agissait de montrer, sur la base de données scientifiques, qu’éune exploi -
tation excessive serait en train de mener à un épuisement des stocéks de

baleines lourd de conséquences, voire à l’extinction d’espèéces données, et
que, pour cette raison, des mesures préventives s’imposeraient àé titre de
précaution — un argument qui relèverait à bon droit du champ de la
convention. Toutefois, il me semble qu’aucun argument de cette natureé
n’a sérieusement été plaidé par le demandeur, preuve scieéntifique crédible

à l’appui, en la présente espèce.)
17. Le défendeur soutient que, face à la situation créée par l’éadoption
d’un moratoire sur la chasse à la baleine à des fins commercialées, il s’est
vu contraint de présenter un programme d’activités menées àé des fins de
recherche scientifique pour pouvoir recueillir et soumettre à l’exéamen de

la commission (ou de son comité scientifique) des données scientéifiques
destinées à permettre à cette dernière de lever ou de reconséidérer le mora -
toire qui, théoriquement, était une mesure temporaire et sujette àé réexa -
men. En effet, il avait expressément été précisé que laé disposition fixant à
zéro le nombre maximal de captures « sera[it] régulièrement soumise à un
examen fondé sur les meilleurs avis scientifiques et [que], d’ici 1990 au

plus tard, la commission procédera[it] à une évaluation exhaustive des
effets de cette mesure sur les populations de baleines et envisagera[iét] le

84

8 CIJ1062.indb 297 18/05/15 09:29 307 whaling in the antarcétic (diss. op. owada)

establishment of other catch limits” (Schedule, para. 10 (e)). It would
seem difficult to see anything wrong in the Respondent’s course of aéction.

18. Setting aside passing judgment on this argument of the Respond-
ent, it is to be noted that the Convention prescribes that

(1) “[the] amendments of the Schedule . . . shall be such as are nec -
essary to carry out the objectives and purposes of [the] Conven -
tion and to provide for the conservation, development, and
optimum utilization of the whale resources ; [and] shall be based

on scientific findings [and]
(2) any Contracting Government may grant to any of its nationals a
special permit authorizing that national to kill, take and treat
whales for purposes of scientific research” (Art. V, para. 2, and
Art. VIII, para. 1).

In this sense what the Respondent embarked upon under JARPA
and JARPA II is prima facie to be regarded as being in conformity with
the Convention and the revised Schedule, including its subpara -

graph 10 (e).
Thus the whole question of the legality of the whaling activities of
Japan under JARPA, and JARPA II as its continuation, has come to
hinge upon the question of whether these activities of the Respondent
could fall under the activities “for purposes of scientific research”é within

the meaning of Article VIII of the Convention.

IV. The Interpretation of AérticleVIII

19. The essential character of the Convention as examined above lies

in the fact that the Contracting Parties have created a self-contained regu -
latory régime for the regulation of whales and whaling. The prescriptéion
contained in Article VIII of the Convention in my view is one important
component of this regulatory régime. It would be wrong in this sense éto
characterize the power recognized to a Contracting Party to grant to itsé

nationals special permits “to kill, take and treat whales for purposeés of
scientific research” (Convention, Art. VIII, para. 1) as nothing else than
an exception to the regulatory régime established by the Convention —
namely as an exception recognized in deference to the traditional notioné
of sovereign right to engage in hunting whales under the freedom of

high-sea fisheries. The Contracting Party which is granted this preroga -
tive under Article VIII is in effect carrying out an important function
within this regulatory régime by collecting scientific materials and édata
required for the promotion of the objectives and purposes of the Conven -
tion, such as the New Management Procedure (“NMP”) or the Revised
Management Procedure (“RMP”) discussed in the IWC for the properé

management of the whaling stocks. It is for this reason that the Contracét -
ing Party in question, endowed under the Convention with the discretion é

85

8 CIJ1062.indb 298 18/05/15 09:29 chasse à la baleine déansl’antarctique (op. disés. owada) 307

cas échéant de modifier cette disposition pour fixer d’autres léimites de
capture» (règlement, par. 10 e)). Il semble dès lors difficile de trouver à

redire à la démarche adoptée par le défendeur.
18. Indépendamment de ce que l’on peut penser de cet argument du
défendeur, il convient de relever que la convention dispose que

1) «[l]es modifications [du règlement] … devront s’inspirer de la
nécessité d’atteindre les objectifs et les buts de la conventioén et
d’assurer la conservation, le développement et l’utilisation optimale
des ressources baleinières»; [et] «se fonder sur des données scien -

tifiques [et]
2) «chaque gouvernement contractant pourra accorder à l’un quel -
conque de ses ressortissants un permis spécial autorisant l’intééressé
à tuer, capturer et traiter des baleines en vue de recherches scien -
tifiques» (art. V, par. 2, et art. VIII, par. 1).

En ce sens, les activités entreprises par le défendeur dans le cadre de
JARPA et de JARPA II doivent à première vue être considérées comme
conformes à la convention et à son règlement revisé, y compréis son para -

graphe 10 e).
Toute la question de la licéité des activités de chasse à laé baleine menées
par le Japon au titre de JARPA, puis de JARPA II, se résume donc à
savoir si les activités entreprises par le défendeur entrent ou noén dans la
catégorie des activités menées « en vue de recherches scientifiques » au

sens de l’article VIII de la convention.

IV. Interprétation de l’aréticleVIII

19. La convention a ceci de fondamental, ainsi qu’il a déjà étéé indiqué,

que les parties contractantes ont créé un régime qui se suffité à lui-même
pour réglementer la question des baleines et de la chasse à la baleine. La
clause figurant à l’article VIII de la convention est, à mon avis, un élément
important de ce régime de réglementation. En ce sens, il serait eréroné de
qualifier de simple exception à celui-ci — plus exactement d’exception

reconnue eu égard à la notion traditionnelle de droit souverain deé se livrer
à la chasse à la baleine en vertu de la liberté de pêcher ené haute mer — le
pouvoir conféré à une partie contractante d’accorder des perémis spéciaux
à ses ressortissants pour « tuer, capturer et traiter des baleines en vue de
recherches scientifiques» (convention, art. VIII, par. 1). La partie contrac -

tante jouissant d’une telle prérogative aux termes de l’articleé VIII a en fait
un rôle important à jouer dans le cadre de ce régime, en tant qéu’elle
recueille des éléments et des données scientifiques susceptibleés de contri-
buer à la réalisation des objectifs et des buts de la convention, édont la
nouvelle procédure de gestion (New Management Procedure ou « NMP»)
ou la procédure de gestion revisée (Revised Management Procedure éou

«RMP») envisagées au sein de la CBI aux fins d’assurer une gestioné
méthodique des stocks de baleines. C’est pourquoi l’Etat en queéstion,

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8 CIJ1062.indb 299 18/05/15 09:29 308 whaling in the antarcétic (diss. op. owada)

to determine what types of scientific research it intends to conduct andé
how the research should be implemented, will be subjected to the subse -

quent process of review and critical comment by its executive organ, theé
IWC, and more specifically, its scientific subdivision, the Scientific Céom -
mittee. These are the organs entrusted in this regulatory régime withé the
task of conducting the process of review and critical comment on these
activities, from the viewpoint of achieving the object and purpose of thée

Convention on the basis of scientific assessment. It is to be noted thaté
there is no provision, either in this Article or in any other part of thée
Convention, that empowers the IWC or the Scientific Committee legally
to restrict the exercise of this prerogative of a Contracting Party to gérant
special permits in any specific way, except that the granting of specialé
permits has to be “for purposes of scientific research subject to sucéh

restrictions as to number and subject to such other conditions as the Con -
tracting Government thinks fit” (Convention, Art. VIII, para. 1). In other
words, under this regulatory régime of the Convention the power to
determine such questions as what should be the components of the scien -
tific research, or how the scientific research should be designed and imple-

mented in a given situation, is primarily left to the discretionary deciésion
of the granting Government. The Contracting Government is obligated
to exercise this discretionary power only for purposes of scientific reséearch
in good faith and to be eventually accountable for its activities of sciéen -
tific research before the executive organs of the Convention, the IWC anéd

the Scientific Committee. These organs have the responsibility to ensureé
that this will be the case by reviewing and raising critical comments fréom
a scientific point of view.

20. As I stated earlier, this does not mean that the Court, as the judi -

cial institution entrusted with the task of interpreting and applying the
provisions of the Convention, has no role to play in this whole process,
while paying full respect to the internal autonomy of the Convention. Thée
function of the Court as a court of law gives it the power to interpret éand
apply the provisions of the Convention from a legal point of view. Givené

the nature and the specific characteristics of the regulatory framework é
created by the Convention, however, this power of the Court has to be
exercised with a certain degree of restraint, to the extent that what isé
involved is (a) related to the application of the regulatory framework of
the Convention, and (b) concerned with the techno-scientific task of

assessing the merits of scientific research assigned by the Convention téo
the Scientific Committee.
21. On the first aspect of the problem relating to the application of the
regulatory framework of the Convention ((a) above, paragraph 20 of this
opinion), good faith on the part of the Contracting State, acting as ané
agent within the framework of this regulatory régime, has necessarilyé to

be presumed. The function of the Court in this respect is to see to it téhat
the State in question is pursuing its activities in good faith and in accor -

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8 CIJ1062.indb 300 18/05/15 09:29 chasse à la baleine déansl’antarctique (op. disés. owada) 308

auquel la convention confère le pouvoir discrétionnaire de déciéder du type
de recherches scientifiques qu’il entend mener à bien et des modaléités de

cette recherche, sera ensuite soumis au contrôle de son organe exéécutif, la
CBI et, plus particulièrement de son émanation scientifique, le coémité scien-
tifique qui formuleront un avis critique. Tels sont les organes auxquelsé
il revient, dans le cadre de ce régime de réglementation, de mener àé bien le
processus d’examen et d’analyse critique de ces activités, en véue de réaliser

l’objet et le but de la convention sur la base d’une évaluationé scientifique.
Relevons que ne figure, ni à l’article VIII ni ailleurs dans la convention,
aucune disposition qui permette à la CBI ou à son comité scientifique de
restreindre concrètement, sur le plan juridique, l’exercice de cette préroga -
tive qu’a la partie contractante d’accorder des permis spéciauxé, sauf que les
permis spéciaux ne peuvent être accordés qu’« en vue de recherches scien -

tifiques» et qu’ils sont subordonnés «aux restrictions en ce qui concerne le
nombre et à telles autres conditions que le gouvernement contractant
jug[e] opportunes » (convention, art. VIII, par. 1). En d’autres termes,
en vertu du régime de réglementation établi par la convention, la édécision
de savoir en quoi doivent consister les composantes d’une recherche scien -

tifique ou comment cette recherche doit être conçue et mise en œéuvre dans
une situation donnée relève, au premier chef, du pouvoir discréétionnaire
du gouvernement qui délivre le permis. Le gouvernement contractant a
l’obligation d’exercer ce pouvoir de bonne foi, uniquement aux finés de la
recherche scientifique, et d’accepter de rendre ensuite compte de sesé activi -

tés de recherche scientifique devant les organes exécutifs de la céonvention,
à savoir la commission et le comité scientifique. Ces derniers onté la respon -
sabilité, en procédant à un examen et en formulant des avis criétiques d’un
point de vue scientifique, de s’assurer que l’Etat concerné s’éacquitte bien
de son obligation.
20. Comme je l’ai déjà indiqué, cela ne signifie pas que la Couré, en sa

qualité d’institution judiciaire chargée d’interpréter eté d’appliquer les dis -
positions de la convention, et tout en ayant dûment égard à l’éautonomie
interne de la convention, n’a aucun rôle à jouer d’un bout àé l’autre de ce
processus. De par sa fonction d’instance judiciaire, la Cour a le pouévoir
d’interpréter et d’appliquer les dispositions de la convention éd’un point

de vue juridique. Cependant, compte tenu de la nature et des caractéris -
tiques propres au cadre réglementaire créé par la convention, féorce lui
est d’exercer ce pouvoir avec circonspection, dans la mesure où sont en
jeu : a) l’application de ce cadre réglementaire ; et b) la tâche de nature
technico-scientifique assignée par la convention au comité scientifique,

consistant à évaluer le bien-fondé de la recherche scientifique.

21. S’agissant du premier aspect du problème, relatif à l’applicéation
du cadre réglementaire créé par la convention (point a), par. 20, ci-
dessus), la bonne foi de l’Etat contractant, qui est partie prenante à ce
régime, doit nécessairement être présumée. La fonction deé la Cour

consiste à cet égard à s’assurer que l’Etat en question péoursuit ses activi -
tés en toute bonne foi et, conformément aux exigences du régime de régle-

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8 CIJ1062.indb 301 18/05/15 09:29 309 whaling in the antarcétic (diss. op. owada)

dance with the requirements of the regulatory régime for the purposesé of
scientific research that is conducive to scientific outcomes which would

help promote the object and purpose of the Convention. The concrete
modalities of the activities for scientific research to be conducted by éthe
State, including the programme’s design and implementation, however, é
should by its nature not be the proper subject of review by the Court.
Article VIII expressly grants to the Contracting Government the primary

power to decide on this, by providing that

“[n]otwithstanding anything contained in this Convention any Con -
tracting Government may grant . . . a special permit . . . subject to
such restrictions as to number and subject to such other conditions
as the Contracting Government thinks fit” (Convention, Art. VIII,
para. 1).

It clearly grants the State in question the power prima facie to determiéne
concrete modalities of research activities to be undertaken under
Article VIII, although under this regulatory régime, these modalities, to

be determined by the State in question, would be subjected to assessmenté
by the IWC and the Scientific Committee through the review process.

22. Allegations made by the Applicant that the activities were designed
and implemented for purposes other than scientific research under the

cover of scientific research thus cannot be presumed, and will have to bée
established by hard conclusive evidence that could point to the existencée
of bad faith attributable to the State in question. Such serious chargesé of
bad faith, either explicit or implicit, against a sovereign State can neéver be
presumed and should not be accepted by this Court unless the Applicant
can establish them by conclusive and indisputable evidence. This is an

established principle of international law (see, e.g., Lac Lanoux Arbitra -
tion (France v. Spain), Reports of International Arbitral Awards (RIAA),
Vol. XII, p. 281). Ulterior motives harboured by some individuals
involved in the action, whatever their position may be, if any, should not
be treated as relevant in principle, unless it is established by convincéing

evidence that such motives played the decisive role in formulating and
embarking on the programme, constituting the real legal source (fons et
origo) of the activities undertaken.

23. On the second aspect of the problem relating to the determination of
what constitutes activities “for purposes of scientific research” é(point (b)
above, paragraph 20 of this opinion), I do not agree with the approach
pursued by the Judgment to distinguish between “scientific research”é as
such and “[activities] for purposes of scientific research” (Judgément,
paras. 70-71). It is true that the Judgment, after spending so many para -

graphs (ibid., paras. 73-86) attempting to define what constitutes “scien -
tific research”, seems to have abandoned this effort in the end, reéjecting

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8 CIJ1062.indb 302 18/05/15 09:29 chasse à la baleine déansl’antarctique (op. disés. owada) 309

mentation, qu’il le fait dans le cadre de recherches scientifiques deévant
permettre d’obtenir des résultats susceptibles de contribuer à éla réalisa -

tion de l’objet et du but de la convention. En revanche, les modalitéés
concrètes des activités de recherche scientifique que mènera l’éEtat en
question, et notamment la conception et les modalités d’exécutiéon du pro -
gramme, constituent par nature des questions qui ne sont pas de son res -
sort. L’article VIII reconnaît expressément que c’est au gouvernement

contractant qu’il incombe au premier chef d’en décider, en tanté qu’il dis -
pose que,

«[n]onobstant toute disposition contraire de la … convention,
chaque gouvernement contractant pourra accorder … un permis spé -
cial … subordonn[ant] cette autorisation aux restrictions en ce qui
concerne le nombre et à telles autres conditions que le gouvernement é
contractant jugera opportunes » (convention, art. VIII, par. 1).

Il accorde ainsi clairement à l’Etat en question le pouvoir, prima facie, de
déterminer les modalités concrètes des activités de recherchée qu’il s’agit
d’entreprendre au titre de l’article VIII, même si, en vertu de ce régime de

réglementation, les modalités ainsi fixées par l’Etat en queéstion seront
soumises à une évaluation de la CBI et de son comité scientifiqéue dans le
cadre du processus d’examen.
22. Les allégations du demandeur selon lesquelles les activités de chaésse
en cause ont été conçues et mises en œuvre sous couvert de réecherche

scientifique, mais à des fins autres, ne peuvent donc pas être retenues sur
la base de simples présomptions, mais demandent à être établéies par de
solides éléments de preuve ne laissant aucun doute sur le fait que l’Etat en
question a agi de mauvaise foi. Le bien-fondé d’accusations d’une telle
gravité, explicitement ou implicitement portées à l’encontreé d’un Etat
souverain, ne peut jamais se présumer, et ne saurait être admis paér la

Cour à moins d’avoir pu être établi par le demandeur sur la ébase d’élé -
ments de preuve déterminants et incontestables. Il s’agit là d’éun principe
établi en droit international (voir, par exemple, l’affaire du éLac Lanoux
(France c. Espagne), Recueil des sentences arbitrales (RSA), vol. XII,
p. 281). Les visées subsidiaires de telle ou telle partie prenante, queélle que

puisse être sa position, ne doivent pas, en principe, être considéérées
comme pertinentes, à moins que des éléments de preuve ne permetétent
d’établir avec certitude qu’elles ont joué un rôle décéisif dans la conception
et le lancement des programmes, et constituent la véritable source juéri -
dique (fons et origo) des activités entreprises.

23. S’agissant du second aspect du problème, relatif à la question éde
savoir ce que recouvrent des activités menées « en vue de recherches scien -
tifiques » (pointb), par. 20, ci-dessus), je ne souscris pas à la logique sui -
vie par la Cour dans son arrêt, qui distingue la « recherche scientifique »
en tant que telle des activités menées « en vue de recherches scientifiques »
(arrêt, par. 70-71). Certes, après avoir longuement cherché (ibid., par. 73-86)

à définir ce qui constitue la «recherche scientifique», la Cour semble avoir
fini par renoncer, rejetant les critères avancés par le demandeur ésur la

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8 CIJ1062.indb 303 18/05/15 09:29 310 whaling in the antarcétic (diss. op. owada)

the criteria advanced by the Applicant on the basis of its expert’s téesti -
mony. The Judgment nevertheless seems to dwell upon this distinction

between “scientific research” and activities “for purposes of sécientific
research” with a view to establishing that an activity that may contain
elements of “scientific research” cannot always be accepted as an éactivity
“for purposes of scientific research”. To me such a distinction is so artifi -
cial that it loses any sense of reality when applied to a concrete situaétion.

The Court should focus purely and simply on the issue of the scope of
what constitutes activities “for purposes of scientific research” éaccording
to the plain and ordinary meaning of the phrase.
24. On the question of what constitutes activities “for purposes of sci -
entific research”, it must first of all be said in all frankness thaté this Court,
as a court of law, is not professionally qualified to give a scientificaélly

meaningful answer, and should not try to pretend that it can, even thougéh
there may be certain elements in the concept that the Court may legiti -
mately and usefully offer as salient from the viewpoint of legal analyésis.
25. What is “scientific research” is a question on which qualified sciéen -
tists often have a divergence of opinion and are not able to come to a

consensus view. The four criteria advanced by one of the experts who teséti -
fied before the Court and relied upon by the Applicant have not been
accepted by the present Judgment as a useful framework to determine
whether the activities of the Respondent in JARPA/JARPA II are for pur -
poses of scientific research. Nonetheless the Judgment, in applying the étest

of objective reasonableness as its standard of review,does get into the “sci -
entific assessment” of the Court itself on various substantive aspectés of
JARPA/JARPA II activities, in order to come to its final conclusion that
these activities under the programme of JARPA II, especially focusing on
the issue of the lethal taking of whales, cannot qualify as activities céon -
ducted “for purposes of scientific research”, because they cannot ébe

regarded as objectively reasonable according to the scientific assessment of
the Court on its own. As the Judgment itself makes clear, the Judgment
engages in a substantive assessment of its own on these activities in thée
name of objectively examining their “reasonableness”. The questioné which
immediately arises, however, is “in what context is this reasonableneéss to

be judged ?” Is it the legal context or is it the scientific context that the
Court claims to be engaged in? If we are speaking of the legal context, the
answer is clear. We have the answer in the Convention itself. The Convené -
tion leaves this point, at any rate at the level of the law, primarily téo the
good faith appreciation of the party which undertakes the research in

question. If we are speaking of the scientific context, it would be impoéssi -
ble for the Court to establish that certain activities are objectively réeason-
able or not, from a scientific point of view, without getting into a
techno-scientific examination and assessment of the design and implemen -
tation of JARPA/JARPAII, a task which this Court could not and should
not attempt to do. This is the second reason why the Court should not

engage in this exercise. I shall elaborate this point in the following séection
in connection with the issue of the scope and the standard of review.

88

8 CIJ1062.indb 304 18/05/15 09:29 chasse à la baleine déansl’antarctique (op. disés. owada) 310

base de l’exposé de son expert. Néanmoins, elle semble s’être appesantie
sur cette distinction entre «recherche scientifique» et activités menées «en

vue de recherches scientifiques » dans le dessein d’établir qu’une activité
pouvant contenir des éléments de « recherche scientifique » ne pouvait
automatiquement être réputée constituer une activité menéée « en vue de
recherches scientifiques ». Or, pour moi, cette distinction est si artificielle
qu’elle ne peut s’appliquer de manière réaliste à une situation concrète.

La Cour aurait dû s’en tenir à la seule question de savoir ce qéue recouvrent
des activités menées « en vue de recherches scientifiques », selon le sens
naturel et ordinaire de cette expression.
24. Or, quant à cette dernière question, force est d’admettre en toéute
franchise que la Cour, en tant qu’instance judiciaire, n’est pas profession -
nellement qualifiée pour y apporter une réponse qui soit scientifiquement

pertinente, et ne devrait pas prétendre être en mesure de le faireé, bien
qu’elle puisse à bon droit et utilement avancer, sur tel ou tel aspect de
cette notion, des éléments propres à en faciliter l’analyse éjuridique.
25. Savoir en quoi consiste la «recherche scientifique» est une question
sur laquelle les scientifiques eux-mêmes sont divisés et ne parviennent pas

à un consensus. Les quatre critères avancés par l’un des expéerts ayant
déposé devant la Cour et sur lesquels s’est appuyé le demandéeur n’ont
pas, dans le présent arrêt, été jugés pouvoir constituer él’aune à laquelle
devait être tranchée la question de savoir si les activités menéées par le
défendeur dans le cadre de JARPA/JARPA II l’étaient à des fins de

recherche scientifique. Pourtant, lorsqu’elle applique comme critèére d’exa -
men la notion de caractère objectivement raisonnable, la Cour se livrée de
fait à une «évaluation scientifique » de plusieurs aspects fondamentaux
des activités menées dans le cadre de JARPA/JARPA II, pour conclure
en définitive que ces activités ne répondent pas aux critèreés requis pour
être qualifiées d’activités « en vue de recherches scientifiques », car, selon

sa propre analyse scientifique, elles ne peuvent être considérées comme
objectivement raisonnables. Comme il ressort clairement de l’arrêt, la
Cour se livre à sa propre analyse de fond sous couvert de déterminéer
objectivement si ces activités sont raisonnables. Se pose toutefois aélors
immédiatement la question suivante : « sous quel angle ce caractère rai -

sonnable doit-il être apprécié ?» — est-ce dans une optique juridique ou
scientifique que la Cour entend se placer ? Dans le premier cas, la situa -
tion est claire, et ce, d’après la convention elle-même, qui, en tout état de
cause sur le plan juridique, laisse au premier chef à l’Etat partiée entrepre -
nant la recherche le soin de procéder à une appréciation de bonéne foi.

Dans le second, en revanche, la Cour n’est absolument pas en mesure
d’établir si telles ou telles activités sont objectivement raiséonnables, d’un
point de vue scientifique, sauf à se livrer à un examen et à unée analyse
technico-scientifique de la conception et de la mise en œuvre de JARPA/
JARPA II, ce qui n’est pas du tout de son ressort et dont elle doit se gar -
der. Voilà l’autre raison pour laquelle la Cour ne doit pas s’eéngager dans

cette voie. J’y reviendrai dans les sections suivantes, qui seront coénsacrées
à la portée de l’examen et au critère retenu pour s’y livérer.

88

8 CIJ1062.indb 305 18/05/15 09:29 311 whaling in the antarcétic (diss. op. owada)

V. The Scope of Review by thée Court

26. According to the structure of the Convention as interpreted in light
of its object and purpose, the Contracting Parties expressly recognize the
need and the importance of scientific research for the purpose of supporét-
ing the “system of international regulation for the whale fisheries téo
ensure proper and effective conservation and development of whale

stocks” (Preamble, para. 7) as established by the Convention, which
“provide[s] for the proper conservation of whale stocks and thus makeé[s]
possible the orderly development of the whaling industry” (ibid., para. 8).
It is for this reason that the Conference which was convened for the coné -
clusion of the Convention in 1946 stressed the critical importance of scéi -
entific research by scientific organizations engaged in research on whalées.

In this regard, the statement of its Chair, which makes the following
points, is highly relevant :

“it is not our [i.e., the Contracting Parties’] intention or our béelief that
this commission [IWC] would usurp any of the previous preroga -
tives . . . of these various scientific organizations that have been

engaged in research on whales . . . [W]e are in the main dependent on
the factual information and on the work of their staff . . . [T]he Con -
ference should bear in mind the great debt we owe to these research
organizations . . .” (Minutes of the Third Session, IWC/20, p. 11,
para. 117.)

While Article VIII, paragraph 1, was taken from the language of Arti -
cle X of the International Agreement for the Regulation of Whaling of
1937, the Chair pointed out that “the two sentences reading, ‘eaché con -

tracting Government shall report to the Commission all such authoriza -
tions which it has been (sic) granted’ are new” and that “[t]he remainder
of Article VIII stresses the importance of scientific research and encour -
ages dissemination of the resultant information” (Minutes of the Sevéenth
Session, IWC/32 p. 23, paras. 322-323).

27. It becomes evident from what is quoted above that the intention of
the Contracting Parties, in agreeing on the language of Article VIII of the
Convention, was to provide for the right of a Contracting Government to é
grant to its nationals special permits to take whales for purposes of scéien -
tific research. This is a prerogative given to the Contracting Government

by Article VIII of the Convention, and the Contracting Government may
take this action without prior consultations with, or approval of, the
IWC or its Scientific Committee. This is amply illustrated by the com -
ments of one of the delegates during the drafting process, who suggestedé
a contrary proposal “to require a contracting government to [issue per -
mits for scientific research] after consultation with the commission, and

not independently of it” (Minutes of the Third Session, IWC/20, p. 11,
para. 115; emphasis added). This proposal was not adopted.

89

8 CIJ1062.indb 306 18/05/15 09:29 chasse à la baleine déansl’antarctique (op. disés. owada) 311

V. La portée de l’examen deé la Cour

26. La structure de la convention, telle qu’interprétée à la luméière de
son objet et de son but, fait apparaître que les parties contractantes recon-
naissent expressément la nécessité et l’importance de la recéherche scien-

tifique pour le fonctionnement d’un « système de réglementation inter-
nationale de la chasse à la baleine qui soit de nature à assurer dé’une
manière appropriée et efficace la conservation et l’accroisseméent des peu -
plements baleiniers» (préambule, alinéa 7), tel qu’établi par la convention,
dont le but est d’«assurer la conservation appropriée des stocks de baleine

et … ainsi [de] donner à l’industrie baleinière la possibilité de se dévelop -
per d’une manière méthodique» (ibid., alinéa 8). Voilà pourquoi les parti-
cipants à la conférence qui a donné naissance à la conventioén de 1946 ont
souligné l’importance cruciale de la recherche scientifique réaélisée par des

organisations scientifiques menant des études sur les cétacés. éA cet égard,
la déclaration du président de la conférence internationale suré la chasse à
la baleine (IWC) est particulièrement pertinente. Elle se lit commeé suit:

«[I]l n’est pas dans notre idée ou notre intention [celles des partéies
contractantes] que la présente commission [à savoir la CBI] usurpeé
l’une quelconque des anciennes prérogatives … des diverses organi -
sations scientifiques qui ont mené des recherches sur les baleines …

Nous sommes pour l’essentiel dépendants des informations factuelleés
et du travail de leurs équipes … [N]ous devons garder à l’esprit tout
ce que nous devons à ces organisations de recherche. » (Procès-verbal
de la 3e séance, IWC/20, p. 11, par. 117.)

Si le paragraphe 1 de l’article VIII reproduisait le libellé de l’article X de
l’accord international pour la réglementation de la chasse à la baleine de

1937, le président faisait remarquer que la formule « «chaque gouvernement
contractant devra porter à la connaissance de la commission toutes leés auto -
risations de cette nature qu’il aura accordées » [était] nouvelle» et que « la
suite de l’article VIII soulign[ait] l’importance de la recherche scientifique et
encourag[eait] la diffusion des informations que celle-ci permet[tait]
e
d’obtenir» (procès-verbal de la 7 séance, IWC/32, p. 23, par. 322-323).
27. Cette citation montre bien que, lorsqu’elles se sont accordées suré le
libellé de l’article VIII, les parties contractantes entendaient se réserver le
droit de délivrer à leurs ressortissants des permis spéciaux auétorisant la

chasse à la baleine en vue de recherches scientifiques. Il s’agit élà d’une
prérogative que l’article VIII de la convention confère effectivement aux
gouvernements contractants, lesquels peuvent délivrer de tels permis ésans
devoir au préalable consulter la CBI ou son comité scientifique, néi re-
cueillir leur approbation. C’est ce qu’illustre clairement le rejeét d’une

contre-proposition avancée pendant le processus rédactionnel par l’un édes
délégués, qui tendait à « exiger que les gouvernements contractants ne
délivrent ces dispenses qu’après avoir consulté la commission, et non
indépendamment d’elle » (procès-verbal de la 3 eséance, IWC/20, p. 11,
par. 115; les italiques sont de moi).

89

8 CIJ1062.indb 307 18/05/15 09:29 312 whaling in the antarcétic (diss. op. owada)

28. This of course is not to say that a Contracting Government has
unlimited discretion in granting a special permit as an exercise of its ésov-

ereign freedom of action. The prerogative recognized under Article VIII
is prescribed as part of the Convention, and more specifically as part oéf
the regulatory régime established by the Convention. While in my viewé
the assessment of scientific merits of research activities such as the
JARPA/JARPA II programme, including the scientific assessment of

their design and implementation, for achieving the purposes of the Con -
vention is a matter assigned specifically to the organs of the Conventioén,
especially the IWC and its Scientific Committee, there are certain aspecéts
of this process of assessment which are to be subjected to the legal scréu -
tiny of the Court in its exercise of its power of review for the interpréeta -
tion and application of the Convention.

Within this delimited context, it is the role of the Court to examine
from a legal point of view whether the procedures expressly prescribed béy
the regulatory régime of the Convention (i.e., the procedural requirée -
ments for the Contracting Party under Article VIII) are scrupulously
observed. Without getting into the task of techno-scientific analysis of

what should constitute in substance scientific research and without mak -
ing the concrete assessment of each aspect of the activities involved — a
task assigned to the Scientific Committee — the Court can also review
whether the activities in question can be regarded as meeting the generaélly
accepted notion of “scientific research” (the substantive requireément for

the Contracting Party under Article VIII). This process involves the
determination of the standard of review to be applied by the Court.

VI. The Standard of Review béy the Court

29. In determining the standard of review, the Judgment sums up the
positions of the Parties in the following manner. First, for the positioén of
the Applicant, the Court states the following :

“According to Australia, the Court’s power of review should not
be limited to scrutiny for good faith, with a strong presumption in
favour of the authorizing State, as this would render the multilateral

régime for the collective management of a common resource estab -
lished by the ICRW ineffective. Australia urges the Court to have
regard to objective elements in evaluating whether a special permit
has been granted for purposes of scientific research, referring in par -
ticular to the ‘design and implementation of the whaling programme,

as well as any results obtained’.” (Judgment, para. 63.)

30. Second, the Judgment juxtaposes this position of the Applicant

with the following quotation from the statement of the Respondent in theé
oral proceedings as representing the position of the Respondent :

90

8 CIJ1062.indb 308 18/05/15 09:29 chasse à la baleine déansl’antarctique (op. disés. owada) 312

28. Le gouvernement contractant ne jouit pas pour autant d’une
entière discrétion dans l’exercice de sa liberté souveraine éde délivrer des

permis spéciaux. La prérogative qui lui est reconnue en vertu de lé’ar -
ticle VIII l’est dans le cadre de la convention, et plus précisément du
régime de réglementation établi par celle-ci. Si l’appréciation de la validité
scientifique d’activités de recherche telles que celles menées dans le cadre
du programme JARPA/JARPA II, y compris l’évaluation scientifique de

leur conception et de leur mise en œuvre au regard des buts visés épar la
convention, est un aspect qui a été expressément assigné auxé organes de
la convention, en particulier la CBI et son comité scientifique, il est
d’autres aspects de ce processus qui relèvent de l’analyse juriédique de la
Cour, dans l’exercice du pouvoir de contrôle qui lui a été réeconnu aux fins
d’interpréter et d’appliquer la convention.

Dans ce contexte bien circonscrit, le rôle de la Cour consiste à dééter -
miner d’un point de vue juridique si les procédures expressément établies
dans le cadre du régime institué par la convention (à savoir lées obligations
de nature procédurale imposées à la partie contractante en vertéu de
l’article VIII) sont scrupuleusement observées. Sans se lancer dans une

analyse technico-scientifique de ce que recouvre fondamentalement la
notion de recherche scientifique, ni se livrer à une évaluation coéncrète
de chaque aspect des activités en cause — tâche qui incombe au comité
scientifique —, il est également loisible à la Cour de vérifier si les acétivités
en question peuvent être considérées comme répondant à la notion de

«recherches scientifiques» généralement admise (en référence à l’obligationé
de fond conférée à l’Etat contractant par l’article VIII). Pour ce faire, la
Cour doit tout d’abord déterminer le critère d’examen à aéppliquer.

VI. Question du critère dé’examen

29. En définissant le critère d’examen, la Cour, dans l’arrêét, résume les
positions des Parties de la manière suivante. Elle décrit d’aboérd ainsi celle
du demandeur :

«Selon [l’Australie], le pouvoir de contrôle de la Cour ne devrait épas
se limiter à s’assurer de la bonne foi de l’Etat ayant délivéré le permis,
qui bénéficierait d’une forte présomption favorable, sous peéine de pri -

ver d’effet le régime multilatéral établi par la conventioén aux fins de la
gestion collective d’une ressource commune. L’Australie prie instam -
ment la Cour, aux fins de déterminer si un permis spécial a été délivré
en vue de recherches scientifiques, de prendre en considération des éélé -
ments objectifs; elle se réfère en particulier à « la conception du pro-

gramme de chasse [à la baleine] et [aux] modalités de son exécuétion,
ainsi qu’[aux] résultats éventuellement obtenus».» (Arrêt, par. 63.)
30. La Cour met ensuite en regard cette déclaration du demandeur et

un passage de la plaidoirie du défendeur censé représenter la péosition de
celui-ci. Ce passage est le suivant :

90

8 CIJ1062.indb 309 18/05/15 09:29 313 whaling in the antarcétic (diss. op. owada)

“Japan agrees with Australia and New Zealand in regarding the
test as being whether a State’s decision is objectively reasonable, oér

‘supported by coherent reasoning and respectable scientific evidence é
and . . ., in this sense, objectively justifiable’.” (Judgment, para. 66.)

31. Based on these two statements of the Parties, the Judgment con -
cludes as its own position on the issue of the standard of review, as foél -
lows :

“When reviewing the grant of a special permit authorizing the kill -
ing, taking and treating of whales, the Court will assess, first, whetheér
the programme under which these activities occur involves scientific

research. Secondly, the Court will consider if the killing, taking and
treating of whales is ‘for purposes of’ scientific research by exaémining
whether, in the use of lethal methods, the programme’s design and
implementation are reasonable in relation to achieving its stated
objectives. This standard of review is an objective one.” (Ibid.,

para. 67.)
32. With regard to this conclusion of the Judgment on the question of

the standard of review, it has to be pointed out that there is a jump iné logic
in the reasoning between what is summarized as the respective positions éof
the Parties in paragraphs 63 and 66, and what is stated in this last quoted
paragraph 67 as the conclusion of the Court which the Judgment claims to
have been drawn from the respective positions of the Parties. In other

words, the Judgment, ignoring the differences between the Parties on téhe
question of the scope and the standard of review and without further expla -
nation, would seem to endorse the position of one of the Parties, namely
that of the Applicant. In paragraph 67 it declares, almost abruptly and
ex cathedra, as it were, that the Court will assess “whether, in the use of

lethal methods, the programme’s design and implementation are reason -
able”, thus employing the formula advanced by the Applicant on the scope
of the review and linking it with the standard of review seemingly conceéded
by the Respondent, as if to suggest that the application of this standaréd of
objective reasonableness had been accepted as the common ground among

the Parties in relation to the overall scope of the review, whereas, in reality,
there was a wide difference of position between the Parties, especialléy in
relation to the scope of the review. It has to be said that this concluséion as
formulated by the Judgment is clearly a gross misrepresentation of what
each of the Parties was prepared to accept as a common ground for the

scope and the standard of review to be applied in the present context.
In the course of deciding that the Judgment, for whatever reason that
has not been explained, is going to apply the yardstick that the pro -
gramme must be objectively reasonable as the standard of review, the
Judgment brings in to this process an entirely new element of “design and

implementation” of the whaling programme (ibid., para. 67), which relates
to the scope of the review. This is an element which the Applicant

91

8 CIJ1062.indb 310 18/05/15 09:29 chasse à la baleine déansl’antarctique (op. disés. owada) 313

«Le Japon est d’accord avec l’Australie et la Nouvelle-Zélande
pour estimer que la question à se poser est celle de savoir si la dééci -

sion prise par un Etat est objectivement raisonnable ou « étayée par
un raisonnement cohérent et des preuves scientifiques dignes de foi et
est, en ce sens, objectivement justifiable ».» (Arrêt, par. 66.)

31. Sur la base de ces deux déclarations des Parties, la Cour formule sa é
propre conclusion sur la question du critère d’examen, dans les teérmes
suivants :

«Lorsqu’elle se penchera sur la question de la délivrance d’un péermis
spécial autorisant la mise à mort, la capture et le traitement de baleines,
la Cour examinera, en premier lieu, si le programme dans le cadre duquelé

se déroulent ces activités comporte des recherches scientifiques. éElle éta-
blira, en second lieu, si les baleines mises à mort, capturées et étraitées le
sont «en vue de » recherches scientifiques, en examinant si, en ce qui
concerne le recours à des méthodes létales, la conception et laé mise en
œuvre du programme sont raisonnables au regard de ses objectifs décla -

rés. Ce critère d’examen revêt un caractère objectif» . (Ibid., par. 67.)
32. Or, force est de constater que la Cour emprunte un raccourci

logique lorsqu’elle prétend tirer de ce qu’elle présente auxé paragraphes 63
et 66 des motifs comme les positions respectives des Parties la conclusion é
précitée sur la question du critère d’examen. Elle semble seé ranger aux
vues de l’une des Parties, sans faire le moindre cas du clivage existéant
entre les deux Etats sur la question de la portée de l’examen et déu critère

d’examen à appliquer, et sans aucune autre explication. Lorsque, aéu para -
graphe 67, elle annonce, pour ainsi dire ex abrupto et ex cathedra, qu’elle
examinera « si, en ce qui concerne le recours à des méthodes létales, la
conception et la mise en œuvre du programme sont raisonnables », elle
reprend de fait la formulation avancée par le demandeur à propos dée la

portée de l’examen de la Cour en l’associant au critère d’examen préten -
dument admis par le défendeur, comme si les Parties avaient reconnu
pouvoir s’entendre sur l’application de ce critère du caractèére objective -
ment raisonnable à propos de la portée globale de l’examen alorés que, en
réalité, l’une de leurs divergences profondes tenait à ce poéint particulier.

Je me dois de relever que, ce faisant, elle dénature totalement les aéspects
dont les Parties étaient prêtes à admettre qu’ils faisaient l’unanimité entre
elles s’agissant de la portée de l’examen et du critère àé appliquer à cet
égard dans le présent contexte.

En décidant, pour une raison qui par ailleurs demeure inexpliquée,é que
c’est le caractère objectivement raisonnable qui constitue le critéère à
appliquer, la Cour introduit un élément entièrement nouveau — celui de
la « conception et [de] la mise en œuvre » du programme de chasse à la

baleine (ibid., par. 67), qui renvoie à la portée de son examen. Or, s’il
s’agit là d’un élément que le demandeur a tenu à inclure à l’appui de son

91

8 CIJ1062.indb 311 18/05/15 09:29 314 whaling in the antarcétic (diss. op. owada)

has been insisting on introducing in support of its contention. The Judg -
ment provides no explanation as to why it is legitimate or appropriate féor

the Court to expand the scope of the review by engaging in the examina -
tion of these substantive aspects of the JARPA II programme.
33. A careful examination of the arguments of the Parties as developed
through the written and oral proceedings in the present case reveals thaét
the genesis of this standard of review would appear to derive its originé

from the jurisprudence of the Appellate Body of the World Trade Organi -
zation (WTO), which has had to face a number of cases which involve the
issue of judicial review of sovereign decisions of member States over scéien -
tifically controversial issues, as one of the Parties noted in its pleadéings.
34. When one examines more closely the quoted jurisprudence of the
WTO Appellate Body in its context, it becomes clear that this general

proposition in favour of the test of objective reasonableness, has its béasis
in the Appellate Body’s carefully reasoned argument for the demarcatiéon
line to be drawn between science and law in the context of the judicial é
review of a situation where there is no clear-cut consensual or even major -
ity view of scientists on which jurists can rely. The rationale of the déeci -

sion in question, which came before the WTO Appellate Body at the final é
phase of the Continued Suspension of Obligations in the EC-Hormones
Dispute (United States) case (hereinafter “EC-Hormones”), illustrates this
point. It is my view that the present Judgment takes this magic formula é
of objective reasonableness out of the context in which this standard waés

employed and applies it somewhat mechanically for our purposes, with -
out giving proper consideration to the context in which this standard ofé
review was applied.

35. The Respondent tried to clarify its position on the issue of the stan-
dard of review by explaining how this standard of objective reasonable -

ness could be relevant to the present case, in the following words :
“Yes: the Court can ask, could a reasonable State regard this as a

properly-framed scientific inquiry ? But it can no more impose a line
separating science from non-science than it could decide what is and
what is not ‘Art’. In Japan’s view, the correct question is, could a State
reasonably regard this as scientific research ?

That is why Japan agrees with Australia and New Zealand in
regarding the test as being whether a State’s decision is objectively
reasonable, or ‘supported by coherent reasoning and respectable scien▯ -
tific evidence and . . ., in this sense, objectively justifiable’.” (CR 2013/22,

p. 60, paras. 20-21 (Lowe) ; emphasis added.)
What this part of the argument of the Respondent is relying on is the
quotation, word-for-word, from the decision of the WTO Appellate Body

in the final phase of the EC-Hormones case. It is for this reason important
to examine the precise context in which this quoted passage appears.

92

8 CIJ1062.indb 312 18/05/15 09:29 chasse à la baleine déansl’antarctique (op. disés. owada) 314

argumentation, il n’est nullement précisé dans l’arrêt ené quoi il serait
légitime ou approprié pour la Cour d’étendre la portée deé son examen à

l’analyse de ces aspects du programme JARPA II ayant trait au fond.

33. A l’examen attentif des arguments développés en l’espèce épar les P-ar
ties dans leurs écritures et à l’audience, il apparaît que lée critère d’examen
retenu trouverait son origine dans la jurisprudence de l’organe d’éappel de

l’Organisation mondiale du commerce (OMC), qui a eu à connaîtére d’un
certain nombre d’affaires impliquant un contrôle judiciaire de déécisions sou -
veraines prises par des Etats membres sur des questions scientifiques coén- tro
versées, ainsi que l’a relevé l’une des Parties lors de la pérocédure écrite.
34. Or, lorsque l’on examine de plus près, et en les replaçant dans leur
contexte, les extraits de la jurisprudence de l’organe d’appel de él’OMC qui

ont été cités, il apparaît clairement que la formule fort géénérale mettant en
avant ce critère trouve son origine dans le raisonnement très approfondi de
l’organe d’appel quant à la ligne de démarcation qu’il coénvient de tracer
entre science et droit lorsque le contrôle judiciaire concerne une siétuation
où les juristes ne sont pas en mesure de s’appuyer sur un point deé vue fai -

sant clairement consensus, ou du moins majoritaire, dans la communautéé
scientifique. Le raisonnement suivi dans la décision rendue par l’éorgane
d’appel de l’OMC dans la dernière phase de l’affaire Etats-Unis— Maintien
de la suspension d’obligations dans le différend CE-Hormones (ci-après le
différend « CE-Hormones ») l’illustre bien. Or, selon moi, dans son arrêt, la

Cour reprend cette formule magique du caractère objectivement raison -
nable en la coupant de son contexte, pour en faire une application quelqéue
peu mécanique aux fins de l’espèce, sans prendre en compte commée il se
devrait le cadre dans lequel ce critère d’examen a été appliéqué.
35. Le défendeur a tenté de clarifier sa position sur la question du céri -
tère d’examen en expliquant ainsi de quelle manière la notion dée caractère

objectivement raisonnable pourrait trouver à s’appliquer en l’eéspèce:
«La Cour peut effectivement se demander si un Etat pourrait rai -

sonnablement considérer qu’il s’agit d’une investigation sciéentifique
correctement articulée. Mais, de la même façon qu’elle ne peéut pas
décider ce qui est de l’« art» et ce qui n’en est pas, elle ne peut impo -
ser une distinction entre science et non-science. Selon le Japon, la
question qu’il convient de poser est la suivante : un Etat peut-il raison -

nablement considérer qu’il s’agit de recherche scientifique ?
Voilà pourquoi le Japon s’accorde avec l’Australie et la Nouveléle -
Zélande pour dire que la question à poser est celle de savoir si la
décision prise par un Etat est objectivement raisonnable,ou «étayée par
un raisonnement cohérent et …, en ce sens, objectivement justifiable». »

(CR 2013/22, p. 60, par. 20-21 (Lowe) ; les italiques sont de moi.)
Le défendeur reprend ici mot pour mot un extrait de la décision reéndue
par l’organe d’appel dans la dernière phase de l’affaire CE-Hormones.

D’où l’importance d’analyser cet extrait dans son contexte pérécis.

92

8 CIJ1062.indb 313 18/05/15 09:29 315 whaling in the antarcétic (diss. op. owada)

36. The decision of the WTO Appellate Body contained in its final
Report of 16 October 2008, reviewing and setting aside the earlier deci -

sion of its Dispute Settlement Panel, states as follows :
“[S]o far as fact-finding by [the WTO] panels is concerned, the

applicable standard is ‘neither de novo review as such, nor ‘total def -
erence’, but rather the ‘objective assessment of facts’ . . .

It is the WTO Member’s task to perform the risk assessment. The

panel’s task is to review that risk assessment. Where a panel goes
beyond this limited mandate and acts as a risk assessor, it would be
substituting its own scientific judgment for that of the risk assessor aénd
making ade novo review and, consequently, would exceed its functions
under Article 11 of the [Dispute Settlement Understanding of the
WTO]. Therefore, the review power of a panel is not to determine

whether the risk assessment undertaken by a WTO Member is correct,
but rather to determine whether that risk assessment is supported by
coherent reasoning and respectable scientific evidence and is, in this
sense, objectively justifiable.” (WT/DS320/AB/R, p. 246, paras. 589-
590; emphasis added.)

Here we find a well-defined exposé of the essential rationale for the stan -
dard of review developed in the jurisprudence that the Respondent quotesé
in agreeing to the test of objective reasonableness. The Appellate Body é
decision is very specific in clarifying that “a panel may not rely on the
experts to go beyond its limited mandate of review” and that

“[t]he panel may seek the experts’ assistance in order to identifyé the
scientific basis of the . . . measure [taken] and to verify that this sci-

entific basis comes from a qualified and respected source, irrespective
of whether it represents minority or majority scientific views” (ibid.,
p. 247, para. 592).

37. Despite the difference that these two cases — one being before the
Appellate Body of the WTO, the other being before the ICJ — represent
in terms of the law applicable, in the nature of the issue involved and éin
the context in which the dispute arose, as well as the obvious fact thaté the
WTO decision cannot in any sense constitute a precedent for our pur -

poses, there is nevertheless one common element to which this Court
could pay regard. It is the point that when a court of law or a judicialé
body is engaged in the legal assessment of a scientific matter where sciéen -
tists hold divergent views, the judicial institution is under an intrinséic
limitation on its power and must not exceed its competence as the admin -
istrator of the law, by straying into an area which lies beyond its deliém -

ited function. Thus under the system in which the judicial body’s tasék is
to review the risk assessment conducted by a member State endowed with

93

8 CIJ1062.indb 314 18/05/15 09:29 chasse à la baleine déansl’antarctique (op. disés. owada) 315

36. La décision, reproduite dans le rapport final du 16 octobre 2008,
par laquelle, après l’avoir examinée, l’organe d’appel deé l’OMC a annulé

celle du groupe spécial de règlement des différends, se lit aéinsi:
«[E]n ce qui concerne l’établissement des faits par les groupes spé -

ciaux [de l’OMC], le critère applicable n’[est] « ni l’examen de novo
proprement dit, ni la « déférence totale », mais « l’évaluation objec -
tive des faits »…
C’est la tâche du membre de l’OMC d’effectuer l’évaléuation des

risques. La tâche du groupe spécial est d’examiner cette évaéluation
des risques. [Dès lors qu’]un groupe spécial [irait] au-delà de ce man -
dat limité et agi[rait] en tant qu’[évaluateur] des risques, il substitue -
rait son propre jugement scientifique à celui du responsable de
l’évaluation des risques et ferait un examen de novo et, par consé -
quent, outrepasserait ses fonctions au titre de l’article 11 du [mémo -

randum d’accord sur le règlement des différends]. En consééquence, le
pouvoir … d’examen d’un groupe spécial [autorise celui-ci] non pas à
déterminer si l’évaluation des risques effectuée par un membre de
l’OMC est correcte mais [à] déterminer si cette évaluation d▯es risques
est étayée par un raisonnement cohérent et des preuves scientifiques

respectables et est, en ce sens, objectivement justifiable.» (WT/DS320/
AB/R, p. 246, par. 589-590 ; les italiques sont de moi.)

Nous avons là un exposé détaillé de la raison d’être essentielle du critère
d’examen mis au point dans la jurisprudence que cite le défendeur élorsqu’il
se déclare d’accord pour retenir celui du caractère objectivemeént raison -
nable. L’organe d’appel prend bien soin de préciser qu’« un groupe spé -
cial ne peut pas [faire appel aux] experts pour aller au-delà de son mandat

limité en matière d’examen » mais
«peut demander [leur] aide afin d’identifier le fondement scientifiqueé
de la mesure … et de vérifier que ce fondement provient d’une

source compétente et respectée, [et ce,] qu’il représente des opiniéons
scientifiques minoritaires ou majoritaires » (ibid., p. 247, par. 592).

37. En dépit des différences que présentent ces deux affaires — l’une
portée devant l’organe d’appel de l’OMC, l’autre devant léa CIJ — en ce
qui concerne le droit applicable, la nature de la question en jeu et le
contexte de la genèse du différend, et nonobstant cette évideénce qu’une
décision de l’OMC ne saurait en aucun cas servir de précédenét au cas d’es -

pèce, il n’en existe pas moins entre elles un élément communé dont la Cour
peut tenir compte. Il réside en ceci que, lorsqu’une institution jéudiciaire se
livre à une évaluation juridique d’une question scientifique suér laquelle les
scientifiques eux-mêmes sont divisés, son pouvoir se trouve intrinsèque -
ment limité, et elle doit se garder d’outrepasser la compétenceé qui lui est
reconnue en matière d’administration du droit en se fourvoyant danés un

domaine allant au-delà de la fonction bien circonscrite qui est la sienne.
Ainsi, si l’organe judiciaire en cause était chargé d’examinéer l’évaluation

93

8 CIJ1062.indb 315 18/05/15 09:29 316 whaling in the antarcétic (diss. op. owada)

that power and, to use the expression employed in the WTO jurispru -
dence,

“[w]here [that body] goes beyond this limited mandate and acts as a
risk assessor, it would be substituting its own scientific judgement foré

that of the risk assessor and making a de novo review and, conse -
quently, would exceed its functions” (WT/DS320/AB/R, p. 246,
para. 590).

It is my view that it was in this sense and in this context that the juréis -
prudence of the WTO decision can be a useful point of reference for thisé
Court in the present case, where the function of the Court “is not toé
determine whether the . . . assessment undertaken by a WTO Member is

correct, but rather to determine whether that . . . assessment is supported
by coherent reasoning and respectable scientific evidence and is, in thiés
sense, objectively justifiable” (ibid.).
38. In my view, the Judgment has erred in its approach by taking this
standard of objective reasonableness out of its context, and by mechanicéally

applying it for the opposite purpose, that is, for the purpose of engagiéng the
Court in making a de novo assessment of the activities of the Respondent,
when that State is given the primary power under the Convention to deteré -
mine what should be the modalities of activities for pursuing scientificé
research and to grant special permits for purposes of scientific researcéh. This

discretion given to the State issuing the permit is subject to the proceéss of
review and critical comment by the Scientific Committee and by the IWC in
accordance with the regulatory framework of the Convention.
39. The concept of “reasonableness” appears from time to time in the
jurisprudence of this Court in some of its past decisions. In my view,

however, it is not possible nor useful to try to apply this concept of “érea -
sonableness” in a general way as the standard of substantive assessmeént.
No one would dispute the validity of this concept as such, which like thée
concept of “fairness”, is one of the basic principles of internatiéonal law,
or for that matter of law in general, but its concrete interpretation anéd

application as a standard of review will depend entirely upon the contexét
in which the term is to be applied. It is not a standard for substantive
assessment, but a yardstick for ascertaining whether a decision or an
action is or is not “arbitrary” or patently “out of bounds”.é
In the case concerning Dispute regarding Navigational and Related

Rights (Costa Rica v. Nicaragua), the Court referred to the contention of
the Applicant (Costa Rica) which argued that the way the Respondent
(Nicaragua) restricted Costa Rica’s navigational rights on the San Juan
River was “not reasonable”. The Court clarified the character of téhis con -
cept in the following way :

“The Court notes that Costa Rica, in support of its claim of unlaw -
ful action, advances points of fact about unreasonableness by refer -

ring to the allegedly disproportionate impact of the regulations. The
Court recalls that in terms of well established general principle it is é

94

8 CIJ1062.indb 316 18/05/15 09:29 chasse à la baleine déansl’antarctique (op. disés. owada) 316

des risques effectuée par l’Etat membre habilité à y procéder et que, pour
reprendre l’expression employée dans la jurisprudence de l’OMC,é il allait

«au-delà de ce mandat limité et agi[ssait] en tant qu’[évaluateur] des
risques, il substituerait son propre jugement scientifique à celui dué

responsable de l’évaluation des risques et ferait un examen de novo
et, par conséquent, outrepasserait ses fonctions » (WT/DS320/AB/R,
p. 246, par. 590).

Selon moi, c’est dans ce sens et dans ce contexte que la jurisprudencée
que constitue cette décision de l’OMC peut ici utilement servir deé réfé -
rence à la Cour, dont la fonction, en l’espèce, n’est pas «é de déterminer si
l’évaluation … effectuée … est correcte mais de déterminer si cette évalua -

tion … est étayée par un raisonnement cohérent et des preuves sciéenti -
fiques respectables et est, en ce sens, objectivement justifiable » (ibid.).

38. A mon sens, la Cour s’est ici fourvoyée en sortant de son contexteé
le critère du caractère objectivement raisonnable pour l’appliqéuer mécani -

quement dans un sens allant à l’encontre de son propos — c’est-à-dire
pour se livrer à une évaluation de novo des activités du défendeur. Selon
la convention, c’est à l’Etat qu’appartient au premier chef éle pouvoir de
déterminer les modalités d’exécution d’un programme de reécherche scien -
tifique et de délivrer des permis spéciaux en vue de telles recheréches ; ce

pouvoir, discrétionnaire, est soumis au processus d’examen et àé l’avis cri -
tique du comité scientifique de la CBI d’après le cadre régléementaire éta -
bli par cet instrument.
39. La notion de « caractère raisonnable » apparaît de temps à autre
dans la jurisprudence de la Cour. Selon moi, il n’est toutefois ni poéssible

ni utile de tenter de l’ériger en critère général de toute analyseé de fond.
Nul ne contestera la validité d’une telle notion qui, à l’inéstar de celle
d’«équité», constitue l’un des principes fondamentaux du droit interna -
tional, sinon du droit en général, mais son interprétation et son applica -
tion concrètes en tant que critère d’examen dépendront entièérement du

contexte dans lequel il s’agira d’en faire usage. Il s’agit noné pas d’un cri -
tère d’analyse de fond, mais de la pierre de touche par laquelle ééprouver
si une décision ou un acte sont « arbitraires» ou clairement « inoppor -
tuns ».
Dans l’affaire du Différend relatif à des droits de navigation et droits

connexes (Costa Rica c. Nicaragua), la Cour, se référant au grief du
demandeur (le Costa Rica) selon lequel le défendeur (le Nicaragua) avait
soumis ses droits de navigation sur le fleuve San Juan à des restrictions
«déraisonnables», avait précisé comme suit la nature de ce concept :

«La Cour note que le Costa Rica, à l’appui de sa thèse selon
laquelle l’action du Nicaragua est illicite, avance des élémentés de fait

visant à en démontrer le caractère déraisonnable en invoquanét l’inci -
dence prétendument disproportionnée des mesures en question. La

94

8 CIJ1062.indb 317 18/05/15 09:29 317 whaling in the antarcétic (diss. op. owada)

for Costa Rica to establish those points (cf. Maritime Delimitation in
the Black Sea (Romania v. Ukraine), Judgment, I.C.J. Reports 2009,

p. 86, para. 68, and cases cited there). Further, a court examining the
reasonableness of a regulation must recognize that the regulator, in
this case the State with sovereignty over the river, has the primary
responsibility for assessing the need for regulation and for choosing, o▯n
the basis of its knowledge of the situation, the measure that it deems

most appropriate to meet that need. It will not be enough in a challenge▯
to a regulation simply to assert in a general way that it is unreasonabl▯e.
Concrete and specific facts will be required to persuade a court to
come to that conclusion.” (I.C.J. Reports 2009, p. 253, para. 101 ;
emphasis added.)

40. The position of the Respondent in the present case is analogous in
law to that of the respondent under the 1858 Treaty of Limits in the case
concerning Dispute regarding Navigational and Related Rights
(Costa Rica v. Nicaragua). The dictum of this Court in the latter case
should be applicable to the situation in the present case.

VII. Application of the Stanédard of Review in the Préesent Case

41. Having thus clarified the scope and the standard of review to be

applied by the Court in reviewing the JARPA II activities under Arti -
cle VIII, I shall refrain from engaging myself in the exercise of refuting
the conclusions of the Judgment resulting from its substantive assessmenét
of each of the concrete aspects of the design and implementation of the é
JARPA II programme, in order to ascertain whether they can be regarded

as objectively reasonable, as the Judgment has tried to do in Section II,
subsection 3.B (Judgment, paras. 127-227). I do so refrain, because in my
view to engage oneself in this exercise would be doing precisely what the
Court should not have done under the Convention in light of the essentiaél
character of the Convention so clearly manifested in its object and pur -

pose, and in particular in light of the legal structure of the regulatoréy
régime created under the Convention, as well as, most importantly, in
view of the intrinsic limitation inherent in the power of the Court as aé
legal institution empowered with review in the present context.
42. Nevertheless, I wish to draw the attention of the Court to one

point of law which relates to a question of principle involved throughout
the substantive assessment of the programme of JARPA II by the Judg -
ment in its subsection 3.B. My critical comments relate to the methodol -
ogy that the Judgment employs in applying the standard of objective
reasonableness in assessing the concrete activities of JARPA II conducted

under Article VIII of the Convention. In my view, the ordinary and plain
meaning of Article VIII makes it clear that the Contracting Government

95

8 CIJ1062.indb 318 18/05/15 09:29 chasse à la baleine déansl’antarctique (op. disés. owada) 317

Cour rappelle que, selon un principe général bien établi, c’éest au
Costa Rica qu’il incombe d’établir ces éléments (Délimitation mari -

time en mer Noire (Roumanie c. Ukraine), arrêt, C.I.J. Recueil 2009,
p. 86, par. 68, et affaires qui y sont citées). En outre, une juridiction
qui examine le caractère raisonnable d’une réglementation doit é
reconnaître que c’est à l’autorité de réglementation, éen l’occurrence à
l’Etat qui jouit de la souveraineté sur le fleuve, que revient la ▯responsa

bilité principale d’apprécier la nécessité de réglemen▯ter et, en se fon -
dant sur sa connaissance de la situation, de retenir à cette fin la m▯esure
qu’il estime la plus appropriée. Il ne suffit pas, pour contester ▯une
réglementation, d’affirmer en termes généraux qu’elle est▯ déraison -
nable ; pour qu’une juridiction fasse droit à une telle contestation,

des faits concrets et spécifiques doivent lui être présentés. »
(C.I.J. Recueil 2009, p. 253, par. 101 ; les italiques sont de moi.)

40. Le défendeur dans la présente instance se trouve, du point de vue é
juridique, dans une position similaire à celle du défendeur au regéard du
traité de 1858 en l’affaire du Différend relatif à des droits de navigation et
droits connexes (Costa Rica c. Nicaragua). Le dictum ci-dessus aurait
donc dû être applicable au cas d’espèce.

VII. Application du critèére d’examen au cas d’eéspèce

41. Ayant ainsi clarifié la portée de l’examen de la Cour, et le créitère à

appliquer aux fins d’évaluer les activités menées en vertu dée l’article VIII
dans le cadre de JARPA II, je n’entreprendrai pas de réfuter les conclusions
que la Cour a formulées dans l’arrêt sur la base de son analyseé de fond de
chacun des aspects concrets de la conception et de la mise en œuvre dée ce
programme, aux fins de déterminer, comme la Cour a cherché à le faire

dans la partie 3.B de la section II (arrêt, par. 127-227), s’ils peuvent être
tenus pour objectivement raisonnables. Se livrer à un tel exercice reévien -
drait selon moi à faire exactement ce dont la Cour aurait dû s’éabstenir au
regard de la convention, compte tenu de la nature fondamentale de celle-ci,
si manifeste dans son objet et dans son but, et en particulier compte tenu

de la structure juridique du régime de réglementation établi en veértu de la
convention, et — plus important encore — de la limitation inhérente aux
prérogatives de la Cour en tant qu’institution juridique dotée du pouvoir
de contrôle a posteriori qui est le sien dans le présent contexte.
42. Je voudrais néanmoins appeler l’attention de la Cour sur un point éde

droit, ayant trait à une question de principe qui intéresse l’eénsemble de
l’analyse de fond du programme JARPAII à laquelle se livre la Cour dans
la partie 3.B. Ma critique porte sur la manière dont la Cour a appliqué dansé
l’arrêt le critère du caractère objectivement raisonnable auéx fins de se pro -
noncer sur les activités concrètes menées dans le cadre de JARPéA II en

vertu de l’article VIII de la convention. Selon moi, le sens naturel et ordi -
naire de l’article VIII est clair : c’est au premier chef au gouvernement

95

8 CIJ1062.indb 319 18/05/15 09:29 318 whaling in the antarcétic (diss. op. owada)

has the primary power to grant special permits authorizing to kill, takeé
and treat whales for purposes of scientific research. There is a presumpé -

tion — a strong, though rebuttable, presumption — that the granting
Government, in granting the permits, has made this determination not
only in good faith, but also in light of a careful consideration that thée
activities are carried out for purposes of scientific research. As I havée
repeatedly emphasized, the function of the Court, engaged in the judiciaél

review of the exercise of power by the Contracting Government, is to
assess whether this determination of the Contracting Government in
question is objectively reasonable, in the sense that the programme of
research is based upon a coherent reasoning and supported by respectable
opinions within the scientific community of specialists on whales, even éif
the programme of research may not necessarily command the support of

a majority view within the scientific community involved.
43. In particular, with regard to the issue of lethal taking of whales,
which forms the central theme in the assessment in the Judgment of
whether the programme in its design and implementation can be regarded
as objectively reasonable, the Judgment appears to be applying the stan -

dard of objective reasonableness in such a way that it is the granting
party that bears the burden of establishing that the scale and the size éof
the lethal take envisaged under the programme is reasonable in order foré
the programme to be qualified as a genuine programme “for purposes ofé
scientific research”.

44. To place the onus of meeting such a stringent requirement upon
the party granting the special permits in accordance with the provisionsé
of the Convention cannot be in consonance with the plain and ordinary
meaning of Article VIII, which provides for an unqualified right of the
Contracting Party to “grant . . . special permit[s] authorizing . . . to kill,
take and treat whales for purposes of scientific research” as part ofé the

regulatory régime created under the Convention.
45. In the context of the present dispute, and applying the standard of
objective reasonableness used by the Judgment as the yardstick for deteré -
mining whether the activities were “for purposes of scientific researéch”, it
should be the Applicant, rather than the Respondent, who has to estab -

lish by credible evidence that the activities of the Respondent under
JARPA II cannot be regarded as “reasonable” scientific research activi -
ties for the purposes of Article VIII of the Convention. Under the Con -
vention, the Respondent is given the presumptive power to grant permits é
for activities for purposes of scientific research. In my view, the Applicant

has failed to establish that the activities carried out pursuant to JARPéA II
are not “reasonable” scientific activities.

46. It is my belief that, in fact, the activities carried out pursuant to
JARPA II can be characterized as “reasonable” activities for purposes ofé
scientific research. It may well be that JARPA II is far from a perfect é

programme, but the evidence presented to the Court has clearly shown
that it provides some useful scientific information with respect to minkée

96

8 CIJ1062.indb 320 18/05/15 09:29 chasse à la baleine déansl’antarctique (op. disés. owada) 318

contractant qu’il incombe de délivrer des permis spéciaux autoréisant à tuer,
capturer et traiter des baleines en vue de recherches scientifiques. Il éy a dès

lors lieu de présumer — c’est là une forte présomption qui peut toutefois
être réfutée — que le gouvernement accordant de tels permis aura pris cette
décision non seulement de bonne foi, mais également après s’éêtre soigneu -
sement assuré que les activités envisagées seraient bien menéées en vue de
recherches scientifiques. Comme je l’ai maintes fois souligné, la éfonction de

la Cour, lorsqu’elle se livre à un examen judiciaire de l’exercéice d’un pou -
voir par un gouvernement contractant, est de déterminer si la déciésion prise
par ce gouvernement revêt un caractère objectivement raisonnable —é en
d’autres termes, si le programme de recherche est basé sur un raiséonnement
cohérent et sur des avis respectables d’experts scientifiques spéécialistes des
baleines, quand bien même ce programme n’emporterait pas l’adhéésion de

la majorité au sein de la communauté scientifique concernée.
43. Mais lorsque la Cour se penche en particulier sur la question des
prélèvements létaux de baleines, pivot de l’évaluation àé laquelle elle se
livre pour déterminer si le programme, dans sa conception et dans sa émise
en œuvre, peut être considéré comme objectivement raisonnablée, elle

semble appliquer le critère retenu d’une façon telle qu’elleé met à la charge
de la partie délivrant le permis l’obligation de démontrer que le recours à
ces prélèvements tel qu’envisagé dans le cadre du programme éest d’une
ampleur raisonnable et que ce programme peut donc être considéréé
comme véritablement mené « en vue de recherches scientifiques ».

44. Or, imposer à la partie qui délivre les permis spéciaux en vertéu des
dispositions de la convention des exigences aussi strictes va à l’éencontre
du sens naturel et ordinaire de l’article VIII, qui reconnaît à la partie
contractante le droit inconditionnel d’«accorder … [des] permis spécia[ux]
autorisant … à tuer, capturer et traiter des baleines en vue de recherches
scientifiques» dans le cadre du régime de réglementation établi en vertu

de la convention.
45. Dans le contexte du présent différend, et dès lors que l’oén applique
le critère du caractère objectivement raisonnable à l’aune déuquel la Cour,
dans son arrêt, entend déterminer si les activités visées onét été menées «en
vue de recherches scientifiques », c’est au demandeur et non au défendeur

qu’il devrait incomber de prouver, sur la base d’éléments créédibles, que
les activités menées par ce dernier dans le cadre de JARPA II ne consti -
tuent pas des activités «raisonnables» de recherche scientifique au sens de
l’article VIII de la convention, laquelle reconnaît a priori au défendeur le
pouvoir de délivrer des permis autorisant des activités en vue de érecherches

scientifiques. Or, selon moi, le demandeur n’a pas apporté la preuve que
les activités menées dans le cadre de JARPA II n’étaient pas des activités
scientifiques « raisonnables ».
46. Quant à moi, j’estime que les activités menées dans le cadreé de
JARPA II peuvent être considérées comme « raisonnables» aux fins de la
recherche scientifique. Certes, JARPA II est peut-être loin d’être parfait,

mais il ressort clairement des éléments de preuve qui ont étéé présentés à la
Cour que ce programme permet d’obtenir sur les petits rorquals certaiénes

96

8 CIJ1062.indb 321 18/05/15 09:29 319 whaling in the antarcétic (diss. op. owada)

whales that has been of substantial value to the Scientific Committee. Béy
way of demonstrating the scientific value of JARPA/JARPA II activities,

the Chair of the Scientific Committee stated in 2007 that “[t]he Japanese
input into cetacean research in Antarctica is significant, and I would séay
crucial for the Scientific Committee” (Counter-Memorial of Japan,
Ann. 207, Vol. IV, p. 387). It should be pointed out that a major review
of JARPA II by the IWC is expected to take place this year (2014) and

therefore a fully-fledged evaluation of the programme is premature (which
is another reason for the Court not to pass hasty judgment). Although aé
specific assessment on the contribution of the scientific research con -
ducted by the programme is not yet available for JARPA II itself, the
Report of the IWC Intersessional Workshop to Review Data and Results
from JARPA, which is in many respects substantively similar to

JARPA II, expressed the positive appreciation of the JARPA programme
in the following words :

“The results from the JARPA programme, while not required for
management under the RMP, have the potential to improve manage -
ment of minke whales in the Southern Hemisphere in [two] ways . . .
The results of analyses of JARPA data could be used . . . perhaps to
increase the allowed catch of minke whales in the Southern Hemi -

sphere, without increasing depletion risk above the level indicated by
the existing Implementation Simulation Trials of the RMP for these
minke whales.” (Report of the Intersessional Workshop to Review
Data and Results from Special Permit Research on Minke Whales in
the Antarctic, Tokyo, 4-8 December 2006 ; Counter-Memorial of

Japan, Ann. 113, Vol. III, p. 201 ; emphasis in the original.)

In other words, this IWC Intersessional Workshop Report expressed the

view that the JARPA programme can provide valuable statistical data
which could result in a reconsideration of the allowed catch of minke
whales under the RMP.
47. What is referred to in this Report is precisely the type of data that
was envisioned as useful by the Convention. Article VIII of the Conven -

tion “[r]ecogniz[es] that continuous collection and analysis of bioloégical
data in connection with the operations of factory ships and land stationés
are indispensable to sound and constructive management of the whale
fisheries” and states that “the Contracting Governments will take éall
practicable measures to obtain such data” (Art. VIII, para. 4). Article V

of the Convention further states that amendments to the Schedule “shaéll
be based on scientific findings” (Art. V, para. 2), and the text of the mor -
atorium itself notes, as stated earlier, that it “will be kept under éreview,
based upon the best scientific advice” (Schedule, para. 10 (e)).

48. In light of this evidence given with the authority of the findings of
the Scientific Committee that the JARPA activities provided some of the

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8 CIJ1062.indb 322 18/05/15 09:29 chasse à la baleine déansl’antarctique (op. disés. owada) 319

informations scientifiques utiles, lesquelles se sont même révélées précieuses
pour les travaux du comité scientifique. L’intérêt scientifiéque que présentent

les activités menées dans le cadre de JARPA/JARPA II a ainsi été évoqué
par le président du comité scientifique, qui, en 2007, a jugé[« la contribution
du Japon à la recherche sur les cétacés en Antarctique … considérable, et
même cruciale» (contre-mémoire du Japon, annexe 207, vol. IV, p. 387).
Signalons encore qu’un important examen du programme JARPA II devant

être réalisé par la CBI dans le courant de l’année (2014), il était prématuré
d’en effectuer une évaluation complète (autre raison pour laéquelle la Cour
n’avait pas à se hâter de se prononcer). Si l’on ne disposeé pas encore d’éva -
luation spécifique de la contribution que représentent les recherches scient-i
fiques entreprises dans le cadre de JARPA II lui-même, on pouvait lire dans
le rapport du groupe de travail intersessions chargé d’examiner leés données

et les résultats obtenus dans le cadre de JARPA, qui présente biené des simi -
litudes avec son successeur, l’appréciation suivante :

«Les résultats de JARPA, s’ils ne sont pas nécessaires du point éde
vue de la RMP, sont susceptibles d’améliorer à [deux] égardsé la ges -
tion des petits rorquals dans l’hémisphère sud … Ils pourraient ainsi
permettre d’augmenter, sans aggraver le risque d’épuisement, leé
nombre de prises de petits rorquals autorisées dans l’hémisphèére sud,

au-delà du niveau indiqué par les essais de simulation de mise en
œuvre déjà réalisés pour ces petits rorquals. » (Rapport du groupe de
travail intersessions chargé d’examiner les données et les réésultats
obtenus dans le cadre de la chasse au petit rorqual dans l’Antarc -
tique au titre d’un permis spécial en vue de recherches scientifiques,

Tokyo, 4-8 décembre 2006 ; contre-mémoire du Japon, annexe 113,
vol. III, p. 201 ; les italiques sont dans l’original.)
En d’autres termes, le groupe de travail estimait que le programme

JARPA pouvait permettre d’obtenir des données statistiques précéieuses
susceptibles d’entraîner un réexamen de la limite des captures éde petits
rorquals fixée dans le cadre de la RMP.
47. Les données dont il est fait état dans ce rapport sont précisément
de l’ordre de celles considérées comme utiles dans la conventioén. L’ar -

ticle VIII de celle-ci « [r]econna[ît] qu’il est indispensable, pour assurer
une gestion saine et profitable de l’industrie baleinière, de rasséembler et
d’analyser constamment les renseignements biologiques recueillis àé l’occa -
sion des opérations des usines flottantes et des stations terrestreés » et dis-
pose que les « Gouvernements contractants prendront toutes les mesures

en leur pouvoir pour se procurer ces renseignements » (art. VIII, par. 4).
L’article V de la convention indique en outre que les modifications du
règlement « se fonder[ont] sur des données scientifiques » (art. V, par. 2),
et la disposition établissant le moratoire elle-même précise, comme je l’ai
dit plus haut, que celui-ci «sera régulièrement soumi[s] à un examen fondé
sur les meilleurs avis scientifiques » (règlement, par. 10 e)).

48. A la lumière de cette conclusion autorisée du comité scientifiqéue,
selon laquelle les activités de JARPA ont précisément permis d’éobtenir

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8 CIJ1062.indb 323 18/05/15 09:29 320 whaling in the antarcétic (diss. op. owada)

very data that the drafters of the Convention found to be “indispensaéble

to sound and constructive management of the whale fisheries” (Art. VIII,
para. 4), it is difficult to see how the activities of JARPA and its succes -
sor, JARPA II, could be considered “unreasonable.”

VIII. Conclusion

49. By way of conclusion, it should be emphasized that the sole and
crucial issue at the centre of the present dispute is whether the activiéties

under the programme of JARPA II are “for purposes of scientific
research”. The issue is not whether the programme of JARPA II has
attained a level of excellence as a project for scientific research for éachiev
ing the object and purpose of the Convention, which is a matter to be
considered and examined by the Scientific Committee. It may also be trueé

that the JARPA II programme is far from being perfect for attaining such
an objective and may need improvements to achieve that purpose. Such
criticism of JARPA II could appropriately be valuable in the review
process, with a view to remodelling or redesigning these activities in
accordance with what the regulatory framework of the Convention pre -

scribes, but this cannot be the ground for the Court to declare that theé
activities of the programme are unreasonable for purposes of scientific é
research. Even if JARPA II contained some defects as a programme for
purposes of scientific research, that fact in itself would not turn thesée
activities into activities for commercial whaling. It certainly could not be

the reason for this Court to rule that “Japan shall revoke any extant
authorization, permit or licence granted in relation to JARPA II”
(Judgment, operative part 7, para. 247).

(Signed) Hisashi Owada.

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8 CIJ1062.indb 324 18/05/15 09:29 chasse à la baleine déansl’antarctique (op. disés. owada) 320

certains de ces renseignements que les auteurs de la convention estimaieént

«indispensable[s] … pour assurer une gestion saine et profitable de l’in -
dustrie baleinière » (art. VIII, par. 4), il est difficile de saisir en quoi les
activités menées dans le cadre de JARPA puis de JARPA II peuvent être
considérés comme « déraisonnables ».

VIII. Conclusion

49. En conclusion, je voudrais insister sur le fait que la question cru -
ciale en l’espèce consistait uniquement à savoir si le programmée JARPA II

était bien mené « en vue de recherches scientifiques ». Il ne s’agissait pas
pour la Cour de déterminer s’il constitue un programme de recherchée
scientifique idéal pour réaliser l’objet et le but de la convenétion, question
qui est du ressort du comité scientifique. Il se peut que le programmée
JARPA II soit loin d’être parfait pour atteindre un tel objectif et doivée,

dans cette optique, être amélioré. Il serait sans doute utile dée le soumettre
à une évaluation critique dans le cadre du processus d’examen, aux fins
d’ajuster ou de revoir du tout au tout les activités de recherche qu’il
recouvre pour assurer leur conformité aux prescriptions du cadre réégle -
mentaire mis en place par la convention. Reste que la Cour ne peut

s’appuyer sur de telles critiques pour affirmer que les activités menées
dans le cadre du programme ne sont pas raisonnables aux fins de la
recherche scientifique. JARPA II n’est peut-être pas dépourvu de défauts
en tant que programme mené en vue de recherches scientifiques, mais céela
ne suffit pas à en faire un programme de chasse commerciale à la ébaleine.

Et ce n’est certainement pas ce qui pouvait fonder la Cour à concléure à la
nécessité pour «le Japon [de] révoquer tout permis, autorisation ou licence
déjà délivré dans le cadre de JARPA II » (arrêt, dispositif, point 7,
par. 247).

(Signé) Hisashi Owada.

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Opinion dissidente de M. le juge Owada

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