Opinion dissidente commune de MM. Onyeama, Dillard, Jiménez de Aréchaga et Sir Humphrey Waldock (traduction)

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059-19741220-JUD-01-05-EN
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OPINION DISSIDENTE COMMUNE DE MM. ONYEAMA,
DILLARD, JIMGNEZ DE ARÉCHAGA
ET SIR HUMPHREY WALDOCK

[Traduction]
1. Dans son arrêtla Cour décidede son propre chef que la demande de

1'Etat requérant est désormais sans objet. Nous contestons respectueuse-
ment mais avec énergiecette conclusion. Dans l'exposéqui va suivre des
raisons de notre dissentiment, nous présenterons tout d'abord une série
d'observations visant à expliquer pourquoi, d'après nous, il n'est pas
justifiéde dire que la demande deI'Etat requérant n'a plus d'objet. Nous
aborderons ensuite les questions de compétence et de recevabilité que

I'arrêtn'examine pas mais qui nous paraissent d'une importance capitale
pour ce qui est de la manière dont la Cour aurait dû envisager les sujets
sur lesquels elle se prononce. Ce sont d'ailleurs ces deux questions, que
I'arrêtlaisse de côté, que le demandeur avait été expressément invitéà
traiter par l'ordonnance de la Cour du22juin 1973.

PREMIÈRE PARTIE.RAISONS DE NOTRE DISSENTIMENT

2. L'arrêt procède fondamentalement du postulat que l'unique objet

de la demande néo-zélandaiseest d'obtenir la ((cessation ))des ((essais
nucléaires atmosphériques effectués par la France dans la région du
Pacifique Sud >(par. 31).
L'hypothèse de base de I'arrêt, qui prête aux conclusionsdu demandeur
un but unique et limité et circonscrit étroitement l'objectif qu'il pour-
suivait en entamant la présente instance, est à notre avis insoutenable,

et le raisonnement de la Cour aboutit en conséquence à une conclusion
erronée. D'après nous, cela est dû en partie au fait que l'arrêtne tient pas
compte de l'objet et de l'utilitéd'une demande d'arrêt déclaratoire et plus
encore à ce que son hypothèse de départ ne correspond pas à la nature
et à la portée des conclusions formelles de la Nouvelle-Zélande, telles
qu'elles figuraient dans la requête,et que même elleles transforme.

3. Dans la requête,la Nouvelle-Zélande:

((prie la Cour dire et juger que les essais nucléaires provoquant des
retombées radioactives effectuéspar le Gouvernement français dans
la régiondu Pacifique Sud constituent une violation des droits de la
Nouvelle-Zélande au regard du droit international et que ces droits
seront enfreints par tout nouvel essai n.

4. Comme l'indiquent les premiers mots de la conclusion proprement

dite, la Nouvelle-Zélande demande sans équivoque àla Cour une déclara-tion judiciaire sur l'illicéitédes essais nucléaires effectuéspar la France
dans la région du Pacifique Sud qui provoquent des retombées radio-
actives.

Cela ressort de façon tout à fait claire du paragraphe 10 de la requête,
où il est dit:

(([leGouvernement néo-zélandais]demandera à la Cour de dire que
les essais nucléaires provoquant des retombées radioactives effectués
par le Gouvernement français dans la région du Pacifique Sud
constituent une violation des droits de la Nouvelle-Zélande au regard
du droit international et que ces droits seront enfreints par tout

nouvel essai ))(les italiques sont de nous).

Cette demande est présentéedans le mémoire du demandeur (par. 5)
comme ((l'objet principal de l'examen de la Cour ».
5. 11y a lieu de se demander sur quels motifs se fonde l'arrêtpour
écarter la demande de déclaration s;umise par le requérant. an sa
présente espèce, il n'est pas soutenu, comme dans l'affaire parallèle
Australie c. France, que la Cour n'était pas invitée à rendre un arrêt
déclaratoire, car de toute évidencecette thèse serait intenable étant donné

les termes de la conclusion néo-zélandaise. Il n'est pas dit non plus dans le
présent arrêt que la demande de déclaration n'est qu'un moyen en vue
d'une fin et non une fin en soi. Toutefois, et sans adopter ce raisonnement,
l'arrêtn'en néglige pasmoins totalement la demande formelle de déclara-
tion d'illicéitéprésentéepar la Nouvelle-Zélande et cela, semble-t-il, en
se fondant sur trois arguments.
6. Le premier parait procéder de l'observation suivante:

ccII est demandé à la Cour de dire et juger que les essais nucléaires
atmosphériques effectuéspar la France sont illicites, mais il lui est
demandé aussi de dire et juger que les droits de la Nouvelle-Zélande
((serontenfreints par tout nouvel essai)). La requêtecontient donc une
conclusion tendant à ce que les droits et obligations des Parties
soient définis.)(Par. 3 1de l'arrêt.)

On ne saurait cependant trouver là une raison valable de ne pas donner
suite à la demande de déclaration. Une conclusion tendant à obtenir une

déclaration judiciaire peut êtreformulée, soit pour que la Cour décide
que le comportement d'un Etat n'est pas conforme ou est contraire aux
règles applicables du droit international soit pour qu'elle déclarequ'une
partie possède un certain droit ou est astreinte à une certaine obligation.
Dans l'un ou l'autre cas, ce que l'on demande à la Cour, c'est de définirla
situationjuridique existant entre les Parties, soit sous la forme de règles
de droit objectives, soit sous celle de droits et d'obligations subjectives
qui découleraient de ces règles. C'est ainsi que dans l'affaire de l'Inter-

handel une conclusion qui sollicitait en fait une définition des droits et
obligations des Parties a été considéréepar la Cour comme visant unedemande de jugement déclaratoire » (C.I.J. Recueil 1959, p. 20). Dans

l'affairedu Droit depassage sur territoire indienla première conclusion du
demandeur tendait également à faire définir lesdroits et obligations des
Parties. Comme la Cour l'a dit dans cette affaire: ((Ainsi formulée, cette
demande fait apparaître tout à la fois le droit revendiquépar le Portugal
et l'obligation correspondante de l'Inde))(C.I.J. Recueil 1960, p. 28). La
Cour n'a cependant pas écarté cetteconclusion; au contraire elle l'a
traitée comme la demande fondamentale et essentielle sur laquelle elle
avait l'obligation de statuer.
7. Le second argument consiste a invoquer le ((pouvoir [que la

Cour] possède d'écarter, s'il est nécessaire,certaines thèses ou certains
arguments avancés par une partie comme élémentde ses conclusions
quand elle les considère, non pas comme des indications de ce que la
partie lui demande de décider, mais comme des motifs invoqués pour
qu'elle seprononce dans le sens désiré ))(par. 30).
Ce pouvoir existe indubitablement, mais on ne saurait l'invoquer pour
écarter une partie quelconque de la conclusion néo-zélandaise.Dire que
les expériences nucléaires((constituent une violation des droits de la
Nouvelle-Zélande au regard du droit international ))ne peut en aucune

façon êtreconsidéré commele simple énoncéd'un motif en làveur de la
décisiondemandée.Les raisonsjuridiques invoquées par le requérant ont
trait notamment au fait que la France aurait violé certaines règles
généralement acceptées comme droit coutumier en matière d'essais
nucléairesen atmosphère et qu'elle aurait enfreint des droits considérés
comme inhérents à la souveraineté territoriale du requérant ou tenant au
caractère de res commtlnis de la haute mer. Les écritures distinguent
nettement entre ces raisons destinées à étayerla conclusion et la décision
qui est sollicitéede la Cour. Isoléede ces motifs ou de ces thèsesjuridi-

ques, la déclarationsuivant laquelle lesessaisnucléairesdans l'atmosphère
((constituent une violation des droits de la Nouvelle-Zélande au regard
du droit international )>n'est que la formulation précise de ce que le
demandeur prie formellement la Cour de décider dans le dispositifde
l'arrêt.
S'il est vrai que ((prononcerdans le dispositif de l'arrêtque telle ou
telle de ces thèses estoui ou non fondéene rentre pas dans les fonctions
judiciaires de la Cour l», dire et juger que le comportement incriminé
d'un Etat constitue ou ne constitue pas une violation des droits du

demandeur au regard du droit international n'en est pas moins un aspect
essentiel du contentieux international et se situe en réalitéau cŒur même
de la fonction j3iciaire de la Cour.
8. Le troisième argument que semble utiliser l'arrêtpour justifier le
refus de donner,suite à la demande de déclaration consiste àdire que:

(cil est essentiel d'examiner si le Gouvernement néo-zélandais
sollicite de la.Cour un jugement qui ne ferait que préciser le lien

1 Affairedu Droit de passage sur territoire indien, C.I.J. Recueil 1960, p. 32.
43 juridique entre le demandeur et le défendeur par rapport aux

questions en litige, ou un jugement conçu de façon telle que son
libelléobligeraitl'unedes Parties ou lesdeux à prendre ou à s'abstenir
de prendre certaines mesures ))(par. 30) (les italiques sont de nous).
La position adoptée au sujet de la conclusion néo-zélandaise semble

indiquer que, de l'avis de la Cour, l'arrêtsollicitéen l'espèceappartient
exclusivement au type envisagédans la deuxièmepartie de la phrase citée.
Mais en quoi le libelléde la conclusion néo-zélandaiseobligerait-il la
Nouvelle-Zélande ou le défendeur à prendre ou à s'abstenir de prendre
certaines mesures? Nous ne découvronsrien de semblable dans ce libellé.
De ce point de vue, la prétention néo-zélandaisene diffère aucunement
de toute autre demande de jugement déclaratoire. Si les Parties en vien-
nent à déciderde prendre ou de s'abstenir de prendre certaines mesures,

c'est parce qu'un tel jugement déclaratoire suffit normalement à produire
cet effet. Comme l'a écrit Hudson dans son opinion individuelle en
l'affaire desPrises d'eauà la Meuse:

((dans lajurisprudence internationale, toutefois, lessanctions sont de
nature différenteet jouent un rôle différent;il en résultequ'un arrêt
déclaratoire aura fréquemment la mêmeforce exécutoire qu'un arrêt
énonçant un ordre du tribunal; les Etats ne sont pas moins disposés
à respecter l'un que l'autre»(C.P.J.Z. sérieAJBno 70,p. 79).

Et, pour reprendre lestermes de Charles De Visscher:

((La tâche essentielle de la Cour, telle qu'elle ressort tant des
conclusions des Parties que des dispositifs de ses arrêtsse ramène
normalement à définir les rapports de droit entre Parties sans

indication de prestations déterminées.Très généralement,les déci-
sions s'abstiennent de prononcer des condamnations, laissant aux
Erats parties au litige le soin de tirer eux-mêmesles conséquences
qui s'y attachent 1.))

9. 11ressort des termes de la conclusion de la Nouvelle-Zélandeque
celle-ci demande une déclaration qui ne se Iimite pas à la constatation
généraleque ses droits sont violéspar les essais nucléaires effectués dans

la régiondu Pacifique Sud et qui provoquent des retombées radioactives.
Elledemande qu'une telle déclarationspécifieaussique ((cesdroits seront
enfreints par tout nouvel essai D. Les deux parties de la conclusion néo-
zélandaise tendent donc expressément et délibérément à obtenir une
déclarationjudiciaire.
On peut trouver d'autres exemples de conclusions au sens strict par
lesquelles un requérant a demandé à la Cour non seulement de déclarer

--
1 CharlesDe Visscher,Aspects récentsdudroitprocéduralde la Courinternationale de
Justice, Paris, 1966,54.illicite le comportement du défendeur, mais de déclarer aussi, à titre
complémentaire, que la persistance dans ce comportement constituerait
une violation des droits du demandeur ou, ce qui revient au même,que le
défendeur a l'obligation de mettre un terme au comportement dont le

caractère illicite est allégué,notamment dans l'affaire relative à la Tutelle
des mineurs(C.I.J. Recueil 1958,p. 61 et 71).
La Cour a estiméen pareil cas que les conclusions comportaient deux
demandes indépendantes, dont la première constituait à ses yeux une
conclusion véritable, une fin en soi, et non pas simplement un élémentdu
raisonnement ou un moyen d'obtenir la cessation de l'activité taxée

d'illicite. Elle a d'abord analysé la demande tendant à obtenir une
déclaration d'illicéité,avant d'examiner la demande qui en était la con-
séquence logique et qui tendait à obtenir une déclaration relative à la
persistance éventuelledu défendeur dans le comportement incriminé.
Le fait que des déclarations de cette nature sont faites en conséquence,

comme ce fut le cas dans l'affaire susmentionnée, n'a pas été considéré
alors et ne saurait êtreaccepté comme un motif suffisant pour négligerou
écarter la conclusion principale du demandeur ou pour la traiter comme
une partie du raisonnement.
10. Dans une affaire portée devant la Cour par requêteles conclusions

formelles des Parties définissent l'objet du différend, comme le reconnaît
le paragraphe 24 de l'arrêt. IIfaut donc considérer que ces conclusions
correspondent aux objectifs que vise le demandeur en introduisant
l'instance judiciaire.
La Cour a certes le droit d'interpréter les conclusions des Parties, mais
rien ne l'autorise à les transformer radicalement. La Cour permanente

s'est expriméeainsi sur ce point: ((Si elle peut interpréter les conclusions
des Parties, elle ne saurait se substituer à celles-ci pour en formuler de
nouvelles sur la base des seules thèses avancéeset faits allégués.))(C.P.J.I.
série A no 7, p. 35, affaire relative àCertains intérêts allemands eH naute-
Silésie polonaise.) Au paragraphe 30, l'arrêtvoit là une limitation du
pouvoir de la Cour d'interpréter les conclusions ((quand la demande

n'est pas formulée comme il convient parce que les conclusions des
Parties sont inadéquates n.Si, toutefois, la Cour n'a pas le pouvoir de
reformuler des conclusions inadéquates, elle ne saurait à fortiori refor-
muler des conclusions aussi claires et précises que dans la présente
espèce.

11. Les affaires invoquées par l'arrêt en son paragraphe 30 pour
écarter la première conclusion du demandeur en l'espèce ne justifient
selon nous en aucune manière un traitement aussi sommaire de ((la con-
clusion principale de la requête )).Dans lesdites affaires les conclusions
que la Cour n'a pas considéréescomme des conclusions véritables étaient

des développements précis qui avaient pour seul objet de motiver la
décision sollicitéede la Cour dans la ((vraie 1)conclusion finale. C'est ainsi
que dans l'affaire des Pêcheries le demandeur a résumé,sous forme de
conclusions, toute une série de propositions juridiques, dont certaines
n'étaient mêmepas contestées, pour amener logiquemement ses véri-tables conclusions finales (C.I.J. Recueil 1951, p. 121-123 et 126).
Dans I'affaire des Minquiers et Ecréhous, la (vraie ))conclusion finale a
étéénoncéeen premier et suivie de deux arguments juridiques qui

visaient à fournir d'autres motifs pour que la Cour retienne cette
conclusion (C.I.J. Recueil 1953, p. 52); dans I'affaire Nottebohm une
conclusion concernant la naturalisation de Nottebohm au Liechtenstein
n'a été considérép ear la Cour que comme ((une raison à l'appui d'une
décision de la Cour en faveur du Liechtenstein ))sur la ((vraie question ))

de la recevabilité de la demande (C.I.J. Recueil 1955, p. 16). Dans la
présente espèce, comme nous l'avons dit, la situation est entièrement
différente. La question fondamentale soumise à la décisionde la Cour est
celle du caractère licite ou illicite de l'expérimentation nucléaire française
en atmosphère dans l'océan PacifiqueSud, et il nous paraît tout à fait
injustifié de traiter la demande de déclaration d'illicéitédu requérant

comme un simple motif en faveur de ce que l'arrêt considère commeI'ob-
jectif principal du demandeur - objectif qu'il détermine en faisant com-
plètemement abstraction de la conclusion formelle présentée.
12. Conformément aux principes de base susmentionnés, il aurait
fallu rechercher la véritable nature de la demande néo-zélandaiseet des

objectifs viséspar le requérant en se fondant sur le sens clair et naturel du
texte de sa conclusion formelle. Dans l'interprétation qu'elle en a donnée,
la Cour, selon nous, n'a pas vraiment interprétémais reviséle texte, et
éliminépour finir ce qui constitue l'essentiel de cette conclusion, c'est-
à-dire la demande tendant à ce que les essais nucléaires atmosphériques
dans l'océan Pacifique Sudprovoquant des retombées radioactives soient

déclarésillicites. Itest grave de modifier radicalement la conclusion d'un
plaideur, sous couleur d'interprétation, car on frustre ainsi son attente
légitimeque I'affaire dont il a saisi la Cour sera examinéeet résolue. En
l'occurrence les conséquences sont non seulement graves mais irrévo-
cables, le demandeur ne pouvant plus représenter sa requêteet saisir à

nouveau la Cour puisque la France a dénoncéles instruments sur les-
quels il prétendait fonder la compétence de la Cour en l'espèce.

13. Nous pensons que la Cour revise la conclusion du demandeur en
faisant appel à d'autres élémentset notamment aux communications

diplomatiques et déclarations faites au cours de la procédure, ainsi qu'à
des communiqués de presse gouvernementaux qui ne font pas partie dela
procédure judiciaire. Ces éléments ne justifientcependant pas I'interpré-
tation qu'en tire l'arrêt.Il est fait étatdes demandes réitéréed se l'Austra-
lie tendant à obtenir de la France l'assurance qu'il serait mis fin aux essais.

Ces demandes ne sauraient cependantavoir l'effetque l'arrêt leurattribue.
Pendant qu'un procès se déroule, un demandeur peut prier son adversaire
de l'assurer qu'il nepoursuivra pas l'activitécontestée, mais on ne peut en
conclure qu'une assurance sans réserve,à supposer qu'elle soit donnée,
répondrait a tous les objectifs que visait le demandeur en entamant la
procédure judiciaire; encore moins peut-on restreindre ou amender pourcette raison les prétentions formellement soumises à la Cour. D'après le
Règlement, ce résultat ne pourrait être obtenu que si le demandeur
donnait une indication précisedans ce sens en retirant l'affaire, en modi-
fiant ses conclusions ou par toute autre action équivalente. Ce n'est pas
pour rien que les conclusions doivent être présentéespar écritet porter la

signature de l'agent. 11est donc illogique d'interpréter ces demandes
d'assurance comme une renonciation, une modification ou un retrait
tacite de la requêtedont la Cour reste saisie et qui vise à faire déclarer
judiciairement que les essais atmosphériques sont illicites. Et puisque
l'arrêt attribue au demandeur des intentions et des renonciations im-
plicites, la Cour aurait dû pour le moins lui donner la possibilité d'ex-

pliquer ses desseins et objectifs véritables, au lieu d'entreprendre de les
déterminer inaudita parte.

14. S'il répèteque le demandeur a eu pour objectif d'obtenir la cessa-
tion des essais nucléaires dans l'atmosphère, l'arrêt s'abstient d'examiner
une question cruciale, celle de la date à laquelle le demandeur entendait
atteindre -cet objectif. Pour y répondre, il faut rechercher a partir de
quand la conclusion néo-zélandaisemettait en cause la caractère licite des

essais atmosphériques français.
La conclusion de la Nouvelle-Zélande se réfère, entermes généraux,
aux essais nucléaires ((provoquant des retombées radioactives)). En
faisant une déclaration comme celle qui était demandée, la Cour aurait
pu êtreappelée à se prononcer d'une manière généralesur la licéitédes
essais effectués par la France dans la région du Pacifique Sud qui ont

provoqué des retombées radioactives. La déclaration judiciaire d'illicéité
demandée dans la conclusion aurait ainsi eu des conséquences non seule-
ment pour les essais futurs, mais aussi pour les essais passés, à l'égard
desquels le Gouvernement néo-zélandais s'est réservé le droit de tenir le
Gouvernement français pour responsable de tout dommage ou de tout
préjudice subi. Au nombre de ces essais figureraient assurément ceux qui

ont étéfaits en 1973 et 1974 au méprisde l'ordonnance provisoire de la
Cour. La Cour a non seulement l'occasion, mais l'obligation, de se pro-
noncer sur la licéité des expériences quiont eu lieu puisque, la demande
de déclaration d'illicéités'étendant aux essais atmosphériques effectués
dans le passé, des déclarations d'intention visant uniquement les essais
qui seraient entreprisa partir de 1975ne peuvent la priver d'objet.
15. Voir les choses autrement équivaut à ne tenir aucun compte du

fait que la Nouvelle-Zélande pourrait demander une réparation, particu-
lièrement au titre des essais effectués en 1973et 1974. 11est vrai que dans
la présente instance le Gouvernement néo-zélandaisn'a pas demandé à
être dédommagépour le préjudice subi. Cependant, il s'est depuis 1966

47réservéavec persévérance ccle droit de rendre le Gouvernement français
responsable de tous dommages ou de toutes pertes que viendraient à
subir ...[à la suite des essais] la Nouvelle-Zélande ou les îles du Pacifique
dont elle a spécialement la responsabilité ou la charge n.Une telle réserve

aurait dû êtreprise en considération pour déterminer les buts du deman-
deur dans cette procédure. IIaurait aussi fallu tenir compte du fait qu'un
conseil du demandeur a déclaré a l'audience qu'à l'égardde certains des
préjudices dont l'existence étaitalléguéeson gouvernement avait l'inten-
tion de présenter, à un stade ultérieur, une demande qui serait liéeau

différenddont la Cour étaitsaisie mais en resterait distincte (audience du
IO juillet 1974).On. ne saurait donc exclure que le demandeur cherche à
obtenir un dédommagement par la suite, que ce soit par la voie diploma-
tique ou de toute autre manière, au cas où une déclaration d'illicéité
serait prononcée en sa faveur. Une procédure semblable, qui n'est pas
inconnue des tribunaux internationaux, se comprendrait particulièrement

dans une affaire de retombées radioactives où la vérificationde l'existence
et de l'étenduedu préjudicepeut exiger un certain temps.
16. Dans l'une des affaires où des dommages-intérêtsont étédemandés
sur la base d'un arrêt déclaratoire antérieur, la Cour permanente a
approuvé le parti qui était ainsi tiré de cet arrêtet a précisé qu'ilétait

destiné:
((à faire reconnaître une situation de droit une fois pour toutes et

avec effet obligatoire entre les parties, en sorte que la situation
juridique ainsi fixéene puisse plus êtremise en discussion, pour ce qui
est des conséquencesjuridiques qui en découlent ))(Interprétation des
arrêtsnos 7 et 8 (Usine de Chorzbw), arrêt no 11, 1927, C.P.J.I.
sérieA no 13, p. 20).

17. De plus, et en dehors de toute demande de réparation, on ne
saurait dire qu'une déclaration concernant I'illicéité des essaisfrançais
d'armes nucléaires dans l'atmosphère soit sans objet pour ce qui concerne

les nombreuses explosions qui ont eu lieu de 1966à 1974. Si la Cour con-
sentait à la faire, cette déclaration caractériserait les essais comme cons-
tituant une violation des droits que la Nouvelle-Zélande possède en
vertu du droit international. Ainsi que le confirme avec netteté l'arrêt de
la Cour dans l'affaire du Détroit de Corfou (C.I.J. Recueil 1949, p. 35),

une déclaration semblable constitue un type de ((satisfaction ))à laquelle
le requérant aurait pu légitimement prétendre en présentant ses con-
clusions finales en la présente instance, et cela indépendamment de toute
demande de dommages-intérêts.Dans l'affaire qui vient d'êtreévoquéela
Cour avait du reste indiquédans le dispositif de l'arrêtqu'une déclaration
semblable constituait <(en elle-mêmeune satisfaction appropriée » (ibid.,

p. 36). 18. L'arrêtlaisse supposer qu'il existait un différend entre les Parties
mais affirme que ce différenda désormais disparu parce que ((l'objectif ...

du demandeur a étéatteint d'une autre manière ))(par. 58).

Nous ne pouvons souscrire à cette conclusion, fondée sur la prémisse
que la requêtevisait uniquement à obtenir la cessation des essais à partir

de la date de l'arrêt. A notre avis, le différend entre les Parties n'a pas
disparu puisqu'il portait dès l'origine sur la question de la licéité des
essais. Dans une lettre du 9 mai 1973 qui accompagnait le dépôt de la
requête,l'agent de la Nouvelle-Zélande a déclaréque son gouvernement,
((au nom de la Nouvelle-Zélande, ... [introduisait] contre la France une

instance relative à un différend concernant la légalité des essais nucléaires
dans la régiondu Pacjfique... ))(les italiques sont de nous). Dans son
mémoire (par. 5)la Nouvelle-Zélande déclare:

((Au cŒur du différendjuridique entre la Nouvelle-Zélande et la
France il ya un désaccord sur le point de savoir si les essais d'armes
nucléairesen atmosphère que la France a entrepris dans la régiondu
Pacifique Sud emportent violation du droit international. ))

Une telle définition de l'essence du différenddonnée dans les piècesde
procédure du Gouvernement néo-zélandais nesaurait êtremodifiéepar ce
qu'a pu dice le premier ministre de la Nouvelle-Zélande dans sa déclara-
tion faite à la presse qui est mentionnée au paragraphe 28 de I'arrêt.

Quelle que puisse êtrela portée politique de cette déclaration, on ne doit
pas l'interpréter comme se substituant aux conclusions ou communica-
tions officielles présentéesà la Cour par l'agent du Gouvernement néo-
zélandais. De plus, si l'on tient compte des circonstances dans lesquelles
une telle déclaration a étéfaite et de la totalité du contexte, on ne saurait

la considérer comme destinée à donner de ((l'objet du différend ))une
définition qui s'écarte de celle qui a étéformulée dans les pièces de la
procédure écrite et dans d'autres documents. S'il subsistait le moindre
doute à cet égard, il fallait demander au requérant de fournir de plus

amples explications sur ce point. La conclusion qui s'impose est donc que,
sur le plan des faits, la portée du différend estcertes moindre s'il n'est pas
procédéà de nouveaux essais atmosphériques en 1975 et ultérieurement,
mais que néanmoins, du point de vue juridique, la question qui demeure
en litige est celle de savoir si les essais nucléaires atmosphériques qui ont

effectivement eu lieu de 1966à 1974étaient compatibles avec les règlesdu
droit international.
Les Parties n'ont pas modifiéleur position à cet égard. La Nouvelle-
Zélande continue à demander à la Cour de déclarer que les essais
nucléaires en atmosphère sont contraires au droit international et est

prêteà défendre et développer ce point. De son côté la France, comme
l'admet l'arrêt(par. 53), maintient que cses expériences nucléaires ne
contreviennent à aucune disposition du droit international en vigueur )).
Lorsqu'il a annoncé qu'il n'y aurait plus d'essais en 1975, le Gouverne- ment français, selon l'arrêt,n'a pas reconnu que la France était tenue de

mettre fin à sesexpériencespar une règlededroit international (ibid.).
Par conséquent, loin d'avoir disparu, le différend juridique entre les
Parties persiste. En statuant sur la licéité des essais nucléairesen at-
mosphère dans la région du Pacifique Sud, la Cour se prononcerait donc
sur une controverse juridique dans laquelle les Parties se contestent
réciproquement un droit.

19. Nous ne pouvons souscrire à l'opinion que le jugement qui tran-
cherait un tel différend serait prononcé dans l'abstrait et serait dépourvu
d'objet ou de raison d'être.Au contraire, comme on l'a déjà montré, il
affecterait les droits et obligations juridiques existants des Parties. Si le
demandeur obtenait gain de cause, il lui assurerait des avantages sur le

plan juridique. Si c'étaiten revanche le défendeur qui l'emportait, il lui
serait utile en écartant la menace d'une action non fondée. Ainsi un
arrêt sur la licéité des essais nucléairesatmosphériques aurait, pour
reprendre les termes employés par la Cour dans l'affaire du Cameroun
septentrional:

((des conséquences pratiques en ce sens qu'il doit pouvoir affecter les
droits ou obligations juridiques existants des parties, dissipant ainsi
toute incertitude dans leurs relations juridiques ))(C.I.J. Recueil

1963,p. 34).
Dans cette optique, un jugement déclaratoire définissant la situation

juridique entre les Parties - comme l'eût étécelui par lequel la Cour se
serait prononcée sur les conclusions du demandeur - aurait conféréun
caractère de certitudeaux relationsjuridiques entre les Parties. Le résultat
recherché n'est pas atteint par la constatation de la Cour qu'il existe un
engagement unilatéral, constatation fondéesur une sériede déclarations
qui présentent certaines divergences et ne s'accompagnent pas de I'accep-

tation des thèses juridiques du demandeur. De plus, la conclusion de la
Cour sur l'engagement unilatéral concernant la reprise éventuelle des
essais nucléaires dans l'atmosphère ne saurait être considérée,d'après
nous, comme donnant au demandeur le même typeou le même degréde
sécuritéjuridique qu'une déclaration par laquelle la Cour spécifieraitque

ces essais enfreindraient les règlesgénéralesde droit international appli-
cables entre la France et la Nouvelle-Zélande. C'est ce dont témoigne le
fait mêmeque la Cour a dû se contenter de conclure que l'engagement
unilatéral du Gouvernement français ((ne saurait être interprété comme
ayant comporté l'invocation d'un pouvoir arbitraire de revision )) (les
italiques sont de nous) et qu'((il convient de comprendre l'objet préciset

les limites [de l'obligation assumée]dans les termes où ils sont exprimés
publiquement ».
20. Quoi qu'on puisse penser de l'arrêt rendudans l'affaire du Came-
roun septentrional, la Cour a admis à cette occasion qu'il existe une
différence déterminante entre un jugement déclaratoire ayant pour objet

(comme c'eût étéle cas en l'espèce)un traité qui n'est plus en vigueur -
jugement qui peut êtreconsidérécomme ((sans effet » - et un jugementdéclaratoire qui ((interprète un traité restant en vigueur 1)(les italiques
sont de nous) ou ((déjnitune règlede droit international coutumier ))(les
italiques sont de nous). Dans ces deux derniers cas, a dit la Cour, le

jugement déclaratoire ((demeure applicable dans l'avenir)) (C.I.J.
Recueil 1963, p. 37). En d'autres termes, selon l'arrêt rendudans l'affaire
du Camerounseptentrional, un jugement ne saurait être considéré comme
((sans effet))ni une controverse comme sans objet lorsqu'il s'agit d'ana-
lyser I'applicabilitépour l'avenir d'un traité envigueur ou d'une règlede
droit international coutumier. Telle est précisément lasituation dans la
présenteaffaire.

Cette affaire, telle qu'elle a étéexposéepar le demandeur, concerne
I'applicabilitépour l'avenir d'une règlede droit international coutumier
qui pourrait être envoie de formation et qui a fait l'objet de nombreux
développements dans le mémoireet dans les plaidoiries. La question de
savoir si le demandeur pourrait ou non justifier en totalité ou en partie
ses thèses au stade de la procédure sur le fond est sans pertinence: I'es-
sentiel est que son action n'est pas manifestement futile ou vexatoire mais
qu'il s'y attache des conséquencesjuridiques qui présentent pour lui un

intérêten droit. Selon la terminologie employéedans l'affaire du Came-
rounseptentrional, un jugement lesconcernant c(demeure[rait] applicable
dans l'avenir ». Des points litigieux de fait comme de droit restent à
élucideret à trancher.
Ainsi, la distinction établiedans l'affairedu Cameroun septentrional est
conforme au but fondamental d'un jugement déclaratoire qui est, dans
un6 procédurecontentieuse comportant un véritabledifférend, d'éclaircir
et de stabiliser les relations juridiques des parties. En excluant pour

l'avenir, au présentstade de l'instance, toute argumentation sur le fond,
la Cour a rendu un tel résultat impossible. Selon nous, par conséquent,
non seulement elle a mal interprété laportéedes conclusions du deman-
deur mais elle n'a pas su reconnaître le rôle utile qu'un jugement déclara-
toire peut jouer en réduisantles incertitudes des relationsjuridiques entre
les parties et en parant aux conflits éventuels.

21. Il est dit au paragraphe 23 de l'arrêtque la Cour a un pouvoir
((inhérent )) qui l'autorise à prendre toute mesure voulue, et affirmé
qu'elle doit veiller à ((assurer ))le respect des ((limitations inhérentes à

l'exercice de la fonction judiciaire de la Cour » et à ((conserver son
caractère judiciaire)). L'affaire du Cameroun septentrional est citée à
l'appui de ces affirmations très générales.
Sans nous arrêter à analyser la signification de l'adjectif ((inhérent )),
disons que la notion de juste procès dans sa rigueur ne comprend aucun
élément (((inhérent)) ou autre) qui amène, et encore moins oblige, àconclure que la présente affaire est devenue sans objet. Bien au contraire,
le respect de la fonction judiciaire, convenablement entendue, dicte la
conclusion inverse.

La Cour, ((dont la mission est de réglerconformément au droit interna-
tional les différendsqui lui sont soumis ))(art. 38, par. 1,du Statut), a le
devoir de trancher les affaires dont elle est saisie et qu'elle a compétence
pour examiner. Il n'est pas laisséà sa discrétion d&choisir les affaires
contentieuses sur lesquelles elle statuera ou ne statuera pas. Non seule-

ment les impératifs de la fonction judiciaire mais aussi les dispositions
statutaires régissant la constitution de la Cour et ses attributions lui
imposent l'obligation essentielle de se prononcer sur les affaires qui lui
sont soumises lorsqu'elle est compétente et ne constate l'existence
d'aucun motif d'irrecevabilité. Selon nous, la Cour ne peut se dispenser de

cette obligation essentielle que dans des cas tout à fait exceptionnels et
lorsque les considérations les plus impérieuses touchant ce qui est ap-
proprié à la fonction judiciaire l'exigent. Nous sommes très loin de penser
qu'il existe en I'espÊce de telles considérations.
22. Au surplus, ce pouvoir ((inhérent ))et ce devoir ((de conserver son

caractère judiciaire ))qu'aurait la Cour et dont parle l'arrêt exigeraient
pour le moins, selon nous, qu'elle entende les Parties ou leur demande de
présenter des abservations écrites sur les questions traitées et tranchées
par l'arrêt. Cela s'applique en particulier à la question des objectifs que
poursuivait le demandeur en introduisant l'instance et à celle de la valeur

et de la portée des déclarations faites par la France au sujet des essais
futurs. Ces questions n'ont pu faire l'objet d'un examen détailléau fond
au cours de la procédure écriteou orale puisque, selon la directive précise
donnée aux Parties par la Cour, la procédure devait porter ((d'abord sur
la question de la compétence de la Cour pour connaître du différendet sur

celle de la recevabilité de la requête 1).On n'a jamais signifiéou laissé
entendre aux Parties que cette directive n'étaitplus valable ni que la Cour
aborderait d'autres questions qui n'ont éténi plaidées ni discutéeset sur
la base desquelles pourtant l'affaire est définitivement classée.

IIest vrai que le conseil du demandeur a fait allusion, pendant l'une des
audiences, à la première déclaration d'intention de la France mais ilne l'a
fait que pour préluder à son analyse des questions de compétence et de
recevabilité et dans le cadre d'un examen général desfaits intéressant
l'instance. II avait d'ailleurs alors pour instruction formelle de la Cour de

s'en tenir exclusivement aux questions relatives à la compétence et à la
recevabilité de la requête.Aussi le conseil du demandeur ne pouvait-il
traiter - et ilne l'a pas fait - des questions particulières sur lesquelles la
Cour se prononce dans l'arrêt, celles de savoir quels objectifs visait le
demandeur en engageant une procédure judiciaire et si les diverses
déclarations faites par la France ont eu pour effet d'ôter tout objet à la

demande de la Nouvelle-Zélande.
La situation, à cet égard,est entièrement différentede celle de l'affaire
du Cameroun septentrional, dans laquelle les Parties avaient eu toute possibilitéde plaider, tant oralement que par écrit,la question de savoir si
la prétention du demandeur avait ou non perdu son objet avant que la
Cour ne se prononce sur ce point.
On se trouve donc devant une contradiction fondamentale quand la
Cour invoque son ((pouvoir inhérent ))et son ((caractèrejudiciaire 1pour
sedispenserd'examiner l'affairetout en refusant de donner au demandeur
la possibilitéde présenter des arguments en sens contraire.
Nul ne douteque la Cour ait lepouvoir de statuer d'officesur lespoints
qui lui paraissent appeler une décision.La véritable question n'est pas de

savoir si ellea tel ou tel pouvoir mais si dans un cas d'espèce l'exercicede
ce pouvoir est compatible avec la bonne administration de la justice.
Pour toutes les raisons indiquées ci-dessus, nous estimons que, dans la
présente espèce, le fait de déciderde I'absence d'objet sans donner au
demandeur la possibilité de présenterdes conclusions en sens contraire
n'est pas compatible avec la bonne administration de lajustice.
Nous pensons en outre que le défendeur aurait dû au moins être in-
formé que la Cour se proposait d'examiner les conséquences que pou-
vaient avoir sur la procédure en cours les déclarationsdu Gouvernement
français relatives sa politique future en matièred'essaisatmosphériques.
C'était à notre avis indispensable car la Cour pouvait être amenée,

comme elle l'aen effetété , rendre un prononcé dont l'objet n'étaitrien
de moins que les obligations de la France - que celle-ciaurait assumées
unilatéralement - concernant lesdits essais.
23. L'examen du lien qui existe entre la question de l'absence d'objet
et les exigences d'une bonne justice ne fait que renforcer les conclusions
ci-dessus.
IIn'est pas inutile de souligner que conclure que l'action du demandeur
n'a plus d'objet n'est qu'une autre façon de dire que l'issue de cette
action ne présente pluspour ledemandeur aucun intérêtD . ans la perspec-
tive d'une procédure contradictoire, une telle affirmation est lourde de
conséquences.
Si le demandeur n'a plus d'intérêe tn jeu dans l'affaire, c'est-à-dire si

celle-ci estvraiment sans objet, I'action en justice tend à êtreaffaiblie,
dans la mesure où ce qui incite principalement le demandeur à faire valoi'r
ses moyens de droit et de fait avec suffisamment de vigueur et,de cons-
cience perd de sa force. C'est là un des motifs qui peuvent justifier qu'on
déclare uneaffaire sans objet, car le fonctionnement d'une bonne justice
présuppose l'existence d'un conflit d'intérêts et exige non seulement que
les parties aient toute possibilitéde rechercher et de présenterles moyens
de droit et de fait se rapportant au litige mais aussi qu'elles aient une
raison suffisante de le faire.
En l'espèce, il apparaît immédiatement que ce motif pour déclarer
I'affaire sans objet (moot) fait totalement défaut, conclusion que ne
détruit nullement la non-comparution du défendeur.

Le demandeur a déjàexposéavec zèleet habiletéla nature de l'intérêt
juridique qu'il continue à avoir dans le différendet a fait valoir avec in-
53 sistance devant la Cour la nécessitéd'approfondir la question lorsque
l'affaire serait examinée au fond. On peut difficilement dire qu'il man-

quait de raison d'agir, l'on considèresesconclusions ainsi que la nature
et le but d'un jugement déclaratoire.
24. De plus, le demandeur a manifestépar sa conduite l'intérêt qu'il
continue àporter à I'affaire. Si,comme l'affirmel'arrêt,tous les objectifs
du demandeur étaient atteints, celui-ci aurait normalement dû se désister
deson action conformément à l'article 74 du Règlement.Il ne l'apasfait.
Or cet article, avec l'article 73 sur les arrangements amiables, règle la
manière de mettre fin à une instance une fois que celle-ci a étéengagée.
Ces deux articles exigent des actes de procédure formels et écrits de la
part des agents, de manière à éviterles malentendus, à protéger les in-
térêts respectifs des parties etoffrirà la Cour la certitude et la sécurité
qui sont nécessairesdans une procédurejudiciaire.

25. Enfin, nous estimons que la Courauraitdû, en vertu de I'article36,
paragraphe 6, et de I'article 53du Statut, trancher la question de sa com-
pétence à l'égarddu présent différend. C'étaitd'autant plus important
qu'en l'espècele Gouvernement français a contesté que la Cour fût com-
pétente à la date du dépôtde la requête et,par conséquent,qu'elle eût été
régulièrementsaisie; il a soutenu quel'Actegénéralde 1928n'était plus un
traitéen vigueur et que la réservede la France relative aux questions de
défensenationale rendait la Cour manifestement incompétente dans le
présent différend.Dans l'affaire du Cameroun septentrional, invoquéeau
paragraphe 23 de l'arrêt, le défendeur avait bien soulevé desexceptions

d'incompétence maisil reconnaissait que l'accord de tutelle étaitune con-
vention en vigueur au moment du dépôtde la requête.Dès lors, ilétait
incontestable que la Cour avait étérégulièrement saisiepar voie de re-
quête.
26. Selon nous, il ne fait pas de doute, pour les raisons qui sont déve-
loppéesdans la deuxièmepartie de notre opinion, que la Cour soit com-
pétentepour connaitre du présentdifférend.Dans l'arrêt, cependant,elle
éludele problème juridictionnel, affirmant que les questions relatives au
respect ((deslimitations inhérentesàl'exercicede la fonction judiciaire de
la Cour » doivent êtreexaminéespréalablementaux problèmes de compé-
tence (par. 22 et 23). Nous ne pouvons souscrire à cette affirmation. La
compétencequ'a oii non la Cour de connaîtred'un différenddonnécons-
titue une limitation statutaire fondamentale de l'exercicede sa fonction
judiciaire et laour aurait donc dû se prononcer sur cepoint dans l'arrêt,

ainsi qu'il paraît clairement ressortir de I'article 67, paragraphe 6, de son
Règlement.
27. 11 nous est difficile de comprendre comment la Cour pouvaitarriver, en fait et en droit, à des conclusions de fond comme celles qui
imposent à la France une obligation internationale de s'abstenir de nou-

veaux essais nucléaires dans le Pacifique d'où la Cour déduit que l'affaire
((ne comporte plus d'objet » sans conclure au préalable qu'elle était
valablemement saisie du différend etavait compétence pour en connaître.
L'arrêt reconnaît implicitement qu'un différend existait à la date de la

requête,ce qui distingue cette affaire de celles où la question centrale est
de savoir s'il existait ab initi un différend quelconque. Les conclusions
énoncéespar la Cour dans d'autres affaires au sujet de l'existence d'un
différend à la date de la requête étaient fondéessur le pouvoir qu'a la
Cour de se prononcer sur sa propre compétence aux termes du Statut.

Mais dans la présente espèce la Cour a renoncé à exercer ce pouvoir
statutaire. Selon l'arrêt,le différendaurait disparu ou serait résolu dufait
d'engagements résultant de déclarations unilatérales à l'égard desquelles
la Cour ((tient qu'elles constituent un engagement comportant des effets

juridiques )(par. 53) et ((constateque la France a pris l'engagement de ne
plus procéder à des essais nucléaires en atmosphère dans le Pacifique
Sud 1)(par. 55). Pour parvenir à de pareilles constatations la Cour doit
posséder une compétence qui l'autorise à examiner et à préciserles effets

juridiques de certaines déclarations qu'elle estime pertinentes et liéesau
différend originaire. Invoquer un prétendu ((pouvoir inhérent qui I'auto-
rise à ...assurer le règlement régulierde tous les points en litige )),comme
elle le fait au paragraphe 23 de l'arrêt,ne suffit pas à fonder les conclu-

sions par lesquelles elle se prononce, dans cet arrêt, sur les droits et les
obligations de fond des Parties. II semble que l'arrêtdonne une inter-
prétation extensive de ce pouvoir inhérent ((sur la base duquel la Cour est
pleinement habilitée à adopter toute conclusion éventuellement nécessaire
aux fins ))d'assurer ((le règlement régulier de tous les points en litige 1)

(par. 23). Mais une interprétation aussi large du prétendu ((pouvoir inhé-
rent )) obscurcit la distinction entre la compétence conféréeà la Cour
par le Statut et celle qui résulte de l'accord des Etats. Ce serait donc un
moyen facileet inadmissiblede tourner une exigence fondamentale solide-

ment établie par la jurisprudence de la Cour et le droit international en
général,à savoir que la compétence de la Cour est fondée sur le consente-
ment des Etats.

28. Force est donc de conclure, nous semble-t-il, que la Cour, en
rendant leprésentarrêt,a exercé unecompétencede fond sans commencer
par établir l'existence de cette compétence et les bases juridiques sur
lesquelles elle repose. A la vérité laposition juridictionnelle adoptée par
la Cour dans son arrêt nous paraît receler une contradiction manifeste. Si

le prétendu ccpouvoir inhérent ))est considérépar la Cour comme I'auto-
risant à décider que la France a désormais l'obligation juridique de ne
plus faire d'essais nucléairesen atmosphère dans l'océan PacifiqueSud,
pourquoi ne l'autoriserait-il pas aussi à décider,sur la base de cette même

obligation internationale, que les droits de la Nouvelle-Zélande au regard
du droit international ((seront enfreints par tout nouvel essai ))?Autre- ment dit, si la Cour peut se prononcer sur les obligations juridiques de la
France en matière d'expérimentation nucléaire dans l'atmosphère, pour-
quoi n'en tire-t-elle pas les conclusions voulues quant aux demandes
du requérant au lieu de lesjuger désormaissans objet?

Considérant qu'il est indispensable de déterminer si la Cour était
compétente et la requêterecevable pour justifier tant les conclusions de
l'arrêtque nos raisons de ne pas y souscrire, nous examinerons à présent
successivement les problèmes de compétence et de recevabilité qui se
posaient à la Cour dans la présente affaire.

29. Les bases sur lesquelles, au paragraphe 11 de sa requête,la Nou-
velle-Zélandecherche à établir la comdtence de la Cour dans la rése ente
affaire sont, pour ce qui nous intéresse, précisément les mêmeqsue celles
qu'invoque l'Australie dans l'autre affaire des Essais nucléaires dont la
Cour est actuellement saisie, c'est-à-dire:

a) l'article 17 de l'Acte généralde Genève pour le règlement pacifique
des différends internationaux de 1928, rapproché des articles 36,

paragraphe 1, et 37 du Statut de la Cour, et
6) les déclarations faites par la Nouvelle-Zélande et la France en vertu
de l'article 36, paragraphe 2, c'est-à-dire de la clause facultative du
Statut, rapproché du paragraphe 5 du mêmearticle.

Il existe assurément certaines différencesentre les réservesapportées par
la Nouvelle-Zélande et l'Australie à leurs déclarations respectives d'ac-
ceptation de la clause facultative, mais ces différences ne jouent aucun
rôle dans les affaires desEssais nucléaires .n revanche les réservesaccom-

pagnant les adhésions des deux Etats à l'Acte de 1928sont identiques. Le
seul autre trait distinctif est qu'à la différencede l'Australie, la Nouvelle-
Zélande a accepté la clause facultative avant la dissolution de la Cour
permanente de Justice internationale; il faut donc faire appel à I'ar-
ticle 36, paragraphe 5, du Statut pour que sa déclaration d'acceptation

s'a- -iq-e à la Cour actuelle. Mais encore une fois cette différence ne
joue aucun rôle ici.
30. Pour déterminer si les titres dejuridiction invoqués par la Nouvelle-
Zélande suffisent à conférer compétenceà la Cour dans la présente affaire
les considérations dont nous partons sont celles que nous avons exposées

en détaildans notre opinion dissidente communeen l'affaire australienne.Comme, du point de vue qui nous intéresseici, il n'y a pas de différence
notable entre les titres de juridiction invoqués dans les deux instances, il
nous paraît suffisant d'indiquer que sauf sur un point ce que nous avons
dit dans l'affaire introduite par l'Australie contre la France s'applique
mutatis mutandis. L,'exception est que les paragraphes 92-93 que nous
avons consacrés dans ladite affaire à une prétendue violation de l'Acte

généralde 1928 que l'Australie aurait commise en septembre 1939 ne
concernent pas la Nouvelle-Zélande.Contrairement à celle de l'Australie,
la réserveà l'Acte faite par la Nouvelle-Zélandeafin d'exclure lesdiffé-
rends relatifsà des questions qui surgiraienà l'occasion d'une guerre à
laquelle la Nouvelle-Zélande participerait a éténotifiéeen février 1939,
au mêmemoment que celle de la France elle-mêmeet conformément à
l'article 39 de l'Acte; rien n'aurait donc permis mêmede suggérerl'exis-
tence d'une prétendue violation de l'Acte dans le cas de la Nouvelle-
Zélande.
En conséquence,comme dans l'affaire desEssais nucléairesintroduite

par l'Australie contre la France, nous concluons que l'article 17de l'Acte
de 1928constitue en lui-mêmeun titre régulieret suffisant qui permet au
requérantd'établirla compétence dela Cour. Il en découleque, commela
Cour l'a déclarédans l'affaire de l'Appel concernant la compétencedu
Conseilde I'OACI, ((ilest sans pertinence d'examiner lesobjections visant
d'autres fondements possibles de sa compétence » (C.I.J. Recueil 1972,
p. 60).

TROISIÈME PARTIE. LES CONDITIONS POSÉESPAR L'ARTICLE 17

DE L'ACTE DE 1928 ET LA RECEVABILITÉDE LA REQUÊTE

31. 11nous parait évidentqu'il n'existeaucun motif qui autoriseraità
considérer la demande comme irrecevable. Nous nous proposons d'exa-
miner dans cette partie de notre opinion dans quelle mesure les motifs qui
peuvent êtreinvoqués se rattachent à la question de la compétence ou
sont présentés à part. Nous affirmons dès le départ que le concept de
recevabilité necomporte aucun élémentqui soit de nature à priver le
requérant de la possibilitéd'un examen au fond. Cette observation s'ap-
plique, en particulier, l'affirmation selon laquelle la demande ne révèle

l'existence d'aucun différendd'ordre juridique ou encore selon laquelle il
s'agit d'un différendde caractère exclusivement politique et par suite non
justiciable.
32. Aux termes de l'article 17de l'Acte de 1928,lajuridiction conférée
à la Cour comprend tous différendsau sujet desquels les parties se con-
testeraient réciproquement un droit ))(mis à part, évidemment, ceux
qui seraient réservés envertu de I'article 39 de l'Acte). L'article 17
poursuit: ((11est entendu que les différends ci-dessusviséscomprennent
notamment ceux que mentionne l'article 36 du Statut de la Cour perma-
nente...» Les différends ((que mentionne l'article 36du Statut de la Cour
permanente ))sont les quatre catégories de différendsd'ordre juridique

énuméréed sans la clause facultative de ce Statut et du Statut actuel. Deplus, sauf peut-être sur un point qui n'intervient pas dans la présente

affaire 1, on admet généralementque la portéede ces quatre catégoriesde
((différendsjuridiques ))est pratiquement identique à celle de la formule
((tous différendsau sujet desquels les parties se contesteraient réciproque-
ment un droit » que l'on trouve auparavant dans l'article 17. Par suite, un

différend ((au sujet duquel les parties se contesteraient réciproquement
un droit » appartient aussi à l'une des quatre catégories de différends
juridiques mentionnéesdans laclausefacultative et viceversa.
33. Dans la présente instance, la Nouvelle-Zélande a précisél'objet du

différendaux paragraphes 2 à 10de sa requête.Elle y déclarenotamment
que, dans une sériede notes diplomatiques remises à partir de 1963,elle a
maintes fois fait connaître au Gouvernement français son opposition à la
poursuite, par la France, d'essais nucléairesen atmosphère dans la région

du Pacifique Sud; que dans une lettre du 9 mars 1973du premier ministre
de la Nouvelle-Zélande au ministre des affaires étrangèresde u la Ré~u-
blique française, elle a fait savoir qu'à son avis cesexpériencesde la France
violaient les droits uue la Nouvelle-Zélande tient.du droit international. v
, d
compris ses droits iil'égardde régionssur lesquelles elle exerce sa souve-
raineté; que le Gouvernement français pour sa part a clairement indiqué
qu'il n'acceptait pas cette thèse; et qu'il y a donc un différend entre les
deux gouvernemen1:s ((en ce qui concerne la légalitédes essais nucléaires

atmosphériques dans la régiondu Pacifique Sud 1).Après diverses obser-
vations concernant les faits et le droit. la Nouvelle-Zélande énumère.au
dernier paragraphe de sa requête, cinq catégories distinctes de droits
qu'elle dit êtrevioléspar les essais français en atmosphère. Dans ses con-

clusions, elle prie alors la Cour de dire et juger:

((que les essais nucléaires provoquant des retombées radioactives
effectuéspar le Gouvernement français dans la région du Pacifique

Sud constituent une violation des droits de la Nouvelle-Zélande au
regard du droit international et que ces droits seront enfreints par
tout nouvel essai 1).

34. A première vue, il est difficile d'imaginer un litige constituant plus
clairement, par son objet et par sa formulation, un (tdifférendjuridique ))
que celui dont la Cour est saisie dans la requêtede la Nouvelle-Zélande.
D'ailleurs la Cour, dans son ordonnance du 22 juin 1973, en a parlé

comme d'un différend concernant la légalitédes essais nucléaires réa-
lisésen atmosphère dans la région du Pacifique Sud )).Le Gouvernement
français lui-même:sembleavoir situé le différend sur un plan juridique
lorsque, dans la lettre du 19février1973adresséeau premier ministre de la

1 Voir les opinions divergentes de MM. Badawi et Lauterpacht dans l'affaire de
Certains emprunts norvégienssur la question de savoir si un différend qui porte essen-
tiellement sur l'application du droit interne rentre dans les catégories de différends
juridiques énuméréesà l'article 36, paragraphe 2, du Statut; C.I.J. Recueil 1957à p. 29
33 et 36 a 38.Nouvelle-Zélande par l'ambassadeur de France, il a exprimél'espoir que
le Gouvernement néo-zélandais (s'abstiendra[it] de tout acte de natureà
porter atteinte aux droits et intérêtsfondamentaux de la France)). De
plus, ni dans sa lettre du 16mai 1973 à la Cour, ni dans l'annexe à cette
lettre, le Gouvernement français n'a aucunement laisséentendre que le
différend n'étaitpas un différend ((au sujet ... [duquel] les parties se con-

testeraient réciproquement un droit )),ou qu'il n'étaitpas un différend
juridique)). Bien que, dans cette lettre et dans son annexe, le Gouverne-
ment français ait présentétoute une séried'arguments pour justifier son
affirmation d'après laquelle la compétence de la Cour ne saurait être
fondéesur l'Acte généralde 1928dans la présenteaffaire, il n'a pas con-
testéque ledifférendait lecaractèred'un (différendjuridique »aux finsde
l'article17 de cet Acte.
35. Dans son Livre blanc sur les expériences nucléaires publié ejnuin
1973,le Gouvernement français adopte néanmoins le point de vue selon
lequel ilne s'agit pas d'un différendjuridique. Le chapitre II, intitulé

((Questions juridiques ))s'achèvesur une section relative à la compétence
de la Cour, dont le paragraphe finalest ainsi rédigé:

((La Cour n'est pas compétente, enfin, parce que l'affaire qui lui
est soumise n'est pas fondamentalement un différendd'ordre juri-
dique. Elle se trouve, en fait et par divers biais, invitée à prendre
position sur un problème purement politique et militaire. Ce n'est,
selon le Gouvernement français, ni son rôle ni sa vocation. »(P. 23.)

Cela équivautclairement à affirmer que le différendporte sur des ques-

tions d'un domaine autre que juridique et ne peut donc êtretranché par
une décisionde la Cour.
36. Conformément à l'ordonnance du 22 juin 1973, la Nouvelle-
Zélandea présenté des observations sur lesquestions de la compétencede
la Cour et de la recevabilitéde la requête.Ce faisant, elle a exprimé son
avis sur la nature politique ou juridique du différend;et sous la rubrique
de la ((recevabilité ))elle a fourni d'autres explications concernant la
((nature de la demande qui fait l'objet du différend»et les ((droits dont la
Nouvelle-Zélande sollicitela protection n.A propos de ces points, elle a
de nouveau énuméréd , ans les mêmes termesque ceux de la requêteet de

la demande en indication de mesures conservatoires, lescinq catégories de
droits distinctes au regard desquels elle prie la Cour de qualifier d'illicites
les essais nucléaires atmosphériques de la France. Ces droits sont les
suivants :
((a) lesdroits de tous lesmembres de la communauté internationale,

y compris la Nouvelle-Zélande, à ce qu'aucune expérience
nucléaireprovoquant des retombées radioactives n'ait lieu;
b) lesdroits de tous lesmembres de la communauté internationale,
y compris la Nouvelle-Zélande, à ce que le milieu terrestre,
maritime et aériensoit protégécontre une contamination injus- tifiéerésultant d'une radioactivité artificielle et notamment à ce
qu'il en soit ainsi de la région où les essais ont lieu et où sont
situées la Nouvelle-Zélande, les îles Cook, les îles Nioué et
Takélaou;

c) le droit de la Nouvelle-Zélande à ce qu'aucun déchet radioactif
ne pénètresur son territoire, y compris son espace aérien et ses
eaux territoriales, ou ceux des îles Cook, des îles Nioué et
Tokélaou, à la suite d'essais nucléaires;
d) le droit de la Nouvelle-Zélande à ce qu'aucun déchet radioactit

ayant pénétré sur son territoire, y compris son espace aérien et
ses eaux territoriales, ou ceux des îles Cook, des îles Nioué ef
Tokélaou, à la suite d'essais nucléaires, ne cause un préjudice,
notamment des appréhensions, de l'anxiétéet de l'inquiétude,
aux habitants et aux Gouvernements de la Nouvelle-Zélande,

des îles Cook, des îles Niouéet Tokélaou;
e) le droit de la Nouvelle-Zélande à la liberté de la haute mer, y
compris la liberté de navigation et de survol, et la libertéd'ex-
plorer et d'exploiter les ressources de la mer et du fond des
mers, sans subir de gêne oude préjudice en raison des essais
nucléaires. ))

En mêmetemps, ellc a qualifié lesdroits énoncés sousles rubriques a) et
b) de ((communs »en ce sens que ces droits sont ceux de tous les membres

de la communauté internationale et que les obligations correspondantes
sont des obligations erga omnes; mais elle a souligné que les droits
qu'elle invoque sous les rubriques c), d) et e) ne sont pas ((communs » en
ce sens.
37. Dans une réponseécrite àdes questions poséespar un membre de la

Cour, l'agent de la Nouvelle-Zélande a aussi donné des éclaircissements
sur: i)les élémentsque la Nouvelle-Zélande considère comme constitutifs
du droit, invoqués sous la rubrique c),à ce qu'aucun déchetradioactif ne
pénètre sur son territoire ou ceux des îles Cook ou des îles Nioué et
Tokélaou, et en particulier le point de savoir si l'existence d'un préjudice
actuel ou éventuel est ou non un élémentpertinent de la violation de ce

droit; ii) la base sur laquel!e elle considère qu'une distinction peut être
établieentre une aileinte licite à la libertéde la haute mer et une atteinte
illicite résultant de la déclaration faite en temps de paix qu'une zone de la
haute mer est réservéeà des fins militaires.
38. Sous la rubrique de la recevabilité, la Nouvelle-Zélande a exposé

ses vues sur la question, visée au paragraphe 24 de l'ordonnance du
22 juin 1973, de son ((intérêjturidique ))à l'égard desdemandes formu-
léesdans sa requête.En ce qui concerne les droits énoncés sousles ru-
briques c),d) et e),fondés d'après la Nouvelle-Zélande sur des obliga-
tions existant à son profit propre, celle-ci a soutenu que son intérêt juri-
dique est d'un ccaractère direct, immédiat et simple ». Elle a décl:iréque

chaque séried'essais,y compris lesessais effectuésen 1973et 1974après le
dépôtde la requête,a entraîné la pénétration de déchets radioactifs sur leterritoire, dans les eaux territoriales et dans l'espace aériende la Nouvelle-
Zélande, des îles Cook et des îles Niouéet Tokélaou. Elle a ajouté qu'en
conséquence de ces essais les citoyens de ces territoires ont eu à subir les

effets génétiques et somatiques incertains de niveaux de radioactivité
plus élevéset qu'il en est résultéchaque fois de l'anxiété,de I'appréhen-
sion et de l'inquiétude. La préoccupation du Gouvernement néo-zélan-
dais pour la santé tant physique que mentale desa population constitue,
a-t-elle dit, un intérêt qui((serait certainement suffisant pour lui permettre
d'agir devant n'importe quel tribunal international)). Dans le cas des

libertés de la haute mer invoquées sous ia rubrique e), la Nouvelle-
Zélande a aussi mentionné que, le 18 juillet puis le 15 août 1973, des
ressortissants néo-,zélandaisà bord de navires ne battant pas pavillon
français avaient étéappréhendéspar les autorités françaises en haute mer
et emmenéscontre leur gréen territoire français où ils avaient été retenus

plusieurs jours. Quant aux droits figurant sous les rubriques a) et b)
qu'elle dit déteniren commun avec les autres membres de la communauté
internationale, la Nouvelle-Zélande a soutenu que son intérêt juridique à
la protection judiciaire de ces droits relève du principe énoncédans un
passage de l'arrêtque la Cour a rendu dans l'affaire de la Barcelona

Traction, Light and Power Companj), Limited (C.I.J. Recueil 1970, p. 32).
De l'avis de la Nouvelle-Zélande, ce passage et d'autres textes juridiques
qu'elle a citésdémontrent que le droit international reconnaît à présent
certaines catégories d'obligations internationales erga omnes conférant à
tout Etat un droit correspondant dont il peut demander la protection
judiciaire. Elle a affirméque le droit ((de vivre dans un monde où des

essais nucléaires en atmosphère n'aient pas lieu )) et le droit ((de sauve-
garder l'environnement d'une contamination injustifiée résultant d'une
radioactivité artificiell))sont des droits de cette es~èceet aue tous les
Etats ont donc un intérêtjuridique à ce qu'ils soient respectés. Elle a fait
étatà ce propos de plusieurs résolutions successives de l'Assemblée géné-

rale relatives aux essais nucléaires dans l'atmosphère, ainsi que de la
déclaration sur l'environnement adoptée par la Conférence de Stockholm
de 1972 sur l'environnement.

39. Nous avons résumé ainsi très brièvementles thèses juridiques du
Gouvernement néo-zélandais,mais nous ne voudrions pas que l'on en

conclue que nous exprimons un avis quelconque sur le bien ou le mal-
fondéde telle ou telle de ces thèses. Nousdonnons ce résuméà seule fin de
montrer le contexte de l'application de l'article 17 de l'Acte de 1928 et
d'une décision sur la recevabilité de la requêtenéo-zélandaise.Avant de
tirer une conclusion quelconque de cet aperçu des thèsesjuridiques de la
Nouvelle-Zélande, cependant, il nous incombe d'indiquer aussi commentnous concevons les principes d'après lesquels ces questions devraient être
appréciéesau stade actuel de la procédure.

40. Bien qu'intrinsèquement liées à la recevabilité, les questions de

savoir s'il existe un ((différendjuridique ou politique)) et un ((intérêt
juridique 1)touchent en mêmetemps, en vertu de l'article 17 de l'Acte
de 1928,àla compétence de la Cour en la présenteaffaire. Par conséquent,
il est inutile que nous précisions à ce propos que tel point a trait à la
compétence et tel autre à la recevabilité,d'autant que ni la pratique de la

Cour permanente ni celle de la Cour actuelle ne tend à établir de distinc-
tion tranchée entre les exceptions préliminaires d'incompétence et d'irre-
cevabilité: l'accent est mis plutôt sur le caractère essentiellement préli-
minaire ou non préliminaire de l'exception considéréeque sur son classe-
ment parmi les exceptions d'incompétence ou les exceptions d'irreceva-
bilité(cf. art. 62 du Règlement de la Cour permanente, art. 62 de l'ancien

Règlement de la Cour actuelle et art. 67 du nouveau Règlement). En
effet, étant donnéla nature consensuelle de la compétence d'un tribunal
international, une exception d'incompétence tout comme une exception
d'irrecevabilité peut soulever des questions intéressant le fond; ce qui
importe alors, c'estde savoir si la Cour peut ou non se prononcer valable-
ment sur l'exception au cours de la procédure préliminaire sans donner

aux parties la possibilité de présenter leurs conclusions sur le fond. La
réponse à cette question varie nécessairement selon que l'exception a
vraiment un caractère préliminaire ou qu'elle est trop étroitement liéeau
fond pour pouvoir faire l'objet d'une juste décision sans que les parties
aient d'abord exposé leurs moyens sur le fond. C'est pourquoi l'article 67,

paragraphe 7, du Règlement, lorsqii'il indique comment la Cour doit
statuer sur une exception préliminaire, prévoit expressément la possi-
bilité que la Cour cdéclare que cette exception n'a pas dans les circons-
tances de l'espèce un caractère exclusivement préliminaire n.Ces prin-
cipes sont manifestement applicables dans la présente espèce même si,
du fait que la France est absente de la procédure, les problèmes de

compétence et de recevabilité qui se posent à la Cour n'ont pas été
soulevéssous la forme d'exceptions au sens strict.
41. L'affirmation faite par le Gouvernement français que le différend
n'est pas fondamentalement de nature juridique mais porte sur une
question d'ordre purement politique et militaire revient à soutenir, en
substance, que ce n'est pas un différenddans lequel les Parties se contes-

tent réciproquement un droit, ou encore qu'il n'entre pas dans les caté-
gories de différends d'ordre juridique visées au paragraphe 2 de I'ar-
ticle 36 du Statut. On peut aussi voir dans cette affirmation la thèse que le
droit international n'impose à la France aucune obligation juridique
touchant les questions en litige, qui doivent donc êtreconsidéréescomme
laisséespar ce droit à sa compétence nationale exclusive, ou bien, plus

simplement, la thèse que les expériences nucléairesde la France ne violent
62aucune règlede droit international existante, comme l'a dit le Gouverne-
ment français dans sa note diplomatique du 7 février1973au Gouverne-
ment australien, qui a été portée à l'attention de la Cour dans l'autre
affaire des Essais nucléaires.Mais de quelque manière qu'on la formule,
cette thèse est manifestement et directement liéeau point de savoir si les
prétentions du demandeur sont juridiquement fondées. Quelle qu'en soit

la forme, et comme l'a dit la Cour permanente à propos de moyens
analogues dans l'affaire de la Compagnie d'électricitéde Sofia et de Bul-
garie,cette thèse((formeune partie du fond mêmedu différend )et revient
à ((non seulement toucher au fond du différend, maisprendre position à
l'égardde l'un de ses éléments essentiels))(C.P.J.I. sérieA/B no 77, p. 78
et 82-83). Pareille thèse nepeut donc, en principe, êtreconsidérée comme
soulevant une question véritablement préliminaire.
42. Nous avons dit ((en principe1)parce que nous reconnaissons que,
si un demandeur essayait de faire passer pour juridique une prétention
dont aucun juriste éclairéne pourrait admettre qu'elle repose sur la

moindre base juridique rationnelle, c'est-à-dire raisonnablement soute-
nable, il serait alors possible de trancher in limine, à titre de question
préliminaire, une exception contestant la nature juridique du différend.
Cela signifieque, pendant la phase préliminaire de la procédure, la Cour
peut avoir à se livrerà un examen sommaire du fond du différend dans
la mesure ou cela lui est nécessairepour s'assurer ,que l'affaire fait appa-
raître des prétentions raisonnablement soutenables ou des questions
pouvant raisonnablement prêter à contestation, autrement dit des pré-
tentions ou des contestations qui sont fondées rationnellement sur un ou
plusieurs principes de droit dont l'application peut permettre de réglerle
différend. L'essentiel,en ce qui concerne cet examenpréliminairedu fond,

est qu'il faudratran.cherla question de la compétenceou de la recevabilité
qui est en cause en considérantnon pas si la prétention du demandeur est
fondée mais exclusivement si elle fait apparaître un droit a soumettre
cette demande à 1iidécision de la Cour. Celle-ci peut être amenée à
donner une certaine indication du fond de la demande afin de montrer
que celle-ci est rationnelle et soutenable. Mais ni une telle indication
préliminaireni aucune conclusion sur la compétenceou la recevabiliténe
saurait préjugerle fond de l'affaire. C'estpourquoi la Cour, lorsqu'elle a
eu à examiner le fond pour se prononcer sur des questions préliminaires,
a toujours veillé à ce que cet examen n'empiète pas sur sa décision

touchant le fond. Cette remarque vaut aussi bien lorsque les points liti-
gieux sont des points de droit que lorsqu'il s'agit de points de fait; la
maxime jura novit curiane signifie pas que la Cour puisse, dans une af-
faire, se pononcer sur des points de droit sans entendre les moyens des
parties.
43. Iln'estsansdoutepas facilededéfinirpar une formule simple le cri-
tèreprécisqui doit s'appliquer. Mais il ressort clairement, nous semble-t-il,
de la jurisprudence constante de la Cour permanente comme de la Cour
actuelleque, dèslors qu'on nepeut seprononcer sur despoints soulevésau
cours d'une procédure préliminaire sans aborder et préjugerle fond, cespoints ne doivent pas être tranchés sans que les parties aient d'abord
présentéleurs conclusions sur le fond (cf. Décretsde nationalité promul-
gués en Tunisieet au Maroc, avis consultatif,C.P.J.I. série B no 4; affaire
du Droit de passage sur territoire indien, C.I.J. Recueil 1957,p. 133- 134 ;

affaire de l'lnterhandel, C.I.J. Recueil 1959,p. 23-25). Nous pouvons nous
guider, d'une manière générale,sur les observations qu'a formulées la
Cour actuelle dans l'affaire de l'lnterhandel en rejetant le moyen de la
compétence nationale qui avait étéinvoqué à titre d'exception préli-
minaire :

((Pour déterminer si l'examen des titres ainsi invoqués échappe à
la compétence de la Cour pour le motif alléguépar les Eats-Unis, la

Cour s'inspirera de ce qu'a fait la Cour permanente de Justice inter-
nationale en présence d'une contestation analogue dans son avis
consultatif sur les Décrets de nationalité promulgués en Tunisie et au
Maroc (série B no 4). En conséquence, la Cour n'entend pas, en la
présente phase de la procédure, apprécier la validité des titres

invoqués par le Gouvernement suisse ni se prononcer sur leur inter-
prétation, ce qui serait aborder le fond du différend. Elle se bornera à
rechercher si les titres invoquéspar le Gouilernementsuisse permettent
la conclusion provisoire qu'ils peuvent êtrepertinents en l'espèce et,
dans ce cas, à rechercher si les questions relatives à la validitéet

àl'interprétationde ces titres sont des questions de droit international))
(Les italiques sont de nous.)

Dans l'affaire de I'lnterliandel, après avoir examiné sommairement les
titres invoqués par la Suisse, la Cour a conclu qu'ils mettaient l'un et
l'autre en jeu des questions de droit international et a donc rejetéI'excep-
tion préliminaire.

44. L'analyse sommaire que nous avons faite ci-dessus des titres in-
voqués par la Nouvelle-Zélande à l'appui de ses prétentions nous paraît
amplement suffisante pour justifier, selon les termes utilisés par la Cour
dans l'affaire de l'/nterhande/, ((la conclusion provisoire qu'ils peuvent

être pertinents en l'espèce ))et que (clesquestions relatives à la validité et
à I'interprétationde ces titres sont des questions de droit international )).II
ne nous appartient pas d'(<apprécierla validité [deces] titres ))au stade
actuel de la procédure car ce serait ((aborder le fond du différend 1)Mais
l'examen sommaire que nous en avons fait nous a convaincus qu'ils ne

sauraient équitablement être considérés commefutiles ou vexatoires, ni
simplement comme le manteau que des juristes auraient jeté avecart sur
un différend de nature essentiellement politique. Au contraire, les de-
mandes présentéesà la Cour dans la présente instance et les moyens juri-
diques avancés nous semblent être fondés sur des motifs rationnels et

raisonnablement soutenables. Ces demandes et moyens juridiques sont
rejetés par le Gouvernement français sur la base de motifs juridiques.
Ces circonstances sont en soi suffisantes, à notre avis, pour qu'on puisse
qualifier le présent différendde ((différendau sujet duquel les parties secontestent réciproquement un droit » et de ((différendd'ordre juridique ))
au sens de l'article 17de l'Acte de 1928.
45. La conclusion qui vient d'être énoncéeest conforme à ce que nous

croyons être la conception admise de la distinction entre les différends
relatifs à des droits et les différends relatifs à ce qu'on appelle des con-
flits d'intérêts. Selon cette conception, un différend est politique, et par
conséquent non justiciable, lorsqu'on peut démontrer que la prétention
élevéerepose sur des considérations autres que juridiques, par exemple
sur des considérations d'ordre politique, économique ou militaire. Dans

un tel différend, l'une des parties au moins ne se contente pas de faire
valoir des droits de caractère juridique, mais invoque un intérêtdont elle
demande qu'il soit pris en considération mêmesi cela doit modifier la
situation juridique existant entre les parties. En l'espèce, toutefois, le
demandeur invoque des droits de nature juridique et ne défend pas sim-
plement son intérêt politique; il demande expressément à la Cour de

définir et d'appliquer ce qu'il prétend êtredes règlesde droit international
existantes. Bref, il demande que le différend soit réglé((sur la base du
respect du droit )Ice qui est la caractéristique mêmed'une demande de
règlement judiciaire, et non pas politique, d'un différend international
(cf. Interprétation de l'article 3, paragraphe 2, du traité de Lausanne,

C.P.J.I. sérieB no 12, p.26). De même laFrance, en contestant les thèses
du demandeur, ne se borne pas à faire valoir ses intérêts politiquesou
militaires vitaux mais soutient que les règles de droit international invo-
quéespar le demandeur n'existent pas ou n'ont pas la portée que celui-ci
leur donne. L'attitude prise par les Parties à l'égard du différend nous
paraît donc démontrer de façon concluante qu'il s'agit bien d'un diffé-

rend ((juridique 1)et justiciable.
46. Cette conclusion ne saurait être affectée, selon nous, par I'obser-
vation ou la supposition que, lorsqu'il a porté l'affaire devant la Cour,
le demandeur était animépar des mobiles ou des considérations d'ordre
politique. Bien rares seraient en effet les affaires justiciables au regard de
la Cour s'il fallait considérer qu'un différendjuridique perd son caractère

juridique chaque fois que I'une ou l'autre des parties ou les deux sont
influencées aussipar des considérations d'ordre politique. Ni en matière
contentieuse ni àpropos d'une demande d'avis-consultatif la Cour per-
manente ou la Cour actuelle n'a jamais admis qu'une contestation de
caractère intrinsèquement juridique puisse perdre ce caractère en raison
des considérations politiques qui s'y attachent.

47. Notre conclusion n'est pas non plus affectéeen aucune manière
par l'observation qu'en l'espècela Cour, pour faire droit aux demandes
de la Nouvelle-Zélande, devrait modifier plutôt qu'appliquer le droit
existant. Outre que le demandeur prie explicitement la Cour d'appliquer le
droit existant, il ne nous semble pas qu'en l'occurrence elle soit appelée à
faire autre chose que s'acquitter de sa mission normale qui consiste à

régler le différend en appliquant le droit conformément aux directives
expresses qui lui sont donnéesà l'article 38 du Statut. Nous reconnaissons
pleinement que, comme la Cour l'a soulignérécemment dans les affairesde la Compétenceen matièredepêcheries,((laCour, en tant que tribunal ne
saurait rendre de dicision subspecie legisferendae, niénoncerledroitavant
que le législateur l'ait edicté))(C.I.J. Recueil 1974, p. 23-24 et 192). Ce

prononcé, qui n'a d'ailleurs été émiq su'après un examen détailléde ces
affaires au fond, ne signifie nullement que la Cour doive déterminer in
Iimine litis le caractère de [ex lata ou de lex ferenda d'une règle de droit
coutumier invoquée, ni se prononcer sur son existence ou son inexistence
au cours de la procédure préliminiare sans avoir donné aux parties la

possibilité de présenter leurs moyens juridiques sur le fond. Dans la
présente affaire, la Cour est priée d'exercer la fonction parfaitement nor-
male qui est la sienne et qui consiste à apprécier les divers éléments,
relatifs à la pratique des Etats et à I'opiniojuris, qu'invoque le demandeur
pour établir la formation d'une règle de droit coutumier. La Cour s'est
acquittée de cette fonctiondans les affaires de la Compétence en matière de

pêcherieset si, dans la présente espèce, elle avait examiné l'affaire au fond
et fait droit aux prétentions du demandeur elle n'aurait pu aboutir à
cette décisionqu'en considérant que la règle invoquéeavait effectivement
acquis le caractère de /ex lata.
48. Indépendamment de ces considérations fondamentales, nous ne

pouvons manquer d'observer que, pour alléguer des violations de sa
souveraineté territoriale et de droits découlant du principe de la liberté
de la haute mer, le demandeur invoque aussi des droits établisde longue
date - et mêmeélémentaires - dont le caractère de /ex lafa ne fait pas
de doute. En ce que concerne ces droits, la Cour est appeléeà déterminer

leur étendue et leurs limites compte tenu des droits d'autres Etats,
tâche inhérente à la mission qui lui est confiéepar l'article 38 du Statut.

49. Ces observations s'appliquent aussi à l'argument qui consiste à
dire que le demandeur n'est pas en situation d'invoquer à l'encontre de la
France l'existence d'une règle de droit international coutumier étant

donné qu'il ne s'est pas opposé aux essais d'armes nucléaires en atmo-
sphèrequi ont été effectuéd sans la régionde l'océan Pacifiqueavant 1963
et les a mêmeapprouvés. Cet argument soulève manifestement toute la
question du caractère évolutif du droit international coutumier, sur
laquelle la Cour ne devrait pas se prononcer à ce stade préliminaire de la

procédure. Telle qii'elle a été présentéà e la Cour, la position juridique
du demandeur se fonde précisémentsur la thèse que c'est après ces essais
que l'opinion publique a pris de plus en plus conscience des dangers des
retombées nucléaires et a manifesté une vive opposition aux essais nu-
cléaires en atmosphère; et qu'au surplus la conclusion en 1963 du traité
de Moscou sur l'interdiction partielle des essais nucléaires a abouti à la

création d'une règle de droit international coutumier interdisant de tels
essais. Le demandeur a aussi appelé l'attention sur l'opposition constante
qu'il a toujours exprimée à l'égarddes essais en atmosphère à partir de
1963. En conséquence, si la conduite passéedu demandeur est sans aucun
doute un des éléments quela Cour aurait dû prendre en considération,

c'est toutefois sur la base de la pratique des Etats dans son ensemble quela Cour aurait dû établir l'existence ou l'inexistence de la règle alléguée.
En résumé,si pertinente qu'elle soit, cette question nous semble relever
essentiellement du fond de l'affaire et ne pas appeler de décision de la
Cour au stade préliminaire actuel.
50. Nous ne voyons pas d'autre part en quoi I'existence d'une diver-

gence de vues marquée entre le demandeur et le Gouvernement français
au sujet de la matérialitédes dommages résultant des retombéesnucléaires
ou du risque de dommages pouvant en résulter affecte le caractère juri-
dique du différend ouappelle une décisionde la Cour déclarant d'emblée
la requêteirrecevable. Cette question nous semble encore une fois devoir
êtretranchée au stadedu fond. D'un côté, le Gouvernement néo-zélandais

a donné son avis sur les faits relatifs aux explosions nucléaires atmo-
sphériquesdans la région de l'océan Pacifique etsur les dangers de retom-
béesradioactives qui y sont liés(par. 12 à 22 de la requête).Présentant
ses arguments sur la création d'une règle de droit international en la
matière, il a aussi cité une sériede résolutions de l'Assembléegénérale,

les rapports sur les rayonnements atomiques du Comité des Nations
Unies pour l'étude des effetsdesradiations ionisantes et de la Commission
internationale de protection contre les radiations, le traité d'interdiction
partielle des essais, le traité interdisant les armes nucléaires en Amérique
latine, le traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, ainsi qu'une
résolution et une déclaration adoptées à la Conférence de Stockholm sur

l'environnement. En outre, il a invoqué le préjudice psychologique qui a
été,selon lui, caiisé aux habitants de la Nouvelle-Zélande, des îles
Cook et des îles Niouéet Tokélaou du fait des craintes que leur inspirent
les effets éventuels des retombéesradioactives pour leur bien-êtreet celui
de leurs descendants. De l'autre côté la Cour a eu communication des
assurances que le Gouvernement français a données à plusieurs reprises

dans des notes diplomatiques et des déclarations publiques au sujet des
précautions qu'il a prises pour que les essais nucléaires s'effectuent ((en
toute sécurité ))ainsi que des rapports de divers organismes scientifiques,
notamment les rapports du National Radiation Advisory Cornmittee
d'Australie de 196'7,1969, 197 1 et 1972et le rapport du National Radia-
tion Lahoratory de Nouvelle-Zélande de 1972,qui ont tous conclu que les

effets des retombées radioactives provenant des essais français étaient
inférieursau seuil de risque pour la santépublique. En outre, la Cour est
saisie du rapport d'une réunion, tenue en mai 1973, d'experts australiens
et français qui ont abouti à des conclusions communes sur les données
concernant l'importance quantitative des retombées mais ont exprimé

des opinions divergentes sur l'interprétation qu'il fallait en tirer quant aux
risques biologiques encourus. Quelles que soient les impressions qu'on
retire au premier abord des preuves présentéesjusqu'ici à la Cour, les ques-
tions de la matérialitédes dommageset du risque de dommages futurs ré-
sultant des essais nucléaires en atmosphère ne peuvent manifestement pas,
selon nous, être régléesà ce stade préliminaire, sans que les Parties aient

eu la possibilité d'exposer pleinement leurs arguments devant la Cour.
51. Le différend sur les faits relatifs aux dommages résultant ou pou-
67 ESSAISNUCLÉAIRES(OP. DISS. COM.) 521

vant résulter des retombées nucléaires radioactives nous paraît relever
nettement de la troisième des catégoriesde différendsd'ordre juridique
énuméréea su paragraphe 2 de l'article 36 du Statutàsavoir un différend
ayant pour objet ((la réalitéde tout fait qui, s'ilétaitétabli, constituerait
laviolation d'un engagement international ». A notre avis, un tel différend
est inextricablement lié au fond de I'affaire. D'ailleurs, la Nouvelle-

Zélande soutient que les droits qu'elle invoque sont violésdu seul fait
des essais atmosphériques de la France, que l'existence d'un dommage
soit ou non prouvée.Ainsi, toute la question de lamatérialitédu préjudice
apparaît comme inextricablement liéeau fond du différend. De même
que les questions de savoir s'il existe, d'une part, une règlegénérale de
droit international interdisant les essais en atmosphère et, d'autre part,
des règles générales de droit international applicables aux atteintes à la
souveraineté territoriale d'un Etat causéespar le dépôtde retombées nu-
cléaireset à la violation de son ((pouvoir souverain de.décision ))qu'est
un tel dépôt sur son territoire, cellede savoir si l'existenced'un dommage

réelconstitue un élément essentiel desrèglesainsi alléguéesest une ccques-
tion de droit international))et fait partie du fond juridique du différend.
La mêmeobservation vaut, mutatis mutandis, s'agissant de savoir si un
Etat qui introduit une action dans laquelle il allègue que la liberté des
mers a étévioléedoit établirque sesintérêts propres ont subi de ce fait un
préjudiceeffectif.
52. Enfin, nous allons examiner maintenant la question de l'intérêt
juridique de la Nouvelle-Zélande àfaire valoir ses prétentions. En.ce qui
concerne ledroit que la Nouvelle-Zélandedit être inhérent à sa souverai-

netéterritoriale, nous pensons qu'elle estfondée à considérerqu'elle a un
intérêt juridiquedirect à défendrece droit. Qu'elle réussisseou non à
convaincre la Cour que le droit qù'elle revendique ainsi découle du
principe de la souveraineté territoriale, la Nouvelle-Zélande possède
manifestement un intérêt juridique à soumettre cette question à la Cour
pour défendresa souveraineté territoriale. En ce qui concerne son droit
de ne pas êtreexposée à des essais atmosphériques, droit qu'elledit possé-
der en commun avec d'autres Etats, la question de l'(<intérêjtridique 1)
nous semble là encore faire partie de la question juridique généralequi
forme le fond du différend. Si les élémentsde preuve produits par la

Nouvelle-Zélandedevaient convaincre la Cour de l'existenced'une règle
généralede droit international interdisant les essais nucléaires en atmo-
sphère, il appartiendraità celle-cide se prononcer en mêmetemps sur le
caractèreet lecontenu précisde cette règleet, notamment, sur la question
de savoir si elle confèreà tout Etat le droit d'introduire individuellement
une action pour faire respecter cette règle. En résumé,la question de
1'(intèrêtjuridique >ne peut êtredissociéede la questionjuridique de fond
relativeà l'existenceetà la portéede la règlededroit international coutu-
mier qui est alléguéeN. ous admettons que l'existenced'une actiopopularis
en droit international est discutable, mais les observations émisespar la

Cour actuelle dans l'affaire de la Barcelona Traction, Ligltt and Power
Company, Limited, deuxièmepllase, C.I.J. Recueil 1970, page 32, suffi-sent à démontrer que la question peut êtreconsidéréecomme susceptible
de faire l'objet d'une argumentation juridique rationnelle et d'être
valablement portée devant la Cour.
53. S'agissant du droit qui, selon la Nouvelle-Zélande, découle du
principe de la libertéde la haute mer, il parait clair là encore que le point

relatifà I'ccintérê jtridique ))fait partie de la question juridique générale
de fond. Dans ce cas, l'existence de la règle fondamentale, celle de la
libertéde la haute nier, n'est pas douteuse et est établiede façon autorisée
par l'article2 de la Convention de Genève de 1958sur la haute mer. Les
questions sur lesquelles les Parties sont en litige à ce propos sont les
suivantes: i) l'établissement d'une zone d'expérimentation d'armes nu-

cléairesenglobant des régionsde la haute mer et l'espace aérien surjacent
est-il admissible au regard de cette règle ou viole-t-il les libertés de la
navigation et de la pêche;ii) les essais d'armes nucléairesen atmosphère
constituent-ils également des violations de la libertédes mers en raison de
la pollution des eaux qui résulterait du dépôt de retombées radioactives?

Au sujet de ces questions, le demandeur soutient qu'il possèdenon seule-
ment un intérêt général e ctommun en tant qu'usager de la haute mer mais
aussi que sa situation géographique lui confère un intérêt particulierà ce
que soient respectées les libertés de la navigation, de survol et de la
pêchedans la régiondu Pacifique Sud. Que les Etats soient titulaires de

droits individuels et collectifs en ce qui concerne les libertésde la haute
mer, cela découlede la conception mêmede ces libertésqui implique que
tous les Etats ont des droits d'usage, ainsi qu'il ressort implicitement de
nombreuses dispositions de la Convention de Genève de 1958sur la haute
mer. D'ailleurs, l'existence de ces droits est démontrée parla longue suite
de différendsinternationaux qui sont nésau cours de l'histoire des reven-

dications contradictoires émisespar différents Etats quant à leurs droits
sur la haute mer. En conséquence, il nous semble difficile d'admettre que
le demandeur ne soit mêmepas fondé en l'espèceà essayer d'établir de-
vant la Cour qu'il a un intérêt juridiquepropre à introduire une instance
à l'égardd'actes qu'il considère comme des violations des libertés de la

navigation, de survol et de la pêche.Comme nous l'avons déjà dit, ce
point fait partie intégrante des questions juridiques de fond soulevéesà
propos de la libertédes mers et, selon nous, ne pouvait ètre tranché par
la Cour qu'au stade du fond.
54. Eu égardaux observationsqui précèdent,ilnous parait clair qii'au-

cune des objections examinées dans cette partie de notre opinion n'est
de nature à faire obstacle à l'exercice de la compétence de la Cour sur le
fond de l'affaire en vertu de l'article 17de l'Acte généralde 1928.Qu'elles
visent la compétence ou la recevabilité, ou bien elles sont dénuéesde
fondement, ou bien elles n'ont pas ((dans les circonstances de l'espèceun
caractère exclusiveinent préliminaire )).Ne souscrivant pas à la décision

de la Cour selon laquelle la demande de la Nouvelle-Zélande est désor-
mais sans objet, nous estimons que la Cour aurait dû décider d'examiner à
présent l'affaire au fond. 55. Etant d'avis que la Cour a compétence et que l'affaire qui lui a été
soumise ne fait apparaître aucun motif permettant de considérer les de-
mandes de la Nouvelle-Zélande comme irrecevables, nous estimons que le
Statut et le Règlement donnaient au demandeur le droit de voir la Cour
statuer sur le différend. L'arrêtprive le demandeur de ce droit en se fon-

dant sur une procédure et un raisonnement auxquels nous ne pouvons, à
notre grand regret, trouver aucune justification ni dans le Statut et le
Règlement ni dans la pratique et la jurisprudence de la Cour.

(Signé) CharleD. ONYEAMA.

(Signé) Hardy C.DILLARD.

(Signé)E.JIMÉNE ZE ARECHAGA.

(Signé) H.WALDOCK.

Bilingual Content

JOINT DISSENTING OPINION OF JUDGES ONYEAMA,
DILLARD, JIMGNEZ DE ARÉCHAGA AND
SIR HUMPHREY WALDOCK

1. In its Judgment the Court decides,ex proprio motu, that the claim
of the Applicant no longer has any object. We respectfully, but vigorously
dissent. In registering the reasons for our dissent wepropose first to make
a number of observations designed to explain why, in Ourview, it is not
justifiable toaythat the claim of the Applicant no longer has any object.
We shall then take up the issues of jurisdiction and admissibility which
arenot examined in the Judgment but which appear to us to be of cardinal
importance to the Court's treatment of the matters decided in the Judg-
ment. It is also to these two issues, not touched in the Judgment, to which
the Applicant was specifically directed to address itself in the Court's
Order of 22 June 1973.

2. Basically, the Judgment is grounded on the premise that the sole
object of the claim of New Zealand is "to obtain a termination of" the
"atmospheric nuclear tests conducted by France in the South Pacific
region" (para. 31).
In our view the basic premise of the Judgment, which limits the Appli-
cant's submissions to a single purpose, and narrowly circumscribes its
objective in pursing the present proceedings, is untenable. In consequence
the Court's chain of reasoning leads to an erroneous conclusion. This
occurs, wethink, partlybecause the Judgment fails to take account of the
purpose and utility of a request for a declaratory judgment and even
more because its basic premise fails to correspond to and even changes
the nature and scope of New Zealand's forma1submission as presented in
the Application.
3. In the Application New Zealand :

".. .asks the Court to adjudge and declare: That the conduct by
the French Government of nuclear tests in the South Pacific region
that give rise to radio-active fall-out constitutes a violation of New
Zealand's rights under international law, and that these rights will
be violated by any further such tests".

4. As appears from the initial words of the actual submission, it
unequivocally requests from the Court a judicial declaration on the OPINION DISSIDENTE COMMUNE DE MM. ONYEAMA,
DILLARD, JIMGNEZ DE ARÉCHAGA
ET SIR HUMPHREY WALDOCK

[Traduction]
1. Dans son arrêtla Cour décidede son propre chef que la demande de

1'Etat requérant est désormais sans objet. Nous contestons respectueuse-
ment mais avec énergiecette conclusion. Dans l'exposéqui va suivre des
raisons de notre dissentiment, nous présenterons tout d'abord une série
d'observations visant à expliquer pourquoi, d'après nous, il n'est pas
justifiéde dire que la demande deI'Etat requérant n'a plus d'objet. Nous
aborderons ensuite les questions de compétence et de recevabilité que

I'arrêtn'examine pas mais qui nous paraissent d'une importance capitale
pour ce qui est de la manière dont la Cour aurait dû envisager les sujets
sur lesquels elle se prononce. Ce sont d'ailleurs ces deux questions, que
I'arrêtlaisse de côté, que le demandeur avait été expressément invitéà
traiter par l'ordonnance de la Cour du22juin 1973.

PREMIÈRE PARTIE.RAISONS DE NOTRE DISSENTIMENT

2. L'arrêt procède fondamentalement du postulat que l'unique objet

de la demande néo-zélandaiseest d'obtenir la ((cessation ))des ((essais
nucléaires atmosphériques effectués par la France dans la région du
Pacifique Sud >(par. 31).
L'hypothèse de base de I'arrêt, qui prête aux conclusionsdu demandeur
un but unique et limité et circonscrit étroitement l'objectif qu'il pour-
suivait en entamant la présente instance, est à notre avis insoutenable,

et le raisonnement de la Cour aboutit en conséquence à une conclusion
erronée. D'après nous, cela est dû en partie au fait que l'arrêtne tient pas
compte de l'objet et de l'utilitéd'une demande d'arrêt déclaratoire et plus
encore à ce que son hypothèse de départ ne correspond pas à la nature
et à la portée des conclusions formelles de la Nouvelle-Zélande, telles
qu'elles figuraient dans la requête,et que même elleles transforme.

3. Dans la requête,la Nouvelle-Zélande:

((prie la Cour dire et juger que les essais nucléaires provoquant des
retombées radioactives effectuéspar le Gouvernement français dans
la régiondu Pacifique Sud constituent une violation des droits de la
Nouvelle-Zélande au regard du droit international et que ces droits
seront enfreints par tout nouvel essai n.

4. Comme l'indiquent les premiers mots de la conclusion proprement

dite, la Nouvelle-Zélande demande sans équivoque àla Cour une déclara-illegality of nuclear tests conducted by France in the South Pacific region
and giving rise to radio-active fall-out.

This is made abundantly clear in paragraph 10of the Application where
it is stated

"The New Zealand Government will seek a declaration that the
conduct by the French Government of nuclear tests in the South
Pacific region that giverise to radio-active fall-outconstitutes a viola-
tion of New Zealand's rights under international law, and that these
rights will be violated by any further such tests." (Emphasis added).

This request is described in the Applicant's Memorial (para. 5) as "the
principal issue before the Court"
5. It has to be asked what are the reasons given in the Judgment as
justifying the setting aside of the request for a-declaration presented by
the Applicant? In the present caseit is not asserted, as it was in the parallel
case of Australia v. France, that the judgment requested from the Court
is not a declaratory judgment for that could evidently not be maintained
in view of the actual terms of New Zealand's submission. Nor is it stated
in the present Judgment that the request for a declaration is merely a
means to an end and not an end in itself. However, without adopting
those lines of reasoning, the Judgment ignores no less completely the
forma1 request for a declaration of illegality made by New Zealand, and
this is apparently done on the basis of three arguments.

6. The first argument appears to take as a starting point the following
observation :
"The Court is asked to adjudge and declare that French atmos-

pheric nuclear tests are illegal, but at the same time it is requested
to adjuge and declare that the rights of New Zealand 'willbe violated
by any further such tests'. The Application thus contains a sub-
mission requesting a definition of the rights and obligations of the
Parties." (Para. 31 of the Judgment.)

This cannot however be accepted as a valid ground for not dealing with
the request for a declaration. A submission asking for a judicial declara-
tion may be formulated either as a request to the Courtto decide that the
conduct of a State is not in accordance or is contrary to the applicable
rules of international law or as a request to declare that a party possesses
a certain right or is subject to a certain obligation. In both cases, what is
requested from the Court is a definition of the legal situation existing
between the Parties, expressed either in terms of objective rules of law or
of subjective rights and obligations resulting from those rules. In the
Interhandel case, for instance, a submission which in fact requested a
definition of the rights and obligations of the Parties was considered by
the Court as "relating to a request for a declaratory judgment" (I.C.J.tion judiciaire sur l'illicéitédes essais nucléaires effectuéspar la France
dans la région du Pacifique Sud qui provoquent des retombées radio-
actives.

Cela ressort de façon tout à fait claire du paragraphe 10 de la requête,
où il est dit:

(([leGouvernement néo-zélandais]demandera à la Cour de dire que
les essais nucléaires provoquant des retombées radioactives effectués
par le Gouvernement français dans la région du Pacifique Sud
constituent une violation des droits de la Nouvelle-Zélande au regard
du droit international et que ces droits seront enfreints par tout

nouvel essai ))(les italiques sont de nous).

Cette demande est présentéedans le mémoire du demandeur (par. 5)
comme ((l'objet principal de l'examen de la Cour ».
5. 11y a lieu de se demander sur quels motifs se fonde l'arrêtpour
écarter la demande de déclaration s;umise par le requérant. an sa
présente espèce, il n'est pas soutenu, comme dans l'affaire parallèle
Australie c. France, que la Cour n'était pas invitée à rendre un arrêt
déclaratoire, car de toute évidencecette thèse serait intenable étant donné

les termes de la conclusion néo-zélandaise. Il n'est pas dit non plus dans le
présent arrêt que la demande de déclaration n'est qu'un moyen en vue
d'une fin et non une fin en soi. Toutefois, et sans adopter ce raisonnement,
l'arrêtn'en néglige pasmoins totalement la demande formelle de déclara-
tion d'illicéitéprésentéepar la Nouvelle-Zélande et cela, semble-t-il, en
se fondant sur trois arguments.
6. Le premier parait procéder de l'observation suivante:

ccII est demandé à la Cour de dire et juger que les essais nucléaires
atmosphériques effectuéspar la France sont illicites, mais il lui est
demandé aussi de dire et juger que les droits de la Nouvelle-Zélande
((serontenfreints par tout nouvel essai)). La requêtecontient donc une
conclusion tendant à ce que les droits et obligations des Parties
soient définis.)(Par. 3 1de l'arrêt.)

On ne saurait cependant trouver là une raison valable de ne pas donner
suite à la demande de déclaration. Une conclusion tendant à obtenir une

déclaration judiciaire peut êtreformulée, soit pour que la Cour décide
que le comportement d'un Etat n'est pas conforme ou est contraire aux
règles applicables du droit international soit pour qu'elle déclarequ'une
partie possède un certain droit ou est astreinte à une certaine obligation.
Dans l'un ou l'autre cas, ce que l'on demande à la Cour, c'est de définirla
situationjuridique existant entre les Parties, soit sous la forme de règles
de droit objectives, soit sous celle de droits et d'obligations subjectives
qui découleraient de ces règles. C'est ainsi que dans l'affaire de l'Inter-

handel une conclusion qui sollicitait en fait une définition des droits et
obligations des Parties a été considéréepar la Cour comme visant uneReports 1959, p. 20). In the Right ofpassage over IndianTerritory case the

Applicant's first submission also asked for a definition of the rights and
obligations of the Parties. As the Court said in that case: "Thus formula-
ted, the claim reveals both the right claimed by Portugal and the correla-
tive obligation binding upon India" (I.C.J. Reports 1960, p. 28). Yet the
Court did not set that submission aside but on the contrary dealt with it as
the basic and essential claim upon which it had the duty to adjudicate.

7.The second argument hinges upon an invocation of the Court's
"power to exclude, when necessary, certain contentions or arguments
which were advanced by a party as part of the submissions, but which

were regarded by the Court, not as indications of what the Party was
asking the Court to decide, but as reasons advanced why the Court should
decide in the sense contended for by that party" (para. 30).
This power undoubtedly exists, but it cannot be applied to set aside
either part of the New Zealand submission. A bare declaration that the
conduct of nuclear tests "constitutes a violation of New Zealand's rights

under international law" cannot conceivably be described as constituting
merely a reason advanced in support of the decision requested. The legal
reasons invoked by the Appiicant relate inter alia, to the alleged violation
by France of certain rules said to be generally accepted as customary law
concerning atmospheric nuclear tests; and its alleged infringement of
rights said to be inherent in the Applicant's own territorial sovereignty

and rights derived from the character of the high seas as res communis.
These reasons, designed to support the submission, are clearly distin-
guished in the, pleadings from the specific decision which the Court is
asked to make. Isolated from those reasons or legal propositions, the
declaration that atmospheric nuclear tests "constitutes a violation of

New Zealand's rights under international law" is the precise formulation
of something that the Applicant is formally asking the Court to decide in
the operative part of the Judgment.

While "it is no part of the judicial function of the Court to declare in
the operative part of its Judgment that any of those arguments is or is

not well founded 1" it is yet of the essence of international adjudication,
indeed the heart of the Court's judicial function, to decide and declare
that the challenged conduct of a State does or does not constitute a viola-
tion of the Applicani's rights under international law.

8. The third argument advanced in the Judgment as justifying the

setting aside of the request for a declaration is the assertion that:
". ..it is essential to consider whether the Government of New
Zealand requests a judgment by the Court which would only state

1 Righr of Passage over Indian Territory, I.C.J. Reports 1960, p. 32.demande de jugement déclaratoire » (C.I.J. Recueil 1959, p. 20). Dans

l'affairedu Droit depassage sur territoire indienla première conclusion du
demandeur tendait également à faire définir lesdroits et obligations des
Parties. Comme la Cour l'a dit dans cette affaire: ((Ainsi formulée, cette
demande fait apparaître tout à la fois le droit revendiquépar le Portugal
et l'obligation correspondante de l'Inde))(C.I.J. Recueil 1960, p. 28). La
Cour n'a cependant pas écarté cetteconclusion; au contraire elle l'a
traitée comme la demande fondamentale et essentielle sur laquelle elle
avait l'obligation de statuer.
7. Le second argument consiste a invoquer le ((pouvoir [que la

Cour] possède d'écarter, s'il est nécessaire,certaines thèses ou certains
arguments avancés par une partie comme élémentde ses conclusions
quand elle les considère, non pas comme des indications de ce que la
partie lui demande de décider, mais comme des motifs invoqués pour
qu'elle seprononce dans le sens désiré ))(par. 30).
Ce pouvoir existe indubitablement, mais on ne saurait l'invoquer pour
écarter une partie quelconque de la conclusion néo-zélandaise.Dire que
les expériences nucléaires((constituent une violation des droits de la
Nouvelle-Zélande au regard du droit international ))ne peut en aucune

façon êtreconsidéré commele simple énoncéd'un motif en làveur de la
décisiondemandée.Les raisonsjuridiques invoquées par le requérant ont
trait notamment au fait que la France aurait violé certaines règles
généralement acceptées comme droit coutumier en matière d'essais
nucléairesen atmosphère et qu'elle aurait enfreint des droits considérés
comme inhérents à la souveraineté territoriale du requérant ou tenant au
caractère de res commtlnis de la haute mer. Les écritures distinguent
nettement entre ces raisons destinées à étayerla conclusion et la décision
qui est sollicitéede la Cour. Isoléede ces motifs ou de ces thèsesjuridi-

ques, la déclarationsuivant laquelle lesessaisnucléairesdans l'atmosphère
((constituent une violation des droits de la Nouvelle-Zélande au regard
du droit international )>n'est que la formulation précise de ce que le
demandeur prie formellement la Cour de décider dans le dispositifde
l'arrêt.
S'il est vrai que ((prononcerdans le dispositif de l'arrêtque telle ou
telle de ces thèses estoui ou non fondéene rentre pas dans les fonctions
judiciaires de la Cour l», dire et juger que le comportement incriminé
d'un Etat constitue ou ne constitue pas une violation des droits du

demandeur au regard du droit international n'en est pas moins un aspect
essentiel du contentieux international et se situe en réalitéau cŒur même
de la fonction j3iciaire de la Cour.
8. Le troisième argument que semble utiliser l'arrêtpour justifier le
refus de donner,suite à la demande de déclaration consiste àdire que:

(cil est essentiel d'examiner si le Gouvernement néo-zélandais
sollicite de la.Cour un jugement qui ne ferait que préciser le lien

1 Affairedu Droit de passage sur territoire indien, C.I.J. Recueil 1960, p. 32.
43 the legal relationship between the Applicant and the Respondent with
regard to the matters in issue,or ajudgment of a type which in terms
requires one or both of the Parties to take, or refrain from taking,
some action" (para. 30) (emphasis added).

The position taken with respect to New Zealand's submission seems to
indicate that the Court finds that the judgment requested in this case
belongs exclusivelyto the second part of the above assertion. But in what
respect do the terms of New Zealand's submission require it or the
Respondent to take or refrain from taking some action? We fail to detect
any such requirement in the terms of the submission. The New Zealand

submission is no different in this respect from any other request for a
declaratory judgment. If the Parties may decide to take or refrain from
taking some action it is because such a declaratory judgment is normally
sufficient to bring about that effect. As Judge Hudson has said in his
individual opinion in the Diversion of Waterfrom the Meuse case:

"In international jurisprudence, however, sanctions are of a
different nature and they play a different role, with the result that a
declaratory judgment will frequently have the same compulsive force
as a mandatory judgment; States are disposed to respect the one not
less than the other." (P.C.I.J., Series AIB, No. 70, p. 79.)

And, as Charles De Visscher has stated:

"The essential tasks of the Court, as emerges both from the
submissions of the parties and from the operative parts of its judg-
ments, normally amounts to no more than defining the legalrelation-
ships between the parties, without indicating any specific require-
ments of conduct. Broadly speaking, the Court refrains from pro-
nouncing condemnations and leaves it to the States parties to the
case to draw the conclusions flowing from its decisions 1." [Trans-
lation.]

9. It appears from the terms of the submission that New Zealand
seeks a declaration which is not limited to a general finding on the viola-

tion of its rights by nuclear tests in the SouthPacific region giving rise to
radio-active fall-out. It also requests that such declaration include the
pronouncement "that these rights will be violated by any further such
tests". Both parts of New Zealand's submission are, in terms, and with
al1deliberation express requests for ajudicial declaration.

It is possible to find other examples of formal submissions in which an
applicant has asked not only for a declaration of illegality concerning the

1 Ch. De Visscher,Aspects récents dudroit procéduralde la Cour internationale de
Justice, Paris, 1966, p. 54. juridique entre le demandeur et le défendeur par rapport aux

questions en litige, ou un jugement conçu de façon telle que son
libelléobligeraitl'unedes Parties ou lesdeux à prendre ou à s'abstenir
de prendre certaines mesures ))(par. 30) (les italiques sont de nous).
La position adoptée au sujet de la conclusion néo-zélandaise semble

indiquer que, de l'avis de la Cour, l'arrêtsollicitéen l'espèceappartient
exclusivement au type envisagédans la deuxièmepartie de la phrase citée.
Mais en quoi le libelléde la conclusion néo-zélandaiseobligerait-il la
Nouvelle-Zélande ou le défendeur à prendre ou à s'abstenir de prendre
certaines mesures? Nous ne découvronsrien de semblable dans ce libellé.
De ce point de vue, la prétention néo-zélandaisene diffère aucunement
de toute autre demande de jugement déclaratoire. Si les Parties en vien-
nent à déciderde prendre ou de s'abstenir de prendre certaines mesures,

c'est parce qu'un tel jugement déclaratoire suffit normalement à produire
cet effet. Comme l'a écrit Hudson dans son opinion individuelle en
l'affaire desPrises d'eauà la Meuse:

((dans lajurisprudence internationale, toutefois, lessanctions sont de
nature différenteet jouent un rôle différent;il en résultequ'un arrêt
déclaratoire aura fréquemment la mêmeforce exécutoire qu'un arrêt
énonçant un ordre du tribunal; les Etats ne sont pas moins disposés
à respecter l'un que l'autre»(C.P.J.Z. sérieAJBno 70,p. 79).

Et, pour reprendre lestermes de Charles De Visscher:

((La tâche essentielle de la Cour, telle qu'elle ressort tant des
conclusions des Parties que des dispositifs de ses arrêtsse ramène
normalement à définir les rapports de droit entre Parties sans

indication de prestations déterminées.Très généralement,les déci-
sions s'abstiennent de prononcer des condamnations, laissant aux
Erats parties au litige le soin de tirer eux-mêmesles conséquences
qui s'y attachent 1.))

9. 11ressort des termes de la conclusion de la Nouvelle-Zélandeque
celle-ci demande une déclaration qui ne se Iimite pas à la constatation
généraleque ses droits sont violéspar les essais nucléaires effectués dans

la régiondu Pacifique Sud et qui provoquent des retombées radioactives.
Elledemande qu'une telle déclarationspécifieaussique ((cesdroits seront
enfreints par tout nouvel essai D. Les deux parties de la conclusion néo-
zélandaise tendent donc expressément et délibérément à obtenir une
déclarationjudiciaire.
On peut trouver d'autres exemples de conclusions au sens strict par
lesquelles un requérant a demandé à la Cour non seulement de déclarer

--
1 CharlesDe Visscher,Aspects récentsdudroitprocéduralde la Courinternationale de
Justice, Paris, 1966,54.respondent's conduct, but also for a complementary declaration to the

effect that thecontinuation of such conduct would violate the rights of the
applicant or, what amounts to the same, that the respondent is undcr an
obligation to put an end to the conduct alleged to be unlawful, e.g., the
case concerning Guardianshipof Infants (I.C.J. Reports 1958, pp. 61 and
71).
This type of submission has been considered by the Court as containing
two independent requests, the first one being treated as a true submission,

as an end in itself, and not merely as part of the reasoning or as a means
for obtainingthe cessation of the alleged unlawful activity. TheCourt has
first analysed the request for a declaration of illegality before taking up
the consequential request for a declaration concerning the continuation
of the impugned conduct.

The fact that consequential declarations of this nature are made, as
they were made in the above-mentioned case, was not then considered
and cannot be accepted as a sufficient reason to ignore or put aside the
Applicant's primary submission or to dispose of it as part of the reasoning.

10. Inacase brought to the Court by means of an application the formal
submissionsof the parties define the subject of the dispute, as is recognized

in paragraph 24 of the Judgment. Those submissions must therefore be
considered as indicating the objectives which are pursued by an applicant
through the judicial proceedings.
While the Court is entitled to interpret the submissions of the parties,
it is not authorized to introduce into them radical alterations. The Per-
manent Court said in this respect: ". .. though it can construe the sub-

missions of the Parties, it cannot substitute itself for them and formulate
new submissions simply on the basis of the arguments and facts ad-
vanced" (P.C.I.J., Series A, No. 7, p. 35,case concerning Certain German
Interests in Polish Upper Silesia). The Judgment (para. 30) refers to this
as a limitation on the power of the Court to interpret the submissions
"when the claim is not properly formulated because the submissions of

the parties are inadequate". If, however, the Court lacks the power to
reformulate inadequate submissions, a fortiori it cannot reformulate
submissions as clear and specific as those in this case.

11. In any event, the cases cited in paragraph 30 of the Judgment to
justify the setting aside in the present instance of the Applicant's first
submission do not, in our view, provide any warrant for such a summary

disposal of the "main prayer in the Application". In those cases the
submissions held bv the Court not to be true submissions were s~ecific
propositions advanced merely to furnish reasons in support of the decision
reauested of the Court in the "true" final submission. Thus. in the Fisheries
case the Applicant had summarized in the form of submissions a whole
series of legal propositions, some not even contested, merely as steps
logically leading to its true final submissions (I.C.J. Reports 1951, at

45illicite le comportement du défendeur, mais de déclarer aussi, à titre
complémentaire, que la persistance dans ce comportement constituerait
une violation des droits du demandeur ou, ce qui revient au même,que le
défendeur a l'obligation de mettre un terme au comportement dont le

caractère illicite est allégué,notamment dans l'affaire relative à la Tutelle
des mineurs(C.I.J. Recueil 1958,p. 61 et 71).
La Cour a estiméen pareil cas que les conclusions comportaient deux
demandes indépendantes, dont la première constituait à ses yeux une
conclusion véritable, une fin en soi, et non pas simplement un élémentdu
raisonnement ou un moyen d'obtenir la cessation de l'activité taxée

d'illicite. Elle a d'abord analysé la demande tendant à obtenir une
déclaration d'illicéité,avant d'examiner la demande qui en était la con-
séquence logique et qui tendait à obtenir une déclaration relative à la
persistance éventuelledu défendeur dans le comportement incriminé.
Le fait que des déclarations de cette nature sont faites en conséquence,

comme ce fut le cas dans l'affaire susmentionnée, n'a pas été considéré
alors et ne saurait êtreaccepté comme un motif suffisant pour négligerou
écarter la conclusion principale du demandeur ou pour la traiter comme
une partie du raisonnement.
10. Dans une affaire portée devant la Cour par requêteles conclusions

formelles des Parties définissent l'objet du différend, comme le reconnaît
le paragraphe 24 de l'arrêt. IIfaut donc considérer que ces conclusions
correspondent aux objectifs que vise le demandeur en introduisant
l'instance judiciaire.
La Cour a certes le droit d'interpréter les conclusions des Parties, mais
rien ne l'autorise à les transformer radicalement. La Cour permanente

s'est expriméeainsi sur ce point: ((Si elle peut interpréter les conclusions
des Parties, elle ne saurait se substituer à celles-ci pour en formuler de
nouvelles sur la base des seules thèses avancéeset faits allégués.))(C.P.J.I.
série A no 7, p. 35, affaire relative àCertains intérêts allemands eH naute-
Silésie polonaise.) Au paragraphe 30, l'arrêtvoit là une limitation du
pouvoir de la Cour d'interpréter les conclusions ((quand la demande

n'est pas formulée comme il convient parce que les conclusions des
Parties sont inadéquates n.Si, toutefois, la Cour n'a pas le pouvoir de
reformuler des conclusions inadéquates, elle ne saurait à fortiori refor-
muler des conclusions aussi claires et précises que dans la présente
espèce.

11. Les affaires invoquées par l'arrêt en son paragraphe 30 pour
écarter la première conclusion du demandeur en l'espèce ne justifient
selon nous en aucune manière un traitement aussi sommaire de ((la con-
clusion principale de la requête )).Dans lesdites affaires les conclusions
que la Cour n'a pas considéréescomme des conclusions véritables étaient

des développements précis qui avaient pour seul objet de motiver la
décision sollicitéede la Cour dans la ((vraie 1)conclusion finale. C'est ainsi
que dans l'affaire des Pêcheries le demandeur a résumé,sous forme de
conclusions, toute une série de propositions juridiques, dont certaines
n'étaient mêmepas contestées, pour amener logiquemement ses véri-pp. 12 1-123and 126). In the Minquiers andEcrehos case the "true" final
submission was stated first and two legal propositions then adduced by
way of furnishingalternative grounds on which the Court might uphold it
(1.C.J. Reports 1953, at p. 52); and in the Notteboltm case a submission

regarding the naturalization of Nottebohm in Liechtenstein was consi-
dered by the Court to be merely "a reason advanced for a decision by the
Court in favour of Liechtenstein" on the "real issue" of the admissibility
of the claim (1.C.J.Reports 1955, at p. 16). In the present case, as we have
indicated, the situation is quite otherwise. The legality or illegality of the
carrying out by France of atmospheric nuclear tests in the South Pacific
Ocean is the basic issue submitted to the Court's decision, and it seems to

us wholly unjustifiable to treat the Applicant's request for a declaration
of illegality merely as reasoning advanced in support of what the Judg-
ment considers to be the Applicant's objective. This objective it deter-
mined in complete detachment from the formal submission.

12. In accordance with the above-mentioned basic principles, the

true nature of New Zealand's claim, and of the objectives-sought by the
Applicant, ought to have been determined on the basis of the clear and
natural meaning of the text of its formal submission. The interpretation
of that submission made by the Court constitutes in our view not an
interpretation but a complete revision of the text, which ends in elimina-
ting what constitutes the essence of that submission, namely the request
for a declaration of illegality of nuclear tests in the South Pacific Ocean

giving rise to radio-active fall-out. A radical alteration of an applicant's
submission under the guise of interpretation has serious consequences
because it constitutes a frustration of a party's legitimate expectations
that the case which it has put before the Court will be examined and
decided. In this instance the serious consequences have an irrevocable
character because the Applicant is now prevented from resubmitting its
Application and seising the Court again by reason of France's denuncia-

tion of the instruments on which it is sought to base the Court's juris-
diction in the present dispute.
13. The Judgment revises, we think, the Applicant's submission by
bringing in other materials such as diplomatic communications and
statements made in the course of the hearings and governmental press
statements which are no part of the judicial proceedings. These materials
do not justify, however, the interpretation arrived at in the Judgment.

They refer to requests made repeatedly by the Applicant for an assurance
from France as to the cessation of tests. But these requests for an assurance
cannot have the effect attributed to them by the Judgment. While litiga-
tion is in progress an applicant may address requests to a respondent to
give an assurance that it will not pursue the contested activity, but such
requests cannot by themselves support the inference that an unqualified
assurance, if received, would satisfy al1 the objectives the applicant is
seeking through the judicial proceedings; still less can they restrict ortables conclusions finales (C.I.J. Recueil 1951, p. 121-123 et 126).
Dans I'affaire des Minquiers et Ecréhous, la (vraie ))conclusion finale a
étéénoncéeen premier et suivie de deux arguments juridiques qui

visaient à fournir d'autres motifs pour que la Cour retienne cette
conclusion (C.I.J. Recueil 1953, p. 52); dans I'affaire Nottebohm une
conclusion concernant la naturalisation de Nottebohm au Liechtenstein
n'a été considérép ear la Cour que comme ((une raison à l'appui d'une
décision de la Cour en faveur du Liechtenstein ))sur la ((vraie question ))

de la recevabilité de la demande (C.I.J. Recueil 1955, p. 16). Dans la
présente espèce, comme nous l'avons dit, la situation est entièrement
différente. La question fondamentale soumise à la décisionde la Cour est
celle du caractère licite ou illicite de l'expérimentation nucléaire française
en atmosphère dans l'océan PacifiqueSud, et il nous paraît tout à fait
injustifié de traiter la demande de déclaration d'illicéitédu requérant

comme un simple motif en faveur de ce que l'arrêt considère commeI'ob-
jectif principal du demandeur - objectif qu'il détermine en faisant com-
plètemement abstraction de la conclusion formelle présentée.
12. Conformément aux principes de base susmentionnés, il aurait
fallu rechercher la véritable nature de la demande néo-zélandaiseet des

objectifs viséspar le requérant en se fondant sur le sens clair et naturel du
texte de sa conclusion formelle. Dans l'interprétation qu'elle en a donnée,
la Cour, selon nous, n'a pas vraiment interprétémais reviséle texte, et
éliminépour finir ce qui constitue l'essentiel de cette conclusion, c'est-
à-dire la demande tendant à ce que les essais nucléaires atmosphériques
dans l'océan Pacifique Sudprovoquant des retombées radioactives soient

déclarésillicites. Itest grave de modifier radicalement la conclusion d'un
plaideur, sous couleur d'interprétation, car on frustre ainsi son attente
légitimeque I'affaire dont il a saisi la Cour sera examinéeet résolue. En
l'occurrence les conséquences sont non seulement graves mais irrévo-
cables, le demandeur ne pouvant plus représenter sa requêteet saisir à

nouveau la Cour puisque la France a dénoncéles instruments sur les-
quels il prétendait fonder la compétence de la Cour en l'espèce.

13. Nous pensons que la Cour revise la conclusion du demandeur en
faisant appel à d'autres élémentset notamment aux communications

diplomatiques et déclarations faites au cours de la procédure, ainsi qu'à
des communiqués de presse gouvernementaux qui ne font pas partie dela
procédure judiciaire. Ces éléments ne justifientcependant pas I'interpré-
tation qu'en tire l'arrêt.Il est fait étatdes demandes réitéréed se l'Austra-
lie tendant à obtenir de la France l'assurance qu'il serait mis fin aux essais.

Ces demandes ne sauraient cependantavoir l'effetque l'arrêt leurattribue.
Pendant qu'un procès se déroule, un demandeur peut prier son adversaire
de l'assurer qu'il nepoursuivra pas l'activitécontestée, mais on ne peut en
conclure qu'une assurance sans réserve,à supposer qu'elle soit donnée,
répondrait a tous les objectifs que visait le demandeur en entamant la
procédure judiciaire; encore moins peut-on restreindre ou amender pouramend the claims formally submitted to the Court. According to the

Rules of Court, this can only result from a clear indication by the appli-
cant to that effect, through a withdrawal of the case, a modification of its
submissions or an equivalent action. It is not for nothing that the sub-
missions are required to be presented in writing and bear the signature
of the Agent. It is a nonsequitur, therefore, to interpret such requests for

an assurance as constituting an implied renunciation, a modification or a
withdrawal of the claim which is still maintained before the Court, asking
for a judicial declaration of illegality of atmospheric tests. At the very
least, since the Judgment attributes intentions and implied waivers to the
Applicant, that Party should have been given an opportunity to explain
its real intentions and objectives, instead of proceeding to such a deter-

mination inauditaparte.

14. The Judgment, while it reiterates that the Applicant's objective
has been to bring about the termination of atmospheric nuclear tests,
fails to examine a crucial question, namely from what date the Applicant
sought to achieve this objective. To answer this point it isnecessary to take
intoaccountthe date from which, according to New Zealand's submission,

the legality of the French atmospheric tests is brought into question.
New Zealand's submission refers, in general terms, to nuclear tests
"that give rise to radio-active fall-out". In making a declaration like the
one requested, the Court might have had to pronounce generally on the
legality of tests conducted by France in the South Pacific region, which
gave rise to radio-active fall-out. The judicial declaration of illegality

asked for in the submission would thushave implications not merely for
future, but also for past tests, in respect of which the New Zealand
Government reserved the right to hold the French Government respon-
sible forany damage or losses. This would certainly include the tests con-
ducted in 1973 and 1974 in disregard of the Court's interim order. There
is not only occasion, but a duty of the Court, to pronounce on the legality

of the tests which have taken place, since a request for a declaration of
illegality covering atmospheric tests conducted in the past, could not be
deprived of its object by statements of intention limited to tests to be
conducted in 1975 or thereafter.

15. Such a view of the matter takes no account of the possibility of
New Zealand seeking to claim compensation, particularly in respect of
the tests conducted in 1973and 1974. It is true that the Applicant hasqot
asked for compensation for damage in the proceedings which are now
before the Court. However, the New Zealand Government has sincecette raison les prétentions formellement soumises à la Cour. D'après le
Règlement, ce résultat ne pourrait être obtenu que si le demandeur
donnait une indication précisedans ce sens en retirant l'affaire, en modi-
fiant ses conclusions ou par toute autre action équivalente. Ce n'est pas
pour rien que les conclusions doivent être présentéespar écritet porter la

signature de l'agent. 11est donc illogique d'interpréter ces demandes
d'assurance comme une renonciation, une modification ou un retrait
tacite de la requêtedont la Cour reste saisie et qui vise à faire déclarer
judiciairement que les essais atmosphériques sont illicites. Et puisque
l'arrêt attribue au demandeur des intentions et des renonciations im-
plicites, la Cour aurait dû pour le moins lui donner la possibilité d'ex-

pliquer ses desseins et objectifs véritables, au lieu d'entreprendre de les
déterminer inaudita parte.

14. S'il répèteque le demandeur a eu pour objectif d'obtenir la cessa-
tion des essais nucléaires dans l'atmosphère, l'arrêt s'abstient d'examiner
une question cruciale, celle de la date à laquelle le demandeur entendait
atteindre -cet objectif. Pour y répondre, il faut rechercher a partir de
quand la conclusion néo-zélandaisemettait en cause la caractère licite des

essais atmosphériques français.
La conclusion de la Nouvelle-Zélande se réfère, entermes généraux,
aux essais nucléaires ((provoquant des retombées radioactives)). En
faisant une déclaration comme celle qui était demandée, la Cour aurait
pu êtreappelée à se prononcer d'une manière généralesur la licéitédes
essais effectués par la France dans la région du Pacifique Sud qui ont

provoqué des retombées radioactives. La déclaration judiciaire d'illicéité
demandée dans la conclusion aurait ainsi eu des conséquences non seule-
ment pour les essais futurs, mais aussi pour les essais passés, à l'égard
desquels le Gouvernement néo-zélandais s'est réservé le droit de tenir le
Gouvernement français pour responsable de tout dommage ou de tout
préjudice subi. Au nombre de ces essais figureraient assurément ceux qui

ont étéfaits en 1973 et 1974 au méprisde l'ordonnance provisoire de la
Cour. La Cour a non seulement l'occasion, mais l'obligation, de se pro-
noncer sur la licéité des expériences quiont eu lieu puisque, la demande
de déclaration d'illicéités'étendant aux essais atmosphériques effectués
dans le passé, des déclarations d'intention visant uniquement les essais
qui seraient entreprisa partir de 1975ne peuvent la priver d'objet.
15. Voir les choses autrement équivaut à ne tenir aucun compte du

fait que la Nouvelle-Zélande pourrait demander une réparation, particu-
lièrement au titre des essais effectués en 1973et 1974. 11est vrai que dans
la présente instance le Gouvernement néo-zélandaisn'a pas demandé à
être dédommagépour le préjudice subi. Cependant, il s'est depuis 1966

471966 consistently reserved "the right to hold the French Government
responsible for any damages or losses incurred as a result of the tests by

New Zealand or the Pacific Islands for which New Zealand has special
responsibility or concern". Such a reservation should have been taken into
consideration in determining the Applicant's objectives in the proceed-
ings. Account should also have been taken of the fact that counsel for
the Applicant stated at the hearings that with respect to some of the
damages allegedly caused, its Government intended to bring at a sub-
sequent stage a claim related to the dispute before the Court but distinct
from it (CR 74/10, p. 23). The possibility cannot therefore be excluded

that the Applicant may intend to claim damages, at a later date, through
the diplomatic channel or otherwise, in the event of a favourable decision
furnishing it with a declaration of illegality. Such a procedure, which
has been followed in previous cases before international tribunals, would
have been particularly understandable in a caseinvolving radio-active fall-
out in which the existence and extent of damage may not readily be ascer-
tained before some time has elapsed.

16. In one of the instances in which damages have been claimed in a
subsequent Application on the basis of a previous declaratory Judgment,
the Permanent Court endorsed this use of the declaratory Judgment,
stating that it was designed:

". ..to ensure recognition of a situation at laiv, once and for all,
and with binding force as between the Parties; so that the legal
position thus established cannot again be called in question in so far
as the legal effects ensuing therefrom are concerned" (Interpretation
of Judgments Nos. 7 and 8 (Factory at Clzorzbw) ,Judgment No. II,
1927, P.C.I.J., Series A, No. 13, p. 20).

17. Furthermore, quite apart from any claim to compensation for
damage, a request for a declaration of the illegality of France's atmos-
pheric nuclear weapon tests cannot be said to be without object in relation
to the numerous tests carried out from 1966 to 1974. The declaration, if
obtained, would characterize those tests as a violation of New Zealand's

rights under international law. As the Court's Judgment in the Corfu
Channel case clearly confirms (I.C.J. Reports 1949, at p. 39, such a decla-
ration is a form of "satisfaction" which the Applicant might have legiti-
mately demanded when it presented its final submissions in the present
proceedings, independently of any claim to compensation. Indeed in that
case the Court in the operative part of the Judgment pronounced such a
declaration as constituting "in itself appropriate satisfaction" (ibid.,
p. 36).réservéavec persévérance ccle droit de rendre le Gouvernement français
responsable de tous dommages ou de toutes pertes que viendraient à
subir ...[à la suite des essais] la Nouvelle-Zélande ou les îles du Pacifique
dont elle a spécialement la responsabilité ou la charge n.Une telle réserve

aurait dû êtreprise en considération pour déterminer les buts du deman-
deur dans cette procédure. IIaurait aussi fallu tenir compte du fait qu'un
conseil du demandeur a déclaré a l'audience qu'à l'égardde certains des
préjudices dont l'existence étaitalléguéeson gouvernement avait l'inten-
tion de présenter, à un stade ultérieur, une demande qui serait liéeau

différenddont la Cour étaitsaisie mais en resterait distincte (audience du
IO juillet 1974).On. ne saurait donc exclure que le demandeur cherche à
obtenir un dédommagement par la suite, que ce soit par la voie diploma-
tique ou de toute autre manière, au cas où une déclaration d'illicéité
serait prononcée en sa faveur. Une procédure semblable, qui n'est pas
inconnue des tribunaux internationaux, se comprendrait particulièrement

dans une affaire de retombées radioactives où la vérificationde l'existence
et de l'étenduedu préjudicepeut exiger un certain temps.
16. Dans l'une des affaires où des dommages-intérêtsont étédemandés
sur la base d'un arrêt déclaratoire antérieur, la Cour permanente a
approuvé le parti qui était ainsi tiré de cet arrêtet a précisé qu'ilétait

destiné:
((à faire reconnaître une situation de droit une fois pour toutes et

avec effet obligatoire entre les parties, en sorte que la situation
juridique ainsi fixéene puisse plus êtremise en discussion, pour ce qui
est des conséquencesjuridiques qui en découlent ))(Interprétation des
arrêtsnos 7 et 8 (Usine de Chorzbw), arrêt no 11, 1927, C.P.J.I.
sérieA no 13, p. 20).

17. De plus, et en dehors de toute demande de réparation, on ne
saurait dire qu'une déclaration concernant I'illicéité des essaisfrançais
d'armes nucléaires dans l'atmosphère soit sans objet pour ce qui concerne

les nombreuses explosions qui ont eu lieu de 1966à 1974. Si la Cour con-
sentait à la faire, cette déclaration caractériserait les essais comme cons-
tituant une violation des droits que la Nouvelle-Zélande possède en
vertu du droit international. Ainsi que le confirme avec netteté l'arrêt de
la Cour dans l'affaire du Détroit de Corfou (C.I.J. Recueil 1949, p. 35),

une déclaration semblable constitue un type de ((satisfaction ))à laquelle
le requérant aurait pu légitimement prétendre en présentant ses con-
clusions finales en la présente instance, et cela indépendamment de toute
demande de dommages-intérêts.Dans l'affaire qui vient d'êtreévoquéela
Cour avait du reste indiquédans le dispositif de l'arrêtqu'une déclaration
semblable constituait <(en elle-mêmeune satisfaction appropriée » (ibid.,

p. 36). 18.The Judgment implies that there was a dispute between the Parties
but asserts that such a dispute has now disappeared because "the final
objective which the Applicant has maintained throughout has been
achieved by other means" (para. 58).
We cannot agree with this finding, which is based on the premise that

the sole purpose of the Application was to obtain a cessation of tests as
from the date of the Judgment. In Our view the dispute between the
Parties has not disappeared since it has concerned, from its origin, the
question of the legality of the tests. In a letter of 9 May 1973, accom-
panying the Application, the Agent for New Zealand stated that his
Government was "instituting proceedings on behalf'of New Zealand

against France in respect of a dispute concerningthe legality of nuclear
testing in the Pac$c region ..." (emphasis added). In its Memorial
(para. 5) New Zealand states that :

"The core of the legal dispute between New Zealand and France

is disagreement as to whether the atmospheric testing of nuclear
weapons undertaken by France in the South Pacific region involves
violation of international law."

Such a definition of the core of the dispute made in the pleadings
presented to theCourt by the New Zealand Governme~t cannot be altered

by what may have been said by the Prime Minister of New Zealand in the
press statement referred to in paragraph 28 of the Judgment. Whatever
may be the political significance of that statement it should not be inter-
preted as overriding the submissions or formal communications presented
to the Court by the Agent of the New Zealand Government. Moreover,
if account is taken of the circumstances in which such declarations were

made, and the context of the whole statement, it cannot be considered as
intending to constitute a definition of the "subject of the dispute" dif-
ferent from that advanced in the pleadings and other documents. If any
doubt were to remain in this respect, the Applicant should have been
asked to give further explanations on this matter. The conclusion there-
fore is that, while from a factual point of view the extent of the dispute is

reduced if no further atmospheric tests are conducted in 1975 and
thereafter, froma legalpiont of viewthe question which remains in dispute
is whether the atmospheric nuclear tests which were in fact conducted
from 1966to 1974were consistent with the rules of international law.

There has been no change in the position of the Parties as to that issue.
New Zealand continues to ask the Court to declare that atmospheric
nuclear tests are contrary to international law and is prepared to argue
and develop that point. France, on its part, as recognized in the Judgment
(para. 53), maintains the view that "its nuclear experiments do not

contravene any subsisting provision of international law". In announcing
the cessation of the tests in 1975 the French Government, according to 18. L'arrêtlaisse supposer qu'il existait un différend entre les Parties
mais affirme que ce différenda désormais disparu parce que ((l'objectif ...

du demandeur a étéatteint d'une autre manière ))(par. 58).

Nous ne pouvons souscrire à cette conclusion, fondée sur la prémisse
que la requêtevisait uniquement à obtenir la cessation des essais à partir

de la date de l'arrêt. A notre avis, le différend entre les Parties n'a pas
disparu puisqu'il portait dès l'origine sur la question de la licéité des
essais. Dans une lettre du 9 mai 1973 qui accompagnait le dépôt de la
requête,l'agent de la Nouvelle-Zélande a déclaréque son gouvernement,
((au nom de la Nouvelle-Zélande, ... [introduisait] contre la France une

instance relative à un différend concernant la légalité des essais nucléaires
dans la régiondu Pacjfique... ))(les italiques sont de nous). Dans son
mémoire (par. 5)la Nouvelle-Zélande déclare:

((Au cŒur du différendjuridique entre la Nouvelle-Zélande et la
France il ya un désaccord sur le point de savoir si les essais d'armes
nucléairesen atmosphère que la France a entrepris dans la régiondu
Pacifique Sud emportent violation du droit international. ))

Une telle définition de l'essence du différenddonnée dans les piècesde
procédure du Gouvernement néo-zélandais nesaurait êtremodifiéepar ce
qu'a pu dice le premier ministre de la Nouvelle-Zélande dans sa déclara-
tion faite à la presse qui est mentionnée au paragraphe 28 de I'arrêt.

Quelle que puisse êtrela portée politique de cette déclaration, on ne doit
pas l'interpréter comme se substituant aux conclusions ou communica-
tions officielles présentéesà la Cour par l'agent du Gouvernement néo-
zélandais. De plus, si l'on tient compte des circonstances dans lesquelles
une telle déclaration a étéfaite et de la totalité du contexte, on ne saurait

la considérer comme destinée à donner de ((l'objet du différend ))une
définition qui s'écarte de celle qui a étéformulée dans les pièces de la
procédure écrite et dans d'autres documents. S'il subsistait le moindre
doute à cet égard, il fallait demander au requérant de fournir de plus

amples explications sur ce point. La conclusion qui s'impose est donc que,
sur le plan des faits, la portée du différend estcertes moindre s'il n'est pas
procédéà de nouveaux essais atmosphériques en 1975 et ultérieurement,
mais que néanmoins, du point de vue juridique, la question qui demeure
en litige est celle de savoir si les essais nucléaires atmosphériques qui ont

effectivement eu lieu de 1966à 1974étaient compatibles avec les règlesdu
droit international.
Les Parties n'ont pas modifiéleur position à cet égard. La Nouvelle-
Zélande continue à demander à la Cour de déclarer que les essais
nucléaires en atmosphère sont contraires au droit international et est

prêteà défendre et développer ce point. De son côté la France, comme
l'admet l'arrêt(par. 53), maintient que cses expériences nucléaires ne
contreviennent à aucune disposition du droit international en vigueur )).
Lorsqu'il a annoncé qu'il n'y aurait plus d'essais en 1975, le Gouverne-the Judgment, did not recognize that France was bound by any rule of
international law to terminate its tests (ibid.).
Consequently, the legal dispute between the Parties, far from having
disappeared, still persists. A judgment by the Court on the legality of
nuclear atmospheric tests in the South Pacific region would thus pro-
nounce on a legal question in which the Parties are in conflict as to
their respective rights.
19. We cannot accept the view that the decision of such a dispute
would be a judgment in abstracto, devoid of object or having no raison
d'être. On the contrary, as has been already shown, it would affect
existing legal rights and obligations of the Parties. In case of the success
of the Applicant, it would ensure for it advantages on the legal plane. In
the event, on the other hand, of the Respondent being successful, it

would benefit that Party by removing the threat of an unfounded claim.
Thus, a judgment on the legality of atmospheric nuclear tests would, as
stated by the Court in the Northern Cameroonscase:

". ..have some practical consequence in the sense that it can affect
existing legal rights or obligations of the parties, thus removing
uncertainty from their legal relations" (I.C.J. Repolts 1963, p. 34).

In the light of this statement, a declaratory judgment defining the legal
position applicable between the Parties-as would the one pronouncing
on the Applicant's submission-would have given the Parties certainty as
to their legal relations. This desired result is not satisfied by a finding by
the Court of the existence of a unilateral engagement based on a series of
declarations which are somewhat divergent and are not accompanied by
an acceptance of the Applicant's legal contentions. Moreover, the
Court's finding as to that unilateral engagement regarding the recurrence
of atmospheric nuclear tests cannot, we think, be considered as affording

the Applicant legal security of the same kind or degree as would result
from a declaration by the Court specifying that such tests contravened
general rules of international law applicable between France and New
Zealand. This is shown by the very fact that the Court was able to go only
so far as to show that the French Government's unilateral undertaking
"cannot be interpreted as having been made in implicit reliance on an
arbitrarypower of reconsideration"(emphasis added) ;and that the obliga-
tion undertaken is one "the precise nature and limits of which must be
understood in accordance with the actual terms in which they have been
publicly expressed".

20. Whatever may be thought of the Judgment in the Northern
Cameroons case, the Court in that case recognized a critically significant
distinction between holding a declaratory judgment to be "without
effect", the subject of which (as in that case) was a treaty which was no
longer in force and one which "interprets a treaty that remains in force" ment français, selon l'arrêt,n'a pas reconnu que la France était tenue de

mettre fin à sesexpériencespar une règlededroit international (ibid.).
Par conséquent, loin d'avoir disparu, le différend juridique entre les
Parties persiste. En statuant sur la licéité des essais nucléairesen at-
mosphère dans la région du Pacifique Sud, la Cour se prononcerait donc
sur une controverse juridique dans laquelle les Parties se contestent
réciproquement un droit.

19. Nous ne pouvons souscrire à l'opinion que le jugement qui tran-
cherait un tel différend serait prononcé dans l'abstrait et serait dépourvu
d'objet ou de raison d'être.Au contraire, comme on l'a déjà montré, il
affecterait les droits et obligations juridiques existants des Parties. Si le
demandeur obtenait gain de cause, il lui assurerait des avantages sur le

plan juridique. Si c'étaiten revanche le défendeur qui l'emportait, il lui
serait utile en écartant la menace d'une action non fondée. Ainsi un
arrêt sur la licéité des essais nucléairesatmosphériques aurait, pour
reprendre les termes employés par la Cour dans l'affaire du Cameroun
septentrional:

((des conséquences pratiques en ce sens qu'il doit pouvoir affecter les
droits ou obligations juridiques existants des parties, dissipant ainsi
toute incertitude dans leurs relations juridiques ))(C.I.J. Recueil

1963,p. 34).
Dans cette optique, un jugement déclaratoire définissant la situation

juridique entre les Parties - comme l'eût étécelui par lequel la Cour se
serait prononcée sur les conclusions du demandeur - aurait conféréun
caractère de certitudeaux relationsjuridiques entre les Parties. Le résultat
recherché n'est pas atteint par la constatation de la Cour qu'il existe un
engagement unilatéral, constatation fondéesur une sériede déclarations
qui présentent certaines divergences et ne s'accompagnent pas de I'accep-

tation des thèses juridiques du demandeur. De plus, la conclusion de la
Cour sur l'engagement unilatéral concernant la reprise éventuelle des
essais nucléaires dans l'atmosphère ne saurait être considérée,d'après
nous, comme donnant au demandeur le même typeou le même degréde
sécuritéjuridique qu'une déclaration par laquelle la Cour spécifieraitque

ces essais enfreindraient les règlesgénéralesde droit international appli-
cables entre la France et la Nouvelle-Zélande. C'est ce dont témoigne le
fait mêmeque la Cour a dû se contenter de conclure que l'engagement
unilatéral du Gouvernement français ((ne saurait être interprété comme
ayant comporté l'invocation d'un pouvoir arbitraire de revision )) (les
italiques sont de nous) et qu'((il convient de comprendre l'objet préciset

les limites [de l'obligation assumée]dans les termes où ils sont exprimés
publiquement ».
20. Quoi qu'on puisse penser de l'arrêt rendudans l'affaire du Came-
roun septentrional, la Cour a admis à cette occasion qu'il existe une
différence déterminante entre un jugement déclaratoire ayant pour objet

(comme c'eût étéle cas en l'espèce)un traité qui n'est plus en vigueur -
jugement qui peut êtreconsidérécomme ((sans effet » - et un jugement(emphasis added) or "expounds aruleof customary law" (emphasis added).
As to both the latter, the Court said that the declaratory judgment would
have a "continuing applicability" (I.C.J. Reports 1963, p. 37). In other
words, according to the Northern Cameroons case a judgment cannot be
said to be "without effect" or an issue moot when it concerns an analysis
of the continuing applicability of a treaty in force or of customary inter-

national law. That is precisely the situation in the present case.

The present case, as submitted by the Applicant, concerns the con-
tinuing applicability of a potentially evolving customary international
law, elaborated at numerous points in the Memorial and oral arguments.

Whether al1or any of thecontentions of the Applicant could or would not
be vindicated at the stage of the merits is irrelevant to the central issue
that they are not manifestly frivolous or vexatious but are attended by
legal consequences in which the Applicant has a legal interest. In the
language of the Northern Cameroons case, a judgment dealing with them
would have "continuing applicability". Issues of both fact and law remain
to be clarified and resolved.

The distinction drawn in the Northern Cameroons case is thus in
keeping with the fundamental purpose of a declaratory judgment which is
designed, in contentious proceedings involving a genuine dispute, to
clarify and stabilize the legal relations of the parties. By foreclosing any
argument on the merits in the present stage of the proceedings the Court

has precluded this possibility. Accordingly, the Court, in our view, has
not only wrongly interpreted the thrust of the Applicant's submissions, it
has also failed to recognize the valid role which a declaratory judgment
may play in reducing uncertainties in the legal relations of the parties and
in composing potential discord.

21. In paragraph 23 the Judgment states that the Court has "inherent"
jurisdiction enabling it to take such action as may be required. It asserts
that it must "ensure" the observance of the "inherent limitations on the

exercise of the judicial function of the Court" and "maintain its judicial
character". It cites theNorthern Cameroons case in support of these very
generai statements.
Without pausing to analyse the meaning of the adjective "inherent", it
is our view that there is nothing whatever in the concept of the integrity
of the judicial process ("inherent"or otherwise) which suggests, much lessdéclaratoire qui ((interprète un traité restant en vigueur 1)(les italiques
sont de nous) ou ((déjnitune règlede droit international coutumier ))(les
italiques sont de nous). Dans ces deux derniers cas, a dit la Cour, le

jugement déclaratoire ((demeure applicable dans l'avenir)) (C.I.J.
Recueil 1963, p. 37). En d'autres termes, selon l'arrêt rendudans l'affaire
du Camerounseptentrional, un jugement ne saurait être considéré comme
((sans effet))ni une controverse comme sans objet lorsqu'il s'agit d'ana-
lyser I'applicabilitépour l'avenir d'un traité envigueur ou d'une règlede
droit international coutumier. Telle est précisément lasituation dans la
présenteaffaire.

Cette affaire, telle qu'elle a étéexposéepar le demandeur, concerne
I'applicabilitépour l'avenir d'une règlede droit international coutumier
qui pourrait être envoie de formation et qui a fait l'objet de nombreux
développements dans le mémoireet dans les plaidoiries. La question de
savoir si le demandeur pourrait ou non justifier en totalité ou en partie
ses thèses au stade de la procédure sur le fond est sans pertinence: I'es-
sentiel est que son action n'est pas manifestement futile ou vexatoire mais
qu'il s'y attache des conséquencesjuridiques qui présentent pour lui un

intérêten droit. Selon la terminologie employéedans l'affaire du Came-
rounseptentrional, un jugement lesconcernant c(demeure[rait] applicable
dans l'avenir ». Des points litigieux de fait comme de droit restent à
élucideret à trancher.
Ainsi, la distinction établiedans l'affairedu Cameroun septentrional est
conforme au but fondamental d'un jugement déclaratoire qui est, dans
un6 procédurecontentieuse comportant un véritabledifférend, d'éclaircir
et de stabiliser les relations juridiques des parties. En excluant pour

l'avenir, au présentstade de l'instance, toute argumentation sur le fond,
la Cour a rendu un tel résultat impossible. Selon nous, par conséquent,
non seulement elle a mal interprété laportéedes conclusions du deman-
deur mais elle n'a pas su reconnaître le rôle utile qu'un jugement déclara-
toire peut jouer en réduisantles incertitudes des relationsjuridiques entre
les parties et en parant aux conflits éventuels.

21. Il est dit au paragraphe 23 de l'arrêtque la Cour a un pouvoir
((inhérent )) qui l'autorise à prendre toute mesure voulue, et affirmé
qu'elle doit veiller à ((assurer ))le respect des ((limitations inhérentes à

l'exercice de la fonction judiciaire de la Cour » et à ((conserver son
caractère judiciaire)). L'affaire du Cameroun septentrional est citée à
l'appui de ces affirmations très générales.
Sans nous arrêter à analyser la signification de l'adjectif ((inhérent )),
disons que la notion de juste procès dans sa rigueur ne comprend aucun
élément (((inhérent)) ou autre) qui amène, et encore moins oblige, àcompels, the conclusion that the present case has become "without
object". Quite the contrary, due regard forthe judicial function, properly
understood, dictates the reverse.
The Court, "whose function is to decide in accordance with inter-
national law such disputes as are submitted to it" (Art. 38, para. 1,of the
Statute),has the duty to hear and determine the cases it is seised of and is

competent to examine. It has not the discretionary power of choosing
those contentious cases it will decide and those it will not. Not merely
requirements ofjudicial propriety, but statutory provisions governing the
Court's constitution and functions impose upon it the primary obligation
to adjudicate upon cases brought before it with respect to which it
possesses jurisdiction and finds no ground of inadmissibility. In our

view, for the Court to discharge itself from carrying out that primary
obligationmust be considered as highly exceptional and a step to be taken
only when themost cogent considerations ofjudicial propriety so require.
In the present case we are very far from thinking that any such considera-
tions exist.

22. Furthermore, any powers which may attach to "the inherent
jurisdiction" of the Court and its duty "to maintain itsjudicial character"
invoked in the Judgment would, in our view, require it at least to give a
hearing to the Parties or to request their written observations on the
questions dealt with and determined by the Judgment. This applies in
particular to the objectives the Applicant was pursuing in the proceedings,

and to the question of the status and scope of the French declarations
concerning future tests. Those questions could not be examined Sullyand
substantially in the pleadings and hearings, since the Parties had received
definite directions from the Court that the proceedings should "first be
addressed to the questions of the jurisdiction of the Court to entertain the
dispute, and of the adinissibility of the Application". No intimation or

suggestion was ever given to the Parties that this direction was no longer
in effect or that the Court would go into other issues which were neither
pleaded nor argued but which now form the basis for the final disposal
of the case.
It is true that counsel for the Applicant alluded to the first French
declaration of intention during one of the hearings, but he did so only as a

prelude to his treatment of the issues of jurisdiction and admissibility and
in the context of a review of developments in relation to the proceedings.
He was moreover then acting under formal directions from the Court to
deal exclusively with the questions of jurisdiction and admissibility of the
Application. ~onsequentl~, counsel for the Applicant could not and did
not address himself to the specific issues now decided in the Judgment,

namely what were the objectives sought by the Applicant by the judicial
proceedings and whether the French declarations and statements had the
effect of rendering the claim of New Zealand without object.

The situation is in this respect entirely different from that arising in the
Northern Cameroons case where the Parties had full opportunity to plead,conclure que la présente affaire est devenue sans objet. Bien au contraire,
le respect de la fonction judiciaire, convenablement entendue, dicte la
conclusion inverse.

La Cour, ((dont la mission est de réglerconformément au droit interna-
tional les différendsqui lui sont soumis ))(art. 38, par. 1,du Statut), a le
devoir de trancher les affaires dont elle est saisie et qu'elle a compétence
pour examiner. Il n'est pas laisséà sa discrétion d&choisir les affaires
contentieuses sur lesquelles elle statuera ou ne statuera pas. Non seule-

ment les impératifs de la fonction judiciaire mais aussi les dispositions
statutaires régissant la constitution de la Cour et ses attributions lui
imposent l'obligation essentielle de se prononcer sur les affaires qui lui
sont soumises lorsqu'elle est compétente et ne constate l'existence
d'aucun motif d'irrecevabilité. Selon nous, la Cour ne peut se dispenser de

cette obligation essentielle que dans des cas tout à fait exceptionnels et
lorsque les considérations les plus impérieuses touchant ce qui est ap-
proprié à la fonction judiciaire l'exigent. Nous sommes très loin de penser
qu'il existe en I'espÊce de telles considérations.
22. Au surplus, ce pouvoir ((inhérent ))et ce devoir ((de conserver son

caractère judiciaire ))qu'aurait la Cour et dont parle l'arrêt exigeraient
pour le moins, selon nous, qu'elle entende les Parties ou leur demande de
présenter des abservations écrites sur les questions traitées et tranchées
par l'arrêt. Cela s'applique en particulier à la question des objectifs que
poursuivait le demandeur en introduisant l'instance et à celle de la valeur

et de la portée des déclarations faites par la France au sujet des essais
futurs. Ces questions n'ont pu faire l'objet d'un examen détailléau fond
au cours de la procédure écriteou orale puisque, selon la directive précise
donnée aux Parties par la Cour, la procédure devait porter ((d'abord sur
la question de la compétence de la Cour pour connaître du différendet sur

celle de la recevabilité de la requête 1).On n'a jamais signifiéou laissé
entendre aux Parties que cette directive n'étaitplus valable ni que la Cour
aborderait d'autres questions qui n'ont éténi plaidées ni discutéeset sur
la base desquelles pourtant l'affaire est définitivement classée.

IIest vrai que le conseil du demandeur a fait allusion, pendant l'une des
audiences, à la première déclaration d'intention de la France mais ilne l'a
fait que pour préluder à son analyse des questions de compétence et de
recevabilité et dans le cadre d'un examen général desfaits intéressant
l'instance. II avait d'ailleurs alors pour instruction formelle de la Cour de

s'en tenir exclusivement aux questions relatives à la compétence et à la
recevabilité de la requête.Aussi le conseil du demandeur ne pouvait-il
traiter - et ilne l'a pas fait - des questions particulières sur lesquelles la
Cour se prononce dans l'arrêt, celles de savoir quels objectifs visait le
demandeur en engageant une procédure judiciaire et si les diverses
déclarations faites par la France ont eu pour effet d'ôter tout objet à la

demande de la Nouvelle-Zélande.
La situation, à cet égard,est entièrement différentede celle de l'affaire
du Cameroun septentrional, dans laquelle les Parties avaient eu touteboth orally and in writing, the question whether the claim of the Applicant
had an object or had become "moot" before this was decided by the
Court.
Accordingly, there is a basic contradiction when the Court invokes its
"inherent jurisdiction" and its "judicial character" to justify itsdisposal
of the case, while, at the same time, failing to accord the Applicant any
opportunity whatever to present a countervailing argument.
No-one doubts that the Court has the power in its discretion to decide
issues ex proprio motu. The real question is not one of power, but whether
the exercise of power in a givencase isconsonant with the dueadministra-
tion ofjustice. For al1the reasons noted above, we are of the viewthat, in

this case, to decide the issue of "mootness" without affording the Ap-
plicant any opportunity to submit counter-arguments is not consonant
with the due administration ofjustice.

In addition, we think that the Respondent should at least have been
notified that the Court was proposing to consider the possible effect on
the present proceedings of declarations of the French Government
relating to its policy in regard to the conduct of atmospheric tests in the
future. This was essential, wethink, sinceit might, and did in fact lead the
Court to pronounce upon nothing less than France's obligations, said to
have been unilaterally undertaken, with respect to the conduct of such
tests.
23. The conclusions above are reinforced when consideration is paid
to the relationship between the issue of mootness and the requirements of
the judicial process.
It is worth observing that a finding that the Applicant's claim no
longer has any object is only another way of saying that the Applicant no

longer has any stake in the outcome. Located in the context of an adver-
sary proceeding, the implication is significant.

If the Applicant no longer has a stake in the outcome, i.e., if the case is
really moot, then the judicial process tends to be weakened, inasmuch as
the prime incentive for the Applicant to argue the law and facts with
sufficient vigour and thoroughness is diluted. This is one of the reasons
which justifies declaring a case moot, since the integrity of the judicial
process presupposes the existence of conflicting interests and requires not
only that the parties be accorded a full opportunity to explore and expose
the law and facts bearing on the controversy but that they have the
incentive to do so.

Applied to the present case, it is immediately apparent that this reason
for declaring a case moot or without object is totally missing, a conclu-
sion'which is not nullified by the absence of the Respondent in this
particular instance.
The Applicant, with industry and skill, has already argued the nature
of its continuing legal interest in the dispute and has urged upon the

53 possibilitéde plaider, tant oralement que par écrit,la question de savoir si
la prétention du demandeur avait ou non perdu son objet avant que la
Cour ne se prononce sur ce point.
On se trouve donc devant une contradiction fondamentale quand la
Cour invoque son ((pouvoir inhérent ))et son ((caractèrejudiciaire 1pour
sedispenserd'examiner l'affairetout en refusant de donner au demandeur
la possibilitéde présenter des arguments en sens contraire.
Nul ne douteque la Cour ait lepouvoir de statuer d'officesur lespoints
qui lui paraissent appeler une décision.La véritable question n'est pas de

savoir si ellea tel ou tel pouvoir mais si dans un cas d'espèce l'exercicede
ce pouvoir est compatible avec la bonne administration de la justice.
Pour toutes les raisons indiquées ci-dessus, nous estimons que, dans la
présente espèce, le fait de déciderde I'absence d'objet sans donner au
demandeur la possibilité de présenterdes conclusions en sens contraire
n'est pas compatible avec la bonne administration de lajustice.
Nous pensons en outre que le défendeur aurait dû au moins être in-
formé que la Cour se proposait d'examiner les conséquences que pou-
vaient avoir sur la procédure en cours les déclarationsdu Gouvernement
français relatives sa politique future en matièred'essaisatmosphériques.
C'était à notre avis indispensable car la Cour pouvait être amenée,

comme elle l'aen effetété , rendre un prononcé dont l'objet n'étaitrien
de moins que les obligations de la France - que celle-ciaurait assumées
unilatéralement - concernant lesdits essais.
23. L'examen du lien qui existe entre la question de l'absence d'objet
et les exigences d'une bonne justice ne fait que renforcer les conclusions
ci-dessus.
IIn'est pas inutile de souligner que conclure que l'action du demandeur
n'a plus d'objet n'est qu'une autre façon de dire que l'issue de cette
action ne présente pluspour ledemandeur aucun intérêtD . ans la perspec-
tive d'une procédure contradictoire, une telle affirmation est lourde de
conséquences.
Si le demandeur n'a plus d'intérêe tn jeu dans l'affaire, c'est-à-dire si

celle-ci estvraiment sans objet, I'action en justice tend à êtreaffaiblie,
dans la mesure où ce qui incite principalement le demandeur à faire valoi'r
ses moyens de droit et de fait avec suffisamment de vigueur et,de cons-
cience perd de sa force. C'est là un des motifs qui peuvent justifier qu'on
déclare uneaffaire sans objet, car le fonctionnement d'une bonne justice
présuppose l'existence d'un conflit d'intérêts et exige non seulement que
les parties aient toute possibilitéde rechercher et de présenterles moyens
de droit et de fait se rapportant au litige mais aussi qu'elles aient une
raison suffisante de le faire.
En l'espèce, il apparaît immédiatement que ce motif pour déclarer
I'affaire sans objet (moot) fait totalement défaut, conclusion que ne
détruit nullement la non-comparution du défendeur.

Le demandeur a déjàexposéavec zèleet habiletéla nature de l'intérêt
juridique qu'il continue à avoir dans le différendet a fait valoir avec in-
53Court the need to explore the matter more fully at the stage of the merits.
The inducement to do so is hardly lacking in light of the Applicant's
submissions and the nature and purposes of a declaratoryjudgment.

24. Furthermore the Applicant's continued interest is manifested by

itsconduct. If, as the Judgment asserts, al1the Applicant's objectives have
been met, it would have been natural for the Applicant to have requested
a discontinuance of the proceedings under Article 74 of the Rules. This it
has not done. Yet this Article, together with Article 73 on settlement,
provides for the orderly regulation of the termination of proceedings once
these have been instituted. Both Articles require forma1 procedural

actions by agents, in writing, so as to avoid misunderstandings, protect
the interests of each of the two parties and provide the Court with the
certainty and security necessary in judicial proceedings.

25. Finally, we believe the Court should have proceeded, under
Article 36 (6) and Article 53 of the Statute, to determine its own juris-
diction with respect to the present dispute. This is particularly important
in this case because the French Government has challenged the existence

of jurisdiction at the time the Application was filed, and, consequently,
the proper seising of the Court, alleging that the 1928 General Act is not
a treaty in force-and that the French reservation concerning matters of
national defence made the Court manifestly incompetent in this dispute.
In the Northern Cameroons case, invoked in paragraph 23 of the
Judgment, while the Respondent had raised objections to the jurisdiction

of the Court, it recognized that the Trusteeship Agreement was aconven-
tion in force at the time of the filing of the Application. There was no
question then that the Court had been regularly seised by way of applica-
tion.
26. In our view, for the reasons developed in the second part of this
opinion, the Court undoubtedly possesses jurisdiction in this dispute. The

Judgment, however, avoids the jurisdictional issue, asserting that ques-
tions related to the observance of "the inherent limitations on the exercise
of the Court's judicial function" require to be examined in priority to
matters of jurisdiction (paras. 22 and 23). We cannot agree with this
assertion. The existence or lack of jurisdiction with respect to a specific
dispute is a basic statutory limitation on the exercise of the Court's

judicial function and should therefore have been determined in the
Judgment as Article 67, paragraph 6, of the Rules of Court seems clearly
to expect.

27. It is difficult for us to understand the basis upon whlch the Court sistance devant la Cour la nécessitéd'approfondir la question lorsque
l'affaire serait examinée au fond. On peut difficilement dire qu'il man-

quait de raison d'agir, l'on considèresesconclusions ainsi que la nature
et le but d'un jugement déclaratoire.
24. De plus, le demandeur a manifestépar sa conduite l'intérêt qu'il
continue àporter à I'affaire. Si,comme l'affirmel'arrêt,tous les objectifs
du demandeur étaient atteints, celui-ci aurait normalement dû se désister
deson action conformément à l'article 74 du Règlement.Il ne l'apasfait.
Or cet article, avec l'article 73 sur les arrangements amiables, règle la
manière de mettre fin à une instance une fois que celle-ci a étéengagée.
Ces deux articles exigent des actes de procédure formels et écrits de la
part des agents, de manière à éviterles malentendus, à protéger les in-
térêts respectifs des parties etoffrirà la Cour la certitude et la sécurité
qui sont nécessairesdans une procédurejudiciaire.

25. Enfin, nous estimons que la Courauraitdû, en vertu de I'article36,
paragraphe 6, et de I'article 53du Statut, trancher la question de sa com-
pétence à l'égarddu présent différend. C'étaitd'autant plus important
qu'en l'espècele Gouvernement français a contesté que la Cour fût com-
pétente à la date du dépôtde la requête et,par conséquent,qu'elle eût été
régulièrementsaisie; il a soutenu quel'Actegénéralde 1928n'était plus un
traitéen vigueur et que la réservede la France relative aux questions de
défensenationale rendait la Cour manifestement incompétente dans le
présent différend.Dans l'affaire du Cameroun septentrional, invoquéeau
paragraphe 23 de l'arrêt, le défendeur avait bien soulevé desexceptions

d'incompétence maisil reconnaissait que l'accord de tutelle étaitune con-
vention en vigueur au moment du dépôtde la requête.Dès lors, ilétait
incontestable que la Cour avait étérégulièrement saisiepar voie de re-
quête.
26. Selon nous, il ne fait pas de doute, pour les raisons qui sont déve-
loppéesdans la deuxièmepartie de notre opinion, que la Cour soit com-
pétentepour connaitre du présentdifférend.Dans l'arrêt, cependant,elle
éludele problème juridictionnel, affirmant que les questions relatives au
respect ((deslimitations inhérentesàl'exercicede la fonction judiciaire de
la Cour » doivent êtreexaminéespréalablementaux problèmes de compé-
tence (par. 22 et 23). Nous ne pouvons souscrire à cette affirmation. La
compétencequ'a oii non la Cour de connaîtred'un différenddonnécons-
titue une limitation statutaire fondamentale de l'exercicede sa fonction
judiciaire et laour aurait donc dû se prononcer sur cepoint dans l'arrêt,

ainsi qu'il paraît clairement ressortir de I'article 67, paragraphe 6, de son
Règlement.
27. 11 nous est difficile de comprendre comment la Cour pouvaitarriver, en fait et en droit, à des conclusions de fond comme celles qui
imposent à la France une obligation internationale de s'abstenir de nou-

veaux essais nucléaires dans le Pacifique d'où la Cour déduit que l'affaire
((ne comporte plus d'objet » sans conclure au préalable qu'elle était
valablemement saisie du différend etavait compétence pour en connaître.
L'arrêt reconnaît implicitement qu'un différend existait à la date de la

requête,ce qui distingue cette affaire de celles où la question centrale est
de savoir s'il existait ab initi un différend quelconque. Les conclusions
énoncéespar la Cour dans d'autres affaires au sujet de l'existence d'un
différend à la date de la requête étaient fondéessur le pouvoir qu'a la
Cour de se prononcer sur sa propre compétence aux termes du Statut.

Mais dans la présente espèce la Cour a renoncé à exercer ce pouvoir
statutaire. Selon l'arrêt,le différendaurait disparu ou serait résolu dufait
d'engagements résultant de déclarations unilatérales à l'égard desquelles
la Cour ((tient qu'elles constituent un engagement comportant des effets

juridiques )(par. 53) et ((constateque la France a pris l'engagement de ne
plus procéder à des essais nucléaires en atmosphère dans le Pacifique
Sud 1)(par. 55). Pour parvenir à de pareilles constatations la Cour doit
posséder une compétence qui l'autorise à examiner et à préciserles effets

juridiques de certaines déclarations qu'elle estime pertinentes et liéesau
différend originaire. Invoquer un prétendu ((pouvoir inhérent qui I'auto-
rise à ...assurer le règlement régulierde tous les points en litige )),comme
elle le fait au paragraphe 23 de l'arrêt,ne suffit pas à fonder les conclu-

sions par lesquelles elle se prononce, dans cet arrêt, sur les droits et les
obligations de fond des Parties. II semble que l'arrêtdonne une inter-
prétation extensive de ce pouvoir inhérent ((sur la base duquel la Cour est
pleinement habilitée à adopter toute conclusion éventuellement nécessaire
aux fins ))d'assurer ((le règlement régulier de tous les points en litige 1)

(par. 23). Mais une interprétation aussi large du prétendu ((pouvoir inhé-
rent )) obscurcit la distinction entre la compétence conféréeà la Cour
par le Statut et celle qui résulte de l'accord des Etats. Ce serait donc un
moyen facileet inadmissiblede tourner une exigence fondamentale solide-

ment établie par la jurisprudence de la Cour et le droit international en
général,à savoir que la compétence de la Cour est fondée sur le consente-
ment des Etats.

28. Force est donc de conclure, nous semble-t-il, que la Cour, en
rendant leprésentarrêt,a exercé unecompétencede fond sans commencer
par établir l'existence de cette compétence et les bases juridiques sur
lesquelles elle repose. A la vérité laposition juridictionnelle adoptée par
la Cour dans son arrêt nous paraît receler une contradiction manifeste. Si

le prétendu ccpouvoir inhérent ))est considérépar la Cour comme I'auto-
risant à décider que la France a désormais l'obligation juridique de ne
plus faire d'essais nucléairesen atmosphère dans l'océan PacifiqueSud,
pourquoi ne l'autoriserait-il pas aussi à décider,sur la base de cette même

obligation internationale, que les droits de la Nouvelle-Zélande au regard
du droit international ((seront enfreints par tout nouvel essai ))?Autre-further such tests"? In other words, if the Court may pronounce upon
France's legal obligations with respect to atmospheric nuclear tests, why
does it not tlraw from thispronouncementtheappropriate conclusions in
relation to the Applicant's submissionsinstead of finding them no longer
to have an:/ object?

Since we consider a finding both as to the Court's jurisdiction and as

to the admissibility of the Application to be an essential basis for the
conclusions reached in the Judgment as well as for Our reasons for
dissenting from those conclusions, we now proceed to examine in turn the
issues of jurisdiction and admissibility which confront the Court in the
present case.

29. The bases on which, in paragraph 11 of her Application, New
Zealand seeks to found the jurisdiction of the Court in the present case
are, for present purposes, precisely the same as those invoked by Australia
in the other Nuclear Testscase now before the Court, namely:

(a) Article 17of the General Act of Geneva for the Pacific Settlement of
International Disputes of 1928, in combination with Articles 36 (1)

and 37 of the Statute of the Court,and
(b) the declarations respectively of New Zealand and France under
Article 36 (2)-the optional clause-of the Statute, in combination
with paragraph 5of the same Article.

True, there are some differences in the reservations made by New Zealand
and Australia to their respective declarations under the optional clause.
But these differences are immaterial in the context of the Nuclear Tests
cases, while their reservations to their accessions to the 1928 Act are
identical. The only other difference is that New Zealand's declaration

under the optional clause, unlike that of Australia, was made prior to the
dissolution of the Permanent Court of International Justice and therefore
requires theoperation of Article 36(5) of the Statute to make it applicable
with respect to this Court. Again, however, this difference is immaterial
in the present context.

30. Our views on the question whether the bases of jurisdiction invoked

by New Zealand sufficeto invest the Court withjurisdiction in the present
case are the same as those which we have expressed in full in Ourjoint
dissenting opinion in the Nuclear Tests case brought against France by ment dit, si la Cour peut se prononcer sur les obligations juridiques de la
France en matière d'expérimentation nucléaire dans l'atmosphère, pour-
quoi n'en tire-t-elle pas les conclusions voulues quant aux demandes
du requérant au lieu de lesjuger désormaissans objet?

Considérant qu'il est indispensable de déterminer si la Cour était
compétente et la requêterecevable pour justifier tant les conclusions de
l'arrêtque nos raisons de ne pas y souscrire, nous examinerons à présent
successivement les problèmes de compétence et de recevabilité qui se
posaient à la Cour dans la présente affaire.

29. Les bases sur lesquelles, au paragraphe 11 de sa requête,la Nou-
velle-Zélandecherche à établir la comdtence de la Cour dans la rése ente
affaire sont, pour ce qui nous intéresse, précisément les mêmeqsue celles
qu'invoque l'Australie dans l'autre affaire des Essais nucléaires dont la
Cour est actuellement saisie, c'est-à-dire:

a) l'article 17 de l'Acte généralde Genève pour le règlement pacifique
des différends internationaux de 1928, rapproché des articles 36,

paragraphe 1, et 37 du Statut de la Cour, et
6) les déclarations faites par la Nouvelle-Zélande et la France en vertu
de l'article 36, paragraphe 2, c'est-à-dire de la clause facultative du
Statut, rapproché du paragraphe 5 du mêmearticle.

Il existe assurément certaines différencesentre les réservesapportées par
la Nouvelle-Zélande et l'Australie à leurs déclarations respectives d'ac-
ceptation de la clause facultative, mais ces différences ne jouent aucun
rôle dans les affaires desEssais nucléaires .n revanche les réservesaccom-

pagnant les adhésions des deux Etats à l'Acte de 1928sont identiques. Le
seul autre trait distinctif est qu'à la différencede l'Australie, la Nouvelle-
Zélande a accepté la clause facultative avant la dissolution de la Cour
permanente de Justice internationale; il faut donc faire appel à I'ar-
ticle 36, paragraphe 5, du Statut pour que sa déclaration d'acceptation

s'a- -iq-e à la Cour actuelle. Mais encore une fois cette différence ne
joue aucun rôle ici.
30. Pour déterminer si les titres dejuridiction invoqués par la Nouvelle-
Zélande suffisent à conférer compétenceà la Cour dans la présente affaire
les considérations dont nous partons sont celles que nous avons exposées

en détaildans notre opinion dissidente communeen l'affaire australienne.Australia. Since for present purposes there is no material difference
between the bases of jurisdiction invoked in the two cases, we think it
sufficient to say here that, subject to one exception, the observations
which we have made in the Nuclear Tests case brought by Australia
against France also apply,mutatis mutandis, in the present case. The one
exception is that paragraphs 92-93 of our observations in that case,la-
ting to an alleged breach of the General Act of 1928by Australia in Sep-
tember 1939are not applicable with respect to New Zealand. Unlike that
of Australia, New Zealand's reservation to the Act, designed to exclude
disputes in regard to matters arising out of a war in which she might be
engaged, was notified in February 1939at thesame time as that of France
herself and in conformity with Article 39of theAct; and, in consequence,
no question of an alleged breach of the Act could even be suggested in the

case of New Zealand.

Accordingly, as in the Nuclear Tests case brought by Australia against
France, we conclude that Article 17 of the 1928Act provides in itself a
valid and sufficient basis for the Applicant to establish the jurisdiction
of the Court. It follows that, as was said by the Court in the Appeal
Relating to the Jurisdiction of the ICA0 Council case, "it becomes
irrelevant to consider the objections to other possible bases of juris-
diction" (I.C.J. Reports 1972, at p. 60).

PART III. THEREQUIREMEN TFSARTICLE 17OF THE 1928ACT
AND THE ADMISSIBILIT OFYTHE APPLICATION

31. In our view, it is clear that there are no grounds on which the
Applicant's claim might be considered inadmissible. The extent to which
any such proposed grounds are linked to the jurisdictional issue or are
considered apart from that issue will be developed in this part of our
opinion. At the outset we affirm that there is nothing in the concept of
admissibility which should have precluded the Applicant from being
given the opportunity of proceeding to the merits. This observation
applies, in particular, to the contention that the claim of the Applicant
reveals no legal dispute, or, put differently, that the dispute is exclusively
of a political character and thus non-justiciable.

32. Under the terms of Article 17 of the 1928 Act, the jurisdiction
which it confers on the Court is over "al1 disputes with regard to which
the parties are in conflict as to their respective rights" (subject, of course,
to any reservations made under Article 39 of the Act). Article 17goes on
to provide: "It js understood that the disputes referred to above include

in particularthose mentioned in Article 36 ofthe Statute of the Permanent
Court. .." The disputes "mentioned in Article 36 of the Statute of the
Permanent Court" are the four classes of legal disputes listed in the
optional clause of that Statute and of the present Statute. Moreover,Comme, du point de vue qui nous intéresseici, il n'y a pas de différence
notable entre les titres de juridiction invoqués dans les deux instances, il
nous paraît suffisant d'indiquer que sauf sur un point ce que nous avons
dit dans l'affaire introduite par l'Australie contre la France s'applique
mutatis mutandis. L,'exception est que les paragraphes 92-93 que nous
avons consacrés dans ladite affaire à une prétendue violation de l'Acte

généralde 1928 que l'Australie aurait commise en septembre 1939 ne
concernent pas la Nouvelle-Zélande.Contrairement à celle de l'Australie,
la réserveà l'Acte faite par la Nouvelle-Zélandeafin d'exclure lesdiffé-
rends relatifsà des questions qui surgiraienà l'occasion d'une guerre à
laquelle la Nouvelle-Zélande participerait a éténotifiéeen février 1939,
au mêmemoment que celle de la France elle-mêmeet conformément à
l'article 39 de l'Acte; rien n'aurait donc permis mêmede suggérerl'exis-
tence d'une prétendue violation de l'Acte dans le cas de la Nouvelle-
Zélande.
En conséquence,comme dans l'affaire desEssais nucléairesintroduite

par l'Australie contre la France, nous concluons que l'article 17de l'Acte
de 1928constitue en lui-mêmeun titre régulieret suffisant qui permet au
requérantd'établirla compétence dela Cour. Il en découleque, commela
Cour l'a déclarédans l'affaire de l'Appel concernant la compétencedu
Conseilde I'OACI, ((ilest sans pertinence d'examiner lesobjections visant
d'autres fondements possibles de sa compétence » (C.I.J. Recueil 1972,
p. 60).

TROISIÈME PARTIE. LES CONDITIONS POSÉESPAR L'ARTICLE 17

DE L'ACTE DE 1928 ET LA RECEVABILITÉDE LA REQUÊTE

31. 11nous parait évidentqu'il n'existeaucun motif qui autoriseraità
considérer la demande comme irrecevable. Nous nous proposons d'exa-
miner dans cette partie de notre opinion dans quelle mesure les motifs qui
peuvent êtreinvoqués se rattachent à la question de la compétence ou
sont présentés à part. Nous affirmons dès le départ que le concept de
recevabilité necomporte aucun élémentqui soit de nature à priver le
requérant de la possibilitéd'un examen au fond. Cette observation s'ap-
plique, en particulier, l'affirmation selon laquelle la demande ne révèle

l'existence d'aucun différendd'ordre juridique ou encore selon laquelle il
s'agit d'un différendde caractère exclusivement politique et par suite non
justiciable.
32. Aux termes de l'article 17de l'Acte de 1928,lajuridiction conférée
à la Cour comprend tous différendsau sujet desquels les parties se con-
testeraient réciproquement un droit ))(mis à part, évidemment, ceux
qui seraient réservés envertu de I'article 39 de l'Acte). L'article 17
poursuit: ((11est entendu que les différends ci-dessusviséscomprennent
notamment ceux que mentionne l'article 36 du Statut de la Cour perma-
nente...» Les différends ((que mentionne l'article 36du Statut de la Cour
permanente ))sont les quatre catégories de différendsd'ordre juridique

énuméréed sans la clause facultative de ce Statut et du Statut actuel. Desubject to one possible point which does not arise in the presenr case 1,it
is generally accepted that these four classes of "legal disputes" and the
earlier expression in Article 17 "al1 disputes with regard to which the
parties are in conflict as to their respective rights" have toal1intents and
purposes the same scope. It follows that what is a dispute "with regard
to which the parties are in conflict asto their respective rights" will also
be a dispute which falls within one of the four categories of legaldisputes
mentioned in the optional clause and viceversa.
33. In the present proceedings New Zealand has described the subject
of the dispute in paragraphs 2-10of her Application. Interalia, she States
that, in a series of diplomatic Notes beginning in 1963, she repeatedly
voiced to the French Government her opposition to France's conduct of
atmospheric nuclear tests in the South Pacific region; that in a letter of

9 March 1973 from the New Zealand Prime Minister to the French
Foreign Minister she made known her view that France's conduct of
such tests was a violation of New Zealand's rights under international
law, including its rights in respect ofareas over which it has sovereignty;
that the French Government in turn made it plain that it did not accept
that view; and that, accordingly, there is a dispute between the two
Governments "as to the legality ofatmospheric nuclear tests in the South
Pacific region". After various observations on the facts and the law, New
Zealand sets out, seriatim, in the concluding paragraph of her Application
five separate categories of rights which she claims to be violated by
France's atmospheric nuclear tests. In her submission she then asks the
Court to adjudge and declare:

". ..that the conduct by the French Government of nuclear tests in
the South Pacific region that give rise to radio-active fall-out con-
stitutes a violation of New Zealand's rightsunder international law,
and that these rights will be violated by any further such tests".

34. Prime facie, it is difficult to imagine a dispute which in its subject-
matter and in its formulation is more clearly a "legal dispute" than the
one submitted to the Court in the New Zealand Application. Indeed, in
the Court's Order of 22 June 1973,it was characterized as "a dispute as
to the legality of atmospheric tests in the South Pacific region". The
French Government itself seems to have placed the dispute on a legal
plane when, in the French Ambassador's letter of 19 February 1973
addressed to the New Zealand Prime Minister, it expressed the hope that

1 Cf. the different opinions of Judges Badawi and Lauterpacht in the Certain
Norwegian bans case on the question whether a dispute essentially concerning the
application of municipal law falls within the classes of legal disputes listed in Article 36
(2) of the Statute; I.C.J. Reports 1957, at pp. 29-33 and 36-38.plus, sauf peut-être sur un point qui n'intervient pas dans la présente

affaire 1, on admet généralementque la portéede ces quatre catégoriesde
((différendsjuridiques ))est pratiquement identique à celle de la formule
((tous différendsau sujet desquels les parties se contesteraient réciproque-
ment un droit » que l'on trouve auparavant dans l'article 17. Par suite, un

différend ((au sujet duquel les parties se contesteraient réciproquement
un droit » appartient aussi à l'une des quatre catégories de différends
juridiques mentionnéesdans laclausefacultative et viceversa.
33. Dans la présente instance, la Nouvelle-Zélande a précisél'objet du

différendaux paragraphes 2 à 10de sa requête.Elle y déclarenotamment
que, dans une sériede notes diplomatiques remises à partir de 1963,elle a
maintes fois fait connaître au Gouvernement français son opposition à la
poursuite, par la France, d'essais nucléairesen atmosphère dans la région

du Pacifique Sud; que dans une lettre du 9 mars 1973du premier ministre
de la Nouvelle-Zélande au ministre des affaires étrangèresde u la Ré~u-
blique française, elle a fait savoir qu'à son avis cesexpériencesde la France
violaient les droits uue la Nouvelle-Zélande tient.du droit international. v
, d
compris ses droits iil'égardde régionssur lesquelles elle exerce sa souve-
raineté; que le Gouvernement français pour sa part a clairement indiqué
qu'il n'acceptait pas cette thèse; et qu'il y a donc un différend entre les
deux gouvernemen1:s ((en ce qui concerne la légalitédes essais nucléaires

atmosphériques dans la régiondu Pacifique Sud 1).Après diverses obser-
vations concernant les faits et le droit. la Nouvelle-Zélande énumère.au
dernier paragraphe de sa requête, cinq catégories distinctes de droits
qu'elle dit êtrevioléspar les essais français en atmosphère. Dans ses con-

clusions, elle prie alors la Cour de dire et juger:

((que les essais nucléaires provoquant des retombées radioactives
effectuéspar le Gouvernement français dans la région du Pacifique

Sud constituent une violation des droits de la Nouvelle-Zélande au
regard du droit international et que ces droits seront enfreints par
tout nouvel essai 1).

34. A première vue, il est difficile d'imaginer un litige constituant plus
clairement, par son objet et par sa formulation, un (tdifférendjuridique ))
que celui dont la Cour est saisie dans la requêtede la Nouvelle-Zélande.
D'ailleurs la Cour, dans son ordonnance du 22 juin 1973, en a parlé

comme d'un différend concernant la légalitédes essais nucléaires réa-
lisésen atmosphère dans la région du Pacifique Sud )).Le Gouvernement
français lui-même:sembleavoir situé le différend sur un plan juridique
lorsque, dans la lettre du 19février1973adresséeau premier ministre de la

1 Voir les opinions divergentes de MM. Badawi et Lauterpacht dans l'affaire de
Certains emprunts norvégienssur la question de savoir si un différend qui porte essen-
tiellement sur l'application du droit interne rentre dans les catégories de différends
juridiques énuméréesà l'article 36, paragraphe 2, du Statut; C.I.J. Recueil 1957à p. 29
33 et 36 a 38.the Government of New Zealand would "refrain from any act which
might infringe the fundamental rights and interests of France". Moreover,
neither in .its letter of 16 May 1973, addressed to the Court, nor in the
Annex enclosed with that letter, did the French Government for a

moment suggest that the dispute is not a dispute "with regard to which
the parties are in conflict as to their respective rights" or that it is not a
"legal dispute". Although in that letter and Annex the French Govern-
ment advanced a whole series of arguments for the purpose of justifying
its contention that the jurisdiction of the Court cannot be founded in the
present case on the General Act of 1928,it did not question the character

of the dispute as a "legal dispute" for the purposes of Article 17 of the
Act.

35. In the Livre blanc sur les expériencesnucléaires published in June
1973, however, the French Government did take the stand that the
dispute is not a legal dispute. Chapter II, entitled "Questions juridiques"

concludes with a section on the question of the Court's jurisdiction, the
final paragraph of which reads:

"La Cour n'est pas compétente, enfin, parce que l'affaire qui lui
est soumise n'est pas fondamentalement un différend d'ordre
juridique. Elle se trouve, en fait et par divers biais, invitéeà prendre

position sur un problème purement politique et militaire. Ce n'est,
selon le Gouvernement français, ni son rôle ni sa vocation." (P. 23.)

This clearly is an assertion that the dispute is one concerned with matters
other than legal and, therefore, not justiciable by the Court.

36. Complying with the Court's Order of 22 June 1973, New Zealand
submitted her observations on the questions of the jurisdiction of the
Courtand the admissibility of the Application. In doing so, she expressed
her views on the question of the political or legal nature of the dispute;
and under the rubric of "admissibility" she furnished further explanations

concerning "the nature of the claim which is the subject of the dispute"
and "the legal rights for which New Zealand seeks protection". In these
connections she restated, in the same terms as in the Application and
request for interim measures of protection, the five different heads of
legal rights by reference to which she asks the Court to characterize
France's nuclear atmospheric tests as illegal. These are as follows:

"(a) the rights of al1 members of the international community,
including New Zealand, that no nuclear tests that give rise to

radio-active fall-out be conducted ;
(6) the rights of al1 members of the international community,
including i.,w Zealand, to the preservation from unjustified
artificial radio-active contamination of the terrestrial, maritimeNouvelle-Zélande par l'ambassadeur de France, il a exprimél'espoir que
le Gouvernement néo-zélandais (s'abstiendra[it] de tout acte de natureà
porter atteinte aux droits et intérêtsfondamentaux de la France)). De
plus, ni dans sa lettre du 16mai 1973 à la Cour, ni dans l'annexe à cette
lettre, le Gouvernement français n'a aucunement laisséentendre que le
différend n'étaitpas un différend ((au sujet ... [duquel] les parties se con-

testeraient réciproquement un droit )),ou qu'il n'étaitpas un différend
juridique)). Bien que, dans cette lettre et dans son annexe, le Gouverne-
ment français ait présentétoute une séried'arguments pour justifier son
affirmation d'après laquelle la compétence de la Cour ne saurait être
fondéesur l'Acte généralde 1928dans la présenteaffaire, il n'a pas con-
testéque ledifférendait lecaractèred'un (différendjuridique »aux finsde
l'article17 de cet Acte.
35. Dans son Livre blanc sur les expériences nucléaires publié ejnuin
1973,le Gouvernement français adopte néanmoins le point de vue selon
lequel ilne s'agit pas d'un différendjuridique. Le chapitre II, intitulé

((Questions juridiques ))s'achèvesur une section relative à la compétence
de la Cour, dont le paragraphe finalest ainsi rédigé:

((La Cour n'est pas compétente, enfin, parce que l'affaire qui lui
est soumise n'est pas fondamentalement un différendd'ordre juri-
dique. Elle se trouve, en fait et par divers biais, invitée à prendre
position sur un problème purement politique et militaire. Ce n'est,
selon le Gouvernement français, ni son rôle ni sa vocation. »(P. 23.)

Cela équivautclairement à affirmer que le différendporte sur des ques-

tions d'un domaine autre que juridique et ne peut donc êtretranché par
une décisionde la Cour.
36. Conformément à l'ordonnance du 22 juin 1973, la Nouvelle-
Zélandea présenté des observations sur lesquestions de la compétencede
la Cour et de la recevabilitéde la requête.Ce faisant, elle a exprimé son
avis sur la nature politique ou juridique du différend;et sous la rubrique
de la ((recevabilité ))elle a fourni d'autres explications concernant la
((nature de la demande qui fait l'objet du différend»et les ((droits dont la
Nouvelle-Zélande sollicitela protection n.A propos de ces points, elle a
de nouveau énuméréd , ans les mêmes termesque ceux de la requêteet de

la demande en indication de mesures conservatoires, lescinq catégories de
droits distinctes au regard desquels elle prie la Cour de qualifier d'illicites
les essais nucléaires atmosphériques de la France. Ces droits sont les
suivants :
((a) lesdroits de tous lesmembres de la communauté internationale,

y compris la Nouvelle-Zélande, à ce qu'aucune expérience
nucléaireprovoquant des retombées radioactives n'ait lieu;
b) lesdroits de tous lesmembres de la communauté internationale,
y compris la Nouvelle-Zélande, à ce que le milieu terrestre,
maritime et aériensoit protégécontre une contamination injus- and aerial environment and, in particular, of the environment
of the region in which the tests are conducted and in which
New Zealand, the Cook Islands, Niue and the Tokelau Islands
are situated;
(c) the right of New Zealand that no radio-active material enter
the territory of New Zealand, the Cook Islands, Niue or the

Tokelau Islands, includingtheir air space and territorial waters,
as a result of nuclear testing;
(d) the right of New Zealand that no radio-active material, having
entered the territory of New Zealand, the Cook Islands, Niue
or the Tokelau Islands, including their air space and territorial

waters, as a result of nuclear testing, cause harm, including
apprehension, anxiety and concern, to the people and Govern-
ment of New Zealand and of the Cook Islands, Niue and the
Tokelau Islands;
(e) the right of New Zealand to freedom of the high seas, including
freedom of navigation and overflight and the freedom to

explore and exploit the resources of the sea and the seabed,
without interference or detriment resulting from nuclear
testing."

At the same time, she characterized the rights which she asserts under
heads (a) and (6) as "shared", in the sense that they are held in common
with other members of the international community and the correspond-
ing obligation is one owed erga omnes; but stressed that the rights which
she asserts under heads (c), (d) and (e) are not "shared" rights in that

sense.
37. In a written reply to questions from a Member of the Court the
Agent for New Zealand also presented certain explanations regarding:
(i) the elements which she considers to constitute the right asserted under
head (c) that no radio-active material enter the territory of New Zealand,
the Cook Islands, Niue or the Tokelau Islands and, in particular,

regarding the relevance or otherwise of harm or potential harm as an
element in the violation of that right; and (ii) the basis upon which she
considers that a distinction may be drawn between a lawful and unlawful
interference with the freedom of the high seas by the declaration of a zone
of the high seas reserved for military purposes in time of peace.

38. Under the rubric of admissibility New Zealand presented her
views on the question, mentioned in paragraph 24 of the Order of 22 June
1973, of her "legal interest" in respect of the claims put forward in her
Application. With regard to the rights under heads (c), (d) and (e), said
to be based on obligations owed to New Zealand individually, she

maintained that her legal interest is of a "direct, immediate and un-
complicated kind". She stated that each series of tests, including those
carried out in 1973 and 1974 after the filing of the Application, has
involved the entry of radio-active debris into the territory, territorial tifiéerésultant d'une radioactivité artificielle et notamment à ce
qu'il en soit ainsi de la région où les essais ont lieu et où sont
situées la Nouvelle-Zélande, les îles Cook, les îles Nioué et
Takélaou;

c) le droit de la Nouvelle-Zélande à ce qu'aucun déchet radioactif
ne pénètresur son territoire, y compris son espace aérien et ses
eaux territoriales, ou ceux des îles Cook, des îles Nioué et
Tokélaou, à la suite d'essais nucléaires;
d) le droit de la Nouvelle-Zélande à ce qu'aucun déchet radioactit

ayant pénétré sur son territoire, y compris son espace aérien et
ses eaux territoriales, ou ceux des îles Cook, des îles Nioué ef
Tokélaou, à la suite d'essais nucléaires, ne cause un préjudice,
notamment des appréhensions, de l'anxiétéet de l'inquiétude,
aux habitants et aux Gouvernements de la Nouvelle-Zélande,

des îles Cook, des îles Niouéet Tokélaou;
e) le droit de la Nouvelle-Zélande à la liberté de la haute mer, y
compris la liberté de navigation et de survol, et la libertéd'ex-
plorer et d'exploiter les ressources de la mer et du fond des
mers, sans subir de gêne oude préjudice en raison des essais
nucléaires. ))

En mêmetemps, ellc a qualifié lesdroits énoncés sousles rubriques a) et
b) de ((communs »en ce sens que ces droits sont ceux de tous les membres

de la communauté internationale et que les obligations correspondantes
sont des obligations erga omnes; mais elle a souligné que les droits
qu'elle invoque sous les rubriques c), d) et e) ne sont pas ((communs » en
ce sens.
37. Dans une réponseécrite àdes questions poséespar un membre de la

Cour, l'agent de la Nouvelle-Zélande a aussi donné des éclaircissements
sur: i)les élémentsque la Nouvelle-Zélande considère comme constitutifs
du droit, invoqués sous la rubrique c),à ce qu'aucun déchetradioactif ne
pénètre sur son territoire ou ceux des îles Cook ou des îles Nioué et
Tokélaou, et en particulier le point de savoir si l'existence d'un préjudice
actuel ou éventuel est ou non un élémentpertinent de la violation de ce

droit; ii) la base sur laquel!e elle considère qu'une distinction peut être
établieentre une aileinte licite à la libertéde la haute mer et une atteinte
illicite résultant de la déclaration faite en temps de paix qu'une zone de la
haute mer est réservéeà des fins militaires.
38. Sous la rubrique de la recevabilité, la Nouvelle-Zélande a exposé

ses vues sur la question, visée au paragraphe 24 de l'ordonnance du
22 juin 1973, de son ((intérêjturidique ))à l'égard desdemandes formu-
léesdans sa requête.En ce qui concerne les droits énoncés sousles ru-
briques c),d) et e),fondés d'après la Nouvelle-Zélande sur des obliga-
tions existant à son profit propre, celle-ci a soutenu que son intérêt juri-
dique est d'un ccaractère direct, immédiat et simple ». Elle a décl:iréque

chaque séried'essais,y compris lesessais effectuésen 1973et 1974après le
dépôtde la requête,a entraîné la pénétration de déchets radioactifs sur lewaters an'dair spaceof NewZealand, the Cook Islands, Niue and Tokelau
Islands. She further alleged that, in consequence, the citizens of these

Territories have been subjected to the uncertain genetic and somatic
effects of increases in levels of radio-activity; and that on each occasion
anxiety, apprehension and concern have resulted. The New Zealand
Government's concern with the health, both physical and mental, of her
people constitutes, she contended, an interest which "would undoubtedly
be sufficient to givr it standing before any international tribunal". In the

case of the freedoms of the high seas invoked under head (e) of her
claims, New Zealand also referred to the fact that on 18 July and
15August 1973New Zealand citizens, on vessels not of French flag, had
been apprehended by the French authorities on the high seas and taken
against their will to French territory and detained for a period of days.
With regard to the rights under heads (a) and (6) mentioned as shared
with other members of the international community, New Zealand

maintained that her legal interest in the judicial protection of these rights
falls under the principle referred to by the Court in a passage in its
Judgment in the Barcelona Traction, Light and Power Company, Litnited
case (I.C.J. Reports 1970, at p. 32). According to New Zealand, this
passage and other legal material which she cited show that international
law now recognizes certain categories of international obligations as

owed erga onmes and as conferring on every State a corresponding right
of judicial protection. She contended that the right "to inherit a world in
which nuclear testing in the atmosphere does not take place7'and the
right "to the preservation of the environment from unjustified artificial
radio-active contamination" are rights of this kind and that al1 States
therefore have a legal interest in their observance. In this connection, she

referred to successive resolutions of the General Assembly on atmospheric
nuclear testing and the Declaration on the Environment adopted by the
Stockholm Conference of 1972 on the Human Environment.

39. In giving this very summaryaccount of the legal contentions of the

New Zealand Government, we are not to be taken to express any view as
to whether any of them are well or il1founded. We give it for the sole
purpose of indicating the context in which Article 17 of the 1928Act has
to be applied and the admissibility of New Zealand's Application deter-
mined. Before we draw any conclusions, however, from that account of
New Zealand's legal contentions, we must also indicate Our under-territoire, dans les eaux territoriales et dans l'espace aériende la Nouvelle-
Zélande, des îles Cook et des îles Niouéet Tokélaou. Elle a ajouté qu'en
conséquence de ces essais les citoyens de ces territoires ont eu à subir les

effets génétiques et somatiques incertains de niveaux de radioactivité
plus élevéset qu'il en est résultéchaque fois de l'anxiété,de I'appréhen-
sion et de l'inquiétude. La préoccupation du Gouvernement néo-zélan-
dais pour la santé tant physique que mentale desa population constitue,
a-t-elle dit, un intérêt qui((serait certainement suffisant pour lui permettre
d'agir devant n'importe quel tribunal international)). Dans le cas des

libertés de la haute mer invoquées sous ia rubrique e), la Nouvelle-
Zélande a aussi mentionné que, le 18 juillet puis le 15 août 1973, des
ressortissants néo-,zélandaisà bord de navires ne battant pas pavillon
français avaient étéappréhendéspar les autorités françaises en haute mer
et emmenéscontre leur gréen territoire français où ils avaient été retenus

plusieurs jours. Quant aux droits figurant sous les rubriques a) et b)
qu'elle dit déteniren commun avec les autres membres de la communauté
internationale, la Nouvelle-Zélande a soutenu que son intérêt juridique à
la protection judiciaire de ces droits relève du principe énoncédans un
passage de l'arrêtque la Cour a rendu dans l'affaire de la Barcelona

Traction, Light and Power Companj), Limited (C.I.J. Recueil 1970, p. 32).
De l'avis de la Nouvelle-Zélande, ce passage et d'autres textes juridiques
qu'elle a citésdémontrent que le droit international reconnaît à présent
certaines catégories d'obligations internationales erga omnes conférant à
tout Etat un droit correspondant dont il peut demander la protection
judiciaire. Elle a affirméque le droit ((de vivre dans un monde où des

essais nucléaires en atmosphère n'aient pas lieu )) et le droit ((de sauve-
garder l'environnement d'une contamination injustifiée résultant d'une
radioactivité artificiell))sont des droits de cette es~èceet aue tous les
Etats ont donc un intérêtjuridique à ce qu'ils soient respectés. Elle a fait
étatà ce propos de plusieurs résolutions successives de l'Assemblée géné-

rale relatives aux essais nucléaires dans l'atmosphère, ainsi que de la
déclaration sur l'environnement adoptée par la Conférence de Stockholm
de 1972 sur l'environnement.

39. Nous avons résumé ainsi très brièvementles thèses juridiques du
Gouvernement néo-zélandais,mais nous ne voudrions pas que l'on en

conclue que nous exprimons un avis quelconque sur le bien ou le mal-
fondéde telle ou telle de ces thèses. Nousdonnons ce résuméà seule fin de
montrer le contexte de l'application de l'article 17 de l'Acte de 1928 et
d'une décision sur la recevabilité de la requêtenéo-zélandaise.Avant de
tirer une conclusion quelconque de cet aperçu des thèsesjuridiques de la
Nouvelle-Zélande, cependant, il nous incombe d'indiquer aussi commentstanding of the principles which should govern Our determination of
these matters at the present stage of the proceedings.

40. The matters raised by the issues of "legal or political dispute" and
"legal interest", although intrinsically matters of admissibility, are at the
same time matters which, under the terms of Article 17 of the 1928Act,
also go to the Court's jurisdiction in the present case. Accordingly, it
would be pointless for us to characterize any particular issue as one of

jurisdiction or of admissibility, more especially as the practice neither of
the Permanent Court nor of this Court supports the drawing of a sharp
distinction between preliminary objections to jurisdiction and admissi-
bility. In the Court's practice the emphasis has been laid on the essentially
preliminary or non-preliminary character of the particular objection
rather than on its classification as a matter of jurisdiction or admissi-

bility (cf. Art. 62 of the Rules of the Permanent Court, Art. 62 of the old
Rules of this Court and Art. 67 of the new Rules). This is because, owing
to the consensual nature of the jurisdiction of an international tribunal,
an objection to jurisdiction no less than an objection to admissibility may
involve matters which relate to the merits; and then the critical question
is whether the objection can or cannot properly be decided in the pre-

liminary proceedings without affording the Parties the opportunity to
plead to the merits. The answer to this question necessarily depends on
whether the objection is genuinely of a preliminary character or whether
it is too closely linked to the merits to be susceptible of a just decision
without first having pleadings on the merits. So it is that, in specifying
the task of the Court when disposing of preliminary objections, Article 67,

paragraph 7, of the Rules expressly provides, as one possibility, that the
Court should "declare that the objection does not possess, in the circum-
stances of the case, an exclusively preliminary character". These prin-
ciples clearly apply in the present case even although, owing to the
absence of France from the proceedings, the issue of jurisdiction and
admissibility now before the Court have not been raised in the form of
preliminary objections, stricto sensu.

41. The French Government's assertion that the dispute is not funda-
mentally of a legal character and concerns a purely political and military
question is, in essence, a contention that it is not a dispute in which the
Parties are in conflict as to their legal rights; or that its not fall within
the categories of legal disputes mentioned in Article 36 (2) of the Statute.

Or, again, the assertion may be viewed as a contention that international
law imposes no legal obligations upon France in regard to the matters in
dispute which, therefore, are to be considered as rnatters left by inter-
national law exclusively within her nationaljurisdiction; or, more simply,
as a contention that France's nuclear experiments do not violate any
existing rule of international law, as the point was put by the Frenchnous concevons les principes d'après lesquels ces questions devraient être
appréciéesau stade actuel de la procédure.

40. Bien qu'intrinsèquement liées à la recevabilité, les questions de

savoir s'il existe un ((différendjuridique ou politique)) et un ((intérêt
juridique 1)touchent en mêmetemps, en vertu de l'article 17 de l'Acte
de 1928,àla compétence de la Cour en la présenteaffaire. Par conséquent,
il est inutile que nous précisions à ce propos que tel point a trait à la
compétence et tel autre à la recevabilité,d'autant que ni la pratique de la

Cour permanente ni celle de la Cour actuelle ne tend à établir de distinc-
tion tranchée entre les exceptions préliminaires d'incompétence et d'irre-
cevabilité: l'accent est mis plutôt sur le caractère essentiellement préli-
minaire ou non préliminaire de l'exception considéréeque sur son classe-
ment parmi les exceptions d'incompétence ou les exceptions d'irreceva-
bilité(cf. art. 62 du Règlement de la Cour permanente, art. 62 de l'ancien

Règlement de la Cour actuelle et art. 67 du nouveau Règlement). En
effet, étant donnéla nature consensuelle de la compétence d'un tribunal
international, une exception d'incompétence tout comme une exception
d'irrecevabilité peut soulever des questions intéressant le fond; ce qui
importe alors, c'estde savoir si la Cour peut ou non se prononcer valable-
ment sur l'exception au cours de la procédure préliminaire sans donner

aux parties la possibilité de présenter leurs conclusions sur le fond. La
réponse à cette question varie nécessairement selon que l'exception a
vraiment un caractère préliminaire ou qu'elle est trop étroitement liéeau
fond pour pouvoir faire l'objet d'une juste décision sans que les parties
aient d'abord exposé leurs moyens sur le fond. C'est pourquoi l'article 67,

paragraphe 7, du Règlement, lorsqii'il indique comment la Cour doit
statuer sur une exception préliminaire, prévoit expressément la possi-
bilité que la Cour cdéclare que cette exception n'a pas dans les circons-
tances de l'espèce un caractère exclusivement préliminaire n.Ces prin-
cipes sont manifestement applicables dans la présente espèce même si,
du fait que la France est absente de la procédure, les problèmes de

compétence et de recevabilité qui se posent à la Cour n'ont pas été
soulevéssous la forme d'exceptions au sens strict.
41. L'affirmation faite par le Gouvernement français que le différend
n'est pas fondamentalement de nature juridique mais porte sur une
question d'ordre purement politique et militaire revient à soutenir, en
substance, que ce n'est pas un différenddans lequel les Parties se contes-

tent réciproquement un droit, ou encore qu'il n'entre pas dans les caté-
gories de différends d'ordre juridique visées au paragraphe 2 de I'ar-
ticle 36 du Statut. On peut aussi voir dans cette affirmation la thèse que le
droit international n'impose à la France aucune obligation juridique
touchant les questions en litige, qui doivent donc êtreconsidéréescomme
laisséespar ce droit à sa compétence nationale exclusive, ou bien, plus

simplement, la thèse que les expériences nucléairesde la France ne violent
62Government in its diplomatic Note to the Australian Government of
7February 1973,which has been brought to the attention of theCourt in
the other NuclearTests case. Yet, however the contention is framed, it is
manifestly and directly related to the legal merits of the Applicant's case.
Indeed, in whatever way it is framed, such a contention, as was said of

similar pleas by the Permanent Court in the Electricity Companyof Sofia
and Bulgaria case, "forms a part of the actual merits of the dispute" and
"amounts not only to encroaching on the merits, but to coming to a
decision in regard to one of the fundamental factors ofthe case" (P.C.I.J.,
Series AIB, No. 77, at pp. 78 and 82-83).In principle', therefore, such a
contention cannot be considered as raising a truly prelin~inary question.

42. We Say "in pri~ciple" because we recognize that, if an applicant
were to dress up as a legal claim a case which to any informed legal mind
could not be said to have any rational, that is, reasonably arguable, legal
basis, an objection contesting the legal character of the dispute might be
susceptible of decision in limine as a preliminary question. This means
that in the preliminary phase of the proceedings, the Court rnay have to

make a summary survey of the merits to the extent necessary to satisfy
itself that the case discloses claims that are reasonably arguable or issues
that are reasonably contestable; in other words, th'at these claims or
issues are rationally grounded on one or more principles of law, the
application of which rnay resolve the dispute. The essence of this preli-
minary survey of the merits is that the question of jurisdiction or admissi-
bility under consideration is to be determined not on the basis of whether

the Applicant's claim is right but exclusively on the basis whether it
discloses a right to have the claim adjudicated. An indication on the
merits of the Applicant's case rnay be necessary to disclose the rational and
arguable character of the claim. But neither such a preliminary indication
of the merits nor any finding of jurisdiction or adrnissibility made upon
it rnay betaken to prejudge the merits. It is for this reason that, in investi-
gatingthe merits for the purpose of deciding preliminary issues, the Court

has always been careful to draw the line at the point where the investi-
gation rnay begin to encroach upon the decision of the merits. This
applies to disputed questions of law no less than to disputed questions of
fact; the maxim jura novit curia does not mean that the Court rnay
adjudicate on points of law in a case without hearing the legal arguments
of the parties.

43. The precise test to be applied rnay not be easy to state in a single
combination of words. But the consistentjurisprudence of the Permanent
Court and of this Court seems to us clearly to show that, the moment a
preliminary survey of the merits indicates that issues raised in preliminary
proceedings cannot be determined without encroaching upon and pre-aucune règlede droit international existante, comme l'a dit le Gouverne-
ment français dans sa note diplomatique du 7 février1973au Gouverne-
ment australien, qui a été portée à l'attention de la Cour dans l'autre
affaire des Essais nucléaires.Mais de quelque manière qu'on la formule,
cette thèse est manifestement et directement liéeau point de savoir si les
prétentions du demandeur sont juridiquement fondées. Quelle qu'en soit

la forme, et comme l'a dit la Cour permanente à propos de moyens
analogues dans l'affaire de la Compagnie d'électricitéde Sofia et de Bul-
garie,cette thèse((formeune partie du fond mêmedu différend )et revient
à ((non seulement toucher au fond du différend, maisprendre position à
l'égardde l'un de ses éléments essentiels))(C.P.J.I. sérieA/B no 77, p. 78
et 82-83). Pareille thèse nepeut donc, en principe, êtreconsidérée comme
soulevant une question véritablement préliminaire.
42. Nous avons dit ((en principe1)parce que nous reconnaissons que,
si un demandeur essayait de faire passer pour juridique une prétention
dont aucun juriste éclairéne pourrait admettre qu'elle repose sur la

moindre base juridique rationnelle, c'est-à-dire raisonnablement soute-
nable, il serait alors possible de trancher in limine, à titre de question
préliminaire, une exception contestant la nature juridique du différend.
Cela signifieque, pendant la phase préliminaire de la procédure, la Cour
peut avoir à se livrerà un examen sommaire du fond du différend dans
la mesure ou cela lui est nécessairepour s'assurer ,que l'affaire fait appa-
raître des prétentions raisonnablement soutenables ou des questions
pouvant raisonnablement prêter à contestation, autrement dit des pré-
tentions ou des contestations qui sont fondées rationnellement sur un ou
plusieurs principes de droit dont l'application peut permettre de réglerle
différend. L'essentiel,en ce qui concerne cet examenpréliminairedu fond,

est qu'il faudratran.cherla question de la compétenceou de la recevabilité
qui est en cause en considérantnon pas si la prétention du demandeur est
fondée mais exclusivement si elle fait apparaître un droit a soumettre
cette demande à 1iidécision de la Cour. Celle-ci peut être amenée à
donner une certaine indication du fond de la demande afin de montrer
que celle-ci est rationnelle et soutenable. Mais ni une telle indication
préliminaireni aucune conclusion sur la compétenceou la recevabiliténe
saurait préjugerle fond de l'affaire. C'estpourquoi la Cour, lorsqu'elle a
eu à examiner le fond pour se prononcer sur des questions préliminaires,
a toujours veillé à ce que cet examen n'empiète pas sur sa décision

touchant le fond. Cette remarque vaut aussi bien lorsque les points liti-
gieux sont des points de droit que lorsqu'il s'agit de points de fait; la
maxime jura novit curiane signifie pas que la Cour puisse, dans une af-
faire, se pononcer sur des points de droit sans entendre les moyens des
parties.
43. Iln'estsansdoutepas facilededéfinirpar une formule simple le cri-
tèreprécisqui doit s'appliquer. Mais il ressort clairement, nous semble-t-il,
de la jurisprudence constante de la Cour permanente comme de la Cour
actuelleque, dèslors qu'on nepeut seprononcer sur despoints soulevésau
cours d'une procédure préliminaire sans aborder et préjugerle fond, cesjudging the merits, they are not issues which may be decided without

first having pleadings on the merits (cf. Narionulity Decrees Issued in
Tunis and Morocco, Advis0r.y Opinion, P.C.I.J., Series B, No. 4; Right of
Passage over Indian Territory case, I.C.J.Reports 1957, at pp. 133-134;
the Interhandel case, I.C.J. Reports 1959, pp. 23-25). We take as our
general guide the observations of this Court in the Interhandel case when
rejecting a plea of domestic jurisdiction which had been raised as a pre-
liminary objection:

"In order to determine whether the examination of the grounds
thus invoked is excluded from the jurisdiction of the Court for the

reason alleged by the United States, the Court will base itself on the
course followed by the Permanent Court of International Justice in
its Advisory Opinion concerning Nationality Decrees Issued in Tunis
and Morocco (Series B, No. 4), when dealing with a similar diver-
gence of view. Accordingly, the Court does not, at the present stage
of the proceedings, intend to assess the validity of the grounds

invoked by the Swiss Government or to give an opinion on their
interpretation, since that would be to enter upon the merits of the
dispute. The Court will confine itself to considering whether the
grounds invoked 641the Swiss Government are such as to justify the
provisional conclusion that they may be of relevance in this case and,
ifso, whether questions relating to the validily and*interpretation of
those grounds are questions of international law." (Emphasis added.)

ln the Interhande/ case, after a summary consideration of the grounds
invoked by Switzerland, the Court concluded that they both involved
questions of international law and therefore declined to entertain the

preliminary objection.
44. The summary account which we have given above of the grounds
invoked by New Zealand in support of her claims appears to us amply
sufficient, in the language of the Court on the Interhandel case, "to
justify the provisional conclusion that they may be of relevance in this
case" and that "questions relating to the validity and interpretation of
those grounds are questions of international law". It is not for us "to

assess the validity of those grounds" at the present stage of the proceedings
since that would be to "enter upon the merits of the dispute". But Our
summary examination of them satisfies us that they cannot fairly be
regarded as frivolous or vexatious or as a mere attorney's mantle artfully
displayed to cover an essentially political dispute. On the contrary, the
claimssubmitted to the Court in the present case and the legal contentions

advanced in support of them appear to us to be based on rational and
reasonably arguable grounds. Those claims and legal contentions are
rejected by the French Government on legal grounds. ln our view, these
circumstances in themselves sufficeto qualify the present dispute as a "dis-
pute in regard to which the parties are in conflict as to their legal rights"
and as a "legal dispute" within the meaning of Article 17of the 1928Act.points ne doivent pas être tranchés sans que les parties aient d'abord
présentéleurs conclusions sur le fond (cf. Décretsde nationalité promul-
gués en Tunisieet au Maroc, avis consultatif,C.P.J.I. série B no 4; affaire
du Droit de passage sur territoire indien, C.I.J. Recueil 1957,p. 133- 134 ;

affaire de l'lnterhandel, C.I.J. Recueil 1959,p. 23-25). Nous pouvons nous
guider, d'une manière générale,sur les observations qu'a formulées la
Cour actuelle dans l'affaire de l'lnterhandel en rejetant le moyen de la
compétence nationale qui avait étéinvoqué à titre d'exception préli-
minaire :

((Pour déterminer si l'examen des titres ainsi invoqués échappe à
la compétence de la Cour pour le motif alléguépar les Eats-Unis, la

Cour s'inspirera de ce qu'a fait la Cour permanente de Justice inter-
nationale en présence d'une contestation analogue dans son avis
consultatif sur les Décrets de nationalité promulgués en Tunisie et au
Maroc (série B no 4). En conséquence, la Cour n'entend pas, en la
présente phase de la procédure, apprécier la validité des titres

invoqués par le Gouvernement suisse ni se prononcer sur leur inter-
prétation, ce qui serait aborder le fond du différend. Elle se bornera à
rechercher si les titres invoquéspar le Gouilernementsuisse permettent
la conclusion provisoire qu'ils peuvent êtrepertinents en l'espèce et,
dans ce cas, à rechercher si les questions relatives à la validitéet

àl'interprétationde ces titres sont des questions de droit international))
(Les italiques sont de nous.)

Dans l'affaire de I'lnterliandel, après avoir examiné sommairement les
titres invoqués par la Suisse, la Cour a conclu qu'ils mettaient l'un et
l'autre en jeu des questions de droit international et a donc rejetéI'excep-
tion préliminaire.

44. L'analyse sommaire que nous avons faite ci-dessus des titres in-
voqués par la Nouvelle-Zélande à l'appui de ses prétentions nous paraît
amplement suffisante pour justifier, selon les termes utilisés par la Cour
dans l'affaire de l'/nterhande/, ((la conclusion provisoire qu'ils peuvent

être pertinents en l'espèce ))et que (clesquestions relatives à la validité et
à I'interprétationde ces titres sont des questions de droit international )).II
ne nous appartient pas d'(<apprécierla validité [deces] titres ))au stade
actuel de la procédure car ce serait ((aborder le fond du différend 1)Mais
l'examen sommaire que nous en avons fait nous a convaincus qu'ils ne

sauraient équitablement être considérés commefutiles ou vexatoires, ni
simplement comme le manteau que des juristes auraient jeté avecart sur
un différend de nature essentiellement politique. Au contraire, les de-
mandes présentéesà la Cour dans la présente instance et les moyens juri-
diques avancés nous semblent être fondés sur des motifs rationnels et

raisonnablement soutenables. Ces demandes et moyens juridiques sont
rejetés par le Gouvernement français sur la base de motifs juridiques.
Ces circonstances sont en soi suffisantes, à notre avis, pour qu'on puisse
qualifier le présent différendde ((différendau sujet duquel les parties se 45. The conclusion just stated conforms to what we believe to be the
accepted view of the distinction between disputes as to rights and dis-
putes as to so-called conflicts of interests. According to that view, a
dispute is political, and therefore non-justiciable, where the claim is

demonstrably rested on other than legal considerations, e.g., on political,
economic or military considerations. In such disputes one, at least, of the
parties is not content to demand its legal rights, but asks for the satis-
faction of some interest of its own even although this may require a
change in the legal situation existing between them. In the present case,
however, the Applicant invokes legal rights and does not merely pursue its

political interest; it expressly asks the Court to determine and apply what
it contends are existing rules of international law. In short, it asks for the
settlement of the dispute "on the basis of respect for law", which is the
very hall-mark of a request for judicial, not political settlement of an
international dispute (cf. Interpretation of Article 3, Paragraplz 2,of the
Treaty of Lausanne, P.C.I.J., Series B, No. 12, at p. 26). France also, in
contesting the Applicant's claims, is not merely invoking its vital political

or military interests but is alleging that the rules of international law
invoked by the Applicant do not exist or do not warrant the import given
to them by the Applicant. The attitudes of the Parties with reference to the
dispute, therefore, appear to us to show conclusively its character as a
"legal" and justiciable dispute.

46. This conclusion cannot, in our view, be affected by any suggestion
or supposition that, in bringing the case to the Court, the Applicant may
have been activated by political motives or considerations. Few indeed
would be the casesjusticiable before the Court if a legal dispute were to be
regarded as deprived of its legal character by reason of one or both parties

being also influenced by political considerations. Neither in'contentious
cases nor in requests for advisory opinions has the Permanent Court or
this Court ever at any time admitted the idea that an intrinsically legal
issue could lose its legal character by reason of political considerations
surrounding it.

47. Nor is our conclusion in any way affected by the suggestion that in

the present case the Court, in order to give effect to New Zealand's
claims, would have to modify rather than apply the existing law. Quite
apart from the fact that the Applicant explicitly asks the Court to apply
the existing law, itdoes not seem to us that the Court is here called upon
to do anything other than exercise its normal function of deciding the
dispute by applying the law in accordance with the express directions

given to the Court in Article 38 of the Statute. We fully recognize that,
as was emphasized by the Court recently in the Fisheries Jurisdictioncontestent réciproquement un droit » et de ((différendd'ordre juridique ))
au sens de l'article 17de l'Acte de 1928.
45. La conclusion qui vient d'être énoncéeest conforme à ce que nous

croyons être la conception admise de la distinction entre les différends
relatifs à des droits et les différends relatifs à ce qu'on appelle des con-
flits d'intérêts. Selon cette conception, un différend est politique, et par
conséquent non justiciable, lorsqu'on peut démontrer que la prétention
élevéerepose sur des considérations autres que juridiques, par exemple
sur des considérations d'ordre politique, économique ou militaire. Dans

un tel différend, l'une des parties au moins ne se contente pas de faire
valoir des droits de caractère juridique, mais invoque un intérêtdont elle
demande qu'il soit pris en considération mêmesi cela doit modifier la
situation juridique existant entre les parties. En l'espèce, toutefois, le
demandeur invoque des droits de nature juridique et ne défend pas sim-
plement son intérêt politique; il demande expressément à la Cour de

définir et d'appliquer ce qu'il prétend êtredes règlesde droit international
existantes. Bref, il demande que le différend soit réglé((sur la base du
respect du droit )Ice qui est la caractéristique mêmed'une demande de
règlement judiciaire, et non pas politique, d'un différend international
(cf. Interprétation de l'article 3, paragraphe 2, du traité de Lausanne,

C.P.J.I. sérieB no 12, p.26). De même laFrance, en contestant les thèses
du demandeur, ne se borne pas à faire valoir ses intérêts politiquesou
militaires vitaux mais soutient que les règles de droit international invo-
quéespar le demandeur n'existent pas ou n'ont pas la portée que celui-ci
leur donne. L'attitude prise par les Parties à l'égard du différend nous
paraît donc démontrer de façon concluante qu'il s'agit bien d'un diffé-

rend ((juridique 1)et justiciable.
46. Cette conclusion ne saurait être affectée, selon nous, par I'obser-
vation ou la supposition que, lorsqu'il a porté l'affaire devant la Cour,
le demandeur était animépar des mobiles ou des considérations d'ordre
politique. Bien rares seraient en effet les affaires justiciables au regard de
la Cour s'il fallait considérer qu'un différendjuridique perd son caractère

juridique chaque fois que I'une ou l'autre des parties ou les deux sont
influencées aussipar des considérations d'ordre politique. Ni en matière
contentieuse ni àpropos d'une demande d'avis-consultatif la Cour per-
manente ou la Cour actuelle n'a jamais admis qu'une contestation de
caractère intrinsèquement juridique puisse perdre ce caractère en raison
des considérations politiques qui s'y attachent.

47. Notre conclusion n'est pas non plus affectéeen aucune manière
par l'observation qu'en l'espècela Cour, pour faire droit aux demandes
de la Nouvelle-Zélande, devrait modifier plutôt qu'appliquer le droit
existant. Outre que le demandeur prie explicitement la Cour d'appliquer le
droit existant, il ne nous semble pas qu'en l'occurrence elle soit appelée à
faire autre chose que s'acquitter de sa mission normale qui consiste à

régler le différend en appliquant le droit conformément aux directives
expresses qui lui sont donnéesà l'article 38 du Statut. Nous reconnaissons
pleinement que, comme la Cour l'a soulignérécemment dans les affairescases, "the Court, as a court of law, cannot render judgment sub specie
legisferendae, or anticipate the law before the legislator has laid it down"
(I.C.J. Reports 1974, at pp. 23-24 and 192). That pronouncement was,

however, made only after full consideration of the merits in those cases.
It can in no way mean that the Court should determine in limine litis the
character, as lex lata or lex,ferenda, of an alleged rule of customary law
and adjudicate upon its existence or non-existence in preliminary pro-
ceedings without having first afforded the parties theopportunity to plead
the legal merits of the case. In the present case, the Court is asked to

perform its perfectly normal function of assessing the various elements
of State practice and legal opinion adduced by the Applicant as indicating
the development of a rule of customary law. This function the Court
performed in the FisheriesJurisdictioncases, and if in the present case the
Court had proceeded to the merits and upheld the Applicant's conten-
tions in the present case, it could only have done so on the basis that the

alleged rule had indeed acquired the character of lex lata.

48. Apart from these fundamental considerations, we cannot fail to
observe that, in alleging violations of its territorial sovereignty and of
rights derived from the principle of the freedom of the high seas, the

Applicant also rests its case on long-established-indeed elemental-
rights, the character of which as lex lata is beyond question. In regard
to these rights the task which the Court is called upon to perform is that
of determining their scope and limits vis-à-vis the rights of other States,
a task inherent in the function entrusted to the Court by Article 38 of the
Statute.

49. These observations also apply to the suggestion that the Applicant
is in no position to claim the existence of a rule of customary international
law operative against France inasmuch as the Applicant did not objecf to,
and even endorsed, the conduct of atmospheric nuclear tests in the
Pacific Ocean region prior to 1963. Clearly this is a matter involving the
whole concept of the evolutionary character of customary international

law upon which the Court should not pronounce in these preliminary
proceedings. The very basis of the Applicant's legal position, as presented
to the Court, is that after the tests in question there developed a growing
awareness of the dangers of nuclear fall-out and a climate of public
opinion strongly opposed to aimospheric tests; and that the conclusion
of the Moscow Test Ban Treaty in 1963 led to the development of a rule

of customary law prohibiting such tests. The Applicant has also drawn
attention to its own constant opposition to atmospheric tests from 1963
onwards. Consequently, although the earlier conduct of the Applicant
is no doubt one of the elements which would have had to be taken into
account by the Court, it would have been upon the evidence of State
practice as a whole that the Court would have had to make its deter-

mination of the existence or non-existence of the alleged rule. In short,
however relevant, this point appears to us to belong~essentially to thede la Compétenceen matièredepêcheries,((laCour, en tant que tribunal ne
saurait rendre de dicision subspecie legisferendae, niénoncerledroitavant
que le législateur l'ait edicté))(C.I.J. Recueil 1974, p. 23-24 et 192). Ce

prononcé, qui n'a d'ailleurs été émiq su'après un examen détailléde ces
affaires au fond, ne signifie nullement que la Cour doive déterminer in
Iimine litis le caractère de [ex lata ou de lex ferenda d'une règle de droit
coutumier invoquée, ni se prononcer sur son existence ou son inexistence
au cours de la procédure préliminiare sans avoir donné aux parties la

possibilité de présenter leurs moyens juridiques sur le fond. Dans la
présente affaire, la Cour est priée d'exercer la fonction parfaitement nor-
male qui est la sienne et qui consiste à apprécier les divers éléments,
relatifs à la pratique des Etats et à I'opiniojuris, qu'invoque le demandeur
pour établir la formation d'une règle de droit coutumier. La Cour s'est
acquittée de cette fonctiondans les affaires de la Compétence en matière de

pêcherieset si, dans la présente espèce, elle avait examiné l'affaire au fond
et fait droit aux prétentions du demandeur elle n'aurait pu aboutir à
cette décisionqu'en considérant que la règle invoquéeavait effectivement
acquis le caractère de /ex lata.
48. Indépendamment de ces considérations fondamentales, nous ne

pouvons manquer d'observer que, pour alléguer des violations de sa
souveraineté territoriale et de droits découlant du principe de la liberté
de la haute mer, le demandeur invoque aussi des droits établisde longue
date - et mêmeélémentaires - dont le caractère de /ex lafa ne fait pas
de doute. En ce que concerne ces droits, la Cour est appeléeà déterminer

leur étendue et leurs limites compte tenu des droits d'autres Etats,
tâche inhérente à la mission qui lui est confiéepar l'article 38 du Statut.

49. Ces observations s'appliquent aussi à l'argument qui consiste à
dire que le demandeur n'est pas en situation d'invoquer à l'encontre de la
France l'existence d'une règle de droit international coutumier étant

donné qu'il ne s'est pas opposé aux essais d'armes nucléaires en atmo-
sphèrequi ont été effectuéd sans la régionde l'océan Pacifiqueavant 1963
et les a mêmeapprouvés. Cet argument soulève manifestement toute la
question du caractère évolutif du droit international coutumier, sur
laquelle la Cour ne devrait pas se prononcer à ce stade préliminaire de la

procédure. Telle qii'elle a été présentéà e la Cour, la position juridique
du demandeur se fonde précisémentsur la thèse que c'est après ces essais
que l'opinion publique a pris de plus en plus conscience des dangers des
retombées nucléaires et a manifesté une vive opposition aux essais nu-
cléaires en atmosphère; et qu'au surplus la conclusion en 1963 du traité
de Moscou sur l'interdiction partielle des essais nucléaires a abouti à la

création d'une règle de droit international coutumier interdisant de tels
essais. Le demandeur a aussi appelé l'attention sur l'opposition constante
qu'il a toujours exprimée à l'égarddes essais en atmosphère à partir de
1963. En conséquence, si la conduite passéedu demandeur est sans aucun
doute un des éléments quela Cour aurait dû prendre en considération,

c'est toutefois sur la base de la pratique des Etats dans son ensemble quelegal merits of the case, and not to be one appropriate for determination
in the present preliminary proceedings.

50. We are, moreover, unable to see how the fact that there is a sharp

conflict of view between the Applicant and the French Government
concerning the materiality of the damage or potential risk of damage
resulting from nuclear fall-out could either affect the legal character of
the dispute or cal1 for the Application to be adjudged inadmissible here
and now. This question again appears to us to belong to the stage of the
merits. On the one side, the New Zealand Government has given its view

of the facts regarding atmospheric nuclear explosions in the Pacific
Ocean region and of the dangers of radio-active fall-out attendant upon
them (paras. 12-22 of the Application). In presenting its arguments con-
cerning the development of international law on this matter, it also has
cited a series of General Assembly resolutions, the reports on atomic
radiation of UNSCEAR and of the International Commission on Radio-

logical protection, the Test Ban Treaty itself, the Treaty for the Prohibi-
tion of Nuclear Weapons in Latin America, the Treaty on the Non-
Proliferation of Nuclear Weapons, and a resolution and declaration
adopted at the Stockholm Conference on the Human Environment. In
addition, it has referred to the psychological injury said to be caused to
the peoples of New Zealand, the Cook Islands, Niue and the'Trokelau

Islands through their anxiety as to the possible effects of radio-active
fall-out on the well-being of themselves and their descendants. On the
other side, there are before the Court the repeated assurances of the
French Government, in diplomatic Notes and public statements, con-
cerning the precautions taken by her to ensure that the nuclear tests would
be carried out "in complete security". There are also reports of various

scientific bodies, including those of the Australian National Radiation
Advisory Committee in 1967, 1969, 1971 and 1972 and of the New Zea-
land National Radiation Laboratory in 1972, which ail concluded that
the radio-active fall-out from the French tests was below the damage
level for public health purposes. In addition, the Court has before it the
report of a meeting of Australian and French scientists in May 1973 in

which they arrived at common conclusions as to the data of the amount
of fall-out but differed as to the interpretation of the data in terms of the
biological risks involved. Whatever impressions may be gained from a
prima facie reading of the evidence so far presented to the Court, the
questions of the materiality of the damage resulting from, and of the risk
of future damage from, atmospheric nuclear tests, appear to us rnani-

festly questions which cannot be resolved in preliminary proceedings
without the Parties having had the opportunity to submit their full case
to the Court.

51. The dispute asto the facts regarding damageland potential damagela Cour aurait dû établir l'existence ou l'inexistence de la règle alléguée.
En résumé,si pertinente qu'elle soit, cette question nous semble relever
essentiellement du fond de l'affaire et ne pas appeler de décision de la
Cour au stade préliminaire actuel.
50. Nous ne voyons pas d'autre part en quoi I'existence d'une diver-

gence de vues marquée entre le demandeur et le Gouvernement français
au sujet de la matérialitédes dommages résultant des retombéesnucléaires
ou du risque de dommages pouvant en résulter affecte le caractère juri-
dique du différend ouappelle une décisionde la Cour déclarant d'emblée
la requêteirrecevable. Cette question nous semble encore une fois devoir
êtretranchée au stadedu fond. D'un côté, le Gouvernement néo-zélandais

a donné son avis sur les faits relatifs aux explosions nucléaires atmo-
sphériquesdans la région de l'océan Pacifique etsur les dangers de retom-
béesradioactives qui y sont liés(par. 12 à 22 de la requête).Présentant
ses arguments sur la création d'une règle de droit international en la
matière, il a aussi cité une sériede résolutions de l'Assembléegénérale,

les rapports sur les rayonnements atomiques du Comité des Nations
Unies pour l'étude des effetsdesradiations ionisantes et de la Commission
internationale de protection contre les radiations, le traité d'interdiction
partielle des essais, le traité interdisant les armes nucléaires en Amérique
latine, le traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, ainsi qu'une
résolution et une déclaration adoptées à la Conférence de Stockholm sur

l'environnement. En outre, il a invoqué le préjudice psychologique qui a
été,selon lui, caiisé aux habitants de la Nouvelle-Zélande, des îles
Cook et des îles Niouéet Tokélaou du fait des craintes que leur inspirent
les effets éventuels des retombéesradioactives pour leur bien-êtreet celui
de leurs descendants. De l'autre côté la Cour a eu communication des
assurances que le Gouvernement français a données à plusieurs reprises

dans des notes diplomatiques et des déclarations publiques au sujet des
précautions qu'il a prises pour que les essais nucléaires s'effectuent ((en
toute sécurité ))ainsi que des rapports de divers organismes scientifiques,
notamment les rapports du National Radiation Advisory Cornmittee
d'Australie de 196'7,1969, 197 1 et 1972et le rapport du National Radia-
tion Lahoratory de Nouvelle-Zélande de 1972,qui ont tous conclu que les

effets des retombées radioactives provenant des essais français étaient
inférieursau seuil de risque pour la santépublique. En outre, la Cour est
saisie du rapport d'une réunion, tenue en mai 1973, d'experts australiens
et français qui ont abouti à des conclusions communes sur les données
concernant l'importance quantitative des retombées mais ont exprimé

des opinions divergentes sur l'interprétation qu'il fallait en tirer quant aux
risques biologiques encourus. Quelles que soient les impressions qu'on
retire au premier abord des preuves présentéesjusqu'ici à la Cour, les ques-
tions de la matérialitédes dommageset du risque de dommages futurs ré-
sultant des essais nucléaires en atmosphère ne peuvent manifestement pas,
selon nous, être régléesà ce stade préliminaire, sans que les Parties aient

eu la possibilité d'exposer pleinement leurs arguments devant la Cour.
51. Le différend sur les faits relatifs aux dommages résultant ou pou-
67from radio-active nuclear fall-out itself appears to us to be a matter

which falls squarely within the third of the categories of legal disputes
listed in Article 36 (2) of the Statute: namely a dispute concerning "the
existence of any fact which, if established, would constitute a breach of an
international obligation". Such a dispute, in our view, is inextricably
linked to the merits of the case. Moreover, New Zealand contends that
rights which she invokes are violated by France's conduct of atmospheric

tests independently of proof of damage. Thus, the whole issue of material
damage appears to be inextricably linked to the merits. Just as the ques-
tion whether there exists any general rule of international law prohibiting
atmospheric testsis "a question of international law" and part of the
legal merits of the case, so also is the point whether rnaterial darnage is an
essential element in that alleged rule. Similarly, just as the questions

whether there exist any general rules of international law applicable to
invasion of territorial sovereignty by deposit of nuclear fall-out and
regarding violation of so-called "decisional sovereignty" by such a de-
posit are "questions of international law" and part of the legal rnerits, so
also is the point whether material darnage is an essential element in any
such alleged rules. Mutatis mutandis, the same rnay be said of the question
whether a State claiming in respect of an alleged violation of the freedom

of the seas has to adduce rnaterial damage to its own interests.

52. Finally, we turn to the question of New Zealand's legal interest in
respect of the clairns which she advances. With regard to the right said to
be inherent in New Zealand's territorial sovereignty, we think that she is
justified in considering that her legal interest in the defence of that right is

direct. Whether or not she can succeed in persuading the Court that the
particular right which she clairns falls within the scope of the principle
of territorial sovereignty, she clearly has a legal interest to litigate that
issue in defence of her territorial sovereignty. With regard to the rights
to be free frorn atmospheric tests, said to be possessed by New Zealand
in common with other States, the question of "legal interest" again

appears to us to be part of the general legal rnerits of the case. If the
materials adduced by New Zealand were to convince the Court of the
existence of a general rule of international law, prohibiting atrnospheric
nuclear tests, the Court would at the sarne time have to deterrnine what is
the precise character and content of that rule and, in particular, whether
it confers a right on every State individually to prosecute a claim to
secure respect for the rule. In short, the question of "legal interest" cannot

be separated frorn the substantive legal issue of the existence and scope of
the alleged riile of customary international law. Although we recognize
that the existence of a so-called actio popularis in international law is a
matter of controversy, the observations of this Court in the Barcelona
Traction, Liglit and Power Company, Limited case, Second Pliase, I.C.J.
Reports 1970, at page 32, suffice to show that the question is one that

may be considered as capable of rational legal argument and a proper
subject of litigation before this Court. ESSAISNUCLÉAIRES(OP. DISS. COM.) 521

vant résulter des retombées nucléaires radioactives nous paraît relever
nettement de la troisième des catégoriesde différendsd'ordre juridique
énuméréea su paragraphe 2 de l'article 36 du Statutàsavoir un différend
ayant pour objet ((la réalitéde tout fait qui, s'ilétaitétabli, constituerait
laviolation d'un engagement international ». A notre avis, un tel différend
est inextricablement lié au fond de I'affaire. D'ailleurs, la Nouvelle-

Zélande soutient que les droits qu'elle invoque sont violésdu seul fait
des essais atmosphériques de la France, que l'existence d'un dommage
soit ou non prouvée.Ainsi, toute la question de lamatérialitédu préjudice
apparaît comme inextricablement liéeau fond du différend. De même
que les questions de savoir s'il existe, d'une part, une règlegénérale de
droit international interdisant les essais en atmosphère et, d'autre part,
des règles générales de droit international applicables aux atteintes à la
souveraineté territoriale d'un Etat causéespar le dépôtde retombées nu-
cléaireset à la violation de son ((pouvoir souverain de.décision ))qu'est
un tel dépôt sur son territoire, cellede savoir si l'existenced'un dommage

réelconstitue un élément essentiel desrèglesainsi alléguéesest une ccques-
tion de droit international))et fait partie du fond juridique du différend.
La mêmeobservation vaut, mutatis mutandis, s'agissant de savoir si un
Etat qui introduit une action dans laquelle il allègue que la liberté des
mers a étévioléedoit établirque sesintérêts propres ont subi de ce fait un
préjudiceeffectif.
52. Enfin, nous allons examiner maintenant la question de l'intérêt
juridique de la Nouvelle-Zélande àfaire valoir ses prétentions. En.ce qui
concerne ledroit que la Nouvelle-Zélandedit être inhérent à sa souverai-

netéterritoriale, nous pensons qu'elle estfondée à considérerqu'elle a un
intérêt juridiquedirect à défendrece droit. Qu'elle réussisseou non à
convaincre la Cour que le droit qù'elle revendique ainsi découle du
principe de la souveraineté territoriale, la Nouvelle-Zélande possède
manifestement un intérêt juridique à soumettre cette question à la Cour
pour défendresa souveraineté territoriale. En ce qui concerne son droit
de ne pas êtreexposée à des essais atmosphériques, droit qu'elledit possé-
der en commun avec d'autres Etats, la question de l'(<intérêjtridique 1)
nous semble là encore faire partie de la question juridique généralequi
forme le fond du différend. Si les élémentsde preuve produits par la

Nouvelle-Zélandedevaient convaincre la Cour de l'existenced'une règle
généralede droit international interdisant les essais nucléaires en atmo-
sphère, il appartiendraità celle-cide se prononcer en mêmetemps sur le
caractèreet lecontenu précisde cette règleet, notamment, sur la question
de savoir si elle confèreà tout Etat le droit d'introduire individuellement
une action pour faire respecter cette règle. En résumé,la question de
1'(intèrêtjuridique >ne peut êtredissociéede la questionjuridique de fond
relativeà l'existenceetà la portéede la règlededroit international coutu-
mier qui est alléguéeN. ous admettons que l'existenced'une actiopopularis
en droit international est discutable, mais les observations émisespar la

Cour actuelle dans l'affaire de la Barcelona Traction, Ligltt and Power
Company, Limited, deuxièmepllase, C.I.J. Recueil 1970, page 32, suffi- 53. As to the rights said to be derived from the principle of the freedom
of the high seas, the question of "legal interest" once more appears
clearly to belong to the general legal merits of the case. Here, the existence
of the fundamental rule, the freedom of the high seas, is not in doubt,
finding authoritative expression in Article 2 of the Geneva Convention of

1958on the High Seas. The issues disputed between the parties under this
head are (i) whether the establishment of a nuclear weapon-testing zone
covering areas of the high seas and the superjacent air space are permis-
sible under that rule or are violations of the freedoms of navigation and
fishing, and (ii) whether atmospheric nuclear tests also themselves con-
stitute violations of the freedom of the seas by reason of the pollution of

the waters alleged to result from the deposit of radio-active fall-out. In
regard to these issues, the Applicant contends that it not only has a
general and common interest as a user of the high seas but also that its
geographical position gives it a special interest in freedom of navigation,
over-flight and fishing in the South Pacific region. That States have indi-
vidual as well as common rights with respect to the freedoms of the high

seas is implicit in the very concept of such freedoms which involve rights
of user possessed by every State, as is implicit in numerous provisions of
the Geneva Convention of 1958on the High Seas. It is, indeed, evidenced
by the long history of international disputes arising from conflicting asser-
tions of their rights on the high seas by individual States. Consequently,
it seems to us that it would be difficult to admit that the Applicant in the
present case is not entitled even to litigate the question whether it has a

legal interest individually to institute proceedings in respect of what she
alleges to be violations of the freedoms of navigation, over-flight and
fishing. This question, as we have indicated, is an integral part of the
substantive legal issues raised under the head of the freedom of the seas
and, in our view, could only be decided by the Court at the stage of the
merits.

54. Having regard to the foregoing observations, we think it clear
that none of the questions discussed in this part of our opinion would
constitute a bar to the exercise of the Court's jurisdiction with respect

to the merits of the case on the basis of Article 17 of the 1928 Act.
Whether regarded as matters of jurisdiction or of admissibility, they are
al1 either without substance or do "not possess, in the circumstances of
the case, an exclusively preliminary character". Dissenting, as we do,
from the Court's decision that the claim of New Zealand no longer has
any object, we consider that the Court should have now decided to pro-
ceed to pleadings on the merits.sent à démontrer que la question peut êtreconsidéréecomme susceptible
de faire l'objet d'une argumentation juridique rationnelle et d'être
valablement portée devant la Cour.
53. S'agissant du droit qui, selon la Nouvelle-Zélande, découle du
principe de la libertéde la haute mer, il parait clair là encore que le point

relatifà I'ccintérê jtridique ))fait partie de la question juridique générale
de fond. Dans ce cas, l'existence de la règle fondamentale, celle de la
libertéde la haute nier, n'est pas douteuse et est établiede façon autorisée
par l'article2 de la Convention de Genève de 1958sur la haute mer. Les
questions sur lesquelles les Parties sont en litige à ce propos sont les
suivantes: i) l'établissement d'une zone d'expérimentation d'armes nu-

cléairesenglobant des régionsde la haute mer et l'espace aérien surjacent
est-il admissible au regard de cette règle ou viole-t-il les libertés de la
navigation et de la pêche;ii) les essais d'armes nucléairesen atmosphère
constituent-ils également des violations de la libertédes mers en raison de
la pollution des eaux qui résulterait du dépôt de retombées radioactives?

Au sujet de ces questions, le demandeur soutient qu'il possèdenon seule-
ment un intérêt général e ctommun en tant qu'usager de la haute mer mais
aussi que sa situation géographique lui confère un intérêt particulierà ce
que soient respectées les libertés de la navigation, de survol et de la
pêchedans la régiondu Pacifique Sud. Que les Etats soient titulaires de

droits individuels et collectifs en ce qui concerne les libertésde la haute
mer, cela découlede la conception mêmede ces libertésqui implique que
tous les Etats ont des droits d'usage, ainsi qu'il ressort implicitement de
nombreuses dispositions de la Convention de Genève de 1958sur la haute
mer. D'ailleurs, l'existence de ces droits est démontrée parla longue suite
de différendsinternationaux qui sont nésau cours de l'histoire des reven-

dications contradictoires émisespar différents Etats quant à leurs droits
sur la haute mer. En conséquence, il nous semble difficile d'admettre que
le demandeur ne soit mêmepas fondé en l'espèceà essayer d'établir de-
vant la Cour qu'il a un intérêt juridiquepropre à introduire une instance
à l'égardd'actes qu'il considère comme des violations des libertés de la

navigation, de survol et de la pêche.Comme nous l'avons déjà dit, ce
point fait partie intégrante des questions juridiques de fond soulevéesà
propos de la libertédes mers et, selon nous, ne pouvait ètre tranché par
la Cour qu'au stade du fond.
54. Eu égardaux observationsqui précèdent,ilnous parait clair qii'au-

cune des objections examinées dans cette partie de notre opinion n'est
de nature à faire obstacle à l'exercice de la compétence de la Cour sur le
fond de l'affaire en vertu de l'article 17de l'Acte généralde 1928.Qu'elles
visent la compétence ou la recevabilité, ou bien elles sont dénuéesde
fondement, ou bien elles n'ont pas ((dans les circonstances de l'espèceun
caractère exclusiveinent préliminaire )).Ne souscrivant pas à la décision

de la Cour selon laquelle la demande de la Nouvelle-Zélande est désor-
mais sans objet, nous estimons que la Cour aurait dû décider d'examiner à
présent l'affaire au fond. 55. Sincewe are of the opinion that the Court hasjurisdiction and that
the case submitted to the Court discloses no ground on which Newa-
land's claims should be considered inadmissible, we consider that the
Applicant had a rightunder the Statute and the Rules to have the case
adjudicated. This right the Judgment takes away from the Applicant
by a procedure and by reasoning which, to our regret, we can only

consider as lacking any justification in the Statute and Rules or in the
practice and jurisprudence of the Court.

(Signed) Charles D. ONYEAMA.
(Signed) Hardy C. DILLARD.

(Signed) E. JIMENE ZEARÉCHAGA.

(Signed) H. WALDOCK. 55. Etant d'avis que la Cour a compétence et que l'affaire qui lui a été
soumise ne fait apparaître aucun motif permettant de considérer les de-
mandes de la Nouvelle-Zélande comme irrecevables, nous estimons que le
Statut et le Règlement donnaient au demandeur le droit de voir la Cour
statuer sur le différend. L'arrêtprive le demandeur de ce droit en se fon-

dant sur une procédure et un raisonnement auxquels nous ne pouvons, à
notre grand regret, trouver aucune justification ni dans le Statut et le
Règlement ni dans la pratique et la jurisprudence de la Cour.

(Signé) CharleD. ONYEAMA.

(Signé) Hardy C.DILLARD.

(Signé)E.JIMÉNE ZE ARECHAGA.

(Signé) H.WALDOCK.

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Opinion dissidente commune de MM. Onyeama, Dillard, Jiménez de Aréchaga et Sir Humphrey Waldock (traduction)

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