Déclaration de M. le juge ad hoc Verhoeven

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116-20051219-JUD-01-07-EN
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DÉCLARATION DE M. LE JUGE AD HOC VERHOEVEN
Jugement « déclaratoire » : légalité, limites — Jugement « déclaratoire
» : ordonnance en indication de mesures conservatoires, obligation de cessation,
assurances et garanties de non-répétition — Illégalité du recours à la
force : conséquences.
1. Ainsi que le manifestent les votes exprimés sur les diverses composantes
du dispositif de l’arrêt, je partage substantiellement les conclusions
de la Cour. Dans une affaire complexe, où les faits sont parfois difficiles
à établir avec certitude, on comprend néanmoins sans peine que certains
motifs puissent susciter quelque hésitation, ou du moins qu’on eût pu sur
certains points préférer une motivation sensiblement différente. Il n’y a
pas lieu de s’y attarder. Il suffit que sur le dispositif et sur les motifs
essentiels qui le sous-tendent, il n’y ait aucun désaccord. Cela n’empêche
qu’il ne me paraisse pas inutile d’apporter quelques précisions sur l’une
ou l’autre questions qui, sans être très explicitement abordées dans l’arrêt,
n’en sont pas à ce point éloignées qu’il serait inopportun de les évoquer
dans la présente déclaration, même brièvement.
2. La première concerne la nature dite «déclaratoire» d’une décision
qui a plus d’une fois été soulignée par le demandeur, lequel lui a conféré
ailleurs un caractère «de principe ». Ces qualificatifs ne sont pas en soi
très éclairants, tant les mots qui les véhiculent ont reçu des significations
multiples. Substantiellement, la demande principale se comprend néanmoins
sans peine. Elle a pour objet la mise en cause de la responsabilité
du défendeur pour les utilisations illicites de la force qui lui sont imputables,
étant entendu que le constat de la violation du droit y est dissocié
de la réparation des dommages qui en résultent ; ce n’est qu’à un stade
ultérieur de la procédure que, l’illégalité constatée, la Cour est en effet
appelée à statuer sur les formes et l’étendue de cette réparation si les
Parties ne parviennent pas à se mettre d’accord sur ce point. Il n’est pas
sûr que le terme «déclaratoire» — qui n’est pas utilisé dans l’arrêt —
rende utilement compte de cette dissociation. Sur le fond, la légalité
de celle-ci ne prête cependant pas à doutes. Elle ressort par exemple
clairement de l’arrêt rendu par la Cour dans l’affaire des Activités militaires
et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c.
Etats-Unis d’Amérique) (fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 149,
sous-paragraphe 15)), même si, pour des raisons qui ne sont pas autrement
précisées, elle n’a pas fait droit à la demande d’indemnité provisionnelle
qui lui avait alors été présentée (ibid., p. 143, par. 285). En
l’espèce, le défendeur est d’ailleurs mal placé pour en contester radicale-
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ment le bien-fondé puisque ses demandes reconventionnelles sont
présentées dans les mêmes conditions.
Dans une communauté internationale où les solutions négociées sont,
plus qu’ailleurs, préférables à celles qui sont imposées par un tiers, fût-il
indépendant et impartial, on conçoit que la Cour n’hésite guère à se
contenter de statuer, en un premier temps, sur la légalité «de principe»
des actes ou des comportements qui sont dénoncés devant elle. Cela ne
signifie toutefois pas que les Parties peuvent ne faire de l’institution judiciaire
que l’usage qui leur plaît. Il est vrai qu’elles ne sont pas tenues d’y
avoir recours. Il demeure que si elles s’y soumettent, elles ne peuvent en
méconnaître les traits fondamentaux. L’espèce présente permet à cet égard
d’entrevoir les limites — ou du moins certaines d’entre elles — qui s’imposent
aux Parties lorsqu’elles entendent ainsi dissocier le principe d’une
condamnation de ses implications concrètes. Que la Cour ne se prononce
pas sur ce point ne signifie pas que son arrêt soit sans intérêt à cet égard.
a) La première limite tient à l’existence de faits — juridiquement qualifiés
— sans lesquels une demande est dépourvue de cause et en dehors
desquels une décision de justice ne peut prétendre avoir autorité de
chose jugée. Dans l’affaire de la Compétence en matière de pêcheries
(République fédérale d’Allemagne c. Islande), la Cour s’est refusée à
adopter «une déclaration de principe selon laquelle l’Islande est tenue
d’indemniser la République fédérale [d’Allemagne] pour toutes les
entraves illicites qu’elle a apportées à l’activité des navires de pêche
allemands» (C.I.J. Recueil 1974, p. 204, par. 74) qui auraient été harcelés
par des garde-côtes islandais cherchant à les empêcher de se
livrer à leurs activités de pêche dans une zone de mer déclarée exclusive.
La justification de ce refus n’est pas parfaitement claire. Dans
une affaire mettant au premier chef en cause une délimitation controversée,
le motif principal paraît bien être toutefois que les faits dommageables,
en dehors desquels une décision de réparation, fût-elle de
principe, perd tout sens, lui étaient demeurés totalement inconnus. Il
lui a suffi dès lors de constater l’inopposabilité au demandeur de
l’extension contestée d’une zone dont les autorités islandaises prétendaient
exclure les navires étrangers, en renvoyant, implicitement,
à une demande nouvelle — et non à une phase ultérieure de la procédure
engagée par la demande originelle — la réparation des
dommages prétendument subis.
Dans l’espèce présente, la réalité des dommages ne prête aucunement
à doutes. Sa particularité est toutefois que la Cour les a traités
en quelque sorte par catégorie, sans se prononcer sur chacun des
«incidents» dommageables. On ne voit pas bien quelle autre voie elle
eût pu suivre, compte tenu de la multiplicité des dommages et des circonstances
dans lesquelles ils ont été causés. L’autorité de chose jugée
qui s’attache à sa décision n’en est pas affectée en principe. Elle n’en
est pas moins plus réduite que celle d’un jugement provisionnel classique
qui reporte à un stade ultérieur la détermination définitive de la
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réparation due. Ce n’est pas seulement de la forme et du montant de
celle-ci qu’il lui appartiendra en effet de décider si les Parties ne
s’entendent pas à ce propos; c’est aussi le lien de causalité qui rattache
le dommage à un acte du défendeur engageant sa responsabilité
qu’il lui revient d’établir, dans le cadre des «incidents» relevant
de la catégorie sur laquelle elle s’est prononcée.
b) Il me paraît également qu’il n’y a pas lieu de donner suite à une
demande de report de la décision sur la réparation en l’absence de
raisons qui l’expliquent de façon convaincante. Il serait peu conforme
à la dignité et à l’intérêt bien compris de la juridiction qu’elle introduise
dans la procédure des «dissociations» qui ne sont pas objectivement
justifiées. La demande principale du Congo et la première
demande reconventionnelle de l’Ouganda ne suscitent à cet égard
aucune difficulté. Il se comprend sans peine que, du fait même du
long conflit qui a opposé les deux Parties et des conséquences qui en
sont résultées, le demandeur mette en cause la responsabilité du
défendeur qu’il accuse d’avoir gravement violé l’interdiction du
recours à la force, sans attendre de disposer de tous les éléments
nécessaires pour qu’il soit statué sur la réparation. La deuxième
demande reconventionnelle de l’Ouganda n’en est pas moins singulièrement
plus douteuse de ce point de vue. Compte tenu du caractère
précis et limité des violations du droit qui y sont visées, on n’aperçoit
pas vraiment ce qui aurait empêché le défendeur de fournir à la Cour,
sans autre délai, les informations indispensables pour prendre une
décision sur la réparation. Il est vrai cependant qu’il n’y a pas en
l’espèce de réels inconvénients à ce qu’une telle décision soit différée,
et que l’on eût pu juger peu convenable la discrimination ainsi faite
en apparence entre les Parties. C’est la raison pour laquelle je n’ai pas
cru devoir sur ce point me dissocier des autres membres de la Cour.
Cela dit, la procédure orale me paraît avoir confirmé que cette
deuxième demande reconventionnelle ne présentait que des liens très
ténus avec l’objet et le but de la demande principale. C’est la raison
pour laquelle j’ai considéré qu’elle ne satisfaisait pas au critère de
connexité visé à l’article 80 du Règlement de la Cour, lorsque celle-ci
a été appelée à statuer sur sa recevabilité. Dès l’instant où la Cour l’a
déclarée recevable, il me paraît difficile toutefois de contester que, tels
qu’ils sont circonscrits par l’arrêt, les faits reprochés au demandeur
ne sont pas conformes au droit international.
3. C’est une autre question que savoir si la demande qui se limite à solliciter
du juge une décision sur la légalité d’un acte ou d’un comportement
peut être jugée recevable. A mon sens, la réponse est négative. Dans un
contentieux qui porte sur les droits respectifs du demandeur et du défendeur,
l’effet utile du jugement serait singulièrement affaibli et l’office du
juge dénaturé s’il lui était interdit de se prononcer sur les conséquences
juridiques de la violation du droit qu’il constate, en manière telle que
puisse être effectivement résolu le différend qui oppose les Parties.
357 ACTIVITÉS ARMÉES (DÉCL. VERHOEVEN)
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Il n’y a pas de difficulté sur ce point en l’espèce dans la mesure où le
demandeur sollicite pour l’essentiel la réparation des dommages qui
résultent à son estime des violations du droit dont il tient le défendeur
responsable. Il est vrai néanmoins qu’il ne formule aucune demande
quant aux conséquences qu’il tire de la violation de l’ordonnance imposant
aux Parties des mesures conservatoires. La Cour eût-elle dû se
contenter dès lors de déclarer irrecevable cette partie de la requête? C’est
sans doute aller trop loin. Le respect des mesures conservatoires met en
effet en cause l’autorité de la Cour elle-même, leur raison d’être fondamentale
étant moins de protéger les droits des parties que de préserver
l’« utilité» de la décision que la Cour est appelée à rendre à leurs propos.
On conçoit partant qu’elle en dénonce, le cas échéant d’office, les violations
qui se dégagent des faits qui lui sont soumis, sans que cela ne mette
en cause la règle de principe ci-dessus évoquée.
Pour la même raison, il ne me semble pas qu’une requête soit recevable
lorsqu’elle se contente de solliciter, outre le constat d’une illégalité, celui
de l’obligation d’y mettre fin. Ce dernier constat ne présenterait quelque
autonomie par rapport au premier que s’il existait un droit de persister
dans une violation, ce qui paraît absurde. Il importe peu que l’Etat intéressé
s’engage ou non à mettre fin à celle-ci, car il ne peut d’évidence unilatéralement
se soustraire à ses obligations. C’est assurément autre chose
que solliciter des garanties à cet effet, ce qui excède le champ du «déclaratoire
» proprement dit. Mais ces garanties ne peuvent être accordées par
un juge que si elles ont été demandées, ce qui n’est pas le cas en l’espèce ;
et elles ne peuvent l’être que si elles sont compatibles avec les limitations
intrinsèques d’une fonction judiciaire qui est fondamentalement celle de
«dire» le droit, et dont ne participe dès lors pas le pouvoir d’ordonner
pour l’avenir des mesures jugées utiles à la préservation de la sécurité ou
à la défense des intérêts de la partie dont la demande est accueillie.
4. Dans le point 3 de son dispositif, la Cour évoque l’obligation de
«respecter et [de] faire respecter les droits de l’homme et le droit international
humanitaire» dans le district de l’Ituri qui est occupé par le défendeur.
Cette obligation ne prête pas à contestation, même si certaines
incertitudes subsistent concernant la portée exacte des termes «faire respecter
». Son champ d’application déborde néanmoins très largement les
besoins de l’«occupation» au sens technique du terme. Cela va de soi
pour l’obligation de «respecter» le droit international humanitaire et les
droits de l’homme. Mais il en va de même pour celle de les «faire respecter
», ainsi que cela ressort clairement par exemple des quatre conventions
de Genève (1949) et du premier protocole additionnel (1977) qui les complète.
On ne saurait partant lire ce point 3 du dispositif comme déchargeant
le défendeur de toute obligation de vigilance dans les régions où ses
troupes sont présentes lorsqu’elles ne les «occupent» pas au sens du jus in
bello. Il en va ainsi même si le recours à la force est conforme au jus ad
bellum, parce que les exigences élémentaires de protection des personnes
qui inspirent le droit international humanitaire et les droits de l’homme
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sont étrangères à la légalité ou à l’illégalité de l’emploi des armes. Mais il
en va particulièrement ainsi lorsqu’un Etat recourt à la force en violation
du jus ad bellum, parce qu’il doit assumer la responsabilité des conséquences
résultant des désordres et du chaos que, comme en l’espèce, son
intervention militaire a suscités.
5. Dans le point 5 de son dispositif, la Cour «dit» pour droit que
l’Ouganda a envers le Congo l’obligation de réparer le préjudice causé, ce
qui vise les dommages résultant des violations du droit constatées dans
les points 1, 3 et 4 de ce dispositif. Il n’y a là en soi rien que de très banal.
Et il paraît élémentaire que le recours unilatéral à la force, lorsqu’il est
illégal, engage la responsabilité de son auteur. A l’époque où ce recours
demeurait fondamentalement libre, on conçoit que les réparations de
guerre échappaient intrinsèquement à la logique de la responsabilité.
Depuis qu’il est clairement prohibé par la Charte des Nations Unies, on
voit mal en revanche comment l’Etat qui fait de la force armée un usage
qui n’entre pas dans le cadre de la légitime défense pourrait se soustraire
à son obligation de réparer le préjudice qu’il a causé. Il faut souligner que
ce préjudice couvre tous les dommages qui découlent de la violation de
l’interdiction du recours à la force, peu important qu’ils résultent d’actes
ou de pratiques qui sont en soi conformes aux règles du droit de la
guerre. Il est possible que la méconnaissance de ces règles aggrave la responsabilité
qui découle de la violation du jus ad bellum ; il n’empêche
qu’à soi seul le respect du jus in bello ne saurait jamais décharger son
auteur de l’obligation de réparer toutes les conséquences de la violation
de celui-là. Dès lors que l’occupation est illégale parce qu’elle procède
d’un emploi de la force qui n’entre pas dans le cadre de la légitime
défense, elle oblige par exemple l’Etat à en réparer toutes les conséquences
dommageables, quand bien même il a agi conformément à la
quatrième convention de Genève (1949) et au règlement annexé à la
quatrième convention de La Haye (1907). Contrairement à ce qui a été
suggéré par le défendeur, il n’y a pas de droits ou de prérogatives, reconnus
à l’occupant par le règlement précité, dont il puisse se prévaloir pour
se soustraire à sa responsabilité lorsque l’occupation a été établie en violation
du jus ad bellum. C’est une des conséquences élémentaires de la
prohibition contemporaine du recours à la force. Il ne s’ensuit aucunement
que l’Etat qui recourt légalement à la force puisse prétendre ne pas
respecter le jus in bello ; le fait est seulement que l’Etat qui y a recours
illégalement ne peut exciper du respect de celui-ci pour ne pas réparer le
préjudice qui résulte de ses actions militaires.
Tout élémentaire qu’elle soit, cette application du droit de la responsabilité
ne va pas sans susciter le cas échéant des difficultés. Certaines
sont d’ordre technique. Dans le contexte d’un conflit armé, l’existence
d’un lien de causalité entre le dommage et la violation du droit sera par
exemple souvent malaisée à établir, du moins sur la base des critères traditionnellement
utilisés à cet effet. D’autres sont plus fondamentales. Il
peut par exemple y avoir quelque injustice à imposer à tout un peuple,
particulièrement lorsqu’il est (très) pauvre, le paiement de la dette, qui
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peut être (très) lourde, résultant des comportements divagants de gouvernants
sur lesquels il n’avait pas, ou peu, de prise. La préoccupation est
ancienne, et elle est justifiée. Elle demandera sans doute que le droit international
règle un jour les conditions et les limites du paiement des dettes
d’un Etat. A soi seule, elle ne permet pas de mettre en cause le principe
qui commande à l’Etat dont le recours à la force était illégal de réparer
toutes les conséquences de sa «faute ».
(Signé) Joe VERHOEVEN.
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DÉCLARATION DE M. LE JUGE AD HOC VERHOEVEN
Jugement « déclaratoire » : légalité, limites — Jugement « déclaratoire
» : ordonnance en indication de mesures conservatoires, obligation de cessation,
assurances et garanties de non-répétition — Illégalité du recours à la
force : conséquences.
1. Ainsi que le manifestent les votes exprimés sur les diverses composantes
du dispositif de l’arrêt, je partage substantiellement les conclusions
de la Cour. Dans une affaire complexe, où les faits sont parfois difficiles
à établir avec certitude, on comprend néanmoins sans peine que certains
motifs puissent susciter quelque hésitation, ou du moins qu’on eût pu sur
certains points préférer une motivation sensiblement différente. Il n’y a
pas lieu de s’y attarder. Il suffit que sur le dispositif et sur les motifs
essentiels qui le sous-tendent, il n’y ait aucun désaccord. Cela n’empêche
qu’il ne me paraisse pas inutile d’apporter quelques précisions sur l’une
ou l’autre questions qui, sans être très explicitement abordées dans l’arrêt,
n’en sont pas à ce point éloignées qu’il serait inopportun de les évoquer
dans la présente déclaration, même brièvement.
2. La première concerne la nature dite «déclaratoire» d’une décision
qui a plus d’une fois été soulignée par le demandeur, lequel lui a conféré
ailleurs un caractère «de principe ». Ces qualificatifs ne sont pas en soi
très éclairants, tant les mots qui les véhiculent ont reçu des significations
multiples. Substantiellement, la demande principale se comprend néanmoins
sans peine. Elle a pour objet la mise en cause de la responsabilité
du défendeur pour les utilisations illicites de la force qui lui sont imputables,
étant entendu que le constat de la violation du droit y est dissocié
de la réparation des dommages qui en résultent ; ce n’est qu’à un stade
ultérieur de la procédure que, l’illégalité constatée, la Cour est en effet
appelée à statuer sur les formes et l’étendue de cette réparation si les
Parties ne parviennent pas à se mettre d’accord sur ce point. Il n’est pas
sûr que le terme «déclaratoire» — qui n’est pas utilisé dans l’arrêt —
rende utilement compte de cette dissociation. Sur le fond, la légalité
de celle-ci ne prête cependant pas à doutes. Elle ressort par exemple
clairement de l’arrêt rendu par la Cour dans l’affaire des Activités militaires
et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c.
Etats-Unis d’Amérique) (fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 149,
sous-paragraphe 15)), même si, pour des raisons qui ne sont pas autrement
précisées, elle n’a pas fait droit à la demande d’indemnité provisionnelle
qui lui avait alors été présentée (ibid., p. 143, par. 285). En
l’espèce, le défendeur est d’ailleurs mal placé pour en contester radicale-
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DECLARATION OF JUDGE AD HOC VERHOEVEN
[Translation]
“Declaratory” judgment : legality, limits — “Declaratory” judgment : Order
indicating provisional measures, obligation of cessation, assurances and guarantees
of non-repetition — Illegal use of force : consequences.
1. As witnessed by my votes on the various elements of the dispositif
of the Judgment, I essentially concur in the conclusions reached by the
Court. Nevertheless, it is easily understandable in a complex case, where
the facts are sometimes difficult to ascertain, that some misgiving might
be felt as to certain grounds for decision, or at least that markedly different
reasoning might have been preferred on certain points. There is no
need to dwell on this. It is enough that agreement prevails on the dispositif
and the essential grounds underlying it. This notwithstanding, I think
it useful to raise a few points concerning several questions which, while
not addressed very explicitly in the Judgment, are not so removed from
it as to render them inappropriate for discussion, even briefly, in this
declaration.
2. The first question concerns the so-called “declaratory” nature of a
decision ; this was underscored more than once by the Applicant, which
elsewhere characterized the decision as being one “of principle”. These
qualifiers are not very illuminating in themselves, given the multitude of
meanings ascribed to the words used in them. The gist of the principal
claim can nevertheless be readily grasped. It aims at holding the Respondent
responsible for the instances of wrongful use of force attributable to
it, but the claim separates the finding of a violation of law from reparation
for the ensuing injury. Thus, it is only in a subsequent phase of the
proceedings, once there has been a finding of unlawful conduct, that the
Court is called upon to decide the form and extent of the reparation, failing
agreement thereon between the parties. It is not certain that the term
“declaratory” — which appears nowhere in the Judgment — adequately
reflects this separation. In essence, there is however no doubt as to the
latter’s legality. This is clearly shown by, for example, the Court’s Judgment
in the case concerning Military and Paramilitary Activities in and
against Nicaragua (Nicaragua v. United States of America) (Merits,
Judgment, I.C.J. Reports 1986, p. 149, para. 292 (15)), even though, for
reasons otherwise left unexplained, the Court did not grant the interim
award which had been sought in that case (ibid., p. 143, para. 285). In the
present proceedings, the Respondent is moreover hardly in a position to
attack the propriety of severing the two elements, since its counter-claims
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ment le bien-fondé puisque ses demandes reconventionnelles sont
présentées dans les mêmes conditions.
Dans une communauté internationale où les solutions négociées sont,
plus qu’ailleurs, préférables à celles qui sont imposées par un tiers, fût-il
indépendant et impartial, on conçoit que la Cour n’hésite guère à se
contenter de statuer, en un premier temps, sur la légalité «de principe»
des actes ou des comportements qui sont dénoncés devant elle. Cela ne
signifie toutefois pas que les Parties peuvent ne faire de l’institution judiciaire
que l’usage qui leur plaît. Il est vrai qu’elles ne sont pas tenues d’y
avoir recours. Il demeure que si elles s’y soumettent, elles ne peuvent en
méconnaître les traits fondamentaux. L’espèce présente permet à cet égard
d’entrevoir les limites — ou du moins certaines d’entre elles — qui s’imposent
aux Parties lorsqu’elles entendent ainsi dissocier le principe d’une
condamnation de ses implications concrètes. Que la Cour ne se prononce
pas sur ce point ne signifie pas que son arrêt soit sans intérêt à cet égard.
a) La première limite tient à l’existence de faits — juridiquement qualifiés
— sans lesquels une demande est dépourvue de cause et en dehors
desquels une décision de justice ne peut prétendre avoir autorité de
chose jugée. Dans l’affaire de la Compétence en matière de pêcheries
(République fédérale d’Allemagne c. Islande), la Cour s’est refusée à
adopter «une déclaration de principe selon laquelle l’Islande est tenue
d’indemniser la République fédérale [d’Allemagne] pour toutes les
entraves illicites qu’elle a apportées à l’activité des navires de pêche
allemands» (C.I.J. Recueil 1974, p. 204, par. 74) qui auraient été harcelés
par des garde-côtes islandais cherchant à les empêcher de se
livrer à leurs activités de pêche dans une zone de mer déclarée exclusive.
La justification de ce refus n’est pas parfaitement claire. Dans
une affaire mettant au premier chef en cause une délimitation controversée,
le motif principal paraît bien être toutefois que les faits dommageables,
en dehors desquels une décision de réparation, fût-elle de
principe, perd tout sens, lui étaient demeurés totalement inconnus. Il
lui a suffi dès lors de constater l’inopposabilité au demandeur de
l’extension contestée d’une zone dont les autorités islandaises prétendaient
exclure les navires étrangers, en renvoyant, implicitement,
à une demande nouvelle — et non à une phase ultérieure de la procédure
engagée par la demande originelle — la réparation des
dommages prétendument subis.
Dans l’espèce présente, la réalité des dommages ne prête aucunement
à doutes. Sa particularité est toutefois que la Cour les a traités
en quelque sorte par catégorie, sans se prononcer sur chacun des
«incidents» dommageables. On ne voit pas bien quelle autre voie elle
eût pu suivre, compte tenu de la multiplicité des dommages et des circonstances
dans lesquelles ils ont été causés. L’autorité de chose jugée
qui s’attache à sa décision n’en est pas affectée en principe. Elle n’en
est pas moins plus réduite que celle d’un jugement provisionnel classique
qui reporte à un stade ultérieur la détermination définitive de la
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are presented in like fashion.
In an international community, where, more than elsewhere, negotiated
solutions are to be preferred to those imposed by third parties,
even independent and impartial ones, it is understandable that the Court
should not be disinclined to rule initially solely on the “principle” of the
lawfulness of the acts or conduct complained of. This does not however
mean that the parties are free to make selective use of the Court as they
please. True, they are not required to have recourse to the Court; but, if
they do submit to it, they cannot disregard its fundamental characteristics.
In this regard the present case offers a glimpse of the constraints —
or at least some of them — by which the Parties are bound when they
thus seek to sever the finding of responsibility per se from its concrete
implications. The fact that the Court does not rule on this point does not
mean that its Judgment is devoid of significance in this regard.
(a) The first constraint stems from the existence of facts — given legal
characterization — without which there is no cause of action on the
claim and beyond the scope of which a judicial decision is not vested
with the authority of res judicata. In the case concerning Fisheries
Jurisdiction (Federal Republic of Germany v. Iceland), the Court
declined to make “a declaration of principle that Iceland is under an
obligation to make compensation to the Federal Republic [of Germany]
in respect of all unlawful acts of interference with fishing vessels
of the Federal Republic” (I.C.J. Reports 1974, p. 204, para. 74)
alleged to have been harassed by Icelandic coastal patrol boats seeking
to prevent them from conducting their fishing activities in a
maritime area which had been declared exclusive. The reason for the
Court’s refusal is not entirely clear. In a case primarily involving a
disputed delimitation, the main ground for decision appears however
to have been that the Court had no knowledge of the injurious
acts, in the absence of which a decision ordering reparation, even
one in principle, would be meaningless. Thus, the Court needed only
to hold that the disputed extension of a zone from which the Icelandic
authorities sought to bar foreign vessels was not enforceable
against the Applicant, implicitly referring the question of reparation
for the alleged damage to a fresh Application — not to a subsequent
phase of the proceedings initiated by the original Application.
In the present case the existence of the injuries is beyond doubt.
What is distinctive here however is that the Court has treated them
by category, as it were, without ruling on each injurious “incident”.
It is difficult to see how the Court could have proceeded otherwise,
given the multiplicity of injuries and the circumstances in which they
arose. The authority of its decision as res judicata is not, in principle,
affected by this, nor is that authority more circumscribed than
that of a traditional interim judgment deferring the final determination
of reparation owed to a later time. In reality, the form and
ARMED ACTIVITIES (DECL. VERHOEVEN) 356
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réparation due. Ce n’est pas seulement de la forme et du montant de
celle-ci qu’il lui appartiendra en effet de décider si les Parties ne
s’entendent pas à ce propos; c’est aussi le lien de causalité qui rattache
le dommage à un acte du défendeur engageant sa responsabilité
qu’il lui revient d’établir, dans le cadre des «incidents» relevant
de la catégorie sur laquelle elle s’est prononcée.
b) Il me paraît également qu’il n’y a pas lieu de donner suite à une
demande de report de la décision sur la réparation en l’absence de
raisons qui l’expliquent de façon convaincante. Il serait peu conforme
à la dignité et à l’intérêt bien compris de la juridiction qu’elle introduise
dans la procédure des «dissociations» qui ne sont pas objectivement
justifiées. La demande principale du Congo et la première
demande reconventionnelle de l’Ouganda ne suscitent à cet égard
aucune difficulté. Il se comprend sans peine que, du fait même du
long conflit qui a opposé les deux Parties et des conséquences qui en
sont résultées, le demandeur mette en cause la responsabilité du
défendeur qu’il accuse d’avoir gravement violé l’interdiction du
recours à la force, sans attendre de disposer de tous les éléments
nécessaires pour qu’il soit statué sur la réparation. La deuxième
demande reconventionnelle de l’Ouganda n’en est pas moins singulièrement
plus douteuse de ce point de vue. Compte tenu du caractère
précis et limité des violations du droit qui y sont visées, on n’aperçoit
pas vraiment ce qui aurait empêché le défendeur de fournir à la Cour,
sans autre délai, les informations indispensables pour prendre une
décision sur la réparation. Il est vrai cependant qu’il n’y a pas en
l’espèce de réels inconvénients à ce qu’une telle décision soit différée,
et que l’on eût pu juger peu convenable la discrimination ainsi faite
en apparence entre les Parties. C’est la raison pour laquelle je n’ai pas
cru devoir sur ce point me dissocier des autres membres de la Cour.
Cela dit, la procédure orale me paraît avoir confirmé que cette
deuxième demande reconventionnelle ne présentait que des liens très
ténus avec l’objet et le but de la demande principale. C’est la raison
pour laquelle j’ai considéré qu’elle ne satisfaisait pas au critère de
connexité visé à l’article 80 du Règlement de la Cour, lorsque celle-ci
a été appelée à statuer sur sa recevabilité. Dès l’instant où la Cour l’a
déclarée recevable, il me paraît difficile toutefois de contester que, tels
qu’ils sont circonscrits par l’arrêt, les faits reprochés au demandeur
ne sont pas conformes au droit international.
3. C’est une autre question que savoir si la demande qui se limite à solliciter
du juge une décision sur la légalité d’un acte ou d’un comportement
peut être jugée recevable. A mon sens, la réponse est négative. Dans un
contentieux qui porte sur les droits respectifs du demandeur et du défendeur,
l’effet utile du jugement serait singulièrement affaibli et l’office du
juge dénaturé s’il lui était interdit de se prononcer sur les conséquences
juridiques de la violation du droit qu’il constate, en manière telle que
puisse être effectivement résolu le différend qui oppose les Parties.
357 ACTIVITÉS ARMÉES (DÉCL. VERHOEVEN)
193
amount of reparation will not be the only questions to be decided by
the Court if the Parties fail to agree on them; it will also be for the
Court to establish, in regard to those “incidents” falling within the
category on which the Court has ruled, the causal nexus between an
injury suffered and an act by the Respondent engaging its responsibility.
(b) It is also my view that a request to defer the decision on reparation
should not be granted in the absence of persuasive reasons. It would
be out of keeping with the dignity and true interest of the Court for
it to allow proceedings to be severed when there is no objective justification
for it. There is no difficulty with the Congo’s principal
claim and Uganda’s first counter-claim in this respect. It is easy to
see why the Applicant, owing to the long conflict between the
Parties and its consequences, should seek a finding of responsibility
on the part of the Respondent, which it accuses of serious violation
of the prohibition on the use of force, without waiting to gather all
the evidence needed for a decision on reparation. Uganda’s second
counter-claim is however much more questionable from this perspective.
Given that the violations of law alleged therein are specific
and limited, it is difficult to discern what could have prevented the
Respondent from furnishing to the Court, without further delay, the
information required for a decision on reparation. Admittedly, however,
there are no real drawbacks to deferring that decision in the
present case and the seeming discrimination in the treatment of the
Parties could have been deemed undesirable. This is why I thought it
unnecessary to part company with the other Members of the Court
on this point.
That said, in my view the oral proceedings confirmed that the
second counter-claim bore only a very weak connection with the
object and purpose of the principal claim. Thus, when the Court
turned to ruling on the admissibility of that counter-claim, I was
of the opinion that it failed to satisfy the connection requirement
laid down in Article 80 of the Rules of Court. The Court held the
claim admissible however and it appears undeniable that the acts of
which the Applicant is accused, as described in the Judgment, were
breaches of international law.
3. Whether or not a claim confined to seeking a judgment on the legality
of conduct or of an act can be admitted is another question. In my
opinion, it cannot be. In a dispute over the respective rights of an applicant
and respondent, the effectiveness of the judgment would be largely
vitiated and the role of the Court distorted if it were to be forbidden to
pronounce, with a view to effectively resolving the dispute between the
parties, upon the juridical consequences of the legal violation it has
found.
ARMED ACTIVITIES (DECL. VERHOEVEN) 357
193
Il n’y a pas de difficulté sur ce point en l’espèce dans la mesure où le
demandeur sollicite pour l’essentiel la réparation des dommages qui
résultent à son estime des violations du droit dont il tient le défendeur
responsable. Il est vrai néanmoins qu’il ne formule aucune demande
quant aux conséquences qu’il tire de la violation de l’ordonnance imposant
aux Parties des mesures conservatoires. La Cour eût-elle dû se
contenter dès lors de déclarer irrecevable cette partie de la requête? C’est
sans doute aller trop loin. Le respect des mesures conservatoires met en
effet en cause l’autorité de la Cour elle-même, leur raison d’être fondamentale
étant moins de protéger les droits des parties que de préserver
l’« utilité» de la décision que la Cour est appelée à rendre à leurs propos.
On conçoit partant qu’elle en dénonce, le cas échéant d’office, les violations
qui se dégagent des faits qui lui sont soumis, sans que cela ne mette
en cause la règle de principe ci-dessus évoquée.
Pour la même raison, il ne me semble pas qu’une requête soit recevable
lorsqu’elle se contente de solliciter, outre le constat d’une illégalité, celui
de l’obligation d’y mettre fin. Ce dernier constat ne présenterait quelque
autonomie par rapport au premier que s’il existait un droit de persister
dans une violation, ce qui paraît absurde. Il importe peu que l’Etat intéressé
s’engage ou non à mettre fin à celle-ci, car il ne peut d’évidence unilatéralement
se soustraire à ses obligations. C’est assurément autre chose
que solliciter des garanties à cet effet, ce qui excède le champ du «déclaratoire
» proprement dit. Mais ces garanties ne peuvent être accordées par
un juge que si elles ont été demandées, ce qui n’est pas le cas en l’espèce ;
et elles ne peuvent l’être que si elles sont compatibles avec les limitations
intrinsèques d’une fonction judiciaire qui est fondamentalement celle de
«dire» le droit, et dont ne participe dès lors pas le pouvoir d’ordonner
pour l’avenir des mesures jugées utiles à la préservation de la sécurité ou
à la défense des intérêts de la partie dont la demande est accueillie.
4. Dans le point 3 de son dispositif, la Cour évoque l’obligation de
«respecter et [de] faire respecter les droits de l’homme et le droit international
humanitaire» dans le district de l’Ituri qui est occupé par le défendeur.
Cette obligation ne prête pas à contestation, même si certaines
incertitudes subsistent concernant la portée exacte des termes «faire respecter
». Son champ d’application déborde néanmoins très largement les
besoins de l’«occupation» au sens technique du terme. Cela va de soi
pour l’obligation de «respecter» le droit international humanitaire et les
droits de l’homme. Mais il en va de même pour celle de les «faire respecter
», ainsi que cela ressort clairement par exemple des quatre conventions
de Genève (1949) et du premier protocole additionnel (1977) qui les complète.
On ne saurait partant lire ce point 3 du dispositif comme déchargeant
le défendeur de toute obligation de vigilance dans les régions où ses
troupes sont présentes lorsqu’elles ne les «occupent» pas au sens du jus in
bello. Il en va ainsi même si le recours à la force est conforme au jus ad
bellum, parce que les exigences élémentaires de protection des personnes
qui inspirent le droit international humanitaire et les droits de l’homme
358 ACTIVITÉS ARMÉES (DÉCL. VERHOEVEN)
194
The present case raises no difficulty on this point since the Applicant is
essentially seeking reparation for injuries which it sees as the result of
legal violations for which it holds the Respondent responsible. Yet it is
true that the Applicant asserts no claim in respect of what it deems to be
the consequences of the violation of the Order imposing provisional
measures on the Parties. Should the Court therefore have confined itself
to holding that this part of the Application was inadmissible? That
undoubtedly is going too far. The essential raison d’être of provisional
measures being less to protect the rights of the parties than to safeguard
the “effectiveness” of the decision to be rendered by the Court in their
regard, non-compliance with those measures is in effect a challenge to the
authority of the Court. It is therefore understandable that the Court
should condemn, even proprio motu where appropriate, violations of
ordered measures evidenced by acts within its cognizance, without thereby
calling into question the general rule referred to above.
For the same reason, I do not believe admissible an application confined
to seeking, in addition to a finding of illegality, a ruling that there is
an obligation to cease and desist from it. Such a ruling would be independent
of the finding of illegality only if there existed a right to persist in
a violation, and that would seem preposterous. It does not matter whether
or not the State concerned undertakes to put an end to the violation,
because it obviously cannot unilaterally renounce its obligations. This is
most certainly not the same as seeking guarantees to this end; that is
beyond the scope of a “declaratory” judgment strictly speaking. But a
court cannot order such guarantees unless they have been requested,
which is not the case here; further, they can only be ordered if they are in
keeping with the intrinsic limits on a judicial function which is fundamentally
that of “stating” the law and which accordingly does not include
the power to order future measures deemed helpful in maintaining the
security or protecting the interests of the prevailing party.
4. The Court refers in point 3 of the dispositif to the obligation to
“respect and ensure respect for human rights and international humanitarian
law” in Ituri district, occupied by the Respondent. This obligation
cannot be denied, even though some uncertainty might endure as to the
exact meaning of the expression “ensure respect for”. The scope of the
obligation nevertheless extends well beyond the needs of the “occupation”
in the technical sense of the term. This goes without saying for the
obligation to “respect” international humanitarian law and human rights,
but it is also true of the obligation to “ensure respect” for them, as is
clear from, for example, the four Geneva Conventions (1949) and the
first Additional Protocol to them (1977). Thus, point 3 of the dispositif
cannot be interpreted as relieving the Respondent of any duty of vigilance
in areas where its troops are present but which are not “occupied”
by them within the meaning of the jus in bello. This is so even where the
use of force is in accordance with the jus ad bellum, because the lawfulness
or unlawfulness of the use of arms is extraneous to the fundamental
requirements of protection of persons from which international humani-
ARMED ACTIVITIES (DECL. VERHOEVEN) 358
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sont étrangères à la légalité ou à l’illégalité de l’emploi des armes. Mais il
en va particulièrement ainsi lorsqu’un Etat recourt à la force en violation
du jus ad bellum, parce qu’il doit assumer la responsabilité des conséquences
résultant des désordres et du chaos que, comme en l’espèce, son
intervention militaire a suscités.
5. Dans le point 5 de son dispositif, la Cour «dit» pour droit que
l’Ouganda a envers le Congo l’obligation de réparer le préjudice causé, ce
qui vise les dommages résultant des violations du droit constatées dans
les points 1, 3 et 4 de ce dispositif. Il n’y a là en soi rien que de très banal.
Et il paraît élémentaire que le recours unilatéral à la force, lorsqu’il est
illégal, engage la responsabilité de son auteur. A l’époque où ce recours
demeurait fondamentalement libre, on conçoit que les réparations de
guerre échappaient intrinsèquement à la logique de la responsabilité.
Depuis qu’il est clairement prohibé par la Charte des Nations Unies, on
voit mal en revanche comment l’Etat qui fait de la force armée un usage
qui n’entre pas dans le cadre de la légitime défense pourrait se soustraire
à son obligation de réparer le préjudice qu’il a causé. Il faut souligner que
ce préjudice couvre tous les dommages qui découlent de la violation de
l’interdiction du recours à la force, peu important qu’ils résultent d’actes
ou de pratiques qui sont en soi conformes aux règles du droit de la
guerre. Il est possible que la méconnaissance de ces règles aggrave la responsabilité
qui découle de la violation du jus ad bellum ; il n’empêche
qu’à soi seul le respect du jus in bello ne saurait jamais décharger son
auteur de l’obligation de réparer toutes les conséquences de la violation
de celui-là. Dès lors que l’occupation est illégale parce qu’elle procède
d’un emploi de la force qui n’entre pas dans le cadre de la légitime
défense, elle oblige par exemple l’Etat à en réparer toutes les conséquences
dommageables, quand bien même il a agi conformément à la
quatrième convention de Genève (1949) et au règlement annexé à la
quatrième convention de La Haye (1907). Contrairement à ce qui a été
suggéré par le défendeur, il n’y a pas de droits ou de prérogatives, reconnus
à l’occupant par le règlement précité, dont il puisse se prévaloir pour
se soustraire à sa responsabilité lorsque l’occupation a été établie en violation
du jus ad bellum. C’est une des conséquences élémentaires de la
prohibition contemporaine du recours à la force. Il ne s’ensuit aucunement
que l’Etat qui recourt légalement à la force puisse prétendre ne pas
respecter le jus in bello ; le fait est seulement que l’Etat qui y a recours
illégalement ne peut exciper du respect de celui-ci pour ne pas réparer le
préjudice qui résulte de ses actions militaires.
Tout élémentaire qu’elle soit, cette application du droit de la responsabilité
ne va pas sans susciter le cas échéant des difficultés. Certaines
sont d’ordre technique. Dans le contexte d’un conflit armé, l’existence
d’un lien de causalité entre le dommage et la violation du droit sera par
exemple souvent malaisée à établir, du moins sur la base des critères traditionnellement
utilisés à cet effet. D’autres sont plus fondamentales. Il
peut par exemple y avoir quelque injustice à imposer à tout un peuple,
particulièrement lorsqu’il est (très) pauvre, le paiement de la dette, qui
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tarian law and human rights draw their inspiration. But this holds particularly
true when a State uses force in violation of the jus ad bellum,
because it must assume responsibility for the consequences of the unrest
and chaos unleashed, as in the present case, by its military intervention.
5. In point 5 of the dispositif the Court “finds” that Uganda is under
an obligation to make reparation to the Congo for the injury caused,
referring to the damage resulting from the violations of law found in
points 1, 3 and 4 of the dispositif. There is nothing out of the ordinary
about this per se. And it is clearly elementary that unilateral use of force,
when illegal, engages the responsibility of the author. At the time when
there were essentially no restrictions on the use of force, it was understandable
that war reparations should by nature escape the rules of
responsibility. However, ever since the Charter of the United Nations
clearly banned the use of force, it is difficult to see how a State having
used armed force otherwise than in self-defence can elude its obligation
to make reparation for the injury it has caused. It must be stressed that
this injury comprises all the damage deriving from the violation of the
prohibition on the use of force, regardless of whether it stems from acts
or practices which in themselves comply with the rules of the law of war.
It may be that breach of these rules augments the responsibility deriving
from the violation of the jus ad bellum ; be that as it may, compliance
with the jus in bello is never sufficient to release a party from the obligation
to make good all consequences of its violation of the jus ad bellum.
Where occupation is unlawful because it results from the use of force
otherwise than in self-defence, the occupying State bears an obligation,
for example, to make reparation for all ensuing damage, even if it has
acted in accordance with the Fourth Geneva Convention (1949) and
with the Regulations annexed to the Fourth Hague Convention (1907).
Contrary to the suggestion by the Respondent, an occupant enjoys no
right or prerogative under those Regulations by which it can avoid
responsibility in respect of an occupation established in violation of the
jus ad bellum. This is one of the basic consequences of the contemporary
prohibition on the use of force. It does not follow that a State legally
using force may breach the jus in bello ; the only point is that a State
unlawfully using force cannot plead compliance with the jus in bello
to avoid having to make reparation for the injury resulting from its
military actions.
As basic as it is, this application of the law of responsibility can on
occasion give rise to difficulties. Some are technical. For example, in the
context of an armed conflict the causal connection between the injury
and the violation of the law will often be difficult to prove, at least under
the standards traditionally applied for this purpose. Others are more
fundamental. There can, for instance, be some injustice in requiring
a people, particularly a (very) poor one, to pay a debt, possibly a (very)
heavy one, born of the errant conduct of leaders over whom it had little,
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peut être (très) lourde, résultant des comportements divagants de gouvernants
sur lesquels il n’avait pas, ou peu, de prise. La préoccupation est
ancienne, et elle est justifiée. Elle demandera sans doute que le droit international
règle un jour les conditions et les limites du paiement des dettes
d’un Etat. A soi seule, elle ne permet pas de mettre en cause le principe
qui commande à l’Etat dont le recours à la force était illégal de réparer
toutes les conséquences de sa «faute ».
(Signé) Joe VERHOEVEN.
360 ACTIVITÉS ARMÉES (DÉCL. VERHOEVEN)
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or no, hold. The concern is one of long standing and is justified. It will no
doubt require international law one day to establish the conditions and
limits governing payment of State debts. Alone, it offers no basis for calling
into question the principle that a State having unlawfully used force
must make reparation for all the consequences of its “wrongdoing”.
(Signed) Joe VERHOEVEN.
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Document file FR
Document Long Title

Déclaration de M. le juge ad hoc Verhoeven

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