Opinion individuelle de M. Shahabuddeen (traduction)

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090-19961212-JUD-01-01-EN
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OPINION INDIVIDUELLE DE M. SHAHABUDDEEN

[Traduction]

La question posée à la Cour est de savoir si ledemandeur a ou non le
droit de la saisir pour qu'ellestatue sur sa demande. Le défendeurdit que
pareil droit n'existepas. L'exception soulevéemetla Cour dans une situa-
tion délicatecar il lui faut veiller, d'une part,e pas donner au défen-
deur motif à se plaindre d'avoir ététraduit devant elle contre sa volonté
et veiller, d'autre part,ne pas donner au demandeur l'impression qu'il
lui a été indûmentrefusé une décision de justice.Il faut à la Cour navi-
guer avec précaution entre ces deux écueils.
Comme la Cour l'a constaté,il existe un différendentre les Parties qui

n'a pu êtreréglépar la voie diplomatique et que les Parties n'ont pas
convenu de réglerpar d'autre moyen pacifique que par la saisine de la
Cour. Jusque-là, les conditions correspondantes de la clause compromis-
soire sont donc remplies. Néanmoins, les Parties s'opposent sur la ques-
tion de savoir si le droit de saisir la Cour existe ou non, le point litigieux
étanttrès précisément de déterminer

((sile différend surgientre les deux Etats en ce qui concerne la licéité
des actions menéespar les Etats-Unis contre les plates-formespétro-
lières iraniennes est un différend «quant à l'interprétation ou à
l'application» du traité de 1955))(arrêt,par. 16).
La position adoptée par la Cour est que:

«Afin de répondre à cette question...elle] doit rechercher si les
violations du traité de 1955alléguéespar l'Iran entrent ou non dans
lesprévisions dece traité etsi, par suite, le différend est deceux dont
la Cour est compétentepour connaître ratione materiae par applica-
tion du paragraphe 2 de l'article XXI. » (Ibid.)

Autrement dit, pour la Cour, le critère de sa compétence revient à
savoir si les violations alléguées((entrent ou non dans les prévisionsdu
traité». Indépendamment de la souplesse à laquelle cette déclaration se
prête jusqu'à uncertain point, le reste de l'arrêt montre clairementquelle
est sa signification, qui est que la Cour est obligéede procéder à une

interprétation définitivedu traitédès laprésentephase de la compétence.
Au paragraphe 52de son arrêt, parexemple, la Cour dit que l'article pre-
mier du traité«ne saurait à lui seul créer desdroits et obligationsjuridi-
ques» - ce qui tranche définitivementle point litigieux essentiel oppo-
sant les Parties sur cette disposition du traité. Le demandeur avait plaidé
pour un critèreminimaliste qui, quel que soit son énoncé, n'imposepasde donner une interprétation définitivedu traitéà ce stade. Sanss'étendre
longuementsur cettequestion, la Cour a opté pourle critèremaximaliste.

Or, si c'est un critère minimaliste qui est appliqué,les conséquencesne
recoupent pas totalement cellesque produit le critèremaximaliste retenu
par la Cour. Quel est donc le bon critère?

En quelques mots, le problème posé à la Cour revient à ceci: le défen-
deur soutient que le traitéd'amitié, de commerceet de droits consulaires
de 1955conclu entre lui-mêmeet le demandeur est sans rapport avec les
griefs exposésdans la demande en l'espèceet que, par conséquent, la
Cour ne peut pas exercer la compétenceque lui attribue la clause com-
promissoire figurant dans le traité.
Pour étayerson exception, le défendeur soutient pour commencer qu'il
incombe à la Cour de s'assurer que la clause compromissoire du traité
établitbien que le défendeura consenti à la compétence dela Cour en

l'espèce. Ledéfendeura raison; le demandeur ne dit pas autre chose. Il
convient d'ajouter d'ailleurs qu'ilfaut que la Cour soit parfaitement sûre
d'avoir compétence.Mais, ce point de savoir si la Cour peut être certaine
avec toute la clarté requise que les Parties ont consentià ce qu'elle soit
compétenteen l'espèce estlié à la nature exacte du type de différendpour
lequel ellesont convenu de lui donner compétence.Or, ce que les Parties
ont convenu de soumettre à la Cour, ce n'est pas un différend précis
concrètementidentifiable, c'estune catégoriede différendsdéfinie comme

correspondant à «[t]out différendqui pourrait s'éleverentre les Hautes
Parties contractantes quant à l'interprétation ouà l'application du pré-
sent traité...))' Il est évident que cette formule, dans un traité, a une
acception trèslarge, elle englobe toutes les «difficultésque pourrait sou-
lever cetraité»2
A ce sujet, il ne faut pas oublier qu'à la différencede ce qui se passe
avec certains traités, la clause compromissoire du traité d'amitié,de com-
merce et de navigation de 1955n'est pas limitéeaux différendsrelatifs à
l'interprétation ouà l'application de certaines seulement des dispositions

du traité: laclause s'étendà«tout différend ...quant à l'interprétation ou
à l'application du présenttraité)),c'est-à-dirà tout différendayant trait

'Dans la pratique conventionnelle, l'expression ((interprétation ou application))
vernement allemandà1l'exception préliminairedu Gouvernement polonais)) (C.P.J.Z.
sérieC no13 (Z), p. 174-176)et J. B. Moore, History and Digest of the International
Arbitrations to Which the UnitedStates Hus Been a Party, 1898,vol. V, p. 5057.
A. Merignhac, Traitéthéoriqueet pratique de l'arbitrage international. Le rôle du
droit, 1895,p. 202, par. 198. Voir aussi Dionisio Anzilotti, Corso di diritto internazio-
nale, vol. 3, 1915,p. 56; Usinede Chorzbw, compétence,C.P.J.Z. sérieAno 9, p. 24; et
C.Z.J. Mémoires,Personneldiplomatiqueet consulaire desEtatàTéhéranp,. 152-
153,note 14.à n'importe quel élémend tu traité. Autrement dit, la compétenceconférée
par cette clausecompromissoire peut s'exercer à l'égard d'une disposition
du traitéquand bien même celle-ci nc eréerait aucune obligationjuridique;
car, même si,sur la foi d'une interprétation correcte, la disposition ne
créepas d'obligation juridique, il pourrait s'éleverun différendentre les
Parties sur le point de savoir si ladite disposition créeou non une obliga-
tion - point que la Cour n'a pas examinéquand elle s'estpenchéeSur
la valeur normative et juridictionnelle de l'article premier du traité.Plus
généralementl,a compétence conférép ear la clausecompromissoire pour-
rait s'exercer même s'ilapparaît que le traiténe s'applique pas aux actes

ni aux circonstances alléguéesc ,ar il peut s'éleverun différendquant à
l'interprétationou à l'application du traitéayant traità une question qui
sera finalement tenue pour ne pas relever du traité.Mais la raison nous
dit qu'il doity avoir également une limite au-delà de laquelle il n'est pas
possible qu'un différendportant sur l'interprétation d'un traités'élèveau
sujet de questions ne relevant pas du traité; au-delà de cette limite, la
clausecompromissoire ne confère plus compétence. Où faut-il situer cette
limite?

Pour situer la limite au-delà de laquelle il n'est pas possible qu'un dif-
férends'élèvequant à l'interprétation ou à l'application d'un traité au
sens de la clause compromissoire énoncéedans ledit traité,il faut savoir
quelle est la relation entre la demande et le traité surlequel la demande
est censément fondée. Le critère à retenir sur ce que doit êtrecette rela-
tion indispensable a été énoncé de différentes façons. Déterminer la
meilleure formule prête à discussion et il esà la fois intéressant etpru-
dent de ne pas se prononcer d'emblée. Peut-être les variantes correspon-

dent-elles aux caractères particuliers des différentesespèces.Aux fins qui
nous occupent, il suffit d'adopter un point de vue assez large et de dire
que ces divers énoncés représentent raisonnablement unesorte de critère
de relativité uniformément applicable. Je m'abstiendraidonc d'examiner
au microscope les différentes expressionsqui ont été utilisées j; les évo-
querai comme autant d'éléments interchangeables.Voici comment ces
formules se présentent:

Il ((n'est pas nécessairepour la Cour d'arriver à la conclusion ...que
l'interprétationdu traitéavancéepar le Gouvernement [demandeur] ...est
l'interprétation correcte)), ni que ce ((gouvernement démontre ...qu'une
prétendue violation du traité présente un fondement juridique inatta-
quable)) (Ambatielos,fond, auvêtC , .I.J. Recueil 1953, p. 18).Mais il «ne
suffit pas que le Gouvernement [demandeur] ... établisseunrapport loin-
tain entre lesfaits de la réclamationet letraité))invoqué(ibid.). Le critère
voulu est rempli quand «les arguments avancéspar le Gouvernement
[demandeur] ...au sujet des dispositions du traitésur lesquelles la récla-
mation ...est prétendument fondéesont de caractère suffisammentplau- PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (OP. IND.SHAHABUDDEEN) 825

sible pour permettre la conclusion que la réclamation est fondée sur le
traité))(C.I.J. Recueil 1953,p. 18)ou quand ((l'interprétation donnéepar
le Gouvernement [demandeur] ...de l'une quelconque des dispositions
qu'il invoque apparaît comme l'une des interprétations auxquelles cette
disposition peut seprêter, sinonnécessairementcomme la vraie ..» (ibid.),
ou encore «s'il apparaît que le Gouvernement [demandeur] ..avance une
inter~rétation défendable du traité. c'est-à-dire une inter~rétation aui
puisse se soutenir, qu'elle l'emporte finalement ou pas...)) (ibid.), ou
quand «la requête[fait]apparaîtreun rapport réelentre le griefet lesdispo-
sitions invoquées...))(Jugements du Tribunal administratif de l'OIT sur
requêtescontre l'Unesco,avis consultatiJ C.I.J. Recueil 1956, p. 89); ou
bien quand les((dispositions invoquéesapparaissent comme ayant un rap-
port sérieuxet non factice avec)) l'acte allégué(ibid.), ou quand la pré-

tention suivant laquelle l'instrument invoqué confèrebien le droit reven-
diqué a «une base juridique sérieuse))(ibid., p. 90); ou encore quand
les ((titres invoquéspar le Gouvernement [demandeur] ...permettent la
conclusion provisoire qu'ils peuvent être pertinentsen l'espèce ...» (Inter-
handel, arrêt,C.I.J. Recueil 1959, p. 24); ou quand la disposition en
question «peut êtrepertinent[e] pour la solution du ..différend))(ibid.)
ou bien encore s'il existe «un rapport raisonnable entre [le]traité et les
demandes présentées à la Cour » (Activitésmilitaires et paramilitaires au
Nicaragua et contre celui-ci, compétenceet recevabilité,arrêt,C.I.J.
Recueil 1984, p. 427, par. 81).

Certains de ces énoncésconcernentles fonctions d'un autre organe que
la Cour; d'autres, les fonctions de la Cour elle-même.Certains se situent
dans le cadre de la phase juridictionnelle d'une affaire portée devant la
Cour; d'autres se situent au stade du fond. On peut toutefois raisonna-
blement penser que ces énoncés s'appliquenttous aux fonctions de la
Cour elle-mêmequand celle-ci est appelée à examiner si les actes allégués
ont avec le traitéinvoquéun rapport tel qu'il confère à la Cour la com-
pétence prévuedans la clause compromissoire.
Dans l'affaireAmbatielos, c'estau stade du fond que la Cour a parlé des
critères juridictionnels pertinents etelle en a parlépropos des fonctions
qu'exercerait un tribunal arbitral. La Cour a décidéque le Royaume-
Uni était conventionnellement tenu de soumettre un certain différend
à l'arbitrage. Le problème, quifut soulevé à un stade tardif de l'argumen-

tation, consistaità savoir jusqu'ou la Cour pouvait aller pour affirmer
l'existencede cette obligation sans empiétersur lesprérogativesde l'organe
arbitral pour exercer lui-même sa ((compétencd ee la compétence))et se
prononcer sur sa propre compétence.On peut voir comment le problèmea
surgi (cf.C.I.J. Mémoires, Ambatielos,p. 356 et suiv., Henri Rollin, et
p. 385, Fitzmaurice). Il existait incontestablement une distinction entre la
compétencede la Cour pour établirs'il y avait ou non obligation de sou-
mettre le différendà l'arbitrage, d'unepart, et, de l'autre, la compétencedutribunal arbitralpour établir ensuites'ilétait ou non compétenten l'espèce.
Toutefois, s'agissant de la Cour, ellepouvait difficilementdire qu'ilait
obligation de soumettre le différenà l'arbitrage sanségalementprésumer
à tout le moins que le différendserait bien de la compétencede l'organe
arbitral. Il n'est donc pas surprenant de constater que, pour beaucoup, la
Cour a bien dit en substance que le différendserait de la compétencede
l'organearbitral3. On voit donc mal pourquoi, sous réserve deraffinements
ultérieurs de la jurisprudence, il ne serait pas possible de faire appel au

principe de cecritère de l'affairebatielos chaque fois qu'ilfaut décider
si une question relèvede lajuridiction d'un organe appeléà se prononcer
sur cette question, compris quand il s'agit dela Cour elle-mêmeL . 'iden-
titéde l'organe appelé à se prononcer n'a pas d'importance: ce qui en a,
c'est la question juridique en jeu. Et cette question est toujours la même
indépendamment de l'organe appelé à se prononcer. Il n'est pas logique
de supposer que la Cour va retenir un certain critèrejuridictionnel quand
il s'agit d'autres tribunaux et en adopter un autre quand il s'agit d'elle-
même.
Les affaires del'lnterhandel et des Activitésmilitaires etparamilitaires
au Nicaragua, dans lesquellesle point litigieux portait sur la compétence
de la Cour elle-mêmed , onnent à penser que c'estbien le mêmecritèrequi

s'applique quand il s'agit de la Cour. Dans l'affaire de l'lnterhandel, le
point de savoir s'ilfallait soumettre une certaine questioà l'arbitrage a
fait l'objet d'une «conclusion subsidiaire)) de la Suisse. Toutefois, la
«conclusion principale)) de la Suissevisaità demander à la Cour d'exer-
cer sa propre compétencepour dire et juger que les Etats-Unis d'Amé-
rique avaient l'obligation de restituer les biens saisis de la sociétér-
handel (C.I.J. Recueil 1959, p. 19). En se prononçant sur l'exception
d'incompétencesoulevéepar le défendeurpour lesmotifs que la saisineet
la rétentiondes actifs de la société relevaient de la compétencnationale
du défendeur, laCour a dit ceci:

«Pour déterminer si l'examen des titres ainsi invoqués [par la
Suisse]échappe à la compétence de laCour pour lemotif allégué par
les Etats-Unis, la Cour s'inspirera de ce qu'a fait la Cour perma-
nente de Justice internationale en présenced'une contestation ana-
logue dans son avis consultatif sur lescretsde nationalitépromul-
gués enTunisie et au Maroc (SérieB, no4). En conséquence laCour

n'entend pas, en la présente phase de la procédure, apprécier la vali-
dité des titres invoquéspar le Gouvernement suisse ni se prononcer
sur leur interprétation, ce qui serait aborder le fond du différend.
Elle se bornera à rechercher si les titres invoquéspar le Gouverne-
ment suisse permettent la conclusion provisoire qu'ils peuvent être
pertinents en l'espèceet, dans ce cas,à rechercher si les questions
relativesà la validité eà l'interprétation de ce titre sont des ques-

Sir Hersch Lauterpacht, The Development of International Law by the International
Court,1958,p. 239. tions de droit international. »(Interhandel, arrêt,C.Z.J. Recueil 1959
p. 24.)

On voit là assez clairement que dans l'affaire de 171nterhandella Cour
a adopté une sorte de critère de relativitéen ce qui concerne sa propre
juridiction. Elle a fait de mêmedans l'affaire des Activitésmilitaires et
paramilitaires au Nicaragua. On ne peut pas se contenter de dire que la
Cour ne faisait que rappeler la thèsedu défendeur quand elle s'exprimait
ainsi:

«Pour que le Nicaragua établissela compétence dela Cour dans
la présenteespècesur la base du traité, il doit prouver l'existence
d'un rapport raisonnable entre ce traité etles demandes présentées à
la Cour.)) (Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et
contre celui-ci(Nicaragua c. Etats-Unis d'Amérique),arrêt, compé-

tence et recevabilité,C.Z.J. Recueil 1984, p. 427, par. 81.)
Dans la mesure où elle rappelait la conclusion du défendeur, la Cour
l'adoptait aussi. En tout cas, elle ne rejetait pas la proposition; tout au
contraire, la façon dont elle a considéré ensuitela question s'accordait
bien avec cette proposition. La Cour en effet évoque ou résumecinq ar-

ticles du traité en cause puis, sans ajouter la moindre observation inci-
dente, elle déclare:
«Vu ces dispositionsdu traité ...il n'est pasdouteux que, dans les
circonstances où le Nicaragua a présenté sarequête à la Cour et
d'aprèsles faits qui y sont allégués,il existe un différendentre les

Parties, notamment quant à ((l'interprétation ou àl'application)) du
traité.))(Zbid.,p. 428, par. 83.)
La Cour n'a pas donné d'interprétation définitive de ces dispositions
conventionnelles; elle ne les a pas analysées;elle les a examinéesrapide-

ment - se contentant d'en vérifier l'existence- pour établir s'ily avait
«un rapport raisonnable))entre ces textes et les demandes qui lui étaient
présentées.Il est intéressantaussi de noter que, pratiquement d'un bout à
l'autre de ses piècesde procédure écrite etde sesplaidoiries, le défendeur
a, en l'espèce,plaidépour un critèrede «rapport raisonnable)), comme il
l'a fait dans l'affaire desActivitésmilitaires et paramilitaires au Nicara-
gua, c'est-à-dire qu'il a, jusque-là au moins, reconnu qu'une sorte de cri-
tèrede relativité était applicable.

IL N'EST PAS POSSIBLE DE DONNER UNE INTERPRÉTATION DÉFINITIVE
AU TRAITÉ AU STADE PRÉLIMINAIRE

Développant le dernier point évoqué ci-dessusn , ous rappellerons que
l'affaire desActivitésmilitaires et paramilitaires au Nicaraguane fut pas
la seule dans laquelle la Cour s'estabstenue de donner une interprétation
définitive destextes pertinents. Elle a fait preuve de la même réservd eansl'affaire Ambatielos. De mêmedans l'affaire de l'lntevhandel, comme il
ressort de l'extrait cité ci-dessus.On sait aussi que, dans cette dernière
affaire, les Etats-Unis d'Amérique soutenaient que l'article IV de l'accord
de Washington invoqué par la Suisse était ((dénué de toute pertinence en
l'espèce))- idéecentrale de l'exception d'incompétenceen l'occurrence.
Les Parties s'opposaient sur certains termes dudit article. Evoquant ce
point litigieux, la Cour a dit:

((Interpréter ces termes est un point de droit international et ce
point affecte le fond de l'affaire. Au présentstade de la procédure,il
suffitàla Cour de constater que l'article1de l'accord de Washington
peut être pertinent pour la solution du présent différendet que son
interprétation relèvedu droit international.)) (C.I.J. Recueil 1959,
p. 24.)

Ainsi, l'instrument invoqué peut êtrejugépertinent pour la solution du
différend,ce qui aboutit à conférercompétence,mêmesi l'interprétation
de ses termes est considérée comme relevantdu fond.
Quand elle établit si les circonstances alléguéesont bien le rapport
voulu avec le traité invoqué pour fairejouer la compétence prévuedans
la clause compromissoire,la Cour ne peut pas évitertotalement d'inter-
préter le traité jusqu'à un certain point. Mais, si cette approche est la
bonne, le problème dont la Cour est saisie au stade préliminaireet dont
dépend l'attribution de compétenceau titre de la clause compromissoire
ne consiste pas à savoir si le traité s'applique aux circonstances alléguées,
il est de savoir si le demandeur présenteà cet effet une thèsedéfendable.

C'est-à-dire que la Cour ne peut interpréter le traitéau stade de la com-
pétence quedans la mesure où cela s'impose pour établir si l'interpréta-
tion du traité qu'en donne le demandeur est défendableet non pas pour
établirde façon définitivesi le traité s'appliqueeffectivement ou non aux
circonstances alléguéesL . a Cour emprunte la voie la plus étroite quand
elle exerce sa compétence de la compétence; elle va jusqu'au bout de
l'interprétation définitivequand elle exerce sa compétencede fond. En
exerçant sa compétence dela compétence,la Cour peut fort bien consta-
ter que le demandeur lui soumet une thèsedéfendablequand il soutient
que le traité s'applique aux circonstances alléguées, mêm si, quand elle
exerce sa compétenceau fond à la suite de cette première décision,elle
doit finalement constater que tel n'est pas le cas, que le traité ne s'ap-
plique pas à ces circonstances.Pratiquement, le traitépourrait fort bien

ne pas s'appliquer aux circonstances alléguées et pourtant la Cour pour-
rait avoir la compétence defond voulue pour établirjustement si letraité
s'applique ou non.

Il existe des précédents d'uneautre nature. Il est arrivé dans certaines
affairesqu'en examinant si ledifférend relevaitou non de la compétence
qui lui était conféréepar la clause compromissoire du traité la Couradopte une position donnant à penser qu'elle estimait êtretenue dèsce
stade de la compétence d'établir de façon définitivs ei les dispositions
invoquées par le demandeur s'appliquaient bien, quand elles étaient
dûment interprétées,aux circonstances alléguées(voir, par exemple,
l'affairedesConcessions Mavrommatisen Palestine, C.P.J.I. sérieA no2,
p. 16, et l'affaire relatàvl'Application de la conventionpour la préven-
tion et la répressiondu crime de génocide,arrêt,C.I.J. Recueil 1996,

p. 615-617,par. 30-33).Cette position, qui est celleque la Cour a adoptée
en l'espèce,s'écarte nettementdu point de vue plus restreint suivant lequel
la Cour n'est tenueà ce stade que de dire si l'interprétation qu'invoquele
demandeur pour soutenir que ledit traité s'applique aux circonstances
alléguées esutne interprétation défendableau sens indiquéci-dessus.

Quelle est celle de ces deux voies de la jurisprudence que la Cour
devrait à présent suivre? Pour trouver la solution, il faut revenir aux
termes mêmesde la clause compromissoire. Celle-cinous dit que la com-

pétenceest liéeau point de savoir s'ilexiste un différendentre les parties
quant à l'interprétation ouà l'application du traité. Il pourrait y avoir
différend surle point de savoir s'ily a un différendquant à l'interpréta-
tion ou à l'application du traité.Seprononcer sur le bien-fondé de l'inter-
prétation du demandeur revient à se prononcer sur le second différend et
non pas sur le premier; et cela revieàtseprononcer en partie sur le fond
de la réclamationavant d'avoir atteint le stade du fond. L'explication est
que, comme en droit interne, pour établirlebien-fondé d'une réclamation
devant la Cour, il faut prouver deux choses, premièrement que l'obliga-
tion alléguée existe edroit et deuxièmement que, d'aprèsles faits, il a
eu infraction à l'obligation (voià cet égardl'affaire Ambatielos, fond,

arrêt,C.I.J. Recueil 1953, p. 17). Le second de ces deux points dépend
desmoyens de preuve. Le premier sera établipar le biais d'une interpréta-
tion définitivedes textes invoqués(y compris le droit international géné-
ral), cette interprétation visanà établir si ces textes imposent bien au
défendeur l'obligation revendiquée. Procéder àcette interprétation relève
donc du fond. Voici comment cette proposition se vérifiedans la pra-
tique.
On peut imaginer un différenddans lequel, les faits n'étant pascontes-
tés,l'unique question qui se poserait est de savoir si, quand il est bien
interprété,le traitéinvoqué s'appliquebien à ces faits. Si, lors de l'exa-
men d'une exception préliminairesuivant laquelle le traité serait totale-

ment dénué de pertinencepar rapport à la demande, la Cour se pronon-
çait sur la question de l'interprétation en faveur du demandeur, il ne lui
resterait plus rien trancher au stade du fond; la Cour se prononcerait
sur le fond au stade préliminaire, c'est-à-dirà un moment où, suivant
l'article 79, paragraphe, de son Règlement, la procéduresur le fond est
suspendue. Toutefois, selon le point de vue que j'expose, il subsisterait
une question à réglerau stade du fond, puisque tout ce que la Cour tran-cherait au stade préliminaire,c'est lepoint de savoir si ledemandeur peut
présenter uneinterprétation défendabledu traitépour étayersa demande,
suivant laquelle le traité s'applique bien aux faits allégués.l resterait
alors à décider,au stade du fond, si le traité, valablement interprété,
s'applique effectivement àces faits.
Si l'on estime que cet exemple a fâcheusement pour effet d'obliger à
poursuivre la procédure jusqu'austade du fond, la réponse tienà ceci,qui
a maintes fois été notéq,ue la Cour n'estpas dotéed'un mécanisme defil-
trage inspiréde celuiqui existedans certains régimesde droit interne, grâce
auquel il est possible d'examiner etde trancher en partie au fond avant

d'avoir normalementatteint ce stade. Dans ces régimes,il est possible en
effet, avant d'avoir normalementatteint la phase du fond, qu'en donnant
leur valeur maximaleaux faits allégués par le demandeur ces faits ne jus-
tifient pas la demande parce que l'obligation revendiquéen'existepas en
droit ou bien que, si elle existe, lesfaits allégués constituent pas une
violation. La Cour n'a pas encore adoptépour pratique dans sa procédure
de «rayer» ainsi la requête d'undemandeur. Le Statut n'indique pas, sauf
de façon indirecteau paragraphe 6 de l'article36,de procédureà suivreen
ce qui concerne les exceptions préliminaires.Tout demandeur est habilité
par le Statutà plaider devant la Cour au fond, normalement, tant pour
montrer que, en droit, l'obligation alléguée exiseue pour montrer aussi
que, dans les faits, le défendeura violéladite obligation. Le malentendu
s'instaurequand on ne prend pas garde àcette différenceentre la procédure
de la Cour et cellede certains systèmesinternes et qu'on veut circonscrirela
procédure préliminaire relativàune exception qui revient en faàtaffirmer

qu'il n'y a pas de différendau sens de la clause compromissoire invoquée
parce que le traité énonçantcette clauseest sans rapport avec la demande
présentéeP.our statuer sur pareille exceptionon ne peut pas allerqu'à se
poser la question de savoir si, d'après uneinterprétationjuste du traité,
l'obligation revendiquéeexiste ou non. Cela relèveraitdu fond, sous sa
forme habituelle; une procédure préliminairnee peut rien y changer.
Pour ne pas allonger indûment la présente opinion, nous dirons sim-
plement que les modifications apportées au Règlement de la Cour en
1972 n'ont pas abrogé le principe fondamental qui est qu'une décision
préliminaire ne peut pas trancher ni même préjugerde questions liti-
gieuses relevant du fond. L'idéequ'en se prononçant sur des exceptions
préliminairesla Cour pouvait, lors de son examen, ((effleurerle fond»
remontait aux années vingt. Lesamendements de 1972ont incitéla Cour

à continuer de suivre la voie dans laquelle elle s'étaitdéjàengagée,et par
conséquent à statuer sur des exceptions préliminaires mêmsei elledevait
alors ((effleurerle fond», mais elle ne le ferait alors que dans le cadre du
principe, lui aussi admis depuis longtemps, suivant lequel la Cour ne peut
pas réglerni préjugerle fond au stade préliminaire;les amendements de
1972n'ont pas autoriséla Cour à déroger à ce principe. Par conséquent,
tout ce que la Cour peut régler,lors d'une procédure préliminaire dece
caractère, c'est le point de savoir si l'interprétation que le demandeur
donne du traité est ou non défendable. Il est entendu que, puisque la compétence repose sur le consentement,
la Cour doit décider une foispour toutes, et non à titre provisoire, que le
différend dont il s'agit ((rentre dans le cadre de ceux pour lesquels le
[défendeur]a accepté la juridiction de la Cour» (affaire des Concessions
Mavrommatis en Palestine, arrêt no 2, 1924, C.P.J.I. sérieA no2, p. 29;
et voir aussiibid., p. 16). Mais il faut faire une distinction entre statuer
définitivementsur le point de savoir si ledifférendrentre ou non dans la
catégorie vouluede différendset, par ailleurs, le critèresur lequel la déci-
sion repose. Il n'y a pas de raison qui empêche derendre une décision

définitivede cet ordre à partir d'un critèrecorrespondant à une éventua-
lité. L'éventualité esqtue le demandeur puisse présenter uneinterpréta-
tion défendable de l'instrument sur lequel il fonde sa demande. D'autres
domaines du droit montrent qu'un tribunal peut très bien rendre des
décisionsdéfinitivesen aLLréciantune éventualité.
Le fait que le bon critèrà utiliser n'ait pas été défenddans une série
d'affaires dont la dernière en date est celle relativel'Application de la
convention pour la préventionet la répressiondu crime de génocidene
signifie pas qu'il ne faut pas tenir compte desdites affaires. Mais il est
utile de se rappeler le fait pour mesurer l'intérêt'autres décisions plus
pleinement motivéesqui donnent àpenser que la Cour, àce stade, a pour
tâche non de donner une interprétation définitivedu traité mais seule-

ment de décidersi l'interprétation du traitésur laquelle le demandeur se
fonde est défendable au sens indiqué ci-dessus. Nous nous permettons
respectueusement de dire que c'est là l'optique àadopter, et que la posi-
tion adoptéepar la Cour est erronée.

Nous en déduisons, par conséquent, que ce que dit la Cour dans
l'affaire Ambatielos, qu'«il n'est pas nécessairepour la Cour d'arriver à
la conclusion ...que l'interprétation du traitéavancéepar le Gouverne-
ment [demandeur] ...est l'interprétation correcte)), peut s'appliquer dès

qu'il faut trancher le point (quel qu'il soit, quel que soit son énoncé) de
savoir si l'instrument invoquéa bien unrapport avecla demande.Dèslors,
commela Cour ne peut pas àcestadedonner une interprétationdéfinitivedu
traitéde 1955et que, par conséquent,ellene peut pas se doter d'un repère
grâce auquel elle pourrait établirs'il a un rapport raisonnable entre le
traitéet la demande, tout ce qu'elle peut faire, quand ellecherche siun tel
rapport existe, c'est de dire sil'interprétation que donne le demandeur du
traité((qu'ilinvoque apparaît comme l'une desinterprétations auxquelles
cette disposition peut se prêter,sinon nécessairement comme la vraie...»
(Ambatielos,fond, arrêt,C.I.J. Recueil 1953, p. 18).
En outre, lorsqu'on cherche à établirsi le rapport voulu existe, on a

intérêtà se rappeler qu'il est de la nature des choses pour la Cour de ne
parvenir que dans des cas exceptionnelset évidents à la conclusion que la
requêted'un demandeur soutenant que l'instrument invoqué confèreledroit revendiquén'a pas de «base juridique sérieuse)),pour reprendre
l'une des formules que la Cour emploie sur ce thème. Un conseil ne
recommanderait pas l'action judiciaire s'il n'était convaincu que la
demande est suffisammentfondée.Cette considérationn'exonèreévidem-
ment pas la Cour de l'obligation d'écarter toute requête à laquelle ce fon-

dement fait défaut;mais c'estune considération quiincite à la prudence.
Si la Cour éprouve beaucoup de peine à conclure que la demande n'est
pas suffisamment fondée, elle n'a pas vraiment lieu d'écarter cette
demande. Les réclamationsrelatives à Jaffa, dans l'affaire des Conces-
sions Mavrommatis en Palestine, sont un bon exemple.A cette occasion,
la Cour a décidéque le différendopposant les deux gouvernements au
sujet de ces réclamations-là «ne regard[ait] pas l'article 11du mandat, et
partant, ne rentr[ait] pas dans le cadre de ceux pour lesquels le manda-
taire a acceptélajuridiction de la Cour» (C.P.J.I. sérieA no2, p. 29). En
parvenant à cette conclusion - et peut-être faut-il retenirl'expression

«ne regarde pas» [équivalant au terme «connection» de la version
anglaise,c'est-à-diredans le sensde ((rapport »] - la Cour a fait observer
qu'«on ne saurait)) soutenir une thèseaboutissant à la conclusion oppo-
sée(ibid., p. 28). Retranscrite dans la forme adoptée par la jurispru-
denceultérieure,cetteobservation, empruntée àune affairetrès ancienne,
reviendrait à dire que, de l'avis dela Cour, l'interprétation donnéepar le
demandeur des instruments invoqués pour établir l'existence du
((rapport » nécessaireentre les réclamationsprésentéeset l'article 11 du
mandat n'était tout simplement pas défendable au sens indiqué ci-
des~us-

Comment faut-il alors établir si l'interprétationdu traité donnéepar le
demandeur est défendable?L'exception suivant laquelle il n'y a pas de
rapport raisonnable entre une demandeet le traité invoquérevient en fait
à montrer qu'il y a un différend surle point de savoir s'ilexiste un dif-
férendau sens de la clause compromissoire dont on veut se prévaloir. Il
est donc bon de se rappeler qu'en règlegénérale il n'y a pas de différend
au sens juridique quand la demande est dépourvue de fondement juri-
dique que l'on puisse raisonnablement faire valoir ou qu'elle estmanifes-
tement frivole ou insupportable (affaire des Essais nucléaires(Australie

c. France), arrêt,C.I.J. Recueil 1974, opinion dissidente de M. Barwick,
p. 430, et affaire desctivitésmilitaires etparamilitaires au Nicaragua et
contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d'Amérique),fond, arrêt,C.1. J.
Recueil 1986, opinion dissidente de sir Robert Jennings,p. 535.Voir éga-
lement l'avisanalogue qu'exprime M. Spiropoulos dans l'opinion indivi-
duelle publiée à l'occasion deI'affaireAmbatielos,exceptionpréliminaire,
arrêt,C.I.J. Recueil 1952, p. 56.) On peut lire dans l'opinion dissidente
commune jointe à l'arrêt dans l'affairedes Essais nucléaires(Australie
c. France) :

«si un demandeur essayait de faire passer pour juridique une préten-
tion dont aucun juriste éclairéne pourrait admettre qu'elle repose
sur la moindre base juridique rationnelle, c'est-à-dire raisonnable- PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (OP.IND.SHAHABUDDEEN) 833

ment soutenable, il serait alors possible de trancher in limine à titre
de question préliminaire une exception contestant lanature juridique
du différend)) (C.I.J. Recueil 1974, p. 364,par. 107).

On peut donc êtred'avis que, pour établirsi l'interprétation du traité

que donne en l'espècele demandeur est ((soutenable», ou ((suffisamment
plausible)), si le traité est((pertinent)) par rapport à la demande, ou
encore si la demande est suffisammentfondée, la Cour doit égalementen
décider commepourrait le faire n'importe quel ((juriste éclairé))L . a Cour
ne pourra estimer que l'interprétation du demandeur n'est pas ((soute-
nable)), ou qu'ellen'est pas ((suffisammentplausible)), ou que le traitéest
dénuéde «pertinence» par rapport à la demande, ou que la demande

((n'estpas suffisamment fondée)),ou encore que le critère équivalentqui
correspond à d'autres formules du mêmeordre n'est pas rempli, que si,
du point de vue de n'importe queljuriste éclairé,elleparvient à la conclu-
sion que l'interprétation invoquéen'est pas rationnellement fondée ni rai-
sonnablement défendable, compte tenu du fait que, comme Brierly l'a
fait observer. «deux es~rits différentstout aussi éclairésl'un aue l'autre
peuvent abokir et aboutissent souvent à des conclusions difiérentes et
tout aussi raisonnables~~. Croire qu'on ouvre par là la voie à une sub-

jectivitéinadmissible serait méconnaître le cheminement de la réflexion
du juge. La Cour jauge souvent en définitiveles questions juridiques à
l'aune qu'établitle juriste éclairé.
En somme,la pratique du droit - etje crois aussi le milieu scientifique
du droit - admet qu'il soit possible de soutenir valablement qu'une cer-
taine situation relève d'une certaine catégorie juridique et qu'il soit en
même temm im~ossible de formuler à cet effet une thèse défendable.

Dans le premier cas, il y a quelque chance raisonnable que la préten-
tion soit retenue ou ne le soit pas; dans le second cas, il est clair que la
prétention échouera. ~utrement dit, dans certains cas, le droit autorise
à évaluer les perspectives de succès, avec les conséquences juridiques
auxquelles il faut s'attendre. De même,la jurisprudence de la Cour fait
apparaître une distinction importante sur le plan juridictionnel entre une
demande reposant sur une interprétation défendable de l'instrument invo-

qué, et unedemande qui ne repose pas sur une interprétation défendable
de l'instrument invoaué. Dans toutes ces affaires-là. la Cour décidesui-
vant la norme définiepar lejuriste éclairé.

Sir Hersch Lauterpacht et C. H. M. Waldock (dir. pub.), The Basis of Obligation in
International Law and Other Papers by the Late James Leslie Brievly, 1958, p. 98. Ou
bien, comme on l'a dit'occasion d'une affaire en Angleterre:

Deux [personnes] raisonnables peuvent raisonnablement aboàtdes conclu-
sions opposéespartir des mêmesfaits sans pour autant perdre le droit d'être consi-
toujours un résultat juste, mal exercer son jugement ne produit pas toujours un
résultatdéraisonnable.» (Lord Hailsham,e W. (An Infant), [1971]AC 682, HL,
p. 700.) 834
PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (OP.IND.SHAHABUDDEEN)

Si c'estun critère minimaliste, par exemple celui d'un rapport raison-
nable, qui est le bon critère,cela donnerait plus de poàdl'arrêt surcer-
tains points, mais sur d'autres cela produirait vraisemblablement des
résultats qui ne seraient peut-être pas exactementles mêmesque ceux
auxquels la Cour est parvenue en appliquant un critère maximaliste.
Avant tout, il serait bon de considérer lanature de l'espèce.Le défen-
deur admet qu'ila détruitlesplates-formes pétrolièresdu demandeur, qui
sont en cause, mais il dit l'avoir fait au titre de la légitimedéfensepour
répondre à des actes d'agression commis à son encontre par le deman-
deur. Si ce dernier acceptait que le défendeurait agi au titre de la légitime

défensemais cherchait à soutenir que le traitéinvoqué interdisait néan-
moins le recoursà la force au titre de la légitimedéfense,ses argumenàs
cet effet seraient, du point de vue de la jurisprudence évoquéeci-dessus,
indéfendablesau point d'être artificiels.Dans ce cas-là, la Cour serait
tenue de direà ce stade que pareille argumentation ne peut pas fonder un
différendrelatifàl'interprétationou àl'application du traitéau sens de la
clausecompromissoire qui y est énoncéeet seraitpar conséquent tenuede
décider qu'elle n'est pas compétente. Toute autre décision reviendrait
pour la Cour à oublier qu'elle doit se protégercontre les abus de procé-
dure.
Mais le demandeur n'accepte pas l'idéeque le défendeur ait agi par

souci de légitimedéfense; iln'adopte pas non plus l'argument peu plau-
sible tendantà dire que le traité interdit le recàula force dans les cas
de légitimedéfense.Il dit que le recoursà la force par le défendeurcor-
respondait à une agression et que l'emploi de la force dans ces conditions
par l'une des parties contre l'autre est interdit par le traité(màpart
toute interdiction découlantdu droit international général. e défendeur
de son côté accepte très justement que la Cour, à des fins juridiction-
nelles,doivepartir du principe que le demandeur allèguedes faits exactsen
ce qui concerne le fond du différend(pour différents avisqui confortent
l'idée, voir l'affaire ConcessionsMavrommatis en Palestine, arrên to2,
1924, C.P.J.I. sérieA no2, p. 74-75,opinion dissidente de M. Moore, et
l'affaire Nottebohm, deuxièmephase, arrêt,C.I.J. Recueil 1955, p. 34,

opinion dissidente de M. Read). En particulier, le défendeur accepte que
la Cour ne puisse pas à ce stade de la procédureformuler de conclusion
sur le moyen de la légitimedéfense qu'ila fait valoir(CR96113, p. 61).
C'estdonc sous cet angle que lespointsà trancher en l'espècedoivent être
abordés.

En ce qui concerne l'article premier du traité, outre les élémentsdu
préambule dont il est fait étatau troisième alinéadu paragraphe 27 de
l'arrêt,les échanges, les investissements, les relations économiques et PLATES-FORM PETROLIÈRES (OP.IND.SHAHABUDDEEN) 835

consulaires, le mêmepréambule, dans ses premières phrases, dit que les
parties sont «animé[e]sdu désir de développerles relations amicales qui
unissent depuis longtemps leurs deux peuples, de réaffirmer dansla direc-
tion des affaires humaines les principes supérieurs auxquels [elles]sont
attaché[e]s..» Soulignant que cette partie du préambule est également
pertinente quand on veut apprécier l'objet etle but du traité,le deman-

deur a fait valoir que l'article premier (qui n'a pas d'équivalentdans le
traitéd'amitié,de commerce et de navigation invoquédans l'affaire des
Activitésmilitaires et paramilitaires au Nicaragua) n'est en tout cas pas
un élément de préambule. L'articlfeait partie des dispositions de fond du
traité et, ce titre, il est en tout cas défendable de soutenir qu'il ne s'agit
pas seulement de l'expression d'un «vŒu», que cette disposition a un
caractèrenormatif, qu'elle énonce unerèglede conduite. Il n'y a en prin-
cipe pas de raison qui interdise aux parties de prendre par voie de traité
l'engagementjuridique d'instaurer entre ellesune paix stable et durable et
une amitié sincère.Dans l'affaire desActivitésmilitaires etparamilitaires
au Nicara~ua.la Cour a reconnu au'il étaitloisibleà des ~arties de s'obli-
ger, par la voie d'un traité rédigécomme il convient, de ((s'abstenir de

tout acte envers l'autre partie qui puisse êtreconsidéré comme inamical,
mêmes'ilne viole pas en lui-même une obligationinternationale)) (Acti-
vités militaires et paramilitaires au Nicaraguaet contre celui-ci(Nicara-
gua c. Etats-Unis d'Amérique),fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 136-
137, par. 273). En cherchant à établirsi elle a ou non compétencepour
décidersil'article premier du traitéde 1955est ou non une disposition de
ce type, la Cour aurait dû se demander si l'argumentation serréeetabon-
dante à laquelle les parties se sont livrées(que nous ne reprenons pas ici
intégralement) suffisaità montrer que l'interprétation de ladite disposi-
tion présentéepar le demandeur était défendable,même s'id l evait appa-
raître ultérieurementque cette interprétation étaiterronée. Mais laCour
n'a pas procédé ainsi.

Encore un point. La Cour sembleêtrepartie de l'idéeque, si la disposi-
tion en question ne créepas d'obligation juridique, cela suffià lui ôter
compétence (voirarrêt, par. 31 et 52). Toutefois, mêmesi la disposition
ne créepas d'obligation juridique, il ne s'ensuit pas nécessairement qu'il
ne peut pas y avoir de différend relatif à son interprétation ou à son
application qui puisse conférer compétence à la Cour. Comme on l'a vu
plus haut, àla différencede la position adoptée danscertains autres trai-
tés,la clause compromissoire en l'espèces'applique à la totalitédu traité
et non pas seulement à certaines parties de l'instrument; la clause vise en
effet(([tloutdifférend..quant à l'interprétationouà l'application du pré-
sent traité...» L'article premierfait partie du traité.Il peut y avoir un dif-
férendentre les Parties sur le point de savoir si cet article premier crée ou

non une norme juridique. Ce différendpeut êtreun différendau sens de
la clause compromissoire et peut conférer compétence.La Cour n'a pas
engagé sa recherchedans cette voie.
En outre, au cas où l'existenced'un différendsur le point de savoir si
l'article premierdu traitécréeune obligation juridique suffiraitconférer PLATES-FORM PÉTROLIÈRES (OP.IND.SHAHABUDDEEN) 836

compétence,on risquerait de tourner en rond en décidant qu'iln'y a pas
compétence parceque la disposition en question ne créepas d'obligation
juridique. Qu'ellecréeou non une obligation juridique est une question
qui relèvedu fond du différend etcela ne peut être établi qu'à condition
d'exercer la compétence vouluepour trancher le différend.Avec le critère
qu'elle a retenu, la Cour n'a pas eu l'occasion d'examiner si décider que

la disposition ne créepas d'obligation juridique présupposel'existencede
la compétence dont l'absence a précisément été constaté au sujet de
ladite disposition.
Mon dernier point est celui-ci:j'ai une réservà formuler sur la façon
dont la Cour traite la documentation interne du défendeur qui concerne
ses procédures de ratification (arrêt, par.9, premier alinéa). Ces docu-
ments ne font pas partie des travaux préparatoires des négociations
concernant le traitéqui ont précédemment prisfin, ni partie des circons-
tances entourant la conclusion du traité. Cette documentation ne donne
pas non plus la preuve qu'une pratique ultérieuredes Parties en ce qui
concerne l'application du traitéétablitqu'ellesont du traitéune interpré-
tation commune. L'argument tirédu fait que la documentation est en

partie présentéepar le demandeur est fort convaincant; mais peut-êtrene
va-t-il pas assez loin.l faut faire la distinction entre la documentation et
cequ'elle prouve, et tout particulièrement sousl'angle dece qu'il convient
de prouver. Dans l'affairede l'dnglo-Ivanian Oil Co., de l'avisde la Cour,
ce qu'il fallait prouver c'était l'intentiond'une des parties lorsqu'elle a
fait une déclaration aue la Cour a traitée comme unedéclarationunila-
térale et non pas comme une disposition conventionnelle; le texte en
question a été considéré comme admissiba lux fins de faire la preuve de
l'intention recherchée(C.I.J. Recueil 1952, p. 107).En l'espèce,ce qu'il
faut prouver, c'est la commune intention des deux Parties telle qu'elle
s'exprimedans le texte du traitéqui a été conclu.La Cour ne dit pas que

la documentation en question montre que le demandeur donne du traité
la mêmeinterprétation que le défendeur.Quand on se range le plus près
possible du côtédu défendeur,ce que la documentation prouve, c'estque
le défendeurinterprétait à l'époquele traitéexactement comme il l'inter-
prète actuellement. Mais cette cohérence unilatéralene donne pas de
caractère probant à la documentation viséepar rapport à ce qu'il faut
prouver; ce qui est pertinent, ce n'est pas l'interprétation individuelle du
défendeur,mêmesi elle est parfaitement cohérente, mais c'est la com-
mune intention des deux Parties telle qu'elle s'exprimedans les disposi-
tions du traité qui a été conclu.

En ce qui concerne le paragraphe 1 de l'article IV du traité, l'arrêt
prend position pour le demandeur sur tous les éléments saufun. Il s'agit
du sens du terme «traitement» dans l'expression ((traitement juste et
équitable))figurant dans la disposition. Le raisonnement tenu par la
Cour débouche sur l'idéeque le terme ne s'étend pas à la destruction PLATES-FORM PETROLIÈRES (OP.IND.SHAHABUDDEEN) 837

opérée par un Etat au moyen de la force armée.Si, comme il est vraisem-
blable, le terme s'étendau cas où des biens sont saisis par un Etat au
moyen de la force arméepour êtreutiliséspar lui, on pourrait soutenir
que le terme couvre égalementle cas où des biens seraient, au moyen de

la force armée, saisis par 1'Etat du fait qu'il les détruit: l'idéeque des
biens détruits sont des biens saisis est connue en droit5. Donc, si un Etat
saisit des biens soit pour les utiliser lui-même soitpour les détruire, on
peut se demander si cela constitue un «traitement» illicite dans un cas
tout comme dans l'autre. D'après le critère qu'ellea retenu, la Cour n'a
pas eu l'occasion de se pencher sur une question de cet ordre.
A titre subsidiaire, j'ajouterai que les trois dernières phrases du para-
graphe 36 de l'arrêtreposent sur une erreur d'interprétation. Certes, c'est
évident,le paragraphe 1 de l'article IV du traité ne réglementepas les
actions militaires menéespar l'une des parties contre l'autre. Mais il ne
s'ensuit pas que des actions militaires ne puissent aboutirà violer cette
disposition, contrairement à ce que tend à faire croire ce passage de

l'arrêt.Ailleurs, au paragraphe 21, l'arrêt reconnaît très justementque
l'emploi de la force pourrait aboutir à violer les dispositions du traité,
alors mêmeque le traité neréglementepas l'emploi de la force. Il n'exis-
tait pas d'étatde guerre entre les parties, son application n'était certaine-
ment pas suspendue. Bien au contraire, comme le montre le para-
graphe 15 de l'arrêt,les deux Parties ont l'une et l'autre admis que le
traité a toujours étéen vigueur. Le recours aux forces arméespouvait
manifestement aboutir à traiter de façon illicitelesnationaux de l'une des
parties, ou leurs biens, contrairementà l'obligation imposéepar le para-
graphe 1 de l'article IV du traité.

En revanche, il est possible d'étayer la position quela Cour a adoptée
au sujet du paragraphe 1 de l'article X du traitépar quelques arguments
supplémentaires, quevoici :
En premier lieu, nous nous arrêterons sur le point de savoir si, dans
l'expression ((commerce et ...navigation)) qui figure au paragraphe 1 de
l'article X du traité,le terme «commerce» est précisépar le terme ((navi-

gation» de façon à désigner exclusivement, comme le soutient le défen-
deur, le commerce maritime. Dans l'arrêtqu'elle a rendu en 1986 dans
l'affaire desActivitésmilitaires et paramilitaires au Nicaragua et contre
celui-ci,a Cour a estimé quele minage du port constituait une ((atteinte
à la libertéde communication et du commerce maritime» (C.1.J. Recueil
1986, p. 129,par. 253).Mais l'observation étaitfondéesur certains droits
de navigation relevant du ((droit international coutumier » (ibid., p. 111,
par. 214); la Cour a donc parléd'«obligations [qu'] ...impose le droit

Voir Corpus Juris Secundutn, vol. 29A, 1965,p. 442 et suivinternational coutumier ...de ne pas interrompre le commerce maritime
pacifique)) (C.I.J. Recueil 1986, p. 147, par. 292, point 6). Et quand la
Cour en est venue à examiner si le minage violait la liberté de commerce
et de navigation faisant l'objet de la disposition énoncéau paragraphe 1
de l'articleXIX du traitéd'amitié, de commerceet de navigation de1956,
la Cour n'a pas parléde ((commercemaritime »; elle a parléd'«obliga-
tions découlant[pour le défendeur] de l'articleXIX du traitéd'amitié,de
commerce et de navigation)) (ibid., p. 147,par. 292, point 7). Il est légi-
time de supposer que cette nuance dans l'expressionsignifiaitque la Cour

ne voulait pas êtreconsidérée commelimitant «la liberté de commerce))
prévuepar le traité àla liberté de commercemaritime.De plus, si, comme
il semble bien, la Cour estimait que la liberté de commerceenvisagéeau
paragraphe 1 de l'article XIX du traité n'étaitpas limitéeau commerce
maritime mais s'étendait àtoutes les formes de commerce, cela explique-
rait pourquoi la Cour a estimé que le défendeur, «par les attaques
[menées]contre le territoire du Nicaragua ...[a] violé[ses] obligations
découlant de l'articleXIX du traité...)) (ibid. p. 148,par. 292, point 11).
C'est parce qu'il estimait au contraire que la disposition en question
«trait[ait] exclusivement de questions relatives au commerce maritime))
que M. Oda, dans son opinion dissidente, a dit ne pas souscrire à cet
aspect de l'arrêt(ibid., p. 251, par. 84). Il paraît donc assez justifiéde
déduire de cetarrêtde la Cour de 1986que la liberté de commerceet de
navigation viséeau paragraphe 1 de l'articleX du traitéde 1955entre les
Parties à la présente instance n'étaitpas limitéeau commerce inavitime.

Nous nous arrêteronsensuite sur l'argument - de poids - suivant
lequel les plates-formes pétrolièresen cause sont des moyens de produc-
tion et non de commerce. 11y a manifestement une distinction à faire
entre les deux processus; mais il est assez difficilede savoir où se situe
vraiment la ligne de démarcation quand il s'agit d'une branche dans
laquelle la production est très étroitementliéeau commerce extérieur.
Prenons par hypothèse le cas (suggérépar le premier alinéa du para-
graphe 51de l'arrêt) d'unEtat dont les recettes en devisessont tributaires
de ses exportations de pétrole, le pétroleétant en l'occurrence produit
localement. On peut imaginer qu'un autre Etat, souhaitant anéantir le
commerce qui apporte ces devises d'exportation au premier Etat, décide
soit de faire le blocus des installations d'exportation, soit de détruireles
installations de production pétrolière.Il n'est pas possible de voir très
nettement si la méthode retenueatténuele fait que, d'une façon comme

de l'autre, le second Etat aura atteint son objectif, qui est d'anéantirle
commerce pétrolier du premier Etat. La distinction suggérée, à stricte-
ment parler, ne se déduit pas facilement du traitélui-mêmequand on le
replace pour l'interpréterdans le cadre géopolitiquedans lequel il a été
négocié:si le commerce est ainsi protégé, c'est parce qu'on voulait à
l'époque essentiellementassurerpour l'avenir la protection d'intérêtés co-
nomiques axéssur l'exportation que des sociétésdu défendeur avaient
acquis en participant à l'industrie pétrolièredu demandeur. On peut
suivre jusqu'à un certain point le demandeur quand il soutient que les PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (OP.IND.SHAHABUDDEEN) 839

mêmestermes figurant dans des traités similaires revêtent peut-être un
sens différent quand, afin de l'interpréter, on replace le traité dans le
contexte particulier dans lequel il aéténégocié. Cesconsidérations ne
sont peut-êtrenijustes ni déterminantes;mais ellesdonnent en tout cas à
penser que le demandeur pourrait être autorisé àdéfendrecepoint de vue
au stade du fond.

Si l'on estime pour les raisons ci-dessus que le critère retenu par la
Cour crée certains inconvénientspour le demandeur, on ne doit pas pour

autant tenir pour acquis qu'il ne créeaucun inconvénientpour le défen-
deur; il en crée.Et ces inconvénientspourraient êtregraves.
Voyons par exemple lesconstatations que la Cour formule àl'encontre
du défendeuraux paragraphes 21 et 51 de l'arrêt. Il est vrai qu'en se pro-
nonçant sur la compétencela Cour ne s'engage pas sur des points rele-
vant du fond. Mais si, en statuant sur la question de la compétence, la
Cour peut valablement énoncer une interprétation définitivedu traité,il
est difficilede voir comment cette interprétation pourrait ne pas s'impo-
ser au stade du fond au cas où l'on devrait allerjusqu'à ce stade. Dans la
première des deux constatations sur lesquelles nous nous arrêtons, la
Cour rejette la thèse du défendeur suivantlaauelle le traité de 1955 ne
peut pas s'appliquer a des questions ayant trait
à l'emploi de la force.
Théoriquement, on pourrait soutenir que pareille décision n'empêcherait
nullement le défendeurde faire valoir, au stade du fond, que letraitén'est
pas applicable àdes questions ayant traità l'emploide la force6. Mais vu
l'importance que revêt l'interprétationcontraire pour la décision rendue
par la Cour au stade préliminaire,il est difficile de voir comment cette
interprétation pourrait êtreinverséeau stade du fond. Concrètement, cela
signifieque le défendeur serait ainsi empêché de faire valoiaru stade du
fond un argument pourtant fondamental de sa défense; on pourrait
mêmeimaginer, bien que tel ne soit pas le cas de figure en l'espèce,que ce
soit le seul argument de fond que le défendeurpuisse faire valoir. Dans la
seconde des deux constatations évoquées,la-Cour rejette la thèse du

défendeur suivant laquelleles réclamationsdu demandeur ne peuvent pas
s'appuyer sur le paragraphe 1 de l'article du traitéde 1955.Est-ce que
pareille constatation n'empêcheraitpas égalementle défendeur de faire
valoir au stade du fond que les réclamationsdu demandeur ne peuvent
pas s'appuyer sur ce paragraphe 1 de l'articleX du traitéde 1955?
Normalement, ce sont là des points que le défendeur est censéêtre
totalement libre de faire valoir au stade du fond parce qu'ilstouchentla
question de l'existencedes obligations juridiques qui auraient étviolées.

Voir Georges Abi-Saab, Les exceptions préliminaires dans la procédure dela Cour
internationale, 1967,p. 246.Le droit de soutenir au stade du fond que les obligations alléguées n'exis-
taient pas au sens juridique est distinct du droit de faire valoir pour sa
défenseau fond les questions expressémentviséesau paragraphe 1 d) de
l'articleXX du traité, distinction qui fait l'objet du paragraphe 20 de
l'arrêt.Le droit de se fonder sur ces matières-là pour se défendreau fond
ne peut donc pas répondre au fait que l'arrêt ôteau défendeurla possi-
bilité de soutenir que les obligations en question n'existaient pas au
départ. Il serait inutile d'invoquer lesdites matières pour se défendreau
fond s'ilétaitétabli queles obligations alléguéen'existaient pas en droit.

Ces difficultésne se présententpas si l'on appliqueà la question de la
compétencele bon critèrequi est de déterminersile demandeur donne du
traité une interprétation défendable. Si la Cour se borne à décider que
l'interprétation du traité adoptéepar le demandeur est défendable,il ne
s'ensuit pas que la Cour dit que l'interprétation du défendeur est erronée.
Les deux interprétations peuvent être soutenables;d'ailleurs, il peut arri-
ver qu'au stade du fond l'interprétation du demandeur ne l'emporte pas
et que ce soit l'interprétation du défendeur qui soit finalement retenue.
Dans cette perspective, rien n'empêcheraitle défendeur de proposer sa
propre interprétation du traité au stade du fond. Mais l'argumentation
sera alors différente.Elle ne sera pas axéesur la question préliminaire de
savoir si le demandeur peut valablement soutenir que le traités'applique
aux actions alléguées;elle visera la question de fond de savoir si le traité
s'applique ou non auxdites actions. La première question que la Cour

tranche quand elle exerce sa compétence de la compétenceporte sur le
droit du demandeur à ce que la Cour connaisse de sa demande. Par
opposition, la secondequestion, que la Cour tranche dans l'exercicede sa
compétenceau fond, concerne l'examenjudiciaire de la demande à partir
du moment où le demandeur a droit à voir sa demande jugée.Il s'agit
alors de la question de savoir si l'obligation qui aurait étévioléeselon le
demandeur existe ou non en droit: si l'obligation n'existe pas, aucune
obligation ne peut avoir étévioléeet la demande selon laquelle il y a eu
infraction à une obligation échoue au stade du fond.

Les aménagements qu'il est possible de lui apporter ne m'empêchent

pas de souscrire au dispositif de l'arrêt sousla forme qu'il revêt.J'ai donc
votépour ce dispositif. Il me paraît toutefois que la Cour ne s'est pas
assez intéresséeau fait que la questionàce stade n'est pas de savoir si les
réclamations du demandeur sont fondéesen droit, mais de savoir si le
demandeur a bien droit àce que la Cour connaisse de sesréclamations.Si
elle ne fait pas la distinction entre cesdeux questions avec autant de cons-
tance qu'elle aurait dû, c'est que la Cour a voulu établir de façon défini-
tive le sens du traitéde 1955alors qu'à mon avis elle aurait dû se conten-
ter de rechercher si l'interprétation du traitéqu'invoquait le demandeur PLATES-FORM PESROLIÈRES (OP.IND.SHAHABUDDEEN) 841

était défendable,mêmeau cas où il se révélerait finalement quecette
interprétation est erronée.Je me permets donc de dire queai l'impres-
sion que le critère retenu par la Coura empêchéede poser les bonnes

questions. Par suite, le principe sur lequel l'arrêtest bâti ne peut rendre
pleinement justice aucune des Parties; il lesdessert inutilement l'une et
l'autre.

(SignéM ) ohamed SHAHABUDDEEN.

Bilingual Content

SEPARATE OPINION OF JUDGE SHAHABUDDEEN

The question before the Court is whether the Applicant has a right to
have its claim adjudicated. The Respondent says there is not such a right.

The objection presents the Court with the delicate problem of ensuring,
on the one hand, that the Respondent is not given cause to complain that
it has been brought before the Court against its will, and, on the other
hand, that the Applicant is not left to feel that it has been needlessly
driven from the judgment seat. It is necessary to navigate carefully
between these perils.
As the Court has found, there is a dispute between the Parties, which it
has not been possible to adjust by diplomacy,and which the Parties have
not agreed to settle by any pacific means other than recourse to the
Court. To that extent, the corresponding conditions of the compromis-
sory clause are therefore satisfied. Nevertheless, the Parties differ on the
question whether there is a right of recourse to the Court, the particular
issue being

"whether the dispute between the two States with respect to the law-
fulness of the actions carried out by the United States against the
Iranian oil platforms is a dispute 'as to the interpretation or appli-
cation' of the Treaty of 1955"(Judgrnent, para. 16).

The Court has taken the position that:
"In order to answer that question, . ..[i]tmust ascertain whether

the violations of the Treaty of 1955pleaded by Iran do or do not fa11
within the provisions of the Treaty and whether, as a consequence,
the dispute is one which the Court has jurisdiction vatione mateviae
to entertain, pursuant to Article XXI, paragraph 2." (Ibid.)
Thus, in the view of the Court, the test of jurisdiction is whether the
alleged violations "do or do not fa11within the provisions of the Treaty".

Someseemingplasticity in that statementnotwithstanding, the remainder
of the Judgment makes it clear that what the statement means is that the
Court is required to make a definitive interpretation of the Treaty at this
jurisdictional phase. In paragraph 52, for example, the Court holds that
Article 1 of the Treaty "by itself . . .is not capable of generating legal
rights and obligations" - thus definitively determining the main issue
dividing the Parties on that provision. The Applicant had contended for
a lower test, which, however worded, does not involve the making of a
definitive interpretation of the Treaty at this stage. Without addressing OPINION INDIVIDUELLE DE M. SHAHABUDDEEN

[Traduction]

La question posée à la Cour est de savoir si ledemandeur a ou non le
droit de la saisir pour qu'ellestatue sur sa demande. Le défendeurdit que
pareil droit n'existepas. L'exception soulevéemetla Cour dans une situa-
tion délicatecar il lui faut veiller, d'une part,e pas donner au défen-
deur motif à se plaindre d'avoir ététraduit devant elle contre sa volonté
et veiller, d'autre part,ne pas donner au demandeur l'impression qu'il
lui a été indûmentrefusé une décision de justice.Il faut à la Cour navi-
guer avec précaution entre ces deux écueils.
Comme la Cour l'a constaté,il existe un différendentre les Parties qui

n'a pu êtreréglépar la voie diplomatique et que les Parties n'ont pas
convenu de réglerpar d'autre moyen pacifique que par la saisine de la
Cour. Jusque-là, les conditions correspondantes de la clause compromis-
soire sont donc remplies. Néanmoins, les Parties s'opposent sur la ques-
tion de savoir si le droit de saisir la Cour existe ou non, le point litigieux
étanttrès précisément de déterminer

((sile différend surgientre les deux Etats en ce qui concerne la licéité
des actions menéespar les Etats-Unis contre les plates-formespétro-
lières iraniennes est un différend «quant à l'interprétation ou à
l'application» du traité de 1955))(arrêt,par. 16).
La position adoptée par la Cour est que:

«Afin de répondre à cette question...elle] doit rechercher si les
violations du traité de 1955alléguéespar l'Iran entrent ou non dans
lesprévisions dece traité etsi, par suite, le différend est deceux dont
la Cour est compétentepour connaître ratione materiae par applica-
tion du paragraphe 2 de l'article XXI. » (Ibid.)

Autrement dit, pour la Cour, le critère de sa compétence revient à
savoir si les violations alléguées((entrent ou non dans les prévisionsdu
traité». Indépendamment de la souplesse à laquelle cette déclaration se
prête jusqu'à uncertain point, le reste de l'arrêt montre clairementquelle
est sa signification, qui est que la Cour est obligéede procéder à une

interprétation définitivedu traitédès laprésentephase de la compétence.
Au paragraphe 52de son arrêt, parexemple, la Cour dit que l'article pre-
mier du traité«ne saurait à lui seul créer desdroits et obligationsjuridi-
ques» - ce qui tranche définitivementle point litigieux essentiel oppo-
sant les Parties sur cette disposition du traité. Le demandeur avait plaidé
pour un critèreminimaliste qui, quel que soit son énoncé, n'imposepasextensive arguments on the point, the Court has opted for the higher test.
If a lower test is used, the consequences are not wholly congruent with
those produced by the Court's test. Which is the right test?

Put briefly, the issue now before the Court arises this way: the Respon-

dent contends that the 1955FCN Treaty between itself and the Applicant
is irrelevant to the matters alleged in the Applicant's claim, and therefore
that the jurisdiction conferred by the compromissory clause of the Treaty
is not available.

To underpin the objection, the Respondent makes the opening submis-
sion that the Court has to be satisfied that the compromissory clause of
the Treaty establishes that the Respondent has consented to the jurisdic-

tion of the Court in respect of this particular case. That is correct; the
Applicant does not Sayotherwise. It may be added that the Court must
be clearly satisfied that it has jurisdiction. However, whether the Court
can be satisfied, and satisfied with the requisite clarity, that the Parties
have consented to jurisdiction in this particular case depends on what
exactly is the kind of dispute over which they have agreed that the Court
should havejurisdiction. What they have agreed to submit to the Court is
not a specificdispute which can be concretely identified, but a category of
disputes defined as "[alny dispute between the High Contracting Parties

as to the interpretation or application of the present Treaty. . ."'.
The amplitude of that language in a treaty is apparent; it embraces al1
"difficulties which might be raised by this treaty" [translation by the
Registry] 2.
In this respect, it has to be borne in mind that, unlike the case with
some treaties, the compromissory clause of the 1955 FCN Treaty is not
limited to disputes as to the interpretation or application of some only of
the provisions of the Treaty: it extends to "any dispute ... as to the inter-

pretation or application of the present Treaty", i.e., as to any part of the
Treaty. Thus, the jurisdiction conferred by the compromissory clause

l In treaty practice, the phrase "interpretation or application" dates back to the 1880s.
mandFaàtl'exception préliminairedu Gouvernement polonais", pp. 174-176, and J. B.lle-
Moore, History and Digest of the International Arbitrations to Which the United States
Hus Been a Party, 1898, Vol. V, p. 5057.
A. Merignhac, Traitéthéoriqueet pratique de l'arbitrage international. Le rôle du
droit, 1895,p. 202, para. 198.And see Dionisio Anzilotti, Corso di diritto internazionale,
Vol. 3, 1915, p. 56; Factory at Chorzdw,Jurisdiction, P.C.1.J., Series A, No. 9, p. 24;and
Z.C.J. Pleadings, United States Diplornatic and Consular Staff in Tehran, p. 152 and
p. 153,footnote 14.de donner une interprétation définitivedu traitéà ce stade. Sanss'étendre
longuementsur cettequestion, la Cour a opté pourle critèremaximaliste.

Or, si c'est un critère minimaliste qui est appliqué,les conséquencesne
recoupent pas totalement cellesque produit le critèremaximaliste retenu
par la Cour. Quel est donc le bon critère?

En quelques mots, le problème posé à la Cour revient à ceci: le défen-
deur soutient que le traitéd'amitié, de commerceet de droits consulaires
de 1955conclu entre lui-mêmeet le demandeur est sans rapport avec les
griefs exposésdans la demande en l'espèceet que, par conséquent, la
Cour ne peut pas exercer la compétenceque lui attribue la clause com-
promissoire figurant dans le traité.
Pour étayerson exception, le défendeur soutient pour commencer qu'il
incombe à la Cour de s'assurer que la clause compromissoire du traité
établitbien que le défendeura consenti à la compétence dela Cour en

l'espèce. Ledéfendeura raison; le demandeur ne dit pas autre chose. Il
convient d'ajouter d'ailleurs qu'ilfaut que la Cour soit parfaitement sûre
d'avoir compétence.Mais, ce point de savoir si la Cour peut être certaine
avec toute la clarté requise que les Parties ont consentià ce qu'elle soit
compétenteen l'espèce estlié à la nature exacte du type de différendpour
lequel ellesont convenu de lui donner compétence.Or, ce que les Parties
ont convenu de soumettre à la Cour, ce n'est pas un différend précis
concrètementidentifiable, c'estune catégoriede différendsdéfinie comme

correspondant à «[t]out différendqui pourrait s'éleverentre les Hautes
Parties contractantes quant à l'interprétation ouà l'application du pré-
sent traité...))' Il est évident que cette formule, dans un traité, a une
acception trèslarge, elle englobe toutes les «difficultésque pourrait sou-
lever cetraité»2
A ce sujet, il ne faut pas oublier qu'à la différencede ce qui se passe
avec certains traités, la clause compromissoire du traité d'amitié,de com-
merce et de navigation de 1955n'est pas limitéeaux différendsrelatifs à
l'interprétation ouà l'application de certaines seulement des dispositions

du traité: laclause s'étendà«tout différend ...quant à l'interprétation ou
à l'application du présenttraité)),c'est-à-dirà tout différendayant trait

'Dans la pratique conventionnelle, l'expression ((interprétation ou application))
vernement allemandà1l'exception préliminairedu Gouvernement polonais)) (C.P.J.Z.
sérieC no13 (Z), p. 174-176)et J. B. Moore, History and Digest of the International
Arbitrations to Which the UnitedStates Hus Been a Party, 1898,vol. V, p. 5057.
A. Merignhac, Traitéthéoriqueet pratique de l'arbitrage international. Le rôle du
droit, 1895,p. 202, par. 198. Voir aussi Dionisio Anzilotti, Corso di diritto internazio-
nale, vol. 3, 1915,p. 56; Usinede Chorzbw, compétence,C.P.J.Z. sérieAno 9, p. 24; et
C.Z.J. Mémoires,Personneldiplomatiqueet consulaire desEtatàTéhéranp,. 152-
153,note 14.could apply in relation to a provision of the Treaty even if the provision

creates no legal obligation; for, even if, on a true construction, it creates
no legal obligation, there could be a dispute between the Parties as to
whether it does - a point not considered by the Court in its treatment of
the normative value and jurisdictional status of Article 1 of the Treaty.
More generally, the jurisdiction conferred by the compromissory clause
could be exercised even though it turns out that the Treaty does not
apply to the alleged acts or circumstances; for there can be a dispute as to
the interpretation or application of the Treaty in relation to a matter to
which it is eventually held that the Treaty does not apply. But reason says
that there must equally be a limit beyond which it is not possible for a
dispute as to the interpretation or application of a treaty to arise in rela-
tion to matters to which the Treaty does not apply; beyond that limit, the
compromissory clause no longer operates to conferjurisdiction. Where is
that limit to be drawn?

The location of the limit beyond which it is not possible for a dispute
to arise as to the interpretation or application of a treaty within the
meaning of itscompromissory clause depends on the relationship between

the claim and the treaty on which the claim is sought to be based. The
test as to what should be the requisite relationship has been variously
worded. It is possible to argue, both interestingly and sagely, about
which formulation is best. Possibly, the differencesin wording reflect the
specificcharacteristics of the particular cases. For present purposes, it is
sufficient to take the broad position that thevarious formulations may be
reasonably understood as embodying what, in an omnibus way, may be
called a form of relativity test. This opinion will consequently abstain
from microscopic examination of particular phrases used; it will cal1on
them interchangeably. They occur in the following dicta:

It "is not necessary for the Court to find . . .that the [claimant]
Government's interpretation of the Treaty is the correct one", nor for
that "Government to show. . .that an alleged treaty violation has an
unassailable legal basis" (Ambatielos, Merits, Judgment, 1.C.J. Reports
1953,p. 18).But it "is not enough for the claimant Government to estab-
lish a remote connection between the facts of the claim and the Treaty"
relied on (ibid.). The proper test is met where "the arguments advanced
by the [claimant] Government in respect of the treaty provisions on
which the . . claim is said to be based, are of a sufficiently plausible
character to warrant a conclusion that the claim is based on the Treaty"à n'importe quel élémend tu traité. Autrement dit, la compétenceconférée
par cette clausecompromissoire peut s'exercer à l'égard d'une disposition
du traitéquand bien même celle-ci nc eréerait aucune obligationjuridique;
car, même si,sur la foi d'une interprétation correcte, la disposition ne
créepas d'obligation juridique, il pourrait s'éleverun différendentre les
Parties sur le point de savoir si ladite disposition créeou non une obliga-
tion - point que la Cour n'a pas examinéquand elle s'estpenchéeSur
la valeur normative et juridictionnelle de l'article premier du traité.Plus
généralementl,a compétence conférép ear la clausecompromissoire pour-
rait s'exercer même s'ilapparaît que le traiténe s'applique pas aux actes

ni aux circonstances alléguéesc ,ar il peut s'éleverun différendquant à
l'interprétationou à l'application du traitéayant traità une question qui
sera finalement tenue pour ne pas relever du traité.Mais la raison nous
dit qu'il doity avoir également une limite au-delà de laquelle il n'est pas
possible qu'un différendportant sur l'interprétation d'un traités'élèveau
sujet de questions ne relevant pas du traité; au-delà de cette limite, la
clausecompromissoire ne confère plus compétence. Où faut-il situer cette
limite?

Pour situer la limite au-delà de laquelle il n'est pas possible qu'un dif-
férends'élèvequant à l'interprétation ou à l'application d'un traité au
sens de la clause compromissoire énoncéedans ledit traité,il faut savoir
quelle est la relation entre la demande et le traité surlequel la demande
est censément fondée. Le critère à retenir sur ce que doit êtrecette rela-
tion indispensable a été énoncé de différentes façons. Déterminer la
meilleure formule prête à discussion et il esà la fois intéressant etpru-
dent de ne pas se prononcer d'emblée. Peut-être les variantes correspon-

dent-elles aux caractères particuliers des différentesespèces.Aux fins qui
nous occupent, il suffit d'adopter un point de vue assez large et de dire
que ces divers énoncés représentent raisonnablement unesorte de critère
de relativité uniformément applicable. Je m'abstiendraidonc d'examiner
au microscope les différentes expressionsqui ont été utilisées j; les évo-
querai comme autant d'éléments interchangeables.Voici comment ces
formules se présentent:

Il ((n'est pas nécessairepour la Cour d'arriver à la conclusion ...que
l'interprétationdu traitéavancéepar le Gouvernement [demandeur] ...est
l'interprétation correcte)), ni que ce ((gouvernement démontre ...qu'une
prétendue violation du traité présente un fondement juridique inatta-
quable)) (Ambatielos,fond, auvêtC , .I.J. Recueil 1953, p. 18).Mais il «ne
suffit pas que le Gouvernement [demandeur] ... établisseunrapport loin-
tain entre lesfaits de la réclamationet letraité))invoqué(ibid.). Le critère
voulu est rempli quand «les arguments avancéspar le Gouvernement
[demandeur] ...au sujet des dispositions du traitésur lesquelles la récla-
mation ...est prétendument fondéesont de caractère suffisammentplau-(1.C.J. Reports 1953, p. 18) or where "the interpretation given by the
[claimant] Government to any of the provisions relied upon appears to
be one of the possible interpretations that may be placed upon it, though
not necessarily the correct one . . ."(ibid.) or, "if it is made to appear

that the [claimant] Government is relying upon an arguable construction
of the Treaty, that is to say, a construction which can be defended
whether or not it ultimately prevails . . ."(ibid.) or, where "the com-
plaint . . .indicate[s] some genuine relationship between the complaint
and the provisions invoked ..." (Judgments of the Administrative Tribu-
nal of the IL0 upon CornplaintsMade against Unesco,Advisory Opinion,
1.C.J. Reports 1956, p. 89); or where "the terms and the provisions
invoked appear to have a substantial and not merely an artificial connex-
ion with the" alleged act (ibid.) or, where the assertion that the instru-
ment relied on gave the right claimed has "some serious juridical basis"
(ibid., p. 90); or where "the grounds invoked by the [claimant] Govern-
ment are such as to justify the provisional conclusion that they may be of
relevance in [the]case .. ." (Interhandel,Judgment, I.C.J. Reports 1959,
p. 24); or where the provision in question "may be of relevance for the
solution of the . ..dispute" (ibid.) or where there is "a reasonable con-
nection between the Treaty and the claims submitted to the Court" (Mili-
tary and Paramilitary Activities in and against Nicaragua, Jurisdiction
and Adrnissibility, Judgment, 1.C.J. Reports 1984, p. 427, para. 81).

Some of these formulations related to the functions of a body other
than the Court; others to the functions of the Court itself. Some were
made at the jurisdictional phase of a case before the Court; others at the
merits phase. A reasonable view, however, is that they may al1be under-
stood as applicable to the functions of the Court itself in a situation in

which it is called upon to consider whether the alleged acts bear such a
relationship to the treaty relied on as to attract the jurisdiction provided
for under its compromissory clause.
In Ambatielos, it was at the merits stage of the case before it that the
Court spoke of the relevantjurisdictional criteria, and it spoke of them in
relation to the functions of an arbitral tribunal. It held that the United
Kingdom was under a treaty obligation to refer a dispute to arbitration.
The problem, presented late in the arguments, was how far could the
Court go in affirming such a duty without encroaching on the authority
of the arbitral body, in exercise of its compétencede la compétence,to
decide on its ownjurisdiction. It is possible to seehow the problem arose
(see I.C.J. Pleadings, Ambatielos, pp. 356ff., Henri Rolin, and p. 385,
Fitzmaurice). A distinction no doubt existed between the competence of
the Court to determine whether there was a duty to submit to arbitration
and the competence of the arbitral tribunal subsequently to determine
whether it had jurisdiction. Nevertheless, so far as the Court was con- PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (OP. IND.SHAHABUDDEEN) 825

sible pour permettre la conclusion que la réclamation est fondée sur le
traité))(C.I.J. Recueil 1953,p. 18)ou quand ((l'interprétation donnéepar
le Gouvernement [demandeur] ...de l'une quelconque des dispositions
qu'il invoque apparaît comme l'une des interprétations auxquelles cette
disposition peut seprêter, sinonnécessairementcomme la vraie ..» (ibid.),
ou encore «s'il apparaît que le Gouvernement [demandeur] ..avance une
inter~rétation défendable du traité. c'est-à-dire une inter~rétation aui
puisse se soutenir, qu'elle l'emporte finalement ou pas...)) (ibid.), ou
quand «la requête[fait]apparaîtreun rapport réelentre le griefet lesdispo-
sitions invoquées...))(Jugements du Tribunal administratif de l'OIT sur
requêtescontre l'Unesco,avis consultatiJ C.I.J. Recueil 1956, p. 89); ou
bien quand les((dispositions invoquéesapparaissent comme ayant un rap-
port sérieuxet non factice avec)) l'acte allégué(ibid.), ou quand la pré-

tention suivant laquelle l'instrument invoqué confèrebien le droit reven-
diqué a «une base juridique sérieuse))(ibid., p. 90); ou encore quand
les ((titres invoquéspar le Gouvernement [demandeur] ...permettent la
conclusion provisoire qu'ils peuvent être pertinentsen l'espèce ...» (Inter-
handel, arrêt,C.I.J. Recueil 1959, p. 24); ou quand la disposition en
question «peut êtrepertinent[e] pour la solution du ..différend))(ibid.)
ou bien encore s'il existe «un rapport raisonnable entre [le]traité et les
demandes présentées à la Cour » (Activitésmilitaires et paramilitaires au
Nicaragua et contre celui-ci, compétenceet recevabilité,arrêt,C.I.J.
Recueil 1984, p. 427, par. 81).

Certains de ces énoncésconcernentles fonctions d'un autre organe que
la Cour; d'autres, les fonctions de la Cour elle-même.Certains se situent
dans le cadre de la phase juridictionnelle d'une affaire portée devant la
Cour; d'autres se situent au stade du fond. On peut toutefois raisonna-
blement penser que ces énoncés s'appliquenttous aux fonctions de la
Cour elle-mêmequand celle-ci est appelée à examiner si les actes allégués
ont avec le traitéinvoquéun rapport tel qu'il confère à la Cour la com-
pétence prévuedans la clause compromissoire.
Dans l'affaireAmbatielos, c'estau stade du fond que la Cour a parlé des
critères juridictionnels pertinents etelle en a parlépropos des fonctions
qu'exercerait un tribunal arbitral. La Cour a décidéque le Royaume-
Uni était conventionnellement tenu de soumettre un certain différend
à l'arbitrage. Le problème, quifut soulevé à un stade tardif de l'argumen-

tation, consistaità savoir jusqu'ou la Cour pouvait aller pour affirmer
l'existencede cette obligation sans empiétersur lesprérogativesde l'organe
arbitral pour exercer lui-même sa ((compétencd ee la compétence))et se
prononcer sur sa propre compétence.On peut voir comment le problèmea
surgi (cf.C.I.J. Mémoires, Ambatielos,p. 356 et suiv., Henri Rollin, et
p. 385, Fitzmaurice). Il existait incontestablement une distinction entre la
compétencede la Cour pour établirs'il y avait ou non obligation de sou-
mettre le différendà l'arbitrage, d'unepart, et, de l'autre, la compétenceducerned, it could scarcely hold that there was a duty to submit to arbitra-
tion without also at least presuming that the dispute would be within the
jurisdiction of the arbitral body. Not surprisingly, there is a strong view
that the Court in substance held that the dispute would be within the
jurisdiction of the arbitral body 3.It is difficultto seewhy, subject to sub-
sequent jurisprudential refinement, the substance of the Ambatielos test
should not apply wherever an issue arises as to whether a matter falls
within the jurisdiction of any deciding body, including the Court itself.
The identity of the particular deciding body is not material; what is
material is the juridical question involved. This is always the same what-
ever may be the deciding authority. It is not logical to suppose that the
Court would put forward one jurisdictional test in the case of other

tribunals and adopt a different one in the case of itself.

That the same test applies in relation to the Court is suggested by the
Interhandel and Military and Paramilitary Activities in and against Nica-
ragua cases, in which the particular point at issue concerned the jurisdic-
tion of the Court itself. In Interhandel, whether there was an obligation
to submit a matter to arbitration was the subject of "an alternative sub-
mission" by Switzerland. However, Switzerland's "principal submission"
sought an exercise of the Court's own jurisdiction for the purpose of
adjudging and declaring that the United States of America was under an
obligation to restore the seizedassets of Interhandel (I.C.J. Reports 1959,

p. 19).In ruling on the respondent's objection to the Court's jurisdiction
on the ground that the seizure and retention of the assets were matters
within the domestic jurisdiction of the respondent, the Court said:

"In order to determine whether examination of the grounds . . .
invoked [by Switzerland] is excluded from the jurisdiction of the

Court for the reason alleged by the United States, the Court will
base itself on the course followed by the Permanent Court of Inter-
national Justice in its Advisory Opinion concerning Nationality
Decrees Issuedin Tunis and Movocco (SeriesB, No. 4), when dealing
with a similar divergence of view. Accordingly, the Court does not,
at the present stage of the proceedings, intend to assess the validity
of the grounds invoked by the Swiss Government or to give an
opinion on their interpretation, since that would be to enter upon
the merits of the dispute. The Court willconfine itself to considering
whether the grounds invoked by the SwissGovernment are such as
to justify the provisional conclusion that they may be of relevance in

Sir Hersch Lauterpacht, The Developmentof International Lawby the International
Court, 1958,p. 239.tribunal arbitralpour établir ensuites'ilétait ou non compétenten l'espèce.
Toutefois, s'agissant de la Cour, ellepouvait difficilementdire qu'ilait
obligation de soumettre le différenà l'arbitrage sanségalementprésumer
à tout le moins que le différendserait bien de la compétencede l'organe
arbitral. Il n'est donc pas surprenant de constater que, pour beaucoup, la
Cour a bien dit en substance que le différendserait de la compétencede
l'organearbitral3. On voit donc mal pourquoi, sous réserve deraffinements
ultérieurs de la jurisprudence, il ne serait pas possible de faire appel au

principe de cecritère de l'affairebatielos chaque fois qu'ilfaut décider
si une question relèvede lajuridiction d'un organe appeléà se prononcer
sur cette question, compris quand il s'agit dela Cour elle-mêmeL . 'iden-
titéde l'organe appelé à se prononcer n'a pas d'importance: ce qui en a,
c'est la question juridique en jeu. Et cette question est toujours la même
indépendamment de l'organe appelé à se prononcer. Il n'est pas logique
de supposer que la Cour va retenir un certain critèrejuridictionnel quand
il s'agit d'autres tribunaux et en adopter un autre quand il s'agit d'elle-
même.
Les affaires del'lnterhandel et des Activitésmilitaires etparamilitaires
au Nicaragua, dans lesquellesle point litigieux portait sur la compétence
de la Cour elle-mêmed , onnent à penser que c'estbien le mêmecritèrequi

s'applique quand il s'agit de la Cour. Dans l'affaire de l'lnterhandel, le
point de savoir s'ilfallait soumettre une certaine questioà l'arbitrage a
fait l'objet d'une «conclusion subsidiaire)) de la Suisse. Toutefois, la
«conclusion principale)) de la Suissevisaità demander à la Cour d'exer-
cer sa propre compétencepour dire et juger que les Etats-Unis d'Amé-
rique avaient l'obligation de restituer les biens saisis de la sociétér-
handel (C.I.J. Recueil 1959, p. 19). En se prononçant sur l'exception
d'incompétencesoulevéepar le défendeurpour lesmotifs que la saisineet
la rétentiondes actifs de la société relevaient de la compétencnationale
du défendeur, laCour a dit ceci:

«Pour déterminer si l'examen des titres ainsi invoqués [par la
Suisse]échappe à la compétence de laCour pour lemotif allégué par
les Etats-Unis, la Cour s'inspirera de ce qu'a fait la Cour perma-
nente de Justice internationale en présenced'une contestation ana-
logue dans son avis consultatif sur lescretsde nationalitépromul-
gués enTunisie et au Maroc (SérieB, no4). En conséquence laCour

n'entend pas, en la présente phase de la procédure, apprécier la vali-
dité des titres invoquéspar le Gouvernement suisse ni se prononcer
sur leur interprétation, ce qui serait aborder le fond du différend.
Elle se bornera à rechercher si les titres invoquéspar le Gouverne-
ment suisse permettent la conclusion provisoire qu'ils peuvent être
pertinents en l'espèceet, dans ce cas,à rechercher si les questions
relativesà la validité eà l'interprétation de ce titre sont des ques-

Sir Hersch Lauterpacht, The Development of International Law by the International
Court,1958,p. 239. this case and, if so, whether questions relating to the validity and
interpretation of those grounds are questions of international law."
(Interhandel,Judgment, I. C.J. Reports 1959, p. 24.)
It is reasonably clear that in Interhandel the Court adopted a form of

relativity test in relation to its ownjurisdiction. The Court did likewisein
Military and Paramilitary Activities in and against Nicaragua. It is not
satisfactory to say that the Court was merely recalling the respondent's
argument when it said:

"In order to establish theCourt's jurisdiction over the present dis-
pute under the Treaty, Nicaragua must establish a reasonable con-
nection between the Treaty and the claims submitted to the Court."

(Military and Paramilitary Activities in and against Nicaragua
(Nicaragua v. United States of America), Jurisdiction and Admissi-
bility, Judgment, I.C.J. Reports 1984, p. 427, para. 81.)
In so far as the Court was recalling the respondent's submission, the
Court was also adopting it. It certainly did not reject the proposition; on
the contrary, its subsequent treatment of the matter accorded with the
proposition. It referred to or summarized five articles of the treaty in

question and then, without intervening remark, said :

"Taking into account these Articles of the Treaty ...,there can be
no doubt that, in the circumstances in which Nicaragua brought its
Application to theCourt, and on the basis of the facts there asserted,
there is a dispute between the Parties, inter alia, as to the 'interpreta-
tion or application' of the Treaty." (Ibid., p. 428, para. 83.)

The Court did not make a definitive interpretation of the treaty texts; it
did not analyse them; it gave them limited consideration - almost
restricted to inspection - for the purpose of determining whether there
was "a reasonable connection" between them and the claimssubmitted to
the Court. Interestingly, also, almost throughout its written and oral
presentation in the instant case the Respondent argued in favour of a
"reasonable connection" test, as it did in the Military and Paramilitary
Activities in and against Nicaragua case, and so to this extent accepted

that some form of relativity test was applicable.

Developing the point last alluded to, one may recall that Military and
Paramilitary Activities in and againstNicaragua was not the only case in
which the Court refrained from making a definitive interpretation of the
relevant texts. Similar restraint was shown in Ambatielos. Likewise in tions de droit international. »(Interhandel, arrêt,C.Z.J. Recueil 1959
p. 24.)

On voit là assez clairement que dans l'affaire de 171nterhandella Cour
a adopté une sorte de critère de relativitéen ce qui concerne sa propre
juridiction. Elle a fait de mêmedans l'affaire des Activitésmilitaires et
paramilitaires au Nicaragua. On ne peut pas se contenter de dire que la
Cour ne faisait que rappeler la thèsedu défendeur quand elle s'exprimait
ainsi:

«Pour que le Nicaragua établissela compétence dela Cour dans
la présenteespècesur la base du traité, il doit prouver l'existence
d'un rapport raisonnable entre ce traité etles demandes présentées à
la Cour.)) (Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et
contre celui-ci(Nicaragua c. Etats-Unis d'Amérique),arrêt, compé-

tence et recevabilité,C.Z.J. Recueil 1984, p. 427, par. 81.)
Dans la mesure où elle rappelait la conclusion du défendeur, la Cour
l'adoptait aussi. En tout cas, elle ne rejetait pas la proposition; tout au
contraire, la façon dont elle a considéré ensuitela question s'accordait
bien avec cette proposition. La Cour en effet évoque ou résumecinq ar-

ticles du traité en cause puis, sans ajouter la moindre observation inci-
dente, elle déclare:
«Vu ces dispositionsdu traité ...il n'est pasdouteux que, dans les
circonstances où le Nicaragua a présenté sarequête à la Cour et
d'aprèsles faits qui y sont allégués,il existe un différendentre les

Parties, notamment quant à ((l'interprétation ou àl'application)) du
traité.))(Zbid.,p. 428, par. 83.)
La Cour n'a pas donné d'interprétation définitive de ces dispositions
conventionnelles; elle ne les a pas analysées;elle les a examinéesrapide-

ment - se contentant d'en vérifier l'existence- pour établir s'ily avait
«un rapport raisonnable))entre ces textes et les demandes qui lui étaient
présentées.Il est intéressantaussi de noter que, pratiquement d'un bout à
l'autre de ses piècesde procédure écrite etde sesplaidoiries, le défendeur
a, en l'espèce,plaidépour un critèrede «rapport raisonnable)), comme il
l'a fait dans l'affaire desActivitésmilitaires et paramilitaires au Nicara-
gua, c'est-à-dire qu'il a, jusque-là au moins, reconnu qu'une sorte de cri-
tèrede relativité était applicable.

IL N'EST PAS POSSIBLE DE DONNER UNE INTERPRÉTATION DÉFINITIVE
AU TRAITÉ AU STADE PRÉLIMINAIRE

Développant le dernier point évoqué ci-dessusn , ous rappellerons que
l'affaire desActivitésmilitaires et paramilitaires au Nicaraguane fut pas
la seule dans laquelle la Cour s'estabstenue de donner une interprétation
définitive destextes pertinents. Elle a fait preuve de la même réservd eansInterhandel, as appears from the passage cited above. It will beremem-
bered that in the last-mentioned case the United States of America con-
tended that Article IV of the Washington Accord, which was relied on by
Switzerland, was "of no relevancewhatever in the present dispute" - an
idea central to the objection in this case. The Parties werein disagreement
over certain terms of that Article. Referring to this, the Court said:

"The interpretation of these terms is a question of international
law which affects the merits of the dispute. At the present stage of
the proceedings, it is sufficient for the Court to note that Article IV
of the Washington Accord may be of relevance for the solution of
the present dispute and that its interpretation relates to international
law." (I.C.J. Repovts 1959, p. 24.)

Thus, the instrument relied on may bejudged relevant for the solution of
the dispute, with resulting jurisdiction, even though the interpretation of
its terms is regarded as a matter for the merits.
In the course of determining whether the alleged circumstances bear
the requisite relationship to the treaty relied on in order to attract the
jurisdiction provided for by the compromissory clause, the Court cannot
altogether avoid some interpretation of the treaty. But, if the foregoing
approach is correct, the issue before the Court at the preliminary stage,
and on which jurisdiction under the compromissory clause turns, is not
whether the treaty applies to the alleged circumstances, but whether the
applicant has an arguable contention to that effect. Thus, the Court can
only interpret the treaty at the jurisdictional stage in so far as it is
necessary to do so for the purpose of determining whether the applicant's

interpretation of the treaty is an arguable one, and not for the purpose of
determining definitivelywhether the treaty applies to the alleged circum-
stances. The more limited function is undertaken by the Court in exercise
of its compétencedela compétence;the more definitivefunction is under-
taken in exercise of its substantive jurisdiction. In exercise of its com-
pétencede la compétence,the Court could well hold that the applicant
has an arguable contention that the treaty applies to the alleged circum-
stances even if, in exercise of the substantive jurisdiction which flows
from that holding, it eventually holds that the treaty does not. In effect,
the treaty may not apply to the alleged circumstances and yet the Court
may have substantive jurisdiction to determine precisely whether it does.

There is a different line of holdings. Cases have occurred in which,
when dealing with the question whether the dispute fell within the juris-
diction conferred on the Court by the compromissory clause of thel'affaire Ambatielos. De mêmedans l'affaire de l'lntevhandel, comme il
ressort de l'extrait cité ci-dessus.On sait aussi que, dans cette dernière
affaire, les Etats-Unis d'Amérique soutenaient que l'article IV de l'accord
de Washington invoqué par la Suisse était ((dénué de toute pertinence en
l'espèce))- idéecentrale de l'exception d'incompétenceen l'occurrence.
Les Parties s'opposaient sur certains termes dudit article. Evoquant ce
point litigieux, la Cour a dit:

((Interpréter ces termes est un point de droit international et ce
point affecte le fond de l'affaire. Au présentstade de la procédure,il
suffitàla Cour de constater que l'article1de l'accord de Washington
peut être pertinent pour la solution du présent différendet que son
interprétation relèvedu droit international.)) (C.I.J. Recueil 1959,
p. 24.)

Ainsi, l'instrument invoqué peut êtrejugépertinent pour la solution du
différend,ce qui aboutit à conférercompétence,mêmesi l'interprétation
de ses termes est considérée comme relevantdu fond.
Quand elle établit si les circonstances alléguéesont bien le rapport
voulu avec le traité invoqué pour fairejouer la compétence prévuedans
la clause compromissoire,la Cour ne peut pas évitertotalement d'inter-
préter le traité jusqu'à un certain point. Mais, si cette approche est la
bonne, le problème dont la Cour est saisie au stade préliminaireet dont
dépend l'attribution de compétenceau titre de la clause compromissoire
ne consiste pas à savoir si le traité s'applique aux circonstances alléguées,
il est de savoir si le demandeur présenteà cet effet une thèsedéfendable.

C'est-à-dire que la Cour ne peut interpréter le traitéau stade de la com-
pétence quedans la mesure où cela s'impose pour établir si l'interpréta-
tion du traité qu'en donne le demandeur est défendableet non pas pour
établirde façon définitivesi le traité s'appliqueeffectivement ou non aux
circonstances alléguéesL . a Cour emprunte la voie la plus étroite quand
elle exerce sa compétence de la compétence; elle va jusqu'au bout de
l'interprétation définitivequand elle exerce sa compétencede fond. En
exerçant sa compétence dela compétence,la Cour peut fort bien consta-
ter que le demandeur lui soumet une thèsedéfendablequand il soutient
que le traité s'applique aux circonstances alléguées, mêm si, quand elle
exerce sa compétenceau fond à la suite de cette première décision,elle
doit finalement constater que tel n'est pas le cas, que le traité ne s'ap-
plique pas à ces circonstances.Pratiquement, le traitépourrait fort bien

ne pas s'appliquer aux circonstances alléguées et pourtant la Cour pour-
rait avoir la compétence defond voulue pour établirjustement si letraité
s'applique ou non.

Il existe des précédents d'uneautre nature. Il est arrivé dans certaines
affairesqu'en examinant si ledifférend relevaitou non de la compétence
qui lui était conféréepar la clause compromissoire du traité la Courtreaty, the Court took a position which suggests that it was of the view
that it was required at the jurisdictional stage to determine definitively

whether the provisions relied on by the applicant applied, on their true
construction, to the alleged circumstances (see, for example, Mavromma-
tis Palestine Concessions,P.C.I.J., Series A, No. 2, p. 16, and Applica-
tion of the Convention on the Prevention and Punishment of the Crime of
Genocide, Judgment, I.C.J. Reports 1996, pp. 615-617, paras. 30-33).
That view, which the Court has adopted in this case, differs materially
from the more limited view that the duty of the Court at this stage is
merely to decide whether the construction of the treaty on which the
applicant relies for saying that the treaty applies to the alleged circum-
stances is an arguable one in the sense mentioned above.

Which of these two different strands ofjurisprudence should the Court
now follow?The solution is to be found in returning to the terms of the
compromissory clause. Under this,jurisdiction depends on whether there
is a dispute between the parties as to the interpretation or application of
the treaty. There could be a dispute as to whether there is a dispute as to

the interpretation or application of the treaty. To decide on the correct-
ness of the applicant's interpretation is to decide the second dispute, not
the first; and that is to determine part of the substance of the claim
before the merits stage has been reached. The reason is that, as in munici-
pal law, proof of a claim before the Court involves proof of two things,
first, that the alleged obligation exists in law, and, second, that the obli-
gation was breached on the facts (see, in this respect,Ambatielos, Merits,
Judgment, I.C.J. Reports 1953, p. 17). The second of these two points
would turn on the evidence. The first point would be determined by
making a definitive interpretation of the texts relied on (including
general international law) with a view to ascertaining whether they
placed the respondent under the asserted obligation. The making of that
interpretation is therefore a matter for the merits. The proposition may
be tested this way.

It is possible toonceive of a dispute in which, the facts being agreed,
the solequestion is whether, on its true interpretation, the treaty relied on

applies to those facts. If, in the course of determining a preliminary
objection that the treaty is wholly irrelevant to the claim, the Court were
to decide the question of interpretation in favour of the applicant,
nothing would be left for determination at the merits stage; the Court
would be determining the merits at the preliminary stage, that is to say, at
a time when, according to Article 79,paragraph 3, of the Rules of Court,
the merits stood suspended. On the view presently offered, there would
be something left for determination at the merits stage, since al1that the
Court would be now deciding is that the applicant can present an argu-adopte une position donnant à penser qu'elle estimait êtretenue dèsce
stade de la compétence d'établir de façon définitivs ei les dispositions
invoquées par le demandeur s'appliquaient bien, quand elles étaient
dûment interprétées,aux circonstances alléguées(voir, par exemple,
l'affairedesConcessions Mavrommatisen Palestine, C.P.J.I. sérieA no2,
p. 16, et l'affaire relatàvl'Application de la conventionpour la préven-
tion et la répressiondu crime de génocide,arrêt,C.I.J. Recueil 1996,

p. 615-617,par. 30-33).Cette position, qui est celleque la Cour a adoptée
en l'espèce,s'écarte nettementdu point de vue plus restreint suivant lequel
la Cour n'est tenueà ce stade que de dire si l'interprétation qu'invoquele
demandeur pour soutenir que ledit traité s'applique aux circonstances
alléguées esutne interprétation défendableau sens indiquéci-dessus.

Quelle est celle de ces deux voies de la jurisprudence que la Cour
devrait à présent suivre? Pour trouver la solution, il faut revenir aux
termes mêmesde la clause compromissoire. Celle-cinous dit que la com-

pétenceest liéeau point de savoir s'ilexiste un différendentre les parties
quant à l'interprétation ouà l'application du traité. Il pourrait y avoir
différend surle point de savoir s'ily a un différendquant à l'interpréta-
tion ou à l'application du traité.Seprononcer sur le bien-fondé de l'inter-
prétation du demandeur revient à se prononcer sur le second différend et
non pas sur le premier; et cela revieàtseprononcer en partie sur le fond
de la réclamationavant d'avoir atteint le stade du fond. L'explication est
que, comme en droit interne, pour établirlebien-fondé d'une réclamation
devant la Cour, il faut prouver deux choses, premièrement que l'obliga-
tion alléguée existe edroit et deuxièmement que, d'aprèsles faits, il a
eu infraction à l'obligation (voià cet égardl'affaire Ambatielos, fond,

arrêt,C.I.J. Recueil 1953, p. 17). Le second de ces deux points dépend
desmoyens de preuve. Le premier sera établipar le biais d'une interpréta-
tion définitivedes textes invoqués(y compris le droit international géné-
ral), cette interprétation visanà établir si ces textes imposent bien au
défendeur l'obligation revendiquée. Procéder àcette interprétation relève
donc du fond. Voici comment cette proposition se vérifiedans la pra-
tique.
On peut imaginer un différenddans lequel, les faits n'étant pascontes-
tés,l'unique question qui se poserait est de savoir si, quand il est bien
interprété,le traitéinvoqué s'appliquebien à ces faits. Si, lors de l'exa-
men d'une exception préliminairesuivant laquelle le traité serait totale-

ment dénué de pertinencepar rapport à la demande, la Cour se pronon-
çait sur la question de l'interprétation en faveur du demandeur, il ne lui
resterait plus rien trancher au stade du fond; la Cour se prononcerait
sur le fond au stade préliminaire, c'est-à-dirà un moment où, suivant
l'article 79, paragraphe, de son Règlement, la procéduresur le fond est
suspendue. Toutefois, selon le point de vue que j'expose, il subsisterait
une question à réglerau stade du fond, puisque tout ce que la Cour tran-able construction of the treaty to support its claim that the treaty applies
to the alleged facts. Whether the treaty, on its true construction, does
indeed apply would then be determined at the merits stage.

If itis thought that that example leads to an undesirable necessity to
continue the proceedings to the merits stage, the answer lies in the fact
that, as has been often observed, the Court lacks a filter mechanism
through which, on the mode1available in some municipal legal systems,
part of the merits could be argued and decided in advance of the normal
merits stage. In such systems it is possible to argue, ahead of the normal
meritsphase, that, taking the facts allegedby the plaintiff at their highest,
they do not justify the claim for the reason that the asserted obligation
does not exist in law, or that, if it exists, it is not breached by the alleged
facts.The practice of thus "striking out" an application has not yet devel-
oped in proceedings before this Court. Except in the indirect sense in

which they are contemplated by Article 36, paragraph 6, of the Statute,
the latter lays down no procedure relating to preliminary objections. An
applicant is entitled under the Statute to a hearing at the normal merits
stage, both for the purpose of showing that, on the law, the alleged obli-
gation exists, and for the purpose of showing that, on the facts, the obli-
gation was breached by the respondent. Misunderstanding arises if this
differencebetween the Court's system and municipal systems is not borne
in mind in fixingthe limits of preliminary proceedings based on an objec-
tion which in effect asserts that there is no dispute within the meaning of
the compromissory clause sought to be invoked for the reason that the
treaty containing the clause is irrelevant to the applicant's claim. The
determination of such an objectioncannot extend to the questionwhether,
on a true construction of the treaty, the asserted obligation exists. This
would be a matter for the merits in the ordinary way; preliminary pro-
ceedings cannot change that.
There being no desire to extend this opinion unduly, it is simply sub-
mitted that the 1972changes in the Rules of Court did not abrogate the
fundamental principle that a preliminary decision cannot decide, or even

prejudge, issues belonging to the merits. The idea that, in determining
preliminary objections, the Court's enquiry could "touch" on the merits
went back to the 1920s.The 1972amendments encouraged the Court to
proceed along earlier established lines and consequently to dispose of
preliminary objections even if the Court would have to "touch" on the
merits, but only within the limits of the equally long-settled principle that
the Court cannot determine or prejudge the merits at the preliminary
stage; the 1972amendments did not authorize the Court to depart from
this principle.Therefore, al1that the Court can decide in preliminary pro-
ceedings of this kind is whether the applicant's construction of the treaty
is or is not arguable.cherait au stade préliminaire,c'est lepoint de savoir si ledemandeur peut
présenter uneinterprétation défendabledu traitépour étayersa demande,
suivant laquelle le traité s'applique bien aux faits allégués.l resterait
alors à décider,au stade du fond, si le traité, valablement interprété,
s'applique effectivement àces faits.
Si l'on estime que cet exemple a fâcheusement pour effet d'obliger à
poursuivre la procédure jusqu'austade du fond, la réponse tienà ceci,qui
a maintes fois été notéq,ue la Cour n'estpas dotéed'un mécanisme defil-
trage inspiréde celuiqui existedans certains régimesde droit interne, grâce
auquel il est possible d'examiner etde trancher en partie au fond avant

d'avoir normalementatteint ce stade. Dans ces régimes,il est possible en
effet, avant d'avoir normalementatteint la phase du fond, qu'en donnant
leur valeur maximaleaux faits allégués par le demandeur ces faits ne jus-
tifient pas la demande parce que l'obligation revendiquéen'existepas en
droit ou bien que, si elle existe, lesfaits allégués constituent pas une
violation. La Cour n'a pas encore adoptépour pratique dans sa procédure
de «rayer» ainsi la requête d'undemandeur. Le Statut n'indique pas, sauf
de façon indirecteau paragraphe 6 de l'article36,de procédureà suivreen
ce qui concerne les exceptions préliminaires.Tout demandeur est habilité
par le Statutà plaider devant la Cour au fond, normalement, tant pour
montrer que, en droit, l'obligation alléguée exiseue pour montrer aussi
que, dans les faits, le défendeura violéladite obligation. Le malentendu
s'instaurequand on ne prend pas garde àcette différenceentre la procédure
de la Cour et cellede certains systèmesinternes et qu'on veut circonscrirela
procédure préliminaire relativàune exception qui revient en faàtaffirmer

qu'il n'y a pas de différendau sens de la clause compromissoire invoquée
parce que le traité énonçantcette clauseest sans rapport avec la demande
présentéeP.our statuer sur pareille exceptionon ne peut pas allerqu'à se
poser la question de savoir si, d'après uneinterprétationjuste du traité,
l'obligation revendiquéeexiste ou non. Cela relèveraitdu fond, sous sa
forme habituelle; une procédure préliminairnee peut rien y changer.
Pour ne pas allonger indûment la présente opinion, nous dirons sim-
plement que les modifications apportées au Règlement de la Cour en
1972 n'ont pas abrogé le principe fondamental qui est qu'une décision
préliminaire ne peut pas trancher ni même préjugerde questions liti-
gieuses relevant du fond. L'idéequ'en se prononçant sur des exceptions
préliminairesla Cour pouvait, lors de son examen, ((effleurerle fond»
remontait aux années vingt. Lesamendements de 1972ont incitéla Cour

à continuer de suivre la voie dans laquelle elle s'étaitdéjàengagée,et par
conséquent à statuer sur des exceptions préliminaires mêmsei elledevait
alors ((effleurerle fond», mais elle ne le ferait alors que dans le cadre du
principe, lui aussi admis depuis longtemps, suivant lequel la Cour ne peut
pas réglerni préjugerle fond au stade préliminaire;les amendements de
1972n'ont pas autoriséla Cour à déroger à ce principe. Par conséquent,
tout ce que la Cour peut régler,lors d'une procédure préliminaire dece
caractère, c'est le point de savoir si l'interprétation que le demandeur
donne du traité est ou non défendable. One accepts that, sincejurisdiction depends on consent, the Court has

to decide definitively,and not provisionally, that the particular dispute is
"within the category of disputes for which the [Respondent] has accepted
the jurisdiction of the Court" (Mavvommatis Palestine Concessions,Judg-
ment No. 2, 1924, P.C.I.J., Sevies A, No. 2, p. 29 ;and see ibid., p. 16).
But a distinction has to be drawn between the making of a definitivedeci-
sion as to whether the dispute falls within the stipulated category of dis-
putes and the criterion on which the decision is made. There is no reason
why a definitive decision of that kind can not be made on the basis of a
criterion based on a possibility - in this case, the possibility that the
applicant can present an arguable construction of the instrument to sup-
port its claim. Other areas of the law show that a court could well take
definitivedecisions on the basis of its appreciation of a possibility.

The circumstance that the correct criterion to be employed was not
argued in the line of cases ending with the recent case concerning Appli-
cation of the Convention on the Pvevention andPunishment of the Crime
of Genocide does not mean that those cases should be disregarded. But
that circumstance may be properly borne in mind in considering the
value of other and more fully reasoned cases which suggest that the task
of the Court at this stage is not to make a definitive interpretation of the
treaty, but only to determine whether the construction of the treaty on
which the applicant relies is an arguable one in the sense mentioned
above. It is respectfully submitted that this is the correct position, and
that that adopted by the Court is mistaken.

How CAN A RELATIVIT TESTBEAPPLIED?

The conclusion is reached then that the Court's statement in Ambatie-
los that it "is not necessary for the Court to find. . that the [claimant]
Government's interpretation of the treaty is the correct one" is applicable
to the determination of any issue (however worded) as to whether the
instrument relied on is relevant to the claim. It follows that, since the
Court cannot at this stage place a definitive construction on the 1955
Treaty and consequently cannot thereby set up a known benchmark by
reference to which it could determine whether there is a reasonable con-
nection between the Treaty and the claim, al1that the Court can do in
determining whether such a connection exists is to say whether the inter-
pretation given by the applicant to the treaty "relied upon appears to be
one of the possible interpretations that may be placed upon it, though

not necessarily the correct one . . ." (Ambatielos, Mevits, Judgment,
I.C.J. Reports 1953, p. 18).
Further, in determining whether the requisite connection exists, it is
useful to consider that, in the nature of things, it is only in exceptional
and clear cases that the Court may find that an applicant's assertion that
the instrument relied on gave the right claimed lacks "some seriousjuridi- Il est entendu que, puisque la compétence repose sur le consentement,
la Cour doit décider une foispour toutes, et non à titre provisoire, que le
différend dont il s'agit ((rentre dans le cadre de ceux pour lesquels le
[défendeur]a accepté la juridiction de la Cour» (affaire des Concessions
Mavrommatis en Palestine, arrêt no 2, 1924, C.P.J.I. sérieA no2, p. 29;
et voir aussiibid., p. 16). Mais il faut faire une distinction entre statuer
définitivementsur le point de savoir si ledifférendrentre ou non dans la
catégorie vouluede différendset, par ailleurs, le critèresur lequel la déci-
sion repose. Il n'y a pas de raison qui empêche derendre une décision

définitivede cet ordre à partir d'un critèrecorrespondant à une éventua-
lité. L'éventualité esqtue le demandeur puisse présenter uneinterpréta-
tion défendable de l'instrument sur lequel il fonde sa demande. D'autres
domaines du droit montrent qu'un tribunal peut très bien rendre des
décisionsdéfinitivesen aLLréciantune éventualité.
Le fait que le bon critèrà utiliser n'ait pas été défenddans une série
d'affaires dont la dernière en date est celle relativel'Application de la
convention pour la préventionet la répressiondu crime de génocidene
signifie pas qu'il ne faut pas tenir compte desdites affaires. Mais il est
utile de se rappeler le fait pour mesurer l'intérêt'autres décisions plus
pleinement motivéesqui donnent àpenser que la Cour, àce stade, a pour
tâche non de donner une interprétation définitivedu traité mais seule-

ment de décidersi l'interprétation du traitésur laquelle le demandeur se
fonde est défendable au sens indiqué ci-dessus. Nous nous permettons
respectueusement de dire que c'est là l'optique àadopter, et que la posi-
tion adoptéepar la Cour est erronée.

Nous en déduisons, par conséquent, que ce que dit la Cour dans
l'affaire Ambatielos, qu'«il n'est pas nécessairepour la Cour d'arriver à
la conclusion ...que l'interprétation du traitéavancéepar le Gouverne-
ment [demandeur] ...est l'interprétation correcte)), peut s'appliquer dès

qu'il faut trancher le point (quel qu'il soit, quel que soit son énoncé) de
savoir si l'instrument invoquéa bien unrapport avecla demande.Dèslors,
commela Cour ne peut pas àcestadedonner une interprétationdéfinitivedu
traitéde 1955et que, par conséquent,ellene peut pas se doter d'un repère
grâce auquel elle pourrait établirs'il a un rapport raisonnable entre le
traitéet la demande, tout ce qu'elle peut faire, quand ellecherche siun tel
rapport existe, c'est de dire sil'interprétation que donne le demandeur du
traité((qu'ilinvoque apparaît comme l'une desinterprétations auxquelles
cette disposition peut se prêter,sinon nécessairement comme la vraie...»
(Ambatielos,fond, arrêt,C.I.J. Recueil 1953, p. 18).
En outre, lorsqu'on cherche à établirsi le rapport voulu existe, on a

intérêtà se rappeler qu'il est de la nature des choses pour la Cour de ne
parvenir que dans des cas exceptionnelset évidents à la conclusion que la
requêted'un demandeur soutenant que l'instrument invoqué confèrelecal basis", to use one of the phrases employed by the Court. Counsel
would not advise litigation unless it was considered that some serious
juridical basis existed. That thought does not of course absolve the Court
of its responsibility to exclude cases lacking that characteristic; but it
does advise caution. If the Court has to wrestle its way to the conclusion
that a claim lacks a serious juridical basis, that is scarcely a case for
exclusion. The Jaffa claims in the Mavrommatis Palestine Concessions
case are illustrative. There the Court held that the dispute between the

two Governments concerning the claims "has no connection with
Article 11of the Mandate and consequently does not fa11within the cat-
egory of disputes for which the Mandatory has accepted the jurisdiction
of the Court" (P.C. 1J., Series A, No. 2, p. 29). In coming to this conclu-
sion - and the word "connection" may be noted - the Court observed
that it was "impossible to maintain" an argument leading to the opposite
effect (ibid., p. 28). Translated into the terminology of the later jurispru-
dence, that observation in a very early case would mean that, in the view
of the Court, the applicant's construction of the instruments relied on as
capable of showing the necessary "connection" between the claims and
Article 11 of the Mandate was simply not arguable in the sense men-

tioned above.

How then is it to be determined whether the a~~Aicant'sconstruction of
the treaty is arguable? An objection that there is no reasonable connec-
tion between a claim and the treaty relied on really raises a dispute as to
whether there is a dispute within the meaning of the compromissory
clause which is sought to be invoked. So, it is helpful to recall that, as a
general matter, there is no dispute within the meaning of the law where

the claim lacks any reasonably arguable legal basis or where it is mani-
festly frivolous or unsupportable (Nuclear Tests (Australia v. France),
1.C.J. Reports 1974, p. 430, Judge ad hoc Barwick, dissenting, and Mili-
tary and Paramilitary Activities in and against Nicaragua (Nicaragua
v. United States of America), Merits, Judgment, I.C.J. Reports 1986,
p. 535, Judge Jennings, dissenting. See also the analogous views ofJudge
ad hoc Spiropoulos in his separate opinion in Ambatielos, Preliminary
Objection, Judgment, 1.C.J. Reports 1952, p. 56). As was observed in the
joint dissenting opinion in the Nuclear Tests (Australia v. France) case:

"if an applicant were to dress up as a legal claim a case which to any
informed legal mind could not be said to have any rational, that is,
reasonably arguable, legal basis, an objection contesting the legal

33droit revendiquén'a pas de «base juridique sérieuse)),pour reprendre
l'une des formules que la Cour emploie sur ce thème. Un conseil ne
recommanderait pas l'action judiciaire s'il n'était convaincu que la
demande est suffisammentfondée.Cette considérationn'exonèreévidem-
ment pas la Cour de l'obligation d'écarter toute requête à laquelle ce fon-

dement fait défaut;mais c'estune considération quiincite à la prudence.
Si la Cour éprouve beaucoup de peine à conclure que la demande n'est
pas suffisamment fondée, elle n'a pas vraiment lieu d'écarter cette
demande. Les réclamationsrelatives à Jaffa, dans l'affaire des Conces-
sions Mavrommatis en Palestine, sont un bon exemple.A cette occasion,
la Cour a décidéque le différendopposant les deux gouvernements au
sujet de ces réclamations-là «ne regard[ait] pas l'article 11du mandat, et
partant, ne rentr[ait] pas dans le cadre de ceux pour lesquels le manda-
taire a acceptélajuridiction de la Cour» (C.P.J.I. sérieA no2, p. 29). En
parvenant à cette conclusion - et peut-être faut-il retenirl'expression

«ne regarde pas» [équivalant au terme «connection» de la version
anglaise,c'est-à-diredans le sensde ((rapport »] - la Cour a fait observer
qu'«on ne saurait)) soutenir une thèseaboutissant à la conclusion oppo-
sée(ibid., p. 28). Retranscrite dans la forme adoptée par la jurispru-
denceultérieure,cetteobservation, empruntée àune affairetrès ancienne,
reviendrait à dire que, de l'avis dela Cour, l'interprétation donnéepar le
demandeur des instruments invoqués pour établir l'existence du
((rapport » nécessaireentre les réclamationsprésentéeset l'article 11 du
mandat n'était tout simplement pas défendable au sens indiqué ci-
des~us-

Comment faut-il alors établir si l'interprétationdu traité donnéepar le
demandeur est défendable?L'exception suivant laquelle il n'y a pas de
rapport raisonnable entre une demandeet le traité invoquérevient en fait
à montrer qu'il y a un différend surle point de savoir s'ilexiste un dif-
férendau sens de la clause compromissoire dont on veut se prévaloir. Il
est donc bon de se rappeler qu'en règlegénérale il n'y a pas de différend
au sens juridique quand la demande est dépourvue de fondement juri-
dique que l'on puisse raisonnablement faire valoir ou qu'elle estmanifes-
tement frivole ou insupportable (affaire des Essais nucléaires(Australie

c. France), arrêt,C.I.J. Recueil 1974, opinion dissidente de M. Barwick,
p. 430, et affaire desctivitésmilitaires etparamilitaires au Nicaragua et
contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d'Amérique),fond, arrêt,C.1. J.
Recueil 1986, opinion dissidente de sir Robert Jennings,p. 535.Voir éga-
lement l'avisanalogue qu'exprime M. Spiropoulos dans l'opinion indivi-
duelle publiée à l'occasion deI'affaireAmbatielos,exceptionpréliminaire,
arrêt,C.I.J. Recueil 1952, p. 56.) On peut lire dans l'opinion dissidente
commune jointe à l'arrêt dans l'affairedes Essais nucléaires(Australie
c. France) :

«si un demandeur essayait de faire passer pour juridique une préten-
tion dont aucun juriste éclairéne pourrait admettre qu'elle repose
sur la moindre base juridique rationnelle, c'est-à-dire raisonnable- character of the dispute might be susceptible of decision in limine as
a preliminary question" (I. C.J. Reports 1974, p. 364, para. 107).

A tenable view is that whether the Applicant's construction of the
Treaty in this case is "arguable", or whether it is "sufficiently plausible,"
or whether the Treaty is "of relevance" to the claim, or whether the claim
has some "serious juridical basis", is likewiseto be decided by the Court
from the point of view that might be taken by "any informed legal
mind". The Court can only hold that the Applicant's construction is not
"arguable", or that it is not "sufficiently plausible", or that the Treaty is
not "of relevance" to the claim, or that the claim lacks some "serious
juridical basis", or that the corresponding criterion set by other similar

formulations is not met, if, from the point of view of an informed legal
mind, it finds that the construction relied on is not based on rational and
reasonably arguable grounds, account being taken of the fact that, as was
remarked by Brierly, "different minds, equally competent may and often
do arrive at different and equally reasonable resultsX4.To hold that this
opens the way to inadmissible subjectivity is to misunderstand the pro-
cesses of judicial thought: an ultimate standard by which the Court
appreciates many a legal issue is that set by the informed legal mind.

In sum, the law in action - as 1 also believe, the legal scientificcom-
munity - gives recognition to the possibility of an arguable contention
being made that a given situation falls within a certain juridical category
as well as to the impossibility of an arguable contention being made to
that effect. In the first situation, there is a reasonable chance that the con-
tention may or may not prevail; in the second, it is clear that the conten-

tion must fail. In other words, the law in somecasesallows for an evalua-
tion of the prospects of success,with resulting legal consequences. In like
manner, the jurisprudence of the Court disclosesajurisdictionally signifi-
cant distinction between a claim which is based on an arguable construc-
tion of the instrument relied on and a claim which is not based on an
arguable construction of the instrument relied on. In al1these cases the
Court judges by the standard set by an informed legal mind.

Sir Hersch Lauterpacht and C. H. M. Waldock (eds.), The Basis of Obligation in
International Law and Other Papers by the Late James Leslie Brierly, 1958,p. 98. Or, as
it was said in an English case,
"Two reasonable [persons] can perfectly reasonably corne to opposite conclusions
on thesame set of facts without forfeiting their title to be regarded as...asonable.
Not everyreasonable exerciseofjudgment is right, and not every mistaken exercise of
judgment is unreasonable." (Peu Lord Hailsharn, In re W. (An Infant), 119711AC
682, HL, p. 700.) PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (OP.IND.SHAHABUDDEEN) 833

ment soutenable, il serait alors possible de trancher in limine à titre
de question préliminaire une exception contestant lanature juridique
du différend)) (C.I.J. Recueil 1974, p. 364,par. 107).

On peut donc êtred'avis que, pour établirsi l'interprétation du traité

que donne en l'espècele demandeur est ((soutenable», ou ((suffisamment
plausible)), si le traité est((pertinent)) par rapport à la demande, ou
encore si la demande est suffisammentfondée, la Cour doit égalementen
décider commepourrait le faire n'importe quel ((juriste éclairé))L . a Cour
ne pourra estimer que l'interprétation du demandeur n'est pas ((soute-
nable)), ou qu'ellen'est pas ((suffisammentplausible)), ou que le traitéest
dénuéde «pertinence» par rapport à la demande, ou que la demande

((n'estpas suffisamment fondée)),ou encore que le critère équivalentqui
correspond à d'autres formules du mêmeordre n'est pas rempli, que si,
du point de vue de n'importe queljuriste éclairé,elleparvient à la conclu-
sion que l'interprétation invoquéen'est pas rationnellement fondée ni rai-
sonnablement défendable, compte tenu du fait que, comme Brierly l'a
fait observer. «deux es~rits différentstout aussi éclairésl'un aue l'autre
peuvent abokir et aboutissent souvent à des conclusions difiérentes et
tout aussi raisonnables~~. Croire qu'on ouvre par là la voie à une sub-

jectivitéinadmissible serait méconnaître le cheminement de la réflexion
du juge. La Cour jauge souvent en définitiveles questions juridiques à
l'aune qu'établitle juriste éclairé.
En somme,la pratique du droit - etje crois aussi le milieu scientifique
du droit - admet qu'il soit possible de soutenir valablement qu'une cer-
taine situation relève d'une certaine catégorie juridique et qu'il soit en
même temm im~ossible de formuler à cet effet une thèse défendable.

Dans le premier cas, il y a quelque chance raisonnable que la préten-
tion soit retenue ou ne le soit pas; dans le second cas, il est clair que la
prétention échouera. ~utrement dit, dans certains cas, le droit autorise
à évaluer les perspectives de succès, avec les conséquences juridiques
auxquelles il faut s'attendre. De même,la jurisprudence de la Cour fait
apparaître une distinction importante sur le plan juridictionnel entre une
demande reposant sur une interprétation défendable de l'instrument invo-

qué, et unedemande qui ne repose pas sur une interprétation défendable
de l'instrument invoaué. Dans toutes ces affaires-là. la Cour décidesui-
vant la norme définiepar lejuriste éclairé.

Sir Hersch Lauterpacht et C. H. M. Waldock (dir. pub.), The Basis of Obligation in
International Law and Other Papers by the Late James Leslie Brievly, 1958, p. 98. Ou
bien, comme on l'a dit'occasion d'une affaire en Angleterre:

Deux [personnes] raisonnables peuvent raisonnablement aboàtdes conclu-
sions opposéespartir des mêmesfaits sans pour autant perdre le droit d'être consi-
toujours un résultat juste, mal exercer son jugement ne produit pas toujours un
résultatdéraisonnable.» (Lord Hailsham,e W. (An Infant), [1971]AC 682, HL,
p. 700.) If a lower test, such as that of a reasonable connection, is the right one,
it would strengthen the Judgment on some points, although also tending
on other points to yield results which might not be exactly the same as

those reached by the Court on the basis of the higher test used by it.

In a prefatory way, it would be right to have regard to the nature of
the case. The Respondent admits that it destroyed the Applicant's oil
platforms in question, but it says that it did so in self-defence against
previous acts of aggression committed against it by the Applicant. If the
Applicant accepted that the Respondent was acting in self-defence but
sought to contend that the Treaty nonetheless prohibited the use of force
in self-defence,its contention to that effect would, in terms of the juris-
prudence referred to above, be unarguable to the point of being artificial.
In that event, it would be the duty of the Court to say at this stage that
such a contention could not found a dispute as to the interpretation or
application of the Treaty within the meaning of its compromissory clause
and accordingly to hold that the Court has nojurisdiction thereunder. To
hold otherwise would be to overlook the responsibility of the Court to
defend its process against abuse.

But the Applicant does not accept that the Respondent was acting in

self-defence; nor does it make the improbable assertion that the Treaty
prohibits the use of force in self-defence.It is saying that the use of force
by the Respondent was aggressiveand that such use of force by one Party
against the other is prohibited by the Treaty (apart from any prohibition
flowing from general international law). The Respondent rightly accepts
that, for jurisdictional purposes, the Court has to proceed on the footing
that the Applicant is correct in its allegations as to what were the facts
relating to the merits. (For supporting dicta, see Mavrommatis Palestine
Concessions,Judgment No. 2, 1927, P.C.I.J., Series A, No. 2, pp. 74-75,
dissenting opinion of Judge Moore, and Nottebohm, Second Phase, Judg-
ment, I.C.J. Reports 1955, p. 34, dissenting opinion of Judge Read). In
particular, the Respondent accepts that it is not open to the Court at this
stage of the proceedings to make a finding on its contention that it was
acting in self-defence(CR96113,p. 61). It is on this basis that the present
issues should be approached.

As to Article 1 of the Treaty, in addition to the elements of the Pre-
amble referred to in the third paragraph of paragraph 27 of the Judg-
ment, relating to trade, investments, economic intercourse and consular 834
PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (OP.IND.SHAHABUDDEEN)

Si c'estun critère minimaliste, par exemple celui d'un rapport raison-
nable, qui est le bon critère,cela donnerait plus de poàdl'arrêt surcer-
tains points, mais sur d'autres cela produirait vraisemblablement des
résultats qui ne seraient peut-être pas exactementles mêmesque ceux
auxquels la Cour est parvenue en appliquant un critère maximaliste.
Avant tout, il serait bon de considérer lanature de l'espèce.Le défen-
deur admet qu'ila détruitlesplates-formes pétrolièresdu demandeur, qui
sont en cause, mais il dit l'avoir fait au titre de la légitimedéfensepour
répondre à des actes d'agression commis à son encontre par le deman-
deur. Si ce dernier acceptait que le défendeurait agi au titre de la légitime

défensemais cherchait à soutenir que le traitéinvoqué interdisait néan-
moins le recoursà la force au titre de la légitimedéfense,ses argumenàs
cet effet seraient, du point de vue de la jurisprudence évoquéeci-dessus,
indéfendablesau point d'être artificiels.Dans ce cas-là, la Cour serait
tenue de direà ce stade que pareille argumentation ne peut pas fonder un
différendrelatifàl'interprétationou àl'application du traitéau sens de la
clausecompromissoire qui y est énoncéeet seraitpar conséquent tenuede
décider qu'elle n'est pas compétente. Toute autre décision reviendrait
pour la Cour à oublier qu'elle doit se protégercontre les abus de procé-
dure.
Mais le demandeur n'accepte pas l'idéeque le défendeur ait agi par

souci de légitimedéfense; iln'adopte pas non plus l'argument peu plau-
sible tendantà dire que le traité interdit le recàula force dans les cas
de légitimedéfense.Il dit que le recoursà la force par le défendeurcor-
respondait à une agression et que l'emploi de la force dans ces conditions
par l'une des parties contre l'autre est interdit par le traité(màpart
toute interdiction découlantdu droit international général. e défendeur
de son côté accepte très justement que la Cour, à des fins juridiction-
nelles,doivepartir du principe que le demandeur allèguedes faits exactsen
ce qui concerne le fond du différend(pour différents avisqui confortent
l'idée, voir l'affaire ConcessionsMavrommatis en Palestine, arrên to2,
1924, C.P.J.I. sérieA no2, p. 74-75,opinion dissidente de M. Moore, et
l'affaire Nottebohm, deuxièmephase, arrêt,C.I.J. Recueil 1955, p. 34,

opinion dissidente de M. Read). En particulier, le défendeur accepte que
la Cour ne puisse pas à ce stade de la procédureformuler de conclusion
sur le moyen de la légitimedéfense qu'ila fait valoir(CR96113, p. 61).
C'estdonc sous cet angle que lespointsà trancher en l'espècedoivent être
abordés.

En ce qui concerne l'article premier du traité, outre les élémentsdu
préambule dont il est fait étatau troisième alinéadu paragraphe 27 de
l'arrêt,les échanges, les investissements, les relations économiques etrelations, the Preamble, in its opening sentences, stated that the parties
were "desirous of emphasizing the friendly relations which have long pre-
vailed between their peoples, of reaffirming the high principles in the
regulation of human affairs to which they are committed . .". Stressing
this part of the Preamble as being also pertinent to an appreciation of
the object and purpose of the Treaty, the Applicant emphasized that
Article 1 (which has no counterpart in the FCN Treaty in Military and
Paramilitary Activities in and against Nicaragua) is in any event not a
preambular statement; it is part of the operativeprovisions of the Treaty.
Being an operative provision, it might be thought that it is at least argu-
able that itis not merely "aspirational", but that it has a normative char-
acter - that it propounds a rule of conduct. There is not in principle any

reason why parties cannot by treaty bind themselves legallyto live infirm
and enduring peace and sincere friendship with each other. In Military
and Paramilitary Activities in and against Nicaragua, the Court recog-
nized that it was possible for parties by an appropriately worded treaty to
bind themselves "to abstain from any act toward the other party which
could be classifiedas an unfriendly act, even if such act is not in itself the
breach of an international obligation" (Military and Paramilitary Activi-
ties in and against Nicaragua (Nicaragua v. United States of America),
Merits, Judgment, I.C.J. Reports 1986,pp. 136-137,para. 273).To deter-
mine whether there isjurisdiction to decide whether Article 1of the 1955
Treaty is such a provision, the Court would have needed to ask whether
the close and extensive arguments between the Parties (not here fully
recited) sufficed to show that the A~~licant's construction of
the provision was an arguable one, even if it might later turn out to be
incorrect. This has not been the Court's approach.

There is a further point. The Court seems to have proceeded on the
basis that, if the provision does not create a legal obligation, that suffices
to negative the existence ofjurisdiction (seeJudgment, paras. 31and 52).
However, even if the provision does not create a legal obligation, it need
not follow that there cannot be a dispute as to its interpretation or appli-
cation so as to give the Court jurisdiction. As has been noted above,
unlike the position in some other treaties, the compromissory clause in
this case applies in relation to the whole of the treaty, and not only to
some parts of it; the clause speaks of "[alny dispute . ..as to the inter-
pretation or application of the present Treaty . ..".Article 1is part of the
Treaty. There can be a dispute between the Parties as to whether it cre-

ates a legal norm. That dispute can be a dispute within the meaning of
the compromissory clause and can giverise to jurisdiction. The Court has
not pursued the enquiry along these lines.

Also, if the existence of a dispute as to whether Article 1 of the Treaty
creates a legal obligation sufficesto conferjurisdiction, there could be cir- PLATES-FORM PETROLIÈRES (OP.IND.SHAHABUDDEEN) 835

consulaires, le mêmepréambule, dans ses premières phrases, dit que les
parties sont «animé[e]sdu désir de développerles relations amicales qui
unissent depuis longtemps leurs deux peuples, de réaffirmer dansla direc-
tion des affaires humaines les principes supérieurs auxquels [elles]sont
attaché[e]s..» Soulignant que cette partie du préambule est également
pertinente quand on veut apprécier l'objet etle but du traité,le deman-

deur a fait valoir que l'article premier (qui n'a pas d'équivalentdans le
traitéd'amitié,de commerce et de navigation invoquédans l'affaire des
Activitésmilitaires et paramilitaires au Nicaragua) n'est en tout cas pas
un élément de préambule. L'articlfeait partie des dispositions de fond du
traité et, ce titre, il est en tout cas défendable de soutenir qu'il ne s'agit
pas seulement de l'expression d'un «vŒu», que cette disposition a un
caractèrenormatif, qu'elle énonce unerèglede conduite. Il n'y a en prin-
cipe pas de raison qui interdise aux parties de prendre par voie de traité
l'engagementjuridique d'instaurer entre ellesune paix stable et durable et
une amitié sincère.Dans l'affaire desActivitésmilitaires etparamilitaires
au Nicara~ua.la Cour a reconnu au'il étaitloisibleà des ~arties de s'obli-
ger, par la voie d'un traité rédigécomme il convient, de ((s'abstenir de

tout acte envers l'autre partie qui puisse êtreconsidéré comme inamical,
mêmes'ilne viole pas en lui-même une obligationinternationale)) (Acti-
vités militaires et paramilitaires au Nicaraguaet contre celui-ci(Nicara-
gua c. Etats-Unis d'Amérique),fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 136-
137, par. 273). En cherchant à établirsi elle a ou non compétencepour
décidersil'article premier du traitéde 1955est ou non une disposition de
ce type, la Cour aurait dû se demander si l'argumentation serréeetabon-
dante à laquelle les parties se sont livrées(que nous ne reprenons pas ici
intégralement) suffisaità montrer que l'interprétation de ladite disposi-
tion présentéepar le demandeur était défendable,même s'id l evait appa-
raître ultérieurementque cette interprétation étaiterronée. Mais laCour
n'a pas procédé ainsi.

Encore un point. La Cour sembleêtrepartie de l'idéeque, si la disposi-
tion en question ne créepas d'obligation juridique, cela suffià lui ôter
compétence (voirarrêt, par. 31 et 52). Toutefois, mêmesi la disposition
ne créepas d'obligation juridique, il ne s'ensuit pas nécessairement qu'il
ne peut pas y avoir de différend relatif à son interprétation ou à son
application qui puisse conférer compétence à la Cour. Comme on l'a vu
plus haut, àla différencede la position adoptée danscertains autres trai-
tés,la clause compromissoire en l'espèces'applique à la totalitédu traité
et non pas seulement à certaines parties de l'instrument; la clause vise en
effet(([tloutdifférend..quant à l'interprétationouà l'application du pré-
sent traité...» L'article premierfait partie du traité.Il peut y avoir un dif-
férendentre les Parties sur le point de savoir si cet article premier crée ou

non une norme juridique. Ce différendpeut êtreun différendau sens de
la clause compromissoire et peut conférer compétence.La Cour n'a pas
engagé sa recherchedans cette voie.
En outre, au cas où l'existenced'un différendsur le point de savoir si
l'article premierdu traitécréeune obligation juridique suffiraitconférercularity in holding that there is no jurisdiction because the provision does

not create a legal obligation. Whether it creates a legal obligation is the
substance of the dispute and can only be ascertained in exercise ofjuris-
diction to determine the dispute. On the test which it has used, the Court
has not had occasion to consider whether a holding that the provision
creates no legal obligation presupposes the existence of the jurisdiction
which has been found wanting in respect of the provision.

Finally, 1 entertain a reservation over the Court's treatment of the
Respondent's interna1 documentation relating to its ratification pro-
cedures (Judgment, para. 29, first paragraph). This material does not
form part of the travaux préparatoires of the previously ended treaty
negotiations or part of the circumstances of the conclusion of the Treaty.
Nor does it evidence any subsequent practice of the Parties in the appli-
cation of the Treaty which establishes their agreement regarding its inter-
pretation. The argument based on the fact that the material was in part
introduced by the Applicant is a powerful one; but perhaps it does not go

far enough. It is necessary to distinguish between the material and what it
proves, and more particularly as compared with what has to be proved.
In Anglo-Iranian Oil Co., in the view of the Court what had to be proved
was the intention of a single party in making a declaration which was
treated by the Court as a unilateral statement, and not as a treaty provi-
sion; the material in question was regarded as admissible to prove that
intention (I.C.J. Reports 1952, p. 107). In this case, what has to be
proved is the common intention of both Parties as expressedin the text of
the concluded treaty. The Court does not say that the material in ques-
tion shows that the Applicant's understanding of the Treaty was the same
as the Respondent's. Taken at the highest in favour of the Respondent,
what the material shows is that the Respondent's then understanding of
the Treaty was the same as its present understanding. But this unilateral
consistency does not make the material relevant to proof of that which
has to be proved; what is relevant is not the Respondent's separate
understanding, however consistent, but the common intention of both
Parties as expressed in the terms of the concluded Treaty.

As to Article IV, paragraph 1,of the Treaty, the Judgment favours the
Applicant on al1points, save one. This concerns the meaning of the word
"treatment" in the phrase "fair and equitable treatment" appearing in
that provision. The result of the Court's reasoning is that the word does
not cover a case of State destruction by armed force. If, as seems likely, PLATES-FORM PÉTROLIÈRES (OP.IND.SHAHABUDDEEN) 836

compétence,on risquerait de tourner en rond en décidant qu'iln'y a pas
compétence parceque la disposition en question ne créepas d'obligation
juridique. Qu'ellecréeou non une obligation juridique est une question
qui relèvedu fond du différend etcela ne peut être établi qu'à condition
d'exercer la compétence vouluepour trancher le différend.Avec le critère
qu'elle a retenu, la Cour n'a pas eu l'occasion d'examiner si décider que

la disposition ne créepas d'obligation juridique présupposel'existencede
la compétence dont l'absence a précisément été constaté au sujet de
ladite disposition.
Mon dernier point est celui-ci:j'ai une réservà formuler sur la façon
dont la Cour traite la documentation interne du défendeur qui concerne
ses procédures de ratification (arrêt, par.9, premier alinéa). Ces docu-
ments ne font pas partie des travaux préparatoires des négociations
concernant le traitéqui ont précédemment prisfin, ni partie des circons-
tances entourant la conclusion du traité. Cette documentation ne donne
pas non plus la preuve qu'une pratique ultérieuredes Parties en ce qui
concerne l'application du traitéétablitqu'ellesont du traitéune interpré-
tation commune. L'argument tirédu fait que la documentation est en

partie présentéepar le demandeur est fort convaincant; mais peut-êtrene
va-t-il pas assez loin.l faut faire la distinction entre la documentation et
cequ'elle prouve, et tout particulièrement sousl'angle dece qu'il convient
de prouver. Dans l'affairede l'dnglo-Ivanian Oil Co., de l'avisde la Cour,
ce qu'il fallait prouver c'était l'intentiond'une des parties lorsqu'elle a
fait une déclaration aue la Cour a traitée comme unedéclarationunila-
térale et non pas comme une disposition conventionnelle; le texte en
question a été considéré comme admissiba lux fins de faire la preuve de
l'intention recherchée(C.I.J. Recueil 1952, p. 107).En l'espèce,ce qu'il
faut prouver, c'est la commune intention des deux Parties telle qu'elle
s'exprimedans le texte du traitéqui a été conclu.La Cour ne dit pas que

la documentation en question montre que le demandeur donne du traité
la mêmeinterprétation que le défendeur.Quand on se range le plus près
possible du côtédu défendeur,ce que la documentation prouve, c'estque
le défendeurinterprétait à l'époquele traitéexactement comme il l'inter-
prète actuellement. Mais cette cohérence unilatéralene donne pas de
caractère probant à la documentation viséepar rapport à ce qu'il faut
prouver; ce qui est pertinent, ce n'est pas l'interprétation individuelle du
défendeur,mêmesi elle est parfaitement cohérente, mais c'est la com-
mune intention des deux Parties telle qu'elle s'exprimedans les disposi-
tions du traité qui a été conclu.

En ce qui concerne le paragraphe 1 de l'article IV du traité, l'arrêt
prend position pour le demandeur sur tous les éléments saufun. Il s'agit
du sens du terme «traitement» dans l'expression ((traitement juste et
équitable))figurant dans la disposition. Le raisonnement tenu par la
Cour débouche sur l'idéeque le terme ne s'étend pas à la destructionthe word covers a case of property which is, by armed force, taken and
retained by a State for its own use, it may be arguable that it likewise
covers a case of property which is, by armed force, taken by the State by
destroying it :the idea that property destroyed is property taken is known
to law5. Hence, if a State takes property, either for its own use or for the
purpose of destroying it, there could be a question whether that consti-
tutes impermissible "treatment" in one case as much as in the other. On
the test which it has used, the Court has not had occasion to consider a
question of this kind.

In a subsidiary way, 1would add that the last three sentences of para-
graph 36 of the Judgment rest on a misconception. True, as is obvious,
Article IV, paragraph 1, of the Treaty does not regulate military action
by one party against the other. But it does not follow that military action
cannot result in a violation of that provision, as is suggested by this part
of the Judgment. Elsewhere, in paragraph 21, the Judgment correctly
recognizesthat the use of force could lead to a breach of the provisions of

the Treaty, even if the Treaty does not regulate the use of force. There
was no state of war between the Parties, and no question of the Treaty
being suspended; on the contrary, as paragraph 15 of the Judgment
makes clear, both Parties agreed that the Treaty was at al1times in effect.
The use of armed force could obviously involve impermissible treatment
of the nationals of a party or of their property, contrary to the obliga-
tions imposed by Article IV, paragraph 1, of the Treaty.

On the other hand, the following may be added in support of the posi-
tion taken by the Court on Article X, paragraph 1, of the Treaty:

First, as to whether, in the phrase "commerce and navigation" appear-
ing in Article X, paragraph 1, of the Treaty, the word "commerce" is
qualified by the word "navigation" so as to refer only to maritime com-
merce as submitted by the Respondent. In its 1986Judgment in the Mili-
tary and Paramilitary Activities in and againstNicaragua case, the Court
considered that the laying of mines in the port constituted "an infringe-
ment ... of the freedom of communications and of maritime commerce"
Z.C.J. Reports 1986, p. 129, para. 253). But that remark was based on
certain navigation rights existing under "customary international law"
(ibid.,p. 112,para. 214); thus, the Court spoke of "obligations under cus-
tomary international law . . .not to interrupt peaceful maritime com-

See Corpus Juris Secundum, Vol. 29A, 1965,pp. 442 ff PLATES-FORM PETROLIÈRES (OP.IND.SHAHABUDDEEN) 837

opérée par un Etat au moyen de la force armée.Si, comme il est vraisem-
blable, le terme s'étendau cas où des biens sont saisis par un Etat au
moyen de la force arméepour êtreutiliséspar lui, on pourrait soutenir
que le terme couvre égalementle cas où des biens seraient, au moyen de

la force armée, saisis par 1'Etat du fait qu'il les détruit: l'idéeque des
biens détruits sont des biens saisis est connue en droit5. Donc, si un Etat
saisit des biens soit pour les utiliser lui-même soitpour les détruire, on
peut se demander si cela constitue un «traitement» illicite dans un cas
tout comme dans l'autre. D'après le critère qu'ellea retenu, la Cour n'a
pas eu l'occasion de se pencher sur une question de cet ordre.
A titre subsidiaire, j'ajouterai que les trois dernières phrases du para-
graphe 36 de l'arrêtreposent sur une erreur d'interprétation. Certes, c'est
évident,le paragraphe 1 de l'article IV du traité ne réglementepas les
actions militaires menéespar l'une des parties contre l'autre. Mais il ne
s'ensuit pas que des actions militaires ne puissent aboutirà violer cette
disposition, contrairement à ce que tend à faire croire ce passage de

l'arrêt.Ailleurs, au paragraphe 21, l'arrêt reconnaît très justementque
l'emploi de la force pourrait aboutir à violer les dispositions du traité,
alors mêmeque le traité neréglementepas l'emploi de la force. Il n'exis-
tait pas d'étatde guerre entre les parties, son application n'était certaine-
ment pas suspendue. Bien au contraire, comme le montre le para-
graphe 15 de l'arrêt,les deux Parties ont l'une et l'autre admis que le
traité a toujours étéen vigueur. Le recours aux forces arméespouvait
manifestement aboutir à traiter de façon illicitelesnationaux de l'une des
parties, ou leurs biens, contrairementà l'obligation imposéepar le para-
graphe 1 de l'article IV du traité.

En revanche, il est possible d'étayer la position quela Cour a adoptée
au sujet du paragraphe 1 de l'article X du traitépar quelques arguments
supplémentaires, quevoici :
En premier lieu, nous nous arrêterons sur le point de savoir si, dans
l'expression ((commerce et ...navigation)) qui figure au paragraphe 1 de
l'article X du traité,le terme «commerce» est précisépar le terme ((navi-

gation» de façon à désigner exclusivement, comme le soutient le défen-
deur, le commerce maritime. Dans l'arrêtqu'elle a rendu en 1986 dans
l'affaire desActivitésmilitaires et paramilitaires au Nicaragua et contre
celui-ci,a Cour a estimé quele minage du port constituait une ((atteinte
à la libertéde communication et du commerce maritime» (C.1.J. Recueil
1986, p. 129,par. 253).Mais l'observation étaitfondéesur certains droits
de navigation relevant du ((droit international coutumier » (ibid., p. 111,
par. 214); la Cour a donc parléd'«obligations [qu'] ...impose le droit

Voir Corpus Juris Secundutn, vol. 29A, 1965,p. 442 et suivmerce" (I. C.J. Reports 1986, p. 147,para. 292(6)).When the Court came
to consider whether the laying of mines violated the "freedom of com-
merce and navigation" clause set out in Article XIX, paragraph 1,of the
1956FCN Treaty, it did not speak of "maritime commerce"; it spoke of
the respondent's "obligations under Article XIX of the" FCN Treaty
(ibid., p. 147, para. 292 (7)). Itis legitimate to suppose that this careful
difference in expressions signified that the Court wished to avoid being
thought to be limiting "freedom of commerce" under the Treaty to free-
dom of maritime commerce. Also, if, as it seems, the Court considered
that freedom of commerce under Article XIX, paragraph 1,of the Treaty
was not limited to maritime commerce but embraced al1forms of com-
merce, this would explain why the Court held that the respondent, "by

the attacks on Nicaraguan territory ... has acted in breach of its obliga-
tions under Article XIX of the Treaty ..." (ibid., p. 148,para. 292 (11)).
It was on the basis of a contrary view that the clause was "exclu-
sively devoted to matters of maritime commerce" that Judge Oda
expressed dissatisfaction with this part of the Judgment (ibid., p. 251,
para. 84, dissenting opinion). There is some basis for reading the Court's
1986Judgment as leading to the conclusion that freedom of "commerce
and navigation" under Article X, paragraph 1,of the 1955Treaty between
the Parties in this case was not restricted to maritime commerce.

Second, as to the argument - an argument of some force - that the

oil platforms in question related to production and not to commerce.
There is manifestly a distinction between the two processes; but where
the precise line is to be drawn between them is lessclear in the case of an
industry in which production was closely articulated to external com-
merce. Take the hypothesis (suggested by paragraph 51, first paragraph,
of the Judgment) of a State being dependent for its foreign currency earn-
ings on its exports of locally produced oil. Conceivably, another State,
desiring to eliminate the commerce productive of these export earnings,
may proceed either to blockade the export facilities or to destroy the oil
production facilities. Itis not altogether clear that the particular method
employed lessens the fact that, either way, the second State would have
accomplished its purpose of eliminating the first State's commercein oil.
The suggested distinction, in its strict form, is not easily accommodated

by the Treaty when this is interpreted in the geopolitical framework in
which it was negotiated: the shelter given to commerce was intended, at
the time when it was given, largely for the future protection of export-
oriented economic interests of the Respondent's corporations in the
Applicant's oil industry. Some weight may be accorded to the Appli-
cant's proposition that the same words in similar treaties may have dif-
ferent meanings when the particular treaty is interpreted in the special
context in which it was negotiated. These considerations may be neither
right nor decisive; but they are sufficient to suggest that the Applicantinternational coutumier ...de ne pas interrompre le commerce maritime
pacifique)) (C.I.J. Recueil 1986, p. 147, par. 292, point 6). Et quand la
Cour en est venue à examiner si le minage violait la liberté de commerce
et de navigation faisant l'objet de la disposition énoncéau paragraphe 1
de l'articleXIX du traitéd'amitié, de commerceet de navigation de1956,
la Cour n'a pas parléde ((commercemaritime »; elle a parléd'«obliga-
tions découlant[pour le défendeur] de l'articleXIX du traitéd'amitié,de
commerce et de navigation)) (ibid., p. 147,par. 292, point 7). Il est légi-
time de supposer que cette nuance dans l'expressionsignifiaitque la Cour

ne voulait pas êtreconsidérée commelimitant «la liberté de commerce))
prévuepar le traité àla liberté de commercemaritime.De plus, si, comme
il semble bien, la Cour estimait que la liberté de commerceenvisagéeau
paragraphe 1 de l'article XIX du traité n'étaitpas limitéeau commerce
maritime mais s'étendait àtoutes les formes de commerce, cela explique-
rait pourquoi la Cour a estimé que le défendeur, «par les attaques
[menées]contre le territoire du Nicaragua ...[a] violé[ses] obligations
découlant de l'articleXIX du traité...)) (ibid. p. 148,par. 292, point 11).
C'est parce qu'il estimait au contraire que la disposition en question
«trait[ait] exclusivement de questions relatives au commerce maritime))
que M. Oda, dans son opinion dissidente, a dit ne pas souscrire à cet
aspect de l'arrêt(ibid., p. 251, par. 84). Il paraît donc assez justifiéde
déduire de cetarrêtde la Cour de 1986que la liberté de commerceet de
navigation viséeau paragraphe 1 de l'articleX du traitéde 1955entre les
Parties à la présente instance n'étaitpas limitéeau commerce inavitime.

Nous nous arrêteronsensuite sur l'argument - de poids - suivant
lequel les plates-formes pétrolièresen cause sont des moyens de produc-
tion et non de commerce. 11y a manifestement une distinction à faire
entre les deux processus; mais il est assez difficilede savoir où se situe
vraiment la ligne de démarcation quand il s'agit d'une branche dans
laquelle la production est très étroitementliéeau commerce extérieur.
Prenons par hypothèse le cas (suggérépar le premier alinéa du para-
graphe 51de l'arrêt) d'unEtat dont les recettes en devisessont tributaires
de ses exportations de pétrole, le pétroleétant en l'occurrence produit
localement. On peut imaginer qu'un autre Etat, souhaitant anéantir le
commerce qui apporte ces devises d'exportation au premier Etat, décide
soit de faire le blocus des installations d'exportation, soit de détruireles
installations de production pétrolière.Il n'est pas possible de voir très
nettement si la méthode retenueatténuele fait que, d'une façon comme

de l'autre, le second Etat aura atteint son objectif, qui est d'anéantirle
commerce pétrolier du premier Etat. La distinction suggérée, à stricte-
ment parler, ne se déduit pas facilement du traitélui-mêmequand on le
replace pour l'interpréterdans le cadre géopolitiquedans lequel il a été
négocié:si le commerce est ainsi protégé, c'est parce qu'on voulait à
l'époque essentiellementassurerpour l'avenir la protection d'intérêtés co-
nomiques axéssur l'exportation que des sociétésdu défendeur avaient
acquis en participant à l'industrie pétrolièredu demandeur. On peut
suivre jusqu'à un certain point le demandeur quand il soutient que lesmay be correctly allowed to argue in favour of its point of view at the
merits stage.

If, for the foregoing reasons, it is thought that the Court's test creates
some disadvantages for the Applicant, it need not be assumed that it
leads to no disadvantages for the Respondent; it does. And they could be
serious.
Take the holdings against the Respondent in paragraphs 21 and 51 of
the Judgment. It is true that a holding on jurisdiction does not conclude
issues at the merits. But if, in deciding the jurisdictional issue, the Court

could competently render a definitive interpretation of the Treaty, it is
difficult to see how that interpretation could fail to govern at the merits
stage,where that stage is reached. In the first of the two holdings referred
to, the Court rejects the Respondent's contention that the Treaty of 1955
cannot apply to questions concerning the use of force. Theoretically, it
may be argued that this holding would not prevent the Respondent from
arguing at the merits stage that the Treaty cannot apply to questions con-
cerning the use of force6. But, given the importance of the opposite inter-
pretation to the holding made by the Court at the preliminary stage, it is
difficult to see how that interpretation could be reversed at the merits
stage. In practice, the Respondent would thus be prevented from putting
forward at the merits stage an argument essential to the substance of its
case; in a conceivable case, even though not in this, that might be the
respondent's only argument on the substance. In the second of the two

holdings, the Court rejects the Respondent's contention that the claims
of the Applicant cannot be founded upon Article X, paragraph 1, of the
Treaty of 1955.Would not this holding likewiseprevent the Respondent
from arguing at the merits stage that the claims of the Applicant cannot
be founded upon Article X, paragraph 1, of the Treaty of 1955?

In the normal way, these are issues whichthe Respondent is considered
free to argue at the merits stage for the reason that they bear on the ques-
tion of the existence of the legal obligations which have been allegedly

See Georges Abi-Saab, Les exceptions préliminaires dansla procédurede la COUP
internationale, 1967,p. 246.

40 PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (OP.IND.SHAHABUDDEEN) 839

mêmestermes figurant dans des traités similaires revêtent peut-être un
sens différent quand, afin de l'interpréter, on replace le traité dans le
contexte particulier dans lequel il aéténégocié. Cesconsidérations ne
sont peut-êtrenijustes ni déterminantes;mais ellesdonnent en tout cas à
penser que le demandeur pourrait être autorisé àdéfendrecepoint de vue
au stade du fond.

Si l'on estime pour les raisons ci-dessus que le critère retenu par la
Cour crée certains inconvénientspour le demandeur, on ne doit pas pour

autant tenir pour acquis qu'il ne créeaucun inconvénientpour le défen-
deur; il en crée.Et ces inconvénientspourraient êtregraves.
Voyons par exemple lesconstatations que la Cour formule àl'encontre
du défendeuraux paragraphes 21 et 51 de l'arrêt. Il est vrai qu'en se pro-
nonçant sur la compétencela Cour ne s'engage pas sur des points rele-
vant du fond. Mais si, en statuant sur la question de la compétence, la
Cour peut valablement énoncer une interprétation définitivedu traité,il
est difficilede voir comment cette interprétation pourrait ne pas s'impo-
ser au stade du fond au cas où l'on devrait allerjusqu'à ce stade. Dans la
première des deux constatations sur lesquelles nous nous arrêtons, la
Cour rejette la thèse du défendeur suivantlaauelle le traité de 1955 ne
peut pas s'appliquer a des questions ayant trait
à l'emploi de la force.
Théoriquement, on pourrait soutenir que pareille décision n'empêcherait
nullement le défendeurde faire valoir, au stade du fond, que letraitén'est
pas applicable àdes questions ayant traità l'emploide la force6. Mais vu
l'importance que revêt l'interprétationcontraire pour la décision rendue
par la Cour au stade préliminaire,il est difficile de voir comment cette
interprétation pourrait êtreinverséeau stade du fond. Concrètement, cela
signifieque le défendeur serait ainsi empêché de faire valoiaru stade du
fond un argument pourtant fondamental de sa défense; on pourrait
mêmeimaginer, bien que tel ne soit pas le cas de figure en l'espèce,que ce
soit le seul argument de fond que le défendeurpuisse faire valoir. Dans la
seconde des deux constatations évoquées,la-Cour rejette la thèse du

défendeur suivant laquelleles réclamationsdu demandeur ne peuvent pas
s'appuyer sur le paragraphe 1 de l'article du traitéde 1955.Est-ce que
pareille constatation n'empêcheraitpas égalementle défendeur de faire
valoir au stade du fond que les réclamationsdu demandeur ne peuvent
pas s'appuyer sur ce paragraphe 1 de l'articleX du traitéde 1955?
Normalement, ce sont là des points que le défendeur est censéêtre
totalement libre de faire valoir au stade du fond parce qu'ilstouchentla
question de l'existencedes obligations juridiques qui auraient étviolées.

Voir Georges Abi-Saab, Les exceptions préliminaires dans la procédure dela Cour
internationale, 1967,p. 246.breached. The right to argue at the merits that the alleged obligations did
not exist in law is distinct from the right to rely, by way of defence on the
merits, on the matters specified in Article XX, paragraph 1 (d), of the
Treaty, a subject discussed in paragraph 20 of the Judgment. The right to
rely on such specified matters by way of defence on the merits is not
therefore an answer to the fact that the Judgment deprives the Respon-
dent of the opportunity to argue that the obligations in question did not
in the first instance exist. There would be no need to rely on the specified
matters by way of defence on the merits if it was established that the
alleged obligations did not exist in law.
These difficultiesdonot arise if the correctjurisdictional test iswhether
the Applicant's construction of the Treaty is an arguable one. If al1that
the Court holds is that the Applicant's interpretation of the Treaty is an
arguable one, it does not follow that the Court is saying that the Respon-
dent's interpretation is wrong. Both interpretations could be arguable;
indeed, it may happen that the Applicant's interpretation does not pre-

vail at the merits stage, and that it is the Respondent's interpretation
which is eventually upheld. On this approach, nothing would prevent the
Respondent from advancing its interpretation of the Treaty at the merits
stage. But the argument then will be a different one. It will not be
addressed to the preliminary question whether the Applicant can present
an arguable contention that the Treaty applies to the alleged acts; it will
be addressed to the substantive question whether the Treaty applies to
those acts. The former question, which is decided in exercise of the
Court's compétencede la compétence,goes to the right of the Applicant
to have its claim adjudicated. By contrast, the latter question, which is
decided in exercise of the Court's substantive jurisdiction, goes to the
adjudication of the claim on the basis that the Applicant has a right to
have the claim adjudicated. It goes to the question whether the obliga-
tion, which the Applicant claims was breached, exists in law: if the obli-
gation does not exist, there could be no breach of any obligation and the
claim that there was a breach of an obligation fails on the merits.

Possibilities for improvement do not prevent me from giving support
to the dispositifin the form in which it stands.1have given that support.
It appears to me, however, that the Court has not paid sufficient regard
to the fact that the question at this stage is not whether the Applicant's
claims are sound in law, but whether the Applicant is entitled to an adju-
dication of its claims. The neglect to distinguish between these issues as
consistently as was required corresponds with the fact that the Court has
sought to make a definitive determination of the meaning of the 1955
Treaty, whereas, in my view, it should merely have asked whether the
construction of the Treaty on which the Applicant relied was an arguableLe droit de soutenir au stade du fond que les obligations alléguées n'exis-
taient pas au sens juridique est distinct du droit de faire valoir pour sa
défenseau fond les questions expressémentviséesau paragraphe 1 d) de
l'articleXX du traité, distinction qui fait l'objet du paragraphe 20 de
l'arrêt.Le droit de se fonder sur ces matières-là pour se défendreau fond
ne peut donc pas répondre au fait que l'arrêt ôteau défendeurla possi-
bilité de soutenir que les obligations en question n'existaient pas au
départ. Il serait inutile d'invoquer lesdites matières pour se défendreau
fond s'ilétaitétabli queles obligations alléguéen'existaient pas en droit.

Ces difficultésne se présententpas si l'on appliqueà la question de la
compétencele bon critèrequi est de déterminersile demandeur donne du
traité une interprétation défendable. Si la Cour se borne à décider que
l'interprétation du traité adoptéepar le demandeur est défendable,il ne
s'ensuit pas que la Cour dit que l'interprétation du défendeur est erronée.
Les deux interprétations peuvent être soutenables;d'ailleurs, il peut arri-
ver qu'au stade du fond l'interprétation du demandeur ne l'emporte pas
et que ce soit l'interprétation du défendeur qui soit finalement retenue.
Dans cette perspective, rien n'empêcheraitle défendeur de proposer sa
propre interprétation du traité au stade du fond. Mais l'argumentation
sera alors différente.Elle ne sera pas axéesur la question préliminaire de
savoir si le demandeur peut valablement soutenir que le traités'applique
aux actions alléguées;elle visera la question de fond de savoir si le traité
s'applique ou non auxdites actions. La première question que la Cour

tranche quand elle exerce sa compétence de la compétenceporte sur le
droit du demandeur à ce que la Cour connaisse de sa demande. Par
opposition, la secondequestion, que la Cour tranche dans l'exercicede sa
compétenceau fond, concerne l'examenjudiciaire de la demande à partir
du moment où le demandeur a droit à voir sa demande jugée.Il s'agit
alors de la question de savoir si l'obligation qui aurait étévioléeselon le
demandeur existe ou non en droit: si l'obligation n'existe pas, aucune
obligation ne peut avoir étévioléeet la demande selon laquelle il y a eu
infraction à une obligation échoue au stade du fond.

Les aménagements qu'il est possible de lui apporter ne m'empêchent

pas de souscrire au dispositif de l'arrêt sousla forme qu'il revêt.J'ai donc
votépour ce dispositif. Il me paraît toutefois que la Cour ne s'est pas
assez intéresséeau fait que la questionàce stade n'est pas de savoir si les
réclamations du demandeur sont fondéesen droit, mais de savoir si le
demandeur a bien droit àce que la Cour connaisse de sesréclamations.Si
elle ne fait pas la distinction entre cesdeux questions avec autant de cons-
tance qu'elle aurait dû, c'est que la Cour a voulu établir de façon défini-
tive le sens du traitéde 1955alors qu'à mon avis elle aurait dû se conten-
ter de rechercher si l'interprétation du traitéqu'invoquait le demandeurone, even if it might eventually turn out to be incorrect. The respectful
impression with which 1 thus leave the case is that the test which the
Court has used has precluded it from asking the right questions. In the
result, the principle on which the Judgmentis constructed is not adequate
to do fulljustice to either Party; it creates unnecessary disadvantages for
both.

(Signed) Mohamed SHAHABUDDEEN. PLATES-FORM PESROLIÈRES (OP.IND.SHAHABUDDEEN) 841

était défendable,mêmeau cas où il se révélerait finalement quecette
interprétation est erronée.Je me permets donc de dire queai l'impres-
sion que le critère retenu par la Coura empêchéede poser les bonnes

questions. Par suite, le principe sur lequel l'arrêtest bâti ne peut rendre
pleinement justice aucune des Parties; il lesdessert inutilement l'une et
l'autre.

(SignéM ) ohamed SHAHABUDDEEN.

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Document Long Title

Opinion individuelle de M. Shahabuddeen (traduction)

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