Déclaration de M. le juge ad-hoc Mensah

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124-20121119-JUD-01-06-EN
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762

DÉCLARATION DE M. LE JUGE AD HOC MENSAH

[Traduction]

Bien‑fondé de la décision de ne pas accueillir la demande formulé▯e dans la

conclusion finale I. 3) du Nicaragua — Inopportunité d’invoquer la déclaration
faite dans Nicaragua c. Honduras concernant des demandes de plateau continental
s’étendant au‑delà de 200 milles marins — Rejet de l’argument selon lequel le
Nicaragua devrait établir les limites extérieures de son plateau c▯ontinental
conformément à l’article 76 de la CNUDM aux fins d’une délimitation à l’égard
d’Etats non parties à cette convention — Attribution aux Etats côtiers, par le droit
international coutumier, de droits à un plateau continental au‑delà▯ de 200 milles
marins — Droits sur le plateau continental indépendants de toute occupati▯on ou
proclamation expresse — Incapacité de la CNUDM à imposer aux Etats parties

des obligations à l’égard de non‑parties — Preuve non apportée par le Nicaragua
de son droit à un plateau continental au‑delà de 200 milles marins — Insuffisance,
pour la Cour, des preuves dont ne se satisferait pas la Commission des l▯imites du
plateau continental — Absence d’éléments suffisants pour permettre à la Cour ▯de
faire droit à la demande de délimitation du Nicaragua — Aucune impossibilité
systématique pour les cours et tribunaux de délimiter le plateau c▯ontinental au‑delà
de 200 milles marins lorsque les limites extérieures n’ont pas été fixées
conformément à l’article 76 — Article 59 risquant de ne pas suffire à protéger les
Etats tiers affectés par l’arrêt.

1. Je souscris à la conclusion de la Cour selon laquelle la demande for -
mulée par le Nicaragua au point I. 3) de ses conclusions finales, la priant
de délimiter les portions de plateau continental relevant respectivemxent de

chacune des Parties au-delà de 200 milles marins, ne peut être accueillie.
Selon moi, la raison justifiant (et suffisant à justifier) cetxte conclusion est
celle indiquée au paragraphe 129 de l’arrêt, à savoir que le Nicaragua n’a
pas « apporté la preuve » que sa marge continentale s’étendait suffisam -

ment loin pour chevaucher le plateau continental dont la Colombie peut sxe
prévaloir sur 200 milles marins à partir de sa côte continentale.
2. En revanche, je ne pense pas que la raison de rejeter la demande du
Nicaragua exposée au paragraphe 126 de l’arrêt soit valable dans les cir -

constances propres au cas d’espèce. En particulier, je pense qu’xil n’était ni
opportun ni nécessaire de se référer à la déclaration faixte par la Cour dans
l’affaire Nicaragua c. Honduras, selon laquelle «toute prétention relative à
des droits sur le plateau continental au-delà de 200 milles doit être

conforme à l’article 76 de la [convention des Nations Unies sur le droit de
la mer de 1982] et examinée par la Commission des limites du plateau x
continental constituée en vertu de ce traité » (Différend territorial et mari ‑
time entre le Nicaragua et le Honduras dans la mer des Caraïbes (Nic▯ara ‑

gua c. Honduras), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (II), p. 759, par. 319). Cette
déclaration était sans doute parfaitement juste et incontestable dxans les
circonstances propres à l’affaire en question, qui opposait deuxx Etats par -

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6 CIJ1034.indb 281 7/01/14 12:43 différend territoriaxl et maritime (décl. mensxah) 763

ties à la convention des Nations Unies sur le droit de la mer de 1982
(ci-après la « CNUDM»), mais elle n’est ni pertinente ni correcte en la

présente instance, où l’un des Etats n’est pas partie à cxette convention. A
cet égard, je trouve très peu plausible ce que donne ici à entendre la Cour,
à savoir que les mots « toute prétention» employés dans l’arrêt Nicaragua
c. Honduras étaient censés renvoyer à « toute prétention d’un Etat partie à
la CNUDM ». Dans le contexte de cette dernière affaire, le membre de

phrase suppléé à la déclaration de la Cour (à supposer qxu’il corresponde
effectivement à ce que celle-ci entendait exprimer) devrait être plus précis
et renvoyer à « toute prétention d’un Etat partie à la CNUDM à l’égardx
d’un autre Etat partie ».
3. Ainsi qu’indiqué au paragraphe 118, la Cour a constaté que, la
Colombie n’étant pas partie à la CNUDM, le droit applicable en xla pré -

sente affaire était « le droit international coutumier ». Or, si le Nicaragua
et la Colombie s’accordent à considérer que certaines des dispoxsitions de
l’article 76 reflètent le droit international coutumier, ils divergent sur le
point de savoir précisément lesquelles. La Colombie conteste ainsix que les
paragraphes 4 à 9 de l’article 76 puissent être considérés comme des règles

de droit international coutumier, et la Cour elle-même a indiqué ne pas
devoir se prononcer sur la question de savoir quelles dispositions de l’xar -
ticle 76 de la CNUDM, autres que son paragraphe 1, relèvent de ce droit.
Il est donc raisonnable de partir du principe que les autres dispositions de
l’article 76 de la CNUDM (et en tout état de cause les paragraphes 4 à 9,

à l’égard desquels la Colombie a élevé des objections) nxe font pas partie
des dispositions tenues pour applicables en la présente affaire.
4. Ce nonobstant, la Cour cherche ici à justifier le renvoi à l’xarrêt Nica ‑
ragua c. Honduras en arguant que la déclaration qu’elle y a faite reste
pertinente au cas d’espèce même si l’un des Etats en présxence (la Colom -
bie) n’est pas partie à la CNUDM, cette situation de la Colombie xà

l’égard de la convention n’exonérant pas le Nicaragua « des obligations
qu’il tient de l’article 76 de cet instrument » (arrêt, par. 126). Le Nicara -
gua serait ainsi tenu de suivre la procédure énoncée à l’article 76 de la
CNUDM dès lors qu’il voudrait fixer des limites extérieures dx’un plateau
continental s’étendant au-delà de 200 milles marins qui soient «définitives

et de caractère obligatoire», fût-ce à l’égard de la Colombie. Pour intéres -
sant qu’il me semble, cet argument ne m’apparaît pas défendaxble.

5. Pour commencer, le Nicaragua ne prétend pas fixer de manière déxfi-
nitive et obligatoire les limites extérieures de son plateau continental

au-delà de 200 milles marins, et ne demande pas davantage à la Cour de
se prononcer sur de telles limites ou de les déterminer elle-même. Comme
le relève fort pertinemment la Cour au paragraphe 128, le Nicaragua, au
second tour de plaidoiries, a déclaré qu’il « ne [lui] demand[ait] pas de
décision définitive sur l’emplacement précis de la limite extérieure d[e son]
plateau continental», mais la « pri[ait] de dire que les portions du plateau

continental auxquelles pouvaient prétendre le Nicaragua et la Colombie
étaient délimitées par une ligne au tracé défini ». La réponse de la Cour à

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6 CIJ1034.indb 283 7/01/14 12:43 différend territoriaxl et maritime (décl. mensxah) 764

cette demande (arrêt, par. 129), à laquelle je souscris pleinement, a
consisté à dire qu’elle n’était pas en mesure de délimxiter les portions du

plateau continental relevant de chacune des Parties, « même en utilisant la
formulation générale proposée par [le Nicaragua] ».
6. Selon moi, cette conclusion de la Cour ne justifie pas la référexnce à
la déclaration figurant dans l’affaire Nicaragua c. Honduras, non plus que
l’argument développé au paragraphe 126. Poussé jusqu’à sa conclusion

logique, celui-ci revient à affirmer qu’un Etat partie à la CNUDM ne
peut, à l’égard d’un Etat non partie à celle-ci, faire valoir son droit à un
plateau continental au-delà de 200 milles marins qu’à la condition de
suivre la procédure énoncée aux paragraphes 8 et 9 de l’article 76 de la
convention. En outre, l’importance accordée à la procédure dxéfinie à l’ar -
ticle 76 de la CNUDM (y compris le rôle de la Commission des limites du

plateau continental (ci-après la «Commission»)) semble revenir à exclure,
ou tout au moins à limiter fortement, la possibilité pour un Etat xnon par -
tie à la convention de faire valoir son droit à un plateau continexntal
au-delà de 200 milles marins vis-à-vis d’Etats tiers, parties ou non à la
CNUDM, puisqu’il devient à tout le moins possible de soutenir que xcette

procédure ne lui est pas ouverte (en tout cas pas de plein droit).
7. Dès lors, si, dans le contexte de l’affaire Nicaragua c. Honduras, la
déclaration citée pouvait se justifier, je ne pense pas qu’elle trouve à s’ap -
pliquer, ou ait une quelconque utilité, en la présente espèce. xA mes yeux,
en l’invoquant dans ce contexte, la Cour donne à entendre que sa décision

en l’affaire Nicaragua c. Honduras (et donc, par implication, sa décision
en la présente espèce) jette un doute sur la possibilité pour xun Etat non
partie à la CNUDM de faire valoir un droit au plateau continental
au-delà de 200 milles marins, ou encore qu’une telle revendication, de la
part d’un Etat non partie à la convention, pourrait n’être jxamais oppo -
sable à des Etats tiers. Concrètement, cela signifierait qu’uxn Etat non pa- r

tie à la CNUDM pourrait être dans l’incapacité de faire valoxir des droits
à un plateau continental au-delà de sa zone économique exclusive. Or,
selon moi, rien ne saurait, en droit, justifier une telle conclusion. xA cet
égard, il importe de relever que l’article 77 de la CNUDM (qui reflète
clairement le droit international coutumier) dispose expressément quxe les

droits de l’Etat côtier sur le plateau continental sont indépenxdants de l’oc -
cupation aussi bien que de toute proclamation expresse. Il est donc plaux-
sible de soutenir que le droit d’un Etat côtier à un plateau coxntinental
au-delà de 200 milles marins existe ipso facto et ab initio en droit interna -
tional coutumier, que cet Etat soit ou non partie à la CNUDM. La pro -

cédure en vertu de laquelle un Etat non partie à cet instrument poxurra
faire valoir son droit sera peut-être différente, mais la faculté de faire
valoir ce droit doit lui être reconnue lorsque les conditions nécexssaires
sont remplies.
8. Je tiens à préciser que je n’entends ni ne souhaite d’aucunex façon
minorer les obligations que les paragraphes 8 et 9 de l’article 76 de la

CNUDM imposent aux Etats parties désireux de fixer de manière «x défini-
tiv[e] et … obligatoire » les limites extérieures de leur plateau continental

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6 CIJ1034.indb 285 7/01/14 12:43 différend territoriaxl et maritime (décl. mensxah) 765

au-delà de 200 milles marins. Loin de moi, également, l’idée de mettre en
doute ou de sous-estimer l’objet et le but de la CNUDM consistant claire-

ment à établir « un ordre juridique pour les mers et les océans », non plus
que la nécessité ou l’opportunité d’une application univexrselle du régime
prévu par la convention. Mais je ne pense ni ne saurais admettre que xle
caractère spécial de cette dernière, tel qu’énoncé en xson préambule, rende
les droits et les obligations incombant aux Etats qui y sont parties fonxda -

mentalement différents des droits et des obligations contractés xpar les
Etats parties à d’autres traités. En particulier, je ne conçxois pas que « l’ob-
jet et [le] but de la CNUDM, tels qu’exposés dans son préambule »,
imposent per se aux parties à la convention des obligations vis-à-vis d’Etats
ayant délibérément choisi de ne pas consentir à être liéxs par les dispositions
de cet instrument. S’il est vrai que « le fait que la Colombie n[e] soit pas

partie [à la CNUDM] n’exonère pas le Nicaragua des obligations xqu’il
tient de l’article 76 de cet instrument », il n’est rien, que ce soit dans le
préambule ou dans l’une quelconque des dispositions de la conventixon, qui
puisse légitimement être interprété comme signifiant que lxes obligations
qu’un Etat tient de cet instrument lui incombent aussi à l’éxgard des Etats

qui n’y sont pas parties. De mon point de vue, les obligations énoncées aux
paragraphes 8 et 9 de l’article 76 sont des « obligations conventionnelles»
applicables uniquement entre Etats ayant expressément consenti à êxtre liés
par la convention. Ces dispositions ne sauraient être réputées ximposer à
l’ensemble des Etats, en vertu du droit international coutumier, des obliga -

tions auxquelles ils ne sauraient se soustraire. Dès lors, elles ne sx’appliquent
que lorsque tous les Etats concernés sont parties à la CNUDM.
9. En tout état de cause, j’aurais préféré voir la Cour indixquer claire -
ment dans son arrêt qu’elle a considéré que les élémenxts qui lui avaient été
soumis par le Nicaragua laissaient à désirer non parce que les infxorma -
tions requises n’avaient pas été communiquées à la Commisxsion ou parce

que celle-ci n’avait pas adressé les recommandations prévues au para -
graphe 8 de l’article 76 de la CNUDM, mais parce que les informations
soumises n’étaient pas suffisantes pour lui permettre de procéxder à la déli -
mitation du plateau continental au-delà de 200 milles marins de la côte
du Nicaragua. Selon moi, la Cour n’a pas lieu de conclure qu’elle ne peut

se satisfaire des éléments versés au dossier pour la simple raixson que le
Nicaragua ne s’est pas acquitté des obligations de nature procéxdurale qui
lui eussent permis d’obtenir une recommandation positive de la Com-
mission en vertu du paragraphe 8 de l’article 76 de la CNUDM. Ainsi
qu’indiqué plus haut, ces obligations ne sont applicables que si lxes Etats

concernés sont tous parties à la convention.
10. S’il avait été jugé nécessaire ou utile de préciser lax nature des élé -
ments de preuve dont la Cour eût pu se satisfaire, il aurait suffi dxe relever
que les informations fournies jusque lors par le Nicaragua étaient, dxe
l’aveu même de celui-ci, seulement « préliminaires», et n’auraient donc
pas davantage pu emporter la conviction de la Cour qu’elles n’auraxient

pu emporter celle de la Commission. A cet égard, il convient de relevxer
que la communication d’informations « préliminaires» vise non à per -

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6 CIJ1034.indb 287 7/01/14 12:43 différend territoriaxl et maritime (décl. mensxah) 766

mettre à la Commission de formuler des recommandations, mais bien àx
permettre à l’Etat côtier de « gagner du temps ».

11. Si la communication à la Commission d’une demande en bonne et
due forme ne devrait pas toujours être nécessaire pour qu’une juridiction
puisse délimiter un plateau continental au-delà de 200 milles marins, les
informations dont se satisferait la Commission devraient en règle géxnérale
également suffire à une Cour ou un tribunal en tant que point de xdépart

de la délimitation du plateau continental lorsque (comme c’est lex cas en
espèce) cette communication n’est pas obligatoire. A cet égardx, il y a lieu
de rappeler que, dans l’affaire Bangladesh/Myanmar, la conclusion du Tri -
bunal international du droit de la mer selon laquelle le Bangladesh et le
Myanmar possèdent tous deux un titre sur un plateau continental au-delà
de 200 milles marins de leurs côtes était expressément fondée sur, xd’une

part, des « preuves scientifiques non contestées » versées lors de la procé -
dure et, d’autre part, des informations communiquées par les deux Etats
à la Commission sans que celle-ci eût statué sur ces communications (Dif ‑
férend relatif à la délimitation de la frontière maritime entre le Bangladesh
et le Myanmar dans le golfe du Bengale (Bangladesh/Myanmar), arrêt ▯du

14 mars 2012, TIDM, par. 443-449).
12. Je crains que l’on ne déduise du présent arrêt qu’une jurxidiction
devrait, dans tous les cas et de manière automatique, se déclarer xinca -
pable de statuer sur un différend portant sur la délimitation d’xun plateau
continental au-delà de 200 milles marins dès lors que l’une des parties en

présence ne se serait pas conformée à la procédure prévuex à l’article 76 de
la CNUDM ou n’aurait pas été en mesure de s’y conformer. Or, je pense
que l’on ne doit pas exclure, en principe, toute possibilité pour xune juri -
diction qui le voudrait ou le pourrait de trancher un tel différendx sur la
base des informations qui lui auront été communiquées à propxos de la
géologie et de la géomorphologie de la zone concernée. Il convixent ainsi

d’indiquer clairement que, dans une affaire de cette nature impliquxant
deux Etats non parties à la CNUDM, le juge n’est pas tenu de renonxcer à
connaître du différend pour la seule raison que l’un ou l’xautre desdits
Etats n’a pas suivi la procédure prescrite à l’article 76. Lorsque les Etats
en question ne sont pas parties à la convention, la procédure préxvue en

son article 76 ne devrait pas leur être applicable, si tant est, du reste,
qu’elle leur soit même ouverte. Quoi qu’il en soit, comme je l’xai déjà dit,
je tiens pour superflu le paragraphe 126 de l’arrêt. Il n’ajoute rien de subs -
tantiel au raisonnement de la Cour, mais pourrait avoir des implications
que j’estime à la fois injustifiées et malencontreuses.

13. En ce qui concerne la délimitation qu’a effectuée la Cour, jex par -
tage le point de vue du juge ad hoc Cot selon lequel l’arrêt met à mal les
droits et intérêts d’Etats tiers. Ainsi, je ne pense pas qu’xun poids suffisant
ait été accordé à l’effet et à l’importance des axccords bilatéraux conclus

dans la région. Je considère moi aussi que ces accords constituentx un
cadre de gestion multilatérale informelle de la mer des Caraïbes oxcciden -

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6 CIJ1034.indb 289 7/01/14 12:43 différend territoriaxl et maritime (décl. mensxah) 767

tale, et sont censés avoir des implications considérables pour «x l’ordre
public des océans ». Comme la Cour l’a relevé à bon droit en renvoyant
à la sentence rendue par le tribunal arbitral dans l’affaire Barbade/
Trinité‑et‑Tobago, une délimitation de nature à contribuer à une gestion
ordonnée des océans doit être « à la fois équitable et aussi satisfaisante

que possible sur le plan pratique, compte tenu de la nécessité de xparvenir
à un résultat stable sur le plan juridique » (sentence du 11 avril 2006, RSA,
vol. XXVII, p. 215, par. 244 ; ILR, vol. 139, p. 524). Je ne suis pas certain
que le seul article 59 du Statut de la Cour suffise à protéger les droits des
Etats tiers, et soit propice à l’objectif de stabilité ou à xune solution pra -

tique en la présente espèce.

(Signé) Thomas A. Mensah.

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6 CIJ1034.indb 291 7/01/14 12:43

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762

DECLARATION OF JUDGE AD HOC MENSAH

Agrees with decision not to uphold Nicaragua’s final submission I (3) —

Disagrees with reliance on statement from Nicaragua v. Honduras regarding
continental shelf claims beyond 200 nautical mile— Does not accept argument
that Nicaragua needs to establish outer limits of continental shelf pursuant to
UNCLOS Article 76 for purposes of delimitation vis‑à‑vis non‑parties to
UNCLOS — Coastal States have entitlements to continental shelf beyond 200
nautical miles under customary international law — Rights over continental shelf
do not depend on occupation or express proclamation — UNCLOS does not
impose obligations on parties vis‑à‑vis non‑parties — Nicaragua’s evidence on its
entitlement to continental shelf beyond 200 nautical miles was inadequate —

Evidence not sufficient for the Commission on the Limits of the Continen▯tal Shelf
also not adequate for the Court — Court lacks sufficient basis to accede to
Nicaragua’s delimitation request — No automatic bar for courts and tribunals to
delimit the continental shelf beyond 200 nautical miles where outer limi▯ts have not
been established pursuant to Article 76 — Article 59 may not be adequate to
protect third States that are affected by the Judgment.

1. I agree with the conclusion of the Court that Nicaragua’s final subx-
mission I (3), which requests the Court to effect the delimitation between
the respective continental shelves of Nicaragua and Colombia beyond 200 x

nautical miles, cannot be upheld. As I see it, the correct (and sufficxient)
reason for this conclusion is as indicated in paragraph 129 of the Judg -
ment, namely, that Nicaragua has failed to “establish” that it has a con -
tinental margin that extends far enough to overlap with Colombia’s

200-nautical-mile entitlement to a continental shelf.

2. I do not believe that the reason given in paragraph 126 of the Judg -
ment for rejecting Nicaragua’s request is correct in the circumstancexs of

this case. In particular, I do not consider that the reference to the Court’s
statement in the case of Nicaragua v. Honduras, to the effect that “any
claim to continental shelf rights beyond 200 miles must be in accordance
with Article 76 of UNCLOS and reviewed by the Commission on the

Limits of the Continental Shelf established thereunder”, is either appro -
priate or necessary (Territorial and Maritime Dispute between Nicaragua
and Honduras in the Caribbean Sea (Nicaragua v. Honduras), Judgment,
I.C.J. Reports 2007 (II), p. 759, para. 319). That statement might have

been valid and unobjectionable in the circumstances of the Nicaragua v.
Honduras case, since both the Parties in the case were States parties to the
1982 United Nations Convention on the Law of the Sea (“UNCLOS”).x

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6 CIJ1034.indb 280 7/01/14 12:43 762

DÉCLARATION DE M. LE JUGE AD HOC MENSAH

[Traduction]

Bien‑fondé de la décision de ne pas accueillir la demande formulé▯e dans la

conclusion finale I. 3) du Nicaragua — Inopportunité d’invoquer la déclaration
faite dans Nicaragua c. Honduras concernant des demandes de plateau continental
s’étendant au‑delà de 200 milles marins — Rejet de l’argument selon lequel le
Nicaragua devrait établir les limites extérieures de son plateau c▯ontinental
conformément à l’article 76 de la CNUDM aux fins d’une délimitation à l’égard
d’Etats non parties à cette convention — Attribution aux Etats côtiers, par le droit
international coutumier, de droits à un plateau continental au‑delà▯ de 200 milles
marins — Droits sur le plateau continental indépendants de toute occupati▯on ou
proclamation expresse — Incapacité de la CNUDM à imposer aux Etats parties

des obligations à l’égard de non‑parties — Preuve non apportée par le Nicaragua
de son droit à un plateau continental au‑delà de 200 milles marins — Insuffisance,
pour la Cour, des preuves dont ne se satisferait pas la Commission des l▯imites du
plateau continental — Absence d’éléments suffisants pour permettre à la Cour ▯de
faire droit à la demande de délimitation du Nicaragua — Aucune impossibilité
systématique pour les cours et tribunaux de délimiter le plateau c▯ontinental au‑delà
de 200 milles marins lorsque les limites extérieures n’ont pas été fixées
conformément à l’article 76 — Article 59 risquant de ne pas suffire à protéger les
Etats tiers affectés par l’arrêt.

1. Je souscris à la conclusion de la Cour selon laquelle la demande for -
mulée par le Nicaragua au point I. 3) de ses conclusions finales, la priant
de délimiter les portions de plateau continental relevant respectivemxent de

chacune des Parties au-delà de 200 milles marins, ne peut être accueillie.
Selon moi, la raison justifiant (et suffisant à justifier) cetxte conclusion est
celle indiquée au paragraphe 129 de l’arrêt, à savoir que le Nicaragua n’a
pas « apporté la preuve » que sa marge continentale s’étendait suffisam -

ment loin pour chevaucher le plateau continental dont la Colombie peut sxe
prévaloir sur 200 milles marins à partir de sa côte continentale.
2. En revanche, je ne pense pas que la raison de rejeter la demande du
Nicaragua exposée au paragraphe 126 de l’arrêt soit valable dans les cir -

constances propres au cas d’espèce. En particulier, je pense qu’xil n’était ni
opportun ni nécessaire de se référer à la déclaration faixte par la Cour dans
l’affaire Nicaragua c. Honduras, selon laquelle «toute prétention relative à
des droits sur le plateau continental au-delà de 200 milles doit être

conforme à l’article 76 de la [convention des Nations Unies sur le droit de
la mer de 1982] et examinée par la Commission des limites du plateau x
continental constituée en vertu de ce traité » (Différend territorial et mari ‑
time entre le Nicaragua et le Honduras dans la mer des Caraïbes (Nic▯ara ‑

gua c. Honduras), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (II), p. 759, par. 319). Cette
déclaration était sans doute parfaitement juste et incontestable dxans les
circonstances propres à l’affaire en question, qui opposait deuxx Etats par -

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6 CIJ1034.indb 281 7/01/14 12:43 763 territorial and marixtime dispute (decl. menxsah)

However, it is neither correct nor relevant in the present case, given txhat
one of the Parties is not a State party to UNCLOS. In this connection, Ix

find a trifle implausible the suggestion in the Judgment that the exxpres -
sion “any claim” in the Nicaragua v. Honduras Judgment was intended to
mean “any claim by a State party to UNCLOS”. In the context of that
case, the qualification to the Court’s statement (assuming that anxy such
qualification had in fact been intended) would and should go further xto

refer to “any claim by a State party to UNCLOS as against another Staxte
party”.

3. As indicated in paragraph 118, the Court has determined that, since
Colombia is not a party to UNCLOS, the law applicable to the case is

“customary international law”. Although both Nicaragua and Colombixa
agree that some provisions of Article 76 reflect customary international
law, they disagree on which provisions fall into this category. Specifixcally,
Colombia denies that paragraphs 4 to 9 of Article 76 can be considered to
be rules of customary international law ; and the Court itself has stated

that it does not need to decide as to which provisions of Article 76 of
UNCLOS, other than paragraph 1, form part of customary international
law. Accordingly, it is reasonable to operate on the assumption that othxer
provisions of Article 76 of UNCLOS (and certainly paragraphs 4 to 9 to
which Colombia objects) are not included in the provisions deemed to be

applicable in this case.

4. In spite of this, the Judgment seeks to justify the reference to the
Nicaragua v. Honduras Judgment on the ground that, although in the
present case one of the Parties (Colombia) is not a State party to
UNCLOS, the Court’s statement in Nicaragua v. Honduras is still rele -

vant because, in the view of the Court, the fact that Colombia is not a x
party to UNCLOS does not relieve Nicaragua “of its obligations under x
Article 76 of that Convention” (Judgment, para. 126). This would seem
to suggest that Nicaragua is obliged to follow the procedure set forth
under Article 76 of UNCLOS if it seeks to establish outer limits for its

continental shelf beyond 200 nautical miles that are “final and binxding”,
even as against Colombia. Although I find this argument interesting, Ix do
not consider that it is sustainable.
5. In the first place, Nicaragua does not seek to establish final and
binding outer limits for its continental shelf beyond 200 nautical miles ;

nor does it request the Court to establish or pronounce on such an outerx
limit. As the Court pertinently notes in paragraph 128, Nicaragua in the
second round of oral argument stated that it was “not asking [the Couxrt]
for a definitive ruling on the precise location of the outer limit of xNicara -
gua’s continental shelf”, but was rather “asking [the Court] to say that
Nicaragua’s continental shelf entitlement is divided from Colombia’xs con -

tinental shelf entitlement by a delimitation line which has a defined x
course”. The Court’s response to this request (ibid., para. 129), with which

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6 CIJ1034.indb 282 7/01/14 12:43 différend territoriaxl et maritime (décl. mensxah) 763

ties à la convention des Nations Unies sur le droit de la mer de 1982
(ci-après la « CNUDM»), mais elle n’est ni pertinente ni correcte en la

présente instance, où l’un des Etats n’est pas partie à cxette convention. A
cet égard, je trouve très peu plausible ce que donne ici à entendre la Cour,
à savoir que les mots « toute prétention» employés dans l’arrêt Nicaragua
c. Honduras étaient censés renvoyer à « toute prétention d’un Etat partie à
la CNUDM ». Dans le contexte de cette dernière affaire, le membre de

phrase suppléé à la déclaration de la Cour (à supposer qxu’il corresponde
effectivement à ce que celle-ci entendait exprimer) devrait être plus précis
et renvoyer à « toute prétention d’un Etat partie à la CNUDM à l’égardx
d’un autre Etat partie ».
3. Ainsi qu’indiqué au paragraphe 118, la Cour a constaté que, la
Colombie n’étant pas partie à la CNUDM, le droit applicable en xla pré -

sente affaire était « le droit international coutumier ». Or, si le Nicaragua
et la Colombie s’accordent à considérer que certaines des dispoxsitions de
l’article 76 reflètent le droit international coutumier, ils divergent sur le
point de savoir précisément lesquelles. La Colombie conteste ainsix que les
paragraphes 4 à 9 de l’article 76 puissent être considérés comme des règles

de droit international coutumier, et la Cour elle-même a indiqué ne pas
devoir se prononcer sur la question de savoir quelles dispositions de l’xar -
ticle 76 de la CNUDM, autres que son paragraphe 1, relèvent de ce droit.
Il est donc raisonnable de partir du principe que les autres dispositions de
l’article 76 de la CNUDM (et en tout état de cause les paragraphes 4 à 9,

à l’égard desquels la Colombie a élevé des objections) nxe font pas partie
des dispositions tenues pour applicables en la présente affaire.
4. Ce nonobstant, la Cour cherche ici à justifier le renvoi à l’xarrêt Nica ‑
ragua c. Honduras en arguant que la déclaration qu’elle y a faite reste
pertinente au cas d’espèce même si l’un des Etats en présxence (la Colom -
bie) n’est pas partie à la CNUDM, cette situation de la Colombie xà

l’égard de la convention n’exonérant pas le Nicaragua « des obligations
qu’il tient de l’article 76 de cet instrument » (arrêt, par. 126). Le Nicara -
gua serait ainsi tenu de suivre la procédure énoncée à l’article 76 de la
CNUDM dès lors qu’il voudrait fixer des limites extérieures dx’un plateau
continental s’étendant au-delà de 200 milles marins qui soient «définitives

et de caractère obligatoire», fût-ce à l’égard de la Colombie. Pour intéres -
sant qu’il me semble, cet argument ne m’apparaît pas défendaxble.

5. Pour commencer, le Nicaragua ne prétend pas fixer de manière déxfi-
nitive et obligatoire les limites extérieures de son plateau continental

au-delà de 200 milles marins, et ne demande pas davantage à la Cour de
se prononcer sur de telles limites ou de les déterminer elle-même. Comme
le relève fort pertinemment la Cour au paragraphe 128, le Nicaragua, au
second tour de plaidoiries, a déclaré qu’il « ne [lui] demand[ait] pas de
décision définitive sur l’emplacement précis de la limite extérieure d[e son]
plateau continental», mais la « pri[ait] de dire que les portions du plateau

continental auxquelles pouvaient prétendre le Nicaragua et la Colombie
étaient délimitées par une ligne au tracé défini ». La réponse de la Cour à

143

6 CIJ1034.indb 283 7/01/14 12:43 764 territorial and marixtime dispute (decl. menxsah)

I fully agree, is that it is not in a position to delimit a continental xshelf
boundary between the Parties, “even using the general formulation pro -

posed [by Nicaragua]”.

6. In my view this conclusion of the Court does not justify the refer -
ence to the statement in the Nicaragua v. Honduras case, or the argument
in paragraph 126. That argument, taken to its logical conclusion, suggests

that a State which is a party to UNCLOS can only assert its right to a
continental shelf beyond 200 nautical miles, as against a State which isx
not a party to the Convention, if it follows the procedure in paragraphsx 8
and 9 of Article 76 of UNCLOS. Furthermore, placing emphasis on the
procedure set out in Article 76 of UNCLOS (including the role of the
Commission on the Limits of the Continental Shelf (the “Commission”x))

appears to leave little or no room for a State which is not a party to
UNCLOS to assert its right to a continental shelf beyond 200 nautical
miles vis-à-vis third States, whether or not such third States are paxrties to
UNCLOS, since it is at least arguable that this procedure is not availabxle
(certainly not as of right) to non-parties to UNCLOS.

7. Thus, while in the context of the Nicaragua v. Honduras case the
statement quoted might have been correct and pertinent, I do not think it
is correct or helpful in the present case. In my view, the use of the stxate -
ment in this context would appear to suggest that the Court’s decision in

Nicaragua v. Honduras (and by implication its decision in this case) puts
in doubt the possibility that a State which is not a party to UNCLOS
may assert a right to a continental shelf beyond 200 nautical miles or,
alternatively, that the claim of such a State to a continental shelf beyxond
200 nautical miles may never be opposable vis-à-vis third States. This
would in effect mean that a State which is not a party to UNCLOS may

not be able to establish rights to a continental shelf beyond the limitsx of
its exclusive economic zone. In my view, there is no legal justificatixon for
such a proposition. In this connection, it is important to note that Artxi -
cle 77 of UNCLOS (which clearly reflects customary international law)
categorically states that the rights of the coastal State over the contixnental

shelf do not depend on occupation or express proclamation. Accordingly, x
it can plausibly be argued that the entitlement of a coastal State to a xcon -
tinental shelf beyond 200 nautical miles arises ipso facto and ab initio
under customary international law, whether or not the State is a party to
UNCLOS. The procedure by which a non-UNCLOS State can assert its

right may be different, but the ability to assert it should be recognixzed
where the necessary conditions exist.

8. I emphasize that I do not wish or intend in any way to detract from
or diminish the obligations which Article 76, paragraphs 8 and 9, of

UNCLOS impose on States parties that seek to establish “final and bind -
ing” outer limits of their continental shelves beyond 200 nautical mixles.

144

6 CIJ1034.indb 284 7/01/14 12:43 différend territoriaxl et maritime (décl. mensxah) 764

cette demande (arrêt, par. 129), à laquelle je souscris pleinement, a
consisté à dire qu’elle n’était pas en mesure de délimxiter les portions du

plateau continental relevant de chacune des Parties, « même en utilisant la
formulation générale proposée par [le Nicaragua] ».
6. Selon moi, cette conclusion de la Cour ne justifie pas la référexnce à
la déclaration figurant dans l’affaire Nicaragua c. Honduras, non plus que
l’argument développé au paragraphe 126. Poussé jusqu’à sa conclusion

logique, celui-ci revient à affirmer qu’un Etat partie à la CNUDM ne
peut, à l’égard d’un Etat non partie à celle-ci, faire valoir son droit à un
plateau continental au-delà de 200 milles marins qu’à la condition de
suivre la procédure énoncée aux paragraphes 8 et 9 de l’article 76 de la
convention. En outre, l’importance accordée à la procédure dxéfinie à l’ar -
ticle 76 de la CNUDM (y compris le rôle de la Commission des limites du

plateau continental (ci-après la «Commission»)) semble revenir à exclure,
ou tout au moins à limiter fortement, la possibilité pour un Etat xnon par -
tie à la convention de faire valoir son droit à un plateau continexntal
au-delà de 200 milles marins vis-à-vis d’Etats tiers, parties ou non à la
CNUDM, puisqu’il devient à tout le moins possible de soutenir que xcette

procédure ne lui est pas ouverte (en tout cas pas de plein droit).
7. Dès lors, si, dans le contexte de l’affaire Nicaragua c. Honduras, la
déclaration citée pouvait se justifier, je ne pense pas qu’elle trouve à s’ap -
pliquer, ou ait une quelconque utilité, en la présente espèce. xA mes yeux,
en l’invoquant dans ce contexte, la Cour donne à entendre que sa décision

en l’affaire Nicaragua c. Honduras (et donc, par implication, sa décision
en la présente espèce) jette un doute sur la possibilité pour xun Etat non
partie à la CNUDM de faire valoir un droit au plateau continental
au-delà de 200 milles marins, ou encore qu’une telle revendication, de la
part d’un Etat non partie à la convention, pourrait n’être jxamais oppo -
sable à des Etats tiers. Concrètement, cela signifierait qu’uxn Etat non pa- r

tie à la CNUDM pourrait être dans l’incapacité de faire valoxir des droits
à un plateau continental au-delà de sa zone économique exclusive. Or,
selon moi, rien ne saurait, en droit, justifier une telle conclusion. xA cet
égard, il importe de relever que l’article 77 de la CNUDM (qui reflète
clairement le droit international coutumier) dispose expressément quxe les

droits de l’Etat côtier sur le plateau continental sont indépenxdants de l’oc -
cupation aussi bien que de toute proclamation expresse. Il est donc plaux-
sible de soutenir que le droit d’un Etat côtier à un plateau coxntinental
au-delà de 200 milles marins existe ipso facto et ab initio en droit interna -
tional coutumier, que cet Etat soit ou non partie à la CNUDM. La pro -

cédure en vertu de laquelle un Etat non partie à cet instrument poxurra
faire valoir son droit sera peut-être différente, mais la faculté de faire
valoir ce droit doit lui être reconnue lorsque les conditions nécexssaires
sont remplies.
8. Je tiens à préciser que je n’entends ni ne souhaite d’aucunex façon
minorer les obligations que les paragraphes 8 et 9 de l’article 76 de la

CNUDM imposent aux Etats parties désireux de fixer de manière «x défini-
tiv[e] et … obligatoire » les limites extérieures de leur plateau continental

144

6 CIJ1034.indb 285 7/01/14 12:43 765 territorial and marixtime dispute (decl. menxsah)

And I certainly do not question or underestimate the clear object and
purpose of UNCLOS to establish “a legal order for the seas and oceansx”

or the need and desirability for universal application of the UNCLOS
régime. But I do not believe or agree that the special character of
UNCLOS, as set out in its Preamble, makes the rights and obligations of x
States parties to UNCLOS fundamentally different from the rights and
obligations of State parties under other treaties. Specifically, I do xnot sub-

scribe to the view that the “object and purpose of UNCLOS, as stipulaxted
in its Preamble”, in and by themselves, impose on parties to the Conven -
tion obligations vis-à-vis other States which have taken a conscious deci -
sion not to agree to be bound by that Convention. Whilst it is true thatx
“the fact that Colombia is not a party [to UNCLOS] does not relieve
Nicaragua of its obligations under Article 76 of that Convention”, there

is nothing in the Preamble or any provision of UNCLOS that can legiti -
mately be interpreted to mean that the obligations under that Conventionx
are owed also to States that are not parties thereto. In my opinion, thex
obligations under Article 76, paragraphs 8 and 9, are “treaty obligations”
that apply only as between States that have expressed their consent to bxe

bound by the UNCLOS treaty. Those provisions cannot be considered as
imposing mandatory obligations on all States under customary interna -
tional law. As such they only apply where all the States concerned are
parties to UNCLOS.

9. In any event, I would have preferred the Judgment to make it clear
that the evidence submitted by Nicaragua to the Court was considered to x
be inadequate, not because the required information has not been submit -
ted to the Commission on the Limits of the Continental Shelf, or because

the Commission has not made recommendations pursuant to Article 76,
paragraph 8, of UNCLOS. Rather it is because the information presented
does not provide a sufficient basis to enable the Court to proceed to txhe
delimitation of a continental shelf beyond 200 nautical miles of the coast
of Nicaragua. In my view, it is not appropriate to conclude that the evix -

dence is inadequate merely because Nicaragua has failed to satisfy the
procedural requirements for obtaining a positive recommendation from
the Commission under Article 76, paragraph 8, of UNCLOS. As previ -
ously pointed out, these requirements are only applicable where the Statxes
concerned are all parties to UNCLOS.

10. If it were considered necessary or useful to explain further the
nature of the evidence that would have satisfied the Court, it would hxave
been enough to note that the information so far provided by Nicaragua
is, by Nicaragua’s own admission, only “preliminary” and thus would not
be sufficient to satisfy the Court, just as it would not be sufficientx to sat-

isfy the Commission. In this connection, it is worth pointing out that txhe
submission of “preliminary” data to the Commission is not for the xpur -

145

6 CIJ1034.indb 286 7/01/14 12:43 différend territoriaxl et maritime (décl. mensxah) 765

au-delà de 200 milles marins. Loin de moi, également, l’idée de mettre en
doute ou de sous-estimer l’objet et le but de la CNUDM consistant claire-

ment à établir « un ordre juridique pour les mers et les océans », non plus
que la nécessité ou l’opportunité d’une application univexrselle du régime
prévu par la convention. Mais je ne pense ni ne saurais admettre que xle
caractère spécial de cette dernière, tel qu’énoncé en xson préambule, rende
les droits et les obligations incombant aux Etats qui y sont parties fonxda -

mentalement différents des droits et des obligations contractés xpar les
Etats parties à d’autres traités. En particulier, je ne conçxois pas que « l’ob-
jet et [le] but de la CNUDM, tels qu’exposés dans son préambule »,
imposent per se aux parties à la convention des obligations vis-à-vis d’Etats
ayant délibérément choisi de ne pas consentir à être liéxs par les dispositions
de cet instrument. S’il est vrai que « le fait que la Colombie n[e] soit pas

partie [à la CNUDM] n’exonère pas le Nicaragua des obligations xqu’il
tient de l’article 76 de cet instrument », il n’est rien, que ce soit dans le
préambule ou dans l’une quelconque des dispositions de la conventixon, qui
puisse légitimement être interprété comme signifiant que lxes obligations
qu’un Etat tient de cet instrument lui incombent aussi à l’éxgard des Etats

qui n’y sont pas parties. De mon point de vue, les obligations énoncées aux
paragraphes 8 et 9 de l’article 76 sont des « obligations conventionnelles»
applicables uniquement entre Etats ayant expressément consenti à êxtre liés
par la convention. Ces dispositions ne sauraient être réputées ximposer à
l’ensemble des Etats, en vertu du droit international coutumier, des obliga -

tions auxquelles ils ne sauraient se soustraire. Dès lors, elles ne sx’appliquent
que lorsque tous les Etats concernés sont parties à la CNUDM.
9. En tout état de cause, j’aurais préféré voir la Cour indixquer claire -
ment dans son arrêt qu’elle a considéré que les élémenxts qui lui avaient été
soumis par le Nicaragua laissaient à désirer non parce que les infxorma -
tions requises n’avaient pas été communiquées à la Commisxsion ou parce

que celle-ci n’avait pas adressé les recommandations prévues au para -
graphe 8 de l’article 76 de la CNUDM, mais parce que les informations
soumises n’étaient pas suffisantes pour lui permettre de procéxder à la déli -
mitation du plateau continental au-delà de 200 milles marins de la côte
du Nicaragua. Selon moi, la Cour n’a pas lieu de conclure qu’elle ne peut

se satisfaire des éléments versés au dossier pour la simple raixson que le
Nicaragua ne s’est pas acquitté des obligations de nature procéxdurale qui
lui eussent permis d’obtenir une recommandation positive de la Com-
mission en vertu du paragraphe 8 de l’article 76 de la CNUDM. Ainsi
qu’indiqué plus haut, ces obligations ne sont applicables que si lxes Etats

concernés sont tous parties à la convention.
10. S’il avait été jugé nécessaire ou utile de préciser lax nature des élé -
ments de preuve dont la Cour eût pu se satisfaire, il aurait suffi dxe relever
que les informations fournies jusque lors par le Nicaragua étaient, dxe
l’aveu même de celui-ci, seulement « préliminaires», et n’auraient donc
pas davantage pu emporter la conviction de la Cour qu’elles n’auraxient

pu emporter celle de la Commission. A cet égard, il convient de relevxer
que la communication d’informations « préliminaires» vise non à per -

145

6 CIJ1034.indb 287 7/01/14 12:43 766 territorial and marixtime dispute (decl. menxsah)

pose of enabling the Commission to make recommendations. Rather it is
to “buy time” for the coastal State concerned.

11. While a full submission to the Commission should not necessarily
be required in every case to enable a court or tribunal to delimit a conxti -
nental shelf beyond 200 miles, information that would satisfy the Com -
mission should normally also be sufficient to serve as a basis for the xcourt
or tribunal to delimit a continental shelf, in cases where (as in the pxresent

case) submission to the Commission is not mandatory. In this regard, itx is
pertinent to recall that in the Bangladesh/Myanmar case, the conclusion
of the International Tribunal for the Law of the Sea that both Bangla -
desh and Myanmar have entitlements to a continental shelf beyond
200 nautical miles from their coasts was stated to be based partly on
“uncontested scientific information” that had been submitted durxing the

proceedings, and partly on information that the two States had submittedx
to the Commission, even though the Commission had not pronounced
itself on those submissions (Dispute concerning Delimitation of the Mari ‑
time Boundary between Bangladesh and Myanmar in the Bay of Bengal
(Bangladesh/Myanmar), Judgment of 14 March 2012, ITLOS, pp. 129-131,

paras. 443-449).
12. My concern is that the present Judgment might be interpreted to
suggest that a court or tribunal should, in every case, automatically ruxle
that it is not able to decide on a dispute relating to the delimitation of the
continental shelf beyond 200 nautical miles whenever one of the Parties xto

the dispute has not followed, or is unable to follow, the procedure set xout
in Article 76 of UNCLOS. Rather, I think the possibility should be left
open that, in principle, a court or tribunal may be able and willing to x
adjudicate on a dispute relating to delimitation of the continental shelxf
beyond 200 nautical miles depending on the information presented to it
on the geology and geomorphology of the area in which delimitation is

sought. In particular, it should be made clear that, in a case of the dexlim -
itation of the continental shelf beyond 200 nautical miles involving twox
States, neither of which is a State party to UNCLOS, the court or tribu -
nal is not obliged to declare itself unable to adjudicate over the dispuxte
solely on the ground that one or the other of the States concerned has nxot

followed the procedure mandated in Article 76 of UNCLOS. Where the
States concerned are not States parties to UNCLOS, the procedure under
Article 76 of UNCLOS should not apply as between them and may, in
any event, not be available to them. In any case, as previously stated, xI
consider that paragraph 126 of the Judgment is unnecessary. It does not

add anything substantive to the reasoning of the Court, but could have
implications that I consider to be both wrong and unhelpful.
13. With regard to the actual delimitation effected by the Court, I
share the view of Judge ad hoc Cot that the rights and interests of third
States are affected by the Judgment. In particular, I do not think thaxt
enough weight has been given to the effect and significance of bilatxeral

agreements concluded in the area. I, too, consider that these agreementsx
constitute an informal multilateral framework for the management of the x

146

6 CIJ1034.indb 288 7/01/14 12:43 différend territoriaxl et maritime (décl. mensxah) 766

mettre à la Commission de formuler des recommandations, mais bien àx
permettre à l’Etat côtier de « gagner du temps ».

11. Si la communication à la Commission d’une demande en bonne et
due forme ne devrait pas toujours être nécessaire pour qu’une juridiction
puisse délimiter un plateau continental au-delà de 200 milles marins, les
informations dont se satisferait la Commission devraient en règle géxnérale
également suffire à une Cour ou un tribunal en tant que point de xdépart

de la délimitation du plateau continental lorsque (comme c’est lex cas en
espèce) cette communication n’est pas obligatoire. A cet égardx, il y a lieu
de rappeler que, dans l’affaire Bangladesh/Myanmar, la conclusion du Tri -
bunal international du droit de la mer selon laquelle le Bangladesh et le
Myanmar possèdent tous deux un titre sur un plateau continental au-delà
de 200 milles marins de leurs côtes était expressément fondée sur, xd’une

part, des « preuves scientifiques non contestées » versées lors de la procé -
dure et, d’autre part, des informations communiquées par les deux Etats
à la Commission sans que celle-ci eût statué sur ces communications (Dif ‑
férend relatif à la délimitation de la frontière maritime entre le Bangladesh
et le Myanmar dans le golfe du Bengale (Bangladesh/Myanmar), arrêt ▯du

14 mars 2012, TIDM, par. 443-449).
12. Je crains que l’on ne déduise du présent arrêt qu’une jurxidiction
devrait, dans tous les cas et de manière automatique, se déclarer xinca -
pable de statuer sur un différend portant sur la délimitation d’xun plateau
continental au-delà de 200 milles marins dès lors que l’une des parties en

présence ne se serait pas conformée à la procédure prévuex à l’article 76 de
la CNUDM ou n’aurait pas été en mesure de s’y conformer. Or, je pense
que l’on ne doit pas exclure, en principe, toute possibilité pour xune juri -
diction qui le voudrait ou le pourrait de trancher un tel différendx sur la
base des informations qui lui auront été communiquées à propxos de la
géologie et de la géomorphologie de la zone concernée. Il convixent ainsi

d’indiquer clairement que, dans une affaire de cette nature impliquxant
deux Etats non parties à la CNUDM, le juge n’est pas tenu de renonxcer à
connaître du différend pour la seule raison que l’un ou l’xautre desdits
Etats n’a pas suivi la procédure prescrite à l’article 76. Lorsque les Etats
en question ne sont pas parties à la convention, la procédure préxvue en

son article 76 ne devrait pas leur être applicable, si tant est, du reste,
qu’elle leur soit même ouverte. Quoi qu’il en soit, comme je l’xai déjà dit,
je tiens pour superflu le paragraphe 126 de l’arrêt. Il n’ajoute rien de subs -
tantiel au raisonnement de la Cour, mais pourrait avoir des implications
que j’estime à la fois injustifiées et malencontreuses.

13. En ce qui concerne la délimitation qu’a effectuée la Cour, jex par -
tage le point de vue du juge ad hoc Cot selon lequel l’arrêt met à mal les
droits et intérêts d’Etats tiers. Ainsi, je ne pense pas qu’xun poids suffisant
ait été accordé à l’effet et à l’importance des axccords bilatéraux conclus

dans la région. Je considère moi aussi que ces accords constituentx un
cadre de gestion multilatérale informelle de la mer des Caraïbes oxcciden -

146

6 CIJ1034.indb 289 7/01/14 12:43 767 territorial and marixtime dispute (decl. menxsah)

Western Caribbean Sea, and are intended to have significant implications
for the “public order of the oceans”. As the Court rightly notes in refer -
ring to the judgment of the Arbitral Tribunal in the Barbados/Trinidad
and Tobago case, a delimitation that contributes to such a public order
should be “both equitable and as practically satisfactory as possiblex,

while at the same time in keeping with the requirements of achieving a
stable legal outcome” (Award of 11 April 2006, RIAA, Vol. XXVII,
p. 215, para. 244 ; ILR, Vol. 139, p. 524). I am not sure that reliance on
Article 59 of the Court’s Statute alone would offer adequate protection
for the rights of third States, and achieve the objective of stability axnd

practicability, in this case.

(Signed) Thomas A. Mensah.

147

6 CIJ1034.indb 290 7/01/14 12:43 différend territoriaxl et maritime (décl. mensxah) 767

tale, et sont censés avoir des implications considérables pour «x l’ordre
public des océans ». Comme la Cour l’a relevé à bon droit en renvoyant
à la sentence rendue par le tribunal arbitral dans l’affaire Barbade/
Trinité‑et‑Tobago, une délimitation de nature à contribuer à une gestion
ordonnée des océans doit être « à la fois équitable et aussi satisfaisante

que possible sur le plan pratique, compte tenu de la nécessité de xparvenir
à un résultat stable sur le plan juridique » (sentence du 11 avril 2006, RSA,
vol. XXVII, p. 215, par. 244 ; ILR, vol. 139, p. 524). Je ne suis pas certain
que le seul article 59 du Statut de la Cour suffise à protéger les droits des
Etats tiers, et soit propice à l’objectif de stabilité ou à xune solution pra -

tique en la présente espèce.

(Signé) Thomas A. Mensah.

147

6 CIJ1034.indb 291 7/01/14 12:43

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Déclaration de M. le juge ad-hoc Mensah

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