Opinion dissidente commune de M. le juge Owada, président, et de MM. les juges Simma, Abraham, MM le juge Donoghue et M. le juge ad hoc Gaja

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140-20110401-JUD-01-01-EN
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142

OpINION dISSIdENTE COmmUNE dE m. LE JUgE OWAdA,
pRÉSIdENT, ET dE mm. LES JUgES SImmA
me
ET ABRAHAm, m LA JUgE dONOgHUE
ET m. LE JUgE AD HOC gAJA

[Texte original français]

Accord sur le rejet de la première exception préliminaire relative▯ à l’existence
d’un différend mais pas sur le raisonnement de la Cour — Manque de souplesse
dans la détermination objective de l’existence d’un di▯ — Existence d’un
différend relevant de l’objet de la CIEDR bien avant le 9 août 2008 — Renvoi aux
opinions individuelles — Désaccord avec la position de la Cour retenant la deuxième
exception préliminaire relative aux conditions procédurales▯ s par l’article 22

de la CIEDR — Caractère douteux de l’analyse faite par la Cour de la que▯ n de
savoir si l’article 22 de la CIEDR établit des conditions préalables obligatoires —
Argument résultant du principe de l’«effet utile »pertinent mais non péremptoire —
Sens littéral de la formule «tout différend qui n’aura pas été réglé par »—
Défaut de prise en compte du caractère dérogatoire de cette formule — Caractère
incertain de la jurisprudence antérieure de la Cour quant au sens à▯ donner
à ce type de clause — Défaut injustifié d’appliquer la jurisprudence la plus
récente de la Cour quant au moment auquel les conditions de la compétence

de la Cour doivent être remplies — Pour autant que l’article22 de la CIEDR
pose des conditions préalables obligatoires, caractère alte▯ e celles-ci —
Contenu de la condition consistant à avoir tenté de régler le di▯ fférend par la
voie de négociation — Approche trop formaliste de la Cour — Condition
remplie en cas d’absence de perspective raisonnable pour que le ▯ endr
soit résolu par la voie des négociations entre les Parties — Prise en compte
de l’objet du différend et des positions respectives des Parties — En l’espèce,

pour autant que la condition est exigée par l’article 22 de la CIEDR, réalisation
de cette condition à la date de la requête, eu égard aux circonstances de
l’affaire.

1. dans le présent arrêt, la Cour statue sur deux exceptions prélimi -

naires opposées par la Fédération de Russie à la requête pde la géorgie.
Elle rejette la première, tirée de la prétendue absence, à lpa date de l’intro-
duction de la requête, d’un différend entre les deux parties relativement à
l’interprétation ou à l’application de la convention internaptionale sur l’é-i

mination de toutes les formes de discrimination raciale (CIEdR) ; elle
accueille, en revanche, la seconde, tirée de ce que la requête n’pa pas été
précédée par la tentative de régler le différend par lap voie de négociations,
pas plus que par la mise en œuvre des procédures spéciales prépvues par la

CIEdR.
2. Nous avons voté en faveur du point 1) a) du dispositif parce que
nous pensons que c’est à bon droit que la Cour a rejeté la prempière excep-

tion préliminaire. En revanche, nous avons voté contre le point 1) b),
parce que nous sommes d’avis que la deuxième exception préliminpaire

76 convention sur la dispcrimination racialep (op. diss. comm.) 143

aurait dû également être rejetée, et contre le point 2), parce que nous pen -
sons, en conséquence, que la Cour aurait dû se déclarer compéptente pour
connaître de la requête.
3. En dépit de notre vote en faveur du rejet de la première exceptionp
préliminaire, nous sommes en désaccord, sur des aspects importantsp, avec
le raisonnement suivi à cet égard par la Cour. Certaines des raisopns de

notre désaccord sont développées dans nos opinions individuelles respec -
tives.
En résumé, il ressort des motifs retenus par la Cour qu’un diffpérend
n’existe que si, avant l’introduction de la requête, le demandepur a notifié
au défendeur ses prétentions, et si le défendeur « s’est opposé » auxdites
prétentions. mais jusqu’à présent, comme cela est démontré plus en déptail

dans les opinions individuelles de certains d’entre nous, la Cour n’pavait
pas exigé, afin de procéder à la détermination objective de pl’existence d’un
différend, une notification préalable de la demande et un rejet ppar le
défendeur. Elle avait au contraire fait preuve de souplesse, par exempple en
tirant des conclusions de la conduite des parties et en prenant en compte

leurs positions telles qu’elles s’étaient exprimées devant lpa Cour.
4. Nous sommes aussi en désaccord avec la manière dont l’arrêt pexa -
mine les faits présentés par la géorgie, au soutien de la conclusion de la
Cour selon laquelle aucun différend correspondant à l’objet dpe la requête
n’a existé avant le 9 août 2008. Considéré dans son ensemble, le dossier
démontre selon nous qu’il existait entre les parties un différend —

c’est-à-dire un «désaccord sur un point de droit ou de fait » — relevant de
l’objet de la CIEdR, qui a pris naissance dans la période séparant l’entrée
en vigueur de cette Convention — dans les rapports entre les parties — et
l’introduction de la requête, et ce bien avant le 9 août 2008. Il n’est nul
besoin de déterminer la date exacte à laquelle ce différend epst apparu.
C’est pourtant ce à quoi la Cour s’est employée, en scrutant chaque décla -

ration ou document invoqué par la géorgie, et en écartant chacun d’entre
eux (jusqu’à la date qu’elle retient finalement) au motif, papr exemple, que
le document en cause allègue l’existence d’une discrimination epthnique
mais sans l’attribuer expressément à la Russie, ou bien formule des griefs
à l’encontre de la Russie mais sans les lier explicitement à lap discrimina -
tion ethnique. Nous sommes parfaitement conscients des délicates ques -

tions de droit et de fait sur lesquelles la Cour aurait à se prononcepr pour
décider si — sur le fond — la géorgie a démontré le bien-fondé de ses
allégations relatives aux violations de la CIEdR qu’aurait commises la
Russie. mais ce sont là des questions qui ne se trouvaient pas posées à pla
Cour à ce stade de la procédure. La question soulevée par la première

exception préliminaire était seulement de savoir s’il existait pun différend
entre la géorgie et la Russie concernant l’interprétation ou l’application
de la CIEdR. Et à cette question, assurément, la réponse est affirmativep.
5. La présente opinion sera consacrée, pour l’essentiel, à l’exposé des
raisons de notre désaccord quant à la décision prise par la Coupr en ce qui
concerne la deuxième exception préliminaire. Ces raisons sont les psui -

vantes.

77 convention sur la dispcrimination racialep (op. diss. comm.) 144

6. Il n’est pas contesté que la seule base de compétence invoquépe par la
géorgie, et par conséquent la seule que la Cour avait à examinerp, est la
clause compromissoire figurant à l’article 22 de la CIEdR. Il n’est pas
contesté non plus que les deux parties étaient liées, à la date d’introduc -
tion de la requête, par cette disposition.
7. L’article 22 de la CIEdR permet à toute partie à la Convention de

porter unilatéralement devant la Cour «tout différend … touchant l’inter -
prétation ou l’application de la présente Convention qui n’apura pas été
réglé par voie de négociation ou au moyen des procédures exppressément
prévues par ladite Convention ».
8. Il est entendu que les «procédures expressément prévues » auxquelles
se réfère l’article 22 sont celles que décrit la partie II de la Convention, et

plus particulièrement ses articles 11 à 13. Il est constant que la géorgie
n’a pas tenté de mettre en œuvre ces procédures, en vue de rpégler son dif -
férend avec la Russie, avant de saisir la Cour le 12 août 2008.
9. Selon la Fédération de Russie, la Cour ne peut se déclarer comppé -
tente pour connaître d’un différend que si l’Etat qui la spaisit a préalable -

ment tenté — sans succès — de régler ledit différend en utilisant, au besoin,
les deux voies mentionnées à l’article 22, à savoir la « négociation »et les
«procédures expressément prévues » par la Convention. En l’espèce, la
seule circonstance que la géorgie n’a pas mis en œuvre les procédures
spéciales prévues par la partie II de la Convention avant de porter l’af -
faire devant la Cour suffirait, selon la Russie, à entraîner l’incomppétence

de la Cour. de toute façon, quand bien même il suffirait que l’Etat
requérant ait utilisé l’une des deux voies mentionnées à pl’article 22, la
conclusion serait la même, car la géorgie n’a pas non plus tenté, selon la
Russie, de régler son différend avec elle par voie de négociaption. Telle est
la substance de la deuxième exception préliminaire sur laquelle lap Cour
avait à statuer.

10. pour examiner complètement une telle argumentation, il convient,
en principe, de répondre aux quatre questions suivantes :1) L’article 22 de
la CIEdR établit-il des « préconditions »dont il appartient à la Cour de
vérifier la réalisation afin de pouvoir exercer sa compétence ? 2) En cas de
réponse affirmative à la question précédente, ces «préconditions »sont-elles
alternatives ou cumulatives ?3) Si elles sont alternatives, quel est le contenu

exact de la condition d’avoir tenté de «régler le différend par voie de négo -
ciation » ?4) Cette dernière condition est-elle remplie en l’espèce ?
11. La Cour répond par l’affirmative à la première question (aprrêt,
par. 141 et 147). Elle retient, en réponse à la troisième question, une concepp -
tion plutôt exigeante de la «négociation »(ibid., par. 157 à 162). Elle estime,

en réponse à la quatrième question, que la géorgie n’a pas satisfait à la
condition préalable d’avoir cherché à régler le difféprend par voie de négo -
ciation avec la Russie (ibid., par. 182). En conséquence, elle n’estime pas
devoir se prononcer sur la deuxième question, aucune des conditions procé -
durales de l’article 22 n’étant à ses yeux remplies (ibid., par. 183).
12. Notre opinion, sur les questions qui viennent d’être énoncéeps, est la

suivante.

78 convention sur la dispcrimination racialep (op. diss. comm.) 145

Nous pensons que l’interprétation que retient la Cour de l’article 22, à
savoir que cette disposition établit des «conditions » préalables auxquelles
est subordonné l’exercice par la Cour de sa compétence, est doupteuse, et
que l’analyse de la Cour sur ce point néglige ou sous-estime des argu -
ments qui auraient pu la conduire à une conclusion différente.
mais surtout, nous pensons que même sur la base du postulat génépral

que retient la Cour au paragraphe 141 de l’arrêt, à savoir que « les termes
de l’article 22 … établissent des conditions préalables auxquelles il doit
être satisfait avant toute saisine de la Cour », l’exception préliminaire
aurait dû être rejetée.
En effet, les deux «conditions »— si l’on accepte de les qualifier ainsi —
de l’article 22 ne peuvent avoir qu’un caractère alternatif, et non cumulatif.

La condition d’avoir tenté de régler le différend par la npégociation doit
être comprise et appliquée de manière réaliste et substantieplle, et non,
comme le fait l’arrêt, d’une façon irréaliste et formalispte.
En conséquence du point précédent, nous sommes d’avis que, àp la date
de l’introduction de l’instance, toute possibilité raisonnable pde règlement

du différend par la négociation avait été épuisée, de telle sorte que les
conditions de l’exercice par la Cour de sa compétence étaient, pen tout état
de cause, remplies.
13. Ces différents points vont être à présent développésp.

I. L’article 22 de la CIEdR énonce-t-il des « préconditions»
procédurales auxquelples il doit être satipsfait
avant la saisine de lap Cour?

14. Les termes «conditions »et « préconditions »ne sont pas dépourvus
d’une certaine ambiguïté. On les emploie ici pour des raisons dpe commo -

dité, comme l’a fait la Cour par le passé à propos de clauses compromis -
soires analogues à l’article 22 de la CIEdR, ou à propos de l’article 22
lui-même, lorsqu’elle a affirmé, ou au contraire dénié, l’pexistence de telles
«conditions »(Activités armées sur le territoire du Congo (nouvelle requête :
2002) (République démocratique du Congo c. Rwanda), compétence et rece -
vabilité, arrêt, C.I.J. Recueil 2006, p. 39, par. 87 ; Application de la conven-

tion internationale sur l’élimination de toutes les formes de disc▯ imination
raciale (Géorgie c. Fédération de Russie), mesures conservatoires, ordon -
nance du 15 octobre 2008, C.I.J. Recueil 2008, p. 388, par. 114).
15. L’important n’est pas le choix de telle ou telle terminologie, maips
de définir clairement les termes du débat qui a opposé les parties au sujet

de l’interprétation, sur ce point, de l’article 22.
Les parties n’ont pas été en désaccord sur le fait que la Cour, ppour
pouvoir exercer sa compétence, devait au minimum vérifier que le dpiffé -
rend qui lui a été soumis « n’a pas été réglé » par une voie ou l’autre. En
effet, si tel a été le cas, il n’existe plus de différend susceptible de règlement
judiciaire, le règlement diplomatique auquel, par hypothèse, les pparties

auraient souscrit s’imposant à elles. En ce sens, il y a bien une pcondition

79 convention sur la dispcrimination racialep (op. diss. comm.) 146

factuelle dont la Cour doit s’assurer, dans tous les cas, et à laqpuelle sa
compétence est subordonnée.
Là n’est pas la question sur laquelle les parties se sont opposées, et que
la Cour était appelée à trancher.
Cette question était la suivante. Selon la Fédération de Russiep, la Cour
ne peut connaître d’une affaire qui lui est soumise en vertu de l’article 22

que si l’Etat demandeur démontre, à la satisfaction de la Cour,p non seu -
lement que le différend n’a pas été réglé, mais qu’il s’est efforcé de le régler
soit par la négociation directe, soit, à défaut, par la mise enp œuvre des
procédures spéciales de la partie II de la Convention, et qu’il n’a pas pu y
parvenir. Selon la géorgie, au contraire, il faut et il suffit que le différend
n’ait pas été réglé ; le demandeur n’a rien de plus à démontrer, et en par -

ticulier il n’a pas à prouver qu’il a tenté de régler le pdifférend autrement
que par la voie judiciaire avant de s’adresser à la Cour.
16. La Cour prend parti, de façon claire et catégorique, en faveur de la
thèse défendue par la Russie — réserve faite de la question du caractère
alternatif ou cumulatif des deux voies envisagées à l’article 22, sur laquelle

elle estime ne pas devoir se prononcer.
Ainsi, selon l’arrêt, la tentative infructueuse de régler le dipfférend par
un moyen diplomatique constitue bien une « précondition » de la compé -
tence de la Cour. L’arrêt précise même que cette « précondition » doit être
remplie à la date de la saisine de la Cour, en ce sens qu’il faut pqu’à cette
date, et non à quelque date postérieure, toute possibilité de rpèglement

négocié ait été épuisée, car les négociations « ont échoué, sont devenues
inutiles ou ont abouti à une impasse » (arrêt, par. 159).
Nous pensons que, sur le premier point, l’interprétation retenue ppar la
Cour est douteuse et que, sur le second, elle s’écarte de sa jurispprudence la
plus récente.
17. pour conclure que l’article 22 pose des « préconditions » à la com -

pétence de la Cour, l’arrêt s’appuie sur trois séries de pconsidérations.
En premier lieu, il affirme que le sens ordinaire des termes employés,
interprétés dans leur contexte selon les règles d’interpréptation codifiées à
l’article 31, paragraphe 1, de la convention de vienne sur le droit des trai -
tés, conduit à une telle conclusion (ibid., par. 141). En deuxième lieu, il
soutient que la jurisprudence constante de la Cour, élaborée à pl’occasion

des affaires dans lesquelles la Cour était appelée à faire appplication de
clauses analogues à l’article 22, conforte une telle interprétation. En troi -
sième lieu et enfin, il se réfère aux travaux préparatoires pdu texte à inter -
préter, qu’il analyse aux paragraphes 142 à 147.
18. En réalité, la Cour ne tire guère de conséquences de son exapmen

des travaux préparatoires. Elle se borne à relever, en conclusion pde cet
examen, que « les travaux préparatoires … ne suggèrent … pas une
conclusion différente de celle à laquelle elle est parvenue par la méthode
principale de l’interprétation selon le sens ordinaire » (ibid., par. 147).
Autrement dit, elle ne trouve pas dans les travaux préparatoires une p
confirmation de l’interprétation à laquelle elle était dépjà parvenue sur la

base du « sens ordinaire » des termes de la clause ; plus prudemment, elle

80 convention sur la dispcrimination racialep (op. diss. comm.) 147

constate qu’elle n’y trouve pas non plus d’éléments dépcisifs qui pourraient
venir au soutien d’une interprétation contraire.
19. C’est donc exclusivement de l’analyse du « sens ordinaire » des
termes et de l’examen de la jurisprudence antérieure que sont tiréps les
arguments sur lesquels s’appuie la Cour pour justifier l’interpréptation
qu’elle retient. Or, sur ces deux aspects, son argumentation nous parpaît

être assez faible et soulever de sérieuses interrogations.
20. Il n’est pas douteux qu’un traité doit être interprétép d’abords« uivant
le sens ordinaire à attribuer [à ses] termes … dans leur contexte et à la
lumière de son objet et de son but » (convention de vienne sur le droit
des traités, art. 31, par. 1). Les travaux préparatoires ne constituent qu’un
«moyen complémentaire d’interprétation » auquel il ne doit être recouru que

si la «règle générale d’interprétation »énoncée à l’article 31 de la convention
de vienne laisse le sens du texte «ambigu ou obscur » , ou conduit à un résul-
tat « manifestement absurde ou déraisonnable » ( article 32 de la même
convention). Aussi bien la Cour, ayant conclu que le « sens ordinaire »des
termes la conduisait à une conclusion dépourvue d’ambiguïtép et qui n’est ni

absurde ni déraisonnable, précise-t-elle (arrêt, par. 142) qu’elle n’a nul
besoin de recourir à l’examen des travaux préparatoires. Elle ne le fapit, à titre
surabondant, que « pour confirmer son interprétation » fondée sur le
sens ordinaire — objectif que finalement elle échoue à atteindre.
21. Il est cependant frappant de constater que l’application en l’espèpce,
par l’arrêt, de la « règle générale d’interprétation », à savoir « le sens ordi-

naire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de
son objet et de son but », se résume en tout et pour tout à la mise en
œuvre de la technique de l’« effet utile ». Selon la Cour, « si l’on interpré -
tait l’article 22 de la Convention comme signifiant, ainsi que le soutient la
géorgie, qu’il suffit, en fait, que le différend n’ait pasp été résolu…, cela
reviendrait à priver d’effet » le passage que l’on cherche à interpréter

(ibid., par. 133). C’est ce motif, et lui seul, qui soutient la conclusion de
la Cour, et celle-ci n’a pas cru devoir pousser plus loin son analyse du
«sens ordinaire des termes ». L’argument supplémentaire tiré, au para -
graphe 135, de la version française de l’article 22, qui emploie le futur
antérieur (« différend … qui n’aura pas été réglé »), alors que la version
anglaise emploie l’indicatif présent (« dispute … which is not settled »),

n’est guère consistant, car quel que soit le temps employé la dpifficulté d’in -
terprétation demeure la même.
22. Nous n’entendons certes pas contester le caractère pertinent, ni
sous-estimer l’importance, du principe selon lequel l’interprète doipt cher -
cher, normalement, à attribuer aux termes d’un traité un sens qpui abou -

tisse à leur donner un effet concret, de préférence au sens dpont le résultat
serait de les priver de tout effet (principe dit de l’« effet utile »). mais une
telle technique d’interprétation ne peut jamais avoir le caractèpre péremp -
toire que paraît lui accorder la Cour dans la présente affaire, pelle ne sau -
rait se suffire à elle-même.
En réalité, l’« effet utile » n’est qu’un des arguments propres à orienter

dans le sens d’une certaine interprétation, mais il ne dispense paps de

81 convention sur la dispcrimination racialep (op. diss. comm.) 148

prendre en considération les autres éléments pertinents aux finps de l’éluci-
dation du sens du texte. En l’espèce, il nous semble que la Cour apurait dû
au moins examiner certains éléments qui auraient été de nature à contre -
balancer l’argument résultant du principe de l’effet utile, lequel, tel que
décrit par la Cour dans le présent arrêt, allait assurément dans le sens de

l’interprétation soutenue par la défenderesse.
23. Ces éléments, dont nous regrettons que l’arrêt s’abstiennpe même de
les mentionner, sont les suivants.
d’abord, la Cour ne paraît attacher aucune importance au fait que lp’in -
terprétation qu’elle retient ne correspond pas au sens littéralp du texte,

selon le sens le plus ordinaire des termes employés. La formule « tout dif -
férend qui n’aura pas été réglé par », considérée en elle-même, ne suggère
ni n’implique qu’un règlement doit nécessairement avoir épté recherché
avant la saisine de la Cour. A cet égard, l’arrêt paraît tenpir pour syno -
nymes les diverses formulations que l’on peut trouver dans les clauseps

compromissoires qui font référence à des négociations, et notamment,
d’une part, celles qui, comme l’article 22 de la CIEdR, se réfèrent à un
différend «qui n’aura pas (ou qui n’a pas) été réglé » et, d’autre part, celles
qui se réfèrent à un différend « qui ne peut pas (ou qui n’a pas pu) être
réglé » ou encore « qui n’est pas susceptible d’être réglé » (voir, pour des
exemples de cette seconde hypothèse, les clauses compromissoires applpi -

cobles dans les affaires des Concossions Mavrommatis en Palestine, arrêt
n 2, 1924, C.P.J.I. série A n 2, p. 11, du Sud-Ouest africain (Ethiopie
c. Afrique du Sud ; Libéria c. Afrique du Sud), exceptions préliminaires,
arrêt, C.I.J. Recueil 1962, p. 335, et des Questions d’interprétation et d’ap -
plication de la convention de Montréal de 1971 résultant de l’i▯ncident aérien

de Lockerbie (Jamahiriya arabe libyenne c. Etats-Unis d’Amérique), excep-
tions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1998, p. 121, par. 17).
La Cour relève ces «variations dans les termes utilisés » (arrêt, par. 136)
mais paraît les tenir pour dépourvues de signification, puisqu’elle n’en tire
aucune conséquence.

pourtant, la question aurait mérité un examen plus approfondi. dès lors
que, au moment de l’élaboration et de l’adoption de la CIEdR, soit en 1965,
il existait, dans les clauses compromissoires des traités en vigueur pse référant
à des « négociations », deux types de formulations, à savoir, en simplifiant
quelque peu, celles qui mentionnaient les différends « ne pouvant pas être

réglés »(ou «n’étant pas susceptibles d’être réglés)»par la négociation, d’une
part, et celles qui mentionnaient simplement les différends «n’ayant pas été
réglés »par la négociation, d’autre part, on peut se demander si la formula -
tion retenue pour l’article 22 n’a pas été un choix délibéré, et donc signific-a
tif, plutôt que le choix aléatoire d’une formule parmi d’autpres considérées
comme équivalentes. Force est de constater en tout cas que les rédpacteurs de

la CIEdR ont choisi, de propos délibéré ou non, la formule la moins sups -
ceptible d’être interprétée littéralement comme posant unpe « précondition »
consistant dans la recherche préalable d’un règlement négocipé.
24. L’observation qui précède est renforcée par le statut des népgocia -
tions préalables à l’introduction d’une instance judiciaire pen droit interna -

82 convention sur la dispcrimination racialep (op. diss. comm.) 149

tional. La Cour cite, au paragraphe 131, l’arrêt rendu en 1924 par la CpJI
dans l’affaire des Concessions Mavrommatis en Palestine, aux termes
duquel, « avant qu’un différend fasse l’objet d’un recours en justice, il
importe que son objet ait été nettement défini au moyen de pourparlers
diplomatiques » (arrêt n 2, 1924, C.P.J.I. série A n 2, p. 15). Elle omet de

citer le dictum, beaucoup plus significatif à nos yeux, de l’arrêt rendu par
la présente Cour en 1998 en l’affaire de la Frontière terrestre et maritime
entre le Cameroun et le Nigéria (Cameroun c. Nigéria), selon lequel « [i]l
n’existe ni dans la Charte, ni ailleurs en droit international, de rèpgle géné -
rale selon laquelle l’épuisement des négociations diplomatiquesp serait

un préalable à la saisine de la Cour » (exceptions préliminaires, arrêt,
C.I.J. Recueil 1998, p. 303, par. 56).

Il est clairement admis que, si des négociations diplomatiques portanpt
sur le différend peuvent être utiles avant l’introduction d’pune instance

judiciaire, notamment pour clarifier les termes du différend et en délimiter
l’objet, elles ne constituent pas, en règle générale, une copndition préalable
obligatoire devant être remplie pour que la Cour puisse exercer sa copmpé -
tence. Une telle exigence n’est applicable que si et dans la mesure opù elle
est prévue dans la clause ou dans la déclaration qui constitue le fonde -
ment de la compétence de la Cour. C’est ainsi que, comme le relèpve l’arrêt

précité rendu en l’affaire de la Frontière terrestre et maritime entre le
Cameroun et le Nigéria (Cameroun c. Nigéria) :

«Un préalable de ce type peut être incorporé et est souvent insépré
dans les clauses compromissoires figurant dans les traités. Il peut
également figurer dans un compromis, les signataires se réservant p
alors de ne saisir la Cour qu’une fois écoulé un certain délpai… Enfin,
les Etats demeurent libres d’insérer dans leur déclaration facupltative

d’acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour une réservep
excluant de la compétence de cette dernière les différends aup sujet
desquels les parties en cause seraient convenues ou conviendraient
d’avoir recours à un autre mode de règlement pacifique. » (Ibid.)

25. Il n’est pas douteux que la règle générale qui précèdep est admise de
longue date, jamais la Cour n’ayant subordonné sa compétence àp des
négociations préalables entre les parties sauf sur la base d’unpe disposition

expresse.
26. En conséquence, lorsque les rédacteurs d’une clause compromis -
soire souhaitent y inclure une condition préalable de ce genre, ils
n’ignorent pas que, ce faisant, ils entendent déroger à la règle générale qui
ne comporte pas une telle condition. Raison de plus pour manifester sansp
équivoque leur intention à cet égard. dans l’hypothèse considérée, cela

devrait au moins les conduire à préférer à la formule visantp un différend
«qui n’a pas été réglé » celle visant un différend « qui n’a pas pu être
réglé » par la négociation. mais nombre de traités, dont certains avaient
déjà été adoptés à la date de la signature de la CIEdR, énoncent la condi -
tion en cause encore plus clairement, de manière à écarter toutpe ambi -

83 convention sur la dispcrimination racialep (op. diss. comm.) 150

guïté. par exemple, la convention unique sur les stupéfiants, signée à p
New york le 30 mars 1961, dispose que, « [s]’il s’élève entre deux ou plu -
sieurs parties un différend … lesdites parties se consulteront en vue de
régler ce différend par voie de négociation, d’enquête,p de médiation … ou
par d’autres moyens pacifiques de leur choix » (art. 48, par. 1). En vertu
du paragraphe 2 de l’article 48 de la convention, c’est seulement après les

consultations obligatoires que le différend peut être soumis àp la Cour.
des formules de ce genre étaient à la disposition des rédacteurs de l’ar -
ticle 22, et elles ont d’ailleurs été examinées à un certain stadpe (projet de
convention internationale sur l’élimination de toutes les formes dpe discri -
mination raciale, clauses finales, document de travail préparé parp le Secr-é
taire général, Nations Unies, doc. E/CN.4/L.679, 17 février 1964). Force

est de constater que les rédacteurs de la Convention n’y ont pas epu re -
cours, ce qui laisse planer un doute sur le bien-fondé de l’interprétation
retenue par la Cour, nonobstant l’indéniable pertinence de l’arpgument de
l’«effet utile ».
27. La présentation de la jurisprudence antérieure de la Cour à laqpuelle

se livre l’arrêt dans ses paragraphes 136 à 140 nous laisse tout aussi insa -
tisfaits. A en croire l’arrêt, cette jurisprudence serait claire ept constante.
Après avoir cité deux précédents (celui des Activités armées sur le terri -
toire du Congo (nouvelle requête : 2002) (République démocratique du
Congo c. Rwanda), compétence et recevabilité, arrêt, C.I.J. Recueil 2006,
p. 40-41, par. 91, et p. 43, par. 100, et celui de l’avis consultatif sur l’Ap -

plicabilité de l’obligation d’arbitrage en vertu de la section 21 de l’accord du
26 juin 1947 relatif au siège de l’Organisation des Nations Unies, C.I.J. ▯
Recueil 1988, p. 27, par. 34), dans lesquels elle avait eu à interpréter des
clauses plus ou moins similaires à l’article 22 de la CIEdR, la Cour
conclut que, «dans chacune des affaires susmentionnées où la clause com -
promissoire invoquée était comparable à celle que contient la CpIEdR,

elle a toujours interprété la référence aux négociations pcomme posant une
condition préalable à sa saisine » (arrêt, par. 140). Etant donné qu’aucun
autre précédent n’est cité, le lecteur est conduit à pensper que, toutes les
fois que la Cour a été confrontée à la même question que pdans la présente
affaire, elle a constamment interprété les clauses compromissoirpes en
cause de la même manière.

La réalité offre un tableau beaucoup plus contrasté.
28. Il est vrai que la Cour a constamment interprété les clauses com -
promissoires permettant de soumettre à la Cour les différends qupi « ne
peuvent pas être réglés » — ou qui « ne sont pas susceptibles d’être
réglés »— par la négociation en ce sens que la Cour ne pouvait exercer sa

compétence que si une négociation a été recherchée et qu’pelle a abouti à
une impasse, c’est-à-dire qu’il n’est pas — ou qu’il n’est plus — raisonna -
blement possible d’espérer un règlement du différend par lpa voie diplo-
matique. Cette jurisprudence remonte à l’arrêt rendu en l’affpaire des
Concessions Mavrommatis en Palestine (citée plus haut dans la présente
opinion au paragraphe 23).

29. En revanche, en présence de clauses libellées comme l’article 22 de

84 convention sur la dispcrimination racialep (op. diss. comm.) 151

la CIEdR, visant les différends « qui n’ont pas été réglés » par la négocia-
tion, la jurisprudence de la Cour semble avoir été beaucoup plus flpuc -
tuante que le présent arrêt ne le donne à penser.
30. Il y a lieu de mentionner parmi les précédents pertinents, outre lpes
deux affaires citées aux paragraphes 137 à 139, qui viennent au soutien
de la position de la Cour dans la présente affaire, le précédentp de l’affaire

des Plates-formes pétrolières (République islamique d’Iran c. Etats-Unis
d’Amérique). dans celle-ci, la clause compromissoire était ainsi rédigée :

«Tout différend … qui ne pourrait pas être réglé d’une manière
satisfaisante [en anglais: «any dispute … not satisfactorily adjusted»]
par la voie diplomatique sera porté devant la Cour internationale de p
Justice, à moins que les Hautes parties contractantes ne conviennent
de le régler par d’autres moyens pacifiques. » (Exception préliminaire,
arrêt, C.I.J. Recueil 1996 (II), p. 809, par. 15.)

La Cour a fait application de cette clause, d’abord, dans son arrêpt sur

l’exception préliminaire soulevée par les Etats-Unis, afin de vérifier sa
compétence pour connaître de la requête de l’Iran, puis, danps son arrêt au
fond, pour répondre à une objection opposée par l’Iran à pune demande
reconventionnelle des Etats-Unis.
dans le premier de ces arrêts, elle se borne à relever que

«Il n’est pas contesté que plusieurs des conditions fixées par cpe
texte sont en l’espèce remplies : un différend s’est élevé entre l’Iran et
les Etats-Unis ;ce différend n’a pu être réglé par la voie diplomatiquep

et les deux Etats ne sont pas convenus « de le régler par d’autres
moyens pacifiques ». » (Ibid., p. 809-810, par. 16.)

dans ce passage, la Cour parle de « condition » à propos de l’absence
de règlement diplomatique ; mais il n’est guère possible de comprendre —
faute, sans doute, que la question ait été débattue entre les pparties — en
quoi consiste exactement cette « condition ».
L’arrêt au fond est, sur ce point, beaucoup plus clair. Répondapnt à

l’exception opposée par l’Iran à la demande reconventionnelle des
Etats-Unis, et tirée précisément de ce que la Cour « ne [pouvait] connaître
de [cette] demande … parce que celle-ci a été présentée sans avoir été pré -
cédée de négociations », l’arrêt répond dans les termes suivants :

«Il est établi qu’un différend est né entre l’Iran et leps Etats-Unis
sur les questions soulevées dans la demande reconventionnelle. La
Cour doit prendre acte que le différend n’a pas été régplé d’une
manière satisfaisante par la voie diplomatique. peu importe aux fins

de la présente question que l’absence de négociations diplomatipques
soit attribuable au comportement de l’une ou de l’autre partie, ou
que ce soit le demandeur ou le défendeur qui a pour ce motif opposép
une fin de non-recevoir. Comme dans de précédentes affaires qui
mettaient en cause des dispositions conventionnelles pratiquement

identiques [suit une référence à l’affaire du Personnel diplomatique et

85 convention sur la dispcrimination racialep (op. diss. comm.) 152

consulaire des Etats-Unis à Téhéran et à celle des Activités militaires
et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci], il suffit à la Cour
de constater que le différend n’a pas été réglé d’une manière satis-
faisante par la voie diplomatique avant de lui être soumis. »
(Plates-formes pétrolières (République islamique d’Iran c. Etats-Unis
d’Amérique), arrêt, C.I.J. Recueil 2003, p. 210-211, par. 107.)

Il est surprenant que ce précédent, qui est clair et qui n’est ppas si ancien,
ne soit pas même mentionné dans l’arrêt. Il est vrai qu’ipl se réfère lui-même
à deux précédents qui ne paraissent pas, à bien les considéprer, venir au
soutien de la position adoptée par la Cour en 2003. Tout cela démontre à
notre avis une chose : contrairement à ce que laisse entendre l’arrêt rendu
en la présente affaire, la jurisprudence antérieure de la Cour, pà propos de

clauses compromissoires analogues à l’article 22 de la CIEdR, n’était pas
constante, mais flottante et incertaine.
31. Enfin, il nous semble que la Cour traite avec une certaine légèretpé
le précédent que constitue l’ordonnance rendue le 15 octobre 2008 sur la
demande de mesures conservatoires qui lui a été soumise dans la présente

affaire. La Cour cite cette ordonnance au paragraphe 129 de l’arrêt. Elle
rappelle que, dans ladite ordonnance, elle a elle-même affirmé que « la
formule «[t]out différend … qui n’aura pas été réglé par voie de négocia -
tion… », prise dans son sens naturel, ne donne pas à penser que la tenue de
négociations formelles au titre de la Convention … constitu[e une] condi -
tio[n] préalabl[e] [à laquelle] il doit être satisfait avant topute saisine de la

Cour », même si elle a ajouté que « l’article 22 donne … à penser que la
partie demanderesse doit avoir tenté d’engager, avec la partie défende -
resse, des discussions sur des questions pouvant relever de la [Conven -
tion] »(Application de la convention internationale sur l’élimination de to▯ utes
les formes de discrimination raciale (Géorgie c. Fédération de▯ Russie),

mesures conservatoires, ordonnance du 15 octobre 2008, C.I.J. Recueil 2008,
p. 388, par. 114). La Cour se borne ensuite à relever que la conclusion qui
précède était purement provisoire, qu’elle visait seulement pà déterminer si
la Cour avait prima facie compétence pour connaître de l’affaire, et qu’elle
ne s’impose pas à la Cour au moment où celle-ci est appelée à statuer défi-
nitivement sur sa compétence après avoir examiné la totalité des argu -

ments des parties. Ainsi croit-elle pouvoir justifier son changement de
position sur la question considérée.
32. Nous ne contestons aucunement le bien-fondé de l’analyse faite par
la Cour au paragraphe 129, et qui ne fait que rappeler une jurisprudence
constante : l’ordonnance statuant sur une demande de mesures conserva -

toires est dépourvue de l’autorité de la chose jugée, elle npe saurait préju -
ger aucune question que la Cour serait appelée à trancher dans la psuite de
la procédure, y compris celle de sa compétence pour connaître dpu fond de
l’affaire.
33. mais une chose est de dénier à l’ordonnance tout caractère copntrai -
gnant sur la question de la compétence, autre chose est de la néglpiger

en tant que précédent jurisprudentiel pertinent, c’est-à-dire de nature à

86 convention sur la dispcrimination racialep (op. diss. comm.) 153

éclairer la manière dont la Cour a traité jusqu’à préspent les clauses com -
promissoires identiques ou analogues à l’article 22. A tout le moins,
l’ordonnance de 2008 démontre indiscutablement que la jurisprudence
antérieure n’était pas fixée aussi clairement, dans le sens de l’existence
d’une « précondition », que le laisse entendre le présent arrêt. Si tel avait
été le cas, la Cour n’aurait pas pu en 2008 affirmer, même pprima facie, que

l’article 22 pris « dans son sens naturel » ne paraissait pas faire des négo -
ciations préalables une condition de la saisine de la Cour (ce qu’pelle
affirme à présent).
34. L’interprétation retenue par la Cour, dans le présent arrêt,p de l’ar-
ticle 22 de la CIEdR, à savoir que cette clause établit des « conditions

préalables » dont la Cour doit vérifier la réalisation, parmi lesquelles la
tentative infructueuse d’un règlement négocié, ne repose donpc sur aucun
argument incontestable. Ni l’analyse littérale du texte, qui est ambigu, ni
la prise en compte de la jurisprudence antérieure, qui paraît avoipr fluctué,
ni l’examen des travaux préparatoires, qui ne sont pas conclusifs,p ne

conduisaient nécessairement à la position que la Cour a décidép d’adopter
en l’espèce — en allant, ce faisant, à l’encontre de celle qu’elle avait adop-
tée prima facie il y a trois ans dans la même affaire.
35. Au surplus, la Cour adopte une position particulièrement rigou -
reuse en précisant que les conditions préalables dont il s’agitp doivent être
remplies «avant toute saisine de la Cour » (arrêt, par. 141).

Ce point de vue ne nous paraît pas en phase avec la jurisprudence la p
plus récente concernant la vérification par la Cour des conditionsp de com -
pétence ou de recevabilité. Il est vrai qu’en principe la Cour se place à la
date de sa saisine pour apprécier la réalisation des conditions qui com -
mandent sa compétence ou la recevabilité de la requête. mais la Cour a

progressivement assoupli la rigueur de ce principe, depuis l’arrêtp rendu
dans l’affaire des Concessions Mavrommatis en Palestine (citée plus haut
dans la présente opinion au paragraphe 23), pour tenir compte de l’hypo -
thèse dans laquelle une condition qui n’aurait pas été remplpie à la date de
l’introduction de l’instance aurait été satisfaite postérpieurement à celle-ci

mais antérieurement à la date à laquelle la Cour se prononce supr sa com-
pétence (ou sur la recevabilité de la requête). En pareil casp, ce serait faire
preuve d’un formalisme inutile que de refuser de tenir compte de la rpéali-
sation, postérieure à l’introduction de la requête, de la copndition qui fai -
sait initialement défaut.
Comme l’a écrit on ne peut plus clairement la Cour dans son arrêpt le

plus récent rendu à propos d’une situation de ce genre :
«Ce qui importe, c’est que, au plus tard à la date à laquelle lap Cour

statue sur sa compétence, le demandeur soit en droit, s’il le souhpaite,
d’introduire une nouvelle instance dans le cadre de laquelle la condi -
tion qui faisait initialement défaut serait remplie. En pareil cas, cela ne
servirait pas l’intérêt d’une bonne administration de la jusptice d’obliger
le demandeur à recommencer la procédure — ou à en commencer une

nouvelle — et il est préférable, sauf circonstances spéciales, de conpsta -

87 convention sur la dispcrimination racialep (op. diss. comm.) 154

ter que la condition est désormais remplie.» (Application de la conven-
tion pour la prévention et la répression du crime de génocide (C ▯ roatie
c. Serbie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2008, p. 441,
par. 85.)

36. On ne trouve rien de tel dans le présent arrêt. L’exigence que pla
condition soit remplie « avant toute saisine de la Cour » signifie que, par
exemple, si des négociations ont été entamées avant l’intproduction de la
requête mais qu’elles n’ont pris fin, par le constat de l’imppossibilité de
parvenir à un accord, qu’après cette date, la Cour devrait dépcliner sa
compétence et mettre ainsi le demandeur dans la nécessité d’pintroduire

une nouvelle instance. Aussi bien la Cour limite-t-elle, dans la présente
affaire, sa recherche d’une éventuelle tentative de négocier,p de la part de
la géorgie, à la période qui s’est écoulée entre le 9 août 2008, date à
laquelle, selon elle, le différend est apparu, et le 12 août 2008, date d’in -
troduction de la requête :

«la Cour cherche … à établir si la géorgie a véritablement tenté
d’engager des négociations avec la Fédération de Russie dansp le but
de régler leur différend … [et, dans l’affirmative] elle recherchera si
les négociations ont échoué, sont devenues inutiles ou ont aboupti à

une impasse avant que la Géorgie ne dépose sa requête devant la Cour »
(arrêt, par. 162 ; les italiques sont de nous).
37. On cherche en vain les motifs d’une approche aussi étonnamment
restrictive, qui est en contradiction avec les orientations les plus répcentes

de la jurisprudence de la Cour en matière d’examen des conditions pde sa
compétence et, en particulier, avec un arrêt aussi récent, et spur ce point
aussi clair dans sa motivation que celui que la Cour a rendu sur les excep -
tions préliminaires dans l’affaire Croatie c. Serbie. La formule précitée
du paragraphe 85 de cet arrêt a manifestement une portée générale. dans

l’affaire en cause, la condition qui s’était trouvée remplpie postérieure -
ment à l’introduction de la requête n’était pas celle relativep à l’exigence
d’une recherche de règlement négocié, mais la Cour s’est pexprimée dans
des termes qui ne laissent place à aucun doute sur le fait que son rapisonne -
ment est valable pour toute condition de compétence ou de recevabilité
qui, n’étant pas initialement remplie, l’a été entre l’pintroduction de l’ins -

tance et la date à laquelle la Cour statue sur sa compétence, et lp’on ne
voit d’ailleurs pas pourquoi il en irait autrement. C’est ce raisonnemepnt
qui a permis à la Cour de retenir sa compétence pour connaître pde la
requête de la Croatie. dans la présente affaire, la Cour s’est donc écartée
de sa propre jurisprudence la plus récente, sans en donner la moindre
justification.

38. Si douteuse que soit l’interprétation particulièrement sévère de la
clause compromissoire que retient la Cour dans la présente affaire —
et nous convenons cependant que cette interprétation n’est pas « mani-
festement absurde ou déraisonnable » au sens de la convention de
vienne —, nous pensons qu’elle n’aurait de toute façon pas dû conduirep

la Cour à accueillir la deuxième exception préliminaire.

88 convention sur la dispcrimination racialep (op. diss. comm.) 155

En effet, nous sommes d’avis que, en admettant que l’article 22 de la
CIEdR pose des « préconditions» à la compétence de la Cour, ces « pré-
conditions» étaient en l’espèce remplies. Notre conclusion découle pde ce
que nous regardons les deux voies mentionnées par l’article 22 comme
alternatives et non cumulatives (II, ci-après), que la condition de recherche
d’un règlement négocié doit être comprise et appliquéep de manière réaliste

et non formaliste (III), et qu’elle doit être regardée comme payant été rem -
plie en l’espèce (Iv).

II. Les deux voies mentionpnées à l’article22 sont-elles
alternatives ou cumuplatives ?

39. L’arrêt ne prend pas parti sur ce point, puisque la Cour a étép d’avis
qu’aucune des deux « conditions » mentionnées à l’article 22 n’a été rem -
plie par l’Etat demandeur : la géorgie n’a pas cherché à régler le différend
par la négociation directe avec la Russie ; elle n’a pas non plus mis en

œuvre les « procédures expressément prévues » par la Convention,
puisqu’elle n’a pas saisi le Comité pour l’élimination dep la discrimination
raciale selon les modalités décrites à l’article 11 de la Convention.
40. Nous sommes d’accord pour considérer que, lorsqu’un texte men -
tionne deux conditions, et qu’aucune des deux n’est remplie, il espt inutile
de décider si elles sont cumulatives (il aurait fallu qu’elles fupssent remplies

l’une et l’autre) ou alternatives (il aurait suffi que l’unep d’elles le fût). Il est
tout aussi inutile de trancher la même question lorsque les deux condpi -
tions sont, en fait, remplies.
mais, puisque nous sommes d’avis, pour des raisons que nous allons
développer un peu plus loin, que, en admettant que l’article 22 pose des
conditions, l’une d’entre elles a été satisfaite par la géorgie (à savoir la

tentative infructueuse de négocier) tandis que l’autre ne l’a pmanifestement
pas été, il nous faut nous prononcer sur la question susmentionnépe.
41. Commençons d’abord par clarifier le sens de la question. Il s’apgit
exactement de savoir si l’Etat demandeur doit avoir essayé de répgler le dif -
férend qui l’oppose au défendeur, de manière infructueuse, epn mettant en
œuvre successivement ou simultanément les deux voies (celle de lap «négo -

ciation », celle des « procédures expressément prévues ») mentionnées à
l’article 22, ou s’il suffit qu’il ait cherché sans succès à empruntper l’une des
deux voies pour pouvoir s’adresser, sans attendre davantage, à la pCour.
Nous sommes d’avis que l’interprétation correcte de l’articlpe 22 ne peut
être que la seconde.

42. Nous ne sommes guère impressionnés par un argument littéral ou p
exégétique invoqué avec insistance par la géorgie et tiré de l’emploi de la
conjonction « ou » à l’article 22 (« par voie de négociation ou au moyen
des procédures… »), d’où il résulterait que les deux termes reliés par la
conjonction représentent une alternative.
La conjonction «ou» se distingue nettement de la conjonction «et», et il

y a lieu en principe de lui attacher la plus grande importance lorsque lpe texte

89 convention sur la dispcrimination racialep (op. diss. comm.) 156

dans lequel elle figure, et que l’on cherche à interpréter, estp rédigé sous forme
affirmative. En pareil cas, on n’a pas trouvé mieux que la conjonpctiono« u»
pour indiquer que les conditions (les situations, etc.) mentionnéesp par le
texte sont alternatives, en ce sens que chacune d’elles est suffisante pour
entraîner l’effet visé. mais tout se trouble lorsque le «ou» est employé dans
une phrase négative, comme en l’espèce («qui n’aura pas été réglé par voie

de négociation ou au moyen des procédures…»). dans cette hypothèse, le
«ou» ne peut pas être regardé comme ayant été employé pour indiquer un
autre sens que le «et» — lequel n’en aurait eu aucun, dans le contexte de la
phrase. En réalité, «ou» est ici l’équivalent de «ni …, ni»: tout différend qui
n’aura été réglé ni par voie de négociation, ni au moypen des procédures
expressément prévues…mais cette tournure ne nous renseigne pas davan -

tage sur le caractère alternatif ou cumulatif des deux voies mentionnpées.
43. L’argument décisif, à nos yeux, est tiré de la logique et dep la finalité du
texte examiné. Le sens de ce texte ne peut pas être d’imposer àp un Etat d’ac -
complir des procédures inutiles à seule fin de retarder ou d’enptraver son accès
à la Cour. La finalité poursuivie n’est pas purement formellel;a règle vise, si

l’on se place dans la perspective qu’a retenue la Cour, un objectipf raisonnable,
celui de réserver le règlement judiciaire aux différends qui ne peuvent pas être
résolus par une méthode extrajudiciaire reposant sur l’accord des parties.
Encore faut-il, pour que cette condition soit remplie, que la partie demande -
resse ait accompli les efforts nécessaires pour chercher à répgler le différend,
si cela paraît raisonnablement possible, par des moyens propres à permettre

aux parties de s’entendre, en laissant au juge le rôle d’un ultpime recours.
Si l’on comprend le texte ainsi, alors il ne serait pas logique de copnsidé -
rer que les deux voies mentionnées à l’article 22 sont cumulativement
nécessaires. L’une et l’autre reposent en effet, in fine, sur l’entente entre
les parties et leur volonté de chercher une solution négociée. pC’est évident
pour la « négociation»; c’est tout aussi vrai pour les « procédures expres -

sément prévues» par la partie II de la CIEdR. Le Comité institué par la
convention n’a aucunement le pouvoir d’imposer une solution juridipque -
ment contraignante aux Etats qu’oppose un différend. Il ne peut pqu’inci-
ter les Etats à négocier entre eux (art. 11), puis, s’il n’y a pas eu de
négociation ou qu’elle a été infructueuse, créer une commpission de conci -
liation qui formulera des recommandations (art. 13), lesquelles seront

soumises aux parties, qui feront savoir si elles les acceptent ou non. Fpina -
lement, l’issue favorable dépendra de la disposition des parties àp s’en -
tendre, c’est-à-dire de leur volonté de négocier.
En conséquence, cela n’aurait aucun sens d’obliger l’Etat qupi aurait
tenté sans succès de négocier directement avec un autre Etat copntre lequel

il a des griefs à mettre en œuvre la procédure spéciale de lpa partie II, sauf
à verser dans un formalisme qui ne saurait correspondre à l’espprit du
texte. Cela en aurait encore moins d’obliger l’Etat qui aurait utiplisé sans
succès la voie complexe de la partie II à s’engager, avant de saisir la Cour,
dans des négociations directes vouées à l’échec.
44. En somme, la négociation directe et la saisine du Comité étant p

deux manières différentes de faire la même chose, à savoirp chercher un

90 convention sur la dispcrimination racialep (op. diss. comm.) 157

accord supposant la capacité des parties à rapprocher leurs pointsp de vue,
il suffit, même dans l’interprétation plutôt rigoureuse quep retient l’arrêt,
que l’une de ces deux voies ait été empruntée sans succèsp pour que le
demandeur puisse s’adresser à la Cour, car il serait hautement dépraison -
nable de l’obliger alors à essayer l’autre.
45. Cette interprétation est également confortée par l’examen des tra -

vaux préparatoires de l’article 22, dans leur partie concernant l’élabora -
tion de la formule finale — celle qui fait apparaître les deux voies possibles
du règlement non judiciaire.
Jusqu’à la 1367 e séance de la Troisième Commission de l’Assemblée
générale, le 7 décembre 1965, la clause vIII du projet établi par le bureau
de la Commission, qui est devenue par la suite l’article 22 de la Conven -

tion, permettait la soumission à la Cour internationale de Justice dep « tout
différend … qui n’aura pas été réglé par négociation ». Lors de la séance
susmentionnée a été discuté et adopté l’amendement ditp « des trois puis -
sances», présenté conjointement par le ghana, les philippines et la mau -
ritanie, et dont l’objet était d’insérer les mots «ou au moyen des procédures

expressément prévues par ladite Convention » après le mot « négocia -
tion». C’est ainsi que l’on est passé d’un projet qui n’enpvisageait qu’un
seul moyen de règlement extrajudiciaire du différend (la négpociation) au
texte final qui mentionne deux voies (la négociation, d’une part; le recours
aux procédures spéciales de la Convention, d’autre part).
46. En présentant l’amendement, le représentant du ghana a été sobre ;

il s’est borné à déclarer que «l’amendement des trois puissances s’explique
de lui-même » et qu’il « se réfère simplement aux procédures prévues
par la Convention » (Nations Unies, Documents officiels de l’Assemblée
générale, vingtième session, Troisième Commission, doc. A/C.3/SR.1367,
p. 485, par. 29). L’amendement a été ensuite discuté et adopté à lp’unani -
mité. La plupart des intervenants l’ont approuvé comme apportanpt une

utile clarification au texte. Selon le représentant du Canada, cet amende -
ment «complét[ait] utilement l’article » ;selon celui de la France, il « met[-
tait] la clause vIII en harmonie avec les dispositions déjà adoptées en
matière de mise en œuvre » ; selon le délégué de l’Italie, il « constitu[ait]
une addition utile » et, selon celui de la Belgique, il « introdui[sait] une
précision utile » (ibid., par. 26, 38-40).

47. Aucune de ces interventions n’est parfaitement éclairante. Il s’pen
dégage cependant la nette impression qu’en proposant leur amendemepnt les
trois puissances n’étaient pas animées par l’intention d’pimposer une condition
supplémentaire, qui viendrait restreindre l’accès à la Cour,p par rapport au
texte antérieur. Rien n’indique que l’amendement visait à repndre obligatoire,

en cas d’échec des négociations directes, le recours aux procédures spéciales
de la partie II. plus vraisemblablement, il visait à rappeler que, parmi les voies
possibles du règlement négocié, figurait le recours à ces procédures spéciales.
C’est pour cela qu’il a été simplement regardé par les déplégués comme un
«complément — ou une précision — utile » et facilement adopté, non pas
comme une modification du texte visant à lui conférer un caractèpre plus

restrictif, mais comme une clarification naturelle, et presque allant dep soi.

91 convention sur la dispcrimination racialep (op. diss. comm.) 158

III. Quel est le contenu expact de la condition cponsistant
à avoir tenté de réglepr le différend par voipe de négociation ?

48. La seconde branche de l’alternative ouverte par l’article 22, à savoir
le recours aux « procédures expressément prévues par [la] Convention »,
ne soulève guère de difficulté d’interprétation, car il pest clair qu’elle se

réfère aux procédures instituées par la partie II et ces procédures sont
précisément décrites par la Convention. Au surplus, la questionp ne se
pose pas dans la présente affaire, puisqu’il est constant que la géorgie n’a
jamais cherché à mettre en œuvre ces procédures à l’encontre de la Russie.
49. En revanche, la portée de la condition — si l’on admet que c’en est
une — consistant à avoir cherché à résoudre le différendp par voie de négo -

ciation peut prêter à controverse. Aussi la Cour a-t-elle cherché à définir
ce qu’elle a appelé «la notion de négociation », aux paragraphes 156 à 162
de l’arrêt.
50. A notre avis, la Cour s’est engagée dans une approche trop forma -
liste de la « négociation», ce qui n’a pas manqué d’avoir ensuite des

conséquences sur la manière dont elle a apprécié les circonstances propres
en l’espèce, pour conclure que la géorgie n’avait pas proposé sérieuse -
ment à la Russie de négocier au sujet du différend qui les oppposait.
51. Le paragraphe 157 de l’arrêt insiste sur le fait que les « négocia -
tions … se distinguent de simples protestations ou contestations ». Il ne
suffit donc pas que l’une des parties (la demanderesse) ait protespté contre

le comportement de l’autre (la défenderesse), il faut encore qu’pelle ait
«tent[é] vraiment d’ouvrir le débat avec l’autre partie en vupe de régler le
différend». En d’autres termes, il faut que le demandeur ait fait une
offre — sérieuse — de négociation au défendeur.
52. Naturellement, le paragraphe 158 de l’arrêt précise qu’« il n’est
cependant pas nécessaire qu’un accord soit effectivement conclu pentre les

parties au différend pour prouver qu’il y a eu tentative de négociations ou
négociations». L’affirmation contraire eût été fort surprenante. mais l’arrêt
ajoute ensuite (arrêt, par. 159), en se référant à certains précédents, qu’il ne
suffit pas que les négociations aient été tentées (c’espt-à-dire proposées par la
partie demanderesse), il faut encore, pour que la condition qui permet pla
saisine de la Cour soit regardée comme remplie, que lesdites négocpiations

aient échoué, soient devenues inutiles ou aient abouti à une imppasse.
53. La Cour rappelle ensuite que selon sa jurisprudence les « négocia -
tions» ne s’entendent pas seulement de contacts directs entre deux par -
ties, mais qu’il y a lieu aussi de tenir compte d’échanges moinps formels et
de « la diplomatie pratiquée au sein des conférences ou diplomatie parlpe -

mentaire » (ibid., par. 160). Elle rappelle aussi que la négociation ne doit
pas nécessairement porter expressément sur l’instrument qui conptient la
clause compromissoire, et qu’il est suffisant qu’elle porte sur lp’objet de cet
instrument, puisque ce qui est déterminant, c’est qu’elle conceprne l’objet
du différend soumis ensuite à la Cour (ibid., par. 161).
54. même en tenant compte des quelques éléments de souplesse qu’ipn -

troduisent ces dernières considérations, nous pensons que la dépmarche de

92 convention sur la dispcrimination racialep (op. diss. comm.) 159

la Cour demeure ici beaucoup trop formaliste, et, en vérité, peu fidèle à
l’orientation générale de sa jurisprudence antérieure.
55. Il faut, selon nous, s’en tenir à une approche résolument réaliste etp
non formaliste de la question des négociations, approche qui avait tou -
jours été celle de la Cour jusqu’à présent.
56. Il n’existe — et il ne peut exister — aucun critère général permet -

tant de déterminer à partir de quel seuil un Etat sera regardé pcomme
ayant satisfait à l’obligation de tenter de négocier sur les grpiefs qu’il for -
mule à l’encontre d’un autre Etat, et de poursuivre sa tentativpe aussi loin
que possible, en vue de parvenir à un accord.
Tout est affaire d’espèce. Le niveau d’exigence de la Cour nep peut que
varier, à l’évidence, selon la nature des questions qui font l’pobjet du diffé -

rend et le comportement de l’Etat mis en cause. Il est clair que certpaines
questions, par leur nature, se prêtent mieux que d’autres à la pnégociation,
au rapprochement des points de vue, à la recherche d’une solution pde
compromis. Il est clair aussi que l’Etat mis en cause peut répondrpe à la
réclamation qui lui est adressée par toute une gamme d’attitudes pos -

sibles, allant de la plus grande ouverture à la plus ferme, voire bruptale, fin
de non-recevoir.
57. C’est donc toujours une appréciation au cas par cas à laquelle pla
Cour doit se livrer.
mais, dans tous les cas, la Cour devrait aborder la question non pas
sous un angle formel ou procédural mais comme une question de fond. Spi

la Cour constate qu’il n’existait plus, à la date de l’introduction de l’ins -
tance, ou subsidiairement qu’il n’existe plus à la date à laquelle elle vérifie
sa compétence, une perspective raisonnable pour que le différend, tel qu’il
se présente à elle, soit résolu par la voie de négociations pentre les parties,
elle doit admettre sa compétence, sans entrer dans la discussion byzapntine
de chacun des actes accomplis par le demandeur, et de ceux qu’il aurapit

pu accomplir.
58. On retrouve ici la finalité essentielle des conditions posées par pune
clause du type de celle que la Cour doit appliquer en la présente affpaire :
non pas dresser des obstacles procéduraux tatillons et inutiles de napture à
retarder ou à entraver l’accès du demandeur à la justice intpernationale,
mais permettre à la Cour de s’assurer, avant de connaître au fond du

différend qui lui est soumis, qu’un effort suffisant a étép accompli pour le
régler par d’autres voies que la voie judiciaire.
59. C’est dans cet esprit que la Cour a toujours appliqué, jusqu’àp pré -
sent, les clauses compromissoires comportant une condition de tentative p
de règlement négocié du différend, y compris lorsque la clpause applicable

était plus nette, en ce qui concerne l’exigence de négociation ppréalable,
que ne l’est l’article 22 de la CIEdR.
60. deux précédents sont, parmi d’autres, significatifs à cet épgard.
61.dans l’affaire du Sud-Ouest africain, la clause applicable (le
deuxième alinéa de l’article 7 du mandat) se référait à « tout différend …
qui ne soit pas susceptible d’être réglé par des négociatpions ». Le défen -

deur soutenait que le différend soumis à la Cour n’était ppas un différend

93 convention sur la dispcrimination racialep (op. diss. comm.) 160

«qui ne soit pas susceptible d’être réglé par des négociatpions », et qu’au-
cune négociation n’avait eu lieu en vue de son règlement.
La Cour a ainsi répondu :

«La question à envisager est … la suivante : Quelles seraient les
chances de succès de nouvelles négociations entre les parties aux pré -
sentes affaires en vue de parvenir à un règlement ?
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p . . . . . . . . . . . . . .
Un rapide examen des thèses, des propositions et des arguments

auxquels des deux côtés on s’est constamment tenu suffit à pmontrer
que l’on s’était trouvé dans une impasse avant le 4 novembre 1960,
date du dépôt des requêtes relatives aux présentes affaireps, et que
cette impasse existe toujours.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p . . . . . . . . . . . . . .

Il est sans pertinence et inutile de rechercher quelles thèses diffpé -
rentes et opposées ont conduit les négociations des Nations Unies
dans une impasse, étant donné qu’au stade actuel il ne s’agipt que de
trancher la question de compétence.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p . . . . . . . . . . . . . .

Cependant, le défendeur affirme en outre que des négociations colp -
lectives au sein des Nations Unies sont une chose, que des négocia -
tions directes entre les demandeurs et lui-même en sont une autre et
qu’aucune négociation directe n’a jamais été engagée entre eux. mais
ce qui importe en la matière ce n’est pas tant la forme des négpocia -
tions que l’attitude et les thèses des parties sur les aspects fondamen -

taux de la question en litige. Tant que l’on demeure inébranlable pde
part et d’autre — et c’est ce qui ressort clairement des plaidoiries
présentées à la Cour — il n’y a aucune raison qui permette de penser
que le différend soit susceptible d’être réglé par de npouvelles négocia -
tions entre les parties. » (Sud-Ouest africain (Ethiopie c. Afrique du

Sud; Libéria c. Afrique du Sud), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J.
Recueil 1962, p. 344-346.)

62. dans les affaires dites de l’Incident aérien de Lockerbie, la clause
applicable (l’article 14, paragraphe 1, de la convention de montréal de 1971
pour la répression d’actes illicites dirigés contre la sécurpité de l’aviation
civile) se référait à «tout différend … qui ne peut pas être réglé par voie de
négociation». Les défendeurs avaient soutenu— au stade de l’examen de la
demande de mesures conservatoires pour l’un, à ce stade et égalpement à

celui des exceptions préliminaires pour l’autre — que, outre qu’il n’existait
pas de différend entre eux et le demandeur relativement à l’ipnterprétation
ou à l’application de la convention de montréal, un tel différend, à suppo -
ser qu’il existât, n’avait donné lieu à aucune tentative pde règlement négocié.
La Cour, pour écarter l’objection, a retenu, entre autres motifs dpétermi -

nants, le suivant :
«La Cour relève qu’en l’espèce le défendeur a toujours souptenu

que la destruction de l’appareil de la pan Am au-dessus de Lockerbie

94 convention sur la dispcrimination racialep (op. diss. comm.) 161

n’avait suscité entre les parties aucun différend concernant l’interpré-
tation ou l’application de la convention de montréal et que, de ce
fait, il n’y avait, de l’avis du défendeur, aucune question àp régler par
voie de négociation conformément à la convention…
En conséquence, de l’avis de la Cour, le différend qui existeprait
entre les parties ne pouvait [pas] être réglé par voie de négociation. »

(Questions d’interprétation et d’application de la convention de▯ Mon -
tréal de 1971 résultant de l’incident aérien de Lockerbie (▯Jamahiriya
arabe libyenne c. Etats-Unis d’Amérique), exceptions préliminaires,
arrêt, C.I.J. Recueil 1998, p. 122, par. 20.)

63. La présente affaire est la première dans laquelle la Cour conclupt à
son incompétence sur la seule base du défaut de réalisation d’pune condi -
tion de négociation préalable. Nous sommes convaincus que cela n’pest
pas justifié par les circonstances propres à l’espèce. Bien pplutôt, cela

s’explique par le fait que la Cour a substitué une approche formelple à
l’approche réaliste et matérielle qu’elle avait adoptée cponstamment, et
qui, si elle avait été conservée, aurait dû la conduire àp une solution inverse
dans la présente affaire, compte tenu des faits pertinents. Nous alplons à pré-
sent expliquer pourquoi.

Iv. y a-t-il eu une tentative supffisante de règlemenpt

négocié du différendp?

64. Sur la base des principes qui viennent d’être exposés, notre
démarche, dans l’examen des faits pertinents aux fins d’apprépcier s’il a été
satisfait à la condition de «négociation », est fondamentalement différente
de celle que la Cour a suivie.

65. L’approche de la question qui se dégage de l’arrêt est essentielle -
ment formelle.
La Cour délimite d’abord une étroite période de temps — pas plus que
trois jours — qui est, selon elle, la période à l’intérieur de laquelple il
convient de rechercher l’existence d’une éventuelle tentative dpe négocia -
tion de la part de la géorgie. Il s’agit des quelques jours qui se sont écou -

lés entre le 9 août 2008, date à laquelle selon l’arrêt le différend est apparu
pour la première fois, et le 12 août 2008, date du dépôt de la requête
(arrêt, par. 168).
Elle recherche ensuite si, pendant cet intervalle, la géorgie a véritable -
ment fait une offre de négociation à la Russie afin de tenter dep résoudre le

différend — ayant précédemment soigneusement distingué (ibid., par. 157)
entre les « protestations ou contestations » d’une part, et les « négocia -
tions » de l’autre, cette dernière notion «impliqu[ant], à tout le moins, que
l’une des parties tente vraiment d’ouvrir le débat avec l’auptre ».

Elle ne trouve, au cours de la brève période considérée, aucune offre de

négociation (ainsi définie) de la part de la géorgie (ibid., par. 171 à 181).

95 convention sur la dispcrimination racialep (op. diss. comm.) 162

Cela lui permet de conclure que la géorgie n’a pas « tent[é] de négocier
avec la Fédération de Russie au sujet de questions touchant la Conpven -
tion » et que c’est pour cette raison que les deux parties n’ont pas
«entam[é] de négociations portant sur le respect par [la Russie] dep ses
obligations de fond au titre de la CIEdR » (arrêt, par. 182). Il n’y a donc
pas lieu, selon l’arrêt, de se demander si les négociations « ont échoué,

sont devenues inutiles ou ont abouti à une impasse », selon la formule du
paragraphe 159, puisqu’elles n’ont même pas été entamées — et ce, en
raison du comportement de la géorgie qui n’a pas cherché à résoudre le
différend par la négociation.
66. Selon nous, une telle conclusion — qui signifie que la géorgie n’a

pas, de son propre fait, épuisé les possibilités de règlement négocié avant
de soumettre à la Cour son différend avec la Russie — est complètement
irréaliste et heurte même la plus simple évidence. Car nul ne ppeut sérieu -
sement penser qu’il eût été raisonnable d’exiger de la géorgie qu’elle cher-
chât à régler son différend avec la Russie par des négopciations au-delà du

12 août 2008 ;il n’est pas réaliste de croire qu’il subsistait, à cette deprnière
date, la moindre chance d’un règlement négocié du difféprend tel qu’il a été
défini devant la Cour.
67. La Cour ne serait pas parvenue à une conclusion aussi éloignée p
de la réalité si elle avait posé la question des « négociations» non pas dans
les termes formalistes qu’elle a retenus, mais selon l’approche répaliste

qu’elle aurait dû à notre avis conserver dans la ligne de sa juprisprudence
antérieure.
Elle aurait dû se demander si, à la date de l’introduction de l’instance,
il existait encore une possibilité raisonnable de règlement négpocié du dif-
férend entre la géorgie et la Russie concernant l’application de la CIEdR,

et — subsidiairement —, dans l’affirmative, si une telle possibilité subsiste
à l’heure actuelle. Selon nous, la réponse à la première pquestion est claire-
ment négative — et il n’y a donc pas lieu d’examiner la seconde. Cela
suffit à répondre aux exigences de l’article 22 sur ce point.

68. Il faut se référer aux conclusions de la géorgie pour savoir exacte -
ment en quoi consiste le différend dont la Cour était saisie (et qui, à l’évi -
dence, n’est que l’un de ceux qui l’oppose à la Russie, maisp le seul, qu’il
soit ou non le plus important, dont elle ait cherché le règlement pjudi -
ciaire).
69. A la fin de son mémoire déposé le 2 septembre 2009, la géorgie

soutenait — et c’était là l’essentiel de ses prétentions :
«que la Fédération de Russie a, par l’intermédiaire de ses organes et

agents et d’autres personnes ou entités exerçant une autoritép gouver-
nementale, ainsi que par l’intermédiaire des autorités gouvernepmen-
tales de facto d’Ossétie du Sud et d’Abkhazie et des milices opérant
dans ces régions, violé les dispositions des alinéas a), b) et d) du
paragraphe 1 de l’article 2, de l’article 3 et de l’article 5 de la conven -

tion de 1965 par les actions suivantes : i) nettoyage ethnique à l’en -

96 convention sur la dispcrimination racialep (op. diss. comm.) 163

contre des géorgiens d’Ossétie du Sud; ii) déni du droit de retour des
géorgiens en Ossétie du Sud et en Abkhazie ; et iii) destruction de la
culture et de l’identité géorgiennes en Ossétie du Sud et enp Abkha -
zie» (cité au paragraphe 17 de l’arrêt).

En conséquence, la géorgie affirmait que la Fédération de Russie « a[vait]
l’obligation de mettre un terme à toutes les actions » précédentes ; que la
Russie devait « rétablir la situation qui prévalait avant la commission des
violations» en cause, notamment « en prenant sans tarder des mesures

efficaces pour faire en sorte que les géorgiens déplacés dans leur propre
pays puissent regagner leurs foyers en Ossétie du Sud et en Abkhazie »;
enfin, que la Russie avait l’obligation de réparer le préjudicep causé par ses
violations de la convention de 1965.
70. Bien que la Russie n’ait pas présenté de défense au fond, nopus

savons qu’elle conteste catégoriquement les accusations articulépes contre
elle par la géorgie sur le fondement de la CIEdR, notamment parce
qu’elle nie que le comportement des autorités provinciales d’Ospsétie du
Sud et d’Abkhazie, ainsi que des groupes qui agissent dans ces provinpces,
lui soit imputable, qu’elle affirme avoir toujours agi en vue de maipntenir
la paix et de faciliter la résolution des différends entre ces autorités pro
-
vinciales et le gouvernement géorgien, et que, en conséquence, sa respon-
sabilité internationale n’est aucunement engagée du fait des acptions
accomplies par les autorités en cause.
Tels sont les termes, tel est précisément l’objet, du difféprend dont la
Cour a été saisie.

71. Il ne s’agit évidemment pas de se prononcer si peu que ce soit surp le
bien-fondé des thèses en présence. Que les accusations formulées par la
géorgie soient entièrement fondées, qu’elles ne le soient pas du tout ou que
la vérité soit entre les deux, est sans aucune incidence sur la compétence de
la Cour pour en connaître, et notamment sur la question de savoir si pla

condition de tentative préalable de règlement négocié est repmplie ou non.
72. En revanche, il y a lieu de tenir dûment compte de l’objet du diffpé-
rend pour porter une appréciation réaliste sur les chances de son règle -
ment éventuel par la voie de la négociation diplomatique.
dans une hypothèse telle que celle de l’espèce, qui concerne un pdifférend

du genre de ceux qui ne donnent guère prise au rapprochement des poinpts
de vue, on ne saurait attendre du demandeur qu’il fasse une offre fpormelle
de négociation ou suggère les voies d’une solution de compromisp. Il suffit,
selon nous, qu’il fasse clairement connaître l’existence et le sens de ses
griefs à l’autre partie, la mettant ainsi à même de se prononcer — dans
cette mesure, nous récusons la distinction tranchée que fait l’parrêt en son

paragraphe 157 entre « protestation» et tentative de « négociation» —, et
que la partie ainsi mise en cause ait fait savoir sans équivoque qu’pelle
rejette catégoriquement, dans leur essence même, les griefs ainsi pformulés.
73. C’est exactement ce qui s’est produit en l’espèce.
Contrairement à ce qu’affirme l’arrêt dans sa partie relatipve à la pre -

mière exception préliminaire de la Russie, le différend entrep les parties

97 convention sur la dispcrimination racialep (op. diss. comm.) 164

n’est pas apparu pour la première fois trois jours avant la saisinpe de la
Cour, soit le 9 août 2008.
La géorgie a reproché de longue date à la Russie d’être respopnsable,
par action ou omission, du nettoyage ethnique commis, selon elle, à lp’en-
contre de citoyens géorgiens en Abkhazie et en Ossétie du Sud.
74. On peut au moins remonter à l’échange de lettres entre les prépsi -

dents Saakachvili, de la géorgie, et poutine, de la Fédération de Russie,
de juillet et août 2004. dans sa lettre, le président géorgien mettait expli -
citement en doute l’«impartialité des forces russes de maintien de la paix »
dans l’exercice de leur mission, et ce à propos des attaques armépes
conduites par des unités illégales agissant sous l’égide desp autorités de fait
d’Ossétie du Sud contre des villages habités par une population d’origine

géorgienne. dans sa réponse, le président poutine a qualifié de « regret-
table » ce qu’il a appelé « la propagande lancée par Tbilissi, dont la cible
principale était initialement la force russe de maintien de la paix ept ensuite
la Russie elle-même » (documents produits en annexe du mémoire de la
géorgie, vol. v, annexes 309 et 310).

75. Lors de la séance tenue par le Conseil de sécurité des Nations Unies
le 26 janvier 2006, les accusations de la géorgie à l’encontre de la Russie
se sont faites plus explicites encore et plus précises. Le représepntant de la
géorgie, envoyé spécial du président de cet Etat, a reprochép à la Russie
d’avoir «décidé de cesser de soutenir le principe fondamental … de l’inté -
grité territoriale de la géorgie à l’intérieur de ses frontières internationale-

ment reconnues», ajoutant que: «[r]enoncer au principe de la détermination
du statut de l’Abkhazie au sein de la géorgie équivaut bel et bien … à
cautionner le nettoyage ethnique de plus de trois cent mille citoyens gépor -
giens» (cette déclaration est citée au paragraphe 84 de l’arrêt).
76. Le 24 juillet 2006, le représentant permanent de la géorgie a trans -
mis au Conseil de sécurité le texte d’une résolution adoptépe par le parle -

ment géorgien le 18 du même mois, et dans laquelle cette assemblée
mettait en cause l’action de forces russes de maintien de la paix danps les
termes suivants :

«Au lieu d’être démilitarisées, ces forces armées [il s’pagit des milices
agissant contre les citoyens d’origine géorgienne], subordonnées de
fait aux autorités d’Abkhazie et de l’ancien district autonome p
d’Ossétie du Sud, ont augmenté considérablement leur potentipel mil-i
taire … on constate des tentatives permanentes de chercher à légali -

ser les résultats du nettoyage ethnique reconnu comme tel à plusiepurs
reprises par la communauté internationale, et on assiste à des viopla -
tions massives des droits de l’homme fondamentaux… Tel est le
résultat des opérations de maintien de la paix.» (Cité au paragraphe 86
de l’arrêt; les italiques sont de nous.)

77. Réagissant à ce document, le représentant permanent de la Russipe
aux Nations Unies, dans une lettre du 19 juillet 2006, transmettait au
Secrétaire général une déclaration du même jour du ministère des affpaires

étrangères de son pays, dans laquelle on peut lire ce qui suit :

98 convention sur la dispcrimination racialep (op. diss. comm.) 165

«durant l’examen du projet de décision [il s’agit du projet de répso -
lution du parlement géorgien], certains députés ont déclaré que, danps
le cas où les mesures susmentionnées ne seraient pas suivies d’peffets,
les contingents de paix russes devraient être déclarés hors la ploi et
considérés comme des troupes d’occupation. Le texte de la dépcision

affirme à tort que les activités de ces contingents en Abkhazie ept en
Ossétie du Sud constituent l’un des principaux obstacles au règple -
ment pacifique des conflits.
La Fédération de Russie considère cette décision comme une pro -
vocation… Les accusations qu’elle comporte à l’encontre de lpa Rus-

sie traduisent une manœuvre indigne ayant pour but de rejeter la
faute sur autrui. » (documents produits en annexe aux observations
écrites de la géorgie, vol. III, annexe 81.)

78. plusieurs autres déclarations émanant de représentants officielps de
la géorgie, faites entre 2006 et 2008, et accusant la Russie de complicité
dans le nettoyage ethnique, sont citées dans la partie de l’arrêt qui répond
à la première exception préliminaire.
Il en va ainsi de la déclaration du représentant permanent de la géor -
gie aux Nations Unies, faite lors d’une conférence de presse tenue le

3 octobre 2006, et aux termes de laquelle :
«Il est tout à fait clair que la force russe de maintien de la paix

n’est ni impartiale, ni internationale. Elle s’est montrée incappable de
mener à bien les principales tâches définies dans son mandat — créer
des conditions de sécurité favorables au retour de centaines de mil -
liers de ressortissants géorgiens victimes du nettoyage ethnique. Ellpe
est devenue la force qui s’emploie à dresser artificiellement les pparties
les unes contre les autres. » (Arrêt, par. 92.)

Il en va de même de l’allocution prononcée par le président de la
géorgie devant l’Assemblée générale des Nations Unies le 26 sep -
tembre 2007, aux termes de laquelle : « L’histoire de l’Abkhazie … consti-
e
tue l’un des nettoyages ethniques les plus terrifiants du xx siècle, et
pourtant oublié. depuis que les soldats de la paix russes ont été déployés,
plus de 2000 géorgiens ont péri, et c’est un climat de peur qui y règne. »
(Ibid., par. 94.)
de même, une déclaration faite en décembre 2006 par le ministère géor -

gien des affaires étrangères accuse explicitement la Russie de fpournir «un
soutien sans restriction et des armements aux régimes séparatistesp dont il est
de notoriété publique qu’ils ont procédé à un nettoyagpe ethnique des géor -
giens »(mentionnée au paragraphe93 de l’arrêt) ;un communiqué de presse,
émanant du même ministère le 19 avril 2008, mentionnel« ’annexionde facto

de régions … qui font partie intégrante de la géorgie et le mépris des droits
de l’homme d’une grande majorité de la population de ces régpions, victimes
d’un nettoyage ethnique »(ibid., par. 97) ; ou encore un communiqué de
presse du même ministère, du 17 juillet 2008, prétend que la véritable inten -
tion de moscou est de « consacrer juridiquement les conséquences du net-
toyage ethnique perpétré par des citoyens russes »(ibid., par. 104).

99 convention sur la dispcrimination racialep (op. diss. comm.) 166

79. Ces différents documents et déclarations ne sont pas ignorés ppar
l’arrêt. Celui-ci les examine dans sa partie relative à la première exception
préliminaire, c’est-à-dire en vue de rechercher si, et dans l’affirmative à
partir de quelle date, il existait un différend entre les parties. Chacun
d’entre eux est écarté comme dépourvu de pertinence pour lesp besoins de
l’affaire, au motif que le document ou la déclaration en cause apccuse la

Russie, mais sans que cette accusation soit relative à un comportement
entrant, ratione materiae, dans le champ de la CIEdR, ou au motif que le
document en cause allègue bien des actes de discrimination ethnique, pmais
sans en accuser expressément la Russie, ou encore que les griefs exprpimés
se rapportent à des actes de nettoyage ethnique commis au début deps
années 1990, soit avant l’entrée en vigueur de la CIEdR entre les parties.

80. malgré l’insistance que met la Cour à écarter chacun de ces dpocu -
ments, son analyse, selon nous, ne résiste guère à un examen séprieux.

Les déclarations et documents en cause ne comportent certes aucune
référence explicite à la CIEdR. mais l’arrêt admet, en se référant à la

jurisprudence antérieure de la Cour, que, « [s]’agissant du fond des négo -
ciations … l’absence de référence expresse à l’instrument pertipnent n’in -
terdi[t] pas d’en invoquer la clause compromissoire» (arrêt, par. 161). dès
lors, la question est seulement de savoir si les documents en cause se
réfèrent en substance à la discrimination raciale ou, plus généralement, à
des questions susceptibles d’entrer dans le champ ratione materiae de la

CIEdR. A cet égard, on ne peut qu’être étonné de voir la Cour écarter,
comme dépourvues de lien avec la CIEdR ou ne contenant aucune allé -
gation de discrimination raciale visant la Russie, les nombreuses décplara-
tions par lesquelles les autorités géorgiennes ont accusé la Rupssie, bien
avant le 9 août 2008, de favoriser le nettoyage ethnique, ou de chercher à
en «légaliser» les conséquences.

81. particulièrement significatif, à cet égard, est le traitement qupe l’ar -
rêt réserve à deux déclarations émanant du ministère gpéorgien des affaires
étrangères.
La première est celle du 22 décembre 2006 qui, comme il a été dit plus
haut, accuse la Russie de fournir « un soutien sans restriction et des arme -
ments aux régimes séparatistes dont il est de notoriété publique qu’ils ont

procédé à un nettoyage ethnique des géorgiens ». Sans la citer, l’arrêt
mentionne cette déclaration (ibid., par. 93), mais pour ajouter aussitôt
que, selon la Cour, elle se réfère aux événements qui se sonpt déroulés au
début des années 1990, donc à une date antérieure à l’adhésion de la
géorgie à la CIEdR. pourtant, rien dans la déclaration en cause ne per -

met de considérer que les comportements incriminés, à savoir l’paide allé -
guée de la Russie à des autorités qui se sont livrées à des actes de nettoyage
ethnique, seraient antérieurs à 1999. Cela ne résulte que de la très libre
interprétation qu’en fait la Cour.
La seconde déclaration est celle du 17 juillet 2008, sous forme de com -
muniqué de presse, par laquelle le même ministère des affaireps étrangères

affirmait que le véritable objectif de moscou était de « consacrer juridi -

100 convention sur la dispcrimination racialep (op. diss. comm.) 167

quement les conséquences du nettoyage ethnique perpétré par desp citoyens
russes à l’instigation de leur gouvernement afin de faciliter l’pannexion
d’une partie intégrante du territoire internationalement reconnu dpe la
géorgie ».
A la différence de la précédente, cette déclaration est bepl et bien repro-
duite dans l’arrêt (par. 104). mais la Cour en fait ensuite une lecture éton-

nante. Selon elle, « la référence au nettoyage ethnique peut … être
considérée comme ayant trait aux événements du début des pannées 1990,»
par ailleurs «le thème principal [de la déclaration] était la préoccupatiopn de
la géorgie à propos … de [son] intégrité territoriale », de telle sorte que, en
définitive, ladite déclaration « soulevait … la question de la bonne exécu -
tion du mandat de la force de maintien de la paix … et non celle du respect

par la Fédération de Russie de ses obligations au titre de la CIEdR ».
Là encore, on est frappé par la grande liberté que prend la Cour avec le
texte qu’elle est supposée commenter. Rien dans la déclaration pen cause
ne permet de limiter son objet à des événements survenus au débput des
années 1990. A supposer que l’allégation de «nettoyage ethnique »se réfère

à des faits commis plus de quinze ans avant la déclaration — ce que rien ne
permet d’affirmer avec certitude —,il est certain, en tout cas, que l’accusa -
tion de chercher à «consacrer juridiquement les conséquences du nettoyage
ethnique »ne peut se référer qu’au comportement (allégué) de la pRussie au
moment même où la déclaration est faite. En outre, le fait que la même
déclaration mette en cause la bonne exécution par la Russie du manpdat de

la force de maintien de la paix, ce qui est exact, n’empêche nullepment qu’elle
puisse se rapporter aussi, en substance, au non-respect d’obligationsp résul -
tant de la CIEdR, et c’est clairement le cas lorsqu’elle mentionne une vo -
l onté de «consacrer juridiquement les conséquences du nettoyage ethnique
perpétré par des citoyens russes à l’instigation de leur goupvernemen.t »
82. Face à ces accusations répétées, la position de la Russie n’pa jamais

varié. Elle a toujours consisté à nier toute responsabilité dans des actes de
nettoyage ethnique, et à affirmer que ses forces armées se comporptaient de
manière impartiale, en tant que forces d’interposition, dans l’pintérêt du
maintien de la paix et de la sécurité dans la région. S’il yp a eu des compor -
tements relevant du nettoyage ethnique et de la discrimination raciale, pils
ont été le fait des autorités locales et de certains groupes enp Ossétie du

Sud et en Abkhazie, et non de personnes agissant pour le compte de la
Fédération de Russie. Le conflit, à cet égard, oppose la géorgie aux deux
provinces en question, non la géorgie à la Russie.
83. Cette position constante a été largement confirmée par les plaipdoi -
ries devant la Cour des représentants de la Russie. En niant l’exipstence

d’un différend entre elle-même et la géorgie relativement à l’interpréta -
tion ou à l’application de la CIEdR, la Russie a surtout entendu souli -
gner que les actes de nettoyage ethnique et de discrimination raciale, ppour
autant qu’il en ait été commis, ont été le fait de personpnes dont la conduite
ne lui était en rien attribuable, pas plus directement qu’indirectement.
Cela démontre que la Russie rejette radicalement, et a toujours ainsip

rejeté, les accusations formulées par la géorgie.

101 convention sur la dispcrimination racialep (op. diss. comm.) 168

84. dans ces conditions, notre conclusion est simple : à la date d’intro-
duction de la requête, il était clairement établi qu’il n’pexistait aucune pos-
sibilité raisonnable de règlement négocié du différend ptel que présenté à la
Cour, et la condition exigée par l’article 22, si c’en est une, était remplie.
85. Avant de conclure, nous croyons devoir encore insister sur le fait
que notre analyse n’implique aucune prise de position sur le fond. Aup

stade actuel, la question n’était pas pour la Cour de décider spi les griefs de
la géorgie sont fondés ou non, et si la Russie a raison de les rejeterp pure -
ment et simplement, comme elle le fait, de manière catégorique. Ilp se peut
que les reproches adressés par la géorgie à la Fédération de Russie soient
totalement infondés; il se peut donc que la Russie ait raison de les rejeter
en bloc, et de refuser d’entrer dans une négociation portant sur des griefs

artificiels sur lesquels, de son point de vue, il n’y a pas lieu de npégocier.
mais cela concerne le fond de l’affaire. Justifiée ou non, la finp de non-
recevoir opposée par la Russie aux accusations de la géorgie créait les
conditions nécessaires pour que la Cour puisse connaître du diffpérend.
pour paraphraser l’arrêt rendu en l’affaire du Sud-Ouest africain (voir

paragraphe 61 ci-dessus), «[t]ant que l’on demeure inébranlable de part et
d’autre … il n’y a aucune raison qui permette de penser que le différpend
soit susceptible d’être réglé par de[s] … négociations entre les parties »
(Sud-Ouest africain (Ethiopie c. Afrique du Sud ; Libéria c. Afrique du
Sud), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1962, p. 346).

Conclusion générale

86. par l’arrêt qu’elle rend, la Cour se déclare incompétente ppour
connaître d’une affaire dans laquelle elle a, il y a moins de trois ans,
ordonné aux parties de se conformer à certaines mesures à titre conserva -

toire, après avoir estimé qu’elle avait, prima facie, compétence pour
connaître du différend. Elle a certes parfaitement le droit de pparvenir,
après un débat approfondi sur la compétence, à une conclusion différente
de celle à laquelle elle était parvenue prima facie au stade des mesures
conservatoires, au terme d’un débat nécessairement plus sommairpe. mais,
comme il est néanmoins toujours fâcheux que la Cour ait rendu une pdéci -

sion juridiquement contraignante pour les parties dans une affaire donpt
elle constate, in fine, qu’elle n’a pas compétence pour en connaître, on
pourrait légitimement s’attendre à ce qu’elle ne se place dapns cette position
inconfortable que lorsqu’elle découvre, à la suite du débat psur les excep -
tions préliminaires, de solides raisons qui lui avaient échappép dans un pr-e

mier temps, la contraignant à décliner sa compétence. Le moins pque l’on
puisse dire, c’est que l’arrêt ne démontre pas de façon cponvaincante que la
Cour se trouvait dans une telle situation, il s’en faut de beaucoup.
de même, la Cour décline pour la première fois sa compétence pour la
seule raison que le demandeur n’a pas suffisamment tenté de régler lpe
différend par la voie de négociations avec le défendeur avantp de venir

devant le juge. Elle avait presque toujours rejeté auparavant une telle

102 convention sur la dispcrimination racialep (op. diss. comm.) 169

exception, et ne l’avait jamais accueillie seule, dans des affaires très diffé -
rentes les unes des autres quant aux circonstances de fait. Eu égard pà
l’objet de ce différend et aux circonstances de l’espèce, il est bien difficile
de comprendre comment la Cour a pu trouver dans la présente affairep
l’occasion appropriée de faire preuve d’une semblable rigueur. pEn réalité,
l’explication est qu’elle n’a pas appliqué ici ses critèrpes habituels.

87. Nous sommes d’avis que la deuxième exception préliminaire aurait
dû être rejetée tout comme la première. par ailleurs, la Russie n’a pas
maintenu lors de la procédure orale sa troisième exception (excepption
d’incompétence ratione loci) en tant qu’exception préliminaire, puisqu’elle
a elle-même soutenu qu’elle ne présentait pas un caractère exclusivpement
préliminaire et n’avait donc pas à être examinée à ce pstade. Enfin, la qua

trième exception préliminaire (exception d’incompétence ratione temporis)
était en réalité dépourvue d’objet, les griefs articuléps par la demanderesse
étant relatifs à des faits survenus après le 2 juillet 1999, date d’entrée en
vigueur de la CIEdR entre les parties.
88. C’est pourquoi, à notre avis, la Cour aurait dû affirmer sa compé -

tence pour connaître de l’affaire, et nous regrettons qu’ellep en ait décidé
autrement.

(Signé) Hisashi Owada.

(Signé) Bruno Simma.
(Signé) Ronny Abraham.

(Signé) Joan donoghue.
(Signé) giorgio gaja.

103

Bilingual Content

142

JOINT dISSENTINg OpINION OF pRESIdENT OWAdA,
JUdgES SImmA, ABRAHAm ANd dONOgHUE

ANd JUdgE AD HOC gAJA

[English Original Text]

Agreement as to rejection of the first preliminary objection concerning the
existence of a dispute, but not with the Court’s reasoning — Lack of flexibility in
objective determination of the existence of a dispute — Existence of a dispute
within the subject-matter of CERD well before 9 August 2008 — Reference to the
separate opinions — Disagreement with the Court’s position sustaining the second
preliminary objection, concerning the procedural conditions laid down by▯ Article 22

of CERD — Questionable character of the Court’s analysis of the issue as t▯o
whether Article 22 of CERD establishes mandatory preconditions — Argument
drawn from the “effectiveness” principle relevant but not controll▯ing — Literal
meaning of the wording “any dispute which is not settled by” — No account taken
of the fact that this clause departs from the general rule — Uncertainty
characterizing the Court’s prior jurisprudence as to the meaning to b▯e ascribed to
clauses of this type — Unjustified failure to apply the Court’s most recent
jurisprudence as to the time when the conditions for the Court’s juri▯sdiction have to

be fulfilled — In so far as Article 22 of CERD lays down mandatory preconditions,
the alternative character of them — Substance of the condition requiring an
attempt to settle the dispute by negotiation — Excessively formalistic approach
taken by the Court — Condition met where there is no reasonable prospect
of resolving the dispute through negotiations between the Partie— Account to
be taken of the subject of the dispute and the Parties’ respective posit▯ions — In
the present case, in so far as the condition is required by Article 22 of CERD,

fulfilment of this condition at the date of the Application under the ci▯rcumstances
of the case.

1. In the present Judgment, the Court rules on two preliminary objec -

tions which the Russian Federation has raised to georgia’s Application.
It rejects the first, based on the alleged non-existence at the date the
Application was filed of a dispute between the two parties concerning the
interpretation or application of the International Convention on the

Elimination of All Forms of Racial discrimination (CERd). On the
other hand, it sustains the second, based on the absence of any attempt to
settle the dispute by negotiation or by recourse to the special procedurpes
provided for in CERd before the Application was filed.

2. We have voted in favour of paragraph (1) (a) of the operative part
because we believe that the Court has rightly rejected the first prelimipnary

objection. We have however voted against paragraph (1) (b) because in
our view the second preliminary objection should also have been rejectedp,

76 142

OpINION dISSIdENTE COmmUNE dE m. LE JUgE OWAdA,
pRÉSIdENT, ET dE mm. LES JUgES SImmA
me
ET ABRAHAm, m LA JUgE dONOgHUE
ET m. LE JUgE AD HOC gAJA

[Texte original français]

Accord sur le rejet de la première exception préliminaire relative▯ à l’existence
d’un différend mais pas sur le raisonnement de la Cour — Manque de souplesse
dans la détermination objective de l’existence d’un di▯ — Existence d’un
différend relevant de l’objet de la CIEDR bien avant le 9 août 2008 — Renvoi aux
opinions individuelles — Désaccord avec la position de la Cour retenant la deuxième
exception préliminaire relative aux conditions procédurales▯ s par l’article 22

de la CIEDR — Caractère douteux de l’analyse faite par la Cour de la que▯ n de
savoir si l’article 22 de la CIEDR établit des conditions préalables obligatoires —
Argument résultant du principe de l’«effet utile »pertinent mais non péremptoire —
Sens littéral de la formule «tout différend qui n’aura pas été réglé par »—
Défaut de prise en compte du caractère dérogatoire de cette formule — Caractère
incertain de la jurisprudence antérieure de la Cour quant au sens à▯ donner
à ce type de clause — Défaut injustifié d’appliquer la jurisprudence la plus
récente de la Cour quant au moment auquel les conditions de la compétence

de la Cour doivent être remplies — Pour autant que l’article22 de la CIEDR
pose des conditions préalables obligatoires, caractère alte▯ e celles-ci —
Contenu de la condition consistant à avoir tenté de régler le di▯ fférend par la
voie de négociation — Approche trop formaliste de la Cour — Condition
remplie en cas d’absence de perspective raisonnable pour que le ▯ endr
soit résolu par la voie des négociations entre les Parties — Prise en compte
de l’objet du différend et des positions respectives des Parties — En l’espèce,

pour autant que la condition est exigée par l’article 22 de la CIEDR, réalisation
de cette condition à la date de la requête, eu égard aux circonstances de
l’affaire.

1. dans le présent arrêt, la Cour statue sur deux exceptions prélimi -

naires opposées par la Fédération de Russie à la requête pde la géorgie.
Elle rejette la première, tirée de la prétendue absence, à lpa date de l’intro-
duction de la requête, d’un différend entre les deux parties relativement à
l’interprétation ou à l’application de la convention internaptionale sur l’é-i

mination de toutes les formes de discrimination raciale (CIEdR) ; elle
accueille, en revanche, la seconde, tirée de ce que la requête n’pa pas été
précédée par la tentative de régler le différend par lap voie de négociations,
pas plus que par la mise en œuvre des procédures spéciales prépvues par la

CIEdR.
2. Nous avons voté en faveur du point 1) a) du dispositif parce que
nous pensons que c’est à bon droit que la Cour a rejeté la prempière excep-

tion préliminaire. En revanche, nous avons voté contre le point 1) b),
parce que nous sommes d’avis que la deuxième exception préliminpaire

76143 convention on racialp discrimination (joinpt diss. op.)

and against paragraph (2) because we therefore think that the Court
should have found that it had jurisdiction to entertain the Application.p

3. despite our votes in favour of rejecting the first preliminary objec -
tion, we disagree in significant ways with the Court’s reasoning on this
subject. Some of the reasons for that disagreement are expounded in our p

separate opinions.

In short, under the reasoning adopted by the Court, a dispute does not
exist unless the applicant has given notice of its claims to the respondpent
before the application is filed and the respondent “has opposed” tphose
claims. But, as shown in greater detail in the separate opinions of somep of

us, the Court, in making an objective determination as to whether a dis -
pute exists, has never before required prior notice of the claim and rejpec-
tion by the respondent. On the contrary, the Court has been flexible, pby
for example drawing inferences from the parties’ conduct and taking
account of their positions as stated before the Court.

4. We also disagree with the way in which the facts put forward by
georgia are dealt with in the Judgment to support the Court’s conclusipon
that there was no dispute corresponding to the subject of the Applicatiopn
before 9 August 2008. In our view, the record, when considered as a
whole, shows that there was a dispute — that is to say, a “disagreement

on a point of law or fact” — within the ambit of CERd that came into
existence between the entry into force of that Convention — as between
the parties — and the filing of the Application, and that this occurred
well before 9 August 2008. There is no need to ascertain the exact date on
which the dispute arose, yet that is what the Court has applied itself tpo
doing, scrutinizing each statement or document cited by georgia and dis -

missing each (until the date which the Court ultimately chooses to use)p on
grounds such as, for instance, that the document contains an allegation pof
ethnic discrimination without expressly attributing it to Russia or thatp
it asserts grievances against Russia but does not expressly link them top
ethnic discrimination. We are fully mindful of the thorny questions of
law and fact the Court would have to decide in determining — on the

merits — whether georgia has proved its allegations of CERd violations
by Russia. But those were not the questions before the Court at this stapge
in the proceedings. The question raised by the first preliminary objectipon
was solely whether a dispute existed between georgia and Russia con -
cerning the interpretation or application of CERd. And that question

most certainly has to be answered in the affirmative.

5. The present opinion will be devoted for the most part to setting out
our reasons for disagreeing with the Court’s decision on the second ppre -
liminary objection, which follow here.

77 convention sur la dispcrimination racialep (op. diss. comm.) 143

aurait dû également être rejetée, et contre le point 2), parce que nous pen -
sons, en conséquence, que la Cour aurait dû se déclarer compéptente pour
connaître de la requête.
3. En dépit de notre vote en faveur du rejet de la première exceptionp
préliminaire, nous sommes en désaccord, sur des aspects importantsp, avec
le raisonnement suivi à cet égard par la Cour. Certaines des raisopns de

notre désaccord sont développées dans nos opinions individuelles respec -
tives.
En résumé, il ressort des motifs retenus par la Cour qu’un diffpérend
n’existe que si, avant l’introduction de la requête, le demandepur a notifié
au défendeur ses prétentions, et si le défendeur « s’est opposé » auxdites
prétentions. mais jusqu’à présent, comme cela est démontré plus en déptail

dans les opinions individuelles de certains d’entre nous, la Cour n’pavait
pas exigé, afin de procéder à la détermination objective de pl’existence d’un
différend, une notification préalable de la demande et un rejet ppar le
défendeur. Elle avait au contraire fait preuve de souplesse, par exempple en
tirant des conclusions de la conduite des parties et en prenant en compte

leurs positions telles qu’elles s’étaient exprimées devant lpa Cour.
4. Nous sommes aussi en désaccord avec la manière dont l’arrêt pexa -
mine les faits présentés par la géorgie, au soutien de la conclusion de la
Cour selon laquelle aucun différend correspondant à l’objet dpe la requête
n’a existé avant le 9 août 2008. Considéré dans son ensemble, le dossier
démontre selon nous qu’il existait entre les parties un différend —

c’est-à-dire un «désaccord sur un point de droit ou de fait » — relevant de
l’objet de la CIEdR, qui a pris naissance dans la période séparant l’entrée
en vigueur de cette Convention — dans les rapports entre les parties — et
l’introduction de la requête, et ce bien avant le 9 août 2008. Il n’est nul
besoin de déterminer la date exacte à laquelle ce différend epst apparu.
C’est pourtant ce à quoi la Cour s’est employée, en scrutant chaque décla -

ration ou document invoqué par la géorgie, et en écartant chacun d’entre
eux (jusqu’à la date qu’elle retient finalement) au motif, papr exemple, que
le document en cause allègue l’existence d’une discrimination epthnique
mais sans l’attribuer expressément à la Russie, ou bien formule des griefs
à l’encontre de la Russie mais sans les lier explicitement à lap discrimina -
tion ethnique. Nous sommes parfaitement conscients des délicates ques -

tions de droit et de fait sur lesquelles la Cour aurait à se prononcepr pour
décider si — sur le fond — la géorgie a démontré le bien-fondé de ses
allégations relatives aux violations de la CIEdR qu’aurait commises la
Russie. mais ce sont là des questions qui ne se trouvaient pas posées à pla
Cour à ce stade de la procédure. La question soulevée par la première

exception préliminaire était seulement de savoir s’il existait pun différend
entre la géorgie et la Russie concernant l’interprétation ou l’application
de la CIEdR. Et à cette question, assurément, la réponse est affirmativep.
5. La présente opinion sera consacrée, pour l’essentiel, à l’exposé des
raisons de notre désaccord quant à la décision prise par la Coupr en ce qui
concerne la deuxième exception préliminaire. Ces raisons sont les psui -

vantes.

77144 convention on racialp discrimination (joinpt diss. op.)

6. There is no argument that the only basis of jurisdiction invoked by
georgia — and consequently the only basis to be examined by the
Court — is the compromissory clause in Article 22 of CERd. Nor is
there any argument that both parties were bound by this provision at the
date the Application was filed.
7. Under Article 22 of CERd any party to the Convention may uni-

laterally refer to the Court “[a]ny dispute . . . with respect to the interpreta
tion or application of this Convention, which is not settled by negotiation
or by the procedures expressly provided for in this Convention”.

8. The “procedures expressly provided for” referred to in Article 22 are
those described in part II of the Convention, specifically in Articles 11 to

13. It is undisputed that georgia did not attempt to put these procedures
in motion to settle its dispute with Russia before it seised the Court on
12 August 2008.
9. According to the Russian Federation, the Court cannot find that it
has jurisdiction to adjudicate a dispute unless the applicant State has pfirst

tried — without success — to settle the dispute through recourse, if neces -
sary, to the two modes referred to in Article 22, namely “negotiation”
and “the procedures expressly provided for” in the Convention. In pthe
present case, Russia argues, the mere fact that georgia did not initiate the
special procedures established in part II of the Convention before refer -
ring the case to the Court is sufficient to deprive the Court of jurisdpiction.

In any case, even if it were enough for the Applicant to have pursued onply
one of the two avenues referred to in Article 22, the conclusion would be
the same, because, according to Russia, georgia also failed to make any
attempt to settle its dispute with Russia by negotiation. That in substapnce
is the second preliminary objection on which the Court was asked to rulep.

10. A thorough examination of that argument should require that the
following four questions be answered : (1) does Article 22 of CERd lay
down “preconditions”, the fulfilment of which must be ascertained pby the
Court for it to exercise jurisdiction? (2) If so, are these “preconditions”
alternative or cumulative? (3) If they are alternative, what exactly does
the condition requiring an attempt to “settle the dispute by negotiation”

consist of ? And (4) has this last condition been satisfied in the case?

11. The Court answers the first question in the affirmative (Judgment,
paras. 141 and 147). In response to the third question, it takes a rather
exacting view of what constitutes “negotiation” (ibid., paras. 157 to 162).

On the fourth question, it considers that georgia has not satisfied the pre -
condition of having attempted to settle the dispute by negotiation with
Russia (ibid., para. 182). Accordingly, the Court finds that it does not need
to answer the second question, as neither of the procedural conditions lpaid
down in Article 22 has, in the Court’s view, been fulfilled (ibid., para. 183).
12. Our opinion on the questions set out above is as follows.

78 convention sur la dispcrimination racialep (op. diss. comm.) 144

6. Il n’est pas contesté que la seule base de compétence invoquépe par la
géorgie, et par conséquent la seule que la Cour avait à examinerp, est la
clause compromissoire figurant à l’article 22 de la CIEdR. Il n’est pas
contesté non plus que les deux parties étaient liées, à la date d’introduc -
tion de la requête, par cette disposition.
7. L’article 22 de la CIEdR permet à toute partie à la Convention de

porter unilatéralement devant la Cour «tout différend … touchant l’inter -
prétation ou l’application de la présente Convention qui n’apura pas été
réglé par voie de négociation ou au moyen des procédures exppressément
prévues par ladite Convention ».
8. Il est entendu que les «procédures expressément prévues » auxquelles
se réfère l’article 22 sont celles que décrit la partie II de la Convention, et

plus particulièrement ses articles 11 à 13. Il est constant que la géorgie
n’a pas tenté de mettre en œuvre ces procédures, en vue de rpégler son dif -
férend avec la Russie, avant de saisir la Cour le 12 août 2008.
9. Selon la Fédération de Russie, la Cour ne peut se déclarer comppé -
tente pour connaître d’un différend que si l’Etat qui la spaisit a préalable -

ment tenté — sans succès — de régler ledit différend en utilisant, au besoin,
les deux voies mentionnées à l’article 22, à savoir la « négociation »et les
«procédures expressément prévues » par la Convention. En l’espèce, la
seule circonstance que la géorgie n’a pas mis en œuvre les procédures
spéciales prévues par la partie II de la Convention avant de porter l’af -
faire devant la Cour suffirait, selon la Russie, à entraîner l’incomppétence

de la Cour. de toute façon, quand bien même il suffirait que l’Etat
requérant ait utilisé l’une des deux voies mentionnées à pl’article 22, la
conclusion serait la même, car la géorgie n’a pas non plus tenté, selon la
Russie, de régler son différend avec elle par voie de négociaption. Telle est
la substance de la deuxième exception préliminaire sur laquelle lap Cour
avait à statuer.

10. pour examiner complètement une telle argumentation, il convient,
en principe, de répondre aux quatre questions suivantes :1) L’article 22 de
la CIEdR établit-il des « préconditions »dont il appartient à la Cour de
vérifier la réalisation afin de pouvoir exercer sa compétence ? 2) En cas de
réponse affirmative à la question précédente, ces «préconditions »sont-elles
alternatives ou cumulatives ?3) Si elles sont alternatives, quel est le contenu

exact de la condition d’avoir tenté de «régler le différend par voie de négo -
ciation » ?4) Cette dernière condition est-elle remplie en l’espèce ?
11. La Cour répond par l’affirmative à la première question (aprrêt,
par. 141 et 147). Elle retient, en réponse à la troisième question, une concepp -
tion plutôt exigeante de la «négociation »(ibid., par. 157 à 162). Elle estime,

en réponse à la quatrième question, que la géorgie n’a pas satisfait à la
condition préalable d’avoir cherché à régler le difféprend par voie de négo -
ciation avec la Russie (ibid., par. 182). En conséquence, elle n’estime pas
devoir se prononcer sur la deuxième question, aucune des conditions procé -
durales de l’article 22 n’étant à ses yeux remplies (ibid., par. 183).
12. Notre opinion, sur les questions qui viennent d’être énoncéeps, est la

suivante.

78145 convention on racialp discrimination (joinpt diss. op.)

We find that the Court’s interpretation of Article 22 — that the provi-
sion establishes “preconditions” on which the Court’s exercise of jurisdic -
tion depends — is questionable and that the Court’s analysis on this point
ignores or gives short shrift to arguments which might have led to a difp -
ferent conclusion.
more importantly, however, we think that the preliminary objection

should have been rejected even on the basis of the general proposition
accepted by the Court in paragraph 141 of the Judgment, i.e., “the terms
of Article 22 . . . establish preconditions to be fulfilled before the seisin of
the Court”.
In fact, the two “conditions” — if we agree to call them such — in
Article 22 can only be alternative in nature, not cumulative.

The condition requiring an attempt to settle the dispute by negotiation p
must be understood and applied realistically and substantively, not in tphe
unrealistic and formalistic manner applied by the Judgment.
Further to this last point, we take the view that any reasonable possi -
bility of settling the dispute by negotiation had been exhausted by the

date on which the proceedings were instituted, so that the conditions onp
the Court’s exercise of its jurisdiction were satisfied in any event.p

13. These various points will now be elaborated.

I. does Article 22 of CERd Lay down procedural
“preconditions” to Be Saptisfied
prior to Seisin of the Copurt?

14. The terms “conditions” and “preconditions” are not unambiguopus.
They are used here for convenience, as the Court has done in the past inp

connection with compromissory clauses akin to Article 22 of CERd, or
with Article 22 itself, in affirming the existence or non-existence of any
such “conditions” (Armed Activities on the Territory of the Congo (New
Application: 2002) (Democratic Republic of the Congo v. Rwanda), Juris -
diction and Admissibility, Judgment, I.C.J. Reports 2006, p. 39, para. 87) ;
Application of the International Convention on the Elimination of All Fo▯rms

of Racial Discrimination (Georgia v. Russian Federation), Provisional
Measures, Order of 15 October 2008, I.C.J. Reports 2008, p. 388,
para. 114).
15. What is important is not deciding what terminology to use but
clearly defining the terms of the debate between the parties on the inter -

pretation of Article 22 in this regard.
The parties did not disagree on the fact that the Court, in order to
exercise jurisdiction, must at a minimum verify that the dispute submittped
to it “is not settled” by one means or the other. In fact, where ap dispute is
settled, there is no longer a dispute amenable to judicial settlement, aps the
diplomatic solution that by definition the parties in such a case have

accepted is controlling as between them. In this respect, there is indeepd a

79 convention sur la dispcrimination racialep (op. diss. comm.) 145

Nous pensons que l’interprétation que retient la Cour de l’article 22, à
savoir que cette disposition établit des «conditions » préalables auxquelles
est subordonné l’exercice par la Cour de sa compétence, est doupteuse, et
que l’analyse de la Cour sur ce point néglige ou sous-estime des argu -
ments qui auraient pu la conduire à une conclusion différente.
mais surtout, nous pensons que même sur la base du postulat génépral

que retient la Cour au paragraphe 141 de l’arrêt, à savoir que « les termes
de l’article 22 … établissent des conditions préalables auxquelles il doit
être satisfait avant toute saisine de la Cour », l’exception préliminaire
aurait dû être rejetée.
En effet, les deux «conditions »— si l’on accepte de les qualifier ainsi —
de l’article 22 ne peuvent avoir qu’un caractère alternatif, et non cumulatif.

La condition d’avoir tenté de régler le différend par la npégociation doit
être comprise et appliquée de manière réaliste et substantieplle, et non,
comme le fait l’arrêt, d’une façon irréaliste et formalispte.
En conséquence du point précédent, nous sommes d’avis que, àp la date
de l’introduction de l’instance, toute possibilité raisonnable pde règlement

du différend par la négociation avait été épuisée, de telle sorte que les
conditions de l’exercice par la Cour de sa compétence étaient, pen tout état
de cause, remplies.
13. Ces différents points vont être à présent développésp.

I. L’article 22 de la CIEdR énonce-t-il des « préconditions»
procédurales auxquelples il doit être satipsfait
avant la saisine de lap Cour?

14. Les termes «conditions »et « préconditions »ne sont pas dépourvus
d’une certaine ambiguïté. On les emploie ici pour des raisons dpe commo -

dité, comme l’a fait la Cour par le passé à propos de clauses compromis -
soires analogues à l’article 22 de la CIEdR, ou à propos de l’article 22
lui-même, lorsqu’elle a affirmé, ou au contraire dénié, l’pexistence de telles
«conditions »(Activités armées sur le territoire du Congo (nouvelle requête :
2002) (République démocratique du Congo c. Rwanda), compétence et rece -
vabilité, arrêt, C.I.J. Recueil 2006, p. 39, par. 87 ; Application de la conven-

tion internationale sur l’élimination de toutes les formes de disc▯ imination
raciale (Géorgie c. Fédération de Russie), mesures conservatoires, ordon -
nance du 15 octobre 2008, C.I.J. Recueil 2008, p. 388, par. 114).
15. L’important n’est pas le choix de telle ou telle terminologie, maips
de définir clairement les termes du débat qui a opposé les parties au sujet

de l’interprétation, sur ce point, de l’article 22.
Les parties n’ont pas été en désaccord sur le fait que la Cour, ppour
pouvoir exercer sa compétence, devait au minimum vérifier que le dpiffé -
rend qui lui a été soumis « n’a pas été réglé » par une voie ou l’autre. En
effet, si tel a été le cas, il n’existe plus de différend susceptible de règlement
judiciaire, le règlement diplomatique auquel, par hypothèse, les pparties

auraient souscrit s’imposant à elles. En ce sens, il y a bien une pcondition

79146 convention on racialp discrimination (joinpt diss. op.)

factual condition which the Court must assess in all cases and on the fupl-
filment of which its jurisdiction is dependent.
That is not the question which divided the parties and which the Court
was called upon to decide.
That question was the following: According to the Russian Federation,
the Court can adjudicate a case submitted to it under Article 22 only if

the applicant State establishes to the satisfaction of the Court not onlpy
that the dispute has not been settled, but also that the applicant has
endeavoured to settle it by direct negotiation or, if that fails, by recourse
to the special procedures in part II of the Convention, and that the efforts
were unsuccessful. According to georgia, conversely, it is necessary and
sufficient that the dispute is not settled. The applicant need show no p

more; specifically, it does not have to prove that it tried to settle the dips -
pute by non-judicial means.
16. The Court decides clearly and unequivocally in favour of Russia’s
position — leaving aside the question whether the two modes contem -
plated in Article 22 are alternative or cumulative, on which the Court

finds there to be no need for a decision.
Thus, according to the Judgment, an unsuccessful attempt to settle the
dispute by diplomatic means is a “precondition” for the jurisdiction of
the Court. The Judgment goes so far as to specify that this “precondip -
tion” must be fulfilled at the date the Court is seised, meaning thatp by this
date, and no later, all possibility of negotiated settlement must have bpeen

exhausted because “there has been a failure of negotiations, or . . . nego -
tiations have become futile or deadlocked” (Judgment, para. 159).
We think that the Court’s interpretation on the first point is question -
able and on the second is at variance with the Court’s most recent jupris -
prudence.
17. In reaching the conclusion that Article 22 lays down “precondi -

tions” for the jurisdiction of the Court, the Judgment relies on conspider -
ations under three headings.
First, it asserts that the ordinary meaning of the terms used, interpretped
in their context in accordance with the rules of interpretation codifiedp in
Article 31 (1) of the vienna Convention on the Law of Treaties, leads to
this conclusion (ibid., para. 141). Secondly, it maintains that this interpre -

tation is supported by the Court’s settled jurisprudence in cases in pwhich
the Court has had to apply clauses comparable to Article 22. Thirdly and
finally, it draws on the travaux préparatoires of the text to be interpreted,
analysing them in paragraphs 142 to 147.
18. In fact, the Court draws little of consequence from its examination

of the travaux préparatoires. It confines itself to noting, in conclusion to
this examination, that : “the travaux préparatoires do not suggest a differ -
ent conclusion from that at which the Court has already arrived through p
the main method of ordinary meaning interpretation” (ibid., para. 147).
In other words, it does not find confirmation in the travaux prépara -
toires of the interpretation it has already arrived at based on the “ordi -

nary meaning” of the terms of the clause ; on a more cautious note, it

80 convention sur la dispcrimination racialep (op. diss. comm.) 146

factuelle dont la Cour doit s’assurer, dans tous les cas, et à laqpuelle sa
compétence est subordonnée.
Là n’est pas la question sur laquelle les parties se sont opposées, et que
la Cour était appelée à trancher.
Cette question était la suivante. Selon la Fédération de Russiep, la Cour
ne peut connaître d’une affaire qui lui est soumise en vertu de l’article 22

que si l’Etat demandeur démontre, à la satisfaction de la Cour,p non seu -
lement que le différend n’a pas été réglé, mais qu’il s’est efforcé de le régler
soit par la négociation directe, soit, à défaut, par la mise enp œuvre des
procédures spéciales de la partie II de la Convention, et qu’il n’a pas pu y
parvenir. Selon la géorgie, au contraire, il faut et il suffit que le différend
n’ait pas été réglé ; le demandeur n’a rien de plus à démontrer, et en par -

ticulier il n’a pas à prouver qu’il a tenté de régler le pdifférend autrement
que par la voie judiciaire avant de s’adresser à la Cour.
16. La Cour prend parti, de façon claire et catégorique, en faveur de la
thèse défendue par la Russie — réserve faite de la question du caractère
alternatif ou cumulatif des deux voies envisagées à l’article 22, sur laquelle

elle estime ne pas devoir se prononcer.
Ainsi, selon l’arrêt, la tentative infructueuse de régler le dipfférend par
un moyen diplomatique constitue bien une « précondition » de la compé -
tence de la Cour. L’arrêt précise même que cette « précondition » doit être
remplie à la date de la saisine de la Cour, en ce sens qu’il faut pqu’à cette
date, et non à quelque date postérieure, toute possibilité de rpèglement

négocié ait été épuisée, car les négociations « ont échoué, sont devenues
inutiles ou ont abouti à une impasse » (arrêt, par. 159).
Nous pensons que, sur le premier point, l’interprétation retenue ppar la
Cour est douteuse et que, sur le second, elle s’écarte de sa jurispprudence la
plus récente.
17. pour conclure que l’article 22 pose des « préconditions » à la com -

pétence de la Cour, l’arrêt s’appuie sur trois séries de pconsidérations.
En premier lieu, il affirme que le sens ordinaire des termes employés,
interprétés dans leur contexte selon les règles d’interpréptation codifiées à
l’article 31, paragraphe 1, de la convention de vienne sur le droit des trai -
tés, conduit à une telle conclusion (ibid., par. 141). En deuxième lieu, il
soutient que la jurisprudence constante de la Cour, élaborée à pl’occasion

des affaires dans lesquelles la Cour était appelée à faire appplication de
clauses analogues à l’article 22, conforte une telle interprétation. En troi -
sième lieu et enfin, il se réfère aux travaux préparatoires pdu texte à inter -
préter, qu’il analyse aux paragraphes 142 à 147.
18. En réalité, la Cour ne tire guère de conséquences de son exapmen

des travaux préparatoires. Elle se borne à relever, en conclusion pde cet
examen, que « les travaux préparatoires … ne suggèrent … pas une
conclusion différente de celle à laquelle elle est parvenue par la méthode
principale de l’interprétation selon le sens ordinaire » (ibid., par. 147).
Autrement dit, elle ne trouve pas dans les travaux préparatoires une p
confirmation de l’interprétation à laquelle elle était dépjà parvenue sur la

base du « sens ordinaire » des termes de la clause ; plus prudemment, elle

80147 convention on racialp discrimination (joinpt diss. op.)

observes only that it finds nothing decisive that suggests a conflictipng
interpretation.
19. Thus, the analysis of the “ordinary meaning” of the terms and the p
examination of the prior case law are the sole bases of the reasoning
relied on by the Court to justify its interpretation. In these two regarpds
the Court’s reasoning strikes us as rather weak and raises serious qupes -

tions.
20. Indisputably, a treaty must first be interpreted “in accordance with p
the ordinary meaning to be given to [its] terms . . . in their context and
in the light of its object and purpose” (vienna Convention on the Law
of Treaties, Art. 31 (1)). Travaux préparatoires are merely a “supplemen -
tary means of interpretation”, to which resort may be had only if thep

“general rule of interpretation” laid down in Article 31 of the vienna
Convention leaves the meaning “ambiguous or obscure” or leads to ap
“manifestly absurd or unreasonable” result (Article 32 of that Conven -
tion). Thus, having determined that the “ordinary meaning” of the terms
leads to an unambiguous conclusion that is neither absurd nor unreason -

able, the Court observes (Judgment, para. 142) that it need not resort to
the travaux préparatoires. It only does so, as an extra measure, “in order
to confirm its reading” based on the ordinary meaning — a purpose
which it ultimately fails to achieve.
21. It is however striking that the “general rule of interpretation”, i.e.,
“the ordinary meaning to be given to the terms of the treaty in theirp con -

text and in the light of its object and purpose”, is applied in the Jpudgment
in a way that amounts to nothing more than applying the principle of
“effectiveness”. According to the Court : “By interpreting Article 22 of
CERd to mean, as georgia contends, that all that is needed is that, as a
matter of fact, the dispute had not been resolved . . ., [the passage to be
interpreted] would become devoid of any effect” (ibid., para. 133). It is

this justification, and it alone, which supports the Court’s conclusipon, and
the Court felt no need to pursue its analysis of the “ordinary meaninpg of
the terms” any further. The additional argument in paragraph 135 based
on the use of the future perfect (“différend . . . qui n’aura pas été réglé”)
in the French version of Article 22, whereas the present indicative (“dis -
pute . . . which is not settled”) is used in the English, is hardly a solid opne,

since the problem of interpretation remains the same whatever the tense p
employed.
22. We do not of course seek to deny the relevance, or underestimate
the importance, of the principle that the interpreter of a treaty must npor -
mally seek to give its terms a meaning which leads them to have practicapl

effect, instead of one which deprives them of any effect (the “principle
of effectiveness”). But this technique of interpretation is never as pall-
determinative as the Court would appear to treat it in the present case ; it
does not suffice by itself.

The fact is that “effectiveness” is merely one argument which mapy point

towards a particular interpretation, but it does not obviate the need top

81 convention sur la dispcrimination racialep (op. diss. comm.) 147

constate qu’elle n’y trouve pas non plus d’éléments dépcisifs qui pourraient
venir au soutien d’une interprétation contraire.
19. C’est donc exclusivement de l’analyse du « sens ordinaire » des
termes et de l’examen de la jurisprudence antérieure que sont tiréps les
arguments sur lesquels s’appuie la Cour pour justifier l’interpréptation
qu’elle retient. Or, sur ces deux aspects, son argumentation nous parpaît

être assez faible et soulever de sérieuses interrogations.
20. Il n’est pas douteux qu’un traité doit être interprétép d’abords« uivant
le sens ordinaire à attribuer [à ses] termes … dans leur contexte et à la
lumière de son objet et de son but » (convention de vienne sur le droit
des traités, art. 31, par. 1). Les travaux préparatoires ne constituent qu’un
«moyen complémentaire d’interprétation » auquel il ne doit être recouru que

si la «règle générale d’interprétation »énoncée à l’article 31 de la convention
de vienne laisse le sens du texte «ambigu ou obscur » , ou conduit à un résul-
tat « manifestement absurde ou déraisonnable » ( article 32 de la même
convention). Aussi bien la Cour, ayant conclu que le « sens ordinaire »des
termes la conduisait à une conclusion dépourvue d’ambiguïtép et qui n’est ni

absurde ni déraisonnable, précise-t-elle (arrêt, par. 142) qu’elle n’a nul
besoin de recourir à l’examen des travaux préparatoires. Elle ne le fapit, à titre
surabondant, que « pour confirmer son interprétation » fondée sur le
sens ordinaire — objectif que finalement elle échoue à atteindre.
21. Il est cependant frappant de constater que l’application en l’espèpce,
par l’arrêt, de la « règle générale d’interprétation », à savoir « le sens ordi-

naire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de
son objet et de son but », se résume en tout et pour tout à la mise en
œuvre de la technique de l’« effet utile ». Selon la Cour, « si l’on interpré -
tait l’article 22 de la Convention comme signifiant, ainsi que le soutient la
géorgie, qu’il suffit, en fait, que le différend n’ait pasp été résolu…, cela
reviendrait à priver d’effet » le passage que l’on cherche à interpréter

(ibid., par. 133). C’est ce motif, et lui seul, qui soutient la conclusion de
la Cour, et celle-ci n’a pas cru devoir pousser plus loin son analyse du
«sens ordinaire des termes ». L’argument supplémentaire tiré, au para -
graphe 135, de la version française de l’article 22, qui emploie le futur
antérieur (« différend … qui n’aura pas été réglé »), alors que la version
anglaise emploie l’indicatif présent (« dispute … which is not settled »),

n’est guère consistant, car quel que soit le temps employé la dpifficulté d’in -
terprétation demeure la même.
22. Nous n’entendons certes pas contester le caractère pertinent, ni
sous-estimer l’importance, du principe selon lequel l’interprète doipt cher -
cher, normalement, à attribuer aux termes d’un traité un sens qpui abou -

tisse à leur donner un effet concret, de préférence au sens dpont le résultat
serait de les priver de tout effet (principe dit de l’« effet utile »). mais une
telle technique d’interprétation ne peut jamais avoir le caractèpre péremp -
toire que paraît lui accorder la Cour dans la présente affaire, pelle ne sau -
rait se suffire à elle-même.
En réalité, l’« effet utile » n’est qu’un des arguments propres à orienter

dans le sens d’une certaine interprétation, mais il ne dispense paps de

81148 convention on racialp discrimination (joinpt diss. op.)

take into consideration other elements relevant to elucidating the mean -
ing of the text. We believe that in the case before us the Court should at
least have considered certain elements capable of counterbalancing the
argument drawn from the principle of effectiveness, which, such as it pis
described by the Court in the present Judgment, undeniably weighed in
favour of the interpretation propounded by the Respondent.

23. We are sorry to say that the Judgment refrains from even mention -
ing those elements, which are set out below.
First, the Court appears to attach no importance to the fact that its
interpretation does not accord with the literal meaning of the text whenp
the terms employed are given their most common meaning. By itself,
the language “any dispute which is not settled by” neither suggests nopr

requires that an attempt at settlement must necessarily have been made
before reference to the Court. In this connection, the Judgment appears p
to treat as synonymous the various forms of wording found in compro -
missory clauses making reference to negotiation, including, on the one
hand, those like Article 22 of CERd referring to a dispute “which is not

settled” or “which has not been settled” and, on the other handp, those
referring to a dispute “which cannot be settled by negotiation” (pfor exam -
ples of this second type, see the compromissory clauses applicable in thpe
cases concerning Mavrommatis Palestine Concessions, Judgment No. 2,
1924, P.C.I.J., Series A, No. 2, p. 11 ; South West Africa (Ethiopia v.
South Africa; Liberia v. South Africa), Preliminary Objections, Judgment,

I.C.J. Reports 1962, p. 335 ; and Questions of Interpretation and Applica -
tion of the 1971 Montreal Convention arising from the Aerial Incident
at Lockerbie (Libyan Arab Jamahiriya v. United States of America), Pre -
liminary Objections, Judgment, I.C.J. Reports 1998, p. 121, para. 17).

The Court notes these “variations” “in the language used” (pJudgment,

para. 136) but would appear to consider them unimportant because it
draws no inferences from them.
This question, however, warranted fuller consideration. In 1965, when
CERd was finalized and adopted, compromissory clauses in treaties in
force referring to “negotiation” contained two sorts of formulatiopns, i.e.,
to simplify a bit, clauses referring to a dispute “which cannot be septtled”

by negotiation and those referring simply to a dispute “which is not pset -
tled” by negotiation. It may therefore be asked whether the wording
adopted for Article 22 was not a deliberate, and therefore meaningful,
choice, as opposed to an arbitrary selection of one form of wording out p
of a number of forms deemed equivalent. It is beyond doubt in any case

that the CERd drafters chose, deliberately or not, the wording least
capable of being interpreted literally as laying down a “preconditionp”
requiring a prior attempt to negotiate a settlement.

24. The foregoing observation is buttressed by the status in interna -

tional law of negotiations held prior to the initiation of judicial proceed -

82 convention sur la dispcrimination racialep (op. diss. comm.) 148

prendre en considération les autres éléments pertinents aux finps de l’éluci-
dation du sens du texte. En l’espèce, il nous semble que la Cour apurait dû
au moins examiner certains éléments qui auraient été de nature à contre -
balancer l’argument résultant du principe de l’effet utile, lequel, tel que
décrit par la Cour dans le présent arrêt, allait assurément dans le sens de

l’interprétation soutenue par la défenderesse.
23. Ces éléments, dont nous regrettons que l’arrêt s’abstiennpe même de
les mentionner, sont les suivants.
d’abord, la Cour ne paraît attacher aucune importance au fait que lp’in -
terprétation qu’elle retient ne correspond pas au sens littéralp du texte,

selon le sens le plus ordinaire des termes employés. La formule « tout dif -
férend qui n’aura pas été réglé par », considérée en elle-même, ne suggère
ni n’implique qu’un règlement doit nécessairement avoir épté recherché
avant la saisine de la Cour. A cet égard, l’arrêt paraît tenpir pour syno -
nymes les diverses formulations que l’on peut trouver dans les clauseps

compromissoires qui font référence à des négociations, et notamment,
d’une part, celles qui, comme l’article 22 de la CIEdR, se réfèrent à un
différend «qui n’aura pas (ou qui n’a pas) été réglé » et, d’autre part, celles
qui se réfèrent à un différend « qui ne peut pas (ou qui n’a pas pu) être
réglé » ou encore « qui n’est pas susceptible d’être réglé » (voir, pour des
exemples de cette seconde hypothèse, les clauses compromissoires applpi -

cobles dans les affaires des Concossions Mavrommatis en Palestine, arrêt
n 2, 1924, C.P.J.I. série A n 2, p. 11, du Sud-Ouest africain (Ethiopie
c. Afrique du Sud ; Libéria c. Afrique du Sud), exceptions préliminaires,
arrêt, C.I.J. Recueil 1962, p. 335, et des Questions d’interprétation et d’ap -
plication de la convention de Montréal de 1971 résultant de l’i▯ncident aérien

de Lockerbie (Jamahiriya arabe libyenne c. Etats-Unis d’Amérique), excep-
tions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1998, p. 121, par. 17).
La Cour relève ces «variations dans les termes utilisés » (arrêt, par. 136)
mais paraît les tenir pour dépourvues de signification, puisqu’elle n’en tire
aucune conséquence.

pourtant, la question aurait mérité un examen plus approfondi. dès lors
que, au moment de l’élaboration et de l’adoption de la CIEdR, soit en 1965,
il existait, dans les clauses compromissoires des traités en vigueur pse référant
à des « négociations », deux types de formulations, à savoir, en simplifiant
quelque peu, celles qui mentionnaient les différends « ne pouvant pas être

réglés »(ou «n’étant pas susceptibles d’être réglés)»par la négociation, d’une
part, et celles qui mentionnaient simplement les différends «n’ayant pas été
réglés »par la négociation, d’autre part, on peut se demander si la formula -
tion retenue pour l’article 22 n’a pas été un choix délibéré, et donc signific-a
tif, plutôt que le choix aléatoire d’une formule parmi d’autpres considérées
comme équivalentes. Force est de constater en tout cas que les rédpacteurs de

la CIEdR ont choisi, de propos délibéré ou non, la formule la moins sups -
ceptible d’être interprétée littéralement comme posant unpe « précondition »
consistant dans la recherche préalable d’un règlement négocipé.
24. L’observation qui précède est renforcée par le statut des népgocia -
tions préalables à l’introduction d’une instance judiciaire pen droit interna -

82149 convention on racialp discrimination (joinpt diss. op.)

ings. In paragraph 131 the Court quotes the 1924 Judgment by the pCIJ
in the case concerning Mavrommatis Palestine Concessions, stating “that
before a dispute can be made the subject of an action at law, its subjecpt-
matter should have been clearly defined by means of diplomatic
negotiations” (Judgment No. 2, 1924, P.C.I.J., Series A, No. 2, p. 15). It
omits to quote the dictum, in our view much more important, in the

Judgment handed down by this Court in 1998 in the case concerning
Land and Maritime Boundary between Cameroon and Nigeria (Camer -
oon v. Nigeria) : “Neither in the Charter nor otherwise in international
law is any general rule to be found to the effect that the exhaustion pof
diplomatic negotiations constitutes a precondition for a matter to be
referred to the Court.” (Preliminary Objections, Judgment, I.C.J. Reports

1998, p. 303, para. 56.)
It is clear that while diplomatic negotiations concerning a dispute may
be helpful before judicial proceedings are brought, particularly in clarpify -
ing the terms of the dispute and delimiting its subject-matter, they as a
general rule are not a mandatory precondition to be satisfied in order fpor

the Court to be able to exercise jurisdiction. There is such a requiremepnt
only if, and to the extent that, it is embodied in the clause or declaraption
on which the jurisdiction of the Court is founded. Thus, as noted in thep
above-cited Judgment in the case concerning Land and Maritime Bound -
ary between Cameroon and Nigeria (Cameroon v. Nigeria) :

“A precondition of this type may be embodied and is often included
in compromissory clauses of treaties. It may also be included in a
special agreement whose signatories then reserve the right to seise the p

Court only after a certain lapse of time . . . Finally, States remain free
to insert into their optional declaration accepting the compulsory
jurisdiction of the Court a reservation excluding from the latter those
disputes for which the parties involved have agreed or subsequently
agree to resort to an alternative method of peaceful settlement.”

(Ibid.)
25. The general rule set out above is unquestionably one of long stand -
ing; the Court has never conditioned its jurisdiction on the existence of

prior negotiations between the parties, except on the basis of an expresps
provision to that effect.
26. Accordingly, when the drafters of a compromissory clause wish to
include such a precondition, they are aware that in doing so they will
depart from the general rule, which includes no such condition. This

affords yet another reason for them to make their intention unambigu -
ously clear. In such a case, this should at least lead them to prefer thpe
wording referring to a dispute “which cannot be settled” to that rpeferring
to a dispute “which is not settled” by negotiation. yet a great number of
treaties, including some that had already been adopted as of the date
when CERd was signed, spell out the condition even more clearly, thus

avoiding any possible ambiguity. For example, the Single Convention on

83 convention sur la dispcrimination racialep (op. diss. comm.) 149

tional. La Cour cite, au paragraphe 131, l’arrêt rendu en 1924 par la CpJI
dans l’affaire des Concessions Mavrommatis en Palestine, aux termes
duquel, « avant qu’un différend fasse l’objet d’un recours en justice, il
importe que son objet ait été nettement défini au moyen de pourparlers
diplomatiques » (arrêt n 2, 1924, C.P.J.I. série A n 2, p. 15). Elle omet de

citer le dictum, beaucoup plus significatif à nos yeux, de l’arrêt rendu par
la présente Cour en 1998 en l’affaire de la Frontière terrestre et maritime
entre le Cameroun et le Nigéria (Cameroun c. Nigéria), selon lequel « [i]l
n’existe ni dans la Charte, ni ailleurs en droit international, de rèpgle géné -
rale selon laquelle l’épuisement des négociations diplomatiquesp serait

un préalable à la saisine de la Cour » (exceptions préliminaires, arrêt,
C.I.J. Recueil 1998, p. 303, par. 56).

Il est clairement admis que, si des négociations diplomatiques portanpt
sur le différend peuvent être utiles avant l’introduction d’pune instance

judiciaire, notamment pour clarifier les termes du différend et en délimiter
l’objet, elles ne constituent pas, en règle générale, une copndition préalable
obligatoire devant être remplie pour que la Cour puisse exercer sa copmpé -
tence. Une telle exigence n’est applicable que si et dans la mesure opù elle
est prévue dans la clause ou dans la déclaration qui constitue le fonde -
ment de la compétence de la Cour. C’est ainsi que, comme le relèpve l’arrêt

précité rendu en l’affaire de la Frontière terrestre et maritime entre le
Cameroun et le Nigéria (Cameroun c. Nigéria) :

«Un préalable de ce type peut être incorporé et est souvent insépré
dans les clauses compromissoires figurant dans les traités. Il peut
également figurer dans un compromis, les signataires se réservant p
alors de ne saisir la Cour qu’une fois écoulé un certain délpai… Enfin,
les Etats demeurent libres d’insérer dans leur déclaration facupltative

d’acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour une réservep
excluant de la compétence de cette dernière les différends aup sujet
desquels les parties en cause seraient convenues ou conviendraient
d’avoir recours à un autre mode de règlement pacifique. » (Ibid.)

25. Il n’est pas douteux que la règle générale qui précèdep est admise de
longue date, jamais la Cour n’ayant subordonné sa compétence àp des
négociations préalables entre les parties sauf sur la base d’unpe disposition

expresse.
26. En conséquence, lorsque les rédacteurs d’une clause compromis -
soire souhaitent y inclure une condition préalable de ce genre, ils
n’ignorent pas que, ce faisant, ils entendent déroger à la règle générale qui
ne comporte pas une telle condition. Raison de plus pour manifester sansp
équivoque leur intention à cet égard. dans l’hypothèse considérée, cela

devrait au moins les conduire à préférer à la formule visantp un différend
«qui n’a pas été réglé » celle visant un différend « qui n’a pas pu être
réglé » par la négociation. mais nombre de traités, dont certains avaient
déjà été adoptés à la date de la signature de la CIEdR, énoncent la condi -
tion en cause encore plus clairement, de manière à écarter toutpe ambi -

83150 convention on racialp discrimination (joinpt diss. op.)

Narcotic drugs, signed at New york on 30 march 1961, provides : “If
there should arise between two or more parties a dispute . . ., the said
parties shall consult together with a view to the settlement of the dispute
by negotiation, investigation, mediation . . . or other peaceful means of
their own choice.” (Art. 48, para. 1.) Only after these mandatory consul -
tations may the dispute be referred to the Court for decision pursuant tpo

Article 48, paragraph 2, of that Convention.
Formulations like these were available to the drafters of Article 22 and
moreover were considered at a certain stage (draft International Conven -
tion on the Elimination of All Forms of Racial discrimination, Final
Clauses, Working paper prepared by the Secretary-general, doc. E/CN.4/
L.679, 17 February 1964). There is no denying that the Convention’s

drafters did not employ them, and this casts doubt on the correctness
of the Court’s interpretation, notwithstanding the undeniable relevanpce
of the “effectiveness” argument.

27. We are just as unsatisfied with the description of the Court’s prior p

jurisprudence found in paragraphs 136 to 140 of the Judgment. Accord -
ing to the Judgment, the jurisprudence is clear and consistent.
After quoting from two precedents (the case concerning Armed Activi -
ties on the Territory of the Congo (New Application : 2002) (Democratic
Republic of the Congo v. Rwanda), Jurisdiction and Admissibility, Judg -
ment, I.C.J. Reports 2006, pp. 40-41, para. 91 and p. 43, para. 100 ; and

the Advisory Opinion on the Applicability of the Obligation to Arbitrate
under Section 21 of the United Nations Headquarters Agreement of
26 June 1947, I.C.J. Reports 1988, p. 27, para. 34) in which it was called
upon to interpret clauses more or less like Article 22 of CERd, the Court
concludes: “in each of the above-mentioned cases where the compromis -
sory clause was comparable to that included in CERd, the Court has

interpreted the reference to negotiations as constituting a preconditionp to
seisin” (Judgment, para. 140). given that no other precedent is cited, the
reader is led to believe that the Court has consistently interpreted sucph
compromissory clauses in the same way whenever it has faced the issue
that arises in the present case.

The real picture is much less uniform.
28. It is true that the Court has consistently interpreted compromis -
sory clauses providing for the submission to the Court of disputes whichp
“cannot be settled” (in French : “qui ne peuvent pas être réglés” or “qui
ne sont pas susceptibles d’être réglés”) by negotiation pas meaning that the

Court cannot exercise jurisdiction unless an attempt at negotiation has p
been made and has led to deadlock, that is to say that there is no reasopn -
able hope — or no longer any — for a settlement of the dispute by diplo -
matic means. This line of case law dates back to the Judgment in the
Mavrommatis Palestine Concessions case (cited in paragraph 23, above, of
the present opinion).

29. On the other hand, in respect of clauses worded like Article 22 of

84 convention sur la dispcrimination racialep (op. diss. comm.) 150

guïté. par exemple, la convention unique sur les stupéfiants, signée à p
New york le 30 mars 1961, dispose que, « [s]’il s’élève entre deux ou plu -
sieurs parties un différend … lesdites parties se consulteront en vue de
régler ce différend par voie de négociation, d’enquête,p de médiation … ou
par d’autres moyens pacifiques de leur choix » (art. 48, par. 1). En vertu
du paragraphe 2 de l’article 48 de la convention, c’est seulement après les

consultations obligatoires que le différend peut être soumis àp la Cour.
des formules de ce genre étaient à la disposition des rédacteurs de l’ar -
ticle 22, et elles ont d’ailleurs été examinées à un certain stadpe (projet de
convention internationale sur l’élimination de toutes les formes dpe discri -
mination raciale, clauses finales, document de travail préparé parp le Secr-é
taire général, Nations Unies, doc. E/CN.4/L.679, 17 février 1964). Force

est de constater que les rédacteurs de la Convention n’y ont pas epu re -
cours, ce qui laisse planer un doute sur le bien-fondé de l’interprétation
retenue par la Cour, nonobstant l’indéniable pertinence de l’arpgument de
l’«effet utile ».
27. La présentation de la jurisprudence antérieure de la Cour à laqpuelle

se livre l’arrêt dans ses paragraphes 136 à 140 nous laisse tout aussi insa -
tisfaits. A en croire l’arrêt, cette jurisprudence serait claire ept constante.
Après avoir cité deux précédents (celui des Activités armées sur le terri -
toire du Congo (nouvelle requête : 2002) (République démocratique du
Congo c. Rwanda), compétence et recevabilité, arrêt, C.I.J. Recueil 2006,
p. 40-41, par. 91, et p. 43, par. 100, et celui de l’avis consultatif sur l’Ap -

plicabilité de l’obligation d’arbitrage en vertu de la section 21 de l’accord du
26 juin 1947 relatif au siège de l’Organisation des Nations Unies, C.I.J. ▯
Recueil 1988, p. 27, par. 34), dans lesquels elle avait eu à interpréter des
clauses plus ou moins similaires à l’article 22 de la CIEdR, la Cour
conclut que, «dans chacune des affaires susmentionnées où la clause com -
promissoire invoquée était comparable à celle que contient la CpIEdR,

elle a toujours interprété la référence aux négociations pcomme posant une
condition préalable à sa saisine » (arrêt, par. 140). Etant donné qu’aucun
autre précédent n’est cité, le lecteur est conduit à pensper que, toutes les
fois que la Cour a été confrontée à la même question que pdans la présente
affaire, elle a constamment interprété les clauses compromissoirpes en
cause de la même manière.

La réalité offre un tableau beaucoup plus contrasté.
28. Il est vrai que la Cour a constamment interprété les clauses com -
promissoires permettant de soumettre à la Cour les différends qupi « ne
peuvent pas être réglés » — ou qui « ne sont pas susceptibles d’être
réglés »— par la négociation en ce sens que la Cour ne pouvait exercer sa

compétence que si une négociation a été recherchée et qu’pelle a abouti à
une impasse, c’est-à-dire qu’il n’est pas — ou qu’il n’est plus — raisonna -
blement possible d’espérer un règlement du différend par lpa voie diplo-
matique. Cette jurisprudence remonte à l’arrêt rendu en l’affpaire des
Concessions Mavrommatis en Palestine (citée plus haut dans la présente
opinion au paragraphe 23).

29. En revanche, en présence de clauses libellées comme l’article 22 de

84151 convention on racialp discrimination (joinpt diss. op.)

CERd, applying to disputes “which are not settled” by negotiation, thep
jurisprudence of the Court would appear to fluctuate much more than thpe
present Judgment suggests.
30. In addition to the two cases cited in paragraphs 137 to 139, relied
on to support the Court’s position in the present case, the relevant p
precedents include the Oil Platforms (Islamic Republic of Iran v. United

States of America) case, in which the compromissory clause reads as
follows:

“Any dispute . . . not satisfactorily adjusted [in French : “Tout dif -
férend . . . qui ne pourrait pas être réglé d’une manière satisfaisapnte”]
by diplomacy, shall be submitted to the International Court of Jus -
tice, unless the High Contracting parties agree to settlement by some
other pacific means.” (Preliminary Objection, Judgment, I.C.J. Reports
1996 (II), p. 809, para. 15.)

The Court applied this clause first in its Judgment on the preliminary

objection raised by the United States, in ascertaining that it had jurispdic -
tion to entertain Iran’s Application, and then in its Judgment on thep
merits, in responding to an objection by Iran to a counter-claim of the
United States.
In the first of these two Judgments the Court confines itself to observipn :g

“It is not contested that several of the conditions laid down by this
text have been met in the present case : a dispute has arisen between
Iran and the United States ; it has not been possible to adjust that

dispute by diplomacy and the two States have not agreed ‘to settle -
ment by some other pacific means’.” (Ibid., pp. 809-810, para. 16.)

The Court does speak in this passage of a “condition” in respect opf the
absence of diplomatic settlement, but it is impossible to tell exactly wphat
that “condition” consists of — no doubt because the parties did not argue
the question.
The Judgment on the merits is much clearer on this point. In response

to the objection raised by Iran to the United States counter-claim and
based specifically on the assertion that the Court “cannot entertain p
the . . . claim of the United States because it was presented without any
prior negotiation”, the Judgment states :

“It is established that a dispute has arisen between Iran and the
United States over the issues raised in the counter-claim. The Court
has to take note that the dispute has not been satisfactorily adjusted
by diplomacy. Whether the fact that diplomatic negotiations have not

been pursued is to be regarded as attributable to the conduct of the
one party or the other is irrelevant for present purposes, as is the
question whether it is the Applicant or the Respondent that has
asserted a fin de non-recevoir on this ground. As in previous cases
involving virtually identical treaty provisions [the United States

Diplomatic and Consular Staff in Tehran andMilitary and Paramilitary

85 convention sur la dispcrimination racialep (op. diss. comm.) 151

la CIEdR, visant les différends « qui n’ont pas été réglés » par la négocia-
tion, la jurisprudence de la Cour semble avoir été beaucoup plus flpuc -
tuante que le présent arrêt ne le donne à penser.
30. Il y a lieu de mentionner parmi les précédents pertinents, outre lpes
deux affaires citées aux paragraphes 137 à 139, qui viennent au soutien
de la position de la Cour dans la présente affaire, le précédentp de l’affaire

des Plates-formes pétrolières (République islamique d’Iran c. Etats-Unis
d’Amérique). dans celle-ci, la clause compromissoire était ainsi rédigée :

«Tout différend … qui ne pourrait pas être réglé d’une manière
satisfaisante [en anglais: «any dispute … not satisfactorily adjusted»]
par la voie diplomatique sera porté devant la Cour internationale de p
Justice, à moins que les Hautes parties contractantes ne conviennent
de le régler par d’autres moyens pacifiques. » (Exception préliminaire,
arrêt, C.I.J. Recueil 1996 (II), p. 809, par. 15.)

La Cour a fait application de cette clause, d’abord, dans son arrêpt sur

l’exception préliminaire soulevée par les Etats-Unis, afin de vérifier sa
compétence pour connaître de la requête de l’Iran, puis, danps son arrêt au
fond, pour répondre à une objection opposée par l’Iran à pune demande
reconventionnelle des Etats-Unis.
dans le premier de ces arrêts, elle se borne à relever que

«Il n’est pas contesté que plusieurs des conditions fixées par cpe
texte sont en l’espèce remplies : un différend s’est élevé entre l’Iran et
les Etats-Unis ;ce différend n’a pu être réglé par la voie diplomatiquep

et les deux Etats ne sont pas convenus « de le régler par d’autres
moyens pacifiques ». » (Ibid., p. 809-810, par. 16.)

dans ce passage, la Cour parle de « condition » à propos de l’absence
de règlement diplomatique ; mais il n’est guère possible de comprendre —
faute, sans doute, que la question ait été débattue entre les pparties — en
quoi consiste exactement cette « condition ».
L’arrêt au fond est, sur ce point, beaucoup plus clair. Répondapnt à

l’exception opposée par l’Iran à la demande reconventionnelle des
Etats-Unis, et tirée précisément de ce que la Cour « ne [pouvait] connaître
de [cette] demande … parce que celle-ci a été présentée sans avoir été pré -
cédée de négociations », l’arrêt répond dans les termes suivants :

«Il est établi qu’un différend est né entre l’Iran et leps Etats-Unis
sur les questions soulevées dans la demande reconventionnelle. La
Cour doit prendre acte que le différend n’a pas été régplé d’une
manière satisfaisante par la voie diplomatique. peu importe aux fins

de la présente question que l’absence de négociations diplomatipques
soit attribuable au comportement de l’une ou de l’autre partie, ou
que ce soit le demandeur ou le défendeur qui a pour ce motif opposép
une fin de non-recevoir. Comme dans de précédentes affaires qui
mettaient en cause des dispositions conventionnelles pratiquement

identiques [suit une référence à l’affaire du Personnel diplomatique et

85152 convention on racialp discrimination (joinpt diss. op.)

Activities in and against Nicaragua cases are cited here], it is sufficient
for the Court to satisfy itself that the dispute was not satisfactorily p
adjusted by diplomacy before being submitted to the Court.” (Oil
Platforms (Islamic Republic of Iran v. United States of America),
Judgment, I.C.J. Reports 2003, pp. 210-211, para. 107.)

Surprisingly, this clear and fairly recent precedent is not even men -
tioned in the Judgment. Admittedly, that decision looks to two precedentps
which, on careful inspection, are not entirely consistent with the position
the Court took in 2003. To our mind, all this shows one thing : contrary
to the impression given by the Judgment in the present case, the Court’s
prior jurisprudence on compromissory clauses akin to Article 22 of

CERd was not consistent, but was fluid and uncertain.

31. Finally, we find that the Court gives short shrift to the precedent in
the form of the Order of 15 October 2008 on the request for provisional
measures submitted in the present case. The Court cites that Order in

paragraph 129 of the Judgment. It quotes its own statement in the Order
that “the phrase ‘any dispute . . . which is not settled by negotiation . . .’
does not, in its plain meaning, suggest that formal negotiations in the p
framework of the Convention . . . constitute preconditions to be fulfilled
before the seisin of the Court”, even though it did at the time add, p“Arti-
cle 22 does suggest that some attempt should have been made by the

Claimant party to initiate, with the Respondent party, discussions on
issues that would fall under [the Convention]” (Application of the Interna -
tional Convention on the Elimination of All Forms of Racial Discriminati▯on
(Georgia v. Russian Federation), Provisional Measures, Order of 15 Octo-
ber 2008, I.C.J. Reports 2008, p. 388, para. 114). The Court then limits

itself to observing that the conclusion above was strictly provisional, pthat
it was solely for the purpose of determining whether the Court had prima
facie jurisdiction over the case and that the Court is not bound by it ipn
ruling definitively on the issue of jurisdiction after having consideredp all
arguments of the parties. This is how the Court justifies its change of
position on the matter.

32. We take no issue with the validity of the Court’s analysis in para -
graph 129, where it merely points to a consistent jurisprudence : an order
ruling on a request for provisional measures has no force as res judicata ;

it cannot prejudge any question to be decided by the Court in the subse -
quent proceedings, including the question of its jurisdiction to adjudicpate
the case on the merits.

33. But it is one thing to deny the Order any binding force on the issue
of jurisdiction and yet another to disregard it completely as a germane p

precedent, that is to say one apt to shed light on how the Court has

86 convention sur la dispcrimination racialep (op. diss. comm.) 152

consulaire des Etats-Unis à Téhéran et à celle des Activités militaires
et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci], il suffit à la Cour
de constater que le différend n’a pas été réglé d’une manière satis-
faisante par la voie diplomatique avant de lui être soumis. »
(Plates-formes pétrolières (République islamique d’Iran c. Etats-Unis
d’Amérique), arrêt, C.I.J. Recueil 2003, p. 210-211, par. 107.)

Il est surprenant que ce précédent, qui est clair et qui n’est ppas si ancien,
ne soit pas même mentionné dans l’arrêt. Il est vrai qu’ipl se réfère lui-même
à deux précédents qui ne paraissent pas, à bien les considéprer, venir au
soutien de la position adoptée par la Cour en 2003. Tout cela démontre à
notre avis une chose : contrairement à ce que laisse entendre l’arrêt rendu
en la présente affaire, la jurisprudence antérieure de la Cour, pà propos de

clauses compromissoires analogues à l’article 22 de la CIEdR, n’était pas
constante, mais flottante et incertaine.
31. Enfin, il nous semble que la Cour traite avec une certaine légèretpé
le précédent que constitue l’ordonnance rendue le 15 octobre 2008 sur la
demande de mesures conservatoires qui lui a été soumise dans la présente

affaire. La Cour cite cette ordonnance au paragraphe 129 de l’arrêt. Elle
rappelle que, dans ladite ordonnance, elle a elle-même affirmé que « la
formule «[t]out différend … qui n’aura pas été réglé par voie de négocia -
tion… », prise dans son sens naturel, ne donne pas à penser que la tenue de
négociations formelles au titre de la Convention … constitu[e une] condi -
tio[n] préalabl[e] [à laquelle] il doit être satisfait avant topute saisine de la

Cour », même si elle a ajouté que « l’article 22 donne … à penser que la
partie demanderesse doit avoir tenté d’engager, avec la partie défende -
resse, des discussions sur des questions pouvant relever de la [Conven -
tion] »(Application de la convention internationale sur l’élimination de to▯ utes
les formes de discrimination raciale (Géorgie c. Fédération de▯ Russie),

mesures conservatoires, ordonnance du 15 octobre 2008, C.I.J. Recueil 2008,
p. 388, par. 114). La Cour se borne ensuite à relever que la conclusion qui
précède était purement provisoire, qu’elle visait seulement pà déterminer si
la Cour avait prima facie compétence pour connaître de l’affaire, et qu’elle
ne s’impose pas à la Cour au moment où celle-ci est appelée à statuer défi-
nitivement sur sa compétence après avoir examiné la totalité des argu -

ments des parties. Ainsi croit-elle pouvoir justifier son changement de
position sur la question considérée.
32. Nous ne contestons aucunement le bien-fondé de l’analyse faite par
la Cour au paragraphe 129, et qui ne fait que rappeler une jurisprudence
constante : l’ordonnance statuant sur une demande de mesures conserva -

toires est dépourvue de l’autorité de la chose jugée, elle npe saurait préju -
ger aucune question que la Cour serait appelée à trancher dans la psuite de
la procédure, y compris celle de sa compétence pour connaître dpu fond de
l’affaire.
33. mais une chose est de dénier à l’ordonnance tout caractère copntrai -
gnant sur la question de la compétence, autre chose est de la néglpiger

en tant que précédent jurisprudentiel pertinent, c’est-à-dire de nature à

86153 convention on racialp discrimination (joinpt diss. op.)

previously treated clauses identical or comparable to Article 22. The very
least that can be said is that the 2008 Order undeniably shows that the
prior case law was not as clearly settled — in favour of the existence of a
“precondition” — as the present Judgment would suggest. Had it been,
the Court in 2008 would not have been able to assert, even prima facie, p
that Article 22 “in its plain meaning” did not appear to make prior

negotiations a condition to the seisin of the Court (which it now says pis
the case).

34. Thus, there is no unassailable argument supporting the interpreta -
tion of Article 22 of CERd upheld by the Court in the present Judg -

ment — namely, that the clause establishes “preconditions”, the fulfiplment
of which has to be determined by the Court, including whether there has p
been a failed attempt at a negotiated settlement. Neither textual analyspis
of the language, which is ambiguous, nor the prior jurisprudence, which p
appears to have fluctuated, nor an examination of the travaux prépara -

toires, which are inconclusive, necessarily leads to the position the Court
has decided to adopt in this case — at variance with the position it took
on a prima facie basis three years ago in the same case.
35. What is more, the Court adopts a particularly exacting position in
requiring that the preconditions in question must be fulfilled “before the
seisin of the Court” (Judgment, para. 141).

In our view, this position is out of step with the most recent jurispru -
dence of the Court in respect of the conditions for jurisdiction or admips -
sibility. While it is true that in principle the Court, in determining wphether
the conditions governing its jurisdiction or the admissibility of an applica-
tion are met, looks to the date on which it was seised, it has progressipvely

relaxed this principle since the Judgment in the Mavrommatis Palestine
Concessions case (cited in paragraph 23 of the present opinion) to address
the situation in which a condition not met when the proceedings were
begun comes to be fulfilled between then and the date on which the Courtp
decides on its jurisdiction (or on the admissibility of the applicationp). In

such a case it would be pointlessly formalistic to refuse to take accounpt of
the fulfilment of the initially unmet condition after the filing of the pappli-
cation.

As the Court wrote in terms that could not be any clearer in its most

recent Judgment concerning a situation of this kind :
“What matters is that, at the latest by the date when the Court

decides on its jurisdiction, the applicant must be entitled, if it so wishes,
to bring fresh proceedings in which the initially unmet condition would
be fulfilled. In such a situation, it is not in the interests of the soupnd
administration of justice to compel the applicant to begin the proceed -
ings anew — or to initiate fresh proceedings — and it is preferable,

except in special circumstances, to conclude that the condition has,

87 convention sur la dispcrimination racialep (op. diss. comm.) 153

éclairer la manière dont la Cour a traité jusqu’à préspent les clauses com -
promissoires identiques ou analogues à l’article 22. A tout le moins,
l’ordonnance de 2008 démontre indiscutablement que la jurisprudence
antérieure n’était pas fixée aussi clairement, dans le sens de l’existence
d’une « précondition », que le laisse entendre le présent arrêt. Si tel avait
été le cas, la Cour n’aurait pas pu en 2008 affirmer, même pprima facie, que

l’article 22 pris « dans son sens naturel » ne paraissait pas faire des négo -
ciations préalables une condition de la saisine de la Cour (ce qu’pelle
affirme à présent).
34. L’interprétation retenue par la Cour, dans le présent arrêt,p de l’ar-
ticle 22 de la CIEdR, à savoir que cette clause établit des « conditions

préalables » dont la Cour doit vérifier la réalisation, parmi lesquelles la
tentative infructueuse d’un règlement négocié, ne repose donpc sur aucun
argument incontestable. Ni l’analyse littérale du texte, qui est ambigu, ni
la prise en compte de la jurisprudence antérieure, qui paraît avoipr fluctué,
ni l’examen des travaux préparatoires, qui ne sont pas conclusifs,p ne

conduisaient nécessairement à la position que la Cour a décidép d’adopter
en l’espèce — en allant, ce faisant, à l’encontre de celle qu’elle avait adop-
tée prima facie il y a trois ans dans la même affaire.
35. Au surplus, la Cour adopte une position particulièrement rigou -
reuse en précisant que les conditions préalables dont il s’agitp doivent être
remplies «avant toute saisine de la Cour » (arrêt, par. 141).

Ce point de vue ne nous paraît pas en phase avec la jurisprudence la p
plus récente concernant la vérification par la Cour des conditionsp de com -
pétence ou de recevabilité. Il est vrai qu’en principe la Cour se place à la
date de sa saisine pour apprécier la réalisation des conditions qui com -
mandent sa compétence ou la recevabilité de la requête. mais la Cour a

progressivement assoupli la rigueur de ce principe, depuis l’arrêtp rendu
dans l’affaire des Concessions Mavrommatis en Palestine (citée plus haut
dans la présente opinion au paragraphe 23), pour tenir compte de l’hypo -
thèse dans laquelle une condition qui n’aurait pas été remplpie à la date de
l’introduction de l’instance aurait été satisfaite postérpieurement à celle-ci

mais antérieurement à la date à laquelle la Cour se prononce supr sa com-
pétence (ou sur la recevabilité de la requête). En pareil casp, ce serait faire
preuve d’un formalisme inutile que de refuser de tenir compte de la rpéali-
sation, postérieure à l’introduction de la requête, de la copndition qui fai -
sait initialement défaut.
Comme l’a écrit on ne peut plus clairement la Cour dans son arrêpt le

plus récent rendu à propos d’une situation de ce genre :
«Ce qui importe, c’est que, au plus tard à la date à laquelle lap Cour

statue sur sa compétence, le demandeur soit en droit, s’il le souhpaite,
d’introduire une nouvelle instance dans le cadre de laquelle la condi -
tion qui faisait initialement défaut serait remplie. En pareil cas, cela ne
servirait pas l’intérêt d’une bonne administration de la jusptice d’obliger
le demandeur à recommencer la procédure — ou à en commencer une

nouvelle — et il est préférable, sauf circonstances spéciales, de conpsta -

87154 convention on racialp discrimination (joinpt diss. op.)

from that point on, been fulfilled.” (Application of the Convention on
the Prevention and Punishment of the Crime of Genocide (Croatia v.
Serbia), Preliminary Objections, Judgment, I.C.J. Reports 2008, p. 441,
para. 85.)

36. None of this is reflected in the present Judgment. Requiring fulfil -
ment of the condition “before the seisin of the Court” means, for pexam -
ple, that in a case where negotiations were begun before the applicationp
was filed but came to an end only after that date, by virtue of the acknpowl -
edged impossibility of reaching agreement, the Court should decline jurip- s
diction and thereby require the applicant to bring fresh proceedings. Inp

looking in the present case for any attempt by georgia to negotiate, the
Court thus confines itself to the period from 9 August 2008, when the
Court believes the dispute came into existence, to 12 August 2008, when
the Application was filed :

“the Court is . . . assessing whether georgia genuinely attempted to
engage in negotiations with the Russian Federation, with a view to
resolving their dispute . . . [and, if so,] the Court [will] ascertain
whether the negotiations failed, became futile, or reached a deadlock

before Georgia submitted its claim to the Court” (Judgment, para. 162;
emphasis added).
37. No reason can be found for such a surprisingly narrow approach,
one at odds with the thrust of the Court’s most recent jurisprudence pin

respect of its consideration of the conditions for jurisdiction and, spepcifi-
cally, at odds with a Judgment as recent — and as clear on this point in
its reasoning — as that which the Court handed down on the preliminary
objections in the Croatia v. Serbia case. The language quoted above from
paragraph 85 of that Judgment is obviously general in scope. In that case

the condition not met until after the application had been filed was notp a
condition requiring an attempt at negotiated settlement, but the Court
expressed itself in terms precluding all doubt as to the fact that its rpeason
ing applies to any initially unmet condition for jurisdiction or admissipbil-
ity that is fulfilled between the date the proceedings were initiated anpd the
date on which the Court decides on its jurisdiction. And it is hard to spee

any reason why it should be otherwise. It was this reasoning that allowepd
the Court to find jurisdiction to entertain Croatia’s application. Hepnce, in
the present case the Court has departed from its own most recent juris -
prudence, without offering the slightest justification for doing so.

38. As questionable as may be the Court’s especially strict interpreta -
tion of the compromissory clause in the present case — although we con-
cede that it is not “manifestly absurd or unreasonable” as those tperms are
used in the vienna Convention — we think that it nonetheless should not
have led the Court to sustain the second preliminary objection.

88 convention sur la dispcrimination racialep (op. diss. comm.) 154

ter que la condition est désormais remplie.» (Application de la conven-
tion pour la prévention et la répression du crime de génocide (C ▯ roatie
c. Serbie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2008, p. 441,
par. 85.)

36. On ne trouve rien de tel dans le présent arrêt. L’exigence que pla
condition soit remplie « avant toute saisine de la Cour » signifie que, par
exemple, si des négociations ont été entamées avant l’intproduction de la
requête mais qu’elles n’ont pris fin, par le constat de l’imppossibilité de
parvenir à un accord, qu’après cette date, la Cour devrait dépcliner sa
compétence et mettre ainsi le demandeur dans la nécessité d’pintroduire

une nouvelle instance. Aussi bien la Cour limite-t-elle, dans la présente
affaire, sa recherche d’une éventuelle tentative de négocier,p de la part de
la géorgie, à la période qui s’est écoulée entre le 9 août 2008, date à
laquelle, selon elle, le différend est apparu, et le 12 août 2008, date d’in -
troduction de la requête :

«la Cour cherche … à établir si la géorgie a véritablement tenté
d’engager des négociations avec la Fédération de Russie dansp le but
de régler leur différend … [et, dans l’affirmative] elle recherchera si
les négociations ont échoué, sont devenues inutiles ou ont aboupti à

une impasse avant que la Géorgie ne dépose sa requête devant la Cour »
(arrêt, par. 162 ; les italiques sont de nous).
37. On cherche en vain les motifs d’une approche aussi étonnamment
restrictive, qui est en contradiction avec les orientations les plus répcentes

de la jurisprudence de la Cour en matière d’examen des conditions pde sa
compétence et, en particulier, avec un arrêt aussi récent, et spur ce point
aussi clair dans sa motivation que celui que la Cour a rendu sur les excep -
tions préliminaires dans l’affaire Croatie c. Serbie. La formule précitée
du paragraphe 85 de cet arrêt a manifestement une portée générale. dans

l’affaire en cause, la condition qui s’était trouvée remplpie postérieure -
ment à l’introduction de la requête n’était pas celle relativep à l’exigence
d’une recherche de règlement négocié, mais la Cour s’est pexprimée dans
des termes qui ne laissent place à aucun doute sur le fait que son rapisonne -
ment est valable pour toute condition de compétence ou de recevabilité
qui, n’étant pas initialement remplie, l’a été entre l’pintroduction de l’ins -

tance et la date à laquelle la Cour statue sur sa compétence, et lp’on ne
voit d’ailleurs pas pourquoi il en irait autrement. C’est ce raisonnemepnt
qui a permis à la Cour de retenir sa compétence pour connaître pde la
requête de la Croatie. dans la présente affaire, la Cour s’est donc écartée
de sa propre jurisprudence la plus récente, sans en donner la moindre
justification.

38. Si douteuse que soit l’interprétation particulièrement sévère de la
clause compromissoire que retient la Cour dans la présente affaire —
et nous convenons cependant que cette interprétation n’est pas « mani-
festement absurde ou déraisonnable » au sens de la convention de
vienne —, nous pensons qu’elle n’aurait de toute façon pas dû conduirep

la Cour à accueillir la deuxième exception préliminaire.

88155 convention on racialp discrimination (joinpt diss. op.)

This is because we believe that, assuming that Article 22 of CERd lays
down “preconditions” for the jurisdiction of the Court, those “pprecondi-
tions” were satisfied in this case. Our conclusion follows from our vpiew
that the two modes of settlement referred to in Article 22 are alternative,
not cumulative (II, below) ; that the requirement of an attempt at negoti -
ated settlement must be understood and applied realistically, not formalp-

istically (III); and that it must be regarded as having been fulfilled in this
case (Iv).

II. Are the Two modes Referred to in Artpicle22 Alternative
or Cumulative?

39. The Judgment takes no position on this point because the Court
was of the view that neither of the two “conditions” laid down in pArti -
cle 22 had been fulfilled by the Applicant ; georgia did not attempt to
settle the dispute by direct negotiation with Russia, nor did it initiatpe the

“procedures expressly provided for” in the Convention, since it did not
refer the matter to the Committee on the Elimination of Racial discrimi -
nation pursuant to Article 11 of the Convention.
40. We concur that, where a provision contains two conditions and
neither is met, no useful purpose is served in deciding whether they arep
cumulative (both have to be fulfilled) or alternative (fulfilment of pone suf -

fices). It is equally pointless to decide that question when both conditions
are in fact fulfilled.

However, for the reasons to be explained presently and on the assump -
tion that Article 22 imposes conditions, our view is that one of those con -
ditions (i.e., an unsuccessful attempt to negotiate) has been satisfiepd by

georgia, while the other clearly has not been. Thus, we must express our
view on the matter.
41. Let us begin by clarifying the question. It is specifically whether the
applicant State must have attempted, without success, to settle its disppute
with the respondent by recourse, in turn or simultaneously, to the two
modes of settlement (“negotiation” and “the procedures expressply pro -

vided for”) referred to in Article 22, or whether having sought, without
success, to use one of those two modes is sufficient to entitle the appplicant
to turn to the Court without further delay.
We think that the correct interpretation of Article 22 is necessarily the
second one.

42. We are unimpressed by the literal or textual argument which geor -
gia stresses and bases on the use of the conjunction “or” in Articple 22
(“by negotiation or by the procedures . . .”). This, it is claimed, means
that the two terms linked by the conjunction represent an alternative.

The conjunction “or” is clearly different from the conjunction “pand”,

and, generally speaking, “or” takes on great importance when a texpt con -

89 convention sur la dispcrimination racialep (op. diss. comm.) 155

En effet, nous sommes d’avis que, en admettant que l’article 22 de la
CIEdR pose des « préconditions» à la compétence de la Cour, ces « pré-
conditions» étaient en l’espèce remplies. Notre conclusion découle pde ce
que nous regardons les deux voies mentionnées par l’article 22 comme
alternatives et non cumulatives (II, ci-après), que la condition de recherche
d’un règlement négocié doit être comprise et appliquéep de manière réaliste

et non formaliste (III), et qu’elle doit être regardée comme payant été rem -
plie en l’espèce (Iv).

II. Les deux voies mentionpnées à l’article22 sont-elles
alternatives ou cumuplatives ?

39. L’arrêt ne prend pas parti sur ce point, puisque la Cour a étép d’avis
qu’aucune des deux « conditions » mentionnées à l’article 22 n’a été rem -
plie par l’Etat demandeur : la géorgie n’a pas cherché à régler le différend
par la négociation directe avec la Russie ; elle n’a pas non plus mis en

œuvre les « procédures expressément prévues » par la Convention,
puisqu’elle n’a pas saisi le Comité pour l’élimination dep la discrimination
raciale selon les modalités décrites à l’article 11 de la Convention.
40. Nous sommes d’accord pour considérer que, lorsqu’un texte men -
tionne deux conditions, et qu’aucune des deux n’est remplie, il espt inutile
de décider si elles sont cumulatives (il aurait fallu qu’elles fupssent remplies

l’une et l’autre) ou alternatives (il aurait suffi que l’unep d’elles le fût). Il est
tout aussi inutile de trancher la même question lorsque les deux condpi -
tions sont, en fait, remplies.
mais, puisque nous sommes d’avis, pour des raisons que nous allons
développer un peu plus loin, que, en admettant que l’article 22 pose des
conditions, l’une d’entre elles a été satisfaite par la géorgie (à savoir la

tentative infructueuse de négocier) tandis que l’autre ne l’a pmanifestement
pas été, il nous faut nous prononcer sur la question susmentionnépe.
41. Commençons d’abord par clarifier le sens de la question. Il s’apgit
exactement de savoir si l’Etat demandeur doit avoir essayé de répgler le dif -
férend qui l’oppose au défendeur, de manière infructueuse, epn mettant en
œuvre successivement ou simultanément les deux voies (celle de lap «négo -

ciation », celle des « procédures expressément prévues ») mentionnées à
l’article 22, ou s’il suffit qu’il ait cherché sans succès à empruntper l’une des
deux voies pour pouvoir s’adresser, sans attendre davantage, à la pCour.
Nous sommes d’avis que l’interprétation correcte de l’articlpe 22 ne peut
être que la seconde.

42. Nous ne sommes guère impressionnés par un argument littéral ou p
exégétique invoqué avec insistance par la géorgie et tiré de l’emploi de la
conjonction « ou » à l’article 22 (« par voie de négociation ou au moyen
des procédures… »), d’où il résulterait que les deux termes reliés par la
conjonction représentent une alternative.
La conjonction «ou» se distingue nettement de la conjonction «et», et il

y a lieu en principe de lui attacher la plus grande importance lorsque lpe texte

89156 convention on racialp discrimination (joinpt diss. op.)

taining it and requiring interpretation is stated in the affirmative. In such
cases, there is no better means than the conjunction “or” of indicating
that the conditions (situations, etc.) referred to in the text are altpernative,
meaning that either is sufficient to give rise to the effect in questpion. mat-
ters become less clear however when “or” is used in a clause in thpe nega -
tive, as in the present case (“which is not settled by negotiation or by the

procedures . . .”). In such a case, “or” need not mean something other
than “and”, but the latter word cannot be used because it would nopt
make sense in the context of the sentence. In fact, here, “or” is pthe equiva-
lent of “neither . . . nor” : any dispute which is settled neither by nego-
tiation nor by the procedures expressly provided . . . This reformulation
does not however tell us any more about whether the two modes are

alternative or cumulative.
43. In our opinion, the conclusive argument draws on the logic and
purpose of the text under consideration. The point of this text cannot bpe
to require a State to go through futile procedures solely for the purpospe
of delaying or impeding its access to the Court. The end sought is not

purely one of form ; if we look at it from the perspective taken by the
Court, the rule has a reasonable aim, to reserve judicial settlement forp
those disputes which cannot be settled by an out-of-court means based onp
agreement between the parties. Still, for this condition to be met, the p
applicant must have made the necessary efforts to attempt to settle thpe
dispute, if it seems reasonably possible, by recourse to means enabling pthe

parties to reach agreement, leaving the Court to act as the last resort.p
If the text is understood in these terms, it becomes illogical to considper
the two modes referred to in Article 22 as necessarily cumulative. Each
mode ultimately depends on an understanding between the parties and
their desire to seek a negotiated solution. This is obvious in the case pof
“negotiation” and it is equally true for the “procedures exprespsly pro -

vided for” in part II of CERd. The Committee established by the Con -
vention has no power to impose a legally binding solution on the disputipng
States. It can only encourage the States to negotiate with each other
(Art. 11) ; then, where there have been no negotiations or unsuccessful
negotiations, it can appoint a conciliation commission to make recom -
mendations (Art. 13) to be communicated to the parties, which then make

known whether or not they accept them. Ultimately, a favourable out -
come depends on the readiness of the parties to come to an agreement, inp
other words, on their willingness to negotiate.
Consequently, where a State has already tried, without success, to
negotiate directly with another State against which it has grievances, ipt

would be senseless to require it to follow the special procedures in part II,
unless a formalism inconsistent with the spirit of the text is to prevaipl. It
would make even less sense to require a State which has unsuccessfully
pursued the intricate procedure under part II to undertake direct negotia -
tions destined to fail before seising the Court.
44. In short, as direct negotiation and referral to the Committee are

two different ways of doing the same thing, that is to say, seeking anp

90 convention sur la dispcrimination racialep (op. diss. comm.) 156

dans lequel elle figure, et que l’on cherche à interpréter, estp rédigé sous forme
affirmative. En pareil cas, on n’a pas trouvé mieux que la conjonpctiono« u»
pour indiquer que les conditions (les situations, etc.) mentionnéesp par le
texte sont alternatives, en ce sens que chacune d’elles est suffisante pour
entraîner l’effet visé. mais tout se trouble lorsque le «ou» est employé dans
une phrase négative, comme en l’espèce («qui n’aura pas été réglé par voie

de négociation ou au moyen des procédures…»). dans cette hypothèse, le
«ou» ne peut pas être regardé comme ayant été employé pour indiquer un
autre sens que le «et» — lequel n’en aurait eu aucun, dans le contexte de la
phrase. En réalité, «ou» est ici l’équivalent de «ni …, ni»: tout différend qui
n’aura été réglé ni par voie de négociation, ni au moypen des procédures
expressément prévues…mais cette tournure ne nous renseigne pas davan -

tage sur le caractère alternatif ou cumulatif des deux voies mentionnpées.
43. L’argument décisif, à nos yeux, est tiré de la logique et dep la finalité du
texte examiné. Le sens de ce texte ne peut pas être d’imposer àp un Etat d’ac -
complir des procédures inutiles à seule fin de retarder ou d’enptraver son accès
à la Cour. La finalité poursuivie n’est pas purement formellel;a règle vise, si

l’on se place dans la perspective qu’a retenue la Cour, un objectipf raisonnable,
celui de réserver le règlement judiciaire aux différends qui ne peuvent pas être
résolus par une méthode extrajudiciaire reposant sur l’accord des parties.
Encore faut-il, pour que cette condition soit remplie, que la partie demande -
resse ait accompli les efforts nécessaires pour chercher à répgler le différend,
si cela paraît raisonnablement possible, par des moyens propres à permettre

aux parties de s’entendre, en laissant au juge le rôle d’un ultpime recours.
Si l’on comprend le texte ainsi, alors il ne serait pas logique de copnsidé -
rer que les deux voies mentionnées à l’article 22 sont cumulativement
nécessaires. L’une et l’autre reposent en effet, in fine, sur l’entente entre
les parties et leur volonté de chercher une solution négociée. pC’est évident
pour la « négociation»; c’est tout aussi vrai pour les « procédures expres -

sément prévues» par la partie II de la CIEdR. Le Comité institué par la
convention n’a aucunement le pouvoir d’imposer une solution juridipque -
ment contraignante aux Etats qu’oppose un différend. Il ne peut pqu’inci-
ter les Etats à négocier entre eux (art. 11), puis, s’il n’y a pas eu de
négociation ou qu’elle a été infructueuse, créer une commpission de conci -
liation qui formulera des recommandations (art. 13), lesquelles seront

soumises aux parties, qui feront savoir si elles les acceptent ou non. Fpina -
lement, l’issue favorable dépendra de la disposition des parties àp s’en -
tendre, c’est-à-dire de leur volonté de négocier.
En conséquence, cela n’aurait aucun sens d’obliger l’Etat qupi aurait
tenté sans succès de négocier directement avec un autre Etat copntre lequel

il a des griefs à mettre en œuvre la procédure spéciale de lpa partie II, sauf
à verser dans un formalisme qui ne saurait correspondre à l’espprit du
texte. Cela en aurait encore moins d’obliger l’Etat qui aurait utiplisé sans
succès la voie complexe de la partie II à s’engager, avant de saisir la Cour,
dans des négociations directes vouées à l’échec.
44. En somme, la négociation directe et la saisine du Comité étant p

deux manières différentes de faire la même chose, à savoirp chercher un

90157 convention on racialp discrimination (joinpt diss. op.)

agreement premised on the parties’ ability to reconcile their positiopns, it
is enough, even under the strict interpretation upheld in the Judgment, pto
entitle the applicant to come before the Court if one of these two modesp
has been pursued, for it would be highly unreasonable to require the
applicant then to try the other.
45. This interpretation is also supported by the travaux préparatoires

of Article 22, specifically that part dealing with the drafting of the final
formulation — the language referring to two possible modes of non-judi -
cial settlement.
Up until the 1367th meeting of the Third Committee of the general
Assembly, on 7 december 1965, clause vIII of the draft prepared by the
officers of the Committee, later to become Article 22 of the Convention,

provided for the referral to the International Court of Justice of “[pa]ny
dispute . . . which is not settled by negotiation”. That meeting debated
and adopted the “Three-power amendment”, jointly submitted by ghana,
the philippines and mauritania for the purpose of adding the phrase “or
by the procedures expressly provided for in this Convention” after “pnego -

tiation”. It was thus that a draft contemplating just one means of nopn-
judicial settlement of the dispute (negotiation) became a final text rpeferring
to two modes (negotiation, on one hand, and resort to the special procep -
dures under the Convention, on the other).

46. The representative of ghana introduced the amendment in

restrained terms ; he confined himself to saying that “the Three-power
amendment [is] self-explanatory” and it “simply refer[s] to the prpocedures
provided for in the Convention” (United Nations, Official Records of
the General Assembly, Twentieth Session, Third Committee, doc. A/C.3/
SR.1367, p. 453, para. 29). The amendment was then debated and unani -
mously adopted. most speakers approved of it as offering useful clarifica-

tion of the text. According to the representative of Canada, the amendmepnt
“made a valuable addition to the clause” ; in the view of France’s repre -
sentative, it “brought clause vIII into line with provisions already adopted
in the matter of implementation” ; according to Italy’s delegate, it “was a
useful addition” ; and, in the view of Belgium’s, it “introduced a useful
clarification” (ibid., paras. 26, 38-40).

47. None of these statements is fully illuminating. The clear impression
nevertheless emerges that the three powers’ intent in proposing their
amendment was not to impose a further condition resulting in more
limited access to the Court than under the earlier text. There is nothinpg to
indicate that the amendment was aimed at making resort to the special

procedures under part II mandatory where direct negotiations had failed.
more likely, the amendment was intended to make clear that recourse to
these special procedures figured among the possible avenues for negoti -
ated settlement. That is why it was regarded by the delegates as merely a
“useful addition or clarification” and was easily adopted, not as pa change
in the text to make it more restrictive but as a natural, and almost selpf-

evident, clarification.

91 convention sur la dispcrimination racialep (op. diss. comm.) 157

accord supposant la capacité des parties à rapprocher leurs pointsp de vue,
il suffit, même dans l’interprétation plutôt rigoureuse quep retient l’arrêt,
que l’une de ces deux voies ait été empruntée sans succèsp pour que le
demandeur puisse s’adresser à la Cour, car il serait hautement dépraison -
nable de l’obliger alors à essayer l’autre.
45. Cette interprétation est également confortée par l’examen des tra -

vaux préparatoires de l’article 22, dans leur partie concernant l’élabora -
tion de la formule finale — celle qui fait apparaître les deux voies possibles
du règlement non judiciaire.
Jusqu’à la 1367 e séance de la Troisième Commission de l’Assemblée
générale, le 7 décembre 1965, la clause vIII du projet établi par le bureau
de la Commission, qui est devenue par la suite l’article 22 de la Conven -

tion, permettait la soumission à la Cour internationale de Justice dep « tout
différend … qui n’aura pas été réglé par négociation ». Lors de la séance
susmentionnée a été discuté et adopté l’amendement ditp « des trois puis -
sances», présenté conjointement par le ghana, les philippines et la mau -
ritanie, et dont l’objet était d’insérer les mots «ou au moyen des procédures

expressément prévues par ladite Convention » après le mot « négocia -
tion». C’est ainsi que l’on est passé d’un projet qui n’enpvisageait qu’un
seul moyen de règlement extrajudiciaire du différend (la négpociation) au
texte final qui mentionne deux voies (la négociation, d’une part; le recours
aux procédures spéciales de la Convention, d’autre part).
46. En présentant l’amendement, le représentant du ghana a été sobre ;

il s’est borné à déclarer que «l’amendement des trois puissances s’explique
de lui-même » et qu’il « se réfère simplement aux procédures prévues
par la Convention » (Nations Unies, Documents officiels de l’Assemblée
générale, vingtième session, Troisième Commission, doc. A/C.3/SR.1367,
p. 485, par. 29). L’amendement a été ensuite discuté et adopté à lp’unani -
mité. La plupart des intervenants l’ont approuvé comme apportanpt une

utile clarification au texte. Selon le représentant du Canada, cet amende -
ment «complét[ait] utilement l’article » ;selon celui de la France, il « met[-
tait] la clause vIII en harmonie avec les dispositions déjà adoptées en
matière de mise en œuvre » ; selon le délégué de l’Italie, il « constitu[ait]
une addition utile » et, selon celui de la Belgique, il « introdui[sait] une
précision utile » (ibid., par. 26, 38-40).

47. Aucune de ces interventions n’est parfaitement éclairante. Il s’pen
dégage cependant la nette impression qu’en proposant leur amendemepnt les
trois puissances n’étaient pas animées par l’intention d’pimposer une condition
supplémentaire, qui viendrait restreindre l’accès à la Cour,p par rapport au
texte antérieur. Rien n’indique que l’amendement visait à repndre obligatoire,

en cas d’échec des négociations directes, le recours aux procédures spéciales
de la partie II. plus vraisemblablement, il visait à rappeler que, parmi les voies
possibles du règlement négocié, figurait le recours à ces procédures spéciales.
C’est pour cela qu’il a été simplement regardé par les déplégués comme un
«complément — ou une précision — utile » et facilement adopté, non pas
comme une modification du texte visant à lui conférer un caractèpre plus

restrictif, mais comme une clarification naturelle, et presque allant dep soi.

91158 convention on racialp discrimination (joinpt diss. op.)

III. What Exactly does the Condition Requpiring an Attempt
to Settle the dispute by Negotiation pConsist of?

48. The second prong of the alternative set forth in Article 22, namely
use of “the procedures expressly provided for in [the] Convention”p hardly
raises any difficulty of interpretation, as it is clear that this referps to the

procedures established by part II, and those procedures are described pre -
cisely by the Convention. Furthermore, the question does not arise in thpis
case, since it is a fact that georgia has never sought to make use of those
procedures against Russia.
49. However, the scope of the condition — if it is accepted as such —
of having attempted to settle the dispute by negotiation may be open to p

debate. Hence the Court has endeavoured to define what it calls “the pcon -
cept of negotiations” in paragraphs 156 to 162.

50. In our view, the Court has adopted too formalistic an approach to
“negotiations”, which inevitably had implications for the Court’ps assess -

ment of the circumstances of the case, leading it to conclude that georgia
had not seriously proposed to Russia that negotiations should take placep
regarding the dispute between them.
51. paragraph 157 makes the point that “negotiations are distinct from
mere protests or disputations”. It is therefore not sufficient for one of the
parties (the applicant) to have protested against the conduct of the opther

(the respondent) ; there must also have been “a genuine attempt . . . to
engage in discussions with the other disputing party, with a view to
resolving the dispute”. In other words, the applicant must have made pan
offer — a serious offer — to negotiate with the respondent.
52. Naturally, paragraph 158 states that “evidence of such an attempt
to negotiate — or of the conduct of negotiations — does not require the

reaching of an actual agreement between the disputing parties”. To hapve
asserted otherwise would have been most surprising. But the Judgment
then adds (Judgment, para. 159), citing a number of precedents, that it is
not enough for negotiations to have been attempted (i.e., proposed by the
applicant); for the condition allowing referral to the Court to be regarded
as fulfilled, those negotiations must also have failed or become futile por

deadlocked.
53. The Court then recalls that, according to its jurisprudence, “nego -
tiations” are not confined to direct contacts between two parties ; account
should also be taken of less formal exchanges and of “diplomacy by copn -
ference or parliamentary diplomacy” (ibid., para. 160). It also points out

that negotiations do not necessarily have to refer expressly to the instpru -
ment that contains the compromissory clause ; it is sufficient for them to
relate to the subject-matter of that instrument, the crucial point being
that they must concern the subject-matter of the dispute brought before
the Court (ibid., para. 161).
54. Even taking account of the elements of flexibility introduced by

these last considerations, we believe that the Court’s approach remaipns

92 convention sur la dispcrimination racialep (op. diss. comm.) 158

III. Quel est le contenu expact de la condition cponsistant
à avoir tenté de réglepr le différend par voipe de négociation ?

48. La seconde branche de l’alternative ouverte par l’article 22, à savoir
le recours aux « procédures expressément prévues par [la] Convention »,
ne soulève guère de difficulté d’interprétation, car il pest clair qu’elle se

réfère aux procédures instituées par la partie II et ces procédures sont
précisément décrites par la Convention. Au surplus, la questionp ne se
pose pas dans la présente affaire, puisqu’il est constant que la géorgie n’a
jamais cherché à mettre en œuvre ces procédures à l’encontre de la Russie.
49. En revanche, la portée de la condition — si l’on admet que c’en est
une — consistant à avoir cherché à résoudre le différendp par voie de négo -

ciation peut prêter à controverse. Aussi la Cour a-t-elle cherché à définir
ce qu’elle a appelé «la notion de négociation », aux paragraphes 156 à 162
de l’arrêt.
50. A notre avis, la Cour s’est engagée dans une approche trop forma -
liste de la « négociation», ce qui n’a pas manqué d’avoir ensuite des

conséquences sur la manière dont elle a apprécié les circonstances propres
en l’espèce, pour conclure que la géorgie n’avait pas proposé sérieuse -
ment à la Russie de négocier au sujet du différend qui les oppposait.
51. Le paragraphe 157 de l’arrêt insiste sur le fait que les « négocia -
tions … se distinguent de simples protestations ou contestations ». Il ne
suffit donc pas que l’une des parties (la demanderesse) ait protespté contre

le comportement de l’autre (la défenderesse), il faut encore qu’pelle ait
«tent[é] vraiment d’ouvrir le débat avec l’autre partie en vupe de régler le
différend». En d’autres termes, il faut que le demandeur ait fait une
offre — sérieuse — de négociation au défendeur.
52. Naturellement, le paragraphe 158 de l’arrêt précise qu’« il n’est
cependant pas nécessaire qu’un accord soit effectivement conclu pentre les

parties au différend pour prouver qu’il y a eu tentative de négociations ou
négociations». L’affirmation contraire eût été fort surprenante. mais l’arrêt
ajoute ensuite (arrêt, par. 159), en se référant à certains précédents, qu’il ne
suffit pas que les négociations aient été tentées (c’espt-à-dire proposées par la
partie demanderesse), il faut encore, pour que la condition qui permet pla
saisine de la Cour soit regardée comme remplie, que lesdites négocpiations

aient échoué, soient devenues inutiles ou aient abouti à une imppasse.
53. La Cour rappelle ensuite que selon sa jurisprudence les « négocia -
tions» ne s’entendent pas seulement de contacts directs entre deux par -
ties, mais qu’il y a lieu aussi de tenir compte d’échanges moinps formels et
de « la diplomatie pratiquée au sein des conférences ou diplomatie parlpe -

mentaire » (ibid., par. 160). Elle rappelle aussi que la négociation ne doit
pas nécessairement porter expressément sur l’instrument qui conptient la
clause compromissoire, et qu’il est suffisant qu’elle porte sur lp’objet de cet
instrument, puisque ce qui est déterminant, c’est qu’elle conceprne l’objet
du différend soumis ensuite à la Cour (ibid., par. 161).
54. même en tenant compte des quelques éléments de souplesse qu’ipn -

troduisent ces dernières considérations, nous pensons que la dépmarche de

92159 convention on racialp discrimination (joinpt diss. op.)

far too formalistic here, and, in truth, not very faithful to the generapl
thrust of its jurisprudence in the past.
55. In our opinion, a firmly realistic, rather than formalistic, approach
should be taken to the question of negotiations, the approach which
hitherto the Court always has adopted.
56. There is no general criterion — nor can there be one — which

makes it possible to determine at what point a State is regarded as havipng
complied with the obligation to attempt to negotiate with respect to itsp
claims against another State, and to pursue those attempts as far as posp -
sible, with a view to reaching an agreement.
Everything depends on the circumstances. The level of the Court’s
requirements is obviously bound to vary, according to the nature of the p

questions which form the subject-matter of the dispute, and the conduct
of the State that is being implicated. Clearly some questions, by their p
nature, lend themselves more than others to negotiation, the reconcilingp
of opinions and the search for a compromise. It is also clear that the Sptate
which is being implicated may have a range of responses to the claim

made against it, from complete receptiveness to the most strenuous or
indeed point-blank rejection.
57. The Court must therefore always make a case-by-case assessment.

In every case, however, the Court should address the question not from
a formal or procedural point of view, but as a question of substance. Ifp

the Court finds that there was no longer, on the date when the proceed -
ings were instituted — or, alternatively, that there is no longer, on the
date when it decides on its jurisdiction — a reasonable prospect of the
dispute, as presented to the Court, being settled by negotiations betweepn
the parties, it must find jurisdiction, without entering into a convolutped
examination of every single action taken by the applicant, or those thatp it

could have taken.
58. That is the essential purpose of the conditions established by a
clause such as the one that the Court must apply in this case : not to erect
needless and over-exacting procedural obstacles liable to delay or impede
the applicant’s access to international justice, but to allow the Court to
satisfy itself, before dealing with the merits of the dispute brought bepfore

it, that a sufficient effort has been made to resolve that dispute byp means
other than judicial settlement.
59. It is in this spirit that the Court has always hitherto applied com -
promissory clauses that require that a negotiated settlement of the disppute
must be attempted, including in cases where the applicable clause was

more clear-cut than Article 22 of CERd as to the requirement of prior
negotiation.
60. Two precedents, among others, are significant in this respect.
61. In the South West Africa case, the applicable clause (Article 7,
paragraph 2, of the mandate) referred to “any dispute . . . if it cannot be
settled by negotiation”. The Respondent maintained that the dispute

brought before the Court was not one that “cannot be settled by negotpia -

93 convention sur la dispcrimination racialep (op. diss. comm.) 159

la Cour demeure ici beaucoup trop formaliste, et, en vérité, peu fidèle à
l’orientation générale de sa jurisprudence antérieure.
55. Il faut, selon nous, s’en tenir à une approche résolument réaliste etp
non formaliste de la question des négociations, approche qui avait tou -
jours été celle de la Cour jusqu’à présent.
56. Il n’existe — et il ne peut exister — aucun critère général permet -

tant de déterminer à partir de quel seuil un Etat sera regardé pcomme
ayant satisfait à l’obligation de tenter de négocier sur les grpiefs qu’il for -
mule à l’encontre d’un autre Etat, et de poursuivre sa tentativpe aussi loin
que possible, en vue de parvenir à un accord.
Tout est affaire d’espèce. Le niveau d’exigence de la Cour nep peut que
varier, à l’évidence, selon la nature des questions qui font l’pobjet du diffé -

rend et le comportement de l’Etat mis en cause. Il est clair que certpaines
questions, par leur nature, se prêtent mieux que d’autres à la pnégociation,
au rapprochement des points de vue, à la recherche d’une solution pde
compromis. Il est clair aussi que l’Etat mis en cause peut répondrpe à la
réclamation qui lui est adressée par toute une gamme d’attitudes pos -

sibles, allant de la plus grande ouverture à la plus ferme, voire bruptale, fin
de non-recevoir.
57. C’est donc toujours une appréciation au cas par cas à laquelle pla
Cour doit se livrer.
mais, dans tous les cas, la Cour devrait aborder la question non pas
sous un angle formel ou procédural mais comme une question de fond. Spi

la Cour constate qu’il n’existait plus, à la date de l’introduction de l’ins -
tance, ou subsidiairement qu’il n’existe plus à la date à laquelle elle vérifie
sa compétence, une perspective raisonnable pour que le différend, tel qu’il
se présente à elle, soit résolu par la voie de négociations pentre les parties,
elle doit admettre sa compétence, sans entrer dans la discussion byzapntine
de chacun des actes accomplis par le demandeur, et de ceux qu’il aurapit

pu accomplir.
58. On retrouve ici la finalité essentielle des conditions posées par pune
clause du type de celle que la Cour doit appliquer en la présente affpaire :
non pas dresser des obstacles procéduraux tatillons et inutiles de napture à
retarder ou à entraver l’accès du demandeur à la justice intpernationale,
mais permettre à la Cour de s’assurer, avant de connaître au fond du

différend qui lui est soumis, qu’un effort suffisant a étép accompli pour le
régler par d’autres voies que la voie judiciaire.
59. C’est dans cet esprit que la Cour a toujours appliqué, jusqu’àp pré -
sent, les clauses compromissoires comportant une condition de tentative p
de règlement négocié du différend, y compris lorsque la clpause applicable

était plus nette, en ce qui concerne l’exigence de négociation ppréalable,
que ne l’est l’article 22 de la CIEdR.
60. deux précédents sont, parmi d’autres, significatifs à cet épgard.
61.dans l’affaire du Sud-Ouest africain, la clause applicable (le
deuxième alinéa de l’article 7 du mandat) se référait à « tout différend …
qui ne soit pas susceptible d’être réglé par des négociatpions ». Le défen -

deur soutenait que le différend soumis à la Cour n’était ppas un différend

93160 convention on racialp discrimination (joinpt diss. op.)

tion”, and that no negotiations had taken place with a view to its septtle -
ment.
The Court replied as follows :

“The question to consider . . . is: What are the chances of success
of further negotiations between the parties in the present cases for
reaching a settlement ?
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p . . . . . . . . . . . . . .
Even a cursory examination of the views, propositions and argu -

ments consistently maintained by the two opposing sides, shows that
an impasse was reached before 4 November 1960 when the Applica -
tions in the instant cases were filed, and that the impasse continues top
exist.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p . . . . . . . . . . . . . .

It is immaterial and unnecessary to enquire what the different and
opposing views were which brought about the deadlock in the past
negotiations in the United Nations, since the present phase calls for
determination of only the question of jurisdiction.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p . . . . . . . . . . . . . .

It is, however, further contended by the Respondent that the col -
lective negotiations in the United Nations are one thing and direct
negotiations between it and the Applicants are another, and that no
such direct negotiations have ever been undertaken by them. But in
this respect it is not so much the form of the negotiation that matters p
as the attitude and views of the parties on the substantive issues of

the question involved. So long as both sides remain adamant, and this
is obvious even from their oral presentations before the Court, there
is no reason to think that the dispute can be settled by further nego -
tiations between the parties.” (South West Africa (Ethiopia v. South
Africa ; Liberia v. South Africa), Preliminary Objections, Judgment,

I.C.J. Reports 1962, pp. 344-346.)

62. In the Aerial Incident at Lockerbie cases, the applicable clause
(Article 14, paragraph 1, of the 1971 montreal Convention for the Sup -
pression of Unlawful Acts against the Safety of Civil Aviation) referrepd
to “[a]ny dispute . . . which cannot be settled through negotiation”. The
Respondents maintained — one of them so maintaining when the request
for provisional measures was considered and the other at both that stagep

and the preliminary objections stage — that, besides the fact that no dis -
pute existed between themselves and the Applicant regarding the interprep -
tation or application of the montreal Convention, such a dispute, if it did
exist, had not given rise to any attempt at a negotiated settlement.
In rejecting this objection, the Court took account of the following,

among other determining factors :
“The Court observes that in the present case, the Respondent has

always maintained that the destruction of the pan Am aircraft over

94 convention sur la dispcrimination racialep (op. diss. comm.) 160

«qui ne soit pas susceptible d’être réglé par des négociatpions », et qu’au-
cune négociation n’avait eu lieu en vue de son règlement.
La Cour a ainsi répondu :

«La question à envisager est … la suivante : Quelles seraient les
chances de succès de nouvelles négociations entre les parties aux pré -
sentes affaires en vue de parvenir à un règlement ?
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p . . . . . . . . . . . . . .
Un rapide examen des thèses, des propositions et des arguments

auxquels des deux côtés on s’est constamment tenu suffit à pmontrer
que l’on s’était trouvé dans une impasse avant le 4 novembre 1960,
date du dépôt des requêtes relatives aux présentes affaireps, et que
cette impasse existe toujours.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p . . . . . . . . . . . . . .

Il est sans pertinence et inutile de rechercher quelles thèses diffpé -
rentes et opposées ont conduit les négociations des Nations Unies
dans une impasse, étant donné qu’au stade actuel il ne s’agipt que de
trancher la question de compétence.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p . . . . . . . . . . . . . .

Cependant, le défendeur affirme en outre que des négociations colp -
lectives au sein des Nations Unies sont une chose, que des négocia -
tions directes entre les demandeurs et lui-même en sont une autre et
qu’aucune négociation directe n’a jamais été engagée entre eux. mais
ce qui importe en la matière ce n’est pas tant la forme des négpocia -
tions que l’attitude et les thèses des parties sur les aspects fondamen -

taux de la question en litige. Tant que l’on demeure inébranlable pde
part et d’autre — et c’est ce qui ressort clairement des plaidoiries
présentées à la Cour — il n’y a aucune raison qui permette de penser
que le différend soit susceptible d’être réglé par de npouvelles négocia -
tions entre les parties. » (Sud-Ouest africain (Ethiopie c. Afrique du

Sud; Libéria c. Afrique du Sud), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J.
Recueil 1962, p. 344-346.)

62. dans les affaires dites de l’Incident aérien de Lockerbie, la clause
applicable (l’article 14, paragraphe 1, de la convention de montréal de 1971
pour la répression d’actes illicites dirigés contre la sécurpité de l’aviation
civile) se référait à «tout différend … qui ne peut pas être réglé par voie de
négociation». Les défendeurs avaient soutenu— au stade de l’examen de la
demande de mesures conservatoires pour l’un, à ce stade et égalpement à

celui des exceptions préliminaires pour l’autre — que, outre qu’il n’existait
pas de différend entre eux et le demandeur relativement à l’ipnterprétation
ou à l’application de la convention de montréal, un tel différend, à suppo -
ser qu’il existât, n’avait donné lieu à aucune tentative pde règlement négocié.
La Cour, pour écarter l’objection, a retenu, entre autres motifs dpétermi -

nants, le suivant :
«La Cour relève qu’en l’espèce le défendeur a toujours souptenu

que la destruction de l’appareil de la pan Am au-dessus de Lockerbie

94161 convention on racialp discrimination (joinpt diss. op.)

Lockerbie did not give rise to any dispute between the parties regard-
ing the interpretation or application of the montreal Convention and
that, for that reason, in the Respondent’s view, there was nothing top
be settled by negotiation under the Convention . . .
Consequently, in the opinion of the Court, the alleged dispute
between the parties could not be settled by negotiation.” (Questions

of Interpretation and Application of the 1971 Montreal Convention
arising from the Aerial Incident at Lockerbie (Libyan Arab Jamahi-
riya v. United States of America), Preliminary Objections, Judgment,
I.C.J. Reports 1998, p. 122, para. 20.)

63. The present case is the first in which the Court has found that it
lacks jurisdiction solely on the basis that a condition of prior negotiaption
has not been fulfilled. We are convinced that this is not justified by tphe
circumstances of the case. Instead, the Court has substituted a formalisptic

approach for the realistic, substantive approach that it has consistently
taken in the past and that, had it been retained, should have led the Copurt
to the opposite conclusion in the present case, given the facts. We are pnow
going to explain why.

Iv. Was a Sufficient Attemppt made to Settle the dispute

through Negotiation?

64. On the basis of the principles just set out, our approach in con-
sidering the facts with a view to determining whether the “negotiatiopn”
condition has been met is fundamentally different from that of the Couprt.

65. The approach to the question taken in the Judgment is essentially
formalistic.
The Court begins by identifying a limited time period — no more than
three days — which, in the Court’s view, is the period as to which evi -
dence of any attempt at negotiation by georgia should be sought. The
period is the few days between 9 August 2008, the date, according to the

Judgment, that the dispute first materialized, and 12 August 2008, the
date the Application was filed (Judgment, para. 168).

It seeks to ascertain whether, during that period, georgia genuinely
offered to negotiate with Russia to try to resolve the dispute — having

already made a careful distinction (ibid., para. 157) between “protests
or disputations”, on the one hand, and “negotiations”, on the other, and
having stated that the latter “requires — at the very least — a genuine
attempt by one of the disputing parties to engage in discussions with thpe
other”.
It concludes that georgia made no offer to negotiate (as thus defined)

during the brief period under consideration (ibid., paras. 171 to 181).

95 convention sur la dispcrimination racialep (op. diss. comm.) 161

n’avait suscité entre les parties aucun différend concernant l’interpré-
tation ou l’application de la convention de montréal et que, de ce
fait, il n’y avait, de l’avis du défendeur, aucune question àp régler par
voie de négociation conformément à la convention…
En conséquence, de l’avis de la Cour, le différend qui existeprait
entre les parties ne pouvait [pas] être réglé par voie de négociation. »

(Questions d’interprétation et d’application de la convention de▯ Mon -
tréal de 1971 résultant de l’incident aérien de Lockerbie (▯Jamahiriya
arabe libyenne c. Etats-Unis d’Amérique), exceptions préliminaires,
arrêt, C.I.J. Recueil 1998, p. 122, par. 20.)

63. La présente affaire est la première dans laquelle la Cour conclupt à
son incompétence sur la seule base du défaut de réalisation d’pune condi -
tion de négociation préalable. Nous sommes convaincus que cela n’pest
pas justifié par les circonstances propres à l’espèce. Bien pplutôt, cela

s’explique par le fait que la Cour a substitué une approche formelple à
l’approche réaliste et matérielle qu’elle avait adoptée cponstamment, et
qui, si elle avait été conservée, aurait dû la conduire àp une solution inverse
dans la présente affaire, compte tenu des faits pertinents. Nous alplons à pré-
sent expliquer pourquoi.

Iv. y a-t-il eu une tentative supffisante de règlemenpt

négocié du différendp?

64. Sur la base des principes qui viennent d’être exposés, notre
démarche, dans l’examen des faits pertinents aux fins d’apprépcier s’il a été
satisfait à la condition de «négociation », est fondamentalement différente
de celle que la Cour a suivie.

65. L’approche de la question qui se dégage de l’arrêt est essentielle -
ment formelle.
La Cour délimite d’abord une étroite période de temps — pas plus que
trois jours — qui est, selon elle, la période à l’intérieur de laquelple il
convient de rechercher l’existence d’une éventuelle tentative dpe négocia -
tion de la part de la géorgie. Il s’agit des quelques jours qui se sont écou -

lés entre le 9 août 2008, date à laquelle selon l’arrêt le différend est apparu
pour la première fois, et le 12 août 2008, date du dépôt de la requête
(arrêt, par. 168).
Elle recherche ensuite si, pendant cet intervalle, la géorgie a véritable -
ment fait une offre de négociation à la Russie afin de tenter dep résoudre le

différend — ayant précédemment soigneusement distingué (ibid., par. 157)
entre les « protestations ou contestations » d’une part, et les « négocia -
tions » de l’autre, cette dernière notion «impliqu[ant], à tout le moins, que
l’une des parties tente vraiment d’ouvrir le débat avec l’auptre ».

Elle ne trouve, au cours de la brève période considérée, aucune offre de

négociation (ainsi définie) de la part de la géorgie (ibid., par. 171 à 181).

95162 convention on racialp discrimination (joinpt diss. op.)

That allows it to conclude that georgia “did not attempt to negotiate
CERd-related matters with the Russian Federation”, and that, therefore,
the parties “did not engage in negotiations with respect to [Russia]’s pcom -
pliance with its substantive obligations under CERd” (Judgment,
para. 182). Consequently, according to the Judgment, there is no need to
ascertain whether “there has been a failure of negotiations, or [whetpher]

negotiations have become futile or deadlocked”, to quote paragraph 159,
since no such negotiations ever even began — and that was because of the
conduct of georgia, which did not seek to resolve the dispute through
negotiation.
66. In our view, this conclusion — to the effect that georgia did not,

through its own doing, exhaust the possibility of a negotiated settlemenpt
before submitting its dispute with Russia to the Court — is completely
unrealistic and flies in the face of the obvious. Indeed, no one can sper-
iously think it reasonable to have required georgia to attempt to resolve
its dispute with Russia through negotiations after 12 August 2008 ; it is

unrealistic to believe that on that date there remained even the slightepst
chance of a negotiated settlement of the dispute, as defined before the p
Court.
67. The Court would not have reached a conclusion so far removed
from reality had it considered the question of “negotiations” not pfrom the
formalistic perspective it chose to adopt, but from the realistic point pof

view we believe it should have taken, in keeping with its earlier jurisppru -
dence.
It should have asked itself whether, on the date the proceedings were
instituted, there was still a reasonable possibility of negotiating a septtle -
ment of the dispute between georgia and Russia over the application of

CERd, and — secondarily — if that were the case, whether such a pos -
sibility still exists now. We believe that the answer to the first questpion is
indisputably no — and that, therefore, there is no need to consider the
second. Nothing more is required to satisfy the requirements of Article 22
in this respect.

68. Reference must be had to georgia’s submissions to understand the
exact substance of the dispute submitted to the Court (which is manifesptly
merely one of a number of disputes between Russia and georgia, but the
only one, whether or not the most significant, for which it has sought
judicial settlement).
69. At the end of its memorial, filed on 2 September 2009, georgia

contended — and this is the essence of its claims :
“that the Russian Federation, through its State organs, State agents p

and other persons and entities exercising governmental authority, and
through the de facto governmental authorities in South Ossetia and
Abkhazia and militias operating in those areas, is responsible for vio-
lations of Articles 2 (1) (a), 2 (1) (b), 2 (1) (d), 3 and 5 of the 1965
Convention by the following actions: (i) the ethnic cleansing of geor-

gians in South Ossetia ; (ii) the frustration of the right of return of

96 convention sur la dispcrimination racialep (op. diss. comm.) 162

Cela lui permet de conclure que la géorgie n’a pas « tent[é] de négocier
avec la Fédération de Russie au sujet de questions touchant la Conpven -
tion » et que c’est pour cette raison que les deux parties n’ont pas
«entam[é] de négociations portant sur le respect par [la Russie] dep ses
obligations de fond au titre de la CIEdR » (arrêt, par. 182). Il n’y a donc
pas lieu, selon l’arrêt, de se demander si les négociations « ont échoué,

sont devenues inutiles ou ont abouti à une impasse », selon la formule du
paragraphe 159, puisqu’elles n’ont même pas été entamées — et ce, en
raison du comportement de la géorgie qui n’a pas cherché à résoudre le
différend par la négociation.
66. Selon nous, une telle conclusion — qui signifie que la géorgie n’a

pas, de son propre fait, épuisé les possibilités de règlement négocié avant
de soumettre à la Cour son différend avec la Russie — est complètement
irréaliste et heurte même la plus simple évidence. Car nul ne ppeut sérieu -
sement penser qu’il eût été raisonnable d’exiger de la géorgie qu’elle cher-
chât à régler son différend avec la Russie par des négopciations au-delà du

12 août 2008 ;il n’est pas réaliste de croire qu’il subsistait, à cette deprnière
date, la moindre chance d’un règlement négocié du difféprend tel qu’il a été
défini devant la Cour.
67. La Cour ne serait pas parvenue à une conclusion aussi éloignée p
de la réalité si elle avait posé la question des « négociations» non pas dans
les termes formalistes qu’elle a retenus, mais selon l’approche répaliste

qu’elle aurait dû à notre avis conserver dans la ligne de sa juprisprudence
antérieure.
Elle aurait dû se demander si, à la date de l’introduction de l’instance,
il existait encore une possibilité raisonnable de règlement négpocié du dif-
férend entre la géorgie et la Russie concernant l’application de la CIEdR,

et — subsidiairement —, dans l’affirmative, si une telle possibilité subsiste
à l’heure actuelle. Selon nous, la réponse à la première pquestion est claire-
ment négative — et il n’y a donc pas lieu d’examiner la seconde. Cela
suffit à répondre aux exigences de l’article 22 sur ce point.

68. Il faut se référer aux conclusions de la géorgie pour savoir exacte -
ment en quoi consiste le différend dont la Cour était saisie (et qui, à l’évi -
dence, n’est que l’un de ceux qui l’oppose à la Russie, maisp le seul, qu’il
soit ou non le plus important, dont elle ait cherché le règlement pjudi -
ciaire).
69. A la fin de son mémoire déposé le 2 septembre 2009, la géorgie

soutenait — et c’était là l’essentiel de ses prétentions :
«que la Fédération de Russie a, par l’intermédiaire de ses organes et

agents et d’autres personnes ou entités exerçant une autoritép gouver-
nementale, ainsi que par l’intermédiaire des autorités gouvernepmen-
tales de facto d’Ossétie du Sud et d’Abkhazie et des milices opérant
dans ces régions, violé les dispositions des alinéas a), b) et d) du
paragraphe 1 de l’article 2, de l’article 3 et de l’article 5 de la conven -

tion de 1965 par les actions suivantes : i) nettoyage ethnique à l’en -

96163 convention on racialp discrimination (joinpt diss. op.)

georgians to their homes in South Ossetia and Abkhazia ; and (iii)
the destruction of georgian culture and identity in South Ossetia and
Abkhazia” (quoted in paragraph 17 of the Judgment).

Accordingly, georgia asserted that the Russian Federation was “under
an obligation to cease all actions” outlined above ; that Russia should
“re-establish the situation that existed before its violations”, in partipcular
“by taking prompt and effective measures to secure the return of thpe

internally displaced georgians to their homes in South Ossetia and
Abkhazia”; and, finally, that Russia was under an obligation to provide
compensation for the damage caused by its violations of the 1965
Convention.
70. Although Russia has not presented a defence on the merits, we

know that it categorically rejects georgia’s accusations against it based
on CERd, in particular because it denies that the conduct of the provin -
cial authorities of South Ossetia and Abkhazia, and of the groups actingp
in those provinces, is attributable to it, and contends that it has alwapys
acted with a view to maintaining peace and facilitating the resolution opf

disputes between those provincial authorities and the georgian govern-
ment, and that, consequently, its international responsibility is not
engaged as a result of the actions of the authorities in question.

Such are the terms, and such is the precise subject, of the dispute
referred to the Court.

71. What is required is obviously not a decision ruling in any way
whatsoever on the validity of those arguments. Whether the accusations
made by georgia are entirely true, false, or somewhere in-between, has
no bearing on the Court’s jurisdiction to entertain them, nor in partpicular
on the question whether the requirement of a prior attempt at negotiatedp

settlement has or has not been satisfied.
72. On the other hand, due consideration must be given to the subject
of the dispute in making a realistic assessment of the prospects for respolu-
tion through diplomatic negotiation.
In a case such as this, concerning the kind of dispute which rarely giveps

rise to a reconciliation of positions, the applicant should not be expecpted
to make a formal offer to negotiate, or to suggest ways to a compromispe.
In our view, it is sufficient for the applicant clearly to make known tphe
existence and tenor of its claims against the other party, thereby enablping
the latter to express its position — in this connection, we dispute the stark
distinction made in paragraph 157 of the Judgment between “protests”

and attempts at “negotiation” — and for the other party to have made
known unequivocally that it categorically rejects the essence of the
asserted claims.
73. That is exactly what happened in this case.
Contrary to what is stated in the section of the Judgment relating to

Russia’s first preliminary objection, the dispute between the parties

97 convention sur la dispcrimination racialep (op. diss. comm.) 163

contre des géorgiens d’Ossétie du Sud; ii) déni du droit de retour des
géorgiens en Ossétie du Sud et en Abkhazie ; et iii) destruction de la
culture et de l’identité géorgiennes en Ossétie du Sud et enp Abkha -
zie» (cité au paragraphe 17 de l’arrêt).

En conséquence, la géorgie affirmait que la Fédération de Russie « a[vait]
l’obligation de mettre un terme à toutes les actions » précédentes ; que la
Russie devait « rétablir la situation qui prévalait avant la commission des
violations» en cause, notamment « en prenant sans tarder des mesures

efficaces pour faire en sorte que les géorgiens déplacés dans leur propre
pays puissent regagner leurs foyers en Ossétie du Sud et en Abkhazie »;
enfin, que la Russie avait l’obligation de réparer le préjudicep causé par ses
violations de la convention de 1965.
70. Bien que la Russie n’ait pas présenté de défense au fond, nopus

savons qu’elle conteste catégoriquement les accusations articulépes contre
elle par la géorgie sur le fondement de la CIEdR, notamment parce
qu’elle nie que le comportement des autorités provinciales d’Ospsétie du
Sud et d’Abkhazie, ainsi que des groupes qui agissent dans ces provinpces,
lui soit imputable, qu’elle affirme avoir toujours agi en vue de maipntenir
la paix et de faciliter la résolution des différends entre ces autorités pro
-
vinciales et le gouvernement géorgien, et que, en conséquence, sa respon-
sabilité internationale n’est aucunement engagée du fait des acptions
accomplies par les autorités en cause.
Tels sont les termes, tel est précisément l’objet, du difféprend dont la
Cour a été saisie.

71. Il ne s’agit évidemment pas de se prononcer si peu que ce soit surp le
bien-fondé des thèses en présence. Que les accusations formulées par la
géorgie soient entièrement fondées, qu’elles ne le soient pas du tout ou que
la vérité soit entre les deux, est sans aucune incidence sur la compétence de
la Cour pour en connaître, et notamment sur la question de savoir si pla

condition de tentative préalable de règlement négocié est repmplie ou non.
72. En revanche, il y a lieu de tenir dûment compte de l’objet du diffpé-
rend pour porter une appréciation réaliste sur les chances de son règle -
ment éventuel par la voie de la négociation diplomatique.
dans une hypothèse telle que celle de l’espèce, qui concerne un pdifférend

du genre de ceux qui ne donnent guère prise au rapprochement des poinpts
de vue, on ne saurait attendre du demandeur qu’il fasse une offre fpormelle
de négociation ou suggère les voies d’une solution de compromisp. Il suffit,
selon nous, qu’il fasse clairement connaître l’existence et le sens de ses
griefs à l’autre partie, la mettant ainsi à même de se prononcer — dans
cette mesure, nous récusons la distinction tranchée que fait l’parrêt en son

paragraphe 157 entre « protestation» et tentative de « négociation» —, et
que la partie ainsi mise en cause ait fait savoir sans équivoque qu’pelle
rejette catégoriquement, dans leur essence même, les griefs ainsi pformulés.
73. C’est exactement ce qui s’est produit en l’espèce.
Contrairement à ce qu’affirme l’arrêt dans sa partie relatipve à la pre -

mière exception préliminaire de la Russie, le différend entrep les parties

97164 convention on racialp discrimination (joinpt diss. op.)

did not first appear three days before the seisin of the Court, i.e., on
9 August 2008.
georgia had long accused Russia of being responsible, by action or
omission, for the ethnic cleansing it alleges was committed against geor-
gian citizens in Abkhazia and South Ossetia.
74. We can go at least as far back as the exchange of letters between

president Saakashvili, of georgia, and president putin, of the Russian
Federation, in July and August 2004. In his letter, the georgian president
plainly called into question the “impartiality of Russian peacekeepinpg
forces” when carrying out their mission, in connection with armed attpacks
carried out by illegal units acting under the auspices of the de facto
authorities of South Ossetia against villages with populations of geor -

gian origin. In his response, president putin used the term “regrettable”
to describe what he called “[t]he propaganda launched by Tbilisi[,] tphe
main target of which in the beginning was the Russian peacekeeping
Force and then Russia itself” (documents annexed to georgia’s memo -
rial, vol. v, Anns. 309 and 310).

75. At a meeting held by the United Nations Security Council on
26 January 2006, georgia’s accusations against Russia were made yet
more explicit and more precise. georgia’s representative, the Special
Envoy of the president of georgia, criticized Russia for having “decided
to disassociate itself from supporting the basic principle . . . of territorial
integrity of georgia within its internationally recognized borders”, add -

ing that : “[r]enouncement of the principle of determining the status of
Abkhazia within the State of georgia does mean . . . endorsement of
ethnic cleansing of more than 300,000 citizens of georgia” (this statement
is quoted in paragraph 84 of the Judgment).
76. On 24 July 2006, the permanent Representative of georgia trans -
mitted to the Security Council the text of a resolution adopted by the

georgian parliament on the 18th of that month ; in it the parliament
challenged the actions of Russian peacekeeping forces in the following
terms :

“Instead of demilitarization, the drastic increase of military poten -
tial of those armed forces [militia forces taking action against citizens
of georgian origin] under subordination of de facto authorities of
Abkhazia and the former Autonomous district of South Ossetia . . .,
permanent attempts to legalize the results of ethnic cleansing the fact p

of which had been repeatedly recognized by the international com -
munity, massive violation of fundamental human rights . . . — this is
a reality brought about as a result of peacekeeping operations.” (Quoted
in paragraph 86 of the Judgment ; our emphasis.)

77. Reacting to that document, the permanent Representative of
Russia to the United Nations by letter of 19 July 2006 transmitted to the
Secretary-general a statement of the same date from his country’s minis -

try of Foreign Affairs, in which it is stated :

98 convention sur la dispcrimination racialep (op. diss. comm.) 164

n’est pas apparu pour la première fois trois jours avant la saisinpe de la
Cour, soit le 9 août 2008.
La géorgie a reproché de longue date à la Russie d’être respopnsable,
par action ou omission, du nettoyage ethnique commis, selon elle, à lp’en-
contre de citoyens géorgiens en Abkhazie et en Ossétie du Sud.
74. On peut au moins remonter à l’échange de lettres entre les prépsi -

dents Saakachvili, de la géorgie, et poutine, de la Fédération de Russie,
de juillet et août 2004. dans sa lettre, le président géorgien mettait expli -
citement en doute l’«impartialité des forces russes de maintien de la paix »
dans l’exercice de leur mission, et ce à propos des attaques armépes
conduites par des unités illégales agissant sous l’égide desp autorités de fait
d’Ossétie du Sud contre des villages habités par une population d’origine

géorgienne. dans sa réponse, le président poutine a qualifié de « regret-
table » ce qu’il a appelé « la propagande lancée par Tbilissi, dont la cible
principale était initialement la force russe de maintien de la paix ept ensuite
la Russie elle-même » (documents produits en annexe du mémoire de la
géorgie, vol. v, annexes 309 et 310).

75. Lors de la séance tenue par le Conseil de sécurité des Nations Unies
le 26 janvier 2006, les accusations de la géorgie à l’encontre de la Russie
se sont faites plus explicites encore et plus précises. Le représepntant de la
géorgie, envoyé spécial du président de cet Etat, a reprochép à la Russie
d’avoir «décidé de cesser de soutenir le principe fondamental … de l’inté -
grité territoriale de la géorgie à l’intérieur de ses frontières internationale-

ment reconnues», ajoutant que: «[r]enoncer au principe de la détermination
du statut de l’Abkhazie au sein de la géorgie équivaut bel et bien … à
cautionner le nettoyage ethnique de plus de trois cent mille citoyens gépor -
giens» (cette déclaration est citée au paragraphe 84 de l’arrêt).
76. Le 24 juillet 2006, le représentant permanent de la géorgie a trans -
mis au Conseil de sécurité le texte d’une résolution adoptépe par le parle -

ment géorgien le 18 du même mois, et dans laquelle cette assemblée
mettait en cause l’action de forces russes de maintien de la paix danps les
termes suivants :

«Au lieu d’être démilitarisées, ces forces armées [il s’pagit des milices
agissant contre les citoyens d’origine géorgienne], subordonnées de
fait aux autorités d’Abkhazie et de l’ancien district autonome p
d’Ossétie du Sud, ont augmenté considérablement leur potentipel mil-i
taire … on constate des tentatives permanentes de chercher à légali -

ser les résultats du nettoyage ethnique reconnu comme tel à plusiepurs
reprises par la communauté internationale, et on assiste à des viopla -
tions massives des droits de l’homme fondamentaux… Tel est le
résultat des opérations de maintien de la paix.» (Cité au paragraphe 86
de l’arrêt; les italiques sont de nous.)

77. Réagissant à ce document, le représentant permanent de la Russipe
aux Nations Unies, dans une lettre du 19 juillet 2006, transmettait au
Secrétaire général une déclaration du même jour du ministère des affpaires

étrangères de son pays, dans laquelle on peut lire ce qui suit :

98165 convention on racialp discrimination (joinpt diss. op.)

“during the discussion of the draft decision [the draft resolution of
the georgian parliament], some deputies went so far as to say that,
unless those conditions were accepted, the Russian peacekeepers
would be declared unlawful and treated as occupying forces. The deci -
sion falsely claims that the actions of the Russian peacekeepers in
Abkhazia and South Ossetia present one of the main obstacles to

peaceful settlement of the conflicts.

The Russian Federation regards the decision as a provocative
step . . . The accusations that the decision makes against the Russian
Federation constitute a disgraceful attempt to shift the blame to
others.” (documents annexed to georgia’s Written Statement,

vol. III, Ann. 81.)
78. Several other statements from official georgian representatives,
made between 2006 and 2008 and accusing Russia of complicity in ethnic

cleansing, are cited in the section of the Judgment dealing with the firpst
preliminary objection.
One illustration is a statement made by georgia’s permanent Repre -
sentative to the United Nations at a press conference held on 3 Octo -
ber 2006, according to which :

“It is crystal clear, that the Russian peacekeeping force is not an
impartial, nor international [contingent]. It failed to carry out the
main responsibilities spelled out in its mandate — create [a] favorable
security environment for the return of ethnically cleansed hundreds

of thousands of georgian citizens. It became the force that works to
artificially alienate the sides from one another.” (Judgment, para. 92.)

Another illustration is an address made by the president of georgia to the
United Nations general Assembly on 26 September 2007, in which he
stated: “The story of Abkhazia . . . is . . . one of the more abhorrent, hor -
rible and yet forgotten ethnic cleansings of the twentieth century. In tphe time
since Russian peacekeepers were deployed there, more than 2,000 georgians
have perished and a climate of fear has persisted.” (Ibid., para. 94.)

Similarly, a statement made in december 2006 by the georgian minis -
ter for Foreign Affairs expressly accuses Russia of offering “an open sup -
port and armaments to the separatist régimes widely known to have
conducted an ethnic cleansing of georgians” (this statement is mentioned
in paragraph 93); a press release from the same ministry, on 19 April 2008,

refers to the “de facto annexation of georgia’s integral parts . . . and
neglect of human rights of an absolute majority of the regions’ populpa -
tion — victims of ethnic cleansing” (ibid., para. 97); and yet another press
release from that ministry, dated 17 July 2008, claims that moscow’s true
design is “to legalize results of the ethnic cleansing . . . conducted through
Russian citizens” (ibid., para. 104).

99 convention sur la dispcrimination racialep (op. diss. comm.) 165

«durant l’examen du projet de décision [il s’agit du projet de répso -
lution du parlement géorgien], certains députés ont déclaré que, danps
le cas où les mesures susmentionnées ne seraient pas suivies d’peffets,
les contingents de paix russes devraient être déclarés hors la ploi et
considérés comme des troupes d’occupation. Le texte de la dépcision

affirme à tort que les activités de ces contingents en Abkhazie ept en
Ossétie du Sud constituent l’un des principaux obstacles au règple -
ment pacifique des conflits.
La Fédération de Russie considère cette décision comme une pro -
vocation… Les accusations qu’elle comporte à l’encontre de lpa Rus-

sie traduisent une manœuvre indigne ayant pour but de rejeter la
faute sur autrui. » (documents produits en annexe aux observations
écrites de la géorgie, vol. III, annexe 81.)

78. plusieurs autres déclarations émanant de représentants officielps de
la géorgie, faites entre 2006 et 2008, et accusant la Russie de complicité
dans le nettoyage ethnique, sont citées dans la partie de l’arrêt qui répond
à la première exception préliminaire.
Il en va ainsi de la déclaration du représentant permanent de la géor -
gie aux Nations Unies, faite lors d’une conférence de presse tenue le

3 octobre 2006, et aux termes de laquelle :
«Il est tout à fait clair que la force russe de maintien de la paix

n’est ni impartiale, ni internationale. Elle s’est montrée incappable de
mener à bien les principales tâches définies dans son mandat — créer
des conditions de sécurité favorables au retour de centaines de mil -
liers de ressortissants géorgiens victimes du nettoyage ethnique. Ellpe
est devenue la force qui s’emploie à dresser artificiellement les pparties
les unes contre les autres. » (Arrêt, par. 92.)

Il en va de même de l’allocution prononcée par le président de la
géorgie devant l’Assemblée générale des Nations Unies le 26 sep -
tembre 2007, aux termes de laquelle : « L’histoire de l’Abkhazie … consti-
e
tue l’un des nettoyages ethniques les plus terrifiants du xx siècle, et
pourtant oublié. depuis que les soldats de la paix russes ont été déployés,
plus de 2000 géorgiens ont péri, et c’est un climat de peur qui y règne. »
(Ibid., par. 94.)
de même, une déclaration faite en décembre 2006 par le ministère géor -

gien des affaires étrangères accuse explicitement la Russie de fpournir «un
soutien sans restriction et des armements aux régimes séparatistesp dont il est
de notoriété publique qu’ils ont procédé à un nettoyagpe ethnique des géor -
giens »(mentionnée au paragraphe93 de l’arrêt) ;un communiqué de presse,
émanant du même ministère le 19 avril 2008, mentionnel« ’annexionde facto

de régions … qui font partie intégrante de la géorgie et le mépris des droits
de l’homme d’une grande majorité de la population de ces régpions, victimes
d’un nettoyage ethnique »(ibid., par. 97) ; ou encore un communiqué de
presse du même ministère, du 17 juillet 2008, prétend que la véritable inten -
tion de moscou est de « consacrer juridiquement les conséquences du net-
toyage ethnique perpétré par des citoyens russes »(ibid., par. 104).

99166 convention on racialp discrimination (joinpt diss. op.)

79. Those various documents and statements are not disregarded by
the Judgment. They are considered in the section relating to the first ppre-
liminary objection, with a view to establishing whether a dispute existepd
between the parties and, if so, from what date. Each one is dismissed as
immaterial for the purposes of the case on one of the following grounds :
although the document or statement in question makes charges against

Russia, those charges do not relate to conduct falling ratione materiae
under CERd ; although the document alleges the commission of acts of
ethnic discrimination, Russia is not expressly accused of them ; or the
claims relate to acts of ethnic cleansing committed in the early 1990s, p
before CERd entered into force between the parties.

80. despite the insistence with which the Court rejects each of those
documents, we do not think that its reasoning withstands careful scru -
tiny.
It is true that the statements and documents in question do not make
explicit reference to CERd. However, it is accepted, in reliance on the

Court’s jurisprudence, in the Judgment that “[c]oncerning the subsptance
of negotiations, . . . the absence of an express reference to the treaty in
question does not bar the invocation of the compromissory clause” (Jpudg -
ment, para. 161). Therefore, it is simply a question of establishing whether
the documents in question refer in substance to racial discrimination orp,
more generally, to questions capable of being covered ratione materiae

by CERd. In this respect, it is surprising to see the Court dismiss the
numerous statements in which the georgian authorities, well before
9 August 2008, accused Russia of encouraging ethnic cleansing or
attempting to “legalize” the results of ethnic cleansing, on the grounds
that those statements are unrelated to CERd, or that they do not contain
any allegations of racial discrimination aimed at Russia.

81. Of particular significance in this respect is the way two statements
from the georgian ministry of Foreign Affairs are treated in the Judgment.

The first is that of 22 december 2006, which, as stated above, accuses
Russia of offering “an open support and armaments to the separatist
régimes widely known to have conducted an ethnic cleansing of geor -

gians”. Without quoting it, the Judgment refers to that statement (ibid.,
para. 93), but immediately states that, in the Court’s opinion, it refers pto
events which took place in the early 1990s, thus prior to georgia’s acces -
sion to CERd. However, there is nothing in the statement from which it
may be concluded that the conduct complained of, i.e., Russia’s allegped

support of authorities carrying out acts of ethnic cleansing, occurred
before 1999. That is simply a consequence of the Court’s very liberalp
interpretation.

The second statement is that of 17 July 2008, in the form of a press
release, whereby the georgian ministry of Foreign Affairs asserted that

moscow’s true design was to “to legalize results of the ethnic cleapnsing

100 convention sur la dispcrimination racialep (op. diss. comm.) 166

79. Ces différents documents et déclarations ne sont pas ignorés ppar
l’arrêt. Celui-ci les examine dans sa partie relative à la première exception
préliminaire, c’est-à-dire en vue de rechercher si, et dans l’affirmative à
partir de quelle date, il existait un différend entre les parties. Chacun
d’entre eux est écarté comme dépourvu de pertinence pour lesp besoins de
l’affaire, au motif que le document ou la déclaration en cause apccuse la

Russie, mais sans que cette accusation soit relative à un comportement
entrant, ratione materiae, dans le champ de la CIEdR, ou au motif que le
document en cause allègue bien des actes de discrimination ethnique, pmais
sans en accuser expressément la Russie, ou encore que les griefs exprpimés
se rapportent à des actes de nettoyage ethnique commis au début deps
années 1990, soit avant l’entrée en vigueur de la CIEdR entre les parties.

80. malgré l’insistance que met la Cour à écarter chacun de ces dpocu -
ments, son analyse, selon nous, ne résiste guère à un examen séprieux.

Les déclarations et documents en cause ne comportent certes aucune
référence explicite à la CIEdR. mais l’arrêt admet, en se référant à la

jurisprudence antérieure de la Cour, que, « [s]’agissant du fond des négo -
ciations … l’absence de référence expresse à l’instrument pertipnent n’in -
terdi[t] pas d’en invoquer la clause compromissoire» (arrêt, par. 161). dès
lors, la question est seulement de savoir si les documents en cause se
réfèrent en substance à la discrimination raciale ou, plus généralement, à
des questions susceptibles d’entrer dans le champ ratione materiae de la

CIEdR. A cet égard, on ne peut qu’être étonné de voir la Cour écarter,
comme dépourvues de lien avec la CIEdR ou ne contenant aucune allé -
gation de discrimination raciale visant la Russie, les nombreuses décplara-
tions par lesquelles les autorités géorgiennes ont accusé la Rupssie, bien
avant le 9 août 2008, de favoriser le nettoyage ethnique, ou de chercher à
en «légaliser» les conséquences.

81. particulièrement significatif, à cet égard, est le traitement qupe l’ar -
rêt réserve à deux déclarations émanant du ministère gpéorgien des affaires
étrangères.
La première est celle du 22 décembre 2006 qui, comme il a été dit plus
haut, accuse la Russie de fournir « un soutien sans restriction et des arme -
ments aux régimes séparatistes dont il est de notoriété publique qu’ils ont

procédé à un nettoyage ethnique des géorgiens ». Sans la citer, l’arrêt
mentionne cette déclaration (ibid., par. 93), mais pour ajouter aussitôt
que, selon la Cour, elle se réfère aux événements qui se sonpt déroulés au
début des années 1990, donc à une date antérieure à l’adhésion de la
géorgie à la CIEdR. pourtant, rien dans la déclaration en cause ne per -

met de considérer que les comportements incriminés, à savoir l’paide allé -
guée de la Russie à des autorités qui se sont livrées à des actes de nettoyage
ethnique, seraient antérieurs à 1999. Cela ne résulte que de la très libre
interprétation qu’en fait la Cour.
La seconde déclaration est celle du 17 juillet 2008, sous forme de com -
muniqué de presse, par laquelle le même ministère des affaireps étrangères

affirmait que le véritable objectif de moscou était de « consacrer juridi -

100167 convention on racialp discrimination (joinpt diss. op.)

instigated by itself and conducted through Russian citizens in order to p
make easier annexation of the integral part of georgia’s internationally
recognized territory”.

Unlike the earlier statement, this one is quoted in the Judgment
(para. 104). However, it is subject to a surprising interpretation by the

Court, according to which : “the reference to ethnic cleansing may . . . be
read as relating to the events of the early 1990s”, and “the principal theme
of the press release . . . is . . . the concern of georgia in relation to the
status of . . . [its] territorial integrity”, so that, ultimately, that statement
“raised the issue of the proper fulfilment of the mandate of the . . . peace -
keeping force, and not the Russian Federation’s compliance with its obli -

gations under CERd”.
Once again, we are struck by the Court’s very loose treatment of the p
text that it is called upon to explain. There is nothing in the statement in
question to justify limiting its subject to events which took place in tphe
early 1990s. Supposing that the allegation of “ethnic cleansing” dpid relate

to acts committed over 15 years before the statement was made — and
there is no evidence to back up a firm conclusion to this effect — it is in
any case indisputable that the charge of attempting “to legalize results of
the ethnic cleansing” could only refer to Russia’s (alleged) conpduct at the
very time when the statement was made. moreover, the fact that the
statement questions Russia’s fulfilment of the mandate of the peacekepep -

ing forces in no way precludes it from also addressing in substance the p
breach of obligations under CERd, and it clearly does so when it refers
to the goal of “legaliz[ing] results of the ethnic cleansing instigatped by
itself and conducted through Russian citizens”.

82. Faced with these repeated accusations, Russia has maintained an

immutable position. It has always denied any responsibility for acts of p
ethnic cleansing, and has asserted that its armed forces acted with impapr -
tiality, as peacekeeping forces, in the interest of maintaining peace anpd
security in the region. If there were any acts of ethnic cleansing and racial
discrimination, they were carried out by the local authorities and certapin
groups in South Ossetia and Abkhazia, not by persons acting on behalf

of the Russian Federation. The conflict in this respect is between georgia
and the two provinces, not georgia and Russia.

83. That unwavering stance was amply confirmed by the oral state -
ments of Russia’s representatives before the Court. By denying the expis -

tence of a dispute between itself and georgia concerning the interpretation
or application of CERd, Russia sought in particular to stress that the
acts of ethnic cleansing and racial discrimination, were they committed,p
had been carried out by individuals whose conduct was not attributable
to it, whether directly or indirectly. This shows that Russia firmly rejpects,
and has always firmly rejected, georgia’s accusations.

101 convention sur la dispcrimination racialep (op. diss. comm.) 167

quement les conséquences du nettoyage ethnique perpétré par desp citoyens
russes à l’instigation de leur gouvernement afin de faciliter l’pannexion
d’une partie intégrante du territoire internationalement reconnu dpe la
géorgie ».
A la différence de la précédente, cette déclaration est bepl et bien repro-
duite dans l’arrêt (par. 104). mais la Cour en fait ensuite une lecture éton-

nante. Selon elle, « la référence au nettoyage ethnique peut … être
considérée comme ayant trait aux événements du début des pannées 1990,»
par ailleurs «le thème principal [de la déclaration] était la préoccupatiopn de
la géorgie à propos … de [son] intégrité territoriale », de telle sorte que, en
définitive, ladite déclaration « soulevait … la question de la bonne exécu -
tion du mandat de la force de maintien de la paix … et non celle du respect

par la Fédération de Russie de ses obligations au titre de la CIEdR ».
Là encore, on est frappé par la grande liberté que prend la Cour avec le
texte qu’elle est supposée commenter. Rien dans la déclaration pen cause
ne permet de limiter son objet à des événements survenus au débput des
années 1990. A supposer que l’allégation de «nettoyage ethnique »se réfère

à des faits commis plus de quinze ans avant la déclaration — ce que rien ne
permet d’affirmer avec certitude —,il est certain, en tout cas, que l’accusa -
tion de chercher à «consacrer juridiquement les conséquences du nettoyage
ethnique »ne peut se référer qu’au comportement (allégué) de la pRussie au
moment même où la déclaration est faite. En outre, le fait que la même
déclaration mette en cause la bonne exécution par la Russie du manpdat de

la force de maintien de la paix, ce qui est exact, n’empêche nullepment qu’elle
puisse se rapporter aussi, en substance, au non-respect d’obligationsp résul -
tant de la CIEdR, et c’est clairement le cas lorsqu’elle mentionne une vo -
l onté de «consacrer juridiquement les conséquences du nettoyage ethnique
perpétré par des citoyens russes à l’instigation de leur goupvernemen.t »
82. Face à ces accusations répétées, la position de la Russie n’pa jamais

varié. Elle a toujours consisté à nier toute responsabilité dans des actes de
nettoyage ethnique, et à affirmer que ses forces armées se comporptaient de
manière impartiale, en tant que forces d’interposition, dans l’pintérêt du
maintien de la paix et de la sécurité dans la région. S’il yp a eu des compor -
tements relevant du nettoyage ethnique et de la discrimination raciale, pils
ont été le fait des autorités locales et de certains groupes enp Ossétie du

Sud et en Abkhazie, et non de personnes agissant pour le compte de la
Fédération de Russie. Le conflit, à cet égard, oppose la géorgie aux deux
provinces en question, non la géorgie à la Russie.
83. Cette position constante a été largement confirmée par les plaipdoi -
ries devant la Cour des représentants de la Russie. En niant l’exipstence

d’un différend entre elle-même et la géorgie relativement à l’interpréta -
tion ou à l’application de la CIEdR, la Russie a surtout entendu souli -
gner que les actes de nettoyage ethnique et de discrimination raciale, ppour
autant qu’il en ait été commis, ont été le fait de personpnes dont la conduite
ne lui était en rien attribuable, pas plus directement qu’indirectement.
Cela démontre que la Russie rejette radicalement, et a toujours ainsip

rejeté, les accusations formulées par la géorgie.

101168 convention on racialp discrimination (joinpt diss. op.)

84. Accordingly, our conclusion is simple : on the date the Application
was filed, it was clearly established that there was no reasonable possipbi -
lity of a negotiated settlement of the dispute as it was presented to thpe
Court, and the condition in Article 22, if one exists, had been met.
85. Before concluding, we feel it necessary to reiterate that our analysis
does not imply any position on the merits. At this stage, the question fpor

the Court was not whether georgia’s grievances were valid, or whether
Russia was justified in simply rejecting them, as it has done so categorpi -
cally. It may be that georgia’s allegations against the Russian Federation
are completely unfounded ; it may therefore be that Russia is right in dis -
missing them wholesale and refusing to enter into negotiations over artip-
ficial claims which, in its opinion, do not warrant negotiations. But thpat

involves the merits of the case. Justified or not, Russia’s dismissalp of
georgia’s accusations created the necessary conditions for the Court tpo
be able to entertain the dispute. To recall the Judgment in the South West
Africa cases (see paragraph 61 above), “[s]o long as both sides remain
adamant, . . . there is no reason to think that the dispute can be settled

by . . . negotiations between the parties” (South West Africa (Ethiopia v.
South Africa; Liberia v. South Africa), Preliminary Objections, Judgment,
I.C.J. Reports 1962, p. 346).

general Conclusion

86. By means of this Judgment, the Court declares that it has no juris -
diction to adjudicate a case in which, less than three years ago, it ordpered
the parties to comply with a number of provisional measures, after find -

ing prima facie that it had jurisdiction to entertain the dispute. Of course,
after full argument on jurisdiction, the Court is perfectly entitled to preach
a different conclusion from the one it reached prima facie, based on the
more limited arguments of the parties, at the provisional measures stagep.
However, it is nonetheless regrettable whenever the Court renders a decip -
sion that is legally binding on the parties and, ultimately, it finds thpat it

does not have jurisdiction to entertain the case ; therefore, the Court may
legitimately be expected to avoid placing itself in that awkward positiopn
except where, after the proceedings on the preliminary objections, it
uncovers sound reasons, previously not taken into account, compelling it
to decline jurisdiction. The least that can be said is that the Judgmentp has

not convincingly shown the Court to have been in such a situation ; far
from it.

In addition, this is the first time that the Court has declined jurisdiction
solely on the ground that the applicant, before coming to the Court, didp
not undertake sufficient efforts to resolve the dispute by means of npego -

tiation with the respondent. Hitherto, in a wide range of cases involvinpg

102 convention sur la dispcrimination racialep (op. diss. comm.) 168

84. dans ces conditions, notre conclusion est simple : à la date d’intro-
duction de la requête, il était clairement établi qu’il n’pexistait aucune pos-
sibilité raisonnable de règlement négocié du différend ptel que présenté à la
Cour, et la condition exigée par l’article 22, si c’en est une, était remplie.
85. Avant de conclure, nous croyons devoir encore insister sur le fait
que notre analyse n’implique aucune prise de position sur le fond. Aup

stade actuel, la question n’était pas pour la Cour de décider spi les griefs de
la géorgie sont fondés ou non, et si la Russie a raison de les rejeterp pure -
ment et simplement, comme elle le fait, de manière catégorique. Ilp se peut
que les reproches adressés par la géorgie à la Fédération de Russie soient
totalement infondés; il se peut donc que la Russie ait raison de les rejeter
en bloc, et de refuser d’entrer dans une négociation portant sur des griefs

artificiels sur lesquels, de son point de vue, il n’y a pas lieu de npégocier.
mais cela concerne le fond de l’affaire. Justifiée ou non, la finp de non-
recevoir opposée par la Russie aux accusations de la géorgie créait les
conditions nécessaires pour que la Cour puisse connaître du diffpérend.
pour paraphraser l’arrêt rendu en l’affaire du Sud-Ouest africain (voir

paragraphe 61 ci-dessus), «[t]ant que l’on demeure inébranlable de part et
d’autre … il n’y a aucune raison qui permette de penser que le différpend
soit susceptible d’être réglé par de[s] … négociations entre les parties »
(Sud-Ouest africain (Ethiopie c. Afrique du Sud ; Libéria c. Afrique du
Sud), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1962, p. 346).

Conclusion générale

86. par l’arrêt qu’elle rend, la Cour se déclare incompétente ppour
connaître d’une affaire dans laquelle elle a, il y a moins de trois ans,
ordonné aux parties de se conformer à certaines mesures à titre conserva -

toire, après avoir estimé qu’elle avait, prima facie, compétence pour
connaître du différend. Elle a certes parfaitement le droit de pparvenir,
après un débat approfondi sur la compétence, à une conclusion différente
de celle à laquelle elle était parvenue prima facie au stade des mesures
conservatoires, au terme d’un débat nécessairement plus sommairpe. mais,
comme il est néanmoins toujours fâcheux que la Cour ait rendu une pdéci -

sion juridiquement contraignante pour les parties dans une affaire donpt
elle constate, in fine, qu’elle n’a pas compétence pour en connaître, on
pourrait légitimement s’attendre à ce qu’elle ne se place dapns cette position
inconfortable que lorsqu’elle découvre, à la suite du débat psur les excep -
tions préliminaires, de solides raisons qui lui avaient échappép dans un pr-e

mier temps, la contraignant à décliner sa compétence. Le moins pque l’on
puisse dire, c’est que l’arrêt ne démontre pas de façon cponvaincante que la
Cour se trouvait dans une telle situation, il s’en faut de beaucoup.
de même, la Cour décline pour la première fois sa compétence pour la
seule raison que le demandeur n’a pas suffisamment tenté de régler lpe
différend par la voie de négociations avec le défendeur avantp de venir

devant le juge. Elle avait presque toujours rejeté auparavant une telle

102169 convention on racialp discrimination (joinpt diss. op.)

factual circumstances different from one to the next, the Court has alpmost
always rejected such an objection, and has never upheld such an objectiopn
on its own. given the subject of this dispute and the circumstances of the
case, it is difficult to understand why the Court has found this to be pthe
occasion to be so exacting. In reality, the explanation is that the Court
has not applied its usual criteria in this instance.

87. We believe that the second preliminary objection should have been
rejected like the first. Further, Russia abandoned its third objection (pthe
objection to the Court’s jurisdiction ratione loci) as a preliminary objec -
tion during the oral proceedings, recognizing itself that the objection pwas
not of an exclusively preliminary character and did not, therefore, needp to
be considered at that stage. Finally, the fourth preliminary objection (pthe

objection to the Court’s jurisdiction ratione temporis) was actually of no
practical significance, since the Applicant’s claims related to eventps occur
ring after 2 July 1999, when CERd entered into force between the par -
ties.
88. That is why, in our view, the Court should have affirmed its juris -

diction to entertain the case, and we regret that it decided to do other -
wise.

(Signed) Hisashi Owada.

(Signed) Bruno Simma.
(Signed) Ronny Abraham.

(Signed) Joan donoghue.
(Signed) giorgio gaja.

103 convention sur la dispcrimination racialep (op. diss. comm.) 169

exception, et ne l’avait jamais accueillie seule, dans des affaires très diffé -
rentes les unes des autres quant aux circonstances de fait. Eu égard pà
l’objet de ce différend et aux circonstances de l’espèce, il est bien difficile
de comprendre comment la Cour a pu trouver dans la présente affairep
l’occasion appropriée de faire preuve d’une semblable rigueur. pEn réalité,
l’explication est qu’elle n’a pas appliqué ici ses critèrpes habituels.

87. Nous sommes d’avis que la deuxième exception préliminaire aurait
dû être rejetée tout comme la première. par ailleurs, la Russie n’a pas
maintenu lors de la procédure orale sa troisième exception (excepption
d’incompétence ratione loci) en tant qu’exception préliminaire, puisqu’elle
a elle-même soutenu qu’elle ne présentait pas un caractère exclusivpement
préliminaire et n’avait donc pas à être examinée à ce pstade. Enfin, la qua

trième exception préliminaire (exception d’incompétence ratione temporis)
était en réalité dépourvue d’objet, les griefs articuléps par la demanderesse
étant relatifs à des faits survenus après le 2 juillet 1999, date d’entrée en
vigueur de la CIEdR entre les parties.
88. C’est pourquoi, à notre avis, la Cour aurait dû affirmer sa compé -

tence pour connaître de l’affaire, et nous regrettons qu’ellep en ait décidé
autrement.

(Signé) Hisashi Owada.

(Signé) Bruno Simma.
(Signé) Ronny Abraham.

(Signé) Joan donoghue.
(Signé) giorgio gaja.

103

Document file FR
Document Long Title

Opinion dissidente commune de M. le juge Owada, président, et de MM. les juges Simma, Abraham, MM le juge Donoghue et M. le juge ad hoc Gaja

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